Grand schisme d'Occident...
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Re: Grand schisme d'Occident...
Comment des saints pouvaient se trouver dans les deux obédiences.
Réflexion de saint Antonin.
On s'étonnera de voir saint Vincent Ferrier dans l'obédience du Pape d'Avignon, Clément VII, et sainte Catherine de Sienne dans l'obédience du Pape de Rome, Urbain VI. Cela montre que la question était en elle-même, ou du moins avec la distance des temps et des lieux, devenue fort douteuse et embrouillée, et que, sauf les premiers auteurs de la division, le reste pouvait être dans la bonne foi de part et d'autre. Saint Antonin, archevêque de Florence, qui vivait peu après l'extinction du schisme, dit à ce sujet :
« On disputa beaucoup sur cette matière; on écrivait beaucoup pour la défense de l'un et de l'autre parti. Tout le temps que dura le schisme chaque obédience avait pour soi des hommes très-habiles dans l'Écriture et dans le droit canon, et même des personnes très-pieuses, et, qui plus est, illustres par le don des miracles. Cependant la question ne put jamais être si bien décidée qu'elle ne laissât toujours du doute dans l'esprit d'un grand nombre ; car, encore qu'il faille croire que, comme il n'y a pas plusieurs Églises catholiques, mais une seule, aussi n'y a-t-il qu'un seul vicaire de Jésus-Christ qui en soit le pasteur, cependant, s'il arrive que, par un schisme, on élise plusieurs Papes en même temps, il ne paraît pas qu'il soit nécessaire au salut de croire que c'est celui-ci en particulier ou celui-là qui est le vrai Pape, mais en général celui d'entre eux qui est élu canoniquement. Or les peuples ne sont point obligés de savoir quel est celui qui est élu canoniquement, de même qu'ils ne sont point obligés de savoir le droit canon ; mais ils peuvent en cela suivre le sentiment de leurs supérieurs et de leurs prélats 1. » Ainsi parle saint Antonin.
La cause première de ce doute universel étaient les variations des cardinaux français. Pendant plusieurs mois ils disent à tout l'univers que le Pape Urbain VI est le Pape légitime ; ensuite ils commencent à dire le contraire. Les dispositions des principaux témoins se contredisant ainsi et se détruisant elles-mêmes, l'univers restait dans l'incertitude. Il y avait schisme, il y avait division, dont les premiers auteurs sont coupables devant Dieu et devant les hommes ; mais, nous parlons de la multitude, il n'y avait point de schismatiques formels, il n'y avait point de chrétiens qui sciemment et volontairement se fussent séparés d'un Pape certainement et notoirement légitime.
Le Pape d'Avignon, Clément VII, étant mort le 6 septembre 1394, Pierre de Lune, le 28 du même mois, fut élu par ses adhérents pour lui succéder. Comme il avait pour saint Vincent Ferrier une estime particulière…
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1S. Antonin, part. 3, tit. 22, chap. 2.
A suivre : Travaux apostoliques, miracles et vertus de saint Vincent Ferrier.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Grand schisme d'Occident...
Travaux apostoliques, miracles et vertus de saint Vincent Ferrier.
Le Pape d'Avignon, Clément VII, étant mort le 6 septembre 1394, Pierre de Lune, le 28 du même mois, fut élu par ses adhérents pour lui succéder. Comme il avait pour saint Vincent Ferrier une estime particulière, il lui écrivit aussitôt pour l'appeler auprès de lui, le fit son confesseur et maître du sacré palais.
Vincent se rendit à Avignon, où son zèle pour le salut des âmes et son attachement aux devoirs de sa profession l'occupèrent beaucoup plus que la conscience du Pontife. Cependant, pour ne pas laisser périr celui qui se croyait le pasteur pendant que le troupeau se sauvait par son ministère, il eut le courage de montrer à Benoît combien ii était nécessaire de faire finir le schisme qui divisait l'Église. Il lui représenta fortement qu'il devait préférer de passer le reste de ses jours dans l'indigence plutôt que de voir les fidèles désunis plus longtemps, et il employa toute son éloquence à lui insinuer qu'il était dans l'obligation de se démettre d'une autorité qui paraissait illégitime. Benoît ne se rendit pas à une proposition qui lui paraissait trop dure ; il se contenta, pour satisfaire son confesseur, d'assembler les prélats et les plus habiles gens d'entre ceux qui suivaient sa cour, et de leur proposer l'affaire. Elle fut agitée pendant plusieurs mois, mais sans succès, parce que Benoît avait de la peine à céder.
Vincent, le voyant si peu disposé à sacrifier ses intérêts et son ambition au repos de l'Église, prit d'autres mesures; il se donna des mouvements infinis auprès de l'empereur Sigismond, qui était alors en Catalogne, auprès de Charles VI, roi de France, et de Martin, roi d'Aragon, pour les déterminer à faire enfin cesser une division si scandaleuse, en sorte qu'on peut regarder comme un effet de ses soins la résolution qu'on prit d'assembler le concile de Constance, qui mit fin au schisme.
Mais, avant qu'il s'assemblât, Vincent fut attaqué d’un(e) fièvre très-violente, qui, au bout de douze jours, le réduisit à l'extrémité. On n'attendait plus que sa mort, lorsque, dans la plus grande ardeur de son mal, il eut, dit son premier historien, une apparition dans laquelle il vit Jésus-Christ, accompagné d'une multitude d'anges, de saint Dominique, de saint François, qui, après lui avoir prédit que l'Église serait bientôt en paix, lui ordonnaient de quitter la cour de Benoît, d'aller prêcher les vérités évangéliques dans toutes les provinces d'Espagne et de France, d'inculquer particulièrement la crainte du jugement, et de faire voir que ce grand jour, qui doit décider du sort de l'univers, n'était pas éloigné. Il ajoutait qu'il mourrait pourtant avant ce terrible jour et qu'il finirait heureusement sa course dans une extrémité de la terre. Vincent fut aussitôt guéri.
Il se leva pour rendre compte à Benoît de cette vision…
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Louis- Admin
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Travaux apostoliques, miracles et vertus de saint Vincent Ferrier.
(suite)
Il se leva pour rendre compte à Benoît de cette vision, prendre congé de lui et obtenir la permission d'exécuter les ordres du Ciel. Benoît entrait en même temps au couvent des Frères prêcheurs d'Avignon pour le visiter, parce qu'on avait dit qu'il était à ses derniers moments. Il fut bien surpris de le trouver guéri, et encore plus d'entendre ce qu'il demandait. Il employa toutes les caresses imaginables pour le retenir à sa cour: il lui proposa l'évêché de Valence, qui venait de vaquer; il lui en offrit d'autres; enfin il voulut lui donner le chapeau du cardinal. Vincent refusa, sans les mépriser, des faveurs si éminentes; mais, se trouvant appelé à un ministère qui ne lui permettait pas de se fixer à quelque diocèse en particulier, ni de s'arrêter à la cour, il ne demanda pour toute grâce au Pape que d'être autorisé à suivre sans délai sa vocation. Benoît et ses cardinaux respectèrent la destination qu'ils se persuadèrent que Dieu avait faite de Vincent pour les travaux apostoliques, et, lui donnant pour le ministère de la parole et de la pénitence tout le pouvoir d'un légat du Saint-Siège, ils lui permirent de prêcher, en qualité de missionnaire apostolique, partout où bon lui semblerait.
Vincent avait alors quarante ans et commença aussitôt les pénibles fonctions qui l'occupèrent jusqu'à la fin de sa vie. Après avoir prêché pendant quelque temps à Avignon il passa en Catalogne et y travailla pendant les années 1398 et 1399. Il sortit de Barcelone en 1400, et vint par mer en Provence. Il séjourna à Aix depuis le 27 octobre jusqu'au 1er décembre et depuis le 5 jusqu'au 10 janvier de l'an 1401. De là il passa en Piémont et en Lombardie, où, voyant dans son auditoire un jeune religieux de Saint-François, il prédit à toute l'assemblée que, parmi ceux qui l'écoutaient, il y avait un Frère mineur, c'était Bernardin de Sienne, qui serait un jour un grand saint, honoré de toute l'Église. En effet saint Bernardin fut canonisé le 24 mai de l'an 1450, cinq ans et trente-six jours avant celui qui faisait cette prédiction. Saint Vincent passa de Lombardie en Savoie, et en 1403 il écrivit de Genève, le 17 décembre, à son général, maître Jean de Puynoix, pour lui rendre compte de ses travaux, comme il le faisait à certaines époques, par esprit de soumission et d'obéissance. Voici cette lettre :…
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Louis- Admin
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… Voici cette lettre :
« La suite non interrompue de mes occupations ne m'a point laissé la liberté de vous écrire, mon Révérend Père, comme il convenait. Depuis mon départ de Romans je me suis toujours trouvé et je me trouve encore continuellement assiégé d'une foule de peuple auquel il faut souvent rompre le pain de la parole. Après avoir chanté la messe je prêche deux ou trois fois par jour, et avec cela, obligé sans cesse de voyager, je puis à peine me ménager quelques courts moments pour prendre un peu de repos et quelque nourriture. Je fais toujours ma route et prépare mes sermons en même temps. Cependant, de crainte que Votre Révérence n'attribuât peut-être mon trop long silence à quelque négligence ou à un coupable oubli, j'ai pris un moment sur mes occupations pour marquer de mois en mois, ou de semaine en semaine, la suite de mes missions et pour vous en rendre compte.
« Vous saurez donc, mon Révérend Père, qu'après notre dernière entrevue à Romans j'employai trois mois entiers à parcourir le Dauphiné, annonçant la parole de Dieu dans toutes les villes, dans les bourgs et les villages où je n'avais pas encore prêché; mais je m'arrêtai principalement dans les trois fameuses vallées du diocèse d'Embrun, dont l'une est appelée Luzerna, l'autre Argenteya et la troisième Vaupute. Quoique tout ce pays, où je suis revenu deux ou trois fois, soit rempli d'hérétiques, le peuple y écoutait la parole de Dieu avec tant de dévotion et de respect qu'après y avoir planté la foi par le secours du Ciel j'ai cru devoir y reparaître encore de nouveau pour confirmer les fidèles dans la profession des vérités qu'ils avaient embrassées avec un si louable empressement.
« Je suis entré depuis dans la Lombardie, à la prière de plusieurs personnes, dont quelques-unes m'avaient invité par leurs lettres et quelques autres s'étaient rendues auprès de moi pour m'y conduire. Pendant treize mois je n'ai point discontinué d'annoncer l'Évangile à tous ces peuples dans les villes et les châteaux qui se trouvent de l'une ou de l'autre obédience. J'ai pénétré ensuite dans le Montferrat et dans quelques autres pays au delà des Alpes, où j'ai trouvé un grand nombre de vaudois et plusieurs autres hérétiques fort répandus, surtout dans le diocèse de Turin. En parcourant avec soin ces différentes contrées, sans cesser de combattre le vice et l'hérésie, j'ai la consolation de voir que l'on s'empressait toujours davantage d'écouter les vérités de la foi et de les recevoir avec soumission. Il est vrai que la grâce du Seigneur soutenait visiblement mon ministère et confirmait par des signes les paroles de salut que j'annonçais à ces pauvres peuples.
« La principale source de ces erreurs et de ces hérésies, autant que j'ai pu le découvrir, c'est la profonde ignorance ou le défaut d'instruction…
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Louis- Admin
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« La principale source de ces erreurs et de ces hérésies, autant que j'ai pu le découvrir, c'est la profonde ignorance ou le défaut d'instruction. Plusieurs habitants du pays m'ont assuré qu'il y avait plus de trente ans qu'on n'y avait vu ni entendu d'autres prédicateurs que quelques ministres des vaudois qui avaient coutume d'y venir de la Pouille deux fois l'année. C'est, mon Révérend Père, ce qui me fait rougir et trembler en même temps, en considérant le terrible compte qu'auront à rendre au souverain Pasteur les supérieurs ecclésiastiques et tous ceux qui, par leur état et par leur profession, sont obligés d'aller chercher ces pauvres gens pour les instruire et qui cependant pensent si peu à remplir ce devoir. Tandis que les uns se reposent tranquillement dans leurs riches palais ou dans leurs maisons commodes, les autres ne veulent exercer leur ministère que dans les grandes villes, laissant ainsi périr des âmes que Jésus-Christ a rachetées par l'effusion de son sang. Faute d'un charitable ministre qui rompe le pain de la parole à ces gens oubliés ou méprisés, ils vivent dans l'erreur et meurent dans le péché, et, aujourd'hui plus que jamais, il est vrai que la moisson est grande et le nombre des ouvriers très-petit. Je fais des prières continuelles pour demander au Maître de la moisson d'y envoyer lui-même des ouvriers.
« Dans une autre vallée, nommée Luféria, j'ai rencontré un évêque des hérétiques, qui, n'ayant pas refusé d'entrer en conférence avec moi, a enfin ouvert les yeux à la lumière et embrassé la foi de l'Eglise. Je passe ici sous silence tout ce qui regarde les écoles des vaudois et ce que j'ai fait pour les détruire, ainsi que les abominations d'une autre secte renfermée dans une vallée nommée Pontia. Je bénis le Seigneur de la docilité avec laquelle ces sectaires ont renoncé à leurs faux dogmes et à toutes leurs coutumes également criminelles et superstitieuses. Un autre vous apprendra de quelle manière on m'a reçu dans une certaine contrée où les meurtriers de saint Pierre, martyr, s'étaient autrefois réfugiés. Je ne parlerai pas non plus de la réconciliation des Guelfes et des Gibelins, et de la pacification générale qui, dans ces quartiers, a heureusement succédé à un grand nombre de factions. Il vaut mieux taire tout cela et rendre à Dieu seul toute la gloire de ce qu'il a daigné faire par mon faible ministère pour l'honneur de son saint nom et le salut des âmes.
« De Lombardie j'ai été appelé en Savoie par les instances réitérées de plusieurs évêques…
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Louis- Admin
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« De Lombardie j'ai été appelé en Savoie par les instances réitérées de plusieurs évêques et de quelques seigneurs du pays, où, pendant cinq mois, je n'ai point cessé d'aller de ville en ville et de bourg en bourg, en parcourant tous les endroits des quatre principaux diocèses d'Aoste, de Tarentaise, de Saint-Jean-de-Maurienne, de Grenoble, qui a une grande partie de son territoire dans la Savoie, et je me trouve à présent dans celui de Genève, où, parmi plusieurs autres superstitions criminelles qu'il faut combattre, il y en a une fort répandue et déjà consacrée par un ancien usage, suivant lequel, tous les ans, après qu'on a célébré la fête du corps de Jésus-Christ, les peuples s'assemblent de nouveau pour en solenniser une autre sous le nom imaginaire de Saint-Orient. Les religieux et les curés mêmes du pays, quoiqu'ils condamnent tous cette détestable superstition, m'ont cependant avoué qu'ils n'osent plus la combattre publiquement, retenus par la crainte des peuples, qui, non contents de leur refuser à l'avenir leurs aumônes, attenteraient à la vie du prédicateur. Dieu m'a fait la grâce de mépriser ces vaines terreurs, et la divine parole, que je ne me lasse point d'annoncer, a eu déjà la force de déraciner entièrement l'impiété. Ces mêmes peuples, qui s'y étaient si longtemps livrés avec une aveugle fureur, paraissaient aujourd'hui tout confus de s'être ainsi égarés en s'éloignant de la pureté de la foi.
« Dès que je les verrai bien affermis dans ces sentiments de conversion je suis résolu de pénétrer dans le diocèse de Lausanne, où j'apprends que le paganisme règne encore. Les peuples, surtout ceux de la campagne, y font profession ouverte d'adorer le soleil et d'adresser tous les matins leurs vœux et leurs prières à cet astre. L'évêque de Lausanne, qui a fait deux ou trois journées pour venir m'inviter à entreprendre cette mission, rapporte que les hérétiques sont en grand nombre dans son diocèse, principalement dans les villes frontières de l'Allemagne et de la Savoie. On assure de plus que ces sectaires sont naturellement fiers, téméraires et audacieux, mais le Seigneur est ma force, et je ne mets ma confiance que dans son secours. Ayant déjà promis de me rendre dans ces contrées, je pourrai y arriver dans le carême prochain. Quelle que soit la volonté de Dieu, je l'adorerai avec soumission.
« Je me recommande humblement à Votre Révérence. Le Père Antoine, compagnon de mes voyages, fait de même. Nous prions le Seigneur de vous conserver longtemps pour l'exemple de nos frères et le soutien de la vie régulière. Ainsi soit-il. Je finis cette lettre dans la ville de Genève, le 17 décembre 1403. Frère Vincent, de l'ordre des Frères prêcheurs, inutile serviteur de Jésus-Christ et votre très-humble fils. »
De Genève, où il écrivit cette lettre à son général, Vincent Ferrier passa en Lorraine…
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Louis- Admin
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De Genève, où il écrivit cette lettre à son général, Vincent Ferrier passa en Lorraine, et longtemps on a conservé à Toul la chaire dont il s'était servi dans ses prédications. L'an 1405 Benoît XIII le fit venir à Gênes, où il se rendit au mois de mai. Il y reçut du doge beaucoup de marques de respect et de considération; mais, quoiqu'on le sollicitât de se servir du crédit qu'il avait auprès du magistrat afin de sauver la vie à un homme de Valence, condamné à mort pour ses crimes, il avait tant de zèle pour la justice que, quoique le criminel fût de son pays, il ne crut pas devoir s'employer à en arrêter le cours en faveur d'un sujet qui ne le méritait pas. Tout ce qu'il jugea pouvoir faire, ce fut d'obtenir quelque consolation au criminel en faisant changer le genre de son supplice.
Après avoir passé un mois à Gênes il parcourut toute la côte maritime de cette république, d'où il rentra en France; il se rendit ensuite dans les Pays-Bas. Ce fut là que le roi d'Angleterre, instruit de toutes les merveilles que la renommée publiait de lui, l'envoya prier de venir dans son royaume. Il y alla, et, après avoir parcouru l'Angleterre, l'Ecosse et l'Irlande, il revint en France et fut quelque temps dans les provinces de Gascogne et de Poitou. En l'an 1407 il alla en Auvergne et prêcha le carême à Clermont. La chaire qui lui avait servi en ce lieu fut depuis partagée en deux, dont une moitié se conservait dans l'église cathédrale et l'autre dans le couvent de son ordre. Il s'embarqua à Marseille à la fin de l'année et se rendit à Grenade, où l'avait appelé le roi musulman Abenalua-Mahoma, fils du roi Joseph, avec promesse de le laisser prêcher librement dans tout son royaume. Vincent, qui avait déjà converti un nombre prodigieux de mahométans et de Juifs, avait eu beaucoup de joie de voir dans le roi de Grenade de si heureuses dispositions ; il prêcha trois fois en sa présence et fut écouté avec une attention merveilleuse ; mais, comme on vit le peuple ébranlé et prêt à demander le baptême, les grands du royaume firent entendre au roi qu'il se mettrait au hasard de perdre sa couronne s'il souffrait plus longtemps qu'on prêchât contre la loi musulmane. Il fallut donc renvoyer le saint missionnaire, qui alla porter le flambeau de la parole de Dieu dans les pays de Valence et de Catalogne.
On y voit encore, dans les actes publics, des témoignages authentiques de l'efficacité de ses discours dans les traités de réunion…
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Louis- Admin
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On y voit encore, dans les actes publics, des témoignages authentiques de l'efficacité de ses discours dans les traités de réunion par lesquels on abolit la mémoire des divisions funestes, qui, après avoir fait périr beaucoup de monde, paraissaient encore sans remède si Dieu ne se fût servi d'un homme aussi puissant en paroles et en œuvres que l'était Vincent. Ce fut aussi dans ces cantons que, par la bénédiction de Dieu, il nourrit deux mille hommes et plus avec quinze pains seulement. Il vint à Barcelone, le 15 juin, rendre visite au roi Martin d'Aragon, qui lui avait écrit pour le prier d'y venir. Ce fut lui dont on se servit pour apprendre à ce prince la mort de Martin, son fils, roi de Sicile, arrivée le 15 juillet. Le roi d'Aragon se remaria ensuite, et Vincent célébra la messe des épousailles, qui furent faites en présence de Benoît XIII, le 16 septembre. De là le saint se rendit à Tortose, d'où ayant passé dans le royaume de Valence, en 1410, il prédit la mort du roi d'Aragon huit jours avant qu'elle arrivât. Ce prince mourut le 10 mai de la même année, et, comme il ne laissait point d'enfants, sa succession donna lieu à de grandes contestations. Ce fut pour Vincent une raison de se rendre moins difficilement aux prières des habitants de Florence et de quelques autres villes d'Italie, qui l'invitèrent à passer la mer et à venir travailler à la réformation de leurs mœurs. Il prêcha donc pendant quelque temps à Pise, à Sienne, à Florence et à Lucques, et, étant parvenu à Port-Vendres, dans la rivière de Gênes, il y reçut des lettres par lesquelles le roi Jean de Castille le priait de revenir.
Il passa l'an 1414 et les quatre années…
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Louis- Admin
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Il passa l'an 1414 et les quatre années suivantes en diverses parties d'Espagne, prêchant toujours avec un très-grand fruit et faisant presque toujours des miracles très-surprenants. On remarque, entre les autres succès de ses prédications, qu'il convertit plusieurs milliers de Juifs à Tolède et qu'il changea leur synagogue en une église de la sainte Vierge. Ce fut dans ce même lieu que, célébrant la sainte messe, il apprit par révélation la sainte mort de sa sœur, et en fit part au peuple dans un sermon qu'il leur prêcha immédiatement après être descendu de l'autel.
Il resta malade à Tolède pendant six semaines, et, aussitôt qu'il fut guéri, il obtint du roi, contre les Juifs et les Maures, un édit par lequel il était ordonné qu'ils ne demeureraient point avec les chrétiens, qu'ils seraient séparés d'eux d'habitation, et qu'ils porteraient quelque marque extérieure qui les distinguerait des autres habitants du pays.
Prêchant à Salamanque au commencement de l'an 1412, il vit porter en terre le corps d'un homme qui avait été tué. Il fit approcher le cercueil, et, au nom de Jésus-Christ, commanda au mort de ressusciter. Le mort recouvra aussitôt la vie, et, en mémoire de ce miracle, on dressa au même lieu une croix de pierre.
Cependant les contestations duraient toujours au sujet de la succession au royaume d'Aragon; on finit par convenir de remettre cette grande affaire à la décision de neuf arbitres, au nombre desquels se trouva Vincent, avec Bernard Ferrier, son frère. Enfin la couronne d'Aragon fut décernée à Ferdinand, infant de Castille, par sentence arbitrale du 24 juin de cette même année 1412. Ferdinand vint bientôt à Saragosse et à Lérida, où Vincent, qui l'avait aidé à monter sur le trône, employa ses soins, tant dans le tribunal de la pénitence que hors de ce tribunal, à lui apprendre le moyen de régner dans le ciel après avoir régné sur la terre.
Voici quelle était la manière de vivre de saint Vincent Ferrier dans ses voyages et ses missions...
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Voici quelle était la manière de vivre de saint Vincent Ferrier dans ses voyages et ses missions. Il ne reposait que cinq heures; le reste de la nuit il le donnait à la prière ou à la lecture de l'Écriture sainte. Le matin il se rendait au lieu où il devait prêcher. Il commençait par chanter la messe ; il prêchait ensuite, et, le sermon fini, pour satisfaire à la dévotion du peuple, qui l'accablait par un concours prodigieux, il donnait ses mains à baiser et faisait le signe de la croix sur les malades qu'on lui présentait et qui ordinairement se trouvaient guéris. II se servait habituellement de la même formule de prières pour bénir les malades. Il commençait par ces paroles de Jésus-Christ à ses apôtres, rapportées dans le dernier chapitre de saint Marc : « Ceux qui auront cru feront les prodiges suivants, etc. ; ils mettront les mains sur les malades, et les malades seront soulagés. » Il ajoutait ensuite : « Que Jésus, fils de Marie, Sauveur et Seigneur du monde, qui vous a attiré à la foi catholique, daigne vous y conserver et vous donner la béatitude, et vous délivrer de cette infirmité. Amen. »
Il mangeait peu, se contentait de poisson, ne pouvait souffrir qu'on apportât beaucoup de soin et d'art à l'accommoder, persuadé que ces délicatesses ne conviennent point à l'état religieux. Depuis son entrée dans l'ordre des Frères prêcheurs jusqu'au jour de sa mort il ne mangea de viande que lorsqu'il y fut contraint par de pressantes nécessités. Il ne voulait qu'un plat ; son vin était toujours affaibli par une grande quantité d'eau; il ne buvait jamais plus de trois coups à chaque repas. En un mot il observa toute sa vie, avec une exactitude scrupuleuse, toutes les constitutions et les règles les plus sévères de son ordre, et même jusqu'aux cérémonies les plus indifférentes qui y sont prescrites. Pendant quarante ans il jeûna presque tous les jours, excepté les dimanches.
Dans ses voyages il allait à pied, un bâton à la main ; telle fut constamment, pendant quinze ans, sa manière d'agir; mais, ayant eu enfin une jambe incommodée et ne pouvant plus marcher qu'avec peine, il se servit d'un âne pour se faire porter de ville en ville. Il couchait sur des fagots de sarment ou sur la paille, avec un sac de laine pour oreiller. Il ne s'est jamais dépouillé devant personne, pas même devant ceux de ses frères avec lesquels il vivait le plus familièrement. Depuis sa première jeunesse il ne manqua jamais de se donner la discipline toutes les nuits avec des cordes nouées, tant pour dompter son corps que pour honorer les souffrances du Sauveur par ce douloureux exercice. On remarque même une chose surprenante : c'est que, quand il était malade et que ses bras affaiblis se refusaient à son zèle, il contraignait ses confrères à lui donner la discipline, et les conjurait, au nom de Jésus-Christ, de frapper sans ménagement et de toute leur force.
Comme il ne pouvait suffire seul à ce que son emploi demandait de lui…
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Louis- Admin
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Comme il ne pouvait suffire seul à ce que son emploi demandait de lui, il avait associé à ses travaux apostoliques cinq de ses confrères : Pierre Rayna, Jean de Beaupré, qu'il avait trouvé étudiant à Toulouse et avait gagné à l'ordre de Saint-Dominique, Raphaël Cardoa, Geoffroi Blannès et Pierre Cerdan, tous hommes de mérite, d'une vie sainte, et qui avaient l'estime de tout le monde, mais surtout les deux derniers, qui se distinguaient par leur doctrine et auxquels Dieu ne refusa pas la grâce des miracles.
La considération de la grande multitude de peuple qui le suivait ordinairement, soit pour faire pénitence, soit pour profiter de ses instructions et des exemples de sa sainte vie, l'avait engagé à y établir un certain ordre, tant pour entretenir et augmenter la dévotion que pour assurer les fruits, de sa doctrine et de ses prédications. Il menait avec lui beaucoup de prêtres, qu'il avait tirés de différents ordres religieux, qui étaient chargés d'entendre les confessions et de servir tant à la messe solennelle qu'à la célébration des offices divins. Son attention était allée jusqu'à faire provision d'un orgue qui le suivait dans tous ses voyages, pour contribuer par l'harmonie à exciter ceux de sa suite à louer Dieu avec plus d'affection. Il menait aussi des notaires avec lui pour fixer, par des actes publics, la légèreté et l'inconstance de ceux qui, après s'être réconciliés avec leurs ennemis, auraient ensuite pu être tentés de se repentir de la bonne action qu'ils avaient faite.
Il voulait que ceux qui le suivaient pour faire pénitence fissent des processions publiques, après le coucher du soleil, dans les villes et autres lieux où ils se trouvaient, en chantant des hymnes qu'il leur avait composées lui-même en se donnant la discipline sur les épaules nues, disant à haute voix ; « En mémoire de la Passion de Jésus-Christ et pour la rémission de mes péchés. » Ces gens, pénétrés de componction, s'acquittaient de ces exercices avec une édification si touchante que les habitants des lieux se laissaient entraîner au désir de les imiter, et, embrassant la pénitence, quittaient tout pour suivre le saint homme, en si grand nombre qu'on a vu quelquefois jusqu'à dix mille personnes dans cette société de pénitents. Outre ceux-là le nombre des autres qui accouraient de toutes parts pour entendre saint Vincent s'est trouvé assez souvent d'environ quatre-vingt mille hommes. On a remarqué, au sujet de ces pénitents, que, quoique la flagellation se fît quelquefois en des temps que le froid, le vent et la pluie rendaient très-fâcheux, il n'est cependant jamais arrivé que personne en ait eu la moindre incommodité.
Afin qu'il n'arrivât point de confusion dans une aussi grande multitude…
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Louis- Admin
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Travaux apostoliques, miracles et vertus de saint Vincent Ferrier.
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Afin qu'il n'arrivât point de confusion dans une aussi grande multitude, Vincent avait fait choix de quelques personnes d'une réputation et d'une conduite hors de tout soupçon, qu'il avait chargées du soin de pourvoir aux vivres et au logement, et surtout de séparer les hommes des femmes, encore avec plus de précaution qu'il n'en prenait pour séparer les clercs des laïques. Toutes les aumônes qu'on lui donnait il les distribuait à ses disciples, à chacun selon ses besoins, et employait le reste au soulagement des pauvres. Il ne voulait pas que ceux de sa compagnie reçussent de l'argent et ne leur permettait d'accepter que ce qui leur était nécessaire pour la provision de chaque jour. Les consuls de Béziers lui présentèrent une fois trente écus d'or en aumône; il les refusa à son ordinaire ; mais les consuls firent de si grandes instances pour le prier d'accepter leur offrande que le saint, n'osant manquer de respect aux noms de Jésus-Christ et de la sainte Vierge, qu'ils avaient employés pour le fléchir, prit véritablement l'or qu'ils lui offraient; mais il le donna sur-le-champ à l'un de ses compagnons, avec ordre de le distribuer aux pauvres, aux orphelins et aux veuves, avant qu'il sortît de la ville.
Il reprenait avec une autorité pleine de hardiesse les vices non-seulement du peuple, mais encore des princes et des prélats, et n'épargnait personne de ceux dont la conduite scandaleuse était digne de blâme. Il avait pourtant cette modération et ce ménagement à l'égard des ecclésiastiques de sauver l'honneur de leur caractère en leur faisant la réprimande en particulier. Il en usait de même à l'égard des religieuses qui avaient donné lieu de parler d'elles peu avantageusement. Son cœur renfermait une source inépuisable de cette onction qui se répandait dans ses discours ; on la remarquait surtout lorsqu'il célébrait la messe; la dévotion tendre dont il était animé lui faisait couler une si grande abondance de larmes des yeux, quand il était prêt à recevoir le corps et le sang de Jésus-Christ, que ses larmes excitaient celles de la nombreuse multitude qui l'accompagnait toujours.
Le fruit de ses prédications fut si grand que l'on compte plus de…
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Travaux apostoliques, miracles et vertus de saint Vincent Ferrier.
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Le fruit de ses prédications fut si grand que l'on compte plus de cent mille hommes qui vivaient dans le dérèglement et qu'il mit dans les pratiques d'une pénitence salutaire. Il était impossible de résister à la véhémence de ses paroles ; elles pénétraient dans les cœurs les plus corrompus et détachaient les âmes criminelles de leurs plus attrayantes habitudes. On en voyait, de jour à autre, qui, ne pouvant plus supporter le poids de leurs péchés, se produisaient devant cette nombreuse multitude qui suivait saint Vincent, et faisaient un aveu public de leurs fautes, sans se mettre en peine de se couvrir de confusion devant les hommes pourvu que la pénitence pût les réconcilier avec Dieu. Mais, quoiqu'on fût presque toujours infailliblement vaincu et confondu par cet admirable prédicateur, on s'attachait cependant à le suivre dès qu'on avait une fois commencé de l'entendre, et l'on trouvait une douceur infinie à ne point contester la victoire à l'Esprit-Saint qui parlait en lui. Il insistait le plus ordinairement sur trois points : la Passion du Sauveur, le jugement qu'il doit porter des vivants et des morts, et les peines de l'enfer. Quand il était sur ces matières, son éloquence, jointe à sa piété, exprimait si vivement ce qu'il sentait en lui-même que tout l'auditoire, pénétré de crainte et de douleur, forçait très-souvent le prédicateur au silence par le bruit des gémissements, plus grand que celui de sa voix. Lorsqu'il expliquait quelques endroits de l'Écriture sainte il le faisait avec autant de clarté que d'abondance. Tout ce qu'il avançait pour la correction des mœurs, il le prouvait solidement par les passages précis de l'Écriture sainte et des Pères de l'Église. Sa mémoire, qui était d'une vaste étendue, lui fournissait, avec une facilité et une fidélité surprenantes, les exemples et les passages qui lui étaient nécessaires.
Il n'est pas si difficile de persuader la pénitence et la sainteté à des personnes qui ont vieilli dans le crime que de convaincre de la vérité du christianisme les Juifs et les mahométans. On compte cependant plus de vingt-cinq mille Juifs convertis par le ministère de saint Vincent dans les divers cantons de l'Espagne et autant de musulmans. Parmi les fruits de ces prédications furent un grand nombre de monastères et d'hôpitaux fondés, d'églises bâties, de ponts édifiés sur des passages dangereux; la paix rétablie dans les villes, les haines les plus cruelles apaisées, l'impudicité réprimée, l'usure abolie. Quand il prêchait ces multitudes de peuple dans les places des villes et dans les campagnes, sa voix prenait un tel essor qu'on l'entendait depuis les premiers rangs jusqu'aux derniers. Dieu renouvelait en sa faveur le miracle de la Pentecôte ; quoique Vincent ne prêchât qu'en sa langue maternelle de Valence, ou en latin, il était entendu par des Grecs, des Allemands, des Sardes, des Hongrois, des bas Bretons et autres étrangers, hommes, femmes et enfants, qui ne savaient point d'autres langues que la leur 1.
On le voit, si l'Église catholique était divisée par l'incertitude sur la personne de son chef visible, elle était toujours unie et animée par l'Esprit de son Chef invisible, par l'Esprit de Dieu ; car Vincent Ferrier prêchait, convertissait, faisait des miracles, attirait la foule des peuples dans l'une et l'autre obédience. Les peuples reconnaissaient en lui le même Esprit de Dieu qu'en sainte Catherine de Sienne et en sainte Catherine de Suède.
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1 Acta SS, 5 avril, c. 3. Vies des Saints de Bretagne , t. 3
A suivre : Dernières actions, extases et mort de sainte Catherine de Sienne.
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Dernières actions, extases et mort de sainte Catherine de Sienne.
Sainte Catherine de Sienne avait terminé sa vie sainte le 27 avril 1380, à Rome, où le Pape Urbain VI l'avait fait venir pour être plus à portée de profiter de ses conseils. Il forma même le projet de la députer, avec sainte Catherine de Suède, vers Jeanne, reine de Naples, qui s'était déclarée pour le Pape d'Avignon, Clément VII, mais cette députation n'eut point lieu. Le Père Raymond de Capoue, directeur et biographe de Catherine de Sienne, craignit et fit craindre au Pape que les suites de cette députation ne fussent dangereuses pour les deux servantes de Dieu. Catherine répondit tout haut à Raymond : « Si Agnès et Marguerite, et les autres saintes vierges, avaient ainsi pensé, jamais elles n'auraient acquis la couronne du martyre. Est-ce que nous n'avons pas un Époux qui puisse nous arracher aux mains des impies et conserver notre pureté au milieu d'hommes corrompus ? Ce sont là de vaines pensées, qui procèdent d'un manque de foi plus que d'une véritable prudence. » La sainte, ne pouvant aller vers la reine de Naples, lui écrivit plusieurs lettres pressantes, mais qui demeurèrent sans effet. Nous avons vu quelle fut la fin tragique de cette princesse.
Catherine de Sienne voyait avec la plus vive douleur les maux de l'Église. Pendant qu'elle était à Rome il se forma dans cette ville même une conspiration contre la vie du Pape Urbain VI. Catherine conjurait nuit et jour son céleste Époux de ne point permettre un pareil forfait. Elle vit toute la ville pleine de démons qui excitaient le peuple à ce parricide et poussaient des cris horribles contre la pieuse vierge en prières. Au lieu de leur répondre elle priait le Seigneur avec plus d'instances, pour l'honneur de son nom et le salut de son Église, de frustrer entièrement les désirs des démons, de protéger son vicaire et de préserver le peuple d'un crime aussi énorme. Le Seigneur répondit que, ce dernier crime mettant le comble à tous les autres, il exterminerait ce peuple rebelle pour satisfaire à sa justice. Catherine implora sa miséricorde pendant plusieurs jours et plusieurs nuits de suite, et enfin, pour satisfaire à sa justice irritée, elle s'offrit à endurer toutes les peines que ce peuple avait méritées. Le Seigneur se tut. L'effervescence du peuple se calma peu à peu; mais toute la rage des démons s'exerça contre la sainte, depuis le dimanche de la Sexagésime, 29 janvier, jusqu'au jour de sa mort, 29 avril, dimanche avant l'Ascension.
Le désir qu'elle éprouvait de quitter cette terre pour contempler Dieu face à face augmentait de jour en jour, et plus ce désir augmentait, plus aussi Dieu répandait en son âme la lumière surnaturelle. Deux ans avant sa mort la vérité se manifestait à elle d'une manière si claire qu'elle pria des scribes de mettre par écrit ce qu'elle dirait pendant ses extases. On recueillit ainsi en peu de temps un livre sur l'obéissance, qui contient un dialogue entre une âme et le Seigneur. En voici la récapitulation dans l'avant-dernier chapitre : …
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Dernières actions, extases et mort de sainte Catherine de Sienne.
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… On recueillit ainsi en peu de temps un livre sur l'obéissance, qui contient un dialogue entre une âme et le Seigneur. En voici la récapitulation dans l'avant-dernier chapitre :
« Maintenant donc, très-chère fille, j'ai satisfait à votre désir, depuis le commencement jusqu'à la fin, touchant l'obéissance. Si vous vous souvenez bien, vous m'avez demandé, d'abord avec un désir inquiet, comme je vous ai fait demander pour vous faire croître dans le feu de la charité, vous m'avez demandé, dis-je, quatre choses : l'une pour vous-même, à quoi j'ai satisfait en vous illuminant de la lumière de ma vérité et en vous montrant de quelle manière vous parveniez à connaître cette vérité, par la connaissance de vous et de moi et moyennant la lumière de la foi. La seconde demande fut que je fisse miséricorde au monde. La troisième fut pour le corps mystique de la sainte Église, me priant d'en ôter les ténèbres et la persécution et de punir sur fous leurs iniquités.
« À ce propos je vous ai montré que nulle peine finie ou temporelle ne peut satisfaire par elle seule pour une faute commise contre moi, qui suis le bien infini; elle satisfait néanmoins si elle est unie à la contrition de cœur et au désir de l'âme, et je vous en ai expliqué la manière. Je vous ai répondu aussi que je veux faire miséricorde au monde, en vous montrant qu'il m'est propre d'être miséricordieux. Aussi est-ce par la miséricorde et l'amour inestimable que je portais à l'homme que j'ai envoyé mon Fils unique et mon Verbe. Et, pour vous le montrer plus clairement, je l'ai comparé à un pont qui va du ciel à la terre par l'union de ma nature divine avec votre nature humaine. Pour vous éclairer plus encore de ma vérité, je vous ai montré qu'on monte à ce pont par trois degrés, savoir, par les trois puissances de l'âme. J'ai figuré ces trois degrés dans le corps du Verbe même : le premier en ses pieds, le second en son côté ouvert, le troisième en sa bouche. J'y ai distingué trois états de l'âme, l'imparfait, le parfait et le très-parfait, qui atteint à l'excellence de l'amour unitif. Sur chaque point je vous ai montré ce qui ôte l'imperfection et par quelle voie on arrive à la perfection; j'ai parlé des tromperies cachées des démons, de l'amour-propre spirituel et des réprimandes que fait ma clémence en ces trois états : la première en la vie, la seconde à la mort, la troisième au jugement général.
« Je vous ai promis et vous promets de nouveau que…
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« Je vous ai promis et vous promets de nouveau que, moyennant bien des souffrances de mes serviteurs, je réformerai mon épouse, vous invitant à souffrir, me plaignant avec vous de l'iniquité des mauvais ministres, vous montrant l'excellence où je les ai placés et le respect que je demande que les séculiers aient pour eux, respect que leurs défauts ne doivent pas diminuer. Je vous ai aussi parlé de la vertu de ceux qui vivent comme des anges, ajoutant quelque chose sur l'excellence du Sacrement de l'autel. En fin, comme, à propos de ces trois états, vous avez demandé d'où procèdent les larmes, je vous ai dit qu'elles sourdent de la fontaine du cœur, qu'il y en a de quatre sortes, et une cinquième qui donne la mort.
« Quant à votre quatrième demande touchant un événement particulier, j'y ai répondu de même, vous expliquant ma providence tant générale que spéciale, depuis le commencement de la création jusqu'à la fin du monde ; comment je fais avec une providence souveraine et divine, donnant ou promettant tout ce qui vous arrive, soit les tribulations, soit les consolations spirituelles et temporelles, tout pour votre bien, afin que vous soyez sanctifiés en moi et que ma vérité vienne à se parfaire en vous. Ma vérité est que je vous ai créée pour avoir la vie éternelle, et je vous l'ai manifestée par le sang de mon Fils unique. Enfin j'ai satisfait à votre désir en vous parlant de la perfection de l'obéissance, de l'imperfection de la désobéissance, de leur source, et de ce qui vous fait perdre l'obéissance. Je l'ai représentée comme une clef générale, ce qu'elle est en effet. Je vous ai parlé de la paix que l'obéissance procure, de la guerre que la désobéissance entraîne, et combien celui qui n'obéit pas se trompe lui-même, ajoutant que c'est par la désobéissance d'Adam que la mort est entrée dans le monde.
« Moi donc, le Père éternel, la souveraine et éternelle Vérité, je conclus pour vous que, par l'obéissance de mon Fils unique et de mon Verbe, vous avez la vie éternelle ; et comme, depuis le premier vieil homme, vous avez tous contracté la mort, de même, tous ceux qui veulent porter la clef de l'obéissance, vous avez contracté la vie par l'homme nouveau, Jésus-Christ, duquel je vous ai fait un pont, après que la voie du ciel eut été rompue, afin que, moyennant la clef de l'obéissance, vous puissiez passer par cette voie douce et droite, qui est la Vérité une et lumineuse, traverser les ténèbres de ce monde, et avec la clef de mon Verbe vous ouvrir enfin le ciel. Maintenant je vous invite à pleurer, vous et les autres serviteurs ; car c'est par les pleurs et une humble et continuelle oraison que je veux faire miséricorde au monde. »
A ces communications divines l'âme répondit :…
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A ces communications divines l'âme répondit : « Grâces vous soient rendues, ô Père éternel, de ce que vous ne m'avez point dédaignée, moi votre créature, ni rejeté mes désirs. Lumière, vous n'avez point fait attention à mes ténèbres ; vie, vous n'avez point considéré que je suis morte ; médecin, vous n'avez point dédaigné mon infirmité ; pureté éternelle, ma saleté et ma misère ; infini, moi qui suis finie ; sagesse, moi qui suis folie. Malgré tous ces maux et défauts innombrables, ainsi qu'une infinité d'autres qui sont en moi, votre sagesse ne m'a point méprisée, non plus que votre beauté(t), votre clémence, votre infini bien. Au contraire, dans votre lumière vous m'avez donné la lumière, dans votre sagesse j'ai connu la vérité, dans votre clémence j'ai trouvé l'amour de vous et du prochain. Qui vous y a obligé ? Non mes vertus, mais votre charité seule. Puisse ce même amour vous contraindre à éclairer l'œil de mon intelligence de la lumière de la foi, afin que je connaisse et comprenne votre vérité qui m'a été manifestée ! Donnez-moi que ma mémoire soit capable de retenir vos bienfaits, que ma volonté s'embrase du feu de votre charité, qui fasse verser à mon corps le sang par amour de celui que vous avez versé, et que, par la clef de l'obéissance, j'ouvre la porte du ciel. Je vous demande cordialement la même chose pour toute créature raisonnable, en général et en particulier, et pour le corps mystique de la sainte Église. Je confesse que vous m'avez aimée avant que je fusse, et que vous m'aimez d'une manière ineffable, comme un homme qui devient insensé par excès d'amour.
« 0 Trinité éternelle! ô Déité…
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« 0 Trinité éternelle! ô Déité, qui, par l'union de la nature divine, avez fait valoir le sang de votre Fils unique ! Trinité éternelle, vous êtes une mer profonde, où, plus je cherche, plus je trouve, et plus je trouve, plus je vous cherche. Vous rassasiez d'une manière insatiable, parce que, dans votre abîme, vous rassasiez l'âme de telle sorte qu'elle demeure toujours affamée de vous. Trinité éternelle, désirant vous voir lumineusement dans votre lumière, comme le cerf altéré désire la fontaine d'eau vive, ainsi mon âme désire sortir de la prison de ce corps ténébreux et vous voir dans la vérité, comme vous êtes. Oh ! combien de temps sera cachée votre face à mes yeux ! O Trinité éternelle, feu et abîme de charité, dissipez le nuage de mon corps ! car la connaissance que vous m'avez donnée de vous, dans la vérité, me contraint à désirer de laisser la pesanteur de mon corps et de donner ma vie pour la gloire de votre nom, parce que, avec la lumière de l'intelligence, j'ai vu dans votre lumière votre abîme et la beauté de votre créature. C'est pourquoi, ô Trinité éternelle, me regardant moi-même en vous, je me suis vue votre image; vous, Père éternel, me donnant de votre puissance et de votre sagesse dans l'intellect, laquelle sagesse est appropriée à votre Fils unique ; le Saint-Esprit, qui procède de vous et de votre Fils, m'a donné la volonté, qui me rend capable, d'aimer. Car vous, ô Trinité éternelle, êtes le Créateur et moi votre créature ; j'ai connu, par la nouvelle création que vous m'avez faite par le sang de votre Fils unique, que vous, avez été épris de la beauté de votre créature.
« 0 abîme ! ô Déité éternelle ! ô mer profonde ! …
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« 0 abîme ! ô Déité éternelle ! ô mer profonde ! que pouviez-vous me donner de plus que vous-même ? Vous êtes le feu qui brûle toujours et ne se consume pas ; vous êtes un feu qui consumez dans votre ardeur tout l'amour-propre de l'âme ; vous êtes un feu qui ôtez toute froideur ; vous éclairez toutes les intelligences, et par votre lumière vous m'avez fait connaître la vérité.
Vous êtes cette lumière au-dessus de toute lumière avec laquelle vous donnez à l'œil de l'esprit une lumière surnaturelle en si grande abondance et perfection que vous éclairez la lumière même de la foi ; c'est dans cette foi que mon âme a la vie, dans cette lumière qu'elle a reçu la lumière, qui est vous.
Car dans la lumière de la foi j'acquiers la sagesse, dans la sagesse de votre Fils unique ; dans la lumière de la foi je deviens forte et constante, et je persévère ; dans la lumière de la foi j'espère que vous ne me laisserez pas succomber en chemin. Cette lumière m'enseigne la route ; sans elle je marcherais dans les ténèbres ; c'est pourquoi, Père éternel, je vous ai prié de m'éclairer de la lumière de la très-sainte foi.
Véritablement cette lumière est un océan qui nourrit l'âme en vous, océan pacifique, Trinité éternelle, L'eau de cet océan n'est point troublée : aussi ne donne-t-elle point la crainte, mais la connaissance de la vérité ; elle est distillée et manifeste les choses occultes.
C'est pourquoi, où abonde la très-abondante lumière de votre foi, elle certifie l'âme de ce qu'elle croit. C'est un miroir suivant ce que vous me faites connaître, ô Trinité éternelle; lorsque j'y regarde en le tenant par la main de l'amour, il me représente moi-même en vous, qui suis votre créature, et vous en moi, par l'union que vous avez faite de la Divinité avec notre humanité.
Dans cette lumière je vous représente à moi et je vous connais, bien suprême et infini, bien au-dessus de tout bien, bien heureux, bien incompréhensible, bien inestimable; beauté au-dessus de toute beauté, sagesse au-dessus de toute sagesse, car vous êtes la sagesse même 1. »
C'est à cette surnaturelle et vivante théologie que sainte Catherine de Sienne se trouvait élevée dans ses extases…
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1 Acta SS., 30 avril. Vita S. Cathar. Sen. , cap, 12.
Note de Louis : Le texte de Sainte Catherine de Sienne ci-haut n’est qu’un seul paragraphe dans Rohrbacher.
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C'est à cette surnaturelle et vivante théologie que sainte Catherine de Sienne se trouvait élevée dans ses extases. On y voit l'accomplissement de cette promesse du Sauveur: « Qui a mes commandements et les garde, c'est celui-là qui m'aime. Or qui m'aime sera aimé de mon Père, et je l'aimerai aussi, et je me manifesterai à lui moi-même. Si quelqu'un m'aime il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons chez lui, et nous y ferons notre demeure 2. »
Sentant que sa dernière heure était proche, Catherine fit à ses enfants spirituels de l'un et de l'autre sexe, qui l'avaient suivie à Rome, une dernière exhortation, où elle leur recommanda l'abnégation de soi-même, l'application à l'oraison, la promptitude de l'obéissance, la fuite des jugements téméraires, la confiance en Dieu, la charité mutuelle, et surtout un grand zèle pour la réformation de l'Église et pour le vicaire du Christ.
Elle confessa que, depuis sept ans surtout, elle n'avait cessé de prier pour cette cause, et de souffrir à cette fin dans son corps des douleurs humainement intolérables, comme autrefois Job, douleurs qui redoublaient dans le moment même où elle en parlait.
Enfin, après avoir mis ordre à tout, elle demanda pardon et fit ses derniers adieux à chacun, reçut les sacrements de l'Église avec l'indulgence plénière, et mourut le 27 avril 1380, à l'âge de trente-trois ans. Elle fut enterrée dans l'église de la Minerve, où l'on garde encore son corps sous un autel. Son crâne est chez les Dominicains de Sienne ; on voit dans la même ville sa maison, ses instruments de pénitence et quelques autres reliques.
Sa vie fut écrite par Raymond de Capoue, son confesseur, qui fut depuis général de Dominicains. Elle a été canonisée par le Pape Pie II en 1461. Urbain VIII transféra sa fête au 30 avril. Outre le Traité de l'Obéissance , que nous avons de sainte Catherine de Sienne, nous en avons encore un de la Discrétion , un second de l’Oraison , et un troisième de la Providence. C'est le même fonds de théologie mystique 1.
Sainte Catherine de Suède mourut l'année suivante (1381).
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2 Jean 14, 21 et 23.
1 Acta SS., 30 avril.
A suivre : Sainte Catherine de Suède.
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Sainte Catherine de Suède.
Sainte Catherine de Suède mourut l'année suivante (1381). Fille de sainte Brigitte, l'amour de Dieu sembla prévenir en elle l'usage de la raison. Ses parents l'envoyèrent à l'âge de sept ans au monastère de Risberg, pour y être élevée dans la pratique des vertus chrétiennes. Son désir était de demeurer vierge ; cependant, pour obéir à son père, elle épousa Égard, jeune seigneur rempli de piété. Le premier jour de leurs noces elle lui persuada de garder ensemble la continence. Égard y consentit ; ils vécurent comme frère et sœur le reste de leur vie, couchant l'un et l'autre sur la dure, y joignant les jeûnes, les veilles, les prières et les aumônes. Dès son enfance Catherine disait tous les jours l'Office de la sainte Vierge, les sept Psaumes de la Pénitence, avec beaucoup d'oraisons particulières. Avant de se livrer au sommeil elle passait quatre heures à méditer sur la Passion du Sauveur, avec beaucoup de génuflexions et de larmes. Elle pratiquait, autant que possible, la pauvreté dans ses vêtements, ce qui lui attira souvent les reproches de Charles, son frère ; elle les supportait avec une inaltérable douceur.
Avec la permission de son mari, qui mourut quelque temps après, elle rejoignit sa mère, sainte Brigitte, à Rome, et fit avec elle le pèlerinage de Jérusalem et d'autres sanctuaires. Sa mère étant morte à Rome en l'an 1373, elle accompagna le corps au monastère de Watstein, en Suède. Elle fixa son séjour dans cette maison, en devint abbesse et y donna l'exemple de toutes les vertus. Des miracles sans nombre s'étant opérés au tombeau de sa mère, elle retourna, l'an 1376, à Rome, pour en procurer la canonisation, au nom du roi, des seigneurs et des prélats de Suède. Elle poursuivit l'affaire pendant cinq ans. Le schisme étant survenu et mettant obstacle à la conclusion, elle déposa toutes les pièces aux archives de l'Église romaine, revint dans sa patrie, au monastère de Watstein, et y mourut le 24 mars 1381. Dieu l'honora de plusieurs miracles et pendant sa vie et après sa mort. Durant les vingt-cinq dernières années de sa vie elle ne passa aucun jour sans se purifier, par le sacrement de Pénitence, de ces fautes de fragilité qui échappent aux plus justes. Il existe de sainte Catherine de Suède, en sa langue maternelle, un livre manuscrit avec ce titre : Consolation de l'Ame. Elle dit dans la préface que son livre n'est qu'un tissu de maximes tirées de l'Écriture et des traités de piété ; elle se compare à l'abeille qui compose son miel du suc de différentes fleurs 1.
Avant de quitter Rome sainte Catherine de Suède y fut juridiquement interrogée, l'an 1379, sur ce qu'elle savait de l'élection d'Urbain VI, ayant été présente à Rome à cette époque. Voici le résumé de sa déposition…
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1 Acta SS., 24 mars. Godescard, 22 mars.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Grand schisme d'Occident...
Sainte Catherine de Suède.Avant de quitter Rome sainte Catherine de Suède y fut juridiquement interrogée, l'an 1379, sur ce qu'elle savait de l'élection d'Urbain VI, ayant été présente à Rome à cette époque. Voici le résumé de sa déposition. Même avant d'entrer au conclave les cardinaux parlaient déjà de l'élire ; elle le tenait de plusieurs personnes dignes de foi. Au conclave les deux partis contraires élurent unanimement Urbain, alors archevêque de Bari ; elle le tenait du cardinal de Poitiers et de beaucoup d'autres cardinaux, qui la pressèrent de croire fermement qu'il était vrai et légitime Pape, élu canoniquement et par l'inspiration de l'Esprit-Saint. Dans l'élection même il n'y eut aucune crainte ni violence de la part des Romains ; mais, bien après l'élection, il y eut quelque bruit, quelque mouvement de la part de ceux qui désiraient un pontife né à Rome. Elle a vu le nouveau Pape couronné à Saint-Pierre, en présence de tous les cardinaux, qui lui rendirent tous les devoirs accoutumés en cette circonstance. Il n'y avait alors aucun bruit, aucune crainte; au contraire, les cardinaux s'en allèrent contents, se réjouissant de ce qu'ils avaient fait et d'avoir élu un tel pontife, qu'ils assuraient devoir être salutaire à l'Église romaine ; de plus ils l'accompagnèrent processionnellement de Saint-Pierre à Saint-Jean-de-Latran.
(suite
Interrogée pourquoi les cardinaux, après l'avoir élu, le cachèrent aux Romains : « Il y avait donc quelque rumeur, quelque crainte ? » elle répondit : « Au temps de l'élection il n'y avait ni crainte ni rumeur ; mais les cardinaux, requis par les Romains de leur donner un Pape romain, n'ayant pas acquiescé à leur requête et en ayant élu un autre, craignirent que les Romains n'en voulussent à sa vie. Ils feignirent donc que le cardinal de Saint-Pierre serait Pape. » Interrogée sur la cause du schisme…
A suivre : Défauts d’Urbain VI, ses vertus et sa mort.
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Re: Grand schisme d'Occident...
Défauts d’Urbain VI, ses vertus et sa mort.
Interrogée sur la cause du schisme, elle répondit que, suivant sa persuasion, la cause en était à la rigueur de la justice du Pape, qui ne se montrait point assez favorable aux demandes des cardinaux et souhaitait les corriger. Enfin elle attesta que les mêmes cardinaux lui recommandèrent la personne d'Urbain VI, en lui parlant beaucoup de sa vertu, de sa sagacité, de sa prudence et de son honnêteté. Telle fut la déposition de sainte Catherine de Suède 1.
Ainsi, comme nous l'avons déjà vu, la cause du grand schisme d'Occident fut, non la violence du peuple romain, mais, d'une part, le caractère dur et intraitable d'Urbain VI, de l'autre la vie et les vues trop mondaines des cardinaux français. Parce que le Pape qu'ils ont élu unanimement, qu'ils ont reconnu pendant plusieurs mois et fait reconnaître à toute la terre, ne met point assez de condescendance dans ses rapports avec eux, leur fait des reproches intempestifs sur leur vie trop peu cléricale, ils donnent un démenti à tout ce qu'ils ont dit et fait depuis plusieurs mois, ils confessent à toute la terre qu'ils l'ont trompée jusqu'alors, que l'homme qu'ils lui ont présenté comme Pape légitime ne l'est point, et qu'ils viennent d'en faire un autre, sans qu'aucun tribunal compétent ait prononcé sur la nullité du premier.
A sa dureté de caractère Urbain VI joignait un autre défaut bien nuisible dans un Pape : il aimait sa famille plus que l'Église de Dieu. Quand le Sauveur envoya ses apôtres prêcher l'Evangile, il leur dit : « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi, et qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi 2. » Il dit de plus aux peuples qui le suivaient : « Si quelque un vient à moi, et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et de plus son âme ou sa personne, il ne peut être mon disciple 1 » Telle est la doctrine morale du Christ ; c'est au vicaire du Christ surtout à la prêcher par son exemple. Pour suivre Jésus-Christ Pierre abandonne tout ; parce qu'il aime Jésus-Christ plus que les autres il reçoit à paître tout son troupeau : « Pais mes agneaux, pais mes brebis. » Le successeur de Pierre en sa charge doit aussi lui succéder dans son abandon de toutes choses et dans son amour prééminent de Jésus. Il doit apparaître dans l'Église, ainsi que Melchisédech dans l'Écriture, comme le Pontife du Dieu très-haut, comme le roi de la justice, le roi de la paix, sans père, sans mère, sans généalogie, n'ayant ni commencement des jours, ni fin de la vie, mais assimilé au Fils de Dieu, uniquement et éternellement Pontife 2.
Si Urbain VI comprenait cette doctrine il ne la suivait guère…
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1 Raynald, ann. 1379, n. 20.
2 Matth., 10, 37.
1 Luc, 14, 26
2 2 Hébr. , 7, 1-3.
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Défauts d’Urbain VI, ses vertus et sa mort.
(suite)
Si Urbain VI comprenait cette doctrine il ne la suivait guère. Il avait un indigne neveu, François Prignano. Ayant déclaré le royaume de Naples dévolu au Saint-Siège pour punir la reine Jeanne, il attribue une partie du royaume à son neveu. Charles de Duras ou de la Paix, qu'il appelle de Hongrie, ratifia la concession. François Prignano, étant à Naples avec son oncle, enlève et viole une religieuse de Sainte-Claire, de race noble. C'était une suite de ses autres débauches. L'oncle disait à tout cela : « C'est un jeune homme ! » Ce jeune homme avait plus de quarante ans. Ayant refusé de comparaître en justice pour son rapt, il est condamné à mort par contumace. L'oncle se plaint de la sentence ; l'affaire s'accommode. Au lieu de perdre la tête François Prignano épouse une parente du roi, avec la ville de Nocéra pour dot. En 1395, six ans après la mort de son oncle, il éprouve des revers et s'efforce de se tuer. Guéri de sa blessure, il s'embarque et périt dans les flots avec sa mère et toute sa famille. C'est ainsi que Dieu punit le népotisme d'Urbain VI 3.
Quant à Urbain lui-même, pour soigner les intérêts de son indigne neveu plus d'une fois il néglige les intérêts de l'Église universelle; il se brouille avec le roi de Naples, Charles de Duras, il se brouille avec ses propres cardinaux. Comme il obligeait ceux-ci à le suivre dans ses voyages de Naples et d'Apulie, qui n'avaient de but principal que les intérêts de sa famille, les cardinaux en murmuraient. Six d'entre eux sont accusés de conspiration contre le Pape et livrés à son neveu, qui les fait mettre à la torture. C'était en l'an 1385. Le crime qu'on leur imputait, c'était de vouloir donner un curateur à Urbain VI comme à un furieux. L'année suivante il en fait mourir cinq clandestinement et renvoie le sixième après l'avoir dégradé. Sans doute, comme souverain temporel, il avait droit de vie et de mort ; mais ce n'est pas tout d'avoir ce droit, il faut en user d'une manière irréprochable devant Dieu et devant les hommes 1.
Brouillé avec le roi de Naples pour des intérêts de népotisme, Urbain VI se vit assiégé…
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3 Th. de Niem, c. 33. Raynald, ann. 1381, n. 1 et 20; ann. 1395, n. 16.
1 Raynald.
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Défauts d’Urbain VI, ses vertus et sa mort.
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Brouillé avec le roi de Naples pour des intérêts de népotisme, Urbain VI se vit assiégé par ce prince dans un château d'où il eut bien de la peine à s'évader pour fuir à Gênes. Ce fut là qu'il fît mourir les cinq cardinaux qu'il menait enchaînés à sa suite. Après avoir séjourné un an à Gênes il se rendit à Lucques, où il reçut des envoyés de plusieurs princes d'Allemagne, qui le sollicitaient de prendre quelque voie d'accommodement avec Clément VII, s'offrant à faire tous les frais de la négociation. Clément même proposait la tenue d'un concile pour l'extinction du schisme et promettait de s'en tenir à ce que l'Eglise déciderait entre lui et son adversaire. Urbain VI, qui autrefois avait lui-même proposé ce moyen, n'y voulut plus entendre, disant qu'étant vrai Pape il ne voulait pas rendre son droit douteux en le mettant en litige, et, comme il était moins occupé de procurer la paix de l'Église que de s'emparer du royaume de Naples au profit de sa famille, il publia une croisade pour le réduire et se mit lui-même en campagne avec les troupes qu'il put rassembler pour en faire la conquête; mais, n'ayant pas de quoi les payer, il en fut abandonné et se vit contraint de retourner à Rome 2.
De Lucques il s'était rendu à Pérouse, où il donna un rescrit pour l'établissement de l'université de Cologne. Il confirma aussi la fondation de celle de Heidelberg, faite par Robert de Bavière, comte palatin 1 . Revenu à Rome il réduisit la célébration du jubilé de la cinquantième année à la trente-troisième, en mémoire de ce que la vie mortelle du Sauveur, qui est la source de toutes les grâces qu'on reçoit dans l'Église, a été de trente-trois ans 2. Il institua la fête de la Visitation de la sainte Vierge, pour être célébrée perpétuellement le second jour de juillet. Il ordonna qu'en temps d'interdit ecclésiastique, outre les fêtes de Noël, Pâques, Pentecôte et l'Assomption de la sainte Vierge, il serait permis de célébrer publiquement la Fête-Dieu 3. Urbain VI mourut le 15 octobre 1389, après avoir siégé onze ans six mois et six jours, à compter de celui de son élection. Pontife accompli s'il avait eu moins d'amour pour les siens et plus de douceur pour les autres ; car il avait des mœurs très-pures, aimait la justice, haïssait la simonie et le luxe, menait une vie austère, jeûnait presque toujours et portait le cilice 4 .
Les cardinaux romains, étant entrés au conclave après avoir célébré les obsèques du Pape défunt…
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2 Th. de Niem, 1. 1, c. 66 et 69. S. Antonin, part. 3, tit. 22, c. 2.
1 Middendorp, Comment. de Academiis. Spond. ,ad ann. 1410, n. 6
2 Raynald, ann. 1389, n. 2
3 Gobelin, In Cosmodr. æstat 6, cap. 81
4 Raynald, ann. I389, n. 10. Spond., ann. 1389.
A suivre : Élection et premières actions de Boniface IX. Il propose des moyens de terminer le schisme.
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