Aperçus de philosophie thomiste. (COMPLET)

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Message  Louis Jeu 26 Jan 2012, 7:17 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

VIII. LA PENSÉE (suite)
Cette faculté, que le génie d'Aristote a su découvrir dans notre nature humaine et que le génie de Thomas d'Aquin a si admirablement vengée des fausses interprétations dont les philosophes arabes avaient voulu la dénaturer, porte un nom classique dans la philosophie péripatéticienne. On l'appelle l'intellect agent. Et la faculté intellectuelle proprement dite qui a pour fonction d'accomplir l'acte de connaissance intellectuelle constituant dans l'homme la vie pensante qui le spécifie est appelée du nom d'intellect possible. On voit tout de suite, après ce que nous venons de dire du rôle de ces deux facultés dans la vie pensante propre à l'homme, le sens de ces deux appellations. De part et d'autre, nous avons le mot intellect , du latin intellectus, qu'on pourrait traduire aussi par le mot intelligence.

Pour la première des deux facultés, on ajoute intellect agent , à l'effet de marquer son rôle à l'endroit de l'objet intelligible qui sera l'aliment de la pensée. Et cela veut dire que cette faculté a pour fonction de rendre actuellement intelligible l'objet venu des sens qui n'était, jusque-là, intelligible qu'en puissance. De là le nom d'intellect agent.

Quant à l'autre faculté, on l'appelle intellect possible, du mot latin possibilis, pour marquer la condition qui est la sienne, dans l'homme, de n'avoir, avec soi ou de par soi, aucun objet intelligible en acte, mais de ne les avoir qu'en puissance, de pouvoir seulement les avoir lorsque l'intellect agent les aura rendus aptes à être imprimés en lui, après les avoir fait intelligibles en acte par le procédé d'abstraction. On pourrait l'appeler aussi, en français, du nom d'entendement réceptif, pour marquer que c'est lui qui produit l'acte d'entendre au sens intellectuel de ce mot et selon qu'il est pris couramment par Bossuet ; et qu'il produit son acte en recevant ou après avoir reçu et à condition de les avoir ainsi reçus en lui les objets venus du dehors et rendus intelligibles par la lumière de l'intellect agent tombant sur les images de ces objets conservées dans l'imagination.

Le rôle de ces deux facultés, essentielles toutes deux à la vie de la pensée…

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Message  Louis Jeu 26 Jan 2012, 12:56 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

VIII. LA PENSÉE (suite)
Le rôle de ces deux facultés, essentielles toutes deux à la vie de la pensée telle que nous la trouvons dans l'homme, caractérise au sens le plus formellement spécifique cette vie humaine de la pensée. Elles sont la raison de son excellence, et marquent aussi la limite de sa perfection.

Quelque imparfaite qu'elle soit dans l'ordre de la vie de la pensée, elle ne laisse pas d'être, comme telle et parce qu'elle est vraiment une vie de pensée, revêtue de cette perfection essentielle que nous avons déjà marquée et qui place si haut la vie proprement humaine au-dessus de la vie des êtres inférieurs à l'homme.

Cette perfection essentielle, nous l'avons dit, c'est qu'elle ouvre de part en part, bien que selon la modalité que nous venons de souligner, devant le regard de l'intelligence de l'homme, tout le domaine de l'être.

Une conséquence de cette perfection va nous apparaître, éblouissante, dans l'ordre des facultés affectives qui devront correspondre, dans l'homme, à sa faculté de connaître, comme correspondaient, dans l'animal, à ses facultés de connaissance sensible, les facultés affectives sensibles.

Nous avons dit, en effet, que l'animal, vivant de la vie sensible, recevait en lui les formes sensibles des autres êtres qui sont au dehors et que, pour autant, il lui fallait des facultés affectives proportionnées à ces nouvelles formes, lui permettant d'accepter ou de refuser ces êtres du dehors selon qu'il les percevait comme un bien pour lui ou comme un mal. Et parce qu'il ne s'agissait là que d'un bien on d'un mal sensible, perçu par les facultés sensibles, la faculté ou les facultés affectives sensibles proportionnées étaient limitées elles-mêmes à cette raison de bien ou de mal sensible. Pour cette même raison, du reste, il fallait, nous l'avons dit, que la faculté affective sensible portant sur le bien ou le mal sensible comme tel, fût distincte de la faculté affective sensible qui porterait sur le bien ou le mal sensible ayant le caractère de difficile ou ardu.


Dans la vie de pensée qui est le propre de l'homme…

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Message  Louis Ven 27 Jan 2012, 7:09 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

VIII. LA PENSÉE (suite)
Dans la vie de pensée qui est le propre de l'homme, ce n'est pas seulement, ce n'est même pas directement les formes sensibles des êtres du dehors qui pénètrent dans l'homme et font que l'homme devienne les formes qu'il perçoit. La pensée a pour objet propre, dans l'homme, les formes ou les natures des êtres sensibles, mais non plus sous leur caractère de natures ou de formes sensibles; ceci est le propre du sens, dans l'homme. La pensée a ces natures pour objet propre et connaturel selon qu'en elles se trouve réalisée la raison d'être qui est son objet propre, comme la raison de couleur est l'objet propre du sens de la vue ; et la raison de son, l'objet propre de l'ouïe ; et chacun des autres sensibles propres, l'objet de tel ou tel autre sens ; ou la raison de sensible comme tel, l'objet du sens central.

Il suit de là que l'homme vivant de la vie de pensée devra porter en lui, correspondant à sa faculté de connaître, une faculté affective qui lui permettra d'accepter ou de refuser tout ce qui sera perçu par cette faculté, dans tout le domaine de l'être, comme étant ou pouvant être un bien ou un mal pour lui. Dès là qu'en soi rien n'est excepté de cette raison d'être et de cette raison de bien, il s'ensuit que nous n'aurons pas besoin, ici, de distinguer plusieurs facultés affectives, comme cela était nécessaire pour la vie sensible propre à l'animal. La même faculté s'étendra à tout.

De plus, cette unique faculté, — parce qu'elle aura pour objet propre la raison même de bien dans son universalité, comme la faculté de connaître qui la commande et la spécifie a pour objet propre la raison d'être dans son universalité ou sa totalité, — portera avec elle, absolument inaliénable, une prérogative qui consacrera définitivement la royauté de l'homme dans la vie de la pensée qui est sa vie propre et spécifiquement humaine. Elle aura la prérogative de la liberté.

Par son intelligence et par sa volonté, l'homme est essentiellement libre.…

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Message  Louis Ven 27 Jan 2012, 12:56 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

VIII. LA PENSÉE (suite)
Par son intelligence et par sa volonté, l'homme est essentiellement libre. Et cela veut dire qu'il est maître de ses actes. Si, par sa volonté, il se porte sur un bien particulier quelconque, ou s'il s'en détourne, son acte dépend de lui. Il peut se porter vers ce bien ou s'en détourner comme il lui plaît et selon qu'il lui plaît, étant lui-même l'arbitre du plaisir qui le fait se porter sur ce bien ou du déplaisir qui le fait s'en détourner.

Tandis que l'animal, dans son mouvement affectif sensible, est totalement dominé ou maîtrisé par l'objet sensible qui agit sur sa faculté affective, de telle sorte que si cet objet l'affecte en bien, il s'y porte nécessairement, et s'il l'affecte en mal, nécessairement il s'en détourne, — l'homme, au contraire, dans son mouvement affectif de volonté commandé par sa raison, domine l'objet qui se présente à lui. Il en est le maître. S'il se porte vers lui, ou s'il s'en détourne, c'est, sans doute, parce qu'il y a, dans cet objet, une raison de bien qui l'attire ou une raison de mal qui le repousse.

Mais ni cette raison de bien ni cette raison de mal n'agissent nécessairement sur sa faculté affective. Cette faculté est plus vaste que n'importe quelle raison de bien ou de mal particulier se présentant à elle. Elle est faite pour le bien comme tel; non pour tel bien particulier. Par conséquent, rien ne saurait la remplir et la nécessiter à vouloir, que ce qui est le bien même. Tout bien particulier pourra l'amener à vouloir. Mais, si elle le veut, en dernière analyse, ce sera uniquement parce qu'elle se sera déterminée à le vouloir. Elle pouvait refuser de vouloir ce bien-là. Si, en effet, ce bien particulier, dès là qu'il est un certain bien, a, en lui, une raison qui peut amener l'acte de vouloir de la part de la volonté faite pour le bien ; d'autre part, comme il n'est qu'un bien particulier : considéré dans la raison de limite qui l'affecte, il peut se présenter comme un non-bien ; et, de ce chef, la volonté pourra le rejeter. Si donc elle s'y porte, c'est parce qu'elle aura choisi de s'y porter. Et ce choix est l'acte même du libre arbitre.

Du même coup, se révèle à nos yeux…

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Message  Louis Sam 28 Jan 2012, 6:13 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

VIII. LA PENSÉE (suite)
Du même coup, se révèle à nos yeux, comme apanage de la vie de pensée propre à l'homme, parmi tous les êtres du monde des corps, ce caractère d'agent responsable et moral, qui le constitue l'arbitre de son propre destin, soit en bien, soit en mal. C'est tout le domaine de la vie morale qui s'ouvre ici devant nous, et qui formera, plus tard, l'objet de tout un nouvel ordre d'études.

Pour le moment et alors que nous ne considérons encore que l'ordre des choses ou la hiérarchie des êtres, il nous suffit de remarquer que, dans le monde des corps où nous vivons et dont nous faisons partie, seul l'être humain, par sa vie de pensée, se révèle à nous avec ce caractère d'agent moral ou libre, qui fait qu'il est responsable de ses actes, pouvant mériter ou démériter, selon qu'il veut ou non en conformité du bien que sa raison lui prescrit ou lui défend de vouloir.

Ce caractère d'agent moral et responsable…

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Message  Louis Sam 28 Jan 2012, 1:46 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

VIII. LA PENSÉE (suite)
Ce caractère d'agent moral et responsable joint au caractère d'universalité de sa vie de pensée qui le fonde et l'explique, nous révèle une condition nouvelle de l'être humain qui le distingue absolument de tous les êtres inférieurs à lui.

Les autres êtres du monde de la nature ou des corps, sans en excepter les vivants de vie sensible, sont tous soumis à la destruction. Ils viennent à l'être par voie de génération substantielle, au sens le plus compréhensif ou le plus étendu de ce mot. Et cela veut dire que depuis les tout premiers éléments ou corps simples jusqu'aux animaux les plus parfaits, mais en-deçà de l'homme, les deux principes essentiels qui les constituent ne sont point indissolublement unis.

Tous ces êtres sont soumis à la possibilité et, même, selon des degrés ou des conditions diverses, au fait des transformations substantielles qui font que dans une même matière se succèdent ou peuvent se succéder, à l'indéfini, sous l'action des causes proportionnées d'ordre corporel ou physique dont nous avons parlé, des formes substantielles différentes amenant par leur apparition ou leur disparition des êtres nouveaux qui apparaissent eux-mêmes et disparaissent dans un changement quasi perpétuel à la surface de notre globe.

L'homme lui-même, parce qu'il est, lui aussi, un composé de matière première et de forme substantielle dont l'union est soumise aux fluctuations du monde des éléments et des mixtes, des végétaux et des animaux, n'échappe point, naturellement, à cette loi de la possibilité et du fait de la dissolution atteignant les autres composés. Lui aussi peut voir sa forme substantielle, ou son âme, se séparer de la matière ou du corps qui lui est uni pour constituer avec elle l'être humain. Et cette séparation s'appelle la mort.

Toutefois…

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Message  Louis Dim 29 Jan 2012, 6:31 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

VIII. LA PENSÉE (suite)
Toutefois, à la différence de tous les autres êtres composés de matière el de forme qui peuvent, eux aussi, se dissoudre, il arrive, pour l'homme, que sa forme substantielle demeure en elle-même et subsiste dans son être de substance, après sa séparation d'avec le corps.

Ce privilège, pour l'homme, est une conséquence de la nature même de son âme qui joue ainsi, par rapport au corps, le rôle de forme substantielle.

Il lui appartient en propre d'avoir une opération où le corps n'a point de part formelle ou essentielle, bien qu'il y concoure par mode de préparation matérielle. Celte opération est celle que nous venons d'analyser et qui constitue, comme vie de pensée, la note propre et spécifique de l'être humain. Son objet n'est point limité dans le temps et dans l'espace comme l'objet des facultés qui appartiennent à la vie sensible. Il n'est autre que l'être même, de soi indéterminé et pouvant comprendre tout ce qui est, à quelque titre que cela soit. Par là même, il faut que la faculté intellectuelle ordonnée à cet objet soit au-dessus du temps et de l'espace. Ayant son objet propre qui domine l'être corporel, elle-même doit avoir un être indépendant du corps. Et, par suite, quand le corps disparaît ou quand elle s'en sépare, elle garde son être.

Un indice manifeste de cette permanence dans l'être…

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Message  Louis Dim 29 Jan 2012, 1:03 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

VIII. LA PENSÉE (suite)
Un indice manifeste de cette permanence dans l'être, pour l'âme pensante, après sa séparation d'avec le corps, se trouve en ceci, que l'homme, bien qu'il n'ignore pas qu'il est mortel et qu'un jour son âme se séparera de son corps, a cependant, au-dedans de lui, un désir incoercible de survie. Il a la pensée d'une vie qui ne finit pas ; et il désire, pour lui, cette vie.

Ce désir que l'homme porte en lui et qui lui est naturel, en raison de son âme pensante, se trouve corroboré par les exigences du sens moral.

Nous avons dit que l'homme, toujours en raison de sa vie de pensée, était un agent moral ou responsable, pouvant mériter et démériter. Or, il est manifeste que, parmi les hommes, le mérite et le démérite sont très souvent en raison inverse des avantages ou des pénalités que les hommes reçoivent présentement. Ceux qui agissent bien sont souvent dans la misère ou l'infortune ; et ceux qui agissent mal prospèrent. Une telle inégalité a quelque chose qui révolterait le sens de la justice, s'il n'était pas, au-delà de la vie présente, pour l'homme, une survie où l'inégalité constatée maintenant disparaîtra.

Bien plus, dans cette survie, il faudra, de toute nécessité, que l'homme se retrouve, un jour, au complet; c'est-à-dire qu'après un temps plus ou moins long et dont personne parmi nous ne peut avoir le secret, l'âme, qui survit au corps, devra lui être unie de nouveau, pour reconstituer avec lui le même individu humain qui aura vécu sur cette terre. La nature de l'âme l'exige, puisque étant faite pour ce corps dont elle est, essentiellement, la forme substantielle, si elle en demeurait toujours séparée, une sorte de monstre existerait dans l'œuvre de l'Auteur de la nature ; ce qui est inadmissible. Et, aussi, le corps ayant eu sa part dans le déploiement d'activité humaine, qui constitue, présentement, la vie de mérite ou de démérite, il faut qu'il ait un jour et pour jamais sa part dans la rétribution soit en bien, soit en mal.

Telle nous apparaît, à la lumière de la raison philosophique…

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Message  Louis Lun 30 Jan 2012, 7:00 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

VIII. LA PENSÉE (suite)
Telle nous apparaît, à la lumière de la raison philosophique, en la considérant du simple point de vue sommaire de la hiérarchie des êtres, la vie de la pensée propre à l'homme.

Elle est au sommet des perfections constatées dans le monde des corps. Tout ce que nous avions rencontré jusqu’ici en fait de perfection ascendante dans le monde matériel en était une préparation. Ici encore, avec l'homme, nous sommes dans le monde des corps ou des êtres composés substantiellement de matière et de forme. L'homme porte en lui, dans sa nature, les degrés de perfection qui nous étaient apparus dans le monde des éléments ou des corps simples, dans le monde des mixtes, dans le monde des végétaux, dans le monde des animaux. Par son corps, il porte une matière qui est montée de perfection en perfection ou de disposition en disposition, à travers tous ces degrés ; et l'âme, principe de vie, qui est unie à ce corps à titre de forme substantielle, a fixé la matière du corps en tous ces degrés de perfection, mais surélevés par elle, au point que tout cela est au service de sa vie propre, qui la distingue spécifiquement de tout le reste : la vie de la pensée.

Par cette vie de la pensée, elle n'est plus renfermée dans le monde de la matière ou des corps, bien que son point de départ et de contrôle, en ce qui est de la perception du monde réel, demeure toujours, même dans cette vie de pensée, le monde matériel. De ce chef, elle participe à l'imperfection de la vie ou du mouvement vital qui nous est apparue dans la vie de la plante et dans la vie de l'animal. Mais, si la vie de l'animal avait, sur la vie de la plante, la perfection que nous avons marquée, de s'achever ou de se parfaire au-dedans du vivant, l'homme, dans sa vie de pensée, l'emporte, à son tour, sur l'animal en ce que sa vie ou son mouvement vital se parfait et s'achève en une seule et même faculté, en cette faculté qui la spécifie et qui s'appelle l'intelligence, ou, encore, la raison.

Par là, par cette vie, qui est la sienne propre, l'homme…

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Message  Louis Lun 30 Jan 2012, 1:42 pm

VIII. LA PENSÉE (suite)
Par là, par cette vie, qui est la sienne propre, l'homme, bien qu'appartenant au monde matériel ou des corps, dépasse ce monde-là et appartient, d'une certaine manière, à un monde complètement nouveau. Tous les êtres que nous avions rencontrés jusqu'ici étaient des êtres composés. Leur nature comprenait deux principes essentiels, matière première et forme substantielle, dont l'union constituait l'être qui subsistait en eux et par eux, mais qui pouvait aussi cesser d'être du seul fait de leur séparation.

Nous avons vu que l'homme lui-même se range parmi ces êtres. Et, en raison de cela, il appartient, lui aussi, au monde de l'être mobile. Mais, par le sommet de son âme, il émerge de ce monde-là. Et, en s'étudiant lui-même, il découvre la possibilité et le fait d'un être qui subsiste en dehors de la matière, qui, par suite, n'est plus un être corporel, ou un être mobile. Cet être subsistant en lui-même, tel que l'homme le découvre en s'étudiant lui-même, n'est pas un être complet dans l'ordre spécifique, puisque tel qu'il le connaît en connaissant son âme, il voit que cette âme fait partie essentielle d'un tout qui n'est pas autre que l'homme lui-même, être corporel. Mais, bien qu'incomplet dans l'ordre spécifique, il a son être indépendant du corps. Il est subsistant en lui-même. Il continue d'exister, quand le corps est séparé de lui. Il révèle donc la possibilité et le fait d'un être qui n'est plus en lui-même un être mobile. D'où la découverte du monde de l'être tout court. Avec la vie de la pensée, nous sortons du monde de l'être mobile pour entrer dans le monde de l'être.

C'est, proprement, le monde métaphysique qui se révèle à nous.

Nous allons essayer d'entrevoir la perfection de vie qui est celle de ce monde métaphysique.

A suivre : IX. LA PENSÉE PURE

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Message  Louis Mar 31 Jan 2012, 6:07 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE
De degrés en degrés, nous nous sommes élevés, dans notre étude philosophique des êtres qui nous entourent ou que nous sommes nous-mêmes, jusqu'à la vie de la pensée. Elle nous est apparue comme le privilège ou l'apanage exclusif de l'être humain, parmi tous les êtres qui se rencontrent dans le monde des corps. Les corps célestes eux-mêmes, quels que soient leur éclat, leurs proportions, leur nombre, ne dépassent point, selon qu'ils tombent sous nos sens et que notre raison peut les connaître, les limites du règne minéral. Aucune trace de vie ne nous apparaît en eux. La vie ne se manifeste, pour nous, que sur notre globe terrestre, ou dans notre atmosphère, ou au sein des mers.

Cette vie, qui se manifeste sur notre terre, est elle-même en dépendance étroite du règne minéral. Elle relève, en effet, de la matière. A prendre ce mot dans son sens radical et selon qu'il désigne l'un des deux principes substantiels de l'être corporel, la matière fait partie essentielle, non pas seulement des minéraux, mais encore de tous les vivants du monde de la nature, sans en excepter le plus élevé, l'homme, en qui se trouve la vie de la pensée. Et cette matière commune à tous les êtres du monde de la nature sur notre terre est identique en son dernier fond. Elle n'a, comme telle, qu'une raison de puissance substantielle, apte à recevoir successivement toutes les formes substantielles qui fixent et portent avec elles, les communiquant à la matière, sous l'action des causes proportionnées à cet effet, les divers degrés d'êtres substantiels qui constituent la hiérarchie du monde de la nature : minéraux, végétaux, animaux, homme.

L'union de ces deux principes qui sont la matière, puissance substantielle, et la forme, acte d'être substantiel, est la raison de l'être constaté par nous dans tous les êtres qui sont autour de nous. Aucun d'eux n'est ni ne peut être que par cette union. Que leurs deux principes soient unis, ces êtres sont. Que leurs deux principes soient séparés, ils ne sont plus. La raison d'être, pour eux, se trouve rivée nécessairement à cette union. Mais, par là, par cette union, ils sont du domaine de l'être.

Ce domaine de l'être ne nous apparaît d'abord que dans les limites ou avec le caractère du monde corporel. Et le monde corporel, nous l'avons vu, n'est pas autre que l'ensemble des êtres à dimensions, composés des deux principes essentiels que nous venons de rappeler, susceptibles, dans le milieu qui est le nôtre, des transformations qui nous permettent de suivre la matière, en son ascension graduée, depuis les premiers éléments, à travers tous les mixtes du règne minéral, jusqu'aux végétaux, jusqu'aux animaux, jusqu’à l'homme.

L'être de tous ces êtres…

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Message  Louis Mar 31 Jan 2012, 12:10 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
L'être de tous ces êtres est un être complexe. Il comprend deux principes essentiels, qui, par leur union, forment la substance de ces êtres. De cette substance découlent, pour eux, des propriétés qui s'en distinguent et s'y ajoutent, ayant, chacune, la raison d'un nouvel être accidentel. Cet être accidentel pourra être multiple, tandis que l'être substantiel demeure nécessairement un. Dans son unité réelle, il pourra cependant revêtir une multiplicité de raison qui nous permettra de dire en toute vérité qu'à lui seul et dans sa réalité unique il équivaut à des réalités multiples, dans l'ordre d'être même substantiel, pouvant se trouver et se trouvant, en effet, parmi les divers êtres qui composent le monde de la nature. C'est ainsi, pour prendre tout de suite l'exemple le plus parfait, que l'être substantiel humain, demeurant parfaitement un dans chacun des êtres humains où il se trouve, ne laisse pas que de correspondre à tous les degrés d'êtres substantiels inférieurs à lui, qui existent séparément dans ces divers êtres inférieurs. Tout ce qui est dans l'être substantiel du minéral, du végétal, de l'animal, se trouve uni et fondu dans le seul être substantiel humain.

Encore est-il qu'il importe souverainement de remarquer que…

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Message  Louis Mer 01 Fév 2012, 6:46 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Encore est-il qu'il importe souverainement de remarquer que tous ces divers êtres qui sont, dans le monde de la nature, s'ils ont des formalités diverses qui expliquent leur diversité, quelle que soit d'ailleurs la formalité propre de chacun d'eux, ou d'une extrême simplicité et au degré infime de la perfection, comme dans les éléments, ou, au contraire, enrichie de toutes les perfections propres aux formalités d'ordre inférieur qui se retrouvent en elle d'une façon suréminente, comme dans l'être humain, conviennent cependant en ceci, commun à tous, qu'ils sont. Avec la formalité propre à chacun d'eux, ou plutôt dans cette formalité propre, quelle qu'elle soit, ou très simple ou très riche, on trouve cette autre formalité commune, qui est la formalité d'être. À la base du minéral, à la base du végétal, à la base de l'animal, à la base de l'homme, quand nous les rencontrons étant eux-mêmes — minéral, végétal, animal, homme — parmi les êtres de ce monde de la nature, nous trouvons, commune à tous, cette formalité, qu'ils sont.

Voilà donc le fond par où tous se rejoignent.

Ce fond, quel est-il? qu'est-ce qui l'explique? quelle en est la raison, du point de vue philosophique, dont le propre est d'aller précisément au dernier fond des choses.

Poser la question n'est pas autre chose qu'aborder…


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Message  Louis Mer 01 Fév 2012, 2:10 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Poser la question n'est pas autre chose qu'aborder ex professo, le domaine par excellence de la philosophie, quand il ne s'agit plus seulement de la philosophie de la nature, mais de la philosophie tout court, ou encore, pour garder le mot d'Aristote et de saint Thomas, de la philosophie première. Cette philosophie première est appelée du nom de Métaphysique, comme la philosophie de la nature est appelée du nom de Physique. Elle a pour objet, non plus seulement l'être mobile, comme cette dernière; mais l'être, tout court. Et parce que l'être mobile lui-même implique, par définition, l'être, il s'ensuit que la considération du philosophe de la nature, quand elle est achevée, cède le pas et ouvre le champ à la considération du philosophe tout court.

C'est à ce dernier qu'il appartient de s'enquérir, jusque dans l'être mobile, de la raison d'être, qui constitue son objet propre, l'objet de la philosophie première ou de la métaphysique.

En faisant office de philosophes de la nature et en parlant de matière et de forme, de matière première et de forme substantielle; en étudiant, sur toute l'échelle des êtres corporels, cette matière et cette forme, dans leurs multiples rapports, selon qu'ils résultent des transformations qui conduisent la matière des formes élémentaires à la forme humaine, nous avons répondu aux questions que l'esprit se pose et doit se poser devant le monde de l'être mobile. Mais nous n'avons pas résolu, nous n'avons pas abordé les questions que l'esprit se pose et doit se poser, à considérer un être quelconque, — et tous les êtres, y compris ceux du monde des corps ou les êtres mobiles, peuvent, doivent même, en fin de compte, être considérés sous ce jour, — sous le jour ou la raison d'être.

Qu'est-ce donc qui fait qu'un être est, et que tout être qui est, est?...

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Message  Louis Jeu 02 Fév 2012, 6:00 am

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Qu'est-ce donc qui fait qu'un être est, et que tout être qui est, est?

La question, pour nous, doit se poser, d'abord, au sujet de ces mêmes êtres, que nous avons étudiés jusqu'ici sous leur raison d'êtres mobiles; puisque, à vrai dire, ce sont les seuls que nous connaissons d'abord, naturellement.

Nous avons vu ce qu'il fallait pour qu'ils soient les êtres mobiles qu'ils sont, en effet, comme en témoigne tout ce que nos sens constatent dans le monde de la nature au milieu duquel nous vivons et auquel nous appartenons nous-mêmes. Mais si nos sens témoignent, irréfragablement, que ces êtres sont des êtres mobiles, c'est-à-dire des êtres à dimensions, avec toutes les modifications ou les changements qui les
affectent, d'où la raison philosophique a dégagé la grande doctrine de la matière et de la forme et des transformations substantielles, ils témoignent aussi, non moins irréfragablement, qu'ils sont, dans la mesure même où ils sont, sous leur raison d'êtres mobiles. Il faut donc que la raison philosophique, couronnant son étude, s'enquière, à leur sujet, de ce qui les fait être, de ce qui fait qu'ils sont.

Il est vrai qu'un premier regard superficiel pourrait faire croire qu'en ayant, au sujet de ces êtres mobiles, la raison de leur être comme tels, c'est-à-dire comme êtres mobiles, on a, du même coup, la raison de leur être pur et simple.

Puisqu'ils sont des êtres mobiles, ils ne sauraient être sans être des êtres mobiles. Et donc, semble-t-il, nous avons la raison de leur être, par le seul fait que nous avons leur raison d'êtres mobiles.

Conclure ainsi serait confondre la science du philosophe de la nature avec la science du philosophe tout court; ce serait confondre la Physique, au sens aristotélicien de ce mot, avec la Métaphysique.

Or, une distance infinie les sépare…

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Message  Louis Jeu 02 Fév 2012, 2:31 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Or, une distance infinie les sépare. C'est pour les avoir confondues que les anciens philosophes naturalistes s'étaient mis dans l'impossibilité de rien discerner comme réalités en dehors du monde matériel. Si, en effet, ce qui explique l'être mobile explique l'être tout court, il s'ensuit que tout être devra se confondre avec l'être mobile. Et, du même coup, se trouve ruinée toute Métaphysique distincte de la Physique.

Il faut donc, avec le plus grand soin, discerner par la raison philosophique, dans les êtres mobiles eux-mêmes, ce qui explique qu'ils sont, distinctement de ce qui explique qu'ils sont ce qu'ils sont, c'est-à-dire des êtres mobiles.

Dès là qu'il s'agit d'être, pour tout être qui est, il s'agit d'acte, au sens aristotélicien de ce mot. L'acte se prend ici, en effet, pour le fait d'être, ou, plus exactement, pour cela même qui fait être, non pas au sens de cause efficiente, produisant l'être en un sujet distinct de l'être qui agit; mais au sens de cause formelle, ou de principe portant l'être avec soi, et, si l'on suppose un co-principe potentiel, communiquant cet être à ce co-principe. Par où l'on voit que, pour tout être qui est, ce qui expliquera qu'il est, sera ce qui en lui a raison d'acte ou de forme.

Et donc, si tous les êtres qui sont, quelle que soit leur différence par rapport à ce qu'ils sont, conviennent en ce qu'ils sont, c'est en raison d'un certain acte qui les actuel. L'acte, voilà le dernier mot de tout, quand il s'agit d'être. L'être se mesure à l'acte, toujours à prendre ce mot dans son sens métaphysique aristotélicien.

Nous pouvons maintenant préciser…

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Message  Louis Ven 03 Fév 2012, 8:21 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Nous pouvons maintenant préciser, dans les êtres mobiles étudiés jusqu'ici, ce qui explique leur raison d'êtres mobiles, et ce qui explique leur raison d'êtres, ou ce qui fait qu'ils sont, distinctement de ce qui fait qu'ils sont ce qu'ils sont. Ils sont, parce qu'il y a en eux un certain acte. Ils sont ce qu'ils sont, c'est-à-dire des êtres mobiles, parce que l'acte qui est en eux est un acte mêlé de puissance. Et ils sont d'autant plus mobiles, c'est-à-dire soumis au changement et à des changements d'autant plus profonds, qu'en eux la puissance est davantage mêlée à l'acte. Comme, aussi, ils sont d'autant plus êtres, c'est-à-dire élevés dans la hiérarchie du réel ou de la perfection, qu'ils ont plus d'acte, ou une forme plus élevée au-dessus de la matière qui est puissance pure.

De là vient que, dans cette hiérarchie, l'être humain occupe la première place en excellence et en dignité. Sa forme, en effet, ou son acte, bien qu'en fonction de la matière qui doit lui être unie essentiellement pour constituer l'être humain, domine cette matière ou cette puissance, au point que l'être qu'elle lui communique et qu'elle porte avec elle ne dépend pas de cette matière ou de cette puissance pour subsister. Elle porte avec elle assez d'être, elle est assez en acte, pour ne pas dépendre de cette matière ou de cette puissance dans le fait d'être. Et voilà pourquoi, même unie à la matière, elle a une opération qui lui appartient en propre. Il est vrai qu'unie à la matière elle exerce naturellement cette opéra- tion avec le concours de la matière d'ailleurs organisée à cette fin. Mais, considérée en elle-même, cette opération est abstraite de toute participation organique. Elle est purement immatérielle.

Voilà donc…

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Message  Louis Ven 03 Fév 2012, 12:21 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Voilà donc, jusque dans le monde physique, dans le monde de la nature ou des corps, dans le monde des êtres mobiles, un être, l'être humain, qui est par un principe d'être émergeant au-dessus de ce monde sensible, matériel, physique, mobile, corporel. Ce principe d'être fait tout ensemble, dans l'homme, qu'il est, qu'il est corporel, qu'il est vivant, qu'il est sentant, qu'il est pensant. Il lui donne d'être pensant, mais d'être pensant, en dépendance de la sensation, de la vie végétative, de l'être corporel. En lui, se trouve une perfection d'être absolument transcendante, dont nous avons essayé de dire la splendeur. Toutefois cet être transcendant, se traduisant ou se manifestant par la vie de la pensée, est un être limité dans sa perfection, même dans sa perfection d'être pensant, à cause ou en raison de la puissance mêlée à son acte. L'homme, en effet, est un être mobile. Son acte ou sa forme, qui le fait être, n'est point, par nature et essentiellement, indépendant de la puissance ou de la matière. Elle est faite elle-même pour être unie à la puissance et à la matière. L'être qu'elle porte avec elle est fait pour subsister naturellement conjoint à une puissance et à une matière qu'elle doit actuer, à l'effet de constituer le tout qui s'appelle l'homme.

Il est trop évident qu'une telle forme, un tel principe d'être ne saurait être le dernier mot de tout dans le domaine de l'être. Si, dans le domaine de l'être mobile, elle marque le point sommet de la perfection ; dans le domaine de l'être, elle demeure essentiellement imparfaite. Elle implique, en effet, essentiellement, un rapport à la puissance qui doit lui être unie et qui la limite dans sa raison d'acte. L'être qu'elle est appelée à constituer est un être, qui, dans son être, dans sa nature, est un composé de puissance et d'acte. Il est un composé de matière et de forme.

Au-dessus de lui, dans le domaine de l'être…


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Message  Louis Sam 04 Fév 2012, 6:31 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Au-dessus de lui, dans le domaine de l'être, nous concevons une possibilité d'acte ou de forme, qui n'aura aucun mélange de matière ou de puissance conjointe quant au fait de subsister. Si la forme unie à la matière est principe d'être et amène la subsistance des êtres matériels ou mobiles, combien plus la forme indépendante de toute matière pourra être principe d'être et constituera, comme nature complète, dans sa subsistance parfaite, l'être idéal dont elle sera la forme ou le principe d'être !

L'être que sera cet être constitué, dans sa nature, par la forme subsistante, sera un être d'autant plus parfait qu'il sera pur de toute matière ou de toute puissance affectant sa nature. Il sera un être de forme pure. Dès lors, nui lien de dépendance ne le rivera à la puissance de la matière. Il n'aura pas à voir sa forme unie à la matière pour être. Et, par suite, il ne cessera jamais d'être par une séparation de matière et de forme, comme il arrive pour les êtres mobiles du monde des transformations substantielles. Il sera, essentiellement, à l'abri de toute dissolution, de toute destruction, de tout ce qui, pour nous, est la mort.

De même, pour sa venue à l'être, il ne présupposera point une série de transformations dont il ne serait que le terme final après une succession ascensionnelle plus ou moins prolongée, comme c'est le cas de l'être humain. Son être ne sera pas le fruit ou le résultat d'une ascension de la matière, puisque sa nature est totalement constituée par une forme indépendante et pure de toute matière. Cette forme viendra à l'être, non par éduction directe ou indirecte de la puissance qui lui serait unie et dans laquelle il faudrait que normalement elle subsiste, comme il arrive pour la forme de l'être humain. Elle viendra d'en-Haut, sans aucun rapport d'origine avec les êtres inférieurs du monde matériel.

Nous n'aurons donc pas à rechercher…


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Message  Louis Sam 04 Fév 2012, 2:39 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Nous n'aurons donc pas à rechercher ou à supposer en ces êtres, formes pures, les divers degrés ou les diverses formalités d'être que nous avons vus se superposer, parmi les êtres du monde des corps, depuis les éléments jusqu'à l'homme. Leur forme, étant libre de toute matière, n'a pas à actuer une matière préjacente à qui elle communiquerait, par degrés, toutes les perfections distribuées séparément dans la diversité des êtres inférieurs. A la différence de la forme de l'être humain qui portait, en elle, à l'état de pureté ou d'unité suréminente, la multiplicité des formes inférieures, suppléant, par sa vertu, à leurs formalités diverses, la forme des êtres immatériels n'aura, comme telle, ou sous sa raison de forme, aucun rapport à la matière. Elle appartient à un autre monde. Son être ou plutôt l'être du sujet dont elle constitue la nature n'est plus du monde des corps, ou du monde des êtres mobiles, du monde physique. Il est du monde des êtres immatériels, du monde des êtres qui sont purs de toute matière dans leur être, qui, par suite, ne sont qu'êtres, non êtres mobiles, et qui constituent, proprement, le monde métaphysique.

Ces êtres-là dépassent, en perfection, sans proportion aucune, les êtres du monde des corps. Il s'ensuit qu'ils posséderont en eux, suréminemment, toutes les perfections qui nous sont apparues comme apportées par les diverses formes des êtres corporels, à la seule réserve que ces perfections existent indépendamment de la puissance qu'est la matière. Telle, en plus de la perfection d'être, commune à tout ce qui est, la perfection qui s'est manifestée à nous dans l'ordre de la vie : non point la vie à son premier degré, qui est celui de la plante, ni même à son second degré, qui est celui de l'animal; mais la vie de la pensée, que nous avons vue dans l'homme.

Toutefois…

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Message  Louis Dim 05 Fév 2012, 6:23 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Toutefois, cette vie de la pensée, bien que du même genre ou d'ordre strictement intellectuel, n'aura point, dans les êtres qui sont des formes pures, les caractères ou les conditions qu'elle a dans l'être humain.

Dans l'être humain, nous l'avons vu, même la vie de la pensée dépendait, en quelque manière, dans son exercice et dans ses conditions, des conditions de la matière ou du corps auquel la forme de l'être humain se trouve unie essentiellement. D'elle-même ou en elle-même, cette forme, quoique immatérielle et capable de produire l'acte de penser, n'avait aucune détermination à l'endroit de cet acte. Aucun objet de pensée n'est en elle de par sa nature, ou l'accompagnant par le seul fait qu'elle existe. Tous ses objets de pensée doivent lui venir du dehors par l'entremise des sens extérieurs et intérieurs qui sont liés à des organes corporels. Ils lui viennent par le procédé d'abstraction en vue duquel se trouve inhérente à la forme humaine une faculté spéciale que nous avons désignée sous le nom d'intellect agent. Quand, une fois, par le procédé d'abstraction, de l'image sensible a été dégagée, dans ses traits généraux ou essentiels, l'idée de l'objet perçu par les sens, cette idée s'imprime dans l'entendement réceptif et y devient principe formel de l'opération intellectuelle. À partir de ce moment, commence la vie de la pensée dans l'homme. Mais cette vie demeure toujours conditionnée par sa première origine. Il y a même ceci, nous l'avons vu, et ce n'est, du reste, qu'une conséquence du procédé d'abstraction naturel à l'être humain dans toute sa vie pensante, qu'il faut rapprocher les unes des autres ces notions, abstraites successivement et en allant du plus général au déterminé spécifiquement, pour arriver à une connaissance de moins en moins imparfaite. De là ces actes de jugement et de raisonnement qui rendent si lente, si pénible parfois, la vie pensante de l'être humain. C'est encore la nécessité de ces divers actes qui amène pour l'homme la possibilité d'erreur dans ce domaine de sa vie pensante.

Rien de semblable dans la vie de pensée qui est le propre des formes pures…

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Message  Louis Dim 05 Fév 2012, 12:00 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Rien de semblable dans la vie de pensée qui est le propre des formes pures.

Ici, nulle dépendance à l'endroit d'une matière ou d'un corps dont les organes devraient servir ces formes dans leur acte de pensée. Nulle dépendance, non plus, et en raison même de cela, à l'endroit du monde des corps ou des êtres distincts de ces formes pures pour aller puiser en eux leurs objets de pensée. Ces objets de pensée leur sont naturels, en ce sens qu'elles les portent avec elles et en elles du seul fait qu'elles existent. Ils doivent être, ils sont, de toute nécessité, dans l'ordre naturel, innés en elles. Et, parce qu'ils sont innés, qu'ils n'ont pas été puisés au-dehors par un procédé d'abstraction qui les aurait amenés d'une façon successive, graduée, étagée, si l'on peut ainsi dire, comme pour nous, allant du plus général au plus déterminé dans les raisons d'être, ils sont en elles, du premier coup, dans leur absolue perfection. Chacun d'eux porte avec lui toute la raison d'être dont il est susceptible ou qui le spécifie et l'actue soit en général, soit spécifiquement, soit même individuellement et avec toutes les particularités de son être. De là, pour ces formes pures, dans leur acte de pensée, une perfection absolue, leur faisant, en quelque sorte, épuiser leur objet, d'un seul coup, et rendant impossible, pour elles, dans l'ordre de leur connaissance naturelle, jusqu'à l'ombre même d'une erreur. Leur vie de pensée s'épanouit en pleine lumière.

Quel éblouissement! Et quelle perfection de vie pensante, comparée à la nôtre, qui cependant, et à très juste titre, nous apparaissait si belle, si transcendante, à l'endroit des degrés inférieurs de vie étudiés jusque-là! Ici, en effet, le caractère essentiel de la vie, qui nous est apparu et ne nous a plus quittés depuis le premier degré, se retrouve, mais à un degré de transcendance que même la vie de la pensée dans l'homme laisse si loin derrière lui.

Nous l'avons vu dès notre premier pas…


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Message  Louis Lun 06 Fév 2012, 6:29 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Nous l'avons vu dès notre premier pas dans le domaine de la vie ou notre première rencontre du premier degré de vie qui est celui de la plante ou du végétal, la vie se définissait par cette admirable parole de saint Thomas : « un mouvement par le dedans : motus ab intrinseco ». D'où nous pouvions conclure, tout de suite, que la perfection de la vie se mesurerait nécessairement à l'intimité du mouvement qui la caractérise.

Dès le premier degré, cette intimité existait ; sans quoi, nous n'eussions pas été dans le domaine de la vie. Mais elle n'était que partielle, si l'on peut ainsi dire. La vie de la plante consistait bien, en son centre, dans un mouvement intime ou intérieur. Mais ce mouvement dépendait du dehors, à son début, et, dans son terme, aboutissait aussi au dehors. De là son imperfection essentielle dans l'ordre de la vie.

Au second degré, qui est celui de l'animal comme être sentant, la vie nous apparaissait déjà plus intime. Le mouvement qu'elle constitue s'achevait au-dedans de l'être sentant, mais elle gardait l'imperfection première de dépendre du dehors dans son commencement. Et, même, dans son évolution, ce mouvement impliquait, dans le sujet où il s'achevait, une série de facultés se transmettant de l'une à l'autre le premier fruit vital venu du dehors.

Au troisième degré, qui est celui de l'homme, l'intimité devenait, sans comparaison, plus profonde. Ce n'était plus seulement dans le sujet lui-même que demeurait et s'achevait le mouvement vital. C'était encore dans la même faculté. Une seule faculté personnifiait ou concentrait tout le mouvement vital en ce qu'il avait de formellement humain. La vie de la pensée, qui spécifiait l'homme, se déroulait tout entière, en ce qu'elle avait de propre ou de spécifique, dans la seule faculté intellectuelle. Toutefois, dans ce qu'on pourrait appeler son préambule ou ses préparatifs, elle présupposait toute l'économie de la vie sentante et demeurait conditionnée par elle, même dans son fonctionnement propre et essentiel. Non seulement, dans cette vie pensante propre à l'homme, l'idée présupposait l'image et n'en était qu'une sorte d'émanation abstraite ou intellectuelle; mais encore, il fallait, pour que cette idée fût pleinement perçue, qu'elle demeurât toujours en dépendance ou en fonction de l'image. Si, donc, la vie pensante, dans l'homme, était, sans proportion, plus intime, et, par suite, plus parfaite, que tous les degrés de vie constatés jusque-là, elle ne laissait pourtant pas que de garder le caractère d'imperfection qui lui venait d'une origine étrangère à la pensée elle-même.

Dans la vie des formes pures…

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Message  Louis Lun 06 Fév 2012, 1:17 pm

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Dans la vie des formes pures, toutes ces imperfections constatées jusqu'ici disparaissent. Avec elle, nous avons une intimité presque absolue. Tout le mouvement vital se déploie dans l'unique faculté intellectuelle qui caractérise ces formes pures; et s'y déploie en parfaite indépendance de tout principe subalterne ou extérieur qui aurait pour mission de fournir à ces formes pures l'aliment de leur pensée en agissant sur elles du dehors. L'aliment de leur pensée, de leur vie intellectuelle, est inhérent à leur nature. Elles le portent avec elles. Elles n'ont point à le puiser en quelque être ou sujet qui leur serait juxtaposé.

Du même coup, elles n'ont rien à acquérir, selon l'ordre naturel, en ce qui touche à leur vie de pensée. Dès le premier instant de leur être, elles portent tout, en elles, à l'état de lumière, jouissant à chaque instant, comme il leur plaît, de l'avoir intellectuel qu'elles possèdent parfait et pour jamais inaliénable.

A cette perfection dans l'ordre de la lumière, s'en joint une autre, qui lui correspond, dans l'ordre des mouvements affectifs inséparable de toute vie de connaissance. Nous les avions trouvés déjà, ces mouvements affectifs, dans le degré de vie qui est celui de l'animal. Avec une perfection plus haute, nous les avons trouvés aussi dans la vie propre à l'être humain. Seulement, en lui, ils devaient s'harmoniser avec les mouvements affectifs d'ordre sensible, puisque le propre de l'être humain est de vivre d'une vie de pensée conditionnée par la vie de sensation qu'elle présuppose et dont elle est normalement tributaire.

Le voisinage de ces deux vies et des mouvements affectifs…

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Message  Louis Mar 07 Fév 2012, 6:18 am

PHYSIQUE ET MÉTAPHYSIQUE

IX. LA PENSÉE PURE (suite)
Le voisinage de ces deux vies et des mouvements affectifs qui leur correspondent amène, dans l'homme, un état de vie affective qui lui appartient absolument en propre. Les êtres inférieurs à lui n'ont tous qu'un seul genre de mouvements affectifs. Et nous ne parlons ici que de l'animal; car il est le seul, des êtres inférieurs à l'homme, en qui se trouvent des mouvements affectifs surajoutés à ce qui, dans les êtres non doués de connaissance, porte le nom d'appétit naturel.
L'animal, dans l'économie de sa vie sensible, est susceptible de tous les mouvements affectifs qui se rattachent à cette vie et que nous avons vus se ramener aux onze passions. Quand ces mouvements se trouvent en lui, causés par un acte quelconque de connaissance sensible, sa nature d'animal se déploie selon l'ordre qui est le sien; et, comme cet ordre est le seul dans lequel sa nature d'animal ait à se déployer, tout est bien en lui, tout est dans l'ordre qui convient.

Pour l'homme, il n'en va plus de même. Les mouvements affectifs d'ordre sensible sont en lui et lui conviennent selon sa nature; mais il n'y a pas, dans sa nature, que ces mouvements affectifs d'ordre sensible. En lui se trouvent, dans une sphère plus haute, les mouvements affectifs que commande sa connaissance intellectuelle ou sa vie de pensée. Et cette vie de pensée, nous l'avons dit, est celle qui spécifie son être. C'est elle qui lui marque sa place distincte, le séparant de tous les êtres inférieurs à lui, avec lesquels il communique cependant par toutes les virtualités que porte en elle, dans sa formalité supérieure, sa forme propre d'être humain. Dès lors, il est de toute évidence que ce qui doit dominer, en lui, selon l'ordre requis par sa nature, ce sont les mouvements affectifs d'ordre intellectuel; et les mouvements affectifs d'ordre sensible doivent toujours demeurer subordonnés et soumis. Mais, dans cette même nature d'être humain, qui est la sienne, il se trouve que la partie sensible est la première intéressée ou mise en activité par son contact immédiat avec les réalités du dehors, d'où provient, nous l'avons vu, tout l'aliment de la vie de l'homme, même en ce qui est de sa vie pensante. Il suit de là que les mouvements affectifs d'ordre sensible sont de nature à prendre les devants dans la vie affective de l'être humain ; et à les prendre de telle sorte que les mouvements affectifs d'ordre intellectuel courront risque d'en être troublés dans leur jeu normal. D'où la possibilité de désordre dans la vie affective de l'être humain, tel que sa nature nous le présente.

Cette possibilité de désordre dans sa vie affective, inhérente à la nature même de l'être humain, en raison des deux genres de mouvements affectifs qui se trouvent en lui n'existera point dans la nature des formes pures…

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