Aperçus de philosophie thomiste. (COMPLET)

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Message  Louis Ven 17 Fév 2012, 1:16 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

X. LA PENSÉE SUBSISTANTE (suite)
Nous avons donc ici une vie de pensée où tout s'identifie à Celui qui vit de cette vie, et qui, à ce titre, peut et doit être dit non pas seulement vivant, et vivant de la vie la plus parfaite, mais le Vivant par excellence, la Vie elle-même, la Vie à son degré le plus parfait, qui est la vie de la pensée, en son mode le plus parfait, qui est et qui doit être appelée de son vrai nom : la Pensée subsistante.

Tout, ici, est lumière, la Lumière. Tout est vue, vue de l'esprit, tout est vision, vision intellectuelle, cette vision qui fait pénétrer au plus intime de ce qui est, pour en prendre possession lumineuse, pour se l'assimiler, pour s'en pénétrer soi-même. Et c'est encore trop peu dire. Tout est la Vision, la Vision subsistante, la Vision où l'être est vie de la pensée, la vie de la pensée, et où la vie de la pensée amène avec elle une vie affective, une vie d'amour, qui s'identifie, dans sa réalité, au même Acte, au même Être, où tout et tout, dans l'ordre de l'acte, de l'être, de la vie, de la pensée et de l'amour, subsiste à l'état pur.

Cet Acte pur qui est la Pensée subsistante et qui porte en Lui toutes choses à l'état de Vision et de Vision d'amour, est, par Lui-même, par sa Vision et son Amour, par son Acte, la raison et la cause de tout dans ce domaine de l'être, de la vie, de la pensée que nous avons essayé d'explorer à la lumière de la raison philosophique.

Toute forme ou tout acte qui fait que quelque chose est, depuis les formes pures jusqu'aux formes élémentaires, dérive, descend de Lui…

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Message  Louis Sam 18 Fév 2012, 6:31 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

X. LA PENSÉE SUBSISTANTE (suite)
Toute forme ou tout acte qui fait que quelque chose est, depuis les formes pures jusqu'aux formes élémentaires, dérive, descend de Lui. Les formes pures, dans leur être ne dépendant point de la matière, ne sauraient venir à l'être par une action qui les tirerait en quelque sorte de la puissance de la matière. Parce qu'elles subsistent en elles-mêmes, il faut que leur être vienne directement et immédiatement de l'Être subsistant qui l'aura produit par voie de création. Il en sera de même de la forme humaine qui est, elle aussi, subsistante en elle-même, bien qu'elle soit faite pour informer la matière qui lui est proportionnée et qui unie à elle constitue l'être humain venu par voie de génération naturelle, quand une fois cette nature aura été instituée par l'action souveraine de l'Être subsistant.

Les autres formes, en descendant depuis la forme humaine jusqu'aux formes des éléments, viendront toutes, elles aussi, de l'action première de l'Être souverain qui est Acte pur. Car elles sont acte, elles aussi ; et tout acte vient de l'Acte. Mais l'Acte les produit, une fois institué le cours des causes naturelles, par le concours ordonné de ces diverses causes. Formes pures et agents physiques proportionnés interviennent dans la genèse de toutes les formes naturelles qui se succèdent dans un même fond de matière première et y constituent, unies à celte matière, selon qu'elle se trouve proportionnée à chacune d'elles, les divers êtres du monde de la nature ou des corps.

Habitant au milieu de ce monde des corps, dont il est, par sa nature intellectuelle, le suprême ornement et le roi, l'homme…


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Message  Louis Sam 18 Fév 2012, 12:47 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

X. LA PENSÉE SUBSISTANTE (suite)
Habitant au milieu de ce monde des corps, dont il est, par sa nature intellectuelle, le suprême ornement et le roi, l'homme, par la vertu de cette nature intellectuelle, a le privilège de pouvoir transformer, au-dedans de lui, dans son esprit, en principes de lumière et en aliment de vie intellectuelles, toutes les formes qui donnent à chaque être individuel du monde de la nature son être ou sa nature spécifique. Par cette transformation, l'être humain rejoint, d'une certaine manière, l'être intellectuel idéal que chacun des êtres de la nature possède au sein de l'Être subsistant d'où est descendue la forme même qui les fait être ce qu'ils sont.

Mais c'est surtout dans la pensée de chacune des formes pures que se retrouve, à l'état de forme idéale, la forme ou l'acte de tous les êtres qui sont constitués en eux-mêmes, dans le monde qu'est l'univers, par cette forme qui les fait être et qui est dérivée en eux, comme il a été dit, du foyer ou de la source de tout acte et de toute forme, l'Être subsistant, l'Acte pur.

Et c'est ainsi que de ce sommet de toutes choses, de cet Océan de tout être et de toute perfection, qui contient en lui-même, à l'état pur, toute perfection et tout être, dérivent, dans tout l'univers, depuis que cet univers existe, en une sorte de ruissellement d'actes substantiels ou accidentels, toutes les formes, tous les actes d'être, qui font exister chacun de ces êtres en eux-mêmes avec tout ce qui constitue leur être ; et, simultanément, autant de fois qu'il existe de formes pures dans le monde métaphysique, en un ruissellement de formes de lumière, dans chacune des formes pures, toutes ces mêmes formes hiérarchisées qui constituent l'ensemble des êtres de l'univers.

Arrivée à ce sommet des choses et quand elle a vu…


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Message  Louis Dim 19 Fév 2012, 6:56 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

X. LA PENSÉE SUBSISTANTE (suite)
Arrivée à ce sommet des choses et quand elle a vu, au sujet de l'Être, de l'Acte, de la Pensée subsistante, et des rapports de tous les êtres entre eux ou de tous ces êtres avec l'Être pur, ce que nous venons de préciser, la raison philosophique est parvenue au terme de son enquête. Elle pourra s'appliquer indéfiniment à revoir et à mieux voir ce qui vient d'être dit. Elle ne pourra prétendre ni à voir quelque chose en dehors de cette hiérarchie des êtres ni à voir, en eux-mêmes, soit les êtres que sont les formes pures, soit, à plus forte raison, l'Être ou l'Acte qui est au sommet de tout.

Ce double monde, des formes pures et de l'Acte pur, n'est point naturellement le nôtre, qui n'est que le monde de la nature ou des corps, selon qu'il appartient à l'être humain d'y déployer sa vie physique, sensible, intellectuelle et morale. Nous aurons à nous demander, plus tard, ce qu'il en serait de certaines possibilités ou même de certains faits d'une importance extrême pour nous, au sujet de ce que nous appellerons des interventions, dans notre monde humain, du monde des formes pures, ou du monde de l'Acte pur.

Mais, sans aborder encore ces questions, d'un si haut intérêt, qui pourront ouvrir, pour nous, un monde nouveau dans l'ordre de nos connaissances, il nous reste à examiner, dans l'ordre incontesté de la pure raison philosophique, ce que doit être l'agir moral humain.

Après avoir vu, par notre raison, l'ordre des choses, il nous faut, maintenant, étudier et établir, par notre raison, l'ordre dans notre agir moral.

Ce sera l'objet de nos prochaines études.

A suivre : ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

I — LA FIN DE L'HOMME

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Message  Louis Dim 19 Fév 2012, 1:36 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

I. LA FIN DE L'HOMME
Dès le début de nos études, nous nous étions mis à l'école d'un Maître dont nous avons pu apprécier, à chaque pas que nous faisions, la sûreté doctrinale. Il nous avait été, du reste, désigné par l'autorité même de l'Église que Dieu a constituée tout exprès pour veiller parmi les hommes à l'enseignement de la vérité profonde.

Or, tout récemment, de nouveaux actes ont été accomplis par l'Église en faveur de ce Maître vraiment unique, à l'occasion et en raison du VIe centenaire de sa canonisation, faite en 1323, par Jean XXII, quand les Papes étaient à Avignon.

Sa Sainteté le Pape Pie XI, actuellement régnant, a publié une Encyclique adressée à tout l'univers catholique pour l'inviter à célébrer comme il convient une date si précieuse. Dans la partie où elle traite de l'enseignement du saint Docteur, en donnant comme un résumé de cet enseignement, il se trouve que cette Encyclique consacre le programme même de nos études et la pensée qui nous a amenés à les entreprendre.

Le Souverain Pontife approuve et encourage de toute son autorité le zèle des intelligences même du dehors à rechercher, pour en vivre, le pur froment de la vérité que renferment les écrits de Thomas d'Aquin. Et, faisant allusion à ce qui se passa autrefois, en Egypte, lors de la disette universelle, quand il était dit, à tous ceux qui avaient faim et venaient demander le pain matériel destiné à faire vivre leur corps : Allez à Joseph, ITE AD JOSEPH ; le Souverain Pontife ne craint pas d'adresser aux affamés spirituels de l'heure présente cette invitation solennelle : ITE AD THOMAM, Allez à Thomas.

Avant cette invitation si émouvante, le Souverain Pontife avait donné un aperçu de la richesse de cet enseignement du saint Docteur. Il avait parlé du philosophe et du théologien, caractérisant d'un mot le domaine spécial qui est respectivement le leur; et il avait dit la maîtrise souveraine de saint Thomas dans chacun de ces deux domaines.

Pour la philosophie, voulant en marquer les frontières et comme les départements divers, il empruntait à saint Thomas lui-même la division que le saint Docteur a tracée dans son prologue de l'Éthique d'Aristote, II rappelait, avec le saint Docteur, que le propre de la raison est l'ordre : rationis est ordinare.

Ordre à établir dans les actes mêmes de la raison; et nous avons la Logique.

Ordre à contempler dans les choses où il ne dépend pas de nous ; et c'est la Physique, au sens aristotélicien de ce mot, avec la Métaphysique.

Ordre à établir dans l'agir moral humain; et l'on a, pour l'individu, l’Éthique ; pour la famille, l’Économique ; pour la cité, la Politique.

Nous le connaissons ce programme magnifique. Chacun des termes qui l'énoncent nous est maintenant familier. — Déjà, nous avons vu la Logique; et, aussi, la Physique et la Métaphysique.

Maintenant, nous abordons l'Éthique, devant être suivie de l'Économique et de la Politique. — Tout cela vu à la lumière de la raison, sous la conduite de ses deux représentants les plus autorisés : Aristote et saint Thomas d'Aquin.

Quelle joie de suivre une roule si sûre et d'explorer un domaine si riche, dont les fruits de lumière embaument toute notre vie !

Nos précédentes études avaient eu pour objet l'ordre des choses….

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Message  Louis Lun 20 Fév 2012, 6:24 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

I. LA FIN DE L'HOMME (suite)
Nos précédentes études avaient eu pour objet l'ordre des choses. Nous nous étions appliqués à saisir l'harmonie des êtres : depuis les confins du néant jusqu'à l'Acte pur. Cette étude, nous l'allons voir tout de suite, porte avec elle sa justification, sa raison d'être : elle est une fin par elle-même. C'est dire que nous ne devons pas la considérer comme « classée », et comme si nous ne devions pas y revenir. Bien au contraire.

Mais, pour mieux y revenir, pour mieux l'entendre, pour en jouir plus pleinement, il nous faut momentanément la suspendre, ou plutôt la compléter par une autre étude, qui en est aussi la préparation : l'étude de notre agir moral, de l'ordre à établir dans les actes de notre volonté libre : à considérer chacun de nous comme individu humain ; ou comme membre de la famille; ou comme membre de la cité. — Éthique, Économique, Politique. C'est le domaine que nous abordons. — Il est plus important que jamais.

Il est vrai que ce n'est pas encore avec toute la plénitude des lumières; et, par suite, nous ne pourrons donner aux questions qui s'y poseront pour nous la solution la plus haute. — C'est en philosophes, non en théologiens, que nous abordons l'étude de l'agir moral humain. Et, seul, le théologien est à même d'établir la science parfaite de cet agir moral. Lui seul, en effet, connaît, par les lumières d'en-Haut que nous aurons à étudier plus tard, la fin pure et simple de l'être humain. Et, nous l'allons rappeler dès maintenant, toutes les règles de l'agir moral humain dépendent de la fin qui est celle de l'être humain. Cependant, même du seul point de vue de la raison, qui est celui du philosophe, nous aurons, tout de suite, de magnifiques clartés. Et ces clartés ne disparaîtront pas, quand nous y joindrons plus tard les lumières de la foi. Les deux s'harmoniseront merveilleusement. Nous ne pourrons même jouir pleinement des lumières de la foi, que si nous avons présentes à nos esprits les clartés de la raison. A ce titre, l'étude que nous abordons nous devrait être bien chère.

Mais il y a plus en ce moment…

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Message  Louis Lun 20 Fév 2012, 12:16 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

I. LA FIN DE L'HOMME (suite)
Mais il y a plus en ce moment. Que d'esprits qui vivent en dehors des lumières de la foi, à commencer par les esprits qui sont le plus écoutés dans le monde! — Et, parmi ces esprits, qui ne reconnaissent que les clartés de la raison : que de ténèbres, en ce moment, sur ces questions les plus vitales!— Pour les individus, le matérialisme jouisseur; — pour les familles, la théorie et la pratique du divorce, de l'union libre, de la fantaisie à outrance; — pour les cités, les peuples, les nations : l'anarchie, le soviétisme, le communisme, le socialisme. Où en sommes-nous, où en est-on, en ce moment, dans tout l'univers, de la connaissance et de la pratique des vérités les plus essentielles, du point de vue même de la seule raison naturelle, pour l'agir moral de l'individu humain comme tel, et comme membre de la famille, et comme membre de la cité !

Quel sujet d'études plus important, à l'heure actuelle, que celui-là?

Dans ce nouveau domaine de notre étude philosophique, nous devons commencer par ce qui forme l'objet de l'Éthique; c'est-à-dire par l'étude de l'ordre à établir dans l'agir moral humain, à considérer l'individu humain en lui-même.

Dès là qu'il est question d'ordre à établir, à établir dans l'agir moral humain, à considérer l'individu humain en lui-même, il est manifeste que ce qui se présente à nous, dès l'abord, c'est la fin même de l'individu humain dans ses actions à lui. — Tout agir, en effet, est commandé par la fin qu'on y poursuit.

Et je sais bien qu'ici, tout de suite, une légion de savants et de penseurs, c'est-à-dire de représentants attitrés de la raison, entend nous arrêter. Nous parlons de fin, de fin qui commanderait notre agir, et d'où, par conséquent, nous voudrions tout faire dépendre dans notre étude de l'agir moral humain. — Or, ces représentants de la raison nous disent que la fin n'existe pas, que le concept même de fin ou de cause finale est une illusion, une chimère; que, dans tous les ordres d'action, sans en excepter nos actions à nous, tout va se succédant au hasard, sans qu'on puisse nulle part établir ou trouver une raison de finalité.

A cela nous répondons…


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Message  Louis Mar 21 Fév 2012, 6:39 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

I. LA FIN DE L'HOMME (suite)
A cela nous répondons, dès l'abord, aussi, et d'un seul mot, que cette objection est contraire au bon sens, au sens commun, parmi les hommes; et que, par suite, elle n'est qu'une illusion, une chimère de la raison s'entortillant elle-même dans les replis de vaines subtilités ou de pures apparences verbales.

La réalité des choses, inéluctable, est tout autre. — Je vais me promener dans la campagne. Je trouve un groupe de soldats ou de jeunes gens occupés à des exercices de tir. Si quelqu'un vient me dire que ces soldats ou ces jeunes gens n'ont pas de but dans les actes de tir qu'ils accomplissent, qu'ils agissent au hasard et que leurs actes n'ont aucune raison de finalité, comment voulez-vous que je prenne ce quelqu'un au sérieux et que je discute avec lui? Il aurait beau vouloir me prouver son dire et m'apporter pour cela des apparences de raison, j'en conclurai simplement qu'on peut déraisonner parfaitement avec des apparences de raison.

Que si au fait patent du témoignage de mes sens, je voulais joindre une raison, une raison toute d'évidence, je la trouverais en ceci, qu'il est essentiel à tout être raisonnable d'agir pour une fin, attendu que l'objet propre de la raison c'est l'ordre : rationis est ordinare; — et que l'ordre, dans l'agir, consiste précisément dans le fait de poser un acte en vue d'une fin, d'un but, qu'on se propose. — C'est, à ce point, vrai, que même les êtres inférieurs à l'homme et qui n'ont pas en eux-mêmes la raison, agissent, eux aussi, en vue d'une fin ou d'un but qui leur est marqué. — La seule différence, et elle est grande, c'est qu'ils agissent ainsi pour une fin sans la connaître sous sa raison de fin et sans s'y déterminer eux-mêmes, tandis que l'homme la connaît, se la fixe et s'y meut de lui-même.

Tout être humain agit donc et doit agir pour une fin.

Cette fin, quelle sera-t-elle? quelle est-elle? quelle faut-il qu'elle soit?...

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Message  Louis Mar 21 Fév 2012, 12:32 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

I. LA FIN DE L'HOMME (suite)
Cette fin, quelle sera-t-elle? quelle est-elle? quelle faut-il qu'elle soit?

C'est la question primordiale, la question capitale, qui doit être tranchée avant toute autre, dans l'étude de l'ordre à établir dans l'agir moral de l'individu humain.

Mais, ici encore, ici, de nouveau et tout de suite, nous nous trouvons en présence d'une autre légion de penseurs ou de savants, c'est-à-dire de représentants officiels de la raison humaine, qui veulent nous imposer une méthode. Et, hier encore, ils étaient les maîtres dans nos écoles officielles d'enseignement moral : supérieur; secondaire; et primaire. — Ce sont les tenants de la morale indépendante. Ils entendent, par là, non pas seulement l'établissement d'une science morale, en dehors de toute donnée de la doctrine catholique : ce qui s'expliquerait, s'ils n'appartiennent pas à l'Église; — ou même en dehors de toute doctrine révélée surnaturelle : ce qui s'expliquerait encore, s'ils n'ont aucune foi, ou même s'ils veulent simplement établir la science morale, du seul point de vue de la raison ou de la philosophie ; — mais ils vont jusqu'à entendre, par là, l'établissement d'une science morale, en dehors de toute métaphysique, comme ils disent eux-mêmes, si tant est qu'ils n'aillent point jusqu'à exclure tout acte et toute donnée de la raison qui observe, ne voulant, pour tout fonder, dans cet ordre de la science morale, qu'un pur acte de ce qu'ils appellent la raison pratique, au sens kantien de ces mots, l'impératif catégorique, le devoir pour le devoir.

Je réponds : Le devoir…

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Message  Louis Mer 22 Fév 2012, 6:06 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

I. LA FIN DE L'HOMME (suite)
Je réponds : Le devoir n'est qu'un vain mot, si, aux yeux d'une raison qui observe, il ne peut être justifié. Rien d'aveugle ne saurait conduire, parmi des êtres sensés. Si cet impératif prétendu ne peut être justifié aux yeux de la raison, — au nom même de la raison, je la déclare tyrannique, déraisonnable, inacceptable. Je n'en veux à aucun prix.

Oui, sans doute possible, toute morale humaine, pour être acceptable, doit reposer sur la raison et sur la raison qui voit, qui observe, qui connaît; non sur une raison qui n'en est plus une, dès là qu'on la transforme en instinct aveugle qui ne peut rendre raison de lui-même.

D'un mot, toute science morale doit reposer sur une autre science, sur la science de l'homme; et la science de l'homme, qu'est-elle autre chose que cette science, scrutée par nous dans nos précédentes études, et que nous avons appelée, avec Aristote, de ces noms immortels : la Physique et la Métaphysique.

Aussi bien, comme la lumière, immédiatement, nous éclaire !

La fin de l'homme est sa perfection dernière. C'est donc une action : car être serait moins qu'agir.

Mais quelle action ?...

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Message  Louis Mer 22 Fév 2012, 12:19 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

I. LA FIN DE L'HOMME (suite)
Mais quelle action ? Dans l'homme, — nous le savons, par la Physique et la Métaphysique, — il est un triple degré d'être et d'action, même dans l'ordre supérieur de la vie. Il naît, grandit, se reproduit, comme la plante. Il sent et se meut parmi les couleurs, les sons, les parfums, le chaud et le froid, le sec et l'humide, comme l'animal. Il raisonne, aussi, et il pense, comme les formes pures et l'Acte pur. De ces actions superposées dans une si savante et si admirable hiérarchie, laquelle sera pour l'homme sa perfection dernière? Toutes sont requises. Mais, s'il faut marquer une préférence, donner le pas dans l'estime, et, au besoin, dans le choix même de l'action, — laquelle des trois faudra-t-il assigner?

Je le demande, qui pourrait hésiter, s'il est homme, et s'il entend la question ?

L'homme est surtout lui-même, quand il pense!quand il fait acte de raison ! Encore est-il qu'il peut faire acte de raison, à divers titres, ou en appliquant sa faculté de penser à divers objets, sous l'aspect de diverses sciences.

Il peut vaquer à l'étude ou à la considération des êtres matériels qui l'entourent, pour connaître le seul jeu de leurs rapports accidentels ou superficiels et qui n'intéressent directement que sa vie animale, corporelle.

Il peut les étudier aussi, sous un aspect plus élevé et pour les classer selon leurs propriétés plus intimes ou plus profondes, qui ne dépasseront pourtant pas le cadre ou l'horizon d'une science purement expérimentale ; joignant, du reste, à cette étude plus scientifique, un souci très spécial d'utiliser, en vue de l'agrément de sa vie de relation avec les autres hommes, toutes les ressources qu'une connaissance plus parfaite du monde de la nature apportera au développement des arts ou de l'industrie.

Il peut, enfin…

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Message  Louis Jeu 23 Fév 2012, 6:14 am

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I. LA FIN DE L'HOMME (suite)
…Il peut, enfin et surtout, appliquer sa raison à l'étude des êtres qui l'entourent, pour les connaître au plus profond de leur naturel pour saisir les rapports essentiels qui commandent leurs divers règnes; pour savoir les derniers pourquoi, capables de satisfaire sa raison, quand elle scrute ces divers êtres et qu'elle s'interroge elle-même sur ce qu'ils sont, sur leur origine première, sur leur destin suprême. C'est alors qu'il fait, par excellence, acte de raison ou de pensée. Cet acte est l'acte de la contemplation, au sens parfait, au sens pur et simple de ce beau mot, traduisant ce qu'il y a de plus élevé, de plus transcendant, parmi toutes les perfections de l'être humain. Il dit, en effet, son acte le plus haut, portant sur son objet le plus excellent. Et, dès lors, il faut, de toute nécessité, que cet acte soit cela même qui constitue sa fin.

Oui…



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Message  Louis Jeu 23 Fév 2012, 12:37 pm

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I. LA FIN DE L'HOMME (suite)
Oui, vraiment, l'homme est fait pour vaquer à cet acte suprême qui est l'achèvement, le couronnement de tout lui-même, dans l'ordre de la perfection : la contemplation. Contempler, voir, des yeux de son intelligence, la raison suprême de toutes choses, se répondre à lui-même, au plus intime de sa pensée, à toutes les questions qui peuvent se poser devant le regard de sa raison, ne plus connaître de secret ou de mystère, avoir tout à nu, tout à découvert, dans la pleine lumière intellectuelle, et jouir du repos de son intelligence dans cette pleine et parfaite possession de la Vérité, son bien souverain, c'est là le tout de l'homme.

S'il n’a point ce tout, quelque bien qu'il possède, il n'est point parfait, il n'est pas à son terme, il n'a point atteint sa fin. Si, au contraire, il a ce tout, ce couronnement de lui-même, il est à son terme, il est achevé, fini dans sa perfection. Il n'a plus rien à attendre. Il a réalisé la fin de son être.

Et parce que, nous l'avons vu dans notre étude de l'ordre des choses, c'est au philosophe, au sage, qu'il appartient de scruter ainsi, dans son dernier fond, pour remonter jusqu'à sa cause suprême, tout le domaine de l'être, c'est donc dans l'acte même qui spécifie le philosophe, le sage, que consistera proprement la fin dernière ou suprême de l'être humain. C'est à cet acte qu'il devra tout ordonner dans l'économie de son agir moral.

A suivre : II. LA DISCIPLINE MORALE

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Message  Louis Ven 24 Fév 2012, 6:55 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

II. LA DISCIPLINE MORALE
Nous avons précisé l'objet de cette partie de la science morale qui est appelée l'Éthique : c'est, proprement, l'ordre à établir dans l'agir moral humain, à considérer l'individu humain pour lui-même.

Ce qui se présentait à nous dès l'abord, dans cette étude, c'était la question de la fin de l'individu humain dans ses actions. Pour déterminer cette fin, il n'y avait pas d'autre méthode que de considérer la nature même de l'être humain et sa place dans la hiérarchie des êtres.

Sa fin ne peut être que sa perfection ; et sa fin dernière ou suprême, qui commandera toutes les autres fins subalternes, sera nécessairement sa perfection suprême, qui achèvera ou couronnera toutes ses autres perfections.

Dès là qu'il s'agissait de perfection dernière et suprême, il devenait manifeste que ce n'était point dans l'ordre purement statique ou de l'être que nous devions la chercher; mais dans l'ordre dynamique ou de l'agir, de l'action : car l'action ou l'agir est une perfection qui se surajoute à l'être et le complète ou le couronne. Tout être qui est, en effet, est pour son action ; il est pour agir ; son agir est la fin de son être.

Mais, parmi les divers aspects…


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Message  Louis Ven 24 Fév 2012, 2:07 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
Mais, parmi les divers aspects, ou les diverses modalités, disons même les divers degrés, que nous savons se trouver dans l'action ou l'agir de l'être humain, nous ne pouvions assigner comme fin dernière de l'individu humain le degré infime ou l'un des degrés inférieurs de cette action ou de cet agir. Ce n'est pas dans la sphère de sa vie végétative, ni, non plus, dans sa vie sensitive, que nous devons chercher la perfection ou la fin suprême et dernière de l'individu humain. C'est dans la sphère ou le domaine de sa vie pensante, de sa vie intellectuelle, de sa vie de raison. Et, même dans cette sphère ou ce domaine, c'est dans la zone la plus élevée que nous devions monter pour trouver la fin dernière que nous cherchions : dans la zone de la philosophie ou de la sagesse. Là nous trouvions cet acte suprême qui s'appelle du nom par excellence de la contemplation : la contemplation des choses divines, ou de l'ordre des choses en dépendance de la cause divine et suprême qui est Dieu.

Réaliser cet acte selon le plus haut degré de perfection qui puisse être le sien, — voilà pour l'être humain, pour l'individu humain, sa perfection suprême, sa fin dernière, en laquelle seule il trouvera le repos, le bonheur définitif.

Oui; — mais comment réaliser cet acte ?...

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Message  Louis Sam 25 Fév 2012, 6:58 am

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
Oui; — mais comment réaliser cet acte ? L'homme le porte-t-il en lui-même, du seul fait qu'il existe? ou, au contraire, est-il, dans sa nature, sinon une opposition directe et foncière, du moins des difficultés ou des obstacles qui peuvent en empêcher ou en troubler la réalisation ?

J'entends non pas seulement la réalisation idéale et parfaite, qui pourra n'être jamais que l'apanage ou le privilège d'une élite, — comme, sans doute, plusieurs pourraient en faire l'objection — ; mais même cette réalisation rudimentaire, ou initiale, et imparfaite, qui doit pouvoir convenir à tout être humain pris en particulier.

Dès là, en effet, que nous affirmons, — et nous avons vu que l'étude même de notre nature nous y contraignait, — que la fin dernière ou suprême de l'homme est dans cet acte de la sagesse sur l'ordre des choses en ce qu'il a de dernier ou de suprême et de plus profond, c'est-à-dire voyant tout l'ordre des choses en dépendance de la Cause dernière et suprême, qui est Dieu, — il faut bien, sous peine d'accuser d'insuffisance notre nature elle-même, que chaque individu humain puisse réaliser cet acte, bien que tous n'aient pas dans leur nature individuelle de le réaliser avec la même perfection.

Et nous voici en présence de la question la plus passionnante et aussi la plus actuelle dans cette science de l'Ethique abordée par nous. C'est la question de la discipline morale. Faut-il à l'être humain, comme tel, une discipline? Cette discipline, comment devons-nous la concevoir, l'ordonner?

Très intentionnellement j'ai dit que cette question était la plus passionnante et aussi la plus actuelle. Elle est, sans doute, depuis toujours; et toujours elle a été d'une importance extrême. Mais c'est elle qui se trouve à l'origine même de ce qu'on appelle les temps nouveaux, l'ère nouvelle, entendant ces mots dans leur acception laïque et au sens où l'ère nouvelle date des temps de la Révolution.

Le père de ces temps nouveaux…

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Message  Louis Sam 25 Fév 2012, 2:59 pm

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
Le père de ces temps nouveaux a fait, de la question que nous abordons en ce moment, le point central, j'allais dire le tout de son étrange vie d'apôtre. Oui vraiment il n'est pas téméraire d'affirmer que Jean-Jacques Rousseau tient tout entier dans cette question de la discipline morale, ou, comme il dirait lui-même, en fixant un de ses aspects essentiels, l'éducation. Et c'est elle, cette question de l'éducation ou de la discipline à établir pour l'être humain comme tel, posée et résolue clans le sens où l'avait posée et résolue Jean-Jacques Rousseau, qui commande tout dans la société laïque du monde entier à l'heure actuelle.

Or, personne n'ignore comment cette question fut posée et résolue par l'auteur de l'Émile. Il s'en est expliqué nettement lui-même, en essayant de se justifier contre les critiques ou les condamnations dont il était l'objet. C'est donc par lui-même que nous sommes fixés de la manière la plus certaine et la plus authentique sur le sens de sa pensée. — Dans sa réponse à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, qui avait publié un mandement contre l'Émile, à la date du 20 août 1762, il déclarait expressément :

« Le principe fondamental de toute morale, sur lequel j'ai raisonné dans tous mes écrits, et que j'ai développé dans ce dernier avec toute la clarté dont j'étais capable, est que l'homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l'ordre ; qu'il n'y a point de perversité originelle dans le cœur humain ; et que les premiers mouvements de la nature sont toujours droits;... et j'ai fait voir comment, par l'altération successive de leur bonté originelle, les hommes deviennent enfin ce qu'ils sont ».


Or, ce qui altère ainsi l'homme, et, de bon qu'il était naturellement ou en naissant, le fait devenir ce que nous le voyons, c'est précisément la discipline à laquelle on le soumet; c'est l'éducation qu'on lui donne; ce sont les gouvernements eux-mêmes qui font les maux auxquels on prétend remédier par eux. Il est impossible d'avoir jamais ni de bonnes lois ni des gouvernements équitables ; il faut chercher le vrai moyen de prévenir, sans gouvernements et sans lois, tous ces maux dont on se plaint.

On a voulu conclure de là que pour l'auteur de l'Émile

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Message  Louis Dim 26 Fév 2012, 6:08 am

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
On a voulu conclure de là que pour l'auteur de l'Émile il fallait rejeter toute discipline morale et toute éducation, et laisser l'homme à lui-même, à lui seul. La proposition n'est vraie qu'à moitié, ou en un sens.

L'auteur de l'Émile ne rejette pas toute éducation ou toute discipline; puisque, au contraire, il a pour unique but d'en proposer une nouvelle, qui sera, d'après lui, le remède à tout mal parmi les hommes.

Ce qu'il rejette, c'est ce qu'il appelle l'éducation positive, qui était l'unique éducation donnée jusqu'à lui ; notamment l'éducation telle qu'on la donne dans les milieux de l'Église catholique.

Et ce qu'il propose, c'est ce qu'il appelle l'éducation négative, qui « ne donne pas les vertus, mais prévient les vices » ; qui « n'apprend pas la vérité, mais préserve de l'erreur » ; — qui « dispose l'enfant à tout ce qui peut le mener au vrai quand il est en état de l'entendre, et au bien quand il est en état de l'aimer » ; — sans le mettre jamais auparavant en présence d'une vérité (qui d'ailleurs est si difficile à marquer) et d'un bien (qui est toujours très relatif, puisqu'il dépend de l'épanouissement du sujet lui-même).

Nous reviendrons sur cette éducation à la Rousseau. Arrêtons-nous, pour l'heure, sur ce qu'il appelle lui-même son principe fondamental : …

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Message  ROBERT. Dim 26 Fév 2012, 10:06 am

Spoiler:
Ratzinger, l'hérétique et le moderno, parfait émule d'Émile, comme tous ces psycho-psychi et autres pseudo-neurasthénique à la Freud, Kant, Hegel, Jung, Husserl, etc..
.
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Message  Louis Dim 26 Fév 2012, 4:26 pm

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
Nous reviendrons sur cette éducation à la Rousseau. Arrêtons-nous, pour l'heure, sur ce qu'il appelle lui-même son principe fondamental : — que « l'homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l'ordre »; qu' « il n'y a point de perversité originelle dans le cœur humain » ; que « les premiers mouvements de la nature sont toujours droits ».

Ces affirmations de l'auteur de l'Émile étaient un des points — le premier et, en un sens, le plus essentiel — que l'archevêque de Paris lui reprochait et condamnait dans son livre.

Et, pour le condamner, l'archevêque en appelait au dogme catholique du péché originel.

C'était porter la question sur le terrain de la foi et de la théologie. L'archevêque en avait le droit et le devoir, puisqu’il adressait son mandement, non pas à l'auteur lui-même, mais à ses fidèles de l'Église catholique. D'ailleurs Jean-Jacques Rousseau, dans sa réponse, essaye de se justifier, même de ce point de vue, se déclarant, comme protestant, sensible à un argument de cette nature. Hâtons-nous d'ajouter qu'il se montra assez piètre théologien. Par contre, du point de vue philosophique, sa réponse était loin d'être à dédaigner; bien qu'elle ne lui donnât pas le droit de conclure dans le sens du principe formulé par lui.

Je voudrais, d'un mot, sur ce terrain même de la philosophie, où nous entendons, pour le moment, délibérément nous renfermer, montrer le point de départ de toute l'erreur qui empoisonne, depuis, le genre humain dans son concept laïque et dans sa pratique de la discipline morale ou de l'éducation, en vue du perfectionnement dernier de l'être humain.

L'explication que nous allons donner, Rousseau l'a entrevue; il l'a formulée en partie, dans cette réponse à l'archevêque de Paris; et les termes dont il use m'ont fait tressaillir, quand je les ai lus : tant ils étaient à propos et de nature à porter la pleine lumière en cette grave question d'où tout dépend pour l'homme.

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Message  Louis Lun 27 Fév 2012, 6:14 am

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
L'explication que nous allons donner, Rousseau l'a entrevue; il l'a formulée en partie, dans cette réponse à l'archevêque de Paris; et les termes dont il use m'ont fait tressaillir, quand je les ai lus : tant ils étaient à propos et de nature à porter la pleine lumière en cette grave question d'où tout dépend pour l'homme.

« L'homme, déclare-t-il, n'est pas un être simple; il est composé de deux substances. Cela prouvé, l'amour de soi n'est pas une passion simple; mais elle a deux principes, savoir l'être intelligent et l'être sensitif, dont le bien-être n'est pas le même. L'appétit des sens tend à celui du corps, et l'amour de l'ordre à celui de l'âme. Ce dernier amour, développé et rendu actif, porte le nom de conscience ».

Il faut le reconnaître, ces prémisses étaient toutes de lumière. — Elles sont la traduction quasi littérale d'une réponse de saint Thomas, dans sa Somme Théologique, 1-2, q. 71, art. 2, ad 3, qui n'est, elle-même, que la mise en relief d'un point de doctrine de philosophie aristotélicienne.

Comment donc d'un si bon principe Rousseau a-t-il pu tirer une conclusion si pernicieuse, qui devait, en effet, tout perdre?
Il en a conclu que l'homme…

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Message  Louis Lun 27 Fév 2012, 12:04 pm

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)

Comment donc d'un si bon principe Rousseau a-t-il pu tirer une conclusion si pernicieuse, qui devait, en effet, tout perdre?

Il en a conclu que l'homme était naturellement bon, aimant la justice et l'ordre ; — que cependant il pouvait être altéré dans cette bonté naturelle, en raison de la double substance qui était en lui; — et qu'il l'était par l'éducation ou la discipline, qui voulait lui donner trop tôt, et du dehors, la vérité et la vertu; — alors qu'il fallait, au contraire, commencer par le perfectionner dans son corps, dans ses sens, dans ses organes, et lui laisser, en quelque sorte, à lui-même, de venir à la vérité et à la vertu, auxquelles il viendrait, en effet, de lui-même, et tout naturellement à l'âge voulu, pourvu qu'on le laissât ainsi à lui-même, sans les lui imposer du dehors ou par l'éducation.

La conclusion à tirer, au contraire, saint Thomas l'avait formulée et mise en pleine lumière, expliquant, du reste, le fait douloureux, constaté par l'expérience, que malgré tous les secours de nature, d'éducation et de grâce, c'est la plus grande partie des hommes qui va au vice et non à la vertu ; d'où il semblerait que le vice est conforme à la nature et que la vertu lui est contraire, puisque partout ailleurs, dans les êtres qui nous entourent, ce qui est conforme à la nature est dans le plus grand nombre, et ce qui lui est opposé ou contraire est l'exception et a quelque chose de monstrueux.

C'est que précisément, chez nous, et chez nous seuls…

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Message  Louis Mar 28 Fév 2012, 5:46 am

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
C'est que précisément, chez nous, et chez nous seuls, se trouvent comme deux natures opposées dans notre unique nature humaine : l'une, allant aux choses corporelles ; l'autre, aux choses spirituelles. Or, la première est celle qui entre tout d'abord en jeu ; l'autre ne venant en exercice que vers l'âge de 7 ans ; — et, de plus, la première demeure toujours eu contact immédiat avec les réalités sensibles dont elle a l'intuition, tandis que l'autre ne peut jamais saisir, naturellement, les êtres spirituels et surtout l'Être souverain, que par voie de raisonnement. — Comme, de par ailleurs, tous sont aisément à l'aise dans les choses du début, tandis que pour atteindre les choses de la fin il faut poursuivre son effort jusque-là, ce qui n'est le propre que des meilleurs, il s'ensuit que beaucoup, le très grand nombre même, s'arrêtent aux choses des sens.

Si donc nous voulons obtenir un moindre mal, dans cet ordre, il faudra que les meilleurs se mettent au service du grand nombre, et que, par une discipline adaptée, ils les conduisent, si possible, jusqu'au terme, qui est le repos de l'âme dans les choses spirituelles, et non dans les choses corporelles.

Cela sera vrai pour la généralité des êtres humains, même adultes. Combien plus pour l'enfant! Ici, sans exception, il faudra que l'on s'occupe de cet enfant, au physique et au moral, plus encore au moral qu'au physique, et qu'on l'entoure de toutes les sauvegardes pour l'amener à dompter ou à dominer ses sens, afin d'établir en lui la règne de la raison dans le domaine de la vérité et de la vertu.

Le plus grand service à lui rendre sera de lui faire prendre comme des commencements de bonnes habitudes morales, avant même qu'il ait l'usage de la raison ou qu'il soit lui-même un agent moral responsable; qu'on sème dans son esprit, par mode de leçons apprises, bien que non encore comprises, tous les germes de vérité qui écloront ensuite, d'eux-mêmes, en lui, à mesure que sa raison pourra en prendre conscience.

D'un mot, l'être humain, surtout à son début…

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Message  Louis Mar 28 Fév 2012, 1:04 pm

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
D'un mot, l'être humain, surtout à son début, doit être enseigné et formé. Avant qu'il soit à même de comprendre, il faut qu'il soit considéré comme devant apprendre.

Et voilà tout l'abîme qui sépare le monde nouveau Rousseauien, du monde ancien humain et classique.

Aristote avait dit, en parlant de tout disciple : Il faut d'abord qu'il croie.

L'homme est un être social et disciplinable. Tout seul et livré à lui-même, il suivra ses sens, et son esprit restera comme enseveli dans la chair. Prétendre tout mieux sauvegarder, en attendant, pour lui livrer la vérité et la vertu, qu'il puisse tout comprendre et tout aimer, dans cet ordre, de lui-même, sans qu'on l'y amène positivement, par une discipline adaptée, c'est vouer le genre humain aux pires déceptions.

L'expérience est là. Si l'homme civilisé était méchant, l'homme élevé à la Rousseau a donné sa mesure, depuis la Révolution, et la donne tous les jours, dans le genre humain devenu ingouvernable.

Ainsi, en pleine clarté, nous le voyons. À la question posée, s'il faut une discipline, pour l'individu humain, dans son agir moral, en vue de sa perfection à réaliser, la réponse ne saurait être douteuse. Et non seulement il faut une discipline; cette discipline existe depuis toujours parmi les hommes.

Elle est, on peut le dire, traditionnelle dans le genre humain. Elle consiste à traiter l'individu humain, non point comme un être qui va de lui-même à ce qui est sa perfection, qu'il n'y a, pour ainsi dire, qu'à favoriser dans son épanouissement de nature : s'occupant, d'abord, et exclusivement, de son épanouissement physique; et remettant à bien plus tard, à un âge relativement avancé, tout ce qui serait d'ordre proprement moral ou intellectuel ou surtout religieux, à prendre même la religion selon qu'elle relève de la seule raison philosophique.

Une telle conception de la discipline, telle qu'a voulu l'inaugurer Jean-Jacques Rousseau, ne répond pas aux véritables exigences de la nature humaine…

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Message  Louis Mer 29 Fév 2012, 6:10 am

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
Une telle conception de la discipline, telle qu'a voulu l'inaugurer Jean-Jacques Rousseau, ne répond pas aux véritables exigences de la nature humaine.

Même sans recourir aux données de la foi touchant les ruines causées dans notre nature par le péché originel, à ne considérer cette nature qu'en elle-même et selon ses données essentielles, si nous n'avons pas à parler de perversité originelle, il demeure, comme nul ne saurait le nier, et Rousseau, nous l'avons entendu, le proclame lui-même, que la nature humaine porte en elle une dualité dont nous disons qu'elle exige, de toute nécessité, les soins les plus attentifs, les plus vigilants, les plus prévenants, pour que l'individu humain ne risque pas, à chaque instant, de tout compromettre et de tout perdre, dans l'ordre de sa perfection à acquérir ou de sa fin à atteindre, en versant dans ce qu'il y a de sensible, en lui, au préjudice de ce qu'il doit y avoir de raisonnable. En tout individu humain, mais surtout dans l'enfant, le côté ou la partie sensible tend à tout absorber à son profit; alors qu'il faut que cette partie demeure toujours subordonnée et ordonnée en fonction de la partie rationnelle. Elle n'est ainsi ordonnée que parmi les meilleurs.

Ces privilégiés, dans la mesure même où ils auront pu faire régner l'ordre en eux-mêmes, se devront et devront aux autres de veiller à ce que ceux qui vivront dans le rayonnement de leur action ne se laissent pas emporter aux entraînements de la partie sensible. Ils devront veiller sur eux, notamment au début de leur vie morale et dès leur plus tendre enfance, pour prévenir et empêcher l'usurpation des sens, pliant les sens et les habituant à céder à la raison ou à ne s'épanouir que dans le sens de la raison, sinon vue, du moins crue en ceux qui leur sont supérieurs d'âge, de condition, d'autorité.

Il en est ainsi pour les habitudes ou les commencements d'habitudes à acquérir dans l'ordre moral…


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