Vie de la Soeur Bourgeoys. (Table) COMPLET.

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Message  Louis Lun 29 Oct 2012, 12:21 pm

II. Talon désire que la Congrégation soit autorisée
par des lettres patentes du roi.
Retour de M. de Queylus à Villemarie.


(suite)


(*) Le dernier historien du Canada parle de manuscrits récemment découverts, d'après lesquels il paraîtrait, dit-il , que cet abbé de Salignac Fénelon était le même que le grand archevêque de Cambray (1). Ces manuscrits ne sont autres, sans doute, qu'une pièce des Archives de la marine à Paris, sur la marge de laquelle on lit en effet une apostille qui suppose cette identité (2). Mais cette note, ajoutée témérairement par une main récente, est une pure aberration ; car il est bien assuré que François de Salignac Fénelon, prêtre du séminaire de Saint-Sulpice, parti pour Montréal au commencement de l'année 1667 (3) (et non avec M. de Queylus, l'année suivante, comme le suppose l'historien du Canada) était frère consanguin de l'archevêque de ce nom (4); d'ailleurs, en 1667, ce dernier n'était encore âgé que de 16 ans.
_______________________

(1) Histoire du Canada, de son Église et de ses missions, 1852, t. I, p. 166.
(2) Lettre de M. de Frontenac, du 14 novembre 1674.
(3) Archives du séminaire de Saint-Sulpice de Paris, Catalogue, p. 93.
(4) Histoire de Fénelon, par M. de Bossuet, 1850, t. I, p. 482-485.

A suivre : III. M. de Queylus travaille à l'augmentation de la colonie…

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Message  Louis Mar 30 Oct 2012, 7:03 am

III. M. de Queylus travaille à l'augmentation de la colonie;
il confie à la sœur Bourgeoys
l'éducation de deux petites sauvagesses.


Durant les difficultés que le séminaire avait rencontrées les années précédentes, la colonie de Villemarie ne s'était pas accrue autant qu'on l'aurait souhaité ; car on voit par le recensement de l'année 1660, qu'il n'y avait à Villemarie que 584 personnes et 555 à Québec (2).

Comme le roi était persuadé que le retour de M. de Queylus serait très-utile au pays, il écrivait à M. Talon : « Témoignez protection et amitié à M. l'abbé de Queylus, afin qu'il travaille avec plus de soin à l'augmentation de la colonie de Montréal (3). »

En outre, il faisait écrire à cet ecclésiastique par M. Colbert, son ministre : « Sa Majesté s'attend bien que la colonie de Montréal augmentera considérablement par vos soins et par votre application; ce dont elle se repose presque entièrement sur vous (1). »

Cette recommandation eut son effet, car M. de Queylus procura si efficacement le bien et l'accroissement de Villemarie, qu'en 1672 on y comptait de 14 à 1500 âmes (2).

Un autre objet du zèle de M. de Queylus, ce fut l'instruction et la sanctification des enfants sauvages, spécialement de ceux qui tombaient entre les mains des Iroquois.

M. de Courcelle s’étant montré irrité envers ces derniers…

_________________________

(2) Archives de la marine, recensement de 1666, fait par M. Talon.
(3) Ibid., registres des ordres du roi pour les Indes occidentales, 1669, mémoire du roi, folio 135.
(1) Ibid., lettre de M. Colbert à M. de Queylus, 15 mai 1669, fol. 145 ; — année 1671, fol. 35
(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1671 à 1672.
A suivre…

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Message  Louis Mar 30 Oct 2012, 2:52 pm

III. M. de Queylus travaille à l'augmentation de la colonie;
il confie à la sœur Bourgeoys
l'éducation de deux petites sauvagesses.
(suite)


M. de Courcelle s’étant montré irrité envers ces derniers, et leur ayant commandé d'amener à Villemarie les prisonniers qu'ils avaient faits sur diverses nations sauvages alliées à la France (3), M. de Queylus eut la pensée de prendre au séminaire les garçons sauvages, et de confier l'éducation des filles à la sœur Bourgeoys.

C'est ce qu'écrivait M. Talon au ministre, le 10 novembre 1670 : « M. l'abbé de Queylus lui disait-il, donne une forte application à former et à augmenter la colonie de Montréal. Il pousse son zèle plus avant : il va retirer les enfants sauvages qui tombent en captivité dans la main des Iroquois, pour les faire élever, les garçons dans son séminaire, et les filles chez des personnes de même sexe qui forment à Montréal une espèce de congrégation pour enseigner à la jeunesse, avec les lettres et l'écriture, les petits ouvrages de main (1). »

Mais le temps marqué par la Providence où la sœur Bourgeoys devait déployer son zèle en faveur des enfants sauvages, n'était point encore arrivé. C'est pourquoi le projet formé par M. de Queylus n'eut pas alors tout le succès qu'on s'en était promis, les Iroquois n'ayant amené à Villemarie que douze à quinze prisonniers. De ce nombre étaient deux petites filles sauvages. Les ecclésiastiques de Saint-Sulpice les obtinrent de M. de Courcelle, et les remirent à la sœur Bourgeoys, qui leur apprit la langue française et les éleva chrétiennement.

Au sujet de ces deux enfants, M. Dollier rapporte un trait bien honorable aux sœurs de la Congrégation: Quelque temps après qu'elles leur eurent été confiées, il arriva que la plus jeune de ces petites sauvagesses fût inopinément enlevée par sa mère, quoique celle-ci l'eût donnée conjointement avec les Iroquois lorsqu'ils l'avaient amenée à Villemarie. L'une des sœurs de la Congrégation, informée de l'enlèvement, court aussitôt après l'enfant pour la faire revenir ; et, ce qui est un bel éloge de ces bonnes maîtresses, l'enfant, quittant incontinent sa mère, qui la tenait dans ses bras, vint se jeter entre les mains de la sœur comme dans celles de sa véritable mère (1).

_________________

(3) Histoire du Montréal, etc., de 1669 à 1670.
(1) Archives de la marine, lettre de M. Talon , 29 novembre 1670.
(1) Histoire du Montréal, ibid.
A suivre : IV. La sœur Bourgeoys forme les enfants de Villemarie à la piété et à la vertu.



Dernière édition par Louis le Mer 31 Oct 2012, 3:01 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Mer 31 Oct 2012, 8:04 am

IV. La sœur Bourgeoys forme les enfants de Villemarie à la piété et à la vertu.


Mais l'objet capital du zèle de la sœur Bourgeoys, pendant les vingt premières années de son ministère, fut la sanctification des jeunes filles de Villemarie. Sachant que rien n'est plus important dans l'Église que la bonne éducation donnée aux enfants, elle les réunissait dès l'âge le plus tendre, avant qu'ils eussent l'usage de la raison, afin d'imprimer les principes de la foi chrétienne dans leur esprit dès qu'il venait à s'ouvrir, et d'appliquer les premiers mouvements de leur cœur à témoigner à DIEU leur amour. La première fille qu'elle éleva, comme on l'a rapporté, n'avait que quatre ans et demi lorsqu'elle la reçut, et elle la garda près d'elle jusqu'à son mariage (2).

Dans les commencements, où les enfants étaient encore en très-petit nombre, elle élevait tous ceux de Villemarie sans distinction, jusqu'à ce qu'enfin, la population devenant plus considérable, elle se borna à l'éducation des filles, les prêtres du séminaire s'étant alors chargés du soin d'instruire eux-mêmes et de former les garçons (3).

Son zèle embrassait les filles de toutes les classes de la société, de quelque état et de quelque rang qu'elles fussent. «La très-sainte Vierge, disait-elle, a reçu avec la même affection les bergers et les rois ; à son imitation, les sœurs de la Congrégation ne doivent pas avoir plus de considération pour les enfants riches que pour les pauvres, mais les aimer toutes d'une égale charité. Si elles avaient quelque préférence, ce devrait être pour celles qui sont les plus délaissées : la sainte Vierge s'étant trouvée avec son Fils aux noces de Cana parce que c'étaient des pauvres, et qu'il y avait à exercer la charité à leur égard (1). »

________________

(2) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(3) Archives du séminaire de Villemarie. — Lettre de M. Tronson.
(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
A suivre : v. La sœur Bourgeoys inspire à ses élèves les habitudes de politesse. Elle les instruit et les forme au travail.

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Message  Louis Mer 31 Oct 2012, 3:17 pm

V. La sœur Bourgeoys inspire
à ses élèves les habitudes de politesse.
Elle les instruit et les forme au travail.


En s'efforçant de graver dans le cœur des enfants les premiers traits de la crainte de DIEU et de la vertu, elle leur faisait contracter encore, dès cet âge tendre, des habitudes de douceur, d'affabilité et de politesse, toujours inséparables de la vraie charité ; et si jusqu'à ce jour il règne dans le pays une si grande douceur dans les mœurs de toutes les classes de la société, et tant d'aménité dans les rapports de la vie, c'est au zèle de la sœur Bourgeoys qu'on en est redevable (2) en très-grande partie.

Outre la science de la religion, elle donnait aux petites filles les premiers principes des lettres humaines avec un succès qui répondit parfaitement à ses soins. Il arriva même de là que les mères de famille ne le cédèrent pas sous ce rapport à leurs maris, occupés les uns aux travaux de la campagne, les autres à la guerre ou au commerce ; et nous verrons, dans la suite de cet ouvrage, que les femmes eurent même en cela la prépondérance sur les hommes, à cause du zèle infatigable des sœurs de la Congrégation à les instruire et à les former. Enfin, sachant que rien n'est plus pernicieux à la jeunesse qu'une vie oisive et désœuvrée, elle inspirait à ses jeunes élèves l'amour du travail, et leur en faisait contracter l'heureuse habitude, quelle que fût leur condition.

« Les sœurs de la Congrégation, écrit-elle, doivent se rendre habiles à toutes sortes d'ouvrages, afin d'apprendre aux enfants à éviter l'oisiveté, qui est la source de tous les vices, et les rendrait libertines. Il est donc nécessaire de faire travailler les enfants des écoles et aussi les pensionnaires (1). »

_______________________________

(2) Histoire de la Nouvelle-France, par le P. de Charlevoix, t. I, liv. VII, p. 312-313 ; liv. VIII, p. 343. — Histoire du Canada, de son Église et de ses missions, 1852, t. I, p. 86.
(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
A suivre : VI. La sœur Bourgeoys établit un pensionnat à Villemarie.


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Message  Louis Jeu 01 Nov 2012, 7:25 am

VI. La sœur Bourgeoys établit un pensionnat à Villemarie.


Comme le genre d'éducation des enfants doit être proportionné à leur naissance et à leur état de fortune, la sœur Bourgeoys ouvrit un pensionnat, au grand contentement des citoyens plus aisés; et c'est là que furent formées, dès l'âge le plus tendre, la plupart des personnes de condition de Villemarie et des environs. Dans le recensement de l'année 1681, nous trouvons les noms de sept jeunes pensionnaires appartenant aux plus honorables familles du pays, élevées à la Congrégation : c'étaient Louise Migéon de Branssat, âgée de 13 ans; Marie Soumende, âgée de 10 ans ; Jeanne Dufresnoy-Carion (*), âgée de 9 ans ; Marie de Hautmesnil, Marie Lenoir, âgées de 8 ans ; Madeleine de Varennes, âgée de 7 ans, et Christine de Hautmesnil, âgée de 6 ans (1). L'éducation que les jeunes personnes recevaient à la Congrégation réunissait aux avantages de la piété, qui en était l'âme, une manière aisée et une liberté douce et modeste qu'on attribuait à la vie non cloîtrée des sœurs.
______________________________________
(*) Jeanne Dufresnoy-Carion épousa en premières noces M. Jacques Lemoyne de Saint-Hélène, l'an 1684, et plus tard M. de Monic.


(1) Archives de la marine, recensement de 1681.

A suivre : VII. La sœur Bourgeoys établit la Congrégation externe en faveur de ses anciennes élèves.


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Message  Louis Jeu 01 Nov 2012, 12:10 pm

VII. La sœur Bourgeoys établit la Congrégation externe
en faveur de ses anciennes élèves.


Enfin, pour entretenir et augmenter dans ses élèves les bons sentiments qu'elle leur avait inspirés, la sœur Bourgeoys réunissait les jours de fêtes et de dimanches toutes celles dont l'éducation était terminée, et qui composaient sa Congrégation externe . Dans ces réunions elle leur adressait de touchantes et ferventes instructions sur les moyens de se sanctifier dans le monde, et surtout de porter dans leurs familles la bonne odeur de JÉSUS-CHRIST. On ne saurait dire les fruits que produisit une institution si utile à la piété et à la vertu de toutes les jeunes personnes. Par ce moyen, non-seulement elle les préserva efficacement des dangers auxquels leur innocence aurait pu être exposée, mais elle alluma encore parmi elles une sainte émulation de ferveur, qui fut l'occasion d'un grand nombre de vocations pour son institut.

L'une de ces zélées congréganistes, la première que la sœur Bourgeoys admit ensuite à la profession, demeura si frappée, tout le reste de sa vie, de ces entretiens spirituels, qu'étant chargée elle-même de les faire dans la suite, elle en écrivait en ces termes : « C'est un emploi sublime et propre des Apôtres ; c'est la continuation de l'ouvrage du SAUVEUR ; je ne m'en suis jamais acquittée qu'avec frayeur et confusion (1). »

Dans toutes les paroisses où la sœur Bourgeoys forma par la suite des écoles, elle établit aussi la Congrégation externe. Celle de Villemarie, commencée en 1658 (2), persévère encore, à la grande édification de la paroisse, où elle est connue sous le nom de Congrégation de Notre-Dame-de-la-Victoire, depuis qu'elle tient ses réunions dans une chapelle de ce nom , construite dans l'enclos des sœurs de la Congrégation, comme nous le raconterons dans la suite (*).


_________________________
(*) Quelques personnes ayant témoigné le désir de voir supprimer les assemblées des congrégations externes, sous prétexte, disaient-elles, qu'on en retirait peu de fruit, la sœur Bourgeoys refusa de consentir à cette suppression. Elle déclara, au contraire, qu'elle les continuerait toujours, ajoutant que quand ces assemblées ne devraient produire d'autre bien que d'empêcher une âme de commettre un seul péché, elle se croirait abondamment payée de ses peines. C'est pourquoi, avant de mourir, elle pria instamment l'une de ses sœurs de ne pas souffrir qu'on détruisît ces sortes d'assemblées. Son intention fut fidèlement exécutée après sa mort; et M. Ransonet, qui rapporte ces détails, ajoute : « On les continue encore aujourd’hui avec beaucoup de fruit et de bénédiction (1). »

(1) Vie de la sœur Bourgeoys, par M. de Ransonet, p. 95-96.

_________________________
(1) Archives du séminaire de Saint-Sulpice à Paris, Vie de la sœur Marie Barbier.
(2) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
A suivre : VIII. La sœur Bourgeoys établit la Providence en faveur des filles pauvres.

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Message  Louis Ven 02 Nov 2012, 7:21 am

VIII. La sœur Bourgeoys établit la Providence en faveur des filles pauvres.


Outre les exercices spirituels de la Congrégation externe, la sœur Bourgeoys procura de plus aux jeunes filles de la classe indigente un nouveau moyen de persévérer dans la vertu : ce fut de leur apprendre d'honnêtes états, qui les missent à même de subsister du produit de leur travail. Dans ce dessein, elle établit un ouvroir appelé la Providence, où plus de vingt grandes filles étaient instruites et formées par ses soins. Elle fournit pour cet usage une maison (1) située près de celle de la Congrégation (2), et désigna quelques sœurs pour apprendre à ces filles à travailler. Le séminaire se chargeait de l'entretien de plusieurs d'entre elles, et donnait de plus chaque semaine une certaine quantité de pain pour les nourrir (3).

Cet utile établissement attira même l'attention de M. de Denonville, gouverneur général du Canada, qui s'empressa de le recommander à la protection du ministre de la marine. « J'ai trouvé à Villemarie, en l'île de Montréal, lui écrivait-il, un établissement des sœurs de la Congrégation sous la conduite de la sœur Bourgeoys, qui fait de grands biens à toute la colonie ; et en outre un établissement de filles de la Providence qui travaillent toutes ensemble. Elles pourront commencer quelque manufacture de ce côté-là, si vous avez la bonté de leur faire quelque gratification (1). »

___________________________

(1) Registres de la paroisse de Villemarie, Sépultures 8 septembre 1681, et 8 septembre 1687. — Etat présent de l’Église de la Nouvelle-France, 1688, in-8º, p. 66.
(2) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph, par la sœur Morin.
(3) lettres de M. Tronson à M. Dollier, du 14 mars 1693.
(1) Archives de la marine, lettre de M. de Denonville du 13 novembre 1684.

A suivre : IX. La sœur Bourgeoys sert de mère…


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Message  Louis Ven 02 Nov 2012, 2:23 pm

IX. La sœur Bourgeoys sert de mère
aux filles qui viennent à Villemarie pour s'y établir.


Comme le zèle de la sœur Bourgeoys à élever les jeunes filles avait pour fin d'en former de bonnes chrétiennes, afin qu'elles fussent un jour de sages et vertueuses mères de famille, sa charité s'étendait aussi à celles qui allaient de France à Villemarie, dans l'intention de s'établir et d'accroître la colonie. Dans tous ses voyages de France en Canada, elle prit toutes sortes de soins des filles qu'elle amena toujours avec elle.

M. Dollier de Casson, parlant de celui de 1659, où elle conduisit trente-deux filles pour Montréal, auxquelles elle servit de mère dans ce voyage, et même jusqu'à ce qu'elles eussent été pourvues, ajoute, en considérant, les services plus que maternels qu'elles recevaient d'elle dans une position si délicate : « C'est ce qui nous fait dire qu'elles ont été bien heureuses d'être tombées dans de si bonnes mains que les siennes (1). »

En effet, la sœur Bourgeoys les recevait dans sa maison, elle les logeait, les nourrissait, leur donnait à toutes les instructions qui leur étaient utiles, et les gardait avec elle jusqu'à leur établissement. Bien plus, quoique les sœurs de la Congrégation se contentassent alors de simples couvertures à leurs lits, elle employait à l'usage de ces filles les draps qu'on avait dans la maison (2). C'était la même sollicitude à l'égard de toutes celles qui arrivaient à Villemarie pour s'y établir.

« Quelques années après le voyage de 1658, écrit la sœur Bourgeoys, il arriva environ dix-huit filles du roi que j'allai quérir au bord de l'eau, croyant qu'il fallait ouvrir la porte de la maison de la sainte Vierge à toutes les filles. Mais notre maison étant trop petite (pour loger tant de monde, nous fîmes accommoder une maison que nous avions achetée de Saint-Ange, et là je demeurai avec elles. J'étais obligée d'y demeurer à cause que c'était pour former des familles (3). »

Elle désigne sous le nom de filles du roi

_______________________________

(1) Histoire du Montréal, etc., de 1658 à 1659.
(2) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(3) Ibid.

A suivre…

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Message  Louis Sam 03 Nov 2012, 7:06 am

IX. La sœur Bourgeoys sert de mère
aux filles qui viennent à Villemarie pour s'y établir.
(suite)


Elle désigne sous le nom de filles du roi de jeunes personnes que le roi faisait élever à l'hôpital général de Paris, toutes issues de légitimes mariages, les unes orphelines et les autres appartenant à des familles tombées dans la détresse.

Comme l'expérience montra bientôt que ces jeunes filles élevées délicatement n'étaient pas assez robustes pour résister au climat du Canada, ni à la culture des terres, à laquelle chacun était alors obligé de s'appliquer, M. Colbert, en 1670, pria M. de Harlay, archevêque de Rouen, d'en faire choisir par les curés de trente à quarante paroisses situées près de cette ville, une ou deux dans chaque paroisse ( 1 ). On voit ici avec quelle circonspection on procédait dans le choix des jeunes personnes destinées à devenir des mères de famille en Canada, puisque ce soin était confié au curé même de chacune de ces paroisses. La sœur Bourgeoys nous apprend d'ailleurs qu'elle n'acceptait pour les conduire à Villemarie que des personnes de vraie vertu (2) (*).

C'est ce qui explique pourquoi elle leur témoignait tant d'affection et de confiance, et les gardait dans sa maison jusqu'à leur mariage. Il paraît qu'elle avait ordinairement quelques-unes de ces filles auprès d'elle pour les former et les instruire ; du moins nous lisons dans le recensement de 1667, fait par M. Talon, intendant, qu'il y avait alors à la Congrégation quatre filles à marier (1).

_________________________________
(*) Ces détails peuvent servir à montrer la fausseté des allégations injurieuses de la Hontant (1), et confirmer de plus en plus ce que disent à la louange des premières mères de famille du Canada, le Père Vimont, dans sa Relation de 1641 (2); M. Pierre Boucher, dans l'ouvrage qu'il publia en 1663 (3); et le Beau, dans ses Aventures imprimées en 1738 (4).

(1) Nouveaux voyages. I. p. 11 (2) Relation de 1640 à 1641, p. 203, 204. (3) Histoire véritable de la Nouvelle-France, 1664, p. 1550-156. (4) Aventures de le Beau, 1738, t. I, p. 91.

_________________________________
(1) Archives de la marine, registre des expéditions concernant les Indes occidentales , 1670, fol. 15 et 16.
(2) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(1) Archives de la marine, recensement de 1667.


A suivre : x. La sœur Bourgeoys reçoit les filles et les femmes dans sa maison, pour y faire des retraites spirituelles.

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Message  Louis Sam 03 Nov 2012, 12:03 pm

X. La sœur Bourgeoys reçoit les filles et les femmes
dans sa maison, pour y faire des retraites spirituelles.


Enfin, la sœur Bourgeoys n'ignorait pas que, malgré sa vigilance et toute l'ardeur de son zèle, quelques-unes des filles qu'elle avait élevées, ou à qui elle avait donné d'autres soins, pouvaient être exposées à perdre de vue les obligations de leur état, et à se ralentir dans les pratiques de la piété. A celles-ci elle fournissait un moyen efficace de se renouveler au service de DIEU par les retraites spirituelles qu'elle leur faisait faire dans la maison de la Congrégation (2).

Elle y recevait encore les petites filles aux approches de leur première communion. Convaincue de l'importance d'une digne préparation à cette action solennelle qui a tant d'influence sur le reste de la vie, elle était ravie de disposer les cœurs de ces enfants à recevoir leur SAUVEUR pour la première fois, et de leur donner la facilité de passer quelques jours dans le recueillement et dans la pratique de divers exercices de piété proportionnés à la faiblesse de leur âge.

Plusieurs parents désiraient même de placer leurs enfants en pension à la Congrégation pendant les semaines qui précédaient immédiatement leur première communion ; et nous voyons que Marie Barbier, qui succéda dans la suite à la sœur Bourgeoys, y passa ainsi six semaines. Ce fut dans ce court séjour à la Congrégation qu'elle sentit naître dans son cœur un désir ardent de s'attacher à ses saintes institutrices, et de consacrer elle-même sa vie à un ministère qu'elle savait être si avantageux aux âmes et si utile à la gloire de DIEU (1).

________________

(2) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(1) Archives du séminaire Saint-Sulpice à Paris, Vie de Marie Barbier.

A suivre : XI. Austérités que pratique la sœur Bourgeoys, pour attirer la grâce de DIEU sur la colonie.

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Message  Louis Dim 04 Nov 2012, 7:01 am

XI. Austérités que pratique la sœur Bourgeoys,
pour attirer la grâce de DIEU sur la colonie.


Mais les secours les plus puissants que la sœur Bourgeoys pût offrir aux âmes, pour les aider dans l'œuvre de leur sanctification, étaient sans contredit les exemples admirables de sa propre vie, plus persuasifs et plus entraînants que tous les discours. Le zèle apostolique dont elle était animée ne lui permettait pas de se considérer autrement que comme une victime chargée d'expier les péchés des autres. Il lui inspirait un amour ardent et continuel pour la souffrance ; en sorte qu'elle pouvait dire en toute vérité qu'elle portait toujours dans son corps la mortification de JÉSUS-CHRIST (2); et qu'elle accomplissait sans cesse dans sa chair ce qui manquait à la passion du SAUVEUR pour la sanctification de cette Eglise (3) naissante. Voici un aperçu des mortifications ordinaires que son grand amour pour le salut des âmes lui avait inspirées.

Elle prenait pour sa nourriture les aliments les plus grossiers, donnait toujours la préférence à ceux qui étaient de mauvais goût, et s'il s'en trouvait quelqu'un qui put flatter sa sensualité, elle y remédiait toujours en le prenant trop froid ou trop chaud, en le délayant avec de l'eau, enfin en y mêlant de la cendre ou quelque autre poudre amère qu'elle portait toujours avec elle pour s'en servir dans l'occasion. Elle mangeait peu, et, selon son ancienne pratique, ne buvait que de l'eau, qu'elle ne prenait qu'une fois le jour, même dans les chaleurs de l'été, jamais en quantité suffisante pour étancher sa soif, mais assez pour l'irriter davantage. C'était toujours dans quelque posture pénible et mortifiante qu'elle prenait ses repas, se tenant debout ou appuyée sur un pied, ou assise seulement à demi. Le vendredi elle ne faisait qu'un seul repas, et le jour du Vendredi saint elle prenait ce repas à terre. Par la longue habitude de se mortifier dans le sens du goût, elle en perdit tellement l'usage, que les mets les plus désagréables ne lui causaient aucune peine, et que les plus délicats ne lui procuraient aucun plaisir (1).

_______________

(2) IIe Épître aux Corinthiens, chap. IV. V. 10.
(3) IIe Épître aux Colossiens, chap. I. V. 24.
(1) Vie de la sœur Bourgeoys, par M. Ransonet, p. 114.

A suivre : XII. Continuité et efficacité des prières…

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Message  Louis Dim 04 Nov 2012, 11:49 am

XII. Continuité et efficacité des prières
de la sœur Bourgeoys pour la colonie.


Son lit ordinaire était le plancher ou la plate terre, avec un billot pour chevet ; et elle s'accusait de sensualité condamnable, si elle était obligée de coucher sur une paillasse avec un oreiller de paille. L'hiver, elle ne s'approchait point du feu, et elle supportait les incommodités des autres saisons avec la même dureté pour elle-même, sans vouloir prendre, contre les accidents qui auraient pu survenir, les plus légères précautions. Son corps, qu'elle déchirait souvent par de cruelles disciplines, était de plus chargé d'instruments de pénitence très-meurtriers ; et l'on ne peut entendre parler qu'avec une sainte horreur d'un certain bonnet hérissé d'épingles au dedans, qu'elle portait secrètement nuit et jour sur sa tête. Ses sœurs ayant remarqué par hasard cette invention de son amour pour la souffrance, et l'ayant conjurée de quitter ce bonnet, elle leur dit en souriant qu'il ne lui faisait pas plus de mal qu'un oreiller de plume. Ayant été priée une fois par ses sœurs de modérer ses austérités, pour se conserver à sa communauté, elle leur répondit par une instruction sur l'obligation où est le chrétien de mener une vie austère et pénitente ; instruction si forte et si pathétique, que ses sœurs, étonnées et frappées, se sentirent touchées d'un saint et efficace désir d'imiter ses exemples (1).

A ces austérités elle ajoutait…

_____________________________

(1) Vie de la sœur Bourgeoys 1818, p. 136-137. — Vie par M. Ransonet, p. 113 et suiv.

A suivre…

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Message  Louis Lun 05 Nov 2012, 6:46 am

XII. Continuité et efficacité des prières
de la sœur Bourgeoys pour la colonie.
(suite)


A ces austérités elle ajoutait des prières ardentes, pour toucher plus efficacement le cœur de DIEU en faveur des justes et des pécheurs ; et par la ferveur et la puissance de ses oraisons elle semblait être le plus ferme soutien de cette colonie.

Aussi M. Souart, qui la dirigea pendant plus de douze ans, convaincu du grand crédit de la sœur Bourgeoys pour négocier les intérêts du pays auprès de DIEU, aimait à la considérer comme la petite sainte Geneviève du Canada : c'était son expression ; et il était persuadé que, quelques efforts que fissent les ennemis de la religion et ceux de l'État, la colonie ne souffrirait aucun mal considérable de leur part, étant soutenue par les prières de cette sainte âme (1).

On pouvait dire d'elle comme du grand saint Martin de Tours, qu'elle était sans cesse en prière pour cette nouvelle Eglise. Quoiqu'elle ne prît qu'un sommeil très-court, elle l'interrompait toutes les nuits par deux heures d'oraison au moins, qu'elle passait dans les postures les plus humbles et les plus incommodes. Les grands froids de l'hiver ne la détournaient jamais de cette pratique de ferveur.

«Vous savez, » disait M. de Belmont aux sœurs de la Congrégation, après la mort de leur sainte fondatrice,

« vous savez qu'elle passait les nuits aussi bien que les jours en oraison presque continuelle, et que dans le moment précieux de la sainte communion, qu'elle recevait, les yeux ordinairement baignés de larmes, dans une bouche parfumée de soupirs amoureux, il semblait que son cœur venait tout enflammé d'amour à la rencontre de son bien-aimé. Voilà ce dont vous avez été témoins. Mais pour ces faveurs intérieures, ces paroles, ces colloques qui sont au-dessus du langage des hommes, ce sont des mystères dont DIEU seul s'est réservé la connaissance (1). »

____________________

(1) Vie de la sœur Bourgeoys 1818, p. 177-178.
(1) Archives du séminaire de Saint-Sulpice à Paris ; éloges de quelques personnes mortes en odeur de sainteté.

A suivre : XIII. Efficacité des exemples de vertu que la sœur Bourgeoys donne à la colonie.

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Message  Louis Lun 05 Nov 2012, 2:19 pm

XIII. Efficacité des exemples de vertu que la sœur Bourgeoys donne à la colonie.


Malgré sa vie si austère, la sœur Bourgeoys n'avait rien dans son extérieur qui ne fût propre à attirer les âmes et à les gagner au service de DIEU.

« L'extérieur de la très-sainte Vierge, dit M. Olier, était couvert d'une modestie éclatante qui rejaillissait de la majesté de DIEU habitant en son âme ; et cette beauté ravissait les esprits et embaumait tellement les cœurs de ceux qui l'approchaient, qu'ils se sentaient secrètement portés à DIEU et tout remplis de son amour. Sa bouche parlait si prudemment, ses yeux regardaient si chastement, son maintien était si modeste, son marcher si grave, son entretien si doux, sa familiarité si agréable, qu'elle gagnait à DIEU tous les cœurs par son extérieur plein d'attraits et de charmes (1). »

C'était par proportion ce qu'opérait la présence de la sœur Bourgeoys sur les cœurs des colons de Villemarie. La vue seule de sa personne portait saintement à DIEU, comme l'expérimentaient heureusement les personnes de tous les états.

La sœur Morin, après avoir rappelé les services que cette fille de grâce rendait à l'Église du Canada, ajoute : « Voilà ce qu'a fait la sœur Bourgeoys, animée de l'amour de DIEU et du zèle pour sa gloire. Elle vit encore aujourd'hui en odeur de sainteté, si humble, si rabaissée, qu'elle inspire l'amour de l'humilité seulement à la voir (2). »

« Nous l'avons connue, écrivait le Père Le Clercq, récollet, pleine de l'esprit de DIEU, de sagesse et d’expérience, d'une constance invincible à tous les obstacles qu'elle a trouvés à son dessein (3). »

« Je ne crois pas avoir jamais vu de fille aussi vertueuse que la sœur Bourgeoys, écrivait le R. P. Bouvard, supérieur des Jésuites de Québec: tant j'ai remarqué en elle de grandeur d'âme, de foi, de confiance en DIEU, de dévotion, de zèle, d'humilité, de mortification (4). »

M. Dollier de Casson…

__________________________________

(1) Écritures autographes de M. Olier.
(2) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph.
(3) Premier établissement de la foi dans la Nouvelle-France, t.II.
(4) Vie de la sœur Bourgeoys 1818, p. 175-176.


A suivre…

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Message  Louis Mar 06 Nov 2012, 7:06 am

XIII. Efficacité des exemples de vertu que la sœur Bourgeoys donne à la colonie.(suite)


M. Dollier de Casson, dans son Histoire du Montréal, rendait, en 1672, ce beau témoignage à l'influence du zèle apostolique de la sœur Bourgeoys sur cette colonie naissante:

« Depuis son arrivée à Villemarie, elle a rendu à DIEU de très-grands services, surtout par les instructions qu'elle a faites aux personnes de son sexe, à quoi elle a travaillé depuis incessamment et avec tant de soins, que plusieurs autres bonnes filles se sont rangées auprès d'elle afin de la seconder, avec lesquelles elle a fait ici depuis plusieurs années un corps de communauté (1). »

Vers ce temps, une vertueuse Iroquoise, Thérèse Tegakouita, arrivée en 1677 à la mission du Sault- Saint-Louis, donna un grand exemple aux filles de sa nation en se consacrant à DIEU par le vœu de chasteté ; et nous ne pouvons guère douter que cette résolution généreuse n'ait été encore un effet de la bonne odeur de vertu que la sœur Bourgeoys et ses filles répandaient à Villemarie.

Car Thérèse conçut ce dessein dès qu'elle eut vu dans cette ville des religieuses : expression qui semble ne désigner que les sœurs de la Congrégation , puisque celles de Saint-Joseph gardaient alors la clôture.

« Aussitôt qu'elle eut vu des religieuses à Montréal, dit l'auteur de l'Histoire de Hôtel-Dieu de Québec, et qu'elle eut appris comment elles s'étaient consacrées à DIEU, elle importuna le missionnaire du Sault pour obtenir la permission de faire vœu de chasteté, ce qu'il lui accorda après avoir éprouvé son désir et s'être assuré de la solidité de sa résolution (1). »

Cette sainte fille mourut peu après, en 1680, à l'âge de vingt-quatre ans, laissant une réputation de vertu qui s'est répandue depuis et n'a fait que s'accroître à l'occasion de plusieurs guérisons miraculeuses qu'on lui a attribuées (2).

______________________________

(1) Histoire du Montréal, de 1652 à 1653.
(1) Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec (par la mère Françoise Juchereau), in-12, p. 151.
(2) Ibid. État présent de l’Église de la Nouvelle-France, Paris, 1688, in-8º, p. 125-126.

A suivre : XIV. Désintéressement et pauvreté volontaire de la sœur Bourgeoys et de ses filles.

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Message  Louis Mar 06 Nov 2012, 12:32 pm

XIV. Désintéressement et pauvreté volontaire
de la sœur Bourgeoys et de ses filles.


Entre autres vertus que les sœurs offraient à l'édification publique, nous devons remarquer en particulier leur entier désintéressement. « Ce que j'admire, dit M. Dollier, c'est que ces filles soient si désintéressées, qu'elles veuillent instruire gratuitement les enfants et faire encore beaucoup d'autres choses de cette manière (3). »

Ce désintéressement parfait que la sœur Bourgeoys inspirait à ses filles, et qui était même la condition de leur admission dans sa communauté, les obligeait à travailler de leurs mains pour subsister, et à s'imposer encore les privations les plus dures. Nous avons raconté que lorsqu'elle se rendit à Troyes pour en emmener des compagnes, M. Châtel lui ayant demandé comment elle ferait pour subsister avec elles à Villemarie, elle lui répondit qu'elle promettait du pain et du potage à toutes celles qui voudraient la suivre, et qu'elles vivraient du fruit de leur travail. Ce fut en effet par ce seul moyen qu'elles pourvurent constamment à tous leurs besoins, sans recevoir de rétribution pour l'instruction qu'elles donnaient aux petites filles.

La sœur Morin, dans ses Annales, parlant des quatre premières compagnes que la sœur Bourgeoys avait amenées de France en 1659, les sœurs Crolo, Raisin, Châtel et Hioux, rend ce témoignage à leur amour infatigable pour le travail :

« Elles ont été avec elle les dignes fondements de la Congrégation, travaillant nuit et jour à coudre et à tailler, pour habiller les femmes et pour vêtir les sauvages, tout en faisant les écoles. Le partage de la sœur Crolo, ajoute-t-elle, fut le ménage de la campagne, où elle a consommé ses forces et ses années, et a rendu par là bien des services à ses sœurs : lavant les lessives le jour après les avoir coulées la nuit, cuisant le pain, étant toujours infatigable au travail, et se regardant comme la dernière de toutes et la servante de la maison. Elle vit encore aujourd’hui, âgée de quatre-vingts ans, en grande odeur de vertu (1). »

La première fille canadienne reçue à la Congrégation…

_____________________

(3) Histoire du Montréal, de 1652 à 1653.
(1) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph.

A suivre…

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Message  Louis Mer 07 Nov 2012, 10:16 am

XIV. Désintéressement et pauvreté volontaire
de la sœur Bourgeoys et de ses filles.


(suite)

La première fille canadienne reçue à la Congrégation, la sœur Marie Barbier, ne montrait pas moins de dévouement dans les travaux pénibles dont elle fut chargée, quoique fort jeune encore ; et nous croyons édifier nos lecteurs en rapportant ici ce qu'elle écrivait dans la suite à son confesseur, sur cette époque de sa vie :

« Je ne peux pas comprendre comment, étant jeune comme j'étais (car j'entrai à la Congrégation à l'âge de quinze ans), je pouvais faire tout l'ouvrage que j'ai fait pendant cinq années de suite. J'avais soin de deux vaches, dont je tirais le lait et faisais le beurre ; je les menais le matin et les allais quérir le soir à près d'une demi-lieue loin de la ville, et lorsque je passais par les rues avec mes vaches, j'étais la risée de ceux qui m'avaient connue dans le monde.

« Je portais quelquefois sur mon cou le blé au moulin, et en rapportais de même la farine. Je boulangeais, seule, quelquefois trois fournées dans un jour. Avant moi c'étaient deux sœurs qui en étaient chargées, et qui en avaient assez ; mais parce que le pain n'était pas bon, on m'en donna le soin. Je n'y entendais rien, ne l'ayant jamais fait ; cependant, me confiant au saint ENFANT JÉSUS, avec qui je m'imaginais boulanger, j'en venais à bout. Les personnes qui se plaignaient auparavant, ne cessaient de louer la boulangère, et moi le Boulanger.

« Je me levais deux ou trois heures avant la communauté, afin d'avoir fait une fournée avant huit heures, qui est le temps où l'on disait la messe des écolières; car j'étais aussi employée à l'école. Quand on sonnait la messe, et que mon pain n'était pas encore au four, je nettoyais le four à moitié et mettais le pain tout comme il se rencontrait. Etant pressée et n'ayant personne pour mener les enfants à l'église, je recommandais le tout au saint ENFANT JÉSUS , et lui disais avec simplicité : Vous ferez tout pour votre peine. Comme je n'avais aucune expérience, je faisais continuellement des bévues, soit en faisant trop de pâte, soit en oubliant de faire le levain, ou bien n'ayant point de farine sacrée (?), ou point de bois ; mon recours était au saint ENFANT JÉSUS et à la sainte Vierge, et ils suppléaient à tout (1). »

Par cette application constante au travail, la sœur Bourgeoys et ses filles vivaient sans être à charge à personne….

__________

(1) Archives du séminaire de Saint-Sulpice à Paris, Vie de Marie Barbier.

A suivre…

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Message  Louis Mer 07 Nov 2012, 4:49 pm

XIV. Désintéressement et pauvreté volontaire
de la sœur Bourgeoys et de ses filles.


(suite)


Par cette application constante au travail, la sœur Bourgeoys et ses filles vivaient sans être à charge à personne. Il est vrai qu'elles se contentaient de la nourriture la plus grossière et des meubles les plus indispensables, ne couchant que sur des paillasses, avec de simples couvertures sans draps.

Mais ce qui relevait encore devant DIEU le mérite d'une vie si pauvre, c'est qu'elle était volontaire de leur part, et leur servait comme d'un moyen pour assister elles-mêmes les nécessiteux. Car elles pratiquaient à la lettre toutes les règles de la plus généreuse charité à l'égard du prochain, se privant de tout pour le soulager dans ses besoins, et donnant ou prêtant toujours très-volontiers aux autres tout ce dont elles pouvaient se passer pour elles-mêmes (1).

________________

(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
A suivre : xv. La sœur Bourgeoys établit une ferme…

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Message  Louis Jeu 08 Nov 2012, 6:27 am

XV. La sœur Bourgeoys établit une ferme, et fait construire
un bâtiment pour sa communauté. Nouvelle maison plus spacieuse.


Aussi DIEU, qui ne se laisse pas vaincre en générosité, et qui récompense les siens même dès ce monde, pour un verre d'eau froide qu'ils donnent en son nom, se plaisait-il à fournir, comme de sa main, à ces saintes filles, tout ce qui était nécessaire à leur établissement. Les premières acquisitions temporelles faites par la Congrégation dans ce pays nouveau, étaient une marque visible de cette divine assistance, qui avait autant de témoins qu'on comptait de personnes à Villemarie. C'était ce qui faisait dire avec raison à M. Dollier de Casson :

« Ce que j'admire le plus, c'est que ces filles, étant sans biens, et voulant instruire gratuitement les enfants, aient néanmoins acquis, par la bénédiction que DIEU verse sur le travail de leurs mains, et sans avoir été à charge à personne, plusieurs maisons et plusieurs terres dans l'île de Montréal (2). »

La sœur Bourgeoys, après avoir reçu des seigneurs une concession de soixante arpents de terre, située vers le lac Saint-Joseph, et ensuite quelques autres arpents que M. de Bretonvilliers fit ajouter à cette concession (1), en mit en effet trente-cinq en valeur (2), y construisit une grange (3) et y établit un fermier (4), afin de retirer de ce fonds de quoi faire subsister, au moins en partie, sa communauté naissante.

L'étable où elle s'était logée en 1657 fut bientôt insuffisante aux besoins des sœurs et à ceux des écoles. La sœur Bourgeoys fit bâtir alors sur le même terrain une maison assez grande pour y loger douze personnes (5) ; et, de plus, elle acheta du nommé Saint-Ange une petite maison située tout auprès (6).

Enfin, celle qu'elle avait fait construire étant encore insuffisante, et les sœurs de la Congrégation témoignant toutes le désir d'en avoir une plus spacieuse, elle consentit à leur dessein ; et on bâtit sur le terrain contigu à l'étable une grande maison toute en pierre (7).

Cependant, lorsque la sœur Bourgeoys vit cette dernière maison élevée, son grand amour pour la pauvreté lui inspira des regrets très-amers d'avoir donné son consentement pour la bâtir; elle se persuadait même qu'avant de l'entreprendre elle n'avait pas consulté le supérieur de la communauté, ou qu'elle n'avait pas eu un consentement assez exprès de sa part. Elle éprouva donc des peines de conscience très-vives, s'imaginant que la construction de cette grande maison était contraire à l'esprit de dénûment de toutes choses auquel elle se sentait si fortement attirée (1).

___________________

(2) Histoire du Montréal, de 1652 à 1653.
(1)Archives de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph de Villemarie.
(2) Archives de la marine, Canada, recensement de 1667.
(3) Ibid.lettres patentes de la Congrégation.
(4) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(5) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph, par la sœur Morin.
(6) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(7) Annales de l’Hôtel-Dieu, etc.
(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.

A suivre : XVI : La sœur Bourgeoys promet à DIEU…


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Message  Louis Jeu 08 Nov 2012, 3:29 pm

XVI. La sœur Bourgeoys promet à DIEU de reprendre
la construction de Notre-Dame de Bon-Secours.


Mais DIEU permettait qu'elle tombât dans cet état de trouble, pour la déterminer à entreprendre une autre bonne œuvre, dont il voulait qu'elle fût l'instrument, et à l'exécution de laquelle ces peines servirent en effet d'occasion. Ce fut de construire une église en l'honneur de la très-sainte Vierge, selon le projet qu'elle en avait formé en 1657, et qui depuis avait été suspendu, comme nous l'avons raconté précédemment.

À son retour de France en 1659, elle avait trouvé que tous les matériaux préparés pour l'église de Notre-Dame de Bon-Secours étaient dissipés. Mais alors l'état chancelant du séminaire et de la colonie elle-même, les attaques journalières des Iroquois, et les autres événements qui survinrent, ne lui avaient pas permis de reprendre ce projet, malgré le désir qu'elle en avait toujours eu.

D'ailleurs, « depuis mon retour de France, dit-elle, étant en communauté avec mes sœurs, je n'avais pas la même liberté qu'auparavant. Enfin, en 1670, je ne voyais aucun moyen de construire cette église, car nous avions fait bâtir la grande maison, où il n'y avait plus à faire alors que le dedans, outre le logis où nous étions logées, la grange et autres choses qui avaient coûté beaucoup. Mais dans les peines que j'éprouvai (après la construction de cette grande maison), je promis à la sainte Vierge de faire bâtir sa chapelle, et tout aussitôt je trouvai du soulagement (1). »

Ce fut peut-être à la suite de cette promesse que la sœur Bourgeoys…

____________________

(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.

A suivre…


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Message  Louis Ven 09 Nov 2012, 6:26 am

XVI. La sœur Bourgeoys promet à DIEU de reprendre
la construction de Notre-Dame de Bon-Secours.


(suite)


Ce fut peut-être à la suite de cette promesse que la sœur Bourgeoys fit construire un petit appentis sur l'endroit où elle avait jeté autrefois les fondements de la chapelle, ainsi que le rapporte la sœur Morin.

« Neuf ou dix ans après, dit-elle, la sœur Bourgeoys y fit faire un petit bâtiment de bois (*), mais si dévot que le peuple y allait comme à un asile assuré dans tous ses besoins. Il s'y fit plusieurs guérisons qu'on a crues miraculeuses tant pour l'âme, par la force et le courage qu'on y a obtenus de DIEU pour sortir du péché, que pour le corps, par la guérison de plusieurs maladies considérables (1). »

Ce petit monument étant construit depuis peu, la sœur Bourgeoys partit pour son second voyage de France, à l'occasion que nous allons raconter dans le chapitre suivant.


______________________________
(*) La sœur Morin, étant venue se fixer à Montréal en 1660, et ayant toujours pris un vif intérêt à ce qui concernait la religion, et spécialement le culte de Marie dans cette ville, son témoignage doit servir de correctif à ce que dit M. Montgolfier, lorsqu'il suppose que cet appentis fut construit en 1659, au retour de la sœur Bourgeoys de son premier voyage de France. Il avance encore, avec aussi peu de fondement, que la sœur se servit de ce lieu pour y faire l'école aux enfants (1). C'est ce qu'on lit aussi dans la notice historique sur cette chapelle, publiée en 1818 (2), d'après le récit inexact de M. Montgolfier.

(1) Vie de la sœur Bourgeoys 1818, p. 85-95.
(2) Manuel du pèlerin de Bon-Secours , p. 13 et 14.

______________________________
(1) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph.

A suivre : Chapitre IV. DEUXIÈME VOYAGE DE LA SŒUR BOURGEOYS EN FRANCE.

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Message  Louis Ven 09 Nov 2012, 2:41 pm

CHAPITRE IV

DEUXIÈME VOYAGE DE LA SŒUR BOURGEOYS EN FRANCE.
ELLE OBTIENT DES LETTRES PATENTES DU ROI
POUR SON INSTITUT,
ET FAIT CONSTRUIRE L’ÉGLISE DE NOTRE-DAME
DE BON-SECOURS.

I. Les Ursulines de Québec forment
de nouveau le projet de s’établir à Villemarie.


Lorsque M. de Queylus était arrivé à Québec en 1668, les religieuses Ursulines s'étaient empressées de lui donner des marques de leur estime, ainsi qu'aux autres prêtres de Saint-Sulpice qu'il conduisait à Villemarie (2); et comme ces religieuses ne perdaient pas l'espérance qu'elles avaient conçue déjà plusieurs fois, d'aller s'établir dans cette dernière ville, on fit alors quelques démarches pour engager M. de Queylus à favoriser lui-même leur dessein. Sans s'y refuser expressément, il répondit d'abord que l'état actuel des choses ne permettait pas encore de l'exécuter. C'est apparemment ce qui fait dire à la mère de l'Incarnation, dans une lettre de l'année 1670 : « M. l'abbé de Queylus, qui est supérieur spirituel et temporel à Montréal, pour MM. de Saint-Sulpice, nous promet sa protection lorsque les choses seront en état. Nous ne sommes pas marries de ce retardement. Mgr notre prélat, qui ne fait rien qu'avec prudence, est aussi de ce sentiment (1).

Si M. de Laval avait réellement le dessein de procurer à ces religieuses un établissement à Villemarie, on pourrait croire que ce fut pour ce motif qu'il ne s'empressa pas d'ériger en communauté la Congrégation, quoique déjà elle eût obtenu les éloges de M. de Courcelle et de M. Talon, et même leur autorisation expresse.

Ce prélat jugeait, sans doute, que deux communautés vouées à l'instruction n'auraient pu trouver assez d'occupation à Villemarie. Cependant, s'étant rendu dans cette ville au mois de mai 1669, pour concerter enfin avec les ecclésiastiques du séminaire et avec les fabriciens les moyens de bâtir l'église paroissiale, dont la construction avait été différée jusque-là (1), par suite de troubles précédents : dans cette circonstance il daigna, le 20 du mois de mai, approuver aussi lui-même les emplois de la sœur Bourgeoys et de ses compagnes. Du moins il leur donna alors par écrit la permission d'instruire les enfants dans l'étendue du diocèse (2) (*). Cette simple permission donnée aux sœurs pourrait faire entrevoir dans M. de Laval quelque dessein ultérieur d'établir les Ursulines à Villemarie, ou peut-être eut-elle pour motif l'incertitude où il était encore sur l'état futur de la Congrégation, ne jugeant pas qu'il fût prudent de l'ériger en communauté avant qu'elle eût donné des garanties pour son avenir.

Quoi qu'il en soit, les ecclésiastiques du séminaire…

___________________________________________
(*) Le greffier du parlement de Paris dans l'acte d'enregistrement qu'il dressa des lettres patentes du roi en faveur de la Congrégation, mentionna cette permission de M. de Laval, en marquant qu'elle avait été donnée le 2o mai, audit an (1). Cette manière de parler indiquerait l'année 1667, puisque immédiatement auparavant on rappelle l'acte d'assemblée des citoyens de Villemarie du 9 octobre de cette même année. C'est aussi ce qu'on lit dans l'acte d'enregistrement de ces lettre patentes au conseil de Québec, où les mêmes expressions sont répétées (2), mais c'est par erreur qu'on a écrit ces mots audit an; il fallait mettre: en 1669. Car, outre que l'ordre dans lequel les divers certificats énumérés dans l'acte d'enregistrement semble supposer que la permission dont nous parlons était d'une date postérieure au 20 mai 1667, on voit dans les Lettres d'établissement de la Congrégation , données en 1676 par M. de Laval lui-même, que cette permission, qu'il y rappelle, était de l'année 1669 (3).

(1) Archives du royaume à Paris, section judiciaire, 20 juin 1671.
(2) Acte d’enregistrement, du 17 octobre 1672. Archives de la Congrégation.
(3) Archives de l’archevêché de Québec. — Archives de la Congrégation, Lettres de M. de Laval. Remarques sur les Constitutions, 1694. — Remontrance sur les Règles. Acte de Basset, notaire, 19 septembre 1676.

___________________________________________
(2) Lettres de la mère de l’Incarnation, IIe partie, lettre LXXX.
(1) Lettres de la mère de l’Incarnation , Ire partie, lettre LCXXVII, P. 187-188.
(1) Registres des délibérations de la paroisse de Villemarie , 12 mai 1669.
(2) Archives de l’archevêché de Québec, lettres d’établissement de la Congrégation , 6 août 1676.
A suivre…


Dernière édition par Louis le Sam 10 Nov 2012, 3:32 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Sam 10 Nov 2012, 6:47 am

I. Les Ursulines de Québec forment
de nouveau le projet de s’établir à Villemarie.


(suite)


Quoi qu'il en soit, les ecclésiastiques du séminaire, chargés seuls, comme seigneurs, de soutenir la colonie, et de pourvoir à ses divers besoins, ne goûtaient pas le projet d'y établir les Ursulines. Ils pensaient que ces religieuses, vivant en clôture, étaient moins en état que les sœurs de la Congrégation, de rendre au pays le genre de service qu'exigeaient alors ses besoins.

Ils remercièrent donc les Ursulines, en leur alléguant ce motif. D'ailleurs ces religieuses, qui ne pouvaient encore vivre de leurs revenus, ni se suffire à elles-mêmes par le travail, comme faisaient les sœurs de la Congrégation, auraient été à charge au pays ; leur établissement eût même été inutile, la colonie de Montréal étant trop peu nombreuse pour fournir assez d'occupation à deux communautés à la fois. Aussi les Ursulines de Tours, qui avaient eu dessein de passer elles-mêmes à Villemarie, comprenant sans doute qu'elles ne pourraient y trouver matière à exercer leur zèle tant que la sœur Bourgeoys et ses filles y instruiraient les enfants, écrivaient à leurs sœurs de Québec qu'elles iraient volontiers à Montréal, pourvu qu'elles y fussent seules.

Pour les détourner de ce projet, la mère de l'Incarnation leur répondit en ces termes :

« Si vous saviez ce que c'est que Montréal, vous n'auriez garde d'y envoyer des religieuses: elles n'y pourraient vivre sans être changées de temps en temps, à cause de l'incommodité du pays. Mais nous ne serons pas en cette peine, parce que MM. de Saint-Sulpice, qui en ont la conduite, n'y veulent que des filles séculières, qui aient la liberté de sortir pour aller çà et là, afin de solliciter et d'aider le prochain. Laissons donc conduire le tout à Dieu, qui fera toutes choses dans le temps ordonné dans son conseil (1). »

_________________________

(1) Lettres , IIe partie, lettre LXXXVIII, p. 668-669.

A suivre : II. On conseille à la sœur Bourgeoys de passer en France pour solliciter du roi des lettres patentes...

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Message  Louis Sam 10 Nov 2012, 4:25 pm

II. On conseille à la sœur Bourgeoys de passer en France
pour solliciter du roi des lettres patentes,
et amener de nouveaux sujets pour sa communauté.


Le dessein de Dieu sur la sœur Bourgeoys paraissait assez clairement par les fruits qu'elle avait déjà produits dans la colonie, et l'on avait lieu d'en espérer de plus grands encore de son zèle, si sa Communauté y était établie d'une manière fixe et par l’autorité du souverain. Nous avons même vu qu'en 1667 M. Talon avait autorisé les citoyens à s'assembler officiellement pour dresser une requête au roi, afin d'obtenir en faveur de cette communauté des lettres patentes. La sœur Bourgeoys, toujours étrangère aux maximes de la sagesse humaine, n'avait point demandé la convocation de cette assemblée ; et, depuis ce temps, elle n'avait fait aucun usage de la requête, ne comptant que sur le secours de Dieu pour elle-même et pour sa communauté.

Mais ceux qui la dirigeaient ne crurent pas qu'elle dût négliger plus longtemps un moyen que la prudence rendait nécessaire, et que la parfaite confiance en Dieu ne condamnait pas. Ils lui conseillèrent donc, cette même année 1670, de passer en France pour solliciter de la cour des lettres patentes, et aussi pour amener de nouvelles compagnes, dont elle ne pouvait plus se passer, à raison tant de l'accroissement de la colonie que du petit nombre de sœurs qui partageaient alors avec elle le soin des écoles. Car la sœur Marguerite Picaud, qui s'était jointe à elle en 1657, avait pris parti dans le monde (1) ; et il ne lui restait plus que les sœurs Catherine Crolo, Marie Raisin, qu'elle avait emmenées de France, et la sœur Anne Hioux, venue aussi avec elle, qui s'était donnée à la communauté depuis son arrivée en Canada.

Au reste, Dieu montra manifestement qu'il approuvait ce nouveau voyage, par l'heureux résultat dont il se plut à le couronner. Bien plus, pour que ce succès ne pût être attribué à la faveur des hommes, il voulut, par un concours de circonstances que sa Providence avait sans doute ménagées, priver si universellement la sœur Bourgeoys de tout secours humain, qu'il est difficile de concevoir un plus grand dénûment que celui où elle fut réduite pendant les deux ans que dura ce voyage. Voici le récit qu'elle nous fait elle-même des attentions de la bonté divine à son égard.

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(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.

A suivre : III. Second voyage de la sœur Bourgeoys en France…

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