Vie de la Soeur Bourgeoys. (Table) COMPLET.

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Message  Louis Dim 07 Oct 2012, 12:00 pm

VIII. Difficultés qu'on suscite à la recrue pour l'empêcher d’aller à Villemarie.
(suite]


Enfin, comme ils avaient employé tout leur numéraire en effets et en denrées diverses pour la colonie, et qu'on refusait les garanties qu'ils offraient, ils se virent à la veille de revenir sur leurs pas. Ils furent obligés de faire à la Rochelle un séjour de trois mois, et de supporter pendant ce temps les frais d'entretien de cent dix personnes (1). La sœur Bourgeoys n'a pas oublié dans ses Mémoires ce fâcheux contre-temps.

« A la Rochelle, les écus d'or que M. Raisin avait fait coudre dans le corset de sa fille, dit-elle, et qu'elle me donna ensuite, nous furent fort utiles. On nous avait promis qu'on embarquerait chacune de nous pour 50 livres, avec nos provisions et nos coffres ; mais il y eut quelques débats avec le maître du navire. On voulut nous faire payer à chacune 175 livres, et nous n'avions point d'argent. On refuse M. de Maisonneuve pour répondant, et on veut que ma sœur Raisin s'en retourne pour faire payer en France. Me voilà bien en peine.

Enfin, on nous mande de faire deux promesses, l'une pour payer à Montréal incessamment, l'autre sur M. Raisin, afin d'être payé par lui au retour du vaisseau, en cas que celle de Montréal ne fût pas sûre. Cependant le maître du navire, qui était préparé, se résolut à la fin de tout embarquer sur parole (1), » le 29 juin 1659 (2).

________________________________

(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, ib.
(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(2) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph, etc.
A suivre : IX. Derniers adieux de M. de la Dauversière aux sœurs de Saint-Joseph.

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Message  Louis Lun 08 Oct 2012, 6:24 am

IX. Derniers adieux de M. de la Dauversière aux sœurs de Saint-Joseph.


M. de la Dauversière, quoique atteint d'une maladie violente qui lui faisait souffrir une sorte de cruel martyre, eut néanmoins assez de courage pour accompagner ses filles à la Rochelle, et y attendre le moment de l'embarquement. Ceux qui s'opposaient à leur départ pour Villemarie, lui ayant demandé pourquoi il se pressait si fort, car ils auraient désiré que leur voyage fût différé jusqu'à l'année suivante, il leur répondit : « Si elles n'y vont pas à présent, elles n'y iront jamais. » Paroles qui furent bientôt justifiées par l'événement, comme la suite le fera voir.

De leur côté, les chefs de la flotte de la grande compagnie refusèrent à M. de la Dauversière la grâce qu'il leur demandait avec instance, d'attendre le vaisseau destiné pour Villemarie. Comme ils persistaient dans ce refus, il dit: « DIEU en sera le maître; » et ceux de la flotte n'eurent pas fait plus d'une lieue en mer, que leur amiral périt (3).

Enfin, après trois mois d'attente, la recrue pour Villemarie, qui s'était embarquée le jour de la fête de saint Pierre, leva l'ancre le jour de la Visitation, 2 juillet. Dans ce moment, M. de la Dauversière fit ses adieux à ses filles, leur donna sa bénédiction, et voyant que, par leur départ, il avait accompli les desseins de DIEU sur lui, il récita, dans un grand sentiment de reconnaissance, le cantique Nunc dimittis servum tuum, Domine (1). Sa mission était en effet remplie. Il retourna à la Flèche, et le 6 novembre suivant il acheva dans les plus vives souffrances une vie si généreusement employée à procurer la gloire de DIEU (2).

___________________________

(3) Archives de l’Hôtel-Dieu de la Flèche ; Mémoires de M. de la Dauversière sur son père.
(1) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph, par la sœur Morin.
(2) Lettre d M. de Fancamp sur la mort de M. de la Dauversière ; Archives de l’Hôtel-Dieu de la Flèche.
A suivre : x. La maladie se déclare sur le vaisseau….

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Message  Louis Lun 08 Oct 2012, 5:52 pm

X. La maladie se déclare sur le vaisseau.
Zèle de la sœur Bourgeoys à assister les malades et les mourants.


Il y avait environ deux cents personnes sur le navire, dont cent dix étaient destinées pour Villemarie, et dix-sept ou dix-huit filles pour Québec, « Nous avions, dit la sœur Bourgeoys, sept ménages pour Montréal; M. Le Maistre et M. Vignal, prêtres, pour Villemarie ; Mlle Mance et ses religieuses (3).» Ces dernières étaient la mère Judith Moreau de Brésole, supérieure; la sœur Catherine Macé, qui avait deux frères prêtres au séminaire de Saint-Sulpice de Paris ; la sœur Marie Maillet et Marie Polo, leur servante (4). Ces saintes filles, qui allaient se dévouer en Canada au service des malades, eurent bientôt l'occasion d'exercer leur zèle pendant la traversée. Le navire avait servi pendant deux ans d'hôpital de guerre, sans avoir fait depuis de quarantaine, et était infecté de la peste.

La maladie se déclara aussitôt, et il mourut huit à dix personnes dès le départ, sans qu'on permît d'abord aux sœurs de Saint-Joseph d'exposer leur vie pour les assister ; M. Le Maistre soignait les malades et ensevelissait lui-même les morts, les liant dans leurs couvertures et les jetant ainsi avec elles à la mer (1). Deux de ces pauvres passagers qui étaient huguenots eurent le bonheur d'abjurer l'hérésie avant de mourir, et de trouver ainsi leur salut dans cette détresse commune. Enfin, on accorda aux instances des sœurs hospitalières la grâce qu'elles sollicitaient d'assister elles-mêmes les malades, qui étaient en grand nombre ; et dès ce moment il ne mourut plus personne sur le vaisseau.

« Nous pouvons dire, ajoute M. Dollier de Casson, que la sœur Marguerite Bourgeoys fut bien celle qui travailla autant que toutes les autres pendant toute la traversée, et que DIEU pourvut de plus de santé pour suffire à tant de fatigues (2). »

Elle éprouva cependant quelques atteintes du mal aussi bien que les hospitalières ; les sœurs Châtel, Crolo et Raisin surtout en ressentirent toute la violence ; mais principalement Mlle Mance, qui fut réduite à l'extrémité (3).

« La famille Thibodeau, tout entière, dit la sœur Bourgeoys, était aussi à l'extrémité, hormis une petite fille à la mamelle dont personne ne voulait se charger. J'entendis que l'on parlait de la jeter à la mer, ce qui me faisait trop de pitié ; et je la demandai contre l'avis de toute notre bande, qui était toute malade (1). »

______________________________________________________

(3) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(4) Annales de l’Hôtel-Dieu , etc. Archives du séminaire de Villemarie, engagements de 1659.
(1) Histoire du Montréal, ibid. — Écrits autographes de la sœur Bourgeoys. Histoire du Canada, par M. de Belmont.
(2) Histoire du Montréal, ibid.
(3) Annales de l’Hôtel-Dieu , Saint-Joseph, etc.
(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.

A suivre : XI. Arrivée et séjour de la sœur Bourgeoys à Québec.

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Message  Louis Mar 09 Oct 2012, 6:29 am

XI. Arrivée et séjour de la sœur Bourgeoys à Québec.


Enfin, après une navigation si pénible et remplie de tant de vives épreuves, on arriva devant l'habitation de Québec, et on jeta l'ancre le 8 septembre, fête de la Nativité de la très-sainte Vierge, 1659 (2).

« Le dernier vaisseau à son arrivée, écrivait la mère de l'Incarnation, s'est trouvé infecté de fièvre pourprée et pestilentielle. Il portait deux cents personnes, qui presque toutes ont été malades. Il en est mort huit sur mer et d'autres à terre. Presque tout le pays a été infecté et l'hôpital rempli de malades (3). »

Mlle Mance et d'autres personnes destinées pour Villemarie demeurèrent quelque temps à Québec, afin d'y rétablir leur santé (4), et la sœur Bourgeoys continua encore d'exercer à leur égard ses charitables soins.

« A Québec, dit-elle, nous étions logées au magasin de Montréal. M'étant chargée de la petite Thibodeau, que j'avais avec moi, je dis à son père, qui se portait mieux, de la garder jusqu'à notre départ pour Montréal, afin de soulager nos filles des cris de cette enfant. Mais les personnes qui étaient là firent un grand feu pour se chauffer, et couchèrent l'enfant trop proche du foyer, en sorte qu'elle eut le dos brûlé. Cette enfant souffrait beaucoup, et je n'avais point d'onguent pour la panser, ce qui me fit bien de la peine tout le voyage de Québec à Villemarie.

Enfin, quand nous fumes arrivés, elle se portait bien. Je la remis à une nourrice, et elle mourut bientôt après. On me dit que de l'avoir remise à la mamelle l'avait fait mourir. Nous arrivâmes à Montréal le jour de Saint-Michel, en quoi j'admirai l'attention de la divine Providence ; car à mon départ ayant prié M. Galinier de ne me pas ôter la sacristie à mon retour, il m'avait dit que je n'en aurais plus le soin, si je mettais plus d'un an à mon voyage ; et nous arrivâmes le propre jour où nous étions partis l'année précédente, à peu près heure pour heure. Le soin de la sacristie et de tout ce qui en dépend, dont une fille peut s'occuper, me fut donc remis selon mes désirs (1).»

________________________________

(2) Annales de l’Hôtel-Dieu , etc.

(3) Lettres de la mère de l’Incarnation, II e partie, p. 544.

(4) Annales de l’Hôtel-Dieu , Saint-Joseph, etc.

(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.

A suivre XII. Avantages que la chute de Mlle Mance procura à la colonie.

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Message  Louis Mar 09 Oct 2012, 9:53 am

XII. Avantages que la chute de Mlle Mance procura à la colonie.

La colonie de Villemarie fit éclater sa joie à l'arrivée de ce nouveau renfort (2). Mais personne n'en éprouvait une plus vive ni une plus douce que celle que goûtait Mlle Mance, dont le voyage en France avait procuré au pays tant d'avantages réunis : une nouvelle recrue de colons forts et robustes, capables de défendre le pays contre les Iroquois, et tous habiles en diverses sortes de métiers ; les sœurs de Saint-Joseph, si longtemps attendues et si ardemment demandées; de nouvelles institutrices , qui devaient seconder la sœur Bourgeoys dans l'établissement de la Congrégation de Notre-Dame, et dont elles furent avec elle les pierres fondamentales ; enfin, deux nouveaux ecclésiastiques de Saint-Sulpice, tout dévoués au bien de cette colonie.

Si l'on juge du voyage de Mlle Mance par ce résultat, on ne peut douter qu'il ne lui ait été inspiré d'en haut, et que l'accident si douloureux qui lui était arrivé en 1657, n'ait été un moyen ménagé de DIEU pour la rendre elle-même plus digne de consommer enfin le dessein d'établir, dans l'île de Montréal, les trois communautés destinées à y répandre l'esprit de la sainte Famille. A ne considérer que le cours ordinaire des choses, sans la chute de Mlle Mance, son voyage en France n'aurait pas eu lieu; et sans sa guérison, obtenue dans ce voyage par l'intercession de M. Olier, les sœurs de Saint-Joseph, encore sans fondation, ne seraient pas parties pour Villemarie, surtout après la mort de M. de la Dauversière. Enfin la sœur Bourgeoys, sans cette chute, n'aurait pas entrepris ce voyage, dont l'occasion, connue elle-même nous l'apprend, fut la résolution même que Mlle Mance avait prise de passer en France.

Mais la joie que fit naître à Villemarie l'arrivée de toutes ces personnes, ne fut pas de longue durée. Les trois communautés, destinées à la fin la plus excellente qu'on put concevoir pour la colonie, devaient être éprouvées longtemps par la contradiction des hommes et porter leur premier fruit au milieu même de ces épreuves, comme c'est le propre des œuvres de DIEU. Aussi à peine étaient-elles arrivées en Canada, qu'elles commencèrent à faire l'heureuse expérience de ce qu'avait annoncé le R. P. Vimont aux associés de Montréal, en 1642. Ce religieux, parlant de la consécration qu'ils avaient faite de l'île de Montréal à la sainte Famille de JÉSUS, Marie et Joseph, et montrant que ce dessein avait vraiment DIEU pour auteur, ajoutait ces paroles: « Ces Messieurs me permettront de leur dire en passant qu'on ne mène personne à JÉSUS-CHRIST que par la croix; que les desseins qu'on entreprend pour sa gloire en ce pays, se conçoivent dans les dépenses et dans les peines, se poursuivent dans les contrariétés, s'achèvent dans la patience, et se couronnent dans la gloire. La patience mettra la dernière main à ce grand ouvrage (1). »

______________________________________

(2) Histoire du Montréal.
(1) Relation de ce qui s’est passé en la Nouv.– France en 1642, chap. IXe, p. 129.

A suivre : CHAPITRE II : ÉPREUVES DIVERSES QUE LE SÉMINAIRE, LA CONGRÉGATION ET LES FILLES DE SAINT-JOSEPH ONT À ESSUYER, DANS LES PREMIÈRES ANNÉES DE LEUR ÉTABLISSEMENT À VILLEMARIE.


Dernière édition par Louis le Mer 10 Oct 2012, 7:32 am, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Mer 10 Oct 2012, 6:07 am

CHAPITRE II

ÉPREUVES DIVERSES QUE LE SÉMINAIRE, LA CONGRÉGATION
ET LES FILLES DE SAINT-JOSEPH
ONT À ESSUYER, DANS LES PREMIÈRES ANNÉES
DE LEUR ÉTABLISSEMENT À VILLEMARIE.

I. La compagnie de Montréal devient l’occasion
de l’établissement d’un évêque en Canada,
selon le premier dessein qu’elle avait eu dès sa formation.


Les associés de Montréal s'étaient proposé, dès la formation de leur compagnie, de procurer l'établissement solide de la religion en Canada, et pour cela d'y faire ériger un siège épiscopal (1). Comme le roi ne faisait encore aucun sacrifice pour ce pays , et que d'ailleurs la grande compagnie à qui il en avait donné la propriété ne s'occupait que de trafic et de commerce, les associés de Montréal avaient formé une colonie indépendante, et obtenu pour eux la propriété de l'île de ce nom, où ils espéraient faire ériger enfin un évêché. Déjà en 1645 ils étaient sur le point d'y envoyer l'un d'eux, M. LeGauffre, en qualité d'évêque, lorsque ce saint prêtre vint à mourir (2).

A l'occasion du voyage de M. de Maisonneuve, en 1655, pour amener à Montréal les prêtres de Saint-Sulpice, ils avaient proposé pour ce nouveau siège un autre membre de leur compagnie, M. l'abbé de Queylus, qui d'ailleurs devait être envoyé par M. Olier à Villemarie; et pour prévenir les difficultés qu'on aurait pu opposer à leur dessein, ils avaient offert de doter eux-mêmes le nouvel évêque et son chapitre, sans qu'il en coûtât rien à l'Etat.

Mais, malgré la protection du cardinal Mazarin, premier ministre, et quoique les évêques de l'assemblée générale du clergé de France se donnassent bien des mouvements pour le succès de cette affaire (1), elle éprouva des obstacles, auxquels on fut contraint de céder. M. de Queylus partit néanmoins pour Montréal, dans la compagnie de M. de Maisonneuve, et, comme on l'a vu, avec les mêmes pouvoirs de grand-vicaire que l'archevêque de Rouen donnait auparavant au supérieur des Jésuites de Québec.

____________________________

(1) Les véritables motifs de MM. et Dames de la société de Montréal, 1643, in-4º, p. 15-25.
(2) Mss. de Grandet, vie de M. LeGauffreLettres spirituelles de la mère de l’Incarnation, lettre XLII, p. 80. — Procès-verbal de l’assemblée générale du clergé de France, 1645, in-folio , p. 748-750, 822.
(1) Procès-verbal de l’assemblée générale du clergé de France, 1656, in-folio , p. 629-631, 1060-1061.
A suivre : II. M. de Laval, vicaire apostolique en Canada. M. de Queylus cesse tout exercice de juridiction pour l'archevêque de Rouen. Réclamation de cet archevêque.



Dernière édition par Louis le Mer 10 Oct 2012, 2:31 pm, édité 2 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Mer 10 Oct 2012, 12:06 pm

II. M. de Laval, vicaire apostolique en Canada, M. de Queylus
cesse tout exercice de juridiction pour l'archevêque de Rouen.
Réclamation de cet archevêque.


Ces Pères, voyant alors qu'ils allaient partager leurs fonctions avec des prêtres séculiers, jugèrent enfin eux-mêmes qu'un évêque serait utile (2) au bien de la religion en Canada, et présentèrent à la cour M. de Laval (3), ecclésiastique très-zélé, qui avait déjà été sur le point d'être ordonné évêque pour la Cochinchine. La cour demanda aussitôt au Pape l'érection d'un siège en Canada (4); des bulles furent envoyées sans délai, et ainsi la compagnie de Montréal devint l'occasion de l'établissement d'un évêque dans ce pays.

Cependant, au lieu de l'érection d'un siège épiscopal que la cour avait demandé au pape (5) , les bulles qu'on reçut ne donnèrent à M. de Laval que la simple commission révocable de vicaire apostolique en Canada, avec le titre d'évêque in partibus de Pétrée en Arabie (1). On prétendit en France que les officiers du pape avaient été surpris en expédiant des bulles si différentes de celles qu'on avait demandées, et les vives réclamations qu'elles excitèrent de la part des évêques (2) et des magistrats (3) retardèrent le départ de M. de Laval jusqu'en l'année 1659, où enfin la cour crut devoir lui expédier des lettres patentes pour l'exécution de sa commission (4).

M. de Laval étant arrivé à Québec…

_________________________________

(2) Œuvres d’Arnaut, t. XXXIV , p. 725. — Archives de la marine : lettre du ministre à M. de Tracy, 15 novembre 1664. — Ibid. Registre des ordres du Roi pour les Indes occidentales : mémoire à M. Talon, fol. 75
(3) Histoire de la Nouvelle-France, par le Père de Charlevoix, t. I, p. 339.
(4) Archives du ministère des affaires étrangères : lettre du Roi au Pape : Rome, 1644, trois derniers mois ; et 1668, supplément , 195. P. 122.
(5) Ibid.
(1) Archives des affaires étrangères ib. 133. Lettre de l’Archevêque de Rouen, du10 décembre 1658.
(2) Bibliothèque Mazarine, ms. 1492, F. , assemblée du clergé de France, p. 141.
(3) Archives du royaume, Parlement de Paris, 16 décembre 1658 — Archives du Palais de justice à Rouen 3 octobre 1658, 23 décembre 1658.
(4) Archives des affaires étrangères , Rome, 137. Lettre de M. de (Harlay), du 3 mars 1659.
A suivre…

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Message  Louis Jeu 11 Oct 2012, 6:13 am

II. M. de Laval, vicaire apostolique en Canada. M. de Queylus
cesse tout exercice de juridiction pour l'archevêque de Rouen.
Réclamation de cet archevêque.
(suite]


M. de Laval étant arrivé à Québec, le Père Dequen (*), supérieur des Jésuites, qui exerçait les pouvoirs de vicaire général de l'archevêque de Rouen pour la partie dépendante de Québec (1), cessa dès lors d'en faire usage, et reconnut la juridiction du vicaire apostolique. M. de Queylus, de son côté, se rendit exprès de Villemarie à Québec pour rendre ses devoirs à M. de Pétrée (2), et cessa tout exercice de juridiction.

« M. l'abbé de Queylus, écrivait sur ces entrefaites la mère de l'Incarnation, est descendu de Montréal pour saluer notre prélat. Il était établi grand-vicaire en ce lieu par Mgr l'archevêque de Rouen ; mais aujourd'hui tout cela n'a plus lieu, et son autorité cesse. Les progrès, néanmoins, de la mission sont grands à Montréal, et l'on y va faire tout d'un coup l'établissement de trente familles, le dernier vaisseau ayant amené à cet effet un grand nombre de filles (3) (**). »

A peine M. de Laval s'était-il embarqué pour le Canada, que l'archevêque de Rouen adressa à la cour une requête pour demander qu'il fût permis à ses grands-vicaires de continuer l'exercice de sa juridiction en Canada, sans préjudice de celle du vicaire apostolique, qu'il reconnaissait pour très-légitime. Il faisait remarquer que le pape , dans les bulles de M. de Laval, ayant expressément déclaré que Québec était dans le diocèse de Rouen (1), les pouvoirs du vicaire apostolique ne devaient pas annuler les siens propres, qu'il y avait exercés constamment depuis la reprise de possession du Canada par les Français ; puisque les pouvoirs des légats a latere, ajoutait-il, quoique d'une tout autre étendue que ceux du vicaire apostolique, n'empêchaient pas les ordinaires des lieux d'exercer toujours leurs pouvoirs respectifs (2).

_____________________________

(1) Archives de l’archevêché de Rouen, 1658, fol. 40. — Actes d’Audroüart, notaire à Québec, 3 février 1659. — Archives de la notarial fol. 37, verso.
(2) Journal des Jésuites.
(3) Lettre de mère de l’Incarnation, IIe partie , p. 542.
(1) Archives des affaires étrangères , Rome, 39, p. 140.
(2) Archives des affaires étrangères , Rome, 137. Lettre de l’archevêque de Rouen, du 3 mars 1659.
A suivre : explication du (*) et du (**)

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Message  Louis Jeu 11 Oct 2012, 12:24 pm

II. M. de Laval, vicaire apostolique en Canada. M. de Queylus
cesse tout exercice de juridiction pour l'archevêque de Rouen.
Réclamation de cet archevêque.


(suite]


(*) Il paraît que les diverses manières de prononcer le nom de ce religieux auront donné lieu à ces différentes façons de l'écrire, qu'on trouve dans les papiers du temps: De Quen (1), de Quien et même De Quesne (2) . Dans la Relation de la Nouvelle-France ès années 1655 et 1656, envoyée par ce Père à Paris, on a écrit de Quens (3). La véritable orthographe de son nom est Dequen : car c'est ainsi que lui-même l'a écrit dans les registres de la paroisse de Villemarie : Ego Joannes Dequen Societatis Jesu (4) : et dans l'acte de mariage de Noël Jérémie, dit la Montagne, passé à Québec, le 3 février 1659, il est pareillement nommé par Audoüart, notaire de cette ville : Jean Dequen, et qualifié: supérieur des Jésuites, missionnaires de ce pays, et grand vicaire de Mgr l'archevêque de Rouen (1).
_________________________________
(1) Lettres de Marie de l’Incarnation IIe partie, lettre LVII. — Mémoires de M. d’Allet, suprà.
(2) Relation des Jésuites, in 12. Montréal. 1850, p. 32.
(3) Relation de ce qui s’est passé, etc, envoyée au P. Louis (Cellot), 1657.
(4) Registre des baptêmes, 24 novem. 1648.
(1) Archives de la marine, suprà.
_ _ _ _ _ _ _ _

(**) Les détails que nous donnons sur M. de Queylus dans cet ouvrage, sont bien différents de ceux qu'on lit de lui dans les Mémoires sur M. de Laval, par M. de La Tour, le premier qui ait imaginé que M. de Queylus eût refusé opiniâtrement de reconnaître la juridiction de ce prélat. Ce n'est pas qu'en le traitant avec si peu d'équité, il ait agi par quelque sentiment de malveillance pour le séminaire de Saint-Sulpice; il était au contraire si dévoué à cette maison, que les jansénistes, dont il fut toujours l'un des grands adversaires, faisaient de ce dévouement l'un des sujets de leurs griefs contre lui, le qualifiant : Un sulpicien très-zélé, soi-disant ancien doyen de Québec (1) .

Mais écrivant avec sa précipitation ordinaire, et n'ayant sur l'affaire de M. de Queylus qu'un petit nombre de pièces isolées, qui ne lui en laissaient entrevoir que quelques traits épars, il s'est donné la liberté, comme il a fait dans bien d'autres endroits de ses Mémoires, de suppléer aux lacunes de sa matière par les conjectures de son propre esprit, et de former un ensemble qu'il a donné avec confiance et de bonne foi à ses lecteurs comme indubitable, quoique la vérité y fût entièrement défigurée. On pourra juger par les faits que nous indiquons d'après les monuments du temps, combien ses conjectures l'ont égaré dans cette rencontre ; et cet exemple montre avec quelle réserve un écrivain qui n'a pas assez étudié sa matière, doit se conduire pour ne pas offenser la vérité.

Les Mémoires de M. de La Tour étant le seul ouvrage qu'on ait composé jusqu'ici sur les commencements de l'Église du Canada, il n'est pas étonnant que ceux qui ont écrit dans ces derniers temps , sans faire de nouvelles recherches, y aient puisé comme de concert; et il est arrivé de là que chacun a donné à M. de Queylus un caractère plus ou moins sombre, selon ses propres impressions. Ce que nous rapportons d'inédit pour compléter son histoire, pourra donc servir de correctif aux écrits récents dont nous parlons, tels que l'Esquisse de M. de Laval, l'Histoire du Canada , par M. Garneau, l'Histoire du Canada, de son Église et de ses Missions, par M. Brasseur de Bourbourg.
___________________________

(1) Nouvelles ecclésiastiques, in-4°, année 1736, p. 145.

A suivre : III. Le roi et l'archevêque ordonnent à M. de Queylus de continuer l'exercice de sa juridiction. Ordre contradictoire.

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Message  Louis Ven 12 Oct 2012, 6:21 am

III. Le roi et l'archevêque ordonnent à
M. de Queylus de continuer l'exercice de sa juridiction.
Ordre contradictoire.


Cette demande parut raisonnable et bien fondée. En conséquence, on expédia au nom du roi une lettre de cachet à M. de Queylus pour lui ordonner de continuer l'exercice de la juridiction de l'archevêque, sans préjudice de celle du vicaire apostolique, jusqu'à ce que le pape eût déclaré plus expressément sa volonté sur les pouvoirs de l'archevêque de Rouen en Canada ; et de son côté, ce prélat envoya à M. de Queylus de nouvelles lettres de grand-vicaire.

Celui-ci était sur le point de faire un voyage en France lorsqu'il reçut ces lettres. Quoiqu'il eût promis à M. de Laval de n'accepter aucune sorte de pouvoirs (3) contraires aux siens, il ne crut pas devoir désobéir aux ordres du roi ni à ceux de l'archevêque de Rouen que les bulles du pape semblaient supposer être l'ordinaire du Canada, surtout voyant que ces ordres reconnaissaient pour très-légitimes les pouvoirs du vicaire apostolique. Il dit donc à M. de Laval que, d'après ces ordres, il croyait devoir continuer l'exercice des pouvoirs de grand-vicaire de l'archevêque de Rouen, tout en reconnaissant ceux dont il était lui-même investi par le saint-siège.

Comme la qualité de vicaire apostolique était alors nouvelle, que d'ailleurs la question de la juridiction de l'archevêque de Rouen devait être soumise au pape, et qu'enfin le pape déclarait lui-même dans ses bulles que le Canada était dans le diocèse de Rouen, il serait difficile de blâmer M. de Queylus d'avoir pris le parti d'obéir provisoirement à cet archevêque.

______________________________

(3) Journal des Jésuites. 8 septembre 1659.
A suivre : IV. M. de Queylus est expulsé du Canada.


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Message  Louis Ven 12 Oct 2012, 12:43 pm

IV. M. de Queylus est expulsé du Canada.


Mais le même vaisseau qui avait apporté ces lettres à M. de Queylus, datées du 11 mai 1659, en apporta une autre écrite le 14, au nom du roi, en faveur de M. de Laval. Celle-ci dérogeait à la première, et ordonnait d'empêcher les grands-vicaires de Rouen d'exercer aucun pouvoir au nom de ce prélat (1) (*). M. de Queylus fut donc obligé de se désister.

Mais M. de Laval qui déjà avait trouvé mauvais que, d'après les lettres du 11, il eût voulu un instant exercer les pouvoirs de grand-vicaire de l'archevêque, crut qu'il ne devait plus se fier à lui. Se voyant muni lui-même de cette seconde lettre de cachet, il usa de toute autorité à Villemarie (1), et poussa les choses peut-être avec un peu trop de rigueur, en voulant absolument que M. de Queylus quittât le pays. Il obtint même une nouvelle lettre de cachet pour le faire repasser en France, et cette lettre lui fut signifiée par le gouverneur, qui alla, avec un nombre considérable de troupes, l'amener de Villemarie à Québec, ainsi que deux autres ecclésiastiques du séminaire de Saint-Sulpice (2).

Le départ de M. de Queylus affligea beaucoup la colonie de Villemarie, pour la défense de laquelle il venait de faire des dépenses considérables, en établissant aux deux extrémités du pays les postes de Sainte-Marie et de Saint-Gabriel (1); et Péronne du Mesnil assure qu'il fut aussi regretté par tous les colons de Québec, à cause des largesses qu'il faisait aux pauvres (2). Il partit le 22 octobre 1659 ; et ayant ensuite relâché, il remit à la voile le 26 du même mois (3). Après le départ de M. de Queylus, M. de Laval ordonna aux prêtres de Saint-Sulpice de signer un écrit, par lequel ils s'engageaient à ne reconnaître à l'avenir que sa seule juridiction : ce qu'ils firent aussitôt. Ceux d'entre eux qui restaient à Villemarie étaient M. Souart, M. Vignal, M. Le Maistre et M. Galinier (4).

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

(*) Dans une lettre de cachet adressée sur ce sujet à M. d'Argenson, on faisait dire au roi qu'il avait lui-même demandé au pape le titre de vicaire apostolique pour M. de Laval; et c'est de là que M. de La Tour, dans ses Mémoires, a avancé que cette commission avait en effet été sollicitée par la cour de France. Mais ce qu'on fait dire ici au roi est expressément démenti et par ses propres lettres au pape, et par toute la suite des démêlés relatifs à l'érection du siège de Québec. Aussi, dans le projet de bulle pour l'érection de ce siège, les secrétaires du pape ayant donné à M. de Laval le titre de vicaire apostolique , la cour exigea que ce titre y fut supprimé, et que dans les bulles d'érection il ne portât que le titre d'évêque de Pétrée (1), ce qui eut lieu de la sorte.

(1) Archives de la marine, registres des ordres du Roi pour les Indes occidentales, 1669, fol. 166. — Archives étrangères, Rome, t. XXXIX, p. 140.

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

(1) Lettre de cachet, du 14 mai 1659 à M. Le vicomte d’Argenson, enregistrée au greffe de Québec, le 14 octob.
(1) Journal des Jésuites. 8 septembre 1659.
(2) Mémoire de M. d’Allet, Œuvres d’Arnault, t. XXXIV, p. 729. — Histoire du Montréal, par M. de Belmont.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1658 à 1659.
(2) Archives de la marine, carton 1660, mémoire de Jean Péronne du Mesnil.
(3) Journal des Jésuites.
(4) Archives du séminaire de Villemarie, ordonnance du 3 août 1660.
A suivre : V. On s’efforce de faire repasser en France les hospitalières de Saint-Joseph.

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Message  Louis Sam 13 Oct 2012, 7:12 am

V. On s’efforce de faire repasser en France les hospitalières de Saint-Joseph.


Tel était l'état des choses à Villemarie, lorsque la sœur Bourgeoys arriva avec ses compagnes. La protection du séminaire, dans de pareilles conjonctures, était un faible appui pour elles, aussi bien que pour les sœurs de Saint-Joseph. Ces dernières avaient même eu à essuyer un très-violent orage dès leur arrivée à Québec, M. de Laval et les Pères Jésuites, jugeant plus utile au bien du pays de n'y avoir que des hospitalières du même institut, voulaient installer à Villemarie celles de Québec, et obliger celles de Saint-Joseph à embrasser l'institut des autres ou à repasser en France (1).

L'évêque donna même l'ordre à M. Souart de leur dire de s'en retourner par le même vaisseau qui les avait amenées (2); et elles auraient pris ce parti sans la fermeté de la mère de Brésole, qui refusa constamment, soit de s'unir à l'institut des hospitalières de Québec, soit de repasser en Europe. A la fin, M. de Laval, à qui les associés de Montréal avaient déclaré qu'ils retireraient tous les fonds de l'Hôtel-Dieu, si on voulait donner l'administration de cette maison à d'autres qu'aux sœurs de la Flèche, permit à celles-ci, le 2 octobre, de partir pour Villemarie (3).

Mais M. de la Dauversière étant venu à mourir le 6 novembre suivant (4), et la fondation de ces filles fournie par Mme de Bullion ayant été confondue dans sa succession, qui fut saisie: dès que cette dernière nouvelle arriva à Québec, on revint au dessein de les faire partir pour la France.

Elles y seraient repassées si les citoyens de Villemarie, qui leur étaient tous dévoués, n'eussent adressé , à l'évêque de vives instances, auxquelles il voulut bien avoir égard (5).

__________________________

(1) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph, par la sœur Morin.
(2) Histoire de l’institution des sœurs de Saint-Joseph, t. ii, p. 132. Ms. de l’Hôtel-Dieu de la Flèche.
(3) Histoire du Montréal, ibid. Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, par la mère Juchereau, p. 118 — Archives de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph de Villemarie.
(4) Lettre de M. de Fancamp, du 28 avril1660 au père Chaumonot. Archives de l’Hôtel-Dieu de Laflèche.
(5) Lettres de la mère Marie de l’Incarnation Ire partie, lettre CX, . p. 204.
A suivre : VI. Diverses tentatives pour établir les Ursulines de Québec à Villemarie.


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Message  Louis Sam 13 Oct 2012, 11:22 am

VI. Diverses tentatives pour établir les Ursulines de Québec à Villemarie.


L'établissement naissant de la sœur Bourgeoys n'était guère plus solide. Lorsque cette sainte fille passa en Canada avec M. de Maisonneuve, en 1653, dans l'intention d'y faire les écoles, nous avons vu qu'on lui offrit d'entrer dans la communauté des Ursulines de Québec. Elle fut à peine arrivée à Villemarie, qu'on voulut y établir ces religieuses.

« L'on nous propose et l'on nous presse de nous établir à Montréal, écrivait la mère Marie de l'Incarnation, le 24 septembre 1654 ; mais nous n'y pouvons entendre, ajoute-t-elle, si nous n'y voyons une fondation, car on ne trouve rien de fait en ce pays, et l'on n'y peut rien faire qu'avec des frais immenses (1). »

Après l'arrivée de la sœur Bourgeoys avec ses compagnes à Villemarie, en 1659, on fit aux Ursulines de nouvelles instances d'aller s'y établir, ce qui, vu l'état où était alors cette colonie naissante, eût rendu inutiles les services de la sœur Bourgeoys et ceux de ses filles, et les eût obligées de repasser la mer.

« On nous presse de nous établir à Montréal, écrivait de nouveau la mère de l'Incarnation ; mais nous ne sommes pas en état de le faire. Monseigneur notre prélat aura l'inspection sur tout cela, quoiqu'il ne soit ici que sous le titre d'évêque de Pétrée et non pas de Québec en Canada (2). »

Le même obstacle qui avait empêché d'établir les Ursulines à Villemarie…

______________________________

(1) Lettres de la mère de l’Incarnation, , lettre L , p. 513.
(2) Ibid . p. 542.
A suivre…

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Message  Louis Dim 14 Oct 2012, 6:54 am

VI. Diverses tentatives pour établir les Ursulines de Québec à Villemarie. (suite]


Le même obstacle qui avait empêché d'établir les Ursulines à Villemarie, lorsque la sœur Bourgeoys y arriva la première fois, c'est-à-dire le manque de ressources pécuniaires, ne permit pas non plus d'exécuter ce dessein en 1659; car l'évêque de Pétrée, ayant renoncé à ses biens de patrimoine avant de venir en Canada, n'était pas en état de les aider.

« On peut dire avec vérité, écrivait encore la mère de l'Incarnation, que notre prélat a l'esprit de pauvreté. Il ne fera rien pour accroître son revenu, il est mort à tout cela. Peut-être (sans faire tort à sa conduite) s'il ne l'était pas tant, tout en irait mieux; car on ne peut rien faire ici sans le secours du temporel. Mon sentiment particulier est que, si nous souffrons en Canada pour nos personnes, ce sera plutôt par la pauvreté que par le glaive des Iroquois (1). »

Une considération bien digne de remarque, et qui montre manifestement que le dessein de DIEU était d'établir la sœur Bourgeoys à Villemarie, préférablement à toute autre communauté, pour l'instruction des enfants, c'est que, tandis que les Ursulines jugeaient leur établissement impossible dans ce lieu, faute de ressources temporelles, la sœur Bourgeoys, en venant jeter les fondements du sien, s'était dépouillée de tout avant de partir de Troyes. Elle ne voulut avoir, comme elle l'écrivait elle-même, ni blanc ni maille, et ne porta avec elle qu'un petit paquet de linge sous son bras (1). Bien plus, lorsqu'à son second voyage à Paris, en 1659, l'un des associés de la compagnie de Montréal lui offrit une riche fondation pour s'établir, elle et ses filles, à Villemarie, elle la refusa, comme nous l'avons raconté, afin de ne fonder son œuvre que sur DIEU seul, et de pratiquer constamment la pauvreté parfaite qu'elle lui avait vouée.

________________________________________

(1) Ibid. lettre CXe, du 17 septemb. 1660, p. 203.
(1) lettre de la sœur Bourgeoys à M. Tronson.
A suivre : VII. Danger que court la colonie de Villemarie de succomber aux attaques des Iroquois…


Dernière édition par Louis le Dim 14 Oct 2012, 3:19 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Dim 14 Oct 2012, 3:06 pm

VII. Danger que court la colonie de Villemarie
de succomber aux attaques des Iroquois.
Résolution magnanime de dix-sept Montréalistes.


Cependant les épreuves que les filles de la Congrégation et celles de Saint-Joseph eurent à essuyer pour s'établir, étaient peu de chose, comparées aux craintes journalières de voir la petite colonie de Villemarie succomber aux attaques continuelles des Iroquois. L'expérience montra même qu'elle eût succombé infailliblement, sans le renfort qu'elle reçut à l'arrivée de MM. Vignal et Le Maistre (2).

Comme jusque alors la colonie avait été peu nombreuse, et que les barbares faisaient aux colons une cruelle guerre jusqu'à la porte de leur maison, M. de Maisonneuve s'était contenté de se tenir sur la défensive. Mais, après l'arrivée de ce dernier renfort, on résolut pour la première fois, en 1660, d'aller les attaquer, pour leur inspirer à eux-mêmes de la terreur (3) ; et la générosité de ceux qui se dévouèrent dans cette occasion, justifia de nouveau le dessein que s'étaient proposé, en 1641, les premiers associés de Montréal, de pourvoir, par cet établissement, à la défense et à la conservation de Québec et de toute la colonie française.

La sœur Bourgeoys indique elle-même en peu de mots cette action de courage : « M. Daulac, dit-elle, assembla seize ou dix-sept hommes des plus généreux pour aller attaquer les sauvages, et à dessein d'y donner leur vie, si c'était la volonté de DIEU ; mais ils furent trahis et tous tués (1). »

Le trait de valeur que la sœur rappelle ici est sans contredit le plus mémorable de l'histoire militaire du Canada. On ne voit rien chez les Romains ni chez les Grecs de plus magnanime ni de plus audacieux que le dévouement de ces généreux athlètes, qui, au nombre de dix-sept, firent tête d'abord à trois cents, puis à huit cents Iroquois pendant huit jours, et inspirèrent tant de terreur pour le nom de Montréal, en sacrifiant si noblement leur vie, que par leur mort ils sauvèrent tout le Canada (2) (*).


(*) Nous rapporterons ici en abrégé ce trait de valeur chrétienne, tant pour l'édification et l'admiration du lecteur…
_____________________________________

(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1658 à 1659.
(3) Histoire du Montréal, de 1659 à 1660.
(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(2) Histoire du Montréal, ibid.
A suivre : le (*)

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Message  Louis Lun 15 Oct 2012, 6:01 am

VII. Danger que court la colonie de Villemarie
de succomber aux attaques des Iroquois.
Résolution magnanime de dix-sept Montréalistes.
(suite:*)


(*) Nous rapporterons ici en abrégé ce trait de valeur chrétienne, tant pour l'édification et l'admiration du lecteur que pour suppléer a une omission de l'historien de la Nouvelle-France, qui semble l'avoir ignoré, quoique cette action eût déjà été racontée fort au long dans les Lettres de Marie de l'Incarnation et dans les Relations de la Nouvelle-France (1).
_____________________________________________

(1) Lettres de la mère Marie de l’Incarnation Ire partie, lettre LVIII . p. 548 et suiv.. — Relation de ce qui s’est passé, etc., ès années 1659 et 1660, chap. IV , p. 72 et suiv.


I. Résolution héroïque des dix-sept Montréalistes.

Ces braves et généreux Montréalistes, après s'être préparés à leur sacrifice par la réception des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, en faisant serment en la présence des saints autels de ne point accepter de quartier, et de se battre jusqu'au dernier souffle de vie; après avoir fait leur testament et reçu le dernier adieu de leurs concitoyens, remontent le fleuve Saint-Laurent, tous résolus d'affronter l'ennemi et de répandre leur sang pour la religion et le salut de leur patrie (1).

Ils étaient à peine partis, qu'un chef huron et un chef algonquin, alliés aux Français, arrivèrent malheureusement à Villemarie, avec des sauvages formant un parti de guerre composé de quatre Algonquins et de quarante Hurons. Ces deux chefs avaient eut entre eux un défi sur la bravoure, et étaient venus dans l'intention de se joindre aux Montréalistes contre les Iroquois, sachant, que c'était à Villemarie que se faisaient les coups de valeur. Là, ayant bientôt appris le départ des dix-sept braves, ils s'adressèrent à M. de Maisonneuve pour qu'il leur permît d'aller se joindre à eux. Il fit tout ce qu'il put pour les en empêcher, se défiant de leur bravoure; enfin il crut devoir céder à leurs instances, et leur remit une lettre pour Daulac, à qui il marquait de ne pas trop compter sur eux, lui donnant même l'option de ne pas les admettre dans son parti. Daulac les reçut cependant.

_ _ _ _ _ _ _ _

(1) Récit de M. Dollier de Casson, Histoire du Montréal, ibid.

A suivre : II. Les dix-sept Montréalistes résistent pendant huit jours aux attaques…


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Message  Louis Lun 15 Oct 2012, 1:49 pm

II. Les dix-sept Montréalistes résistent pendant huit jours aux attaques
de 300 et de 800 Iroquois, et sacrifient généreusement leur vie.
[suite du *]


Les dix-sept Montréalistes, à peine arrivés au Long-Sault, aperçoivent l'avant-garde des Iroquois, et se jettent dans un petit retranchement de pieux qu'ils trouvent là par hasard, et qui avait été fait précédemment par des Algonquins. Aussitôt ils sont investis par trois cents Iroquois, qu'ils repoussent avec une vigueur incroyable dans toutes leurs attaques et avec une perte énorme de la part des assaillants.

Ceux-ci, irrités de se voir tuer tant de monde, dépêchent un canot aux îles Richelieu, où étaient cinq cents des leurs. Le dessein de ces deux armées était de tomber sur les Trois-Rivières, puis sur Québec, et enfin de venir attaquer Villemarie, pour éteindre par là le nom français dans le Canada.

Ayant fait entendre de loin aux sauvages Hurons, renfermés avec Daulac dans le petit retranchement, que cinq cents Iroquois étaient en marche pour venir les attaquer, et qu'ils fussent à se rendre incontinent, la frayeur se mit parmi ces sauvages alliés, comme l'avait craint M. de Maisonneuve. Ils sautèrent par-dessus les pieux, et se rendirent lâchement aux Iroquois, à qui ils apprirent que les Français renfermés dans ce retranchement n'étaient qu'au nombre de dix-sept, ce que les autres refusaient de croire. Le cinquième jour de ce siège si vigoureusement soutenu, arrivent les cinq cents Iroquois, qui d'abord remplissent tout de leurs cris, selon leur coutume. Le petit retranchement est alors investi par près de huit cents hommes, qui donnent avec furie de toutes parts sur les assiégés, mais avec des pertes si considérables que durant trois jours ils sont contraints de lâcher pied à chacune de leurs attaques.

Enfin, le huitième jour, ils étaient sur le point de se retirer…



A suivre…

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Message  Louis Mar 16 Oct 2012, 6:30 am

II. Les dix-sept Montréalistes résistent pendant huit jours aux attaques
de 300 et de 800 Iroquois, et sacrifient généreusement leur vie. (suite)
[suite du *]


…Enfin, le huitième jour, ils étaient sur le point de se retirer, dans la persuasion que les Français étaient en très-grand nombre, lorsque, ayant interrogé de nouveau les transfuges, et apprenant d'eux que les Français n'étaient réellement que dix-sept, ces huit cents Iroquois, pour éviter la honte qui reviendrait à leur nation, d'avoir lâché pied devant dix-sept Montréalistes, prennent la résolution de périr tous, plutôt que d'abandonner ce siège. Ils s'avancent donc tête baissée sur le retranchement, et malgré le feu que les assiégés ne cessaient de faire sur eux et qui leur abattait un grand nombre d'hommes, ils gagnent enfin la palissade et occupent eux-mêmes les meurtrières, en s'efforçant d'arracher les pieux. Alors Daulac charge un gros mousqueton jusqu'à son embouchure, pour le jeter au milieu des ennemis; mais une branche d'arbre l'ayant fait tomber dans le retranchement, il y éclata au milieu des assiégés, dont plusieurs furent tués ou estropiés. Après quoi les Iroquois firent brèche, de toutes parts.

Néanmoins, fidèles jusqu'à la mort à leur généreux serment, nos invincibles athlètes se défendent comme autant de lions; si l'on arrache un pieu, quelqu'un d'eux saute à l'instant à la place, le sabre ou la hache à la main, tuant et massacrant tout ce qui se présente. Enfin, les Iroquois ayant renversé la porte du retranchement, le reste des Montréalistes, l'épée d'une main et le couteau de l'autre, se mettent à frapper de toutes parts avec tant de furie que l'ennemi perdit la pensée de faire des prisonniers.

A suivre : III. Les dix-sept Montréalistes sauvent Québec et tout le Canada par leur audace et par le généreux mépris qu'ils avaient fait de la vie.

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Message  Louis Mar 16 Oct 2012, 11:52 am

III. Les dix-sept Montréalistes sauvent Québec
et tout le Canada par leur audace et
par le généreux mépris qu'ils avaient fait de la vie.


[suite du *]


Après cet affreux carnage, les Iroquois, reconnaissant par eux-mêmes que les assiégés n'avaient été qu'au nombre de dix-sept, se dirent les uns aux autres que si dix-sept Français, n'ayant pour toute défense qu'un petit retranchement de pieux, qu'ils avaient trouvé par hasard sur leur chemin, avaient tué tant d'Iroquois et soutenu les assauts d'une si grande multitude avec tant de vigueur pendant huit jours, la prudence ne permettait pas d'aller les attaquer dans leurs propres postes, où ils seraient en état de tuer tous leurs agresseurs. Là-dessus, au lieu de poursuivre leur route, ils renoncent à leur plan de guerre et retournent dans leur pays.

Dès qu'on apprit à Québec l'affaire du Long-Sault et le dessein qu'avaient eu d'abord les Iroquois de tomber sur cette habitation, la frayeur fut si grande, qu'on renferma tout le monde dans le château, jusqu'aux religieuses et aux Jésuites. On exposa le saint Sacrement, on fit des processions, et l'on s'attendait aux derniers malheurs (1).

« Nous nous sommes vus à la veille que tout était perdu, écrivait de Québec, le 17 septembre 1660, la mère de l'Incarnation. Et en effet, cela serait arrivé si l'armée iroquoise qui venait ici, et qui nous eût trouvés sans défense, n'eut rencontré dix-sept Français et quelques sauvages chrétiens. C'est une chose admirable de voir la providence et la conduite de DIEU sur ce pays, qui sont tout à fait au-dessus des conceptions humaines. Lorsque nous devions être détruits, ceux qui étaient partis pour prendre des Iroquois ont été pris eux-mêmes et immolés pour tout le pays. Il est certain que sans cette rencontre nous étions perdus sans ressource, parce que personne n'était sur ses gardes, ni même en soupçon que les ennemis dussent venir. Aussi la nouvelle de leur retraite dans leur pays a fait cesser la garde dans tous les lieux, excepté dans les forts ; et tout le monde commence à respirer, car il y avait cinq semaines qu'on n'avait point eu de repos, ni de jour, ni de nuit, tant pour se fortifier que pour se garder (2). »

M. Dollier de Casson, après avoir raconté toutes les circonstances de l'affaire du Long-Sault, fait aussi de son côté cette réflexion : « On peut dire que ce grand combat a sauvé le pays, qui sans cela était perdu suivant la créance commune. Ce qui me fait dire que quand l'établissement de Montréal n'aurait eu que cet avantage d'avoir sauvé le pays dans cette rencontre, et de lui avoir servi de victime publique en la personne de ses dix-sept enfants, qui y ont perdu la vie, il doit être tenu pour considérable à toute la postérité, si jamais le Canada devient quelque chose, puisqu'il l'a ainsi sauvé dans cette occasion, sans parler des autres rencontres semblables (3). »

______________________________________

(1) Lettres de la mère Marie de l’Incarnation IIre partie, lettre LVIII.
(2) Ibid. Ire partie, lettre CX . p. 205. — IIre partie, lettre LVIII, p. 555, etc..
(3) Histoire du Montréal, ibid.
Fin du (*)
A suivre : VIII. Cruautés des Iroquois. Massacre de M. Le Maistre.

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Message  Louis Mer 17 Oct 2012, 5:57 am

VIII. Cruautés des Iroquois. Massacre de M. Le Maistre.


II n'est pas de notre objet d'entrer dans le détail de cette guerre cruelle, qui remplit de deuil toute la colonie de Villemarie ; mais nous ne pouvons nous dispenser d'en rapporter ici quelques traits que la sœur Bourgeoys rappelle elle-même dans ses Mémoires.

Elle raconte que dix-sept hommes furent pris dans une circonstance, et qu'environ douze autres, qui travaillaient dans les terres du nommé Lavigne, furent aussi emmenés par ces barbares dans leur pays, à la réserve de trois qui furent tués sur la place.

Ce fut apparemment dans cette dernière circonstance qu'arriva ce qu'elle rapporte au sujet de trois Iroquois qui moururent de leurs blessures à l'Hôtel-Dieu, et auxquels on crut devoir donner le baptême quelques instants avant leur mort (1).

« M. Souart, dit-elle, les avait recommandés aux prières, et on les enterra au cimetière ; mais les chiens découvrirent la fosse pour les manger. Le matin on la recouvrit et on la chargea de bois. Néanmoins ces animaux renversèrent tout pour achever de les manger. Enfin on recouvrit la fosse de grosses pierres, mais les corps de ces trois Iroquois furent découverts pour la troisième fois : ce qui donnait de la terreur et faisait penser que c'était un châtiment de DIEU (2). »

La sœur Bourgeoys parle aussi des circonstances de la mort de M. Le Maistre, prêtre de Saint-Sulpice et économe du séminaire de Villemarie. Le 29 août 1661, après avoir célébré la sainte messe, cet ecclésiastique, étant allé avec quatorze ou quinze domestiques du séminaire à la ferme de Saint-Gabriel, où l'on faisait alors la moisson, fut tué à coups de fusil par une troupe d'Iroquois cachés en embuscade pendant qu'il était en sentinelle pour avertir les serviteurs du danger que l'on soupçonnait (3).

__________________________

(1) Registres de la paroisse de Villemarie juin 1662.
(2) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(3) Histoire du Montréal, de 1660 à 1661.
A suivre : IX. La face de M. Le Maistre…



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Message  Louis Mer 17 Oct 2012, 12:23 pm

IX. La face de M. Le Maistre est empreinte
sur un mouchoir, après sa décollation.


« M. Le Maistre, écrit la sœur, eut la tête coupée par les sauvages le jour de la Décollation de saint Jean-Baptiste, proche de Montréal, et l'on rapporta qu'on avait vu sur son mouchoir, dans lequel les sauvages avaient emporté sa tête, les traits de son visage empreints si fortement qu'on pouvait le reconnaître.

Quelque temps après, comme je me disposais pour aller en France, j'eus la pensée de m'assurer de ce fait, afin que si on me demandait si cela était véritable, je susse ce que je pouvais en dire. Je fus donc trouver Lavigne que l'on avait ramené du pays des Iroquois, car il avait été pris, et les sauvages lui avaient même arraché un doigt. Il me dit que cela était bien véritable (qu'il en était assuré), non pour l'avoir entendu dire, mais pour l'avoir vu ; qu'il avait promis tout ce qu'il avait pu aux sauvages pour avoir ce mouchoir, les assurant que quand il serait à Montréal il ne manquerait pas de les satisfaire, ce que, cependant, ils ne voulurent pas accepter, disant que ce mouchoir était pour eux un pavillon pour aller en guerre (et qu'il les rendrait invincibles). » (1 ?)

Les Hospitalières de Saint-Joseph, dans une lettre qu'elles écrivaient à leurs sœurs de la Flèche, racontaient le même prodige, et avec des circonstances nouvelles, qui en certifient de plus en plus la vérité : « Lorsque ces barbares, disaient-elles, eurent décapité M. Le Maistre, tous les traits de son visage demeurèrent empreints sur ce mouchoir, en sorte que plusieurs des nôtres qui étaient prisonniers dans leur pays le reconnurent parfaitement ; ce que nous ont dit plusieurs fois M. de Saint-Michel, M. Cuillerier, personnes dignes du foi, ainsi qu'un Père jésuite, qui était prisonnier d'une nation plus éloignée, et qui nous a assuré que les sauvages lui avaient parlé de cette merveille comme d'une chose extraordinaire. Ce qu'il y a de particulier, c'est qu'il n'y avait pas de sang au mouchoir, et qu'il était très-blanc. Il paraissait dessus comme une cire blanche très-fine qui représentait la face du serviteur de DIEU. Les sauvages s'entredisaient les uns aux autres que cet homme était un grand démon; ce qui veut dire parmi eux un homme excellent et tout esprit. Ils en conçurent ensuite une si grande crainte, qu'ils vendirent le mouchoir aux Anglais. Le Père jésuite fit tout son possible pour l'acheter; mais il ne put y réussir, les sauvages ayant menacé les Anglais de les détruire s'ils le lui donnaient (1). »

__________________________

(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(1) Archives de l’Hôtel-Dieu de la Flèche, lettre sur la mort de M. Le Maistre.

A suivre : X. Massacre de Saint-Père…

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Message  Louis Jeu 18 Oct 2012, 6:51 am

X. Massacre de Saint-Père. Circonstance remarquable.


La sœur Bourgeoys parle aussi d'un autre prodige non moins étonnant arrivé en la personne de Jean de Saint-Père, homme d'une piété solide, d'un esprit vif et d'un grand sens. Il fut tué à coups de fusil, avec Nicolas Godé son beau-père et Jacques Noël leur serviteur, pendant qu'ils couvraient leur maison à la pointe Saint-Charles, près de Villemarie. Les Iroquois ayant coupé la tête de Saint-Père pour l'emporter chez eux, ils entendirent qu'elle leur parlait en très-bon iroquois, quoique le défunt n'eût jamais parlé cette langue durant sa vie. Bien plus, elle leur faisait jour et nuit ces reproches et d'autres semblables : « Tu nous tues, tu nous fais mille cruautés, tu veux nous anéantir : tu n'en viendras pas à bout. Vous avez beau faire, nous serons un jour vos maîtres et vous nous obéirez (1). »

« Les sauvages, dit la sœur Bourgeoys, ayant emporté la tête de Saint-Père pour avoir sa belle chevelure, on rapporta, peu de jours après, que cette tête parlait aux sauvages. M. Cuillerier, qui avait été pris et était dans leur pays, a assuré que cela était vrai. D'autres ont assuré aussi que la tête parlait et que les sauvages l'ont entendue plus d'une fois. Après ce meurtre on saisit quelques-uns des sauvages qu'on amena au fort. Les deux enfants de Saint-Père vinrent prier de ne leur point faire de mal, et leur apportèrent quelques vivres (2). »

______________________

(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1657 à 1658.
(2) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.

A suivre : XI. M. Vignal est massacré…

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Message  Louis Jeu 18 Oct 2012, 10:18 am

XI. M. Vignal est massacré et mangé par les Iroquois.


M. Le Maistre avait été massacré le 29 août 1661, et sa mort avait rempli de deuil la petite colonie de Villemarie; mais avant que deux mois se fussent écoulés, un autre prêtre de Saint-Sulpice fut cruellement massacré par les Iroquois, le 25 octobre. Cet ecclésiastique, M. Guillaume Vignal, que M. Souart avait nommé pour remplacer M. Le Maistre dans la charge d'économe du séminaire, était allé dans une petite île, appelée alors l'île à la Pierre, avec plusieurs serviteurs, afin d'y prendre des moellons, pour achever la construction de la maison du séminaire. Il désira d'y retourner le lendemain, et demanda à M. de Maisonneuve la permission d'y mener des hommes.

D'ordinaire, on n'allait pas deux jours de suite travailler dans le même lieu, à cause des embuscades que les Iroquois dressaient de tous côtés pour surprendre les travailleurs ; aussi M. de Maisonneuve ne permit-il qu'avec peine à M. Vignal de retourner à l'île à la Pierre, et envoya M. Brigeart, son secrétaire, homme brave et courageux, pour commander en cas d'attaque.

Ce que M. de Maisonneuve avait craint arriva. Des Iroquois qui étaient cachés dans cette île firent feu sur eux ; ils blessèrent et firent prisonniers M. Brigeart et M. Vignal et en tuèrent plusieurs autres. Mais voyant que M. Vignal, qu'ils avaient percé de part en part, était trop blessé pour faire le voyage de leur pays, ils le brûlèrent et le mangèrent (1).

« Nous nous flattions, écrivaient les sœurs de Saint-Joseph, de posséder longtemps M. Vignal, qui nous avait été donné pour supérieur ; mais le bon DIEU en a disposé autrement, et lui a fait éprouver le même sort qu'à M. Le Maistre. Non contents de l'avoir tué , les Iroquois firent rôtir sa chair et la mangèrent. C'étaient des circonstances bien douloureuses pour ses amis, mais particulièrement pour nous, qui en sommes vivement affligées (2). »

Quant à M. Brigeart, par un raffinement de cruauté inouïe, les Iroquois eurent soin de le bien traiter et de le guérir entièrement de ses blessures pour lui faire endurer ensuite, dans leur pays, les plus horribles tourments (3).

« Les sauvages, dit la sœur Bourgeoys, le firent souffrir à leur volonté avec toutes les cruautés qu'ils se purent imaginer ; mais sa patience, son amour pour DIEU, et la joie qu'il témoignait de souffrir pour lui, drainaient de l'admiration tant aux sauvages qu'aux Français qui avaient été pris auparavant (4). »

______________________________

(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1661 à 1662.
(2) Archives de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph de la Flèche.
(3) Histoire du Montréal. Ibid.
(4) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.

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Message  Louis Ven 19 Oct 2012, 6:16 am

XII. DIEU préserve les sœurs de la Congrégation
et celles de Saint-Joseph de tomber entre les mains des Iroquois.


Tels étaient les dangers auxquels se voyaient exposées les sœurs de Saint-Joseph et la sœur Bourgeoys avec ses filles, durant les premières années qui suivirent leur arrivée à Villemarie.

Car il n'y avait plus de sécurité pour personne : cette ville naissante étant alors sans clôture, les Iroquois se tenant cachés dans des buissons et des broussailles plusieurs jours de suite, pour surprendre ceux qui viendraient tant soit peu à s'écarter de leurs maisons. D'ailleurs, comme on avait toujours l'espérance d'attirer ces barbares à la foi chrétienne par les bons traitements qu'on leur faisait, on les laissait s'approcher des maisons et entrer même dans la ville : condescendance dont ils se servirent, dans plus d'une circonstance, pour massacrer cruellement ceux qui étaient sans défiance à leur égard (1).

«On avait logé une fois des Hurons chrétiens et d'autres dans un hangar, dit la sœur Bourgeoys, et on y logea avec eux quelques sauvages iroquois, sans s'en défier (car ils étaient venus comme pour négocier la paix). Mais pendant la nuit les Iroquois massacrèrent les autres, à la réserve de deux petites filles qui s'échappèrent. C'était une pitié de voir ces pauvres gens massacrés d'une étrange façon (2). »

Enfin, ce fut par une attention toute particulière de la divine Providence qu'aucune des sœurs de Saint-Joseph, ni de celles de la Congrégation, ne tomba jamais entre les mains de ces barbares, malgré les tentatives qu'ils firent pour exercer sur elles leur cruauté. Ils allaient quelquefois se cacher auprès des maisons, pendant la nuit, pour fondre sur ceux qui viendraient à en sortir, sachant qu'alors ils ne pourraient être secourus par leurs voisins. C'est ainsi qu'ils en usèrent à l'égard des sœurs de la Congrégation, s'introduisant la nuit dans la cour de leur maison, et se cachant dans de grandes herbes appelées moutardes. Ils se cachèrent pareillement dans la cour des sœurs de Saint-Joseph, plus exposées que les autres à sortir la nuit pour le service des malades ; enfin ils tendirent les mêmes embûches à Mlle Mance, qui demeurait dans une maison à part.

« NOTRE-SEIGNEUR , dit la sœur Morin, ôtait à ces barbares la connaissance du mal qu'ils auraient pu nous faire par bien d'autres endroits ; car il leur eût été fort aisé de nous prendre si DIEU le leur avait permis ; très-assurément sa providence nous gardait et sa puissance nous défendait (1). »

________________________________

(1) Histoire du Montréal etc.
(2) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(1) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph, par la sœur Morin.

A suivre : XIII. M. de Queylus est expulsé de nouveau du Canada.


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Message  Louis Ven 19 Oct 2012, 11:56 am

XIII. M. de Queylus est expulsé de nouveau du Canada.


A ne considérer les choses que selon la sagesse humaine, l'établissement des trois communautés à Villemarie ne pouvait être plus chancelant. Des quatre ecclésiastiques que M. de Queylus avait laissés au séminaire au moment de son expulsion du Canada, deux avaient été massacrés par les sauvages. Les filles de Saint-Joseph ne pouvaient obtenir de M. de Laval d'être érigées en communauté, non plus que les sœurs de la Congrégation, qui se voyaient d'ailleurs menacées d'être remplacées par des Ursulines. La colonie elle-même était exposée chaque jour à être dissipée et ruinée par les attaques continuelles des Iroquois.

Enfin, l'état précaire du séminaire, l'unique soutien des deux autres communautés, devait faire concevoir encore pour l'avenir de nouvelles alarmes; car, après le massacre de M. Le Maistre , et trois jours seulement avant celui de M. Vignal, M. de Queylus, ayant reparu en Canada, fut obligé, par M. de Laval, alors très-puissant à la cour, de quitter de nouveau ce pays (*).

Il y était venu pour exécuter une commission qu'il avait reçue du saint-siège, d'ériger canoniquement une cure à Villemarie, et d'en être le premier curé (1) : ce que M. de Laval jugeait apparemment pouvoir nuire à son autorité épiscopale. Quoi qu'il en soit, la droiture des intentions de ce prélat; la pureté de ses vues et l'ardeur de son zèle doivent excuser tout ce qu'il y aurait eu d'excessif dans sa conduite à l'égard de M. de Queylus ; car il ne voulait que le bien de son Église, et lorsqu'il jugeait qu'une mesure était propre à y procurer la plus grande gloire de DIEU , il en poursuivait l'exécution avec une fermeté et une vigueur qui trouvent peu d'exemples. « Notre prélat, écrivait la mère Marie de l'Incarnation, est très-zélé et inflexible; zélé pour ce qu'il croit devoir augmenter la gloire de DIEU, et inflexible pour ne point céder en ce qui y est contraire. Je n'ai point encore vu de personne tenir si ferme que lui en ces deux points (1). »


_______________________

(1) Archives du séminaire de Paris, assemblée du 1er juillet 1661.
(1) ) Lettres de la mère de l’Incarnation, lettre XC, du 17 septembre 1660, p. 203.

A suivre : le ( *)

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