Aperçus de philosophie thomiste. (COMPLET)

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Message  Louis Lun 16 Avr 2012, 1:49 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

XII. LES NATIONS (suite)
Mais suffirait-elle pour que l'individu humain possède enfin tout ce dont il a besoin en vue de l'acquisition de sa perfection pure et simple?

Oui et non. — Oui ; car la cité constitue la société parfaite, dont la famille n'était que la cellule initiale. — Non, car la société humaine n'est pas renfermée tout entière dans la société que constitue la cité.

Le propre de l'être humain est de pouvoir se multiplier et se développer d'une telle manière que son groupement déborde nécessairement le cadre même de la cité. De même que les familles, en se multipliant, amènent la cité: — de même, les cités amènent ce que nous appelons la nation, les nations, dont les rapports entre elles motiveront un nouvel ordre d'agir moral parmi les hommes.

Pour bien entendre cet ordre nouveau et les règles morales qui y présideront, il importe, par-dessus tout, de bien saisir ce que nous devons entendre, au sens où nous en parlerons maintenant, par la nation, par les nations et par la société humaine qu'elles constituent.

Une différence essentielle existera entre cette société nouvelle ou cet ordre nouveau de société parmi les hommes, — et la société que constituait la famille ou la cité.

Dans la famille, tous les membres vivent sous l'autorité naturelle du chef qu'est le père ; — et la discipline qui y préside est la discipline paternelle.

Dans la cité, les familles ou les individus qui la composent vivent sous l'autorité d'un pouvoir souverain : démocratie, aristocratie, monarchie; et la discipline qui y préside est la discipline légale.

Dans la société plus ample que constituent les cités ou les nations, il n'y a plus, dans l'ordre naturel, de pouvoir et de discipline qui y préside. Par définition, toute cité, ou toute nation une, est une société indépendante et souveraine, une société parfaite, qui a sa vie propre, dans laquelle nul autre n'a le droit d'intervenir. Comme, d'autre part, ces cités ou ces nations ainsi indépendantes vivent toutes sur la surface du globe, elles ont des points de contact; elles ont des rapports entre elles.

De ces points de contact ou de ces rapports qu'elles ont entre elles pourront naître, dès lors qu'il s'agit de groupements humains, ayant, chacun, ses intérêts, ses aspirations, ses passions aussi, des heurts, des conflits.

Tant que les intérêts ne s'opposeront pas ou pourront facilement s'harmoniser, tant que les aspirations seront communes, tant que les passions n'interviendront pas trop violentes, le voisinage des cités et des nations pourra avoir, lui-même, les plus grands avantages, pour le perfectionnement commun de chaque cité, de chaque nation, et, par suite, de l'individu humain en chacun de ces milieux.

Mais si les heurts se produisent, si les conflits éclatent, qu'arrivera-t-il ?...

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Message  Louis Mar 17 Avr 2012, 7:00 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

XII. LES NATIONS (suite)
Mais si les heurts se produisent, si les conflits éclatent, qu'arrivera-t-il ?

Il faudra que les pouvoirs souverains des cités ou des nations en litige travaillent à s'entendre, à supprimer le conflit. Pour cela, les vertus les plus hautes devront se trouver en la personne des souverains.

La vertu par excellence, ici, sera la vertu de justice.

Encore est-il qu'une distinction de la plus grande importance va s'imposer à nous quand nous parlerons de justice dans les rapports des nations entre elles ou des souverains et des peuples entre eux.

Cette justice, quelle sera-t-elle? Nous avons parlé de justice, aussi, quand il s'est agi de l'organisation de la cité. Nous avons signalé, avec Aristote et saint Thomas, une certaine espèce de justice par excellence, la vertu qui, dans l'ordre naturel humain, doit être considérée par nous comme la vertu la plus haute, la plus parfaite, celle qui, dans l'ordre naturel humain, tient la place de la charité dans l'ordre surnaturel divin.

Elle porte un nom qui nous a permis de reconnaître, en elle, ce que pourrait avoir de vrai et de bon cette doctrine de Rousseau qu'il a exposée lui-même d'une façon équivoque et dont le sens mauvais a prévalu dans la constitution du droit politique moderne, préparant et amenant toutes les iniquités et les ruines au milieu desquelles se débat le genre humain.

C'était la justice générale ou légale….

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Message  Louis Mar 17 Avr 2012, 12:55 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

XII. LES NATIONS (suite)
C'était la justice générale ou légale.

Par cette vertu, qui doit régner au cœur de tous les membres de la cité, gouvernants et gouvernés, chaque membre conspire, selon le mode qui lui revient en propre, à faire prévaloir, en tout, l'intérêt général ou le bien commun. C'est la vertu spécifique du corps social organisé. Et de même que dans le corps physique tous les membres conspirent naturellement au bien de l'ensemble, n'hésitant pas â se sacrifier, au besoin, pour que soit conservé ou promu le bien de l'ensemble ; de même, par la vertu de justice générale ou légale, et dans la mesure où elle règne, tous les membres conscients, toutes les unités civiques qui composent le corps social de la cité, de la nation, doivent conspirer, sans faiblesse et sans défaillance, au bien de l'ensemble, sachant, au besoin, sacrifier leur bien propre, individuel ou familial, ou de groupe particulier, pour la conservation et la promotion du bien commun, objet propre ou fin spécifique du corps social qu'est la cité ou la nation.

Quand il s'agit des rapports des nations entre elles ou des souverains des peuples entre eux, il n'y aura plus à parler de justice au sens que nous venons de rappeler….

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Message  Louis Mer 18 Avr 2012, 7:58 am

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XII. LES NATIONS (suite)

Quand il s'agit des rapports des nations entre elles ou des souverains des peuples entre eux, il n'y aura plus à parler de justice au sens que nous venons de rappeler. La justice qui devra présider à leurs rapports sera tout autre. C'est la justice particulière, la justice proprement commutative, celle qui préside aux rapports des particuliers entre eux. Entre cette justice commutative, présidant aux rapports des peuples ou des souverains, et la justice commutative présidant aux rapports des particuliers, la seule différence consistera dans la nature des sujets de cette justice. Dans un cas, ce seront des individus humains, comme tels; dans l'autre, ce seront des chefs d'État ou des nations et des peuples. Mais la nature et les règles de la vertu seront les mêmes.

Tandis que la vertu de justice générale ou légale demande que les sujets en qui elle règne conspirent au bien de l'ensemble et sacrifient, au besoin, leur bien particulier à ce qui est le bien de tous, la justice particulière commutative ne comporte, de soi, aucun sacrifice. Elle a pour objet ce qui est dû, et dû en stricte justice, avec possibilité de s'acquitter purement et simplement, de telle sorte que, chacun ayant son dû, l'un ne doit plus rien à l'autre, et inversement. C'est la vertu qui préside aux rapports, non pas d'inférieur à supérieur ou de supérieur à inférieur, mais d'égal à égal. Que l'une des parties soit un peuple, une nation, un souverain, un État qui exerce son empire sur la moitié du genre humain, ou qu'elle soit une simple cité, mais souveraine, constituant un État indépendant, les droits sont absolument les mêmes de part et d'autre. Leurs rapports doivent être réglés selon les exigences de la justice la plus stricte. Aucune des deux parties n'a le droit d'exiger de l'autre un sacrifice quelconque en dehors de ce que demande la justice stricte commutative.

L'on peut voir tout de suite les conséquences.

Si la vertu de justice règne parmi ces peuples, ou ces nations, ou ces États, ou ces souverains; à supposer que des heurts ou des causes de conflits se produisent — et il s'en produira fatalement, selon que les intérêts pourront se trouver en contact, — il est permis d'espérer qu'on pourra s'entendre et régler pacifiquement le heurt ou le conflit.

Mais, si l'on ne s'entend pas, si, par malice, ou même de bonne foi, le conflit s'envenime; alors, quelle perspective atrocement douloureuse ! II ne restera plus, en effet, que la force pour trancher le différend.

On s'est demandé, il est vrai, et l'on se demande, en ce moment, plus que jamais, s'il n'y aurait pas quelque moyen humain de prévenir une telle nécessité…


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Message  Louis Mer 18 Avr 2012, 12:15 pm

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On s'est demandé, il est vrai, et l'on se demande, en ce moment, plus que jamais, s'il n'y aurait pas quelque moyen humain de prévenir une telle nécessité.

Autrefois, Dante avait songé, dans ce but, à l'établissement d'un Empire universel, où tous les peuples, toutes les nations obéiraient politiquement à un seul chef, à une seule autorité souveraine. La conception était grandiose et noble. Mais, pratiquement, elle est chimérique. Elle ne répond pas aux conditions qui sont celles du genre humain. Et, même en supposant qu'un tel Empire pût s'établir, il y a lieu de se demander s'il supprimerait le mal. N'y verrait-on pas, comme ce fut le cas de l'Empire romain devenu trop vaste, les guerres étrangères remplacées par un mal plus grand encore, qui est celui des guerres civiles ?

De nos jours, une double tentative a été essayée, pour prévenir ce mal terrible entre tous, qui s'appelle la guerre. L'une de ces tentatives, celle de la conférence de la Haye, a été interrompue par la plus effroyable de toutes les guerres que l'histoire ait connue.

L'autre a été suggérée par cette guerre elle-même. Elle a été proposée et décrétée pour y mettre fin et pour en prévenir à tout jamais, s'il était possible, le renouvellement.

Il s'agit de la Société des Nations.

Les résultats obtenus jusqu'ici ne permettent guère de se prononcer sur l'efficacité du remède…

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Message  Louis Jeu 19 Avr 2012, 7:54 am

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… la Société des Nations.

Les résultats obtenus jusqu'ici ne permettent guère de se prononcer sur l'efficacité du remède.

A l'étudier dans sa nature et tel qu'il a été promulgué ou que nous le voyons appliqué sous nos yeux, des questions délicates et importantes se posent devant le regard de l'esprit impartial.

Cette Société des Nations doit-elle s'entendre au sens d'une société proprement dite, politiquement organisée?

Mais alors, il s'y trouvera une autorité, un pouvoir souverain, ayant le droit de légiférer, avec une armée à lui et des sanctions efficaces.

Et ce sera un sur-État. Ce sera la destruction des nations comme Étals indépendants.

Il en est qui acceptent ces conséquences. D'autres s'en défendent.

Disons, simplement, que les peuples et les nations ne paraissent guère orientés dans ce sens : jamais, peut-être, le sentiment des nationalités rivales n'a été plus aigu.

Du reste, la réalisation de ce sur-État paraît devoir être impossible et inefficace. Comment administrer tout l'univers, au sens d'une administration politique et civile? Et le pourrait-on, il arriverait fatalement, nous le disions tout à l'heure au souvenir de l'Empire romain, que les guerres civiles remplaceraient, par un mal plus grand, le mal de la guerre étrangère.

On peut concevoir la Société des Nations comme une société de coassociés égaux en droit, sans pouvoir souverain.

Mais, que deviendront les petits États en face des plus grands, à supposer que tous les souverains ou tous les peuples ne soient pas animés par les sentiments de la plus parfaite, de la plus idéale justice?

Et s'il est des États qui n'en fassent point partie…


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Message  Louis Jeu 19 Avr 2012, 3:44 pm

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XII. LES NATIONS (suite)
Et s'il est des États qui n'en fassent point partie, ou qui résistent aux décisions prises dans ce qu'on appellera le Conseil des Nations, comment les traiter? Ira-t-on jusqu'à les combattre? Ce sera de nouveau la guerre et, cette fois, la guerre en quelque sorte universelle, où toutes les nations risqueront de se trouver engagées.

Une autre question, plus grave encore, se pose au sujet de cette Société des Nations.

Quel en sera l'esprit?

Son premier acte n'a-t-il pas été de choisir, pour centre, Genève, où d'aucuns ont voulu voir un geste peu sympathique à l'endroit de la Rome catholique? Et l'un de ses premiers représentants, qui comptait parmi les plus en vue dans certain milieu politique français, n'a-t-il pas proposé de décréter l'acceptation pour toutes les nations des lois dites de laïcité ?

Toujours est-il que le fait de son inauguration parmi les peuples n'a pas suffi pour supprimer tous les conflits armés.

Même avec la Société des Nations, les guerres continuent.

Sans se flatter de parvenir à les supprimer, il y a lieu de se demander si d'autres moyens, des moyens d'un ordre supérieur et qui dépasseraient l'ordre purement politique humain, ne seraient pas d'une efficacité plus grande, pour assurer le moins imparfaitement possible ce bien précieux entre tous, qu'est la paix régnant parmi les nations.

Mais ceci ouvre devant nous des perspectives qui ne seront plus celles de la seule raison humaine.

Nous aurons à nous en occuper dans les études qui vont suivre.
A suivre : PROPÉDEUTIQUE— I. RAISON ET FOI

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Message  Louis Ven 20 Avr 2012, 7:04 am

PROPÉDEUTIQUE

I. RAISON ET FOI
Le titre que nous venons d'énoncer nous fait entrevoir ce qui va être le sujet de nos nouvelles études.

Jusqu'ici nous avons vécu dans le domaine de la raison. Nous avons parcouru, exploré ce domaine dans son ensemble.

Dès le premier jour où nous l'abordâmes, nous eûmes soin d'en tracer les lignes essentielles. Nous n'avions plus à en sortir au cours de notre étude. Sous la conduite des deux plus grands génies de la pensée humaine, Aristote et saint Thomas, nous prîmes comme fil conducteur et comme phare éclairant notre marche, cette idée d'ordre, qui semble résumer à elle seule tout l'office et tout le domaine de la raison, s'identifiant à elle, en quelque sorte; car le propre de la raison, c'est l'ordre : rationis est ordinare.

Il fallait d'abord s'appliquer à fixer l'ordre de la raison elle-même, dans ses propres actes.

Ce fut l'objet de nos considérations sur la Logique. Nous étudiâmes successivement chacune des trois opérations de l'esprit, qui sont : la perception des idées ou des notions universelles; le jugement, qui rapproche ou éloigne ces idées ou ces notions comparées entre elles ; le raisonnement, qui éclaire par des notions plus immédiates le rapport demeuré obscur de notions distantes les unes des autres.

C'est tout le procédé de notre raison, toute la vie de notre pensée sur cette terre, que nous assurions par là, nous ouvrant le chemin du vrai et nous prémunissant contre la possibilité de l'erreur.

Mais il fallait ensuite…

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Message  Louis Ven 20 Avr 2012, 12:43 pm

PROPÉDEUTIQUE

I. RAISON ET FOI (suite)
Mais il fallait ensuite nous mettre à la recherche du vrai, du vrai essentiel et vital, sans lequel il ne saurait être question de vraie vie humaine parmi nous et en chacun de nous.

Notre étude, dans cette recherche du vrai essentiel et vital, devait se porter tout de suite ou en premier lieu sur les êtres matériels et physiques au milieu desquels nous vivons et dont nous faisons partie nous-mêmes.

Non pas que notre étude dût se porter sur chacun de ces êtres en particulier ou sur le détail de leurs modalités extérieures et sensibles. Ceci relève plutôt de l'observation des sens et de l'organisation de notre vie matérielle.

Notre étude ne devait pas être celle de l'observateur purement sensible ou du simple savant qui expérimente en fonction du seul monde matériel à connaître et à utiliser. C'était l'étude du philosophe, du sage, qui veut aller au fond des choses, et saisir, dans ce fond dernier, les rapports essentiels qui commandent ou expliquent tout selon les dernières exigences de la raison.

Et, aussitôt, dès notre premier pas dans cette étude, nous étions mis en présence du problème foncier, qui porte tous les autres, celui de la nature des corps, des êtres corporels. Là, nous apparaissait, dans toute sa radieuse clarté intellectuelle, cette admirable doctrine d'Aristote et de saint Thomas, nous montrant, au dernier fond de tout être corporel, un double principe qui constitue sa nature ou son essence : l'un, principe d'étendue, que nous appelions la matière; l'autre, principe d'unité et d'action, que nous appelions la forme. Et c'était l'union de ces deux principes, leur gradation proportionnée dans les divers êtres corporels, qui allait nous expliquer toutes les merveilles du monde de la nature, dans la hiérarchie de ses divers règnes : …


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Message  Louis Sam 21 Avr 2012, 7:39 am

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...Et c'était l'union de ces deux principes, leur gradation proportionnée dans les divers êtres corporels, qui allait nous expliquer toutes les merveilles du monde de la nature, dans la hiérarchie de ses divers règnes :

Règne minéral, avec toutes les possibilités de mutation el de transformation substantielle;

Règne végétal, où apparaissait, pour la première fois, la vie, avec sa triple fonction, en vertu de laquelle le vivant se nourrit, grandit et se reproduit;

Règne animal ou de vie sensible, qui nous faisait pénétrer plus excellemment dans ce monde mystérieux de la vie où la perfection se gradue à l'intimité du mouvement qui la distingue ;

Règne humain, qui s'épanouissait en vie de pensée, d'amour, de liberté, d'agir moral ; mais qui laissait entrevoir un monde supérieur dans lequel devait se trouver et ne pouvait se trouver que la vie de la pensée, de l'amour, de la liberté ; sans aucune des misères ou des pauvretés de notre vie sensible ou animale et végétative, pouvant amener la dissolution des vivants par la mort ;

Plus encore, nous entrevoyions, au sommet de l'échelle des êtres, ce Vivant parfait, tout de lumière, d'amour, de liberté, d'indépendance, qui ne pouvait se définir, mais que nous appelions, ne pouvant mieux faire, l'Être même, l'Acte pur, l'Absolu, le Dieu vivant, qui seul s'explique par Lui-même et de qui tout dépend en dehors et au-dessous de Lui.

Parvenus à ce sommet, nous n'avions pas à rechercher plus haut. Nous avions la clé dernière de l'ordre des choses, vu à la lumière de la raison.

Mais, sur cet ordre des choses perçu par notre raison…

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Message  Louis Sam 21 Avr 2012, 3:21 pm

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Mais, sur cet ordre des choses perçu par notre raison, il fallait ensuite nous appliquer à régler tout l'ordre de notre agir moral :

— à considérer chacun de nous comme simple individu humain ;

— ou à le considérer comme membre de la famille ;

— ou à le considérer comme membre de la cité.

Ce fut, il nous en souvient, la matière ou l'objet de toute notre étude pendant ces considérations de l'ordre moral, qui nous permirent de prendre conscience, — à la lumière de la raison la plus pure, la plus saine, la plus indestructible, — des effroyables sophismes dus au rêveur néfaste regardé comme l'oracle du monde moderne, et dont le monde moderne se meurt au milieu des convulsions morales près desquelles les convulsions cosmiques ne sont rien.

Et nous en sommes là de notre étude.

Ne semble-t-il pas que tout soit fini, que tout ait été dit,
— et que nous n'ayons plus qu'à méditer en notre particulier, le faisant fructifier de notre mieux, ce qui nous est apparu de clarté bienfaisante dans notre contemplation?

Non ! tout n'est pas fini…

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Message  Louis Dim 22 Avr 2012, 6:42 am

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Non ! tout n'est pas fini ; tout n'est pas dit, dans l'ordre de notre étude, de notre recherche du vrai essentiel et vital que nous nous sommes proposé de mettre dans tout son jour devant le regard de nos âmes.

Le monde exploré jusqu'ici n'est que le monde de la raison.

Or, la question se pose, pour nous, maintenant, d'un autre monde, du monde de la foi. Y a-t-il vraiment à parler de cet autre monde? Ce monde-là peut-il exister? existe-t-il? quel est-il? que nous livre-t-il? qu'en est-il, pour nous, de ce monde-là, s'il existe?

Questions formidables! Questions poignantes! Questions vitales, auprès desquelles tout ce que nous avons pu voir ou dire jusqu'ici, quelque essentiel, quelque fondamental, quelque indispensable que ce puisse être, ne compte pour ainsi dire pas.

Et nous le verrons bien.

Pour le moment, limitons-nous à cette première question. Y a-t-il vraiment, pour nous, maintenant, à parler d'un autre monde, distinct de celui dont nous avons parlé jusqu’'ici, que nous avons exploré dans son ensemble, et que je viens de rappeler brièvement, à grands traits? En plus et en dehors du monde de la raison, y a-t-il à parler de cet autre monde que nous avons appelé le monde de la foi?

Il ne s'agit, pour le moment, que de sa possibilité…

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Message  Louis Dim 22 Avr 2012, 12:09 pm

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Il ne s'agit, pour le moment, que de sa possibilité.

Combien nous avons besoin, à l'heure actuelle, de prendre conscience de ces premières vérités! Ne sommes-nous pas, ici, aux premiers confins qui joignent et divisent, en ce moment, tous les esprits? — La foi laïque, — L'École unique,— L'Église et l'État

Qu'il soit possible de concevoir ce monde de la foi, en plus et en dehors ou au-dessus du monde de la raison? — mais, au risque de heurter, d'étonner, je dis sans hésiter que c'est une évidence, une évidence de plein soleil, après ce que nous avons dit, précisément, et vu, dans le monde de la raison exploré jusqu'ici.

Nous venons de rappeler que ce monde de la raison, dans son aspect de l'ordre des choses, nous était apparu comme une superposition et une subordination essentielle de divers degrés d'être, allant des éléments qui confinent au néant, en remontant par le monde minéral, le règne végétal, le règne animal, le règne humain, jusqu'au monde des formes pures, et, au plus haut sommet, jusqu'au monde de l'Acte pur.

Mais n'est-il pas évident que le monde des formes pures est un monde, qui dépasse, par définition, notre monde humain; que, par conséquent, il y a, dans ce monde des formes pures, à commencer par leur nature, et plus encore dans leur vie de pensée, d'amour, de liberté, des secrets qui nous dépassent, sans possibilité aucune, pour nous, — qui ne connaissons que les natures corporelles sensibles, ou, tout au plus, notre âme intelligente, laquelle, d'ailleurs, fait partie en quelque sorte du monde physique, corporel, par le corps dont elle est la forme et auquel elle demeure proportionnée, — de les connaître jamais?

Et, cependant, s'il plaisait à ces natures supérieures de nous communiquer, selon un mode approprié à notre nature, ces secrets qui sont les leurs, il pourrait devenir, pour nous, possible de les connaître. Et ces secrets, que nous connaîtrions alors, constitueraient, pour notre vie pensante, un monde nouveau, auquel notre raison toute seule n'aurait jamais pu atteindre.

Et, comme nous ne connaîtrions ces secrets que sur la manifestation de ces natures supérieures, appuyés sur ce qu'elles nous en auraient appris ou révélé elles-mêmes, sur leur parole, sur leur témoignage, nous dirions que ce monde nouveau est un monde de foi et non pas de raison. Mais cela ne voudrait pas dire qu'il ne serait pas pour nous raisonnable d'y donner notre adhésion et de le tenir pour vrai. Ce serait, au contraire, une vraie déraison de ne pas tenir pour vrai ce que ces natures supérieures nous auraient dit ou révélé d'elles-mêmes et du monde qui serait le leur.

Mais qu'est cela, comparé à l'hypothèse où nous pouvons nous élever encore ?...


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Message  Louis Lun 23 Avr 2012, 7:01 am

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Mais qu'est cela, comparé à l'hypothèse où nous pouvons nous élever encore ? Nous venons de parler des secrets du monde des formes pures. Au-dessus d'elles, à une distance infinie, sans proportion aucune ni avec elles ni avec nous, se trouve, nous l'avons vu dans le monde de la raison, le règne souverain de l'Acte pur, de l'Absolu, de l'Être même, de Dieu.

Si donc nous parlions de possibilité de secrets, inaccessibles à notre raison, dans l'ordre des formes pures, que dire de la possibilité de secrets, inaccessibles de soi, par définition, à toute intelligence finie, dans l'ordre du monde de l'Acte pur, du monde propre à Dieu ?

N'est-il pas évident que Dieu habite une lumière pour nous inaccessible, qu'il y a là, en Lui, dans sa nature, dans ses pensées, dans ses vouloirs, un infini qui nous dépasse au point de nous confondre? — Notre nature n'est rien, comparée à la sienne. Nos pensées, nos vouloirs, nos conseils, mais c'est le néant, si nous les comparons aux pensées, aux vouloirs, aux conseils de Dieu. C'est donc un monde infini que nous ignorons nécessairement.

Toutefois, s'il plaisait à Dieu de nous en dire quelque chose, de nous le révéler, quel que fût le degré de cette révélation, — ne voyons-nous pas ce que nous apporterait de richesses une telle communication? Et, ici, plus encore que tout à l'heure pour les formes pures, quel ne serait pas notre devoir d'adhérer à cette révélation de Dieu; de la tenir pour vraie, sur son témoignage, sans que, d'ailleurs, il nous fût possible d'y rien comprendre, sinon dans la mesure où il pourrait lui plaire d'élever jusqu'à lui le regard de notre intelligence ?

Mais c'est là précisément ce que nous entendons par le monde de la foi. Ne voit-on pas sa possibilité?...

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Message  Louis Lun 23 Avr 2012, 12:17 pm

PROPÉDEUTIQUE

I. RAISON ET FOI (suite)
Mais c'est là précisément ce que nous entendons par le monde de la foi. Ne voit-on pas sa possibilité?

Et qu'on veuille bien le noter. Ce ne serait pas seulement dans l'ordre de la connaissance qu'il s'ajouterait au monde de la raison ; ce serait aussi dans le monde de l'agir moral — qui pourrait s'en trouver transformé du tout au tout, soit pour l'individu, soit pour la famille, soit pour la cité.

Si, en effet, par hypothèse, de ce monde de l'Acte pur, tombait, sur nos intelligences, la révélation de conseils, de desseins, de résolutions ou de décrets mystérieux par lesquels il aurait plu à Dieu de nous destiner à une fin, à un bonheur qui dépasserait la fin, le bonheur dont nous avons parlé dans notre étude de l'agir moral humain étudié à la lumière de la raison, ne voyons-nous pas tout de suite les conséquences qui en résulteraient pour nous tous dans la conduite de notre agir moral?

Cette conduite pourrait, devrait même s'en trouver transformée du tout au tout.

Nous avons dit, en effet, que, dans la conduite de l'agir moral humain, tout dépend de la fin qui le commande. C'est en vue de cette fin que tout doit être ordonné. Tout acte qui s'harmonise avec elle est bon moralement; tout acte qui est en désaccord avec elle est mauvais.

Si donc l'Auteur et le Maître de toutes choses nous avait appelés à une fin spéciale, une fin que notre raison, par elle-même, ne saurait connaître, ni soupçonner; et qu'il nous manifestât ce dessein de sa volonté souveraine, il est de toute évidence qu'il faudrait tout régler, dans notre agir moral, conformément à cette fin. Et, si nous ne le faisions pas, nous encourrions les plus graves responsabilités, les risques les plus formidables.

Cette nécessité s'imposerait, de soi, à tout individu humain.

Du même coup, elle s'imposerait aussi…

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Message  Louis Mar 24 Avr 2012, 7:11 am

PROPÉDEUTIQUE

I. RAISON ET FOI (suite)
Du même coup, elle s'imposerait aussi, avec un surcroît de gravité et de risques, à tous ceux qui, dans la famille, ou dans la cité, auraient une responsabilité quelconque dans l'organisation de la famille ou de la cité, dont nous avons vu, dans notre étude de l'Économique et de la Politique, qu'elles devaient être conçues uniquement en fonction du plein et parfait épanouissement de ce qui constitue la fin dernière de l'individu humain.

Si donc cette fin de l'individu humain se trouvait changée, surélevée, transformée, divinisée en quelque sorte, dans l'hypothèse d'une intervention, dans notre monde humain, du monde où règne, inaccessible, jouissant d'un bonheur qui, par nature, n'appartient qu'à Lui, — l'Absolu, l'Être même, l'Acte pur, le Dieu vivant, il s'ensuit que tout devrait se trouver changé — comme orientation finale — surélevé, transformé, divinisé aussi dans la vie de la famille et dans la vie de la cité, de la nation, des nations qui forment le genre humain.

Encore un coup, cette hypothèse est formidable. Pour peu qu'elle prît corps et que nous dussions en reconnaître la réalisation, notre vie humaine tout entière, dans ses pensées et dans son agir moral, s'en trouverait transformée.

Il appartiendra à nos prochaines études de nous renseigner là-dessus.
A suivre : II. LA RELIGION

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Message  Louis Mar 24 Avr 2012, 12:23 pm

PROPÉDEUTIQUE

II. LA RELIGION
Nous précisions, au début de notre dernière étude, le nouveau sujet qui doit nous occuper désormais. Après avoir parcouru dans ses lignes essentielles et exploré en ses points sommets qui commandent tout, le domaine de la raison philosophique, nous étions amenés à nous demander s'il n'y avait pas à parler d'autre domaine de la pensée. Et, tout de suite, dès notre première étude, nous appuyant sur cela même qui avait été exploré par nous, à la lumière de la raison, dans l'ordre des choses ou l'harmonie des êtres, nous n'avions aucune peine à conclure — c'était une conclusion de plein soleil ou d'évidence intellectuelle, — qu'en dehors et au-dessus du monde delà raison, il y avait un monde transcendant, — échappant, par définition, aux prises de notre esprit, où vivaient des êtres, dont la nature, les pensées, les libres vouloirs n'étaient connus naturellement que d'eux-mêmes ; mais qui pouvaient, s'il leur plaisait, nous communiquer, par voie de témoignage, tels ou tels de leurs propres secrets. C'était le monde de la foi.

Mais ce monde de la foi, qui existe à l'état de possibilité pour nous, — existe-t-il aussi à l'état de fait? La question, ainsi posée, revient à se demander si, en fait, de ce monde supérieur et transcendant, qui est celui des formes pures, et, plus encore, de l'Acte pur, — si de ce monde est tombé sur le nôtre, sur notre monde humain, une manifestation ou révélation quelconque, intéressant ou engageant notre foi.

Beaucoup d'excellents esprits ont pensé et se sont persuadé que poser la question c'était la résoudre. A tout le moins, ils ont estimé qu'une donnée constante, universelle et permanente, qui se trouve dans le monde humain, devait obliger tout de suite à confesser ce monde, ce domaine de la foi, comme vérité de fait parmi nous.

La donnée dont je parle est celle que nous pouvons exprimer d'un seul mot, dont je vais préciser le sens : la religion. …

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Message  Louis Mer 25 Avr 2012, 6:28 am

PROPÉDEUTIQUE

II. LA RELIGION (suite)
La donnée dont je parle est celle que nous pouvons exprimer d'un seul mot, dont je vais préciser le sens : la religion.

L'homme, a-t-on dit, est un être essentiellement religieux: on a pu le définir — parodiant la définition philosophique classique — animal religieux— comme on dit animal rationale. Et c'est à ce point qu'un être humain sans religion paraît chose anormale et monstrueuse.

De ce fait, que partout et toujours — si l'on excepte des cas ou des époques extrêmement rares — l'homme manifeste un certain fond de religion, on a aussitôt voulu conclure que l'homme portait en lui, dans ce fond même de religion qui s'y manifestait, la preuve certaine, inéluctable, qu'il existait, au-dessus et en dehors du monde ou du domaine de la raison, ce monde et ce domaine de la foi dont nous nous enquérons désormais.

Il se pourra que certaines manifestations ayant trait à la religion deviennent pour nous une base solide où il nous sera donné d'édifier nos conclusions aboutissant à établir l'existence d'un domaine de la foi.

Et nous aurons à en parler dans notre prochaine étude. Mais, comme il importe, dès ce début, d'éviter la confusion ou l'équivoque qui pourraient égarer notre marche, ou compromettre la solidité de l'édifice intellectuel qu'il s'agit de construire, je me propose de préciser, au regard de l'esprit, le sens de ce mot religion ; et, avant de nous enquérir des religions qui pourraient engager notre foi, rechercher soigneusement si dès qu'on parle de religion, c'est immédiatement la foi qui est en cause, ou s'il n'y aurait pas, au contraire, une acception de la religion, qui s'imposerait même dans le domaine de la raison toute pure.

Hâtons-nous de faire remarquer que le mot religion peut…

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Message  Louis Mer 25 Avr 2012, 12:04 pm

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II. LA RELIGION (suite)
Hâtons-nous de faire remarquer que le mot religion peut se prendre en deux sens très divers. Parfois, et assez généralement, on entend par religion un ensemble de doctrines ou de pratiques rituelles que certains hommes professent et qui devient pour eux une sorte de lien commun dans l'ordre d'une certaine vie spirituelle qui les distingue des autres hommes et implique certains rapports déterminés avec la divinité.

À prendre ainsi la religion, nous entrerions sur un terrain que je ne veux pas aborder aujourd'hui. Je le réserve pour nos prochaines études.

Un autre sens du mot religion, qui sera, du reste, impliqué dans celui que nous aurons à étudier plus tard, consiste à le prendre selon qu'il se rattache à l'économie des vertus.

De ce chef, — et c'est ainsi que nous l'entendons maintenant — il y a vraiment lieu, pour nous, de nous demander si parler de religion, c'est, du même coup, sortir du domaine de la raison et entrer dans le domaine de la foi.

Dussions-nous étonner certains esprits, nous devons déclarer, de la façon la plus expresse, que parler de religion, au sens que nous disons, n'est point, du même coup, pénétrer dans un domaine nouveau, étranger à celui que nous avons étudié jusqu'ici et qui était celui de la pure raison.

Dans le domaine de la raison toute pure,— et n'aurions-nous pas à parler d'un domaine nouveau surajouté, qui pourra être celui de la foi, — il faudrait encore, de toute nécessité, en vertu des exigences les plus essentielles et les plus imprescriptibles de la seule raison, affirmer, proclamer, revendiquer les droits de la religion, les devoirs qui en résultent, pour l'homme, pour tout homme, du seul fait qu'il est homme, conscient de ce qu'il est, — sans aucun besoin de recourir à une autorité extérieure, imposant ces devoirs du dehors, au nom d'un principe hétérogène à celui de la raison que tout être humain porte au plus intime de lui-même.

On voit tout de suite la portée de cette affirmation; on peut aussi en entrevoir les conséquences….


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Message  Louis Jeu 26 Avr 2012, 7:28 am

PROPÉDEUTIQUE

II. LA RELIGION (suite)
On voit tout de suite la portée de cette affirmation; on peut aussi en entrevoir les conséquences.

Si, en effet, notre proposition est vraie, il s'ensuit qu'il n'y a pas, de soi, à en appeler à un pouvoir religieux quelconque pour établir l'obligation stricte d'une vie intérieure, spirituelle, religieuse, s'imposant à un être humain. Il n'y aura pas à en appeler à une autorité, distincte de la raison et s'ajoutant à elle, ayant besoin, par conséquent, d'être acceptée par la raison et d'être acceptée après enquête, après discussion, après reconnaissance des litres qu'elle invoque pour s'imposer ainsi du dehors. La vie religieuse, spirituelle, intime, profonde, dominant et absorbant, en un sens, tout ce qu'il peut y avoir d'autre vie, de vie extérieure, ou de vie humaine, en quelque sens qu'on l'entende, dans l'homme: cette vie s'impose au nom de la seule raison; par conséquent, à tout être humain, du seul fait qu'il est raisonnable, au point qu'il ne pourra renier cette vie ou s'y soustraire, sans se renier lui-même, sans nier sa propre raison.

Du même coup nous entrevoyons ce qu'aura de monstrueux le fait d'un être humain méconnaissant cette vie religieuse, ou s'y soustrayant pour lui-même; à plus forte raison, s'il travaillait à détourner les autres de cette vie, à les empêcher de la vivre : et quel ne serait pas le degré de sa responsabilité, de sa déraison, de son caractère monstrueux, s'il détournait ainsi de cette vie des êtres humains qu'il aurait pour mission de protéger, de conduire, d'amener à leur vraie vie, à leur perfectionnement défini(ti)f : tel un père de famille, à l'endroit de ses enfants ; tel un chef de cité, ou de nation, ou d'empire, à l'endroit de ses subordonnés. — Et nous le voyons, nous sommes en plein dans le domaine moral qui nous occupait précédemment, quand nous étudiions, du seul point de vue philosophique, l'Éthique, l'Économique, la Politique. — De ce seul point de vue déjà, et sans quitter encore l'ordre ou le domaine de la raison, on entrevoit les conséquences de ce qu'on appelle aujourd'hui le laïcisme.

C'est qu'en effet, la question religieuse…

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Message  Louis Jeu 26 Avr 2012, 11:37 am

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II. LA RELIGION (suite)
C'est qu'en effet, la question religieuse, avant d’être une question de foi, et même si elle ne s'était jamais posée, si elle n'avait dû se poser jamais, comme question de foi, — resterait encore et elle est essentiellement, en tout premier lieu, une question de raison, une question de sagesse philosophique.

Elle appartient à la science morale dans sa triple partie de l'Éthique, de l'Économique, de la Politique. Elle relève de l'ordre même des vertus qui s'imposent à l'individu humain comme tel, ou comme appartenant à la famille, ou comme appartenant à la cité. — La religion est une vertu, une vertu morale, que la raison seule impose à tout être humain, du seul fait qu'il est un être humain, et en quelque état, en quelque condition qu'il se trouve comme tel, pourvu seulement qu'il jouisse de sa raison et qu'il n'ait pas la témérité ou la folie de la nier.

S'il est un principe de raison, dans l'ordre moral, fondé lui-même, nous le savons, sur l'ordre des choses, — qui doive être tenu pour tout premier et indestructible, — c'est bien assurément le principe sur lequel repose la vertu de justice.

Ce principe n'est pas autre que celui qui fait un devoir à l'homme de s'inspirer en tout de ce qui est juste et d'y conformer scrupuleusement sa conduite et son agir moral.

C'est en vertu de ce principe que l'homme est tenu de respecter, en tout et avec une absolue rigueur, l'être et l'avoir de tout être humain distinct de lui et pouvant traiter avec lui d'égal à égal. Sous aucun prétexte, ni pour aucune raison, il n'a le droit d'empiéter sur ce qui est d'autrui. Et si par nécessité ou par utilité il bénéficie de ce qui est le propre d'un autre être humain qui n'a pas d'obligation spéciale à son endroit, il est tenu de récompenser ou de rendre à celui qui lui a fourni une partie de son bien tout cela même qu'il en a reçu.

Dans un ordre de justice plus élevé encore et plus rigoureux, l'être humain…

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Message  Louis Ven 27 Avr 2012, 7:11 am

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II. LA RELIGION (suite)
Dans un ordre de justice plus élevé encore et plus rigoureux, l'être humain, du seul point de vue de la raison philosophique étudiant et fixant les règles imprescriptibles de son agir moral, est tenu de s'acquitter des devoirs que lui imposent ses rapports d'inférieur à supérieur dans l'économie de sa vie de société avec les autres hommes.

Ces rapports d'inférieur à supérieur existent naturellement entre les enfants et les parents, dans la société naturelle qu'est la famille. Et quiconque voudrait soustraire l'enfant à l'obligation sacrée qui en résulte pour lui de traiter toujours son père et sa mère avec le respect que ces rapports exigent, irait contre les prescriptions les plus essentielles du droit naturel.

La même obligation, plus impérieuse encore d'une certaine manière ou sous un certain jour, existe dans les rapports d'inférieur à supérieur, entre les membres d'une même patrie à l'endroit de ceux qui personnifient ou représentent cette patrie qui est la leur.

Et, aussi bien, une même vertu préside à l'accomplissement de ce double devoir sacré entre tous, qui est celui des enfants dans la famille et des citoyens dans la patrie. On l'appelle la vertu de piété, fleur par excellence de la vertu de justice.

Un même principe commande tous ces devoirs : celui-là même que nous avons déjà formulé et qui veut qu'on rende à autrui ce qui lui est dû, dans la mesure même où cela lui est dû.

Si quelqu'un voulait mettre en doute ce principe, si seulement un tel principe pouvait être discuté parmi les hommes, il n'y aurait plus de vie humaine possible. — Mais qu'on veuille remarquer que si l'évidente nécessité de ce principe s'impose à tous avec une clarté aveuglante, quand il s'agit des rapports des hommes entre eux, — sa vérité, sa nécessité absolue ne s'impose pas moins à la saine raison, notamment à la raison du sage, de celui qui a pour office de bien voir lui-même et de faire voir autour de lui, — quand il s'agit des rapports de l'agent moral qu'est l'être humain avec d'autres êtres que les êtres humains ses semblables, si ces autres êtres existent, ayant des droits, eux aussi, imprescriptibles eu égard aux êtres humains.

Bien plus, si ces autres êtres, distincts des êtres humains, étaient des êtres supérieurs, des êtres qui auraient encore plus de droit que n'en peuvent avoir les autres êtres humains avec lesquels l'agent moral qu'est l'être humain se trouve en contact, il est bien évident que le principe de justice dont nous parlons s'imposerait avec une force plus grande encore.

Et qu'en serait-il donc s'il s'agissait des droits d'un être souverain, de l'Être par excellence, de l'Être premier, absolu, indépendant, de qui dépendraient tous les autres êtres, notamment, et à titre particulièrement profond, intime, l'être humain? N'est-il pas, ici surtout, de toute évidence que le principe de justice aurait une rigueur qui dépasserait à l'infini la rigueur qu'il peut avoir et dont nous avons dit la nécessité, quand il s'agit des rapports des hommes entre eux ?

Or, il en est ainsi….

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Message  Louis Ven 27 Avr 2012, 12:51 pm

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II. LA RELIGION (suite)
Or, il en est ainsi. Nous savons, par nos études philosophiques ; nous avons vu, à la clarté de la raison la plus pure, que dans le monde du réel, parmi les êtres qui sont, — au-dessus de nous qui constituons le règne humain, où une forme, encore unie à la matière, émerge cependant au-dessus d'elle et vit d'une vie transcendante de pensée, d'amour, de liberté, qui domine sans proportion le monde de la matière et des autres degrés de la vie dans la matière, — devait se trouver, se trouvait en effet, exigé par l'harmonie des êtres, un monde qui nous dépasse, qui ne dépend pas de nous, mais de qui nous dépendons, qui peut avoir action sur nous et qui doit l'avoir, en effet, soit en bien, soit en mal, selon nos propres dispositions à son endroit; — mais, plus encore, au-dessus de ce monde des formes pures, devait se trouver, se trouvait, en effet, dans le monde du réel, — un Être souverain, absolu, infini, l'Être même, l'Acte pur, l'Indépendant, le Nécessaire, Celui qui ne peut rien recevoir, mais qui peut donner et qui donne en effet, qui donne à tout ce qui est tout ce qui le fait être, tout ce qu'il a.

Dès lors, n'est-il pas de toute évidence qu'un devoir s'impose…

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Message  Louis Sam 28 Avr 2012, 6:46 am

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II. LA RELIGION (suite)
Dès lors, n'est-il pas de toute évidence qu'un devoir s'impose, un devoir de justice, que dis-je? plus qu'un devoir de justice, un devoir sacré, un devoir de religion, auquel ne pourra manquer ou se soustraire un être humain quelconque, sans se mettre au ban de l'honnêteté la plus imprescriptible : le devoir de reconnaître le bienfait reçu, tout le bienfait reçu, et ce bienfait n'excluant rien comprend tout, puisqu'il n'est aucun bien, en quelque être qui soit, qui n'ait sa première source, sa première cause en Dieu, et qui ne doive, par suite, remonter jusqu'à lui en hommage de gratitude?

Il y a aussi qu'en dehors même de cette considération de bien reçu et de reconnaissance qui en est la suite nécessaire, — au-dessus de cette considération encore secondaire, une autre considération plus essentielle, plus première, si l'on peut ainsi dire, impose un nouvel aspect du devoir sacré de la religion qui l'emporte sur celui que nous venons de marquer. L'excellence de l'Etre divin, sa gloire, sa majesté, par elle-même, exigent, de la part de tout être raisonnable, le mouvement qui est au premier chef le mouvement de la vertu de religion : et c'est le mouvement de l'âme prosternée devant la Majesté divine, l'adorant, se vouant à son service de gloire.

Le culte de Dieu, intérieur et extérieur, la prière précédée elle-même de la dévotion, la louange, le zèle pour promouvoir tout ce qui a trait à l'honneur de Dieu, — tel est le premier des devoirs, pour tout être humain, ayant l'usage de sa raison, au nom de cette raison s'éclairant elle-même de ses tout premiers principes.

La question religieuse n'est donc pas, de soi, une question de foi. Elle est une question de raison….

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Message  Louis Sam 28 Avr 2012, 11:39 am

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II. LA RELIGION (suite)
La question religieuse n'est donc pas, de soi, une question de foi. Elle est une question de raison. L'individu humain qui la méconnaît, qui s'y soustrait, qui la renie, ne va pas, de soi, contre une obligation surajoutée à sa nature et imposée du dehors. Il pèche contre ce qu'il y a de plus essentiel dans le droit naturel. Il se rend indigne de vivre parmi les êtres humains. Il se met au ban de la société humaine, beaucoup plus que celui qui ne respecterait aucun droit : l'homicide, l'adultère, le parricide même sont moins indignes que lui.

Cela est vrai de tout individu humain comme tel. Que dire de l'individu humain qui a une responsabilité de chef, chef de famille, chef de cité, et qui manque à ce devoir, qui, par son exemple, fait que les autres y manquent, — qui déclare ne pas reconnaître ce devoir, et du même coup, jette le discrédit sur ceux qui veulent y être fidèles!

Or, le voilà bien, le laïcisme ! Quel crime contre la justice ! dans l'ordre même de la raison. Et faudra-t-il s'étonner si tous les autres droits sont foulés aux pieds parmi les hommes, quand une fois les droits de Dieu que la raison proclame avec tant de rigueur se trouvent méconnus?

Ces droits que la raison proclame et qui portent avec eux un premier code explicite de religion naturelle ou philosophique se distinguent, nous venons de le voir, de tout code de religion qui pourra s'imposer dans l'ordre surnaturel. Et, par suite, on ne saurait invoquer la religion comme telle et ses manifestations parmi les hommes, pour conclure, sans autre enquête, à l'existence du monde surnaturel distinct du monde de la raison et s'ajoutant à lui.

Nous aurons à voir, prochainement, s'il n'est pas certaines manifestations d'ordre religieux parmi les hommes qui déborderaient le cadre des manifestations que la raison toute seule justifie et explique.

A suivre : III. LES RELIGIONS POSITIVES

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