Aperçus de philosophie thomiste. (COMPLET)

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Message  Louis Mar 15 Nov 2011, 12:16 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


I. LES CORPS (suite)

Il est vrai que l'expérience révèle aussi un certain état de division de la matière ou des corps en parties minuscules et difficiles à nombrer, qui seraient même animées de mouvements plus ou moins dépendants des lois de l'électricité. N'est-ce pas à ce sujet qu'on a parlé, ces derniers temps, et qu'on parle, de plus en plus, dans le monde savant, d'éons, d'ions, d'électrons, et autres unités qui constitueraient le fond dernier du monde matériel? Dans la mesure où ces expériences demeurent acquises, il en résulte que la matière ou les corps peuvent ainsi être divisés en parties distinctes et séparées les unes des autres. Il resterait encore à établir que cet état de division est celui de la matière ou des corps, antérieurement à l'action des agents physico-chimiques mis à contribution dans les expériences dont il s'agit, ou en dehors et indépendamment de cette action.

Nous aurons à revenir sur l'état de la matière ou des corps selon qu'on le considère, non plus seulement dans l'ordre des parties quantitatives ou des dimensions et de l'étendue, mais aussi dans l'ordre des actions et réactions qui s'y produisent en raison de leurs qualités actives ou passives. Ce sera l'objet de considérations ultérieures.

Pour le moment, nous devons nous borner à ce qui regarde la nature du corps comme tel, du simple fait qu'il est, nous l'avons dit, une chose à dimensions.

La question elle-même du continu ou du contigu, quelque importante qu'elle soit pour ce qui touche à l'unité ou à l'être des divers êtres corporels — minéraux, végétaux, animaux, homme lui-même — ne préjudicie en rien à la question foncière de la nature des corps ou du corps étudié en lui-même et dans sa première racine.

C'est qu'en effet, même s'il était définitivement acquis ou établi par l'expérience que tous les êtres corporels qui tombent sous nos sens ne sont que des agrégats de parties minuscules, simplement rapprochées ou contiguës, mais non continues, — il demeurerait encore qu'au moins ces parties, dans leur division dernière, devraient être conçues par nous comme formant un tout dont les parties ne seront plus seulement rapprochées ou contiguës, mais unies au sens le plus étroit, le plus intime, au sens propre du continu.

Il le faut bien ! Car…

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Message  Louis Mer 16 Nov 2011, 6:17 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


I. LES CORPS (suite)

Il le faut bien ! Car si la dernière partition de la matière n'aboutissait pas à quelque chose de continu, l'étendue elle-même disparaîtrait; et, par suite, le corps, sous sa raison d'être ou de chose à dimensions , n'existerait plus. C'est donc la question même de l'existence des corps qui se pose ici; ou, ce qui revient au même, l'existence de la première réalité qu'il soit donné à l'être humain, dans l'ordre naturel, de percevoir. Et c'est donc, proprement, tout l'édifice de nos connaissances qui est ici en cause. Nous touchons au point précis qui porte tout, dans l'ordre de la raison philosophique, dans l'ordre de la raison humaine tout court.

Fixons donc bien notre regard sur ce résidu de matière ou de corps, de chose à dimensions , que la science expérimentale elle-même est obligée de confesser, sous peine de se nier, en ruinant totalement cela même qui est l'objet de son étude ou son domaine propre : le monde des corps, le monde de l'expérience sensible.

Un certain continu existe. Il ne peut pas ne pas exister. S'il n'existait pas, le monde de la matière ou des corps serait une chimère. Et comme tout, pour nous, dans l'ordre de nos connaissances naturelles, repose sur ce monde de la matière et des corps, si lui-même n'est pas, s'il n'est qu'une chimère, si l'étendue n'existe pas, rien, pour nous, n'existe.

Il est vrai qu'on a tenté de tout sauver, même en rejetant toute notion, toute réalité de continu. Le monde de la matière, le monde des corps, le monde où règne l'étendue existerait vraiment; et nous le percevrions. Mais il s'expliquerait autrement que par la notion ou la réalité d'un continu quelconque. Le continu n'existerait nulle part, non pas même en ces partitions dernières du monde matériel que la science d'aujourd'hui voudrait être, nous l'avons dit, au fond ou à la base de tout le monde matériel ou sensible. Ces parties ultimes qui constitueraient, en dernière analyse, le monde matériel, seraient elles-mêmes immatérielles. Elles seraient inétendues. Et, cependant, elles expliqueraient l'étendue, ou ce que nous appelons de ce mot, et qui se ramène à une relation de perception entre nos sens et certaines réalités agissant sur eux de telle sorte qu'ils ont, en effet, l'impression d'un quelque chose qui est étendu, d'un quelque chose à dimensions.

On reconnaît, à ce simple énoncé, le fond de la doctrine immortalisée par le nom de Leibnitz….


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Message  Louis Mer 16 Nov 2011, 11:51 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

I. LES CORPS (suite)
On reconnaît, à ce simple énoncé, le fond de la doctrine immortalisée par le nom de Leibnitz. Pour Leibnitz, le continu n'existe pas; ni, par suite, à vrai dire, l'étendue ou le corps, pris au sens d'une réalité extérieure à nous qui aurait des dimensions ou des parties quantitatives pouvant être mesurées en elles-mêmes, indépendamment de toute perception de nos sens. Il n'existerait que des monades, c'est-à-dire des réalités simples, inétendues, formant, chacune, un être à part.

Cette doctrine n'a qu'un tort. Elle attribue à la matière ce que nous verrons plus tard être le propre des esprits. Et, considérée de près, elle n'échappe pas au reproche d'impliquer contradiction.

Comment, en effet, prétendre expliquer l'étendue avec de l'inétendu? L'étendue implique essentiellement des parties théoriquement mesurables et divisibles. Supposer des parties absolument et de soi indivisibles, c'est, par le fait même, nier l'étendue : car l'indivisible uni à l'indivisible ne donnera jamais que de l'indivisible, c'est-à-dire de l'inétendu. Quant à ramener l'étendue à une relation de perception entre des agents simples dont l'action simultanée sur nos sens cause l'impression de continuité, c'est tout ensemble porter atteinte à la réalité extérieure dont nos sens témoignent invinciblement ; et transporter à nos sens eux-mêmes la difficulté de l'étendue, puisqu'aussi bien en eux se trouve l'impression de continuité.

Le continu ne peut être nié qu'en allant contre le témoignage des sens dans ce qu'il a de plus foncier, de plus universel, de plus irréfragable. A tout le moins, il faut que, dans ses toutes premières parties, ou dans ses tout premiers composants, le monde de la matière soit quelque chose d'étendu, de quantitatif indivis peut-être et peut-être aussi indivisible en fait, mais divisible en soi, à ne le considérer que sous son aspect de chose à dimensions. Car c'est là, ne l'oublions pas, la pierre de touche de tout dans le monde matériel qui nous occupe : il se définit par cela même : un ensemble de corps ou de choses à dimensions.

Nous disons un ensemble, puisque, nous l'avions déjà souligné, les sens eux-mêmes témoignent d'une certaine séparation dans ce qui constitue le monde des corps. Le tout du monde des corps n'est pas constitué par des dimensions sans solution de continuité. Mais s'il y a solution de continuité, il n'y a pas séparation absolue. Tout ce qui est dans le monde des corps ou des choses, des êtres à dimensions, est lui-même en contact avec d'autres êtres à dimensions. Là, vraiment, tout est subordonné aux dimensions et commandé par elles.

Qu'il s'agisse donc, non pas du tout ou de l'ensemble….

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Message  Louis Jeu 17 Nov 2011, 6:09 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


I. LES CORPS (suite)

Qu'il s'agisse donc, non pas du tout ou de l'ensemble, dans ce monde des choses, des êtres à dimensions, mais soit de certains de ces êtres à dimensions, qui, de prime abord et au témoignage obvie de nos sens — non contredits par l'expérience scientifique, bien que certaines hypothèses des savants s'élèvent en sens contraire — s'imposent; ou, à tout le moins, des derniers résidus corporels en qui devra toujours nécessairement se résoudre, au terme de toutes les partitions ou divisions de la matière, le monde des corps, — la réalité du continu, au sens d'un tout à dimensions dont les parties sont actuellement indivises, bien que divisibles en soi, est là devant nous, comme le fait le plus constant, le plus universel, le plus à la portée de tous.

C'est à découvrir la nature de ce fait ou ce qu'est ce continu, ce qui doit être en lui pour qu'il soit ce qu'il est, non certes à titre de parties à dimensions, ou d'éléments corporels — car ceci relèverait proprement du savant ; — mais à titre de principes essentiels, — c'est à découvrir cela, cette nature, cette essence, que consiste le premier travail du philosophe, dans l'étude de l'ordre des choses.

Que faut-il donc qu'il y ait, au regard du philosophe ou de la raison philosophique, dans ce continu , dans ce corps , dans cet être , dans cette chose formant un tout à dimensions , ayant son être à lui, comme tel, parmi tous les autres êtres à dimensions, qui constituent avec lui le monde des corps?

La réponse à cette question va nous livrer la première conclusion de la philosophie aristotélicienne et thomiste. Et parce que cette conclusion sera la première, nous renseignant sur la réalité dans son premier contact avec nous, elle se retrouvera, on peut le dire, et sera constamment supposée dans toute la suite de cette philosophie.

Nous allons trouver ici, pour la première fois, et ils ne nous quitteront plus, ces termes de matière première et de forme substantielle , qui sont, pour nous, êtres humains, dans l'ordre naturel de nos connaissances, la clef de toutes nos conclusions, dans l'étude philosophique de l'ordre des choses.

Mais comment et où donc se présentent à nous ces deux notions si importantes, si primordiales, à l'occasion de la nature des corps, de la nature du corps, de la nature de l'être, de cet être formant un tout à dimensions, que nous appelons le continu?

Le voici…….

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Message  Louis Jeu 17 Nov 2011, 2:01 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


I. LES CORPS (suite)
Le voici.

Cet être, cette chose, cette réalité concrète que perçoivent nos sens comme formant un tout à dimensions, ne peut pas ne pas avoir en lui ce qu'il faut pour qu'en effet il soit ce qu'il est, au témoignage de nos sens, c'est-à-dire ce tout à dimensions qui s'appelle un corps.

Mais que faut-il pour qu'il soit cela ? Que faut-il qu'il ait en lui-même pour qu'il se présente à nous, à nos sens, avec ce caractère de tout à dimensions?

Il faut, évidemment, qu'il ait en lui quelque chose qui explique : d'une part, qu'il ait des dimensions ; et d'autre part, qu'il soit un tout, ce tout à dimensions.

Ici, dimensions et étendue, c'est tout un. Chercher, dans ce tout à dimensions qu'est ce corps, quelque chose qui explique qu'il ait des dimensions, c'est chercher ce qui, en lui, explique qu'il soit étendu. Et, tout de suite, il faut nous demander si ce quelque chose qui expliquera qu'il est étendu, pourra expliquer aussi son autre caractère, savoir qu'il est ce tout, distinct de ce qui n'est pas lui, dans l'ensemble du monde corporel. Si, en effet, une même chose ou un même principe pouvait expliquer ces deux caractères, nous n'aurions aucune raison d'affirmer de lui deux principes. Si, au contraire, le principe qui expliquera l'étendue ou les dimensions, ne peut pas expliquer le caractère de tout ou d'unité qui distingue ce tout et le constitue lui-même, il faudra bien, de toute nécessité, reconnaître et affirmer en ce quelque chose qui est là devant nous et que nous nous proposons d'expliquer, ce sans quoi il ne peut pas s'expliquer, c'est-à-dire le double principe qu'exigeront les deux caractères sous lesquels il se présente à nous.

Or, que penser et que conclure, au sujet de cette question……….

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Message  Louis Ven 18 Nov 2011, 6:30 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

I. LES CORPS (suite)

Or, que penser et que conclure, au sujet de cette question ainsi posée? Le tout à dimensions que nous avons là devant nous et qui constitue un corps distinct d'autres corps formant, eux aussi, chacun, d'autres tout à dimensions, pour lesquels il faudra raisonner comme pour celui qui nous occupe, — ce tout à dimensions, ce corps, sous le double caractère où il se présente à nous, peut-il s'expliquer par un seul et même principe? ou faut-il, de toute nécessité, reconnaître en lui deux principes, distincts et irréductibles, bien que non séparés, et, au contraire, destinés l'un à l'autre, faits l'un pour l'autre, se complétant l'un l'autre, et donnant par le fait même de leur union ce tout à dimensions ou ce corps que nous avons là devant nous ?

Qu'il ne puisse pas s'expliquer par un seul principe, la chose d'elle-même saute aux yeux, si seulement nous prenons garde à la position du problème ou aux deux termes qui constituent ce problème.

De quoi s'agit-il, en effet? D'étendue ou de dimensions, et de tout ou d'unité?

Il s'agit de savoir si dans ce tout, étendu, ce qui explique qu'il est étendu explique aussi qu'il est un. Or, qui ne voit que ces deux caractères s'opposent entre eux, bien qu'ils soient destinés à se trouver tous deux dans ce tout étendu, qu'ils constituent ou qu'ils spécifient comme tel par leur union.

Parler d'étendu, en effet, c'est parler de parties qui se répandent, qui s'étendent, comme le mot même l'indique, ou qui tendent à s'en aller. Et, au contraire, parler de tout, parler d'unité, d'un, en l'appliquant à ce tout étendu ou à ce tout à dimensions, à ce tout de l'ordre des corps, c'est parler de parties qui se ra¬massent, qui se rapprochent, qui s'unissent et demeurent retenues dans ce tout. Mais s'étendre et se ramasser sont choses qui sont contraires ou qui s'excluent. Il n'est donc pas possible que le principe de l'étendue soit le même que le principe de l'unité ou de la totalité.

De toute nécessité, il faut ici deux principes distincts, dont le rôle ou la fonction vient en sens contraire. Et ce sera précisément leur rencontre qui permettra d'avoir ce tout, en apparence contradictoire, mais, en réalité, d'une harmonie aussi profonde qu'elle sera mystérieuse, l'être tout ensemble étendu et un, que nous appelons l'être corporel, l'être à dimensions.

Ces deux principes, nous avons déjà eu l'occasion de le faire remarquer…



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Message  Louis Ven 18 Nov 2011, 12:13 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


I. LES CORPS (suite)

Ces deux principes, nous avons déjà eu l'occasion de le faire remarquer et nous ne saurions trop y revenir, ne peuvent être perçus que par notre raison. Leur existence et leur contrôle ne relèvent en rien du sens et de l'expérience. L'expérience, en effet, ou la saisie et le contrôle des choses par les sens ne porte que sur ce qui est corporel, ou plutôt sur ce qui est corps, c'est-à-dire sur ce qui est précisément le tout à dimensions qui nous occupe. Or, les principes de ce tout à dimensions ne sauraient être eux-mêmes des tout à dimensions. Ils sont ce qui explique le tout à dimensions, ce qui est exigé par le tout à dimensions. Mais considérés en eux-mêmes et distinctement ils ne sont pas un tout à dimensions. Ils ne sauraient donc en eux-mêmes être perçus ou saisis et contrôlés par les sens. La raison seule les atteint. Elle ne les atteint qu'en raisonnant sur les données des sens; mais c'est elle, et non le sens, qui les atteint. Ils ne sont pas objet de raison scientifique ou expérimentale. Ils sont uniquement objet de raison philosophique ou de raison tout court.

Par conséquent, ici, les sens, les savants, l'expérience, n'ont plus à intervenir. Si l'on veut atteindre les deux principes dont nous parlons, si on veut les voir, il faut résolument faire acte de philosophe, acte de raison philosophique. Il est vrai, et nous venons de le voir, que par la raison philosophique, s'exerçant d'ailleurs sur les données les plus obvies, les plus irréfragables de la constatation sensible, l'existence des deux principes dont nous parlons s'impose avec la clarté du plein soleil intellectuel. Pour les nier, pour ne pas les reconnaître, il faut renoncer à la raison, il faut aveugler cette raison, il faut lui faire dire que deux choses contraires, contradictoires, s'expliquent par un même principe.

Évidemment, toute raison humaine consciente d'elle-même, ou sachant ce dont il s'agit et comprenant les termes du problème en question, affirme, affirme irréductiblement que cela ne se peut pas, qu'il n'est pas possible que l'être corporel, le corps, le tout à dimensions soit un être simple, n'ayant qu'un seul principe constituant son essence ou sa nature. De toute nécessité, de la nécessité même du principe de contradiction, il faut avouer et reconnaître que l'être cor¬porel, le corps, le tout à dimensions, existant dans la nature des choses, est un être composé, composé non pas seulement de parties quantitatives, car cela ne ferait qu'expliquer l'étendue en lui, mais composé de parties essentielles, de parties de nature, de deux parties d'ordre entièrement différent, bien qu'appelées à s'unir et à se compléter, ou plutôt appelées, par cela même qu'elles sont différentes, à s'unir et à se compléter pour constituer cet être mystérieux dont elles seront l'essence, la raison d'être, ce qui seul l'expliquera avec le double caractère qui est le sien d'être étendu et un.

Ces deux principes, ces deux parties essentielles…

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Message  Louis Sam 19 Nov 2011, 6:10 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


I. LES CORPS (suite)

Ces deux principes, ces deux parties essentielles, sans lesquelles le corps ne saurait être en lui-même ce qu'il est, et qui l'expliquent, qui l'expliquent adéquatement, puisqu'ils rendent raison des deux caractères sous lesquels le perçoivent nos sens dans sa réalité même, pourraient être appelés de tel nom que l'on voudrait. Ici, le nom sera nécessairement, comme, du reste, tous les noms qui nous servent à désigner les choses ou à exprimer nos pensées, d'ordre conventionnel. Et, en soi, cela importe peu. Ce qui importe, c'est qu'on s'entende sur la chose à signifier par le nom qu'on choisira. La chose à signifier, nous l'avons vu, c'est le double principe essentiel constitutif de la nature même du corps, de tout corps, de tout être corporel. Ce double principe irréductible l'un à l'autre, et tous deux également nécessaires pour constituer le corps, ne sont pas autres, nous l'avons vu, que — d'une part, le principe expliquant l'étendue; et, d'autre part, le principe expliquant l'unité.

Tous deux seront, manifestement, quelque chose d'ordre réel, puisqu'ils sont dans le corps, chose réelle, et qu'ils expliquent sa réalité. Mais, ni l'un ni l'autre ne sera, de soi, ou à le considérer comme principe de l'être corporel, — et nous ne les connaissons encore que sous ce jour, — quelque chose qui se tienne tout seul et qui se suffise dans l'ordre de la réalité; puisque aussi bien, s'il était cela, chacun d'eux serait une réalité indépendante dans l'ordre de l'être corporel. Et toute réalité indépendante dans l'ordre corporel est un corps. Puis donc que chacun de ces principes est requis pour expliquer le corps et faire que le corps soit, aucun d'eux, pris tout seul ou séparément, ne peut être conçu comme étant une réalité qui se suffise ou qui puisse exister indépendamment de l'autre. Tous deux appartiennent à l'ordre du réel ; mais aucun d'eux n'est ni ne peut être, dans l'ordre du réel, sans l'autre.

Il suit encore de là qu'aucun d'eux ne peut être imaginé par nous. C'est qu'en effet notre imagination ne saisit et ne nous représente que des réalités corporelles ou des images de ces réalités selon qu'elles existent ou peuvent exister indépendantes dans le monde des corps. Les principes des corps, dont nous parlons maintenant, quelque réels qu'ils soient, dans le monde des corps, puisque ce sont eux et eux seuls qui expliquent toute réalité existant à l'état de corps ou d'être corporel dans ce monde des corps, ne sont pas des corps ou des réalités, des unités quantitatives ou des choses à dimensions, existant indépendantes et formant un tout. Ils ne peuvent donc pas être saisis par les sens ou par l'imagination.

C'est la raison seule — comme nous l'avons déjà souligné…




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Message  Louis Sam 19 Nov 2011, 11:40 am

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I. LES CORPS (suite)
C'est la raison seule — comme nous l'avons déjà souligné, et l'on voit ici de nouveau la portée de notre remarque — c'est la raison seule, dans son domaine propre de raison philosophique, où ni les sens, ni l'imagination n'ont à intervenir, qui peut saisir et voir ces deux principes.

Mais elle les voit et les saisit avec toutes ces propriétés ou notes caractéristiques dont nous parlons en ce moment. Elle les voit comme étant d'ordre essentiellement réel, puisqu'ils constituent le dernier fond de réalité, de toute réalité du monde des corps. Mais elle les voit n'étant et ne pouvant être dans la réalité des choses que lorsqu'ils sont unis. Séparés, ils ne peuvent pas être. Bien plus, leur séparation, si elle se produit — et nous aurons à voir plus tard ce qu'il en est, — amène, du même coup, la destruction de l'être corporel qu'ils constituaient par leur union. Tous deux sont requis pour que cet être soit. Il n'est que par leur union. Il cesse d'être, si on les sépare.

Encore est-il que leur fonction n'est pas la même, elle est toute différente, dans la constitution de cet être corporel qui est le résultat de leur union. Et il le faut bien, puisque c'est la nécessité même de cette différence radicale dans leur fonction qui nous les fait découvrir par la raison philosophique. L'un a pour fonction d'expliquer ou de réaliser l'étendue; l'autre, d'expliquer ou de réaliser l'unité.

Du même coup, nous pouvons entrevoir quelles seront leurs notes distinctives. Celui qui a pour fonction d'expliquer l'étendue sera le principe de tout ce qui a la raison ou le caractère de réceptivité ou de passivité dans l'être corporel. L'autre, au contraire, sera le principe de tout ce qui a la raison d'activité ou de détermination et de perfection dans ce même être corporel.

Et nous ne saisirons la nature de ces deux principes…

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Message  Louis Dim 20 Nov 2011, 6:11 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


I. LES CORPS (suite)

Et nous ne saisirons la nature de ces deux principes, même par l'intelligence, ou par la raison philosophique, qu'en saisissant les notes caractéristiques par lesquelles ils se manifestent à nous dans le corps qui tombe sous nos sens. Ce sera même par là, par les manifestations de ces notes caractéristiques plus ou moins diverses, plus ou moins variées et graduées dans les êtres corporels qui tombent sous nos sens, que notre raison philosophique pourra se formuler à elle-même une notion de la diversité de ces deux principes et de leur gradation dans l'ordre de la perfection parmi les divers êtres corporels qui constituent le monde des corps. Les corps ne seront connus par notre raison philosophique que dans la mesure où nous connaîtrons les deux principes essentiels qui les constituent; et ces principes seront connus de nous selon qu'ils se manifesteront à nous par les diverses notes ou les divers degrés de passivité ou de réceptivité et de détermination ou de perfection dans l'activité ou dans l'unité et dans l'être que nos sens nous permettront de constater parmi les divers corps.

C'est donc bien la claire vue, par notre raison philosophique, des deux principes dont il s'agit, que consiste, pour nous, la connaissance philosophique du monde de la nature.

Mais parce que nous aurons à évoquer sans cesse la pensée de ces deux principes et à nous exprimer à leur sujet, il faut bien que nous ayons à notre usage des termes qui les traduisent. Nous avons déjà dit que, de soi, aucun terme ne s'imposait ; et qu'il dépendait de nous de les choisir, à titre conventionnel. Toutefois, il ne serait pas conforme à la nature de l'être humain que chaque individu modifiât selon qu'il lui plairait les termes qui traduisent nos pensées. II en résulterait une indétermination de langage qui ferait que les hommes, dont le propre est de vivre en société et de mettre en commun leurs pensées, ne pourraient plus s'entendre et communiquer entre eux. Si donc il existe, parmi les hommes, des termes que l'usage, un usage légitime et autorisé, ait consacrés à l'effet d'exprimer et de traduire, en les désignant, les deux principes qui nous occupent et dont nous venons de voir, par la raison philosophique, l'existence et la nature au plus profond de l'être corporel, il sera sage, il sera nécessaire de conserver ces termes et d'en user toujours en parlant de ces deux principes ou de la nature des corps qu'ils constituent.

Or, il en est ainsi…

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Message  Louis Dim 20 Nov 2011, 11:44 am

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I. LES CORPS (suite)
Or, il en est ainsi. Deux termes existent, consacrés par un usage autorisé entre tous, pour désigner les deux principes que la raison philosophique découvre au plus profond de tout être corporel. Ce sont les termes de matière première et de forme substantielle, ou, plus simplement et en abrégé, et par antonomase, les termes de matière et de forme. Le mot matière désigne le principe qui explique l'étendue, la réceptivité, la passivité, l'indétermination, l'imperfection dans l'être corporel. Le mot forme désigne le principe qui explique les caractères d'unité, de tout, de détermination, de perfection, d'activité qui se manifestent dans l'être corporel. Et les deux termes réunis matière et forme traduisent, dans sa complexité, ou dans sa composition foncière, essentielle, la nature du corps, selon qu'il appartient à la raison philosophique de la saisir et de l'exprimer.

On voit, tout de suite, comme nous l'avions déjà noté, l'importance de ces deux termes. Aussi bien peut-on dire qu'ils reviennent sans cesse dans le langage philosophique parmi les philosophes ou les penseurs qui relèvent du maître par excellence de la pensée humaine en cet ordre de la philosophie de la nature, Aristote.

Ce n'est d'ailleurs pas sans raison et d'une façon arbitraire, qu'Aristote a choisi ces deux mots pour désigner dans son fond la nature ou l'essence de l'être corporel. L'un des deux appartient à l'usage universel pour désigner le monde des corps. Nous disons tous, indifféremment, et dans le langage le plus usuel : la matière ou les corps ; le monde de la matière, ou le monde des corps. Non pas, toutefois, que le mot matière se prenne alors dans un sens identique à celui qu'on lui assigne, quand nous le prenons pour désigner un des deux principes essentiels de l'être corporel. Mais l'idée de l'un conduit à l'idée de l'autre.

Et il en est de même pour le mot forme

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Message  Louis Lun 21 Nov 2011, 6:14 am

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I. LES CORPS (suite)

Et il en est de même pour le mot forme. Ce mot-là vient aussi très fréquemment dans le langage usuel parmi les hommes. On parle couramment de la forme des corps, entendant ce mot des linéaments ou des modalités extérieures des parties quantitatives de l'être corporel.

Seulement, ici encore, le mot forme n'a pas le même sens que celui que l'on assigne dans le langage philosophique, quand on l'emploie pour signifier le second principe essentiel de l'être corporel. Et toutefois, si le sens n'est pas le même, il y a cependant entre les deux acceptions un certain rapport qui explique et justifie l'usage du même mot.

La forme, au sens usuel, indique les modalités extérieures des parties quantitatives, pour autant que ces modalités fixent l'aspect de ces parties. Il s'agit donc de ce qui précise, de ce qui détermine, de ce qui donne un certain être à ces parties quantitatives, si bien que le tout s'appellera du nom de cette forme.

C'est ainsi qu'un bloc de marbre, qui était d'abord sans nom précis ou déterminé, parce qu'il n'avait, si l'on peut ainsi dire, au sens où nous en parlons maintenant, aucune forme et qu'il était informe, devient quelque chose de déterminé et prend un nom spécial, dès là qu'il reçoit telle ou telle forme; par exemple, la forme de César, ou de Napoléon. Et l'on voit, tout de suite, le rapport de la forme ainsi comprise, à la forme, principe essentiel de l'être corporel. Les deux impliquent le caractère de détermination, de fixation dans l'être, eu égard à quelque chose qui était d'abord ou que l'on conçoit comme étant, au préalable ou de soi, indéterminé dans l'être, pouvant être ceci ou cela; mais n'étant, de soi, ni ceci ni cela, jusqu'à ce que la forme le détermine ou lui donne, en effet, d'être ceci ou cela. Toute la différence est que dans un cas il ne s'agit que d'être accidentel, pour ce qui est de la fixation ou de la détermination dans l'être; tandis que, dans l'autre, il s'agit d'être substantiel.

Et, inversement, pour le mot matière appliqué au bloc de marbre ou à tout être corporel par rapport à la forme du langage usuel. Cette matière désignera non pas une partie substantielle d'être corporel, ou plutôt un principe essentiel exigeant, pour exister dans l'ordre de l'être corporel, un autre co-principe essentiel; mais un être corporel substantiel, existant en soi, n'étant indéterminé que dans l'ordre de telle ou telle modalité ou mode d'être accidentel. Au contraire, la matière, au sens philosophique, selon qu'elle se distingue de la forme dans le même sens, n'est qu'un principe d'être, non un être, proprement dit. Mais ce principe dit, à l'être proprement dit ou pur et simple et substantiel, un rapport analogue à celui de la matière entendue au sens usuel par rapport à la forme d'ordre accidentel.

Et c'est à cause de cette analogie de rapport qu'Aristote…

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Message  Louis Lun 21 Nov 2011, 11:46 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


I. LES CORPS (suite)

Et c'est à cause de cette analogie de rapport qu'Aristote a pris ces mêmes mots, tirés du langage courant, et les a fait servir à désigner la réalité d'ordre philosophique qu'il s'agissait d'exprimer.

Aussi bien est-ce par la notion de matière et de forme au sens ordinaire de ces mots que nous pouvons arriver à une certaine notion de la matière et de la forme prises dans le sens philosophique. Pour les distinguer, quand on veut préciser le sens de ces mots, on désigne la matière, prise au sens philosophique, par les mots de matière première et la forme, par les mots de forme substantielle. Du même coup, en effet, la matière, principe du corps, est distinguée du corps lui-même, qui, désigné par le mot matière, équivaut alors à ce que nous appellerons la matière seconde; et la forme substantielle se distingue de la forme accidentelle : l'une, fixant son sujet indéterminé dans l'être corporel pur et simple ; l'autre, le supposant déjà fixé dans cet être corporel, mais lui donnant telle ou telle modalité d'ordre secondaire.

Ce même rapport des deux mots appliqués à la matière première et à la matière seconde, ou à la forme substantielle et à la forme accidentelle, nous permet de saisir, dès maintenant, et sur le vif, deux autres termes, d'ordre usuel eux aussi et d'ordre philosophique, qui n'auront pas moins d'importance, dans l'économie de la science philosophique, que les termes de matière et de forme. Leur importance est d'ordre plus transcendant. Car si nous en retrouvons l'usage dans l'ordre du monde corporel, comme pour les termes de matière et de forme, il dépasseront les limites de ce monde corporel et s'appliqueront au monde même de l'ordre incorporel ou spirituel que nous aurons à étudier dans la suite.

Ce sont les termes puissance et acte….


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Message  Louis Mar 22 Nov 2011, 6:19 am

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I. LES CORPS (suite)

Ce sont les termes puissance et acte. Ils sont, dans l'ordre de l'universalité des choses, le pendant des termes matière et forme dans l'ordre des choses corporelles, même à prendre ces termes au sens du langage usuel.

Avant que le bloc de marbre, matière de la statue de César, eût reçu la forme de César, il pouvait la recevoir ; s'il n'avait pu la recevoir, il ne l'aurait jamais reçue. Mais, s'il pouvait recevoir la forme de César, puisqu'il l'a reçue, il pouvait en recevoir bien d'autres, une infinité d'autres. Le même bloc de marbre, en effet, au lieu de devenir une statue de César, aurait pu devenir la statue de Napoléon, ou de n'importe qui. Même après qu'il a reçu la forme de César, il pourrait en recevoir d'autres, si on le modifiait : il cesserait d'être la statue de César, et deviendrait la statue d'autre chose.

C'est ce qu'on veut signifier, quand on dit que le bloc de marbre était ou est encore en puissance à telle ou telle chose, à telle ou telle forme, à tel ou tel être accidentel. Quand, au contraire, il est devenu, dans l'ordre de l'être accidentel, cette chose ou cette autre, ayant reçu sa forme, on dit qu'il est cette chose en acte. Par où l'on voit que ces termes puissance et acte se disent en fonction du fait d'être. Ce qui n'est pas encore, mais peut être est dit être en puissance. Ce qui est en fait est dit être en acte. Le mot acte ne se prend donc pas, ici. dans le sens d'action, mais dans le sens d'être.

Et comme il est deux sortes d'être…

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Message  Louis Mar 22 Nov 2011, 1:27 pm

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I. LES CORPS (suite)

Et comme il est deux sortes d'être : l'être accidentel et l'être substantiel, c'est par rapport à l'un et à l'autre que nous pourrons user des termes puissance et acte. Le bloc de marbre, avant d'être la statue de César, pouvait le devenir; il l'était en puissance. Quand il l'est devenu, en recevant la forme accidentelle de statue de César, il est cette statue en acte. Mais, pareillement, et dans un sens plus profond, si nous supposons que la matière même de marbre, ou l'être corporel que nous appelons de ce nom n'ait pas toujours été marbre, ou qu'il ne doive pas toujours l'être, nous dirons que le marbre a été en puissance par rapport au fait d'être marbre. Il était en puissance, puisque, par hypothèse, il n'était pas encore et que cependant il pouvait être, puisque maintenant il est.

Encore est-il que dans ce cas et à l'entendre en ce sens plus profond, le terme puissance pourra se présenter avec une double acception. Il pourra signifier une possibilité d'être, pour le marbre, avant qu'il soit, uniquement en raison d'une puissance active ou d'un pouvoir existant quelque part ou en quelque sujet capable de produire ce marbre, avec la simple connotation de non-impossibilité à être produit, du côté du marbre ; ou, même, une possibilité d'ordre passif existant quelque part, dans la réalité des choses, conjointement avec la possibilité ou la puissance et le pouvoir au sens actif existant quelque part en un sujet donné capable de produire ce marbre, en faisant passer de la puissance à l'acte, la possibilité au sens passif existant parmi les choses : comme l'artiste fait passer de la puissance à l'acte, dans l'ordre accidentel, le bloc de marbre existant bloc de marbre et pouvant devenir statue de César, quand, de fait, par son action, il produit dans ce bloc de marbre l'image ou la forme de César.

Les termes puissance et acte se diront dans les deux cas. Mais, comme pour les termes matière et forme, leur sens ne sera pas le même. Il sera plus obvie, plus apparent, pour nous, dans l'ordre accidentel; parce que, dans ce cas, nous avons un sujet préalable qui existe en lui-même, formant un tout d'ordre corporel et tombant ou pouvant tomber sous nos sens. Le bloc de marbre est là devant nous ; et nous voyons très bien qu'il y a en lui la possibilité réelle de recevoir la forme accidentelle qui lui donnera d'être en acte ce qu'il n'est encore qu'en puissance : une statue de César. Ici, la matière ou la puissance est plus réelle que la forme ou l'acte.

La matière est un tout d'ordre substantiel; la forme est d'ordre accidentel. Cette forme ne donne pas au bloc de marbre d'être purement et simplement. Il est en dehors d'elle. Il est marbre. Ce qu'il recevra d'elle, ce sera non pas d'être purement et simplement, mais d'être statue de César : et ce n'est là qu'un être d'ordre accidentel.

Dans l'ordre essentiel, c'est exactement le contraire…

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Message  Louis Mer 23 Nov 2011, 7:14 am

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I. LES CORPS (suite)

Dans l'ordre essentiel, c'est exactement le contraire. La matière ou la puissance se dit par rapport à l'être pur et simple. D'où il suit que cette matière ou cette puissance, sans la forme ou l'acte, n'est pas, dans l'ordre de l'être pur et simple. Pour que cette matière ou cette puissance soit, il faut, de toute nécessité, que la forme ou l'acte lui donne d'être. La forme ou l'acte sont ici, dans l'ordre d'être pur et simple, ce qu'était la forme ou l'acte de la statue, pour le bloc de marbre, dans l'ordre d'être telle statue ou la statue de tel personnage. Seulement, tandis que tout à l'heure nous pouvions saisir le bloc de marbre en lui-même, indépendamment de la forme qui devait lui donner d'être la statue de tel personnage, ici, quand il s'agit de la matière ou de la puissance dans l'ordre de l'être pur et simple, nos sens ne peuvent rien saisir, puisque aussi bien nos sens ne peuvent saisir que ce qui est d'un être pur et simple, dans l'ordre des choses corporelles. Notre raison elle-même ne peut s'en faire une idée que par voie d'analogie. Car pour se faire l'idée d'une chose, elle a besoin de se la représenter, d'une certaine manière, selon que les choses sensibles, d'où partent toutes nos connaissances, tombent, dans leur réalité concrète, sous les sens.

Et telle est bien la raison profonde qui explique qu'une chose aussi simple, aussi nécessaire, aussi obvie aux yeux de la raison philosophique, que ces termes de matière et de forme, de puissance et d'acte et les concepts ou notions qu'ils expriment selon qu'on les applique à la nature de l'être corporel ou même de l'être en soi, demeurent si ignorés ou si méconnus de tant d'esprits, parmi les hommes, même parmi ceux qui se flattent d'être des penseurs et des philosophes.

Saint Thomas nous fait souvent remarquer que c'est pour n'avoir pas su pénétrer jusqu'à ces réalités essentielles, ou plutôt jusqu'à ces principes essentiels de la réalité, que les anciens philosophes naturalistes se sont renfermés dans le monde de la matière et des corps. II en faut dire autant des savants ou philosophes modernes, qui demeurent plongés, eux aussi, dans le matérialisme, pour n'avoir pas su pénétrer, par leur raison, jusqu'à la vérité de ces mêmes principes.

Aussi bien la gloire la plus pure d'Aristote, au témoignage de saint Thomas, celle qui le place au premier rang et absolument hors de pair dans l'ordre de la pensée philosophique, c'est d'avoir été le premier à distinguer, par sa raison, en les appliquant à la nature des êtres corporels et à la nature de l'être substantiel, où qu'il se trouve, les concepts ou plutôt les réalités que désignent les concepts ou les termes de matière et de forme pour les êtres corporels, de puissance et d'acte, pour tout le domaine de l'être.

Retenons ces quatre termes, dont nous venons de préciser le sens philosophique, sens d'ailleurs si simple et si obvie.

A eux seuls, ils sont toute la philosophie.
A SUIVRE : PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE— II. Le mouvement.

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Message  Louis Mer 23 Nov 2011, 1:31 pm

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II. LE MOUVEMENT


Notre premier regard jeté sur ce qui nous entoure, et dont la nature sera aussi la nôtre, nous a fait constater la réalité du corps, la réalité des corps, c'est-à-dire de quelque chose qui est étendu, d'êtres ou de choses à dimensions. Et cette constatation, scrutée par notre raison philosophique, nous a amenés à conclure que ces êtres, ces choses, ces réalités corporelles, dans la mesure même où elles étaient, portaient en elles deux principes essentiels, appelés par Aristote, avec une souveraine sagesse, des noms de matière première et forme substantielle.

Si tous les êtres corporels que nous constatons autour de nous et auxquels nous appartenons nous-mêmes, — puisque nous aussi nous sommes des êtres étendus, des êtres à dimensions , — étaient identiques et immobiles ou immuables, nous n'aurions pas d'autre recherche à faire au sujet du monde des corps. Notre étude philosophique du monde de la nature serait terminée.

Mais il n'en va pas de la sorte. Dans ce monde des corps auquel nous appartenons nous-mêmes, nous constatons des différences notables, et, aussi, de nombreux, de continuels changements.

Dans l'ordre même de ce quelque chose à dimensions par où nous avons d'abord saisi, comme sous son caractère le plus obvie, le plus manifeste, le plus universel, la réalité frappant nos sens, une très grande diversité nous apparaît, dès que nous y appliquons nos sens et le regard de notre esprit. Les dimensions de ces êtres à dimensions ne sont pas les mêmes pour tous. La terre qui nous porte, considérée dans son ensemble ou d'une façon globale, nous apparaît comme une vaste masse, distincte elle-même, de l'atmosphère que nous respirons et dans le prolongement de laquelle nous voyons d'autres corps avec des aspects d'étendue très variés : le soleil, la lune, les étoiles. Sur la terre elle-même, que de diversités, toujours dans ce seul ordre de l'étendue ou des dimensions ! Les montagnes, les rochers, les arbres, les plantes, les animaux, pour ne parler que des unités les plus saillantes, les plus immédiatement saisissables dans l'ordre des choses de la nature, nous apparaissent avec une infinie variété.

Mais il n'y a pas que cette diversité de dimensions parmi les êtres du monde corporel. Il y a aussi la diversité des aspects, comme forme extérieure, comme couleurs, comme propriétés affectant nos divers sens. Et, en même temps que tout cela, parmi ces divers êtres, des changements nombreux et de diverses sortes.

Évidemment, tout cela demande à être considéré par nous : non pas seulement pour en connaître le détail, et le classer ou l'utiliser, comme pourra le faire le savant dans l'ordre de la science expérimentale, au sens où nous l'avons déjà définie ; mais aussi et plus encore, en un sens plus profond, plus important, pour saisir les différences essentielles de ces divers êtres dans leurs grandes catégories, afin de découvrir, selon qu'il appartient à la raison philosophique d'y vaquer, la hiérarchie des êtres qui constituent ce monde extérieur. C'est par cette nouvelle étude que nous pourrons saisir le jeu véritable ou la fonction respective des deux principes essentiels que notre première étude nous a révélés comme se trouvant au fond de tout être corporel et constituant son essence.

La connaissance du monde de la nature changera du tout au tout…

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Message  ROBERT. Mer 23 Nov 2011, 5:02 pm

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Message  Louis Jeu 24 Nov 2011, 6:40 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


II. LE MOUVEMENT (suite)

La connaissance du monde de la nature changera du tout au tout, selon qu'on ramènera ce monde de la nature à un ensemble de groupements moléculaires diversifiés entre eux par de simples figurations dues au mouvement fortuit de molécules absolument identiques dans le fond de leur substance ; ou à des jeux de matière et de forme amenant continuellement, dans cet univers, les transformations les plus essentielles, les plus profondes, les plus radicales.

Et les deux conceptions ont existé. Elles existent encore. L'une fut celle de Démocrite, chez les anciens Grecs ; et il semble bien qu'à elle se ramène, en dernière analyse, la conception la plus répandue parmi les savants modernes qui ne s'occupent que de science expérimentale. L'autre est celle que nous devons à Aristote et que le génie de Thomas d'Aquin a mise en lumière avec une telle force et un tel éclat que le renouveau de la pensée philosophique contemporaine ne l'appelle plus que de son nom : le thomisme.

Les deux conceptions vont nous apparaître tout de suite avec leur différence essentielle, dans la considération ou l'étude du phénomène qui s'impose à nous, dès que nous jetons un regard sur le monde des corps où règne l'étendue.

Ce phénomène est celui du mouvement.

Qu'il y ait du mouvement dans le monde, nos sens en témoignent de la façon la plus manifeste. N'est-ce point par le mouvement du ciel ou de la terre que nous constatons la diversité du jour et de la nuit? Et, sur la terre, autour de nous, sinon même en nous, n'est-ce pas la constatation ininterrompue, incessante, du mouvement, des mouvements les plus variés, les plus divers?

Il y a, d'abord, ce mouvement qui consiste, pour les êtres corporels qui nous entourent, et aussi pour nous-mêmes, à changer de place , à changer de lieu : ce qui a fait donner à cette sorte de mouvement le nom de mouvement local.

Il est essentiel à ce mouvement, considéré en lui-même et comme tel, ou sous la seule raison de mouvement local, d'impliquer un sujet qui ne change en rien en lui-même . S'il y a changement, pour lui, ce changement est tout extérieur.

C'est, simplement, comme le mot même l'indique, un changement de lieu, un changement de place. Le sujet était ici. Quand il a été mû, il n'est plus ici; il est ; il est ailleurs

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Message  Louis Jeu 24 Nov 2011, 12:57 pm

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II. LE MOUVEMENT (suite)

C'est, simplement, comme le mot même l'indique, un changement de lieu, un changement de place. Le sujet était ici. Quand il a été mû, il n'est plus ici; il est ; il est ailleurs. Et, pendant qu'il est soumis au mouvement, ou qu'il est sous le coup de ce mouvement, il n'a pas de lieu ou de place stable; de la place qu'il avait d'abord, il tend à avoir une autre place qu'il n'a pas encore. Si même nous le supposons toujours en mouvement, il lui sera essentiel, en tant que mû, de n'avoir jamais de place stable. Et s'il avait toujours été en mouvement, il n'aurait jamais eu de place stable; comme il n'en aurait jamais, non plus, s'il devait toujours être en mouvement.

Mais, à ne considérer que cette raison de mouvement local, le sujet de ce mouvement, aurait-il toujours été et devrait-il être toujours en mouvement, ne changerait absolument en rien au-dedans de lui-même ou en ce qui serait de lui : il resterait toujours ce qu'il est.

Si donc il n'y avait que ce mouvement dans le monde de la nature ou des corps, tout ce qui est dans ce monde de la nature ou des corps demeurerait à tout jamais identique.

En est-il ainsi ?

Le prétendre serait nier l'évidence.

S'il est un fait d'observation constante et universelle, c'est que, dans notre atmosphère, et sur la terre qui nous porte, et dans tout ce qui nous entoure, et en chacun de nous, des changements continuels se produisent : non plus des changements de place ou de lieu ; mais des changements d'être ou d'état. Au cours d'une même journée et quand le soleil est toujours dans notre hémisphère, il arrive que l'aspect du ciel change complètement. Il était clair ou serein et calme ; il devient obscur, chargé de nuages, sillonné d'éclairs, bouleversé par la tempête. La surface de la terre change du tout au tout, selon que le printemps paraît ou que l'hiver sévit. Les plantes, les arbres, les animaux, les hommes, naissent, grandissent, vieillissent, meurent et disparaissent.

Assurément, on ne saurait dire…

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Message  Louis Ven 25 Nov 2011, 7:36 am

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II. LE MOUVEMENT (suite)
Assurément, on ne saurait dire, de tous ces divers êtres, qu'ils restent identiques, qu'ils ne changent pas.

Et aussi bien n'est-il personne qui le dise. Toutefois, l'on est loin de s'entendre sur le sens qu'on donne à ce mot chan¬gement, en l'appliquant ainsi à ces divers êtres. C'est même ici et sur ce point que s'accusent tout de suite les deux conceptions radicalement différentes que nous signalions tout à l'heure : la conception de Démocrite et de beaucoup de savants modernes; et la conception d'Aristote, incarnée aujourd'hui dans le thomisme.

Les premiers veulent que même les changements dont il s'agit se ramènent à de simples manifestations de mouvement local. Pour eux, ces êtres qui nous paraissent changer en eux-mêmes et changer d'un changement radical, changent bien, en effet. Mais, s'ils ont été formés ce qu'ils sont et ce que nous les percevons être en eux-mêmes par nos sens, et tout le temps qu'ils apparaissent ainsi, et quand ils cessent d'être ce qu'ils nous apparaissaient, tout s'explique, en dernière analyse et dans la vérité, par de simples mutations d'ordre local portant sur ces parties minuscules qui sont le dernier fond du monde matériel. Démocrite les appelait des atomes. Aujourd'hui on les appelle des noms que nous avons déjà entendus : ions, éons, électrons ou autres unités du même genre.

On voit les conséquences d'une telle position.

Il suit de là, premièrement…

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Message  Louis Ven 25 Nov 2011, 1:02 pm

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II. LE MOUVEMENT (suite)
Il suit de là, premièrement, que tous ces êtres qui nous apparaissent dans le monde des corps et que nous appelons de noms si divers, depuis les astres du firmament jusqu'aux variétés qui sont autour de nous sur notre terre, sans que nous-mêmes en soyons exceptés, — tous ces divers êtres ne sont pas, en eux-mêmes et comme tels ou sous leur raison propre, des êtres substantiels. Ce ne sont pas des substances, des êtres qui soient véritablement un, et, par suite, des êtres qui soient, à parler purement et simplement. Ce ne sont que des agrégats, des agrégats formant un tout accidentel, composé de parties accidentellement unies ou plutôt rapprochées. les unes des autres, un peu comme le tas de pierres ou le tas de grains de sable, à la seule différence que les parties seraient plus minuscules, plus imperceptibles dans la division actuelle, et plus étroitement rapprochées.

On le voit; c'est la question du contigu que nous retrouvons ici, appliquée aux divers êtres, quelle que soit leur nature et leur diversité. Mais comment parler de nature pour ces divers êtres? Ce mot n'a plus de sens. Ou il ne signifie plus que la modalité accidentelle et tout extérieure de telle figure géométrique dans le groupement des parties minuscules de la matière juxtaposées.

A vrai dire, dans cette conception, il n'y a à pouvoir être appelés du nom d'êtres purement et simplement, que ces parties minuscules de la matière. Elles seules sont des substances, — à condition toutefois qu'au moins pour elles on admettra le continu et l'unité pure et simple : ce qu'il faut, à tout prix, sous peine de ruiner complètement le monde des corps et de l'étendue, comme nous l'avons montré dans notre étude des corps. La plante, l'animal, nous-mêmes nous ne sommes que des agrégats accidentels de ces uniques substances.

Une seconde conséquence de la position dont il s'agit est que ces parties minuscules auxquelles se ramènent tous les êtres du monde matériel, non seulement forment seules les substances du monde des corps, tout le reste n'étant que des agrégats accidentels, mais, de plus, sont immuables, en elles-mêmes, nécessaires, incorruptibles. Elles sont bien sujettes au changement et soumises au mouvement. Mais ce changement n'est qu'un changement de lieu ou de place; ce mouvement n'est qu'un mouvement local. Or, nous l'avons dit, le mouvement local, par définition, laisse absolument intact en lui-même le sujet de ce mouvement. Il ne le modifie en rien. Ce sujet du mouvement local reste en lui-même absolument inchangé, inaltéré, de tout point identique.

Et donc, avec cette position, il n'y a plus aucun changement…


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Message  Louis Sam 26 Nov 2011, 6:14 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


II. LE MOUVEMENT (suite)

Et donc, avec cette position, il n'y a plus aucun changement de substance dans le monde des corps. Il n'y a même pas de changement dans ce qu'on appellerait les accidents ou l'être accidentel de la substance ; puisque tout changement accidentel est ordonné de soi au changement de la substance: il est comme le commencement de ce changement.

Du même coup disparaît tout le domaine ou l'objet des sciences qui se rattachent à la chimie. II ne reste plus que la science de la physique, entendue au sens de la simple étude du mouvement local.

Il n'y aura pas, non plus, à parler d'ascension parmi les divers êtres du monde de la nature ou des corps. La perfection des êtres ne consistera plus dans leur forme, qui n'est qu'une figure accidentelle de groupements de molécules ; et ce ne sera pas à connaître ces formes que consistera la perfection de la science. La vraie perfection de l'être et de la science consistera à retrouver la partie minuscule qui est la seule vraie substance, et en dehors de laquelle tout le reste n'est que pur artifice sans consistance et sans portée.

Combien différente, en elle-même et dans les conséquences qu'elle entraîne, nous apparaît la position aristotélicienne et thomiste !

Ici, vraiment, nous rentrons dans le sens des choses selon que la raison la plus profonde, la plus haute, la plus universelle, la seule cohérente, obligera toujours l'homme qui pense à le découvrir et à le proclamer…


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Message  Louis Sam 26 Nov 2011, 12:54 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


II. LE MOUVEMENT (suite)

Ici, vraiment, nous rentrons dans le sens des choses selon que la raison la plus profonde, la plus haute, la plus universelle, la seule cohérente, obligera toujours l'homme qui pense à le découvrir et à le proclamer.

Pour Aristote et pour saint Thomas, il n'y a pas que du mouvement local dans le monde des corps. Ce mouvement local existe ; et il est même à la base de tous les changements parmi les êtres corporels. Mais il n'est pas le seul. Deux autres sortes de mouvements existent, manifestés dans la nature, et, d'une certaine manière, perçus par nos sens. Il faudrait, du reste, les appeler plutôt du nom de mutation ou de changements, réservant le mot mouvement, dans son acception pure et simple, pour les changements de place ou de lieu, c'est-à-dire pour le mouvement local.

Le premier de ces deux autres changements, constatés par nous dans le monde de la nature, est le changement, qui n'est plus, comme le changement de lieu, un simple changement extérieur, sans affecter en rien le sujet du changement lui-même. Ce nouveau changement affecte le sujet en lui-même. Il l'affecte dans son être accidentel, en supposant, bien entendu, que ce sujet du mouvement ou du changement dont il s'agit n'est pas lui-même quelque chose de purement accidentel ou une simple disposition de parties matérielles, au sens de Démocrite ; car, dans ce cas, nous l'avons dit, il n'y aurait pas à parler de sujet de changement ou de mouvement, si ce n'est pour les parties elles-mêmes qui formeraient ce tout accidentel. L'être dont nous parlons maintenant et que nous disons être sujet du nouveau mouvement ou du nouveau changement qui nous occupe, est nécessairement un être substantiel, une substance, une substance corporelle, constituée par les deux principes essentiels qui doivent se trouver en tout être corporel. C'est une substance, une substance qui existe dans le monde des corps, et qui a, découlant de ses deux principes essentiels, des propriétés distinctes de ces principes et qui s'appellent, de ce chef, des accidents : quantité ou étendue; et qualités actives ou passives.

Le nouveau mouvement ou changement dont nous parlons…

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Message  Louis Dim 27 Nov 2011, 7:00 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE


II. LE MOUVEMENT (suite)

Le nouveau mouvement ou changement dont nous parlons a pour objet ces propriétés accidentelles existant dans l'être corporel comme découlant de ses principes essentiels ou pouvant se trouver en lui en raison de ces principes. Telles seront, pour tel être corporel donné, son étendue ou ses dimensions, sa forme extérieure ou sa figure, sa couleur, son pouvoir de rayonnement autour de lui sous forme de lumière, de chaleur, d'odeur, de saveur même, et toutes autres propriétés plus ou moins accessibles à la perception de tel ou tel de nos sens.

Qu'un être corporel soit modifié ou changé eu égard à quelqu'une de ces propriétés, à quelqu'un de ces modes d'être accidentels qui sont en lui et qui l'affectent, nous dirons qu'il est mû ou qu'il change, non plus dans l'ordre du mouvement local, puisque aussi bien il ne change peut-être pas de lieu ou de place, — mais dans l'ordre de son être accidentel, de telle sorte qu'il devient autre, tout en restant lui-même dans son fond substantiel. De grand il devient petit, ou de petit il devient grand ; de blanc il devient noir ou rouge, ou de toute autre couleur; de froid il devient chaud, ou inversement. Il devient autre (en latin alterum). Et, à cause de cela, nous disons qu'il est altéré. Aussi bien le mouvement ou le changement dont il s'agit s'appelle mouvement d'altération.

Ce mouvement porte, comme nous venons de le dire, sur l'être accidentel, sur les formes accidentelles de l'être qui en est le sujet.

Mais, dans cet être qui est ainsi le sujet de ce mouvement d'altération, il n'y a pas que son être accidentel. L'être accidentel lui-même repose sur l'être substantiel, sur la substance constituée par les deux principes essentiels que nous savons être le fond même de tout être corporel.

Une nouvelle question se pose donc maintenant au regard du philosophe. Et c'est de savoir si, dans le monde corporel, en plus du mouvement local, et du mouvement même d'altération, ne se trouve pas un autre mouvement, un autre changement, une autre mutation, qui porterait, non plus sur la modification tout extérieure du lieu ou de la place que le corps occupe, ni même sur la modification, encore superficielle, de telle ou telle condition ou qualité accidentelle, affectant l'être de ce corps, mais sur le fond même de ce corps, sur sa substance, sur ses principes essentiels.

Et l'on voit la portée de cette question…

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