Aperçus de philosophie thomiste. (COMPLET)

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Message  Louis Dim 18 Mar 2012, 6:20 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

VI. LA FAMILLE (suite)
Mais alors, concéderons-nous que l'État ait le droit et le devoir de prendre l'enfant, de le confier à des éleveurs ou à des éducateurs de son choix; de s'en occuper selon qu'il lui plaira, et d'en disposer à son gré, au nom de son pouvoir souverain, absolu?

Tout notre être frémit, à cette proposition. Et même si nous ne pouvions nous justifier à nous-mêmes, du point de vue des formules de la raison, notre répulsion instinctive, nous demeurerions convaincus qu'une telle proposition a quelque chose de monstrueux.

Et nous aurions raison.

Tout le sophisme est ici.

On néglige une condition essentielle de l'enfant, celle-là même qui le constitue comme tel. Il est vrai que l'enfant est un individu humain, un être portant en lui une âme douée de facultés qui doivent faire de lui, quand elles s'éveilleront, un agent moral, une unité distincte, ayant sa place dans la cité, dans la nation, avec des droits et des devoirs, où l'État, comme tel, aura nécessairement à intervenir même directement. Et, à ce titre, l'État est intéressé, intéressé au plus haut point, à l'être et à l'avenir de cet enfant. — Mais, si l'enfant est l'individu humain que nous venons de dire, il n'est cet individu humain qu'à l'état d'enfant.

Or, qu'est-ce à dire, cela, sinon que l'individu humain, en lui, selon qu'il relèvera directement de l'État, en raison de ses droits et de ses devoirs, comme agent moral responsable, n'existe pas encore?

— L'enfant, comme tel, n'existe pas, à titre d'unité distincte, formant un tout pour soi, et faisant nombre avec les autres unités qui existent ainsi au regard de l'État, ayant des devoirs envers lui, mais pouvant aussi revendiquer des droits personnels imprescriptibles .

— Comment donc existera-t-il au regard de l'État; et à quel titre, ou sous quelle forme, l'État, qui est intéressé au bien de cet enfant, qui a des droits et des devoirs envers lui, pourra-t-il intervenir à son sujet ou s'occuper de lui?

Mais poser la question, n'est-ce pas la résoudre?...

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Message  Louis Dim 18 Mar 2012, 2:31 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

VI. LA FAMILLE (suite)
Mais poser la question, n'est-ce pas la résoudre?

L'enfant existera au regard de l'État, comme la nature l'a fait. Et comment la nature l'a-t-elle fait?

Comment cet enfant, dans son être d'enfant, d'individu humain enfant, d'être humain qui n'était pas hier, dans l'État, et qui s'y trouve aujourd'hui, comment y est-il venu?

Comment s'y trouve-t-il?

Est-ce l'État lui-même qui l'a amené?

Est-ce lui qui en est l'auteur?

Est-ce à lui qu'il est remis, confié par la nature ?

N'est-il pas évident que l'enfant n'est lui que par la famille et dans la famille?

C'est par la famille et dans la famille que la nature l'a donné à l'État, — quand l'État existe; — car, absolument parlant, il pourrait ne pas y avoir d'État, et, la famille étant, l'enfant serait. Ce qui nous montre, avec l'éclat aveuglant de l'évidence, que les rapports de l'enfant à l'État ne sont point des rapports directs, mais des rapports indirects.

Et nous avons, dans ces deux mots, toute la clé du sophisme effroyable qui, à des degrés divers, s'est introduit, comme un poison mortel, dans la conception et la formation de l'esprit public moderne, en ce qui est de ses plus hautes sphères, celles qui commandent ensuite à toutes les autres.

On veut que l'État ait des droits à l'égard de l'enfant; et que son intérêt même lui fasse un devoir de les exercer. Et l'on en conclut qu'il peut disposer de l'enfant à son gré; que s'il permet aux parents de s'en occuper, ce n'est que par une sorte de concession ; que les parents n'ont d'autre droit que celui que l'État leur concède ou leur délègue ; et qu'il garde le droit souverain, absolu, d'intervenir, au sujet de cet enfant, comme il lui plaira.

Oui, l'État a des droits et des devoirs à l'égard de l'enfant; mais à l'égard de l'enfant. Et l'enfant n'est tel que par la famille et dans la famille. C'est donc par la famille et dans la famille; — ou, plus exactement, au travers de la famille, que l'État peut et doit s'occuper do l'enfant, s'intéresser à lui.

De droit naturel, nul ne peut atteindre l'enfant, si les parents sont là, que dans les parents et par les parents…

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Message  Louis Lun 19 Mar 2012, 7:03 am

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VI. LA FAMILLE (suite)
De droit naturel, nul ne peut atteindre l'enfant, si les parents sont là, que dans les parents et par les parents.

L'enfant est quelque chose du père et de la mère : jusqu'à ce qu'il ait sa personnalité morale ou civique, il rentre, en quelque sorte, dans la personnalité du père et de la mère. Pour avoir prise sur lui, il faut avoir prise sur la personnalité du père et de la mère.

Le père et la mère, dans leur personnalité, ne peuvent être soumis à l'action de l'État, que dans la mesure où ils sont appelés à concourir au bien public. Encore est-il qu'ils ne sont tenus d'y concourir, d'une manière directe, que dans les limites fixées par les lois justes déterminées selon les conditions mêmes de ce bien public. En dehors de ces limites, ils ont la libre disposition d'eux-mêmes; et nul ne peut s'ingérer dans le domaine de leur action privée. — Or, les soins à donner à leur enfant relèvent de ce qu'il y a de plus intime dans ce domaine privé. — C'est à eux qu'il appartient d'y pourvoir, au physique, au moral, et dans l'ordre intellectuel, selon qu'ils le jugent à propos, ou possible et opportun.

L'État n'aurait à intervenir, au sujet de l'enfant, que dans le cas où personne ne s'occuperait de cet enfant. Si les parents de cet enfant n'étaient point là; si, au défaut des parents, aucune œuvre d'assistance n'y pourvoyait; si, par impossible, les parents ou les œuvres d'assistance étaient assez dénaturés pour mettre en péril la vie de cet enfant; — alors, oui, l'État devrait intervenir : — mais, uniquement, comme suppléant ou comme gendarme; — non comme souverain seigneur et maître, qui aurait des droits supérieurs et antérieurs.

On objectera peut-être et l'on a objecté, en effet, que ce principe ou cette règle vaut pour ce qui est de la vie physique de l'enfant ; mais non pour ce qui touche à sa formation intellectuelle ou morale. L'État est trop intéressé à cette formation, et, d'autre part, les parents, trop souvent, restent inférieurs à leur tâche sur ce point, pour ne pas déclarer qu'il faut, sous peine de compromettre gravement le bien public, dont l'État a la charge, reconnaître à ce dernier un droit d'intervention directe dans la formation intellectuelle et morale de l'enfant.

La distinction établie dans une de nos précédentes démonstrations nous permet de répondre à cette objection…

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Message  Louis Lun 19 Mar 2012, 1:06 pm

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VI. LA FAMILLE (suite)
La distinction établie dans une de nos précédentes démonstrations nous permet de répondre à cette objection.

Nous reconnaîtrons sans peine que l'État a le droit et même le devoir — comme nous aurons à le proclamer nettement quand nous nous occuperons du bien de la cité — de donner des directives d'ordre général pour ce qui est de la formation intellectuelle et morale des membres qui constituent le corps social auquel il préside ou dont il est la tête. Et, par suite, il peut et doit veiller à ce que, dans la mesure du possible, chaque membre du corps social se conforme à ces directives.

D'autre part, il est bien évident que ces directives seront données en vue des enfants qui sont encore à l'âge d'être formés. Mais pour ce qui est de l'application de ces directives, ce n'est point l'État qui aura à intervenir directement. Toute liberté doit être laissée aux parents de faire cette application selon qu'il leur plaira, à seule charge de justifier leur choix ou leur méthode par le résultat obtenu et qu'il pourra appartenir à l'État de contrôler.

Encore est-il que dans ce contrôle, comme, du reste, aussi, dans les directives données, il faudra s'abstenir, avec le plus grand soin, de pénétrer dans le domaine réservé et inviolable de ce qu'on pourrait appeler le sanctuaire familial.

Si tout ce qui regarde la conscience de l'individu humain et la disposition individuelle de sa vie dans les lignes générales du droit commun est chose qui échappe à toute ingérence d'une autorité humaine quelconque, il en est de même, avec quelque chose de plus sacré encore, pour ce qu'il n'est pas outré d'appeler la conscience familiale et la disposition familiale de la vie de la part du chef de la famille à l'endroit de tous ceux qui constituent cette famille.

La famille, dans sa parfaite vérité, ne se conçoit pas sans un esprit de famille, sans une profession de famille, sans des méthodes de famille. Et le père a le droit, en un sens aussi le devoir de veiller à ce que tout cela se conserve et progresse, dans une ligne strictement traditionnelle, au sein de sa famille. Il a donc le droit et le devoir de veiller à ce que ses enfants soient formés intellectuellement et moralement dans un esprit et selon des principes ou des règles et des méthodes qui seront marqués au coin de la tradition familiale. Si lui et sa famille ont le droit d'être ce qu'ils sont dans telle société, il a le droit de vouloir que ses enfants continuent d'être ce qu'il est lui-même. Encore un coup, le droit est ici inviolable. Il tient à ce que l'être humain a de plus sacré dans sa nature d'être humain telle que la nature l'a faite.
A suivre :
VII. LES CONDITIONS DE LA FAMILLE.
LE MARIAGE


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Message  Louis Mar 20 Mar 2012, 6:22 am

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VII. LES CONDITIONS DE LA FAMILLE.

LE MARIAGE

Au premier instant de son être dans le monde, l'individu humain, qui, par lui-même, n'a rien et a besoin de tout, trouve, autour de lui, dans l'ordre normal des choses humaines, un foyer, préparé par la nature elle-même, où les soins les plus empressés, les plus assidus, les plus tendres, les mieux proportionnés aux besoins qui sont les siens, lui sont prodigués par ceux-là mêmes qui lui ont donné la vie. Il est, du reste, lui-même, la raison de tout dans ce foyer. Si des rapports de l'ordre le plus intime se sont créés entre les deux êtres de choix qui se partagent l'honneur de lui avoir donné le jour, c'était précisément en vue de lui-même et pour qu'il vînt au monde. Et maintenant qu'il est venu au monde, c'est encore lui, ce sont les exigences de sa condition, de son état, de ses besoins dans les divers ordres où sa vie d'être humain aura à se développer, à se perfectionner, qui vont tout expliquer, tout ordonner, tout commander, dans ce foyer dont il occupe le centre.

Nous disions, dans notre précédente étude, que la présence de cet enfant, de cet individu humain enfant, en raison même de l'état qui est le sien, créait à ceux qui lui avaient donné le jour, un devoir sacré, imprescriptible, absolu : le devoir de s'occuper de lui, de pourvoir à ses besoins, de l'amener graduellement à la perfection qui doit être celle de l'être humain. — Ce devoir leur incombe au point que s'ils ne le remplissaient pas, ils seraient dénaturés : ils iraient contre cela même que la nature a mis de plus auguste et de plus saint, en même temps que de plus fort et de plus suave, dans le cœur de l'homme. — Nul n'a le droit ou le devoir de se substituer à eux dans cet office. Si quelqu'un voulait le faire, à leur préjudice, à leur détriment, et sans qu'ils aient été eux-mêmes en défaut, au point de compromettre gravement le bien de l'enfant, ce serait une atteinte au droit naturel en ce qu'il a et doit avoir de plus sacré de plus inviolable.

Ceci posé…

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Message  Louis Mar 20 Mar 2012, 12:12 pm

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VII. LES CONDITIONS DE LA FAMILLE.

LE MARIAGE (suite)

Ceci posé, des conséquences nouvelles, d'une portée immense et d'une actualité douloureuse, se présentent à nous, qu'il est nécessaire de dégager maintenant et de mettre en pleine clarté. Je les grouperai toutes autour d'un mot qu'il suffira de prononcer en ce moment pour évoquer la cause la plus immédiate des misères morales et des ruines sociales dont nous sommes menacés de mourir : le divorce.

Le divorce, par définition, par essence, est la destruction de la famille, du foyer, de ce foyer, au centre duquel nous montrions tout à l'heure, placé par la nature elle-même, l'enfant venu au monde.

Il est de toute évidence, en effet, que par le divorce, l'union, la réunion du père et de la mère, autour de l'enfant, cesse d'exister. Le père et la mère se séparant, l'enfant ne les a plus, ne les aura plus, réunis autour de lui, harmonisant leurs efforts, fusionnant leur action pour promouvoir son bien.

Je n'ai besoin d'aucun autre motif, d'aucune autre raison, — tout autre motif, toute autre raison ne sera plus que d'ordre secondaire — pour condamner, au nom de la raison la plus souveraine, la plus impérieuse, le divorce : il est anti-humain.

Qu'on n'évoque pas surtout des raisons ou des prétextes d'impossibilité de vie ensemble pour les intéressés. Ces impossibilités, quelles qu'elles soient, n'ont pas le droit de compter, devant le droit sacré de l'enfant, de l'individu humain, qu'ils ont appelé à la vie, et que par là même ils se sont engagés à conduire au plein et parfait épanouissement de cette vie, dans l'ordre physique, dans l'ordre moral, dans l'ordre intellectuel, dans l'ordre humain, où se trouve, au point le plus intime, le plus profond, le plus délicat, et sans lequel rien plus, semble-t-il, ne peut compter, le nœud formé par la nature au cœur de l'homme, et qui s'appelle des plus beaux noms qui soient sur cette terre : l'amour paternel, l'amour maternel, la pitié filiale.

Mais, dira-t-on, si la permanence de la vie commune devient, au contraire, un péril pour l'enfant?

Hélas ! tout est possible avec la misère de notre nature. De même qu'il se rencontre des monstres dans l'ordre physique, il peut se rencontrer des cas monstrueux dans l'ordre économique ou familial.

Nous rentrerons, ici, dans le cas, déjà prévu, où l'État peut intervenir pour suppléer au défaut des parents à l'égard de l'enfant : les droits de ce dernier étant imprescriptibles.

Toutefois…

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Message  Louis Mer 21 Mar 2012, 7:09 am

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Toutefois, autre chose sera de prévoir des cas monstrueux d'exception où l'État peut avoir à intervenir; — autre chose de proclamer normal ce qui est contre nature, — comme voudraient le faire ceux qui donnent à l'État sur l'enfant les premiers droits, libérant, du même coup, les parents de tout devoir direct, et leur permettant, par le fait même, de se séparer, en droit, dès le lendemain de la naissance de l'enfant, si tant est même qu'il y ait une nécessité pour eux de vivre ensemble après la rencontre même fortuite qui sera peut-être la cause de la venue de l'enfant au monde.

Si tel était l'ordre naturel, parmi les hommes, il n'y aurait plus aucune raison de s'opposer au divorce et de le condamner au nom de l'enfant. Si, au contraire, la vérité est celle que nous avons précisée, le divorce, érigé en loi, promu pour faciliter la rupture du foyer, au moindre prétexte, devient lui-même une monstruosité : la loi la plus atrocement inhumaine, qui sacrifie l'enfant aux pires intérêts égoïstes de deux êtres dénaturés.

La première condition imposée par la nature, en raison de l'enfant, c'est la permanence du foyer.

Il est vrai que Dieu lui-même avait autrefois permis une infraction à cette loi. Mais l'Évangile nous a dit pourquoi : ad duritiam cordis. — Et il ajoute : au commencement, il n'en fut pas ainsi; Dieu créa un seul homme et une seule femme ; et II les unit l'un à l'autre indissolublement : ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare point.

En apportant ici ce témoignage, il semble que je ne reste plus dans le cadre strictement philosophique ou rationnel qui est le nôtre, dans nos études actuelles. Et il est vrai que soit la parole du Christ dans l'Évangile, soit le texte de l'Ancien Testament cité par Lui relèvent proprement de la révélation surnaturelle.

Toutefois, bien que le mode de proclamation soit d'ordre surnaturel, la vérité dont il s'agit demeure d'ordre naturel. Elle relève de la raison philosophique.

Sans recourir, en effet, au témoignage du livre de la Genèse qui nous montre Dieu, au début, créant un seul homme et une seule femme, pour qu'en effet ils soient, à jamais, leur vie durant, l'un pour l'autre, nous pourrions, à considérer le genre humain, tel qu'il est, conclure que l'intention de la nature est bien, en réalité, que l'homme et la femme soient faits individuellement un pour une, une pour un. N'est-ce pas pour cela que, dans les familles, dans les cités, dans le genre humain, leur nombre est approximativement le même?

Mais, quoi qu'il en soit de cette considération…

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Message  Louis Mer 21 Mar 2012, 1:57 pm

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Mais, quoi qu'il en soit de cette considération, il n'en demeure pas moins que, du point de vue de la raison naturelle, les parents se doivent à l'enfant. Leur condition devra donc être dictée, du point de vue de la raison naturelle, par les nécessités de l'enfant.

D'autre part, l'enfant ne peut atteindre la perfection à laquelle il a droit, que si les parents demeurent unis. Assurément, ce ne sera pas trop du père et de la mère, combinant, harmonisant leurs efforts, pour donner à l'enfant, dans l'ordre physique, dans l'ordre moral, dans l'ordre intellectuel, ou en vue de la culture proportionnée à son état, à ses dispositions, à ses aptitudes, la formation qui doit être la sienne.

Et à supposer qu'après un certain nombre d'années, l'enfant, devenu homme, puisse se suffire, et qu'il vive à son tour d'une vie indépendante, la nature même des soins qui lui auront été donnés, durant la longue période de sa formation, exige qu'il ne rompe pas avec ses parents. S'il le faisait, ce serait, de sa part, une atroce ingratitude. Il doit maintenir avec eux des rapports d'intimité, qui sont bien, qui doivent être toujours, à moins d'infidélité ou de révolte contre ce que la nature a mis de plus sacré dans le cœur des humains, ce qu'il y a de plus doux, de plus suave, de plus indestructible, dans les rapports des hommes entre eux. Mais pour que l'enfant, le jeune homme, l'homme mûr, qui reste toujours avec sa qualité de fils, puisse continuer d'avoir avec ses parents les rapports d'intimité familiale que nous venons de dire, ne faut-il pas que le foyer soit demeuré intact?

J'ose dire qu'il n'est pas, et qu'il ne peut pas être…

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Message  Louis Jeu 22 Mar 2012, 6:12 am

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J'ose dire qu'il n'est pas, et qu'il ne peut pas être, pour le cœur d'un fils, de spectacle plus cruel, plus douloureux, plus déchirant, et même plus démoralisateur, que celui d'une rupture entre ceux qui avaient, à ses yeux, l'auréole de la paternité et de la maternité, surtout d'une rupture définitive, d'une rupture allant jusqu'à établir d'autres foyers, des foyers où lui-même est en partie étranger.

Il y a, dans ce fait, quelque chose de si cruel, qu'on se demande comment un père et une mère ont jamais pu, je ne dirai pas s'y résoudre, mais même le concevoir.

Aussi bien, je ne craindrais pas de formuler cette règle, du seul point de vue de la raison : c'est que l'intérêt de l'enfant, l'amour naturel qu'un père et une mère doivent avoir pour lui, doit l'emporter sur tout ; et tout doit lui être sacrifié de la part du père et de la mère. En agir autrement, et sacrifier l'enfant à des vues ou des satisfactions personnelles, de quelque nature qu'on les suppose, surtout quand elles vont à ruiner le foyer et à détruire la famille, c'est un acte d'un égoïsme effroyable, que rien ne saurait justifier, aux yeux de la saine raison. — Ici, un seul mot convient ; et, encore, il pourrait paraître trop doux : de tels êtres sont des êtres sans cœur : ad duritiam cordis !

La permanence du foyer ! c'est la première condition pour que la famille remplisse son rôle à l'endroit de l'enfant. Mais elle n'est pas la seule. Ce n'est en quelque sorte qu'une condition préalable, une condition qu'on pourrait presque dire négative.

D'autres conditions s'ajoutent à celle-là. Elles sont commandées, précisées, dictées, par la nature même de l'œuvre à réaliser…

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Message  Louis Jeu 22 Mar 2012, 1:03 pm

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D'autres conditions s'ajoutent à celle-là. Elles sont commandées, précisées, dictées, par la nature même de l'œuvre à réaliser.

Il s'agit de la formation de l'enfant, de l'individu humain, venu au monde sans rien, et destiné à la perfection dont nous avons essayé de dire l'excellence, mais aussi la difficulté ou la périlleuse grandeur.

Formation physique — formation morale — formation intellectuelle ou de culture proportionnée à l'état, aux possibilités, aux dispositions, aux aptitudes.

Pour cette œuvre immense, le père et la mère devront combiner, harmoniser leurs efforts. Le premier devoir sera celui d'une gestion sage, prudente, économique, au sens plein et parfait de ce mot, de tout ce qui regarde le côté matériel, disons le bien-être ou les conditions de vie physique, dans la famille. La formation physique de l'enfant y est intéressée ; et aussi sa formation intellectuelle ou de culture; sans excepter la formation morale. Tout change, en effet, ou peut changer, dans un intérieur de famille, selon que la gestion des biens de la famille, que ces biens soient considérables, ou qu'ils soient limités, sera ce qu'elle doit être ou ne le sera pas. Que de misères, que de désordres de toute sorte pourra prévenir une sage gestion ; tandis qu'une gestion inconsidérée ou folle amène les pires désastres.

A côté de cette sage gestion matérielle, devra venir, de la part des parents, dans la famille, pour promouvoir le bien de l'enfant, surtout dans l'ordre moral, l'exemple ou la pratique de toutes les vertus. La vie du père et de la mère devrait se présenter continuellement à l'enfant comme l'exemple vivant ou le type parfait à reproduire dans sa propre vie. A mesure que l'enfant s'éveille et grandit, il voit tout, il remarque tout, et, normalement, il se sent porté à imiter tout ce qu'il voit. Si l'exemple est dans le sens du bien, la vertu lui devient en quelque sorte naturelle; si l'exemple est dans le sens du mal, du défaut, du vice, il le reproduira aussi, souvent même en l'exagérant. Quant à vouloir le reprendre et le corriger, si d'abord on lui a donné l'exemple de cela même qu'on lui reproche, il est trop évident qu'on ne fera que l'aigrir, l'endurcir, le révolter intérieurement, et préparer ainsi une nature d'anarchiste.

L'économie des vertus pratiquées et enseignées ou surveillées, telle est donc une des conditions essentielles requises de la part des parents pour le perfectionnement de l'enfant.

Mais nous avons dit aussi qu'il fallait travailler à son perfectionnement intellectuel ou de culture…

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Message  Louis Ven 23 Mar 2012, 5:46 am

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Mais nous avons dit aussi qu'il fallait travailler à son perfectionnement intellectuel ou de culture. Ici encore l'action harmonieuse du père et de la mère devront avoir une part essentielle. Ce sont eux, d'abord, qui doivent se prononcer sur ce que nous avons appelé la vocation de l'individu humain, en fonction de ses possibilités de vie individuelle, familiale, sociale, et de ses dispositions, aptitudes, goûts déterminants et indicatifs. Et ce choix, nous l'avons dit encore, est d'une importance souveraine. Ils devront aussi être les premiers à commencer la culture de leur enfant.

Qu'il s'agisse, selon la diversité des conditions, de métier, d'art ou de science, le père et la mère pourront mieux que tout autre orienter l'enfant dans la spécialité qui est la leur et qui normalement devra être la sienne.

Que s'il s'agit de cette culture générale qui doit toujours, nous l'avons dit aussi, être à la base des cultures spéciales, pourquoi, dans les lignes essentielles, ne serait-elle pas normalement le fait des parents eux-mêmes, du moins à ses débuts : enseignement primaire ; enseignement secondaire; enseignement supérieur. Il est très vrai que le perfectionnement dernier en chacun de ces enseignements, et, ensuite, dans les spécialités propres, pourra demander un autre cadre, un autre milieu, d'autres secours, que ceux de la famille.

Encore est-il que l'idéal serait que les parents, le père et la mère, pussent eux-mêmes contrôler ce perfectionnement et veiller à ce qu'il ne soit que l'épanouissement de leur propre formation à eux.

À vrai dire, les maîtres qu'ils donneront à leur enfant, à quelque degré ou sous quelque mode de formation qu'on le suppose : et, qu'ils appellent ces maîtres dans leur maison, ou qu'ils leur confient leur enfant au dehors, — ces maîtres et leur action ne sont, ne doivent être que des suppléments ou des compléments de leur action à eux, père et mère. La discipline paternelle, qui n'est pas la discipline légale, ne saurait être remplacée par rien. — La discipline scolaire, qui tient un peu des deux, appartient ou doit appartenir à la première plutôt qu'à la seconde : elle n'en est que le prolongement, la suppléance.

Nous verrons bientôt que le principal rôle de la cité est de permettre ou de faciliter dans les meilleures conditions possibles cette suppléance, quand elle devient nécessaire.
A suivre : VIII. LA CITÉ

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Message  Louis Ven 23 Mar 2012, 1:32 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

VIII. LA CITÉ
La fin naturelle de l'individu humain et la condition actuelle de cet individu humain ; — voilà ce qui commande tout dans la science morale philosophique, qu'on la considère sous sa raison d'Éthique, ou d'Économique, ou de Politique.

Tout être doit avoir la perfection, c'est-à-dire la possession du bien, de tout le bien que requiert sa nature. S'il l'a et qu'il ne puisse pas la perdre, il n'y a pas, il ne saurait y avoir de mal pour lui, — le mal n'étant, pour un sujet, que la privation du bien qu'il doit avoir. S'il ne l'a pas dans sa totalité, s'il l'a dans une certaine mesure, dans la mesure du moment, il n'y a pas de mal en lui ; mais il y a acheminement ou attente eu égard au bien définitif qui doit être le sien.

Si cet être est un agent moral, ou libre et responsable, il doit, tant qu'il n'a pas tout le bien que sa nature comporte, s'ordonner, par le bien qu'il a déjà, à l'acquisition du bien qu'il n'a pas encore : et, comme il est un agent libre, pouvant s'ordonner ainsi ou ne peut pas le faire, — s'il ne le fait pas, il pèche contre la loi primordiale de sa nature ; si, au contraire, il le fait, il agit bien moralement. Et c'est selon qu'il agit ainsi bien ou mal moralement, qu'il mérite d'obtenir, à titre de récompense, son bien dernier et définitif, ou, au contraire, d'être puni dans la mesure même où il a péché contre la loi de sa nature.

Mais cet agent moral, si nous le considérons dans le monde humain, même dans ce domaine de la vie d'attente ou d'épreuve précédant son état définitif, pourra se présenter à nous en des conditions bien diverses : et c'est de la condition où il se présentera à nous que dépendra toute la suite de nos conclusions d'ordre moral.

Si, par exemple, l'individu humain…

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Message  Louis Sam 24 Mar 2012, 7:16 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

VIII. LA CITÉ (suite)
Si, par exemple, l'individu humain arrivait à l'être dans un état de perfection tel qu'il pût se suffire en tout ; s'il arrivait à l'être, possédant toute vérité naturelle dont il a besoin, sans possibilité d'erreur ou d'ignorance; s'il pouvait, par lui-même, se perfectionner dans cette possession de la vérité; si, dans sa vie physique, il n'avait que des besoins très simples, auxquels il pourrait pourvoir aisément et de lui-même, — quelque chimérique que soit cette hypothèse, elle nous permet et nous oblige même de conclure que, dans ce cas, cet être humain pourrait être seul :il n'aurait pas besoin du secours d'autres êtres humains ; tout au plus pourrait-il trouver son bien à communiquer avec d'autres êtres humains semblables à lui, dans l'ordre de la vie de pensée qui serait la sienne excellemment.

Toujours est-il que l'individu humain venant à l'être dans l'état ou la condition que nous venons de dire, il n'y aurait plus à parler de famille, de vie de famille, de devoirs de famille; ces mots-là n'auraient plus de sens : puisque la famille, c'est l'homme et la femme unis dans une même vie, en fonction de l'individu humain devant venir au monde à l'état d'enfant, pour se développer ensuite jusqu'à ce qu'il ait atteint sa perfection normale d'individu humain.

On le voit donc, c'est uniquement parce que l'individu humain est ce qu'il est, c'est-à-dire un être raisonnable appelé à une perfection très haute, mais qui vient au monde ou à l'être, sous la forme et dans l'état ou la condition de l'enfant, — qu'il a fallu constituer la famille. La famille. — c'est-à-dire l'existence même distincte de l'homme et de la femme ; leur union en communauté de vie absolue et parfaite — avec tous les charmes et tous les secours ou avantages qu'ils s'apportent l'un à autre — tout cela est en fonction de la nature et de la condition de l'individu humain étant ce qu'il est et venant au monde dans les conditions où il y vient.

Mais, de même que cette fin naturelle de l'individu humain et la condition où il vient au monde, sont la raison essentielle de la famille ; — elles sont encore, nous l'allons voir, la raison de la cité.

C'est qu'en effet, la famille toute seule ne peut pas suffire pour conduire l'individu humain à la perfection qui doit être la sienne, dans toute la plénitude et dans tout le fini de cette perfection. Si la famille pouvait y suffire, nous n'aurions pas à nous occuper d'autre condition d'ordre moral pour l'être humain. Toute sa vie morale et toute la science de cette vie se ramèneraient, pour lui, à l'Éthique et à l'Economique.

Il n'en va pas ainsi.


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Message  Louis Sam 24 Mar 2012, 12:09 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

VIII. LA CITÉ (suite)
Il n'en va pas ainsi.

La famille, une famille, pourra bien suffire à ce que nous appellerions l'essentiel, l'absolument indispensable pour la venue au monde et le perfectionnement de l'individu humain. Elle ne peut pas, à elle seule, donner à cet individu humain tout ce que sa nature humaine est susceptible d'avoir, en fait de perfection : qu'il s'agisse de la perfection, dans l'ordre des conditions de la vie matérielle et physique, ou dans l'ordre de la vie morale, ou dans l'ordre de la vie intellectuelle.

Si, au lieu d'une famille, on a, — et on devra l'avoir par le développement normal de l'être humain tel qu'il est dans sa nature, — si l'on a une multiplicité de familles, la multiplicité de ces familles et leur diversité, allant se développant toujours en raison même de la diversité numérique ou individuelle de chaque être humain, ces familles groupées ensemble se prêteront un mutuel secours pour travailler, chacune avec les spécialités d'aptitudes ou de ressources qui lui appartiendront en propre, à augmenter la somme des biens de chacune, dont le rayonnement constituera le bien commun de toutes : et c'est dans ce rayonnement de toutes constituant leur bien commun, que consistera, par excellence, pour l'individu humain, la condition de son perfectionnement.

Ces familles groupées ensemble, c'est la cité!

La cité! — Mais encore, qu'est-elle?...

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Message  Louis Dim 25 Mar 2012, 6:43 am

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VIII. LA CITÉ (suite)
La cité! — Mais encore, qu'est-elle? Une collection de familles ou d'individus en plus grand nombre, comme la famille elle-même ne serait qu'une collection d'individus aussi mais moins nombreux? N'y aurait-il là qu'une question de nombre d'individus, d'ailleurs tous égaux en droit, ayant tous naturellement les mêmes droits, sans qu'au surplus aucun d'eux ait aucun devoir, tous libres, indépendants, d'une liberté, d'une indépendance absolue, essentielle, inhérente à l'individu humain comme tel, — et que rien ne saurait limiter ou contraindre ou obliger, si ce n'est dans la mesure même où elle se sera aliénée librement, mais totalement, et collectivement, formant une somme qui se comptera et s'additionnera par voix, somme et addition qui constituera la personne commune ou le moi social, seul moi existant désormais, dans lequel tous les moi individuels sont venus se fondre et abdiquer, afin de se retrouver plus excellemment, transformés seulement quant à la liberté : de naturelle qu'elle était, elle est maintenant conventionnelle. — Par la seule vertu du pacte, du contrat social, « à l'instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d'association produit un corps moral et collectif, composé d'autant de membres que l'assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. Cette personne publique, qui se forme ainsi par l'union de toutes les autres, prenait autrefois le nom de cité ».

Nous venons de l'entendre. Ce sont les expressions mêmes, c'est la formule du père du Contrat social.

La cité, c'est un groupement conventionnel d'individus humains, tous égaux et qui ont tous les mêmes droits, sans autre devoir que celui qui naît, mais absolu et imprescriptible, de l'aliénation de tous les droits particuliers en un seul droit universel, qui est le droit de tous.

Ce n'est pas sans frémir que je retranscris, en la dégageant, cette formule anti-humaine, qui devait être le code théorique de la société moderne et qui est le poison dont cette société se meurt.

Non certes! la cité n'est point cela!...

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Message  Louis Dim 25 Mar 2012, 1:46 pm

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VIII. LA CITÉ (suite)
Non certes! la cité n'est point cela!

Nous avons, nous, une autre conception des droits de l'individu humain et aussi de ses devoirs. Ce n'est pas en vain que nous distinguons trois parties essentielles dans la science morale : l'Éthique, l'Économique, et la Politique. Si tout se ramène à une question de nombre et d'addition d'individus humains, la Politique et l'Économique ne seraient que des modalités accidentelles de l'Éthique.

Il en va tout autrement !

Il est vrai, certes ! et nous l'avons établi nous-mêmes, que l'individu humain est la clé ou la raison de tout dans la science morale. Mais l'individu humain dans la vérité de sa nature, dans la réalité de son être et de sa condition, et non pas considéré comme l'homme en soi de Platon ou l'homme universel des sophistes du XVIIIe siècle et de la Révolution.

Or, l'individu humain, dans la réalité de sa condition, exige, nous l'avons vu, la famille : non comme une addition d'individus humains, tous égaux, ou identiques, et indistincts, si ce n'est de la seule distinction numérique; — mais comme un groupe harmonisé, gradué et ordonné, où ne se trouvent pas deux êtres humains dont la condition ou les droits et les devoirs soient identiques : l'homme, la femme ; le père, la mère; l'enfant, les enfants, frères et sœurs; personnel domestique; tout cela subordonné, unifié en un tout harmonieux, pour le résultat que poursuit la nature et qui est, nous ne le redirons jamais assez, la raison de tout, dans le plan de la nature, — le perfectionnement gradué et complet de l'individu humain.

Pareillement, pour la cité !

Elle n'est pas…

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Message  Louis Lun 26 Mar 2012, 6:50 am

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VIII. LA CITÉ (suite)
Pareillement pour la cité !

Elle n'est pas une simple addition d'individus émancipés et vivant chacun d'une vie autonome, indépendante, complète, d'ailleurs identique et égale pour tous; — ni même de familles formant chacune un tout complet, parfait, indépendant, qui se suffise et qui ne s'ajoute à l'autre qu'accidentellement, comme une unité à une unité, à condition égale, identique.

Cette conception de la cité, je l'ai déjà dit, — qui est la conception du XVIIIe siècle, de la Révolution, du monde moderne, — est une conception contre nature, anti-humaine, qui porte en germe toutes les ruines, toutes les tyrannies.

La cité est un groupement de familles, distinctes, diverses, aux conditions de vie multiples, qui doivent, dans leur fonctionnement ou leur épanouissement, se compénétrer, se compléter, s'aider mutuellement, tantôt donner, tantôt recevoir, les unes par rapport aux autres, afin que de leur union résulte une somme de perfection de vie humaine d'une qualité supérieure, constituant un rayonnement commun, où chaque famille viendra puiser, pour sa propre perfection à elle; — et, dans la mesure où elle y puisera, se mettre à même d'augmenter, à son tour, le rayonnement où toutes viennent puiser.

Voilà ce qu'est la cité!

Son objet propre et formel…

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Message  Louis Lun 26 Mar 2012, 12:24 pm

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VIII. LA CITÉ (suite)
Son objet propre et formel, ce qui la spécifie, ce qui constitue sa raison d'être, ce qui devra tout commander, chez elle et en elle,

— ce n'est pas le bien de l'individu comme tel, en quelque état qu'on le considère, à l'état d'individu enfant, ou d'individu humain, plus ou moins émancipé;

— ni, non plus, le bien d'une famille, ou de la famille comme telle, quelle que soit sa condition ou sa modalité.

— C'est le bien commun, le bien de l'ensemble constitué par des êtres humains appartenant ou pouvant appartenir à toutes les modalités, à tous les états, à toutes les conditions qui peuvent affecter un être humain ;

— comme individu humain isolé
, et selon toutes les modalités possibles, depuis celle de l'enfant abandonné ou demeuré seul après la disparition de tous ceux que la nature avait préposés d'abord à s'occuper de lui, jusqu'à celle de l'adulte dans le plein épanouissement de sa vie individuelle, en passant par toutes les possibilités intermédiaires qui peuvent se trouver entre ces deux extrêmes et qui peuvent varier à l'infini;

comme membre de la société naturelle qu'est la famille : à titre de chef, ou à titre de simple membre : père, mère, enfant; personnel domestique;

comme membre aussi de telle ou telle société ou association plus ou moins facultative ou conventionnelle et libre, dans laquelle il pourra se trouver, débordant le cadre de la société naturelle qu'est la famille, mais restant en-deçà du cadre fixe et général ou universel que constitue la cité.

Et non seulement la cité a pour objet de promouvoir le bien de l'ensemble ou de tous les êtres humains constituant cet ensemble, selon la modalité qui peut être la leur à tous, variant à l'infini ; mais encore elle a de promouvoir ce bien de l'ensemble dans son sens pur et simple, c'est-à-dire qu'elle a d'assurer ce qui doit être pour tous la condition par excellence de leur perfectionnement pur et simple.

D'autre part, ce perfectionnement pur et simple, quand il s'agit de l'être humain en lui-même, dans sa nature d'individu humain, c'est la contemplation ou l'acte de sagesse…

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Message  Louis Mar 27 Mar 2012, 6:24 am

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VIII. LA CITÉ (suite)
D'autre part, ce perfectionnement pur et simple, quand il s'agit de l'être humain en lui-même, dans sa nature d'individu humain, c'est la contemplation ou l'acte de sagesse, dominant toute l'économie de sa vie morale et commandant aussi tout l'épanouissement de sa formation intellectuelle ou de sa culture dans le sens le plus compréhensif de ce mot.

Il faudra donc que la cité réalise, dans la mesure la plus parfaite possible, cette condition de vie en commun, qui fera que tous les êtres humains qui la constituent trouveront, en elle, chacun selon sa modalité propre individuelle, les moyens les plus propices ou les facilités les plus grandes et les plus adaptées ou les plus excellentes, les plus parfaites, pour que chacun atteigne, selon que sa condition le permet, la perfection propre à l'individu humain; savoir : la vie de contemplation ou la vie d'action, qui doivent, l'une d'elle par mode d'avant-goût et de commencement, et toutes deux par mode de mérite, lui donner de réaliser sa perfection dernière et définitive : le bonheur!

Voilà ce qu'est, ce que doit être la cité !

Et c'est donc, sur terre, la chose la plus divine qui se puisse concevoir.

C'est la patrie! chose si grande qu'en-deçà de Dieu, il n'est rien de plus grand pour l'homme — attendu que je n'exclurai pas de la patrie — bien au contraire ! elle en sera — dans toutes les patries — la partie la plus excellente, l'Église ou l'élément de perfectionnement spirituel par excellence !

Les parents eux-mêmes sont inclus dans la patrie, à titre de partie.

Aussi bien est-ce une même vertu, la piété, qui commande nos rapports à l'endroit des parents et de la patrie — patrie, pater. — Et cette vertu vient immédiatement au-dessous de la religion, la plus grande de toutes les vertus morales.

Mais pour que la patrie soit cela, pour que la cité réalise l'idéal que nous venons de marquer, — il y faudra — nous le pensons bien — des conditions multiples et délicates.

Il nous restera à les considérer dans nos prochaines études.
A suivre : IX. L'AUTORITE. — LA LOI

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Message  Louis Mar 27 Mar 2012, 1:47 pm

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IX. L'AUTORITE. — LA LOI
La cité, prise dans son sens le plus étendu ou dans son acception la plus générale, n'est pas autre chose que la prolongement naturel, requis par la nature de l'être humain, de la famille, première société naturelle, absolument nécessaire eu égard à la nature de l'individu humain, ou aux conditions essentielles de cette nature, et à l'état dans lequel l'individu humain la reçoit et s'y perfectionne.

L'individu humain ne peut pas être pleinement lui-même, surtout dans l'universalité ou la généralité des modalités qui affectent cet individu humain en la diversité de ses représentants, — si, à côté de la famille et en plus de la famille, ne se trouve un milieu humain, constitué par un ensemble d'êtres humains, dont les éléments premiers seront les familles elles-mêmes, mais groupées en société plus vaste que chacune d'elles, différente aussi et spécifiquement distincte, puisque chacune d'elles n'est composée que d'individus humains, tandis que la société qui les complète est composée, avant tout et directement, de familles, de familles non seulement multiples, mais diverses aussi, au point que c'est leur diversité qui constituera la condition même de leur raison d'être à titre de partie et d'élément dans la société qu'elles composent.

Cette société nouvelle est naturelle, comme est naturelle la famille. Elle n'est pas moins voulue par la nature. En un sens même, elle est voulue davantage par elle. C'est qu'en effet, la nature veut surtout ce qu'il y a de plus parfait. C'est sur cela que porte son intention première. Et, pour l'individu humain, nous l'avons vu, sa perfection requiert de toute nécessité, au sens que nous avons expliqué, la société dont nous parlons.

Il s'ensuit manifestement que les bases de cette société, ses premiers linéaments, l'orientation première des éléments qui doivent la constituer, viennent directement de la nature, et non pas d'une simple détermination conventionnelle de multiples individus humains délibérant entre eux et se concertant à cette fin. Du simple fait naturel que les familles se multiplient distinctes et diverses, leur nature même les amène à se grouper, à s'unir, à constituer une société distincte d'elles, mais dont chacune d'elles sera une partie, un élément.

Il est vrai que…

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Message  Louis Mer 28 Mar 2012, 7:29 am

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IX. L'AUTORITE. — LA LOI (suite)
Il est vrai que, dans cette constitution des familles en société nouvelle, une part d'action libre pourra et devra même, dans des proportions plus ou moins grandes, intervenir. Mais cette part d'action libre ne fera que compléter ou achever de réaliser ce que la nature elle-même aura commencé toute seule et sans qu'il ait été besoin, du moins au premier début, d'une libre initiative.

Toujours est-il que la société se constituera par une pente naturelle; car il faut, en effet, qu'elle se constitue, la nature même de l'être humain demandant qu'il en soit ainsi.

Dès lors, et puisqu'il faut que cette société soit, puisque la nature elle-même la demande, il faudra donc aussi que la nature ait pourvu à ses conditions essentielles, à ce sans quoi une telle société ne serait pas.

Or, que faut-il pour qu'elle soit?

Mais c'est ce que nous pourrions appeler sa forme, son âme. Les familles ou les individus humains, si on les considère distinctement et séparément, peuvent bien être les éléments matériels de la société dont nous parlons. Mais ils n'arrivent à former cette société que s'il est un lien qui les unit. Ce lien, cette forme, cette âme, nous ne les trouverons que dans le principe même d'autorité. Il faut une autorité qui préside aux rapports de ces familles entre elles ou de ces individus entre eux.

Si, au début, certains rapports auront pu s'établir comme d'eux-mêmes et naturellement entre deux ou plusieurs familles, entre deux ou plusieurs individus : à mesure même que le nombre de ces familles ou de ces individus grandira, à mesure que les rapports mutuels deviendront plus complexes, plus délicats, à mesure surtout que la durée de ces rapports se prolongera, — en raison même de la multiplicité des familles ou des individus, et de leur diversité, en raison des intérêts divers qu'il ne sera pas toujours facile d'harmoniser, il sera nécessaire qu'une autorité se crée, de plus en plus précise, à laquelle il incombera de maintenir l'harmonie des rapports qui est la fin même de la société dont il s'agit.

On le voit…

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Message  Louis Mer 28 Mar 2012, 12:27 pm

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IX. L'AUTORITE. — LA LOI (suite)
On le voit. La société parfaite qu'est la cité ne peut exister et atteindre la fin excellente entre toutes que la nature poursuit, et qui est de permettre à l'individu humain de réaliser toute la perfection que sa nature comporte, sans une autorité. C'est l'autorité qui fait la société, puisque c'est elle qui maintient unis les multiples éléments qui la composent, et qui préside à leurs rapports, pour prévenir ou apaiser tous leurs conflits et favoriser, au contraire, parmi eux, l'harmonie la plus suave et la plus féconde.

Oui ; mais cette autorité, quelle est-elle? comment devons-nous la concevoir? Tous connaissent la réponse de Rousseau : la volonté générale !

— Mais encore, que faut-il entendre par là? sont-ce les volontés de tous additionnées?

— Est-ce la résultante de toutes ces volontés groupées ensemble, ou de leur majorité?

Il le semblerait; puisque, aussi bien, cette volonté générale est le principe de direction ; comme le pacte social est le principe de constitution de l'ordre social ou de la société civile qu'est la cité.

Or, le pacte social est le contrat en vertu duquel les personnes particulières renoncent à leur indépendance naturelle pour se retrouver libres de la liberté civile dans le moi commun qui est la résultante de leur aliénation individuelle.

Pareillement donc, semble-t-il, la volonté générale sera la résultante de toutes les volontés particulières abdiquant en faveur de cette volonté commune.

Mais, dans ce cas, il s'agira d'une volonté se manifestant par un organe. Et cet organe ne sera pas autre que tous les sujets des volontés particulières traduisant ce qui est commun à tous sans être particulier à aucun; ou la majorité de ces sujets exprimée par un vote.

Dans le second cas, elle n'est déjà plus la volonté générale, mais une volonté particulière, la volonté d'un parti; — c'est la destruction même de l'organe indéfectible requis pour la direction de la cité.

Dans le premier cas, c'est bien la volonté générale; mais en l'air, si l'on peut ainsi dire, parce que jamais l'on n'aura ce consentement unanime de tous les sujets particuliers s'entendant sur ce qui est le bien commun de tous, sans être le bien particulier d'aucun ; chaque volonté particulière n'étant faite, comme telle, que pour vouloir son bien particulier, ou pour vouloir le bien commun, mais en vue de son bien particulier à assurer plus excellemment. — Pour trouver, non seulement un peuple tout entier à vouloir ainsi, mais même un groupe de sujets, ou même un seul, il faudra le chercher parmi des dieux plutôt que parmi les hommes.

Donc la volonté générale entendue au sens concret n'existe pas, ne peut pas exister, aux yeux même de Rousseau. C'est une pure chimère.

Ce n'est donc pas cela qu'il entend par sa volonté générale , sous la direction de laquelle devra vivre la cité…

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Message  Louis Jeu 29 Mar 2012, 7:28 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

IX. L'AUTORITE. — LA LOI (suite)
Ce n'est donc pas cela qu'il entend par sa volonté générale, sous la direction de laquelle devra vivre la cité.

Et, en effet, sa volonté générale n'est pas autre chose que le droit commun en soi, c'est-à-dire, le principe abstrait dictant ce que la raison saine doit prescrire comme étant le bien commun des individus groupés dans le pacte social. Cela revient à dire que la volonté générale, c'est la loi, entendue au sens de ce que la raison commune à tout homme prescrit comme étant le bien commun de tous ceux qui vivent en telle société.

Mais cette raison commune à tout homme, cette loi idéale, comment se traduira-t-elle? comment se manifestera-t-elle? Comment interviendra-t-elle pour la direction effective et pratique de la cité?

La raison en soi, ou la volonté, de soi conforme à cette raison en soi, dans l'ordre du bien commun, n'existe pas dans la réalité des choses humaines. Il n'existe, en fait, que des volontés particulières, plus ou moins aptes à se conformer à la raison du bien commun. Et c'est parmi elles qu'il faut pouvoir trouver le principe que nous cherchons et qui est essentiel à la société, au point que sans lui la société ne peut pas exister : le principe d'une volonté qui commande avec autorité et à laquelle doivent se soumettre les autres volontés dans la sphère d'autorité qui est la sienne.

Mais c'est cela même que Rousseau condamne. Il ne veut pas qu'une volonté commande à une autre volonté. — L'homme ne doit obéir qu'à lui-même, ou à la volonté générale, auquel cas, c'est encore à lui-même qu'il obéit….

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Message  Louis Jeu 29 Mar 2012, 1:04 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

IX. L'AUTORITE. — LA LOI (suite)
Mais c'est cela même que Rousseau condamne. Il ne veut pas qu'une volonté commande à une autre volonté. — L'homme ne doit obéir qu'à lui-même, ou à la volonté générale, auquel cas, c'est encore à lui-même qu'il obéit.

Nous accorderons qu'une volonté ne doit commander que dans le sens de la volonté générale; et, si elle commande dans le sens de la volonté particulière, elle est en défaut. — Mais, qu'elle soit en défaut ou non, c'est une autre question, distincte de la question d'autorité, — ou du droit de commander.

Le droit de commander lui vient d'une investiture divine. C'est comme volonté supérieure qu'elle a le droit de commander. Et l'ordre de supérieur à inférieur est un ordre établi par Dieu, ou, à tout le moins, sanctionné par Dieu : il n'a de valeur qu'à ce titre.

S'il est constitué par Dieu, indépendamment de la volonté des sujets ou des inférieurs, ceux-ci n'ont qu'à le respecter et s'y soumettre. — S'il est établi par eux-mêmes, et parce qu'ils auront eux-mêmes mis à leur tête un supérieur, durant tout le temps de sa fonction, ils doivent obéir parce qu'il est leur supérieur.

C'est un supérieur, un supérieur en chair et en os — individuel ou collectif — qui commande, qui seul a le droit de commander; — et non pas une volonté générale abstraite. — C'est à lui qu'on obéit, qu'on doit obéir; — et non pas à la volonté générale comme telle, qui, comme telle, n'a aucune vertu dans la cité, — si ce n'est pour autant qu'elle s'incarne dans un supérieur ayant autorité.

Quand nous parlons d'autorité, nous n'entendons pas seulement le pouvoir moral ou métaphysique, mais tout à fait transcendant, de la pure raison. Cette autorité de la raison est assurément, dans l'ordre humain, la première autorité. A vrai dire, c'est elle, et elle seule, qui doit régner. Et si, en effet, elle régnait toujours et en tout, tout serait parfait dans l'ordre de la vie humaine, individuelle, familiale et sociale.

Mais, en fait, la raison ne règne pas toute seule, et par sa seule force, dans le monde humain ou au cœur des individus qui le composent. Chaque individu humain porte en lui-même toutes sortes d'éléments de révolte contre ce règne de la raison. Et, à mesure que le nombre des individus humains augmente, ces causes de révolte ne font aussi trop souvent que se multiplier, au point que le règne de la raison devient de plus en plus difficile. D'autre part, sans le règne de la raison, point de vie vraiment humaine, qu'il s'agisse de l'individu, de la famille ou de la cité.

Il faut donc…

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Message  Louis Ven 30 Mar 2012, 7:32 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

IX. L'AUTORITE. — LA LOI (suite)
Il faut donc que se trouve, parmi les humains, le moyen d'assurer, dans la mesure du possible, ce règne de la raison. Et ce moyen n'est pas autre que celui de l'autorité. L'autorité sera donc un pouvoir, distinct de celui de la raison elle-même, et qui aura pour fin ou pour but d'en assurer le règne. Pour atteindre cette fin, il faudra que l'autorité dont nous parlons s'exerce parmi les hommes sous une forme sensible, communiquant avec eux, leur dictant ce qui est, en effet, selon la raison, et les contraignant, au besoin, à s'y conformer. Dans la mesure où le groupement des êtres humains sera plus nombreux et plus varié ou plus complexe, il faudra que l'autorité se gradue et se hiérarchise pour assurer l'ordre ou le règne de la raison parmi ces êtres humains. Et quand il s'agira du groupement parfait qu'est la cité, ou, plus encore, la nation, au sens de cités multiples groupées ensemble pour vivre d'une seule et même vie sociale et politique plus développée et plus parfaite, la gradation ou la hiérarchie de l'autorité devra se couronner, au sommet, par un pouvoir souverain, qui ne dépendra d'aucun autre, dans l'ordre humain, et duquel dépendront tous les autres pouvoirs subalternes dans la cité ou dans la nation à laquelle il préside.

Ce pouvoir souverain ou cette autorité suprême, non moins et, en un sens, plus encore que les pouvoirs et les autorités subalternes, devra être, lui aussi, quelque chose de tangible, auquel, s'il est besoin, tous, simples particuliers, ou pouvoirs et autorités subalternes, puissent se référer et recourir.

Il faut donc que le pouvoir souverain ou l'autorité suprême soit quelque part, dans la cité ou la nation, en quelque dépositaire déterminé, au su et au vu de tous; puisque c'est lui qui doit commander à tous en premier ou dernier ressort, à lui que tous, sans exception, doivent obéir.

Ce pouvoir souverain, quel est-il et quel peut-il être? sous quelle forme se présente-t-il et peut-il se présenter?

Nous connaissons la réponse de Jean-Jacques Rousseau…

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