L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
DIEU ET LA PAIX DU MONDE
Ai-je réussi à être clair? Je me rends bien compte de la difficulté à vaincre dans une matière où tout est chaos et changement, et où ce que l'on appelle ordre nouveau aujourd'hui sera peut-être périmé demain. Mais le règne du Christ lui est toujours actuel : « le ciel et la terre passeront mais ses paroles ne passeront point ». Il s'agit de les comprendre et de se laisser guider par elles.
Il faut qu'il règne ! Ce n'est pas pour rien que « les nations lui ont été données en héritage » ; ce n'est pas pour rien qu'il a été annoncé par d'innombrables prophéties comme « celui qui aime la justice et qui hait l'iniquité » ; ce n'est pas pour rien que « le Seigneur l'a fait asseoir à sa droite jusqu'à ce qu'il réduise ses ennemis à lui servir de marche-pied. »
Il faut qu'il règne ! Il faut qu'il règne dans l'esprit humain dont c'est le devoir d'adhérer, avec constance et fermeté, dans un sentiment de parfaite soumission aux vérités révélées et à la doctrine de l'Eglise; il faut qu'il règne dans l'âme qui, négligeant les convoitises naturelles, doit aimer Dieu par dessus toutes choses et le prochain d'un amour effectif de fraternité; il faut qu'il règne jusque dans notre corps et nos membres qui ont mission de servir à la sainteté extérieure de l'âme comme des instruments, ou, pour emprunter les paroles de saint Paul : « comme des armes de justice offertes à Dieu » ; il faut qu'il règne sur les nations et les peuples, sur le monde tout entier : car son règne n'a pas de limites.
Il n'aura pas de fin non plus. Après nous avoir procuré ici-bas tout le bonheur que peut donner la vie présente, limitée par tant de côtés, il nous assurera le bonheur complet, cette fois, de la vie éternelle.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA CONVERSION DU MONDE ET LA PAIX
Mgr A. HARBOUR,
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Nous avons essayé de montrer, dans le chapitre précédent, que l'influence du christianisme dans le monde était malheureusement plus apparente que réelle; que cela tient à ce que nous ne voulons pas nous appliquer à comprendre l'évangile et à le pratiquer, et aussi, pour une part, à ce que nous ne nous préoccupons pas suffisamment de l'adapter aux besoins de l'heure; que ces négligences désastreuses ont amené sur la terre toutes sortes de désarrois et de conflits; et, qu'enfin, il va falloir revenir à l'esprit du Christ qui est un esprit surnaturel de justice et de charité et en pénétrer les institutions d'après-guerre si nous souhaitons y ramener un peu de paix et de bonheur.
Non, décidément, non, le bonheur n'est pas dans la satisfaction de tous nos penchants. Tout entiers à leur confort, à leurs aises, à leur bien-être, à leurs ambitions et à leurs jouissances, les hommes des jours de prospérité ont oublié qu'ils ont une âme immortelle dont ils doivent, d'abord et avant tout, s'occuper. Ils se sont lancés dans la vie comme on part en excursion de plaisir: sans provisions, sans bagage sérieux, sur une mer qui ne connaîtrait ni les vents ni les tempêtes, par un beau soleil d'un clair matin de juin.
Soudain, une vague d'égoïsme et de matérialisme s'est levée on ne sait d'où, a renversé les digues traditionnelles, franchi les retranchements les plus assurés et submergé de son écume les vies chrétiennes les plus austères, les foyers qu'on avait cru inviolables, fait chanceler sur ses bases la société contemporaine et nous a tous précipités dans l'inquiétude, l'angoisse, la débâcle.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Voilà la situation. Nous rendons-nous compte de la gravité de nos erreurs? Les avertissements et les châtiments du ciel sont-ils assez sévères pour nous ouvrir les yeux? Le salut est-il encore possible?
Écoutez cette parole du prophète Ezéchiel : « Voici, dit-il, comment vous parlez, vous autres; vous dites: nos transgressions et nos péchés pèsent sur nous et c'est à cause d'eux que nous allons périr. Comment en effet pourrions-nous vivre? — Et Jéhovah le Seigneur dit: donne-leur cette réponse: Moi, qui suis le Dieu vivant, je ne prends point plaisir à la mort du pécheur, mais à ce que le méchant se détourne de sa voie et qu'il vive. Revenez, revenez de vos voies mauvaises et de vos iniquités. Et pourquoi donc mourriez-vous, maison d'Israël ? »
De toute nécessité une conversion s'impose. Elle s'impose dans la conscience des individus, dans leur façon de vivre leur foi et de pratiquer les commandements de Dieu. Elle s'impose dans la famille qui abdique trop facilement ses nobles et dures tâches. Elle s'impose dans les institutions économiques de la production et de la répartition des biens matériels, où de tous côtés nous entendons des récriminations et des plaintes trop justifiées. Elle s'impose enfin dans les activités des Etats où les représentants du peuple, trop préoccupés par des ambitions et des intérêts personnels, négligent les grands devoirs que réclame d'eux le bien commun.
Mais là n'est pas notre domaine spécifique. « Il apparaît avec évidence, écrivait Sa Sainteté Pie XI, que cette restauration tant désirée doit être précédée par une complète rénovation de l'esprit chrétien : sans cela tous les efforts seraient vains, on construirait non sur le roc mais sur le sable mouvant (R. p. 230) ». Et avant lui Léon XIII avait dit : « Le monde sera sauvé, s'il doit l'être, par le retour à la vie et aux institutions du christianisme». Enfin, de nos jours, Sa Sainteté Pie XII vient de reprendre le même thème.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
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Voilà notre tâche à nous, les hérauts de l'évangile : travailler à une rénovation spirituelle et chrétienne. Que Dieu nous donne la force de ne pas y faillir et bénisse notre parole.
Ce que nous avons à dire, en ces matières, n'est pas nouveau. Aussi bien rénover n'est-ce pas, ordinairement, recommencer?
Il fut un temps où les préoccupations surnaturelles eurent la meilleure part dans les esprits des hommes. Pour le vieux monde cette période remonte à ce que l'on est convenu d'appeler dans l'histoire «la chrétienté» et qui comprend les XIIe et XIIIe siècles.
« Un examen exact et attentif, écrit un philosophe de l'histoire, révèle avec évidence que tout ce que cette époque a de grand et de bon, dans l'Etat comme dans l'Eglise, provient du christianisme et de l'universelle influence que celui-ci a exercé alors sur les cœurs. Tout ce qui s'y manifeste au contraire d'incomplet, de défectueux, de funeste, doit être attribué aux passions des hommes et à la barbarie des temps. Partout, on sent une plénitude de vie, on découvre des élans sublimes, on admire les traces d'une force supérieure et divine triomphant des révoltes des hommes et de leurs pires appétits ». (Cf. Mouret, Introd.)
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Coeur-Sacré de Jésus, ayez pitié de nous pécheurs !
Mgr A. HARBOUR,
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Pour nous, en ce pays neuf et incomparable qui est le nôtre, nous n'avons pas à remonter si loin pour retrouver l'influence prépondérante et bienfaisante des idées chrétiennes. Nos contemporains, les plus de 50 ans, ont souvenance et douce souvenance du temps où tous observaient dans leur vie individuelle et dans leur vie de famille les lois de la morale chrétienne. J'ai dit, lois de la morale : car s'il y a aujourd'hui des défaillances elles sont presque toutes imputables au manque de courage en face des obligations et des devoirs et, particulièrement, des devoirs des époux dans la vie de famille, des devoirs de l'homme public tiraillé entre ses serments et ses intérêts, des devoirs des jeunes aussi devant les luttes quotidiennes contre les entraînements de leur âge.
C'est pourquoi si nous voulons faire un succès de l'ordre nouveau d'après-guerre, il importe tellement de rebâtir sur des bases renouvelées et de nous convertir encore une fois à la morale du christianisme.
Revenez donc à la pratique de l'évangile, jeunes gens épris de liberté, qui ne voulez admettre aucun frein à vos plaisirs, et tournez vers le sérieux du devoir les énergies que vous gaspillez follement.
Revenez aussi, parents inconscients et égoïstes: par l'exemple et par la parole, donnez-vous de toute votre âme à la tâche, si grande de responsabilités, de l'éducation de vos enfants .
Revenez jeunes ménages qui ne gardez de chrétien que le nom, qui manquez de courage devant les nobles et dures tâches qui vous sollicitent ; ne mettez pas le bon Dieu hors de chez vous: à qui donc irez-vous quand il se sera retiré de vous?
Revenez capitalistes ambitieux qui ne comptez pour rien le labeur, les privations, les sueurs et la misère des ouvriers, pourvu que vous ayez le pouvoir, les dividendes et les plaisirs.
Revenez travailleurs injustes qui sabotez la matière première et les heures de travail sans honte ni remords, préoccupés seulement de vos incessantes récriminations.
Revenez mandataires du peuple, à qui est confiée la charge de le gouverner et qui ne pensez qu'à vos intérêts personnels.
Revenez enfin tous, vous tous qui vous êtes laissés entraîner et vous tous que le joug de Dieu fatigue : ne cherchez pas la paix en dehors de lui et de sa justice; défiez-vous de l'indépendance et du camouflage de bonheur que vous promettent les théories subversives et les négations impies du socialisme et du communisme: vous n'y rencontreriez, l'expérience en est faite, que l'anarchie, le désordre, l'esclavage et la ruine.
Jerusalem, Jerusalem, convertere ad Dominun Deum tuum!
Coeur-Sacré de Jésus, ayez pitié de nous pécheurs !
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Mgr A. HARBOUR,
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Trois questions doivent retenir l'attention de tout homme qui réfléchit : celle de savoir ce qu'il est, ce qu'il vient faire sur la terre et si jamais il aura un compte à rendre de ses actes.
Et je dis que la grande rénovation chrétienne dont nous avons besoin pour réorganiser la paix devra commencer sur ce terrain, Le monde a besoin de faire une retraite. Nous avons besoin de nous dire que nous ne sommes ici-bas que pour un temps, un temps très court qui passe comme un rêve, comme la trace de l'oiseau dans l'air, comme le sillon du navire sur les flots, dont nous aurons à répondre : que par conséquent la vie présente n'est pas la vie véritable, qu'elle n'est qu'une préparation à une autre vie qui celle-là doit durer et qui sera heureuse ou malheureuse selon nos actes ; qui sera, en un mot, un état de récompense ou de punition définitive, éternelle.
Depuis vingt siècles l'histoire de l'humanité se résume en deux chapitres contenant respectivement: l'un la liste des chrétiens fidèles au mot d'ordre: mon salut avant tout; l'autre celle des malheureux qui on dit: prenons d'abord ce qui se présente de jouissance, ensuite advienne que pourra ! Insensiblement c'est cette dernière — parce que son programme est plus facile — qui grossit aux dépens de l'autre.
Et toujours, invariablement, le monde est ramené à la vérité par quelque grande épreuve : un peu comme les petits enfants que le plaisir gagne, comme on dit, qui s'énervent et s'excitent au point qu'on ne peut plus en jouir, et qui ne sont rappelés à l'ordre que par quelque punition qui vient troubler toute leur fête. La modération seule est une garantie de durée, et les abus amènent nécessairement des réactions. Celui qui a trop mangé est mis au régime; celui qui a trop bu est condamné à l'eau claire; celui qui a trop joui de la vie meurt jeune ou paye par de longues maladies: et quand le monde a abusé de la prospérité et des biens de ce monde il est réduit, par la force même des choses, à la souffrance et à la misère.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
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Alors il n'a que l'une ou l'autre de deux alternatives: continuer dans ses excès jusqu'à en mourir ; ou bien recommencer sur des bases nouvelles, et c'est la condition indispensable de sa guérison.
Nous en sommes à ce point, et les principes sur lesquels doivent s'appuyer notre recommencement ou notre rénovation sont les principes du christianisme.
Et pourquoi? Parce que, de fait, ses préceptes et leur application ont déjà opéré le salut du monde et que leur vertu n'est pas diminuée ;
parce que aussi, il possède — et seul — l'ensemble des vérités dont le monde a besoin pour vivre et sans lesquelles il dépérit sitôt qu'il s'en éloigne.
Or que nous dit le christianisme? Le voici, c'est une des premières réponses du petit catéchisme: Dieu nous a créés pour le connaître, l'aimer et le servir sur la terre afin d'être heureux avec lui pendant l'éternité. Mais le premier homme faillit à sa tâche de servir Dieu. Comme l'ange de lumière autrefois qui avait dit : « Je ne servirai pas », il aima mieux écouter la voix du plaisir que celle du devoir, et alors commença pour l'humanité la grande lutte de la matière contre l'esprit. Elle aboutit d'abord au déluge universel qui fut la première grande punition du monde.
Ensuite il fallut rénover ou recommencer. Et les civilisations se succédèrent jusqu'à leur apogée dans l'éclat et la décadence de l'empire romain.
Mais là aussi c'était le principe matériel qui l'emportait sur le spirituel. Pour rétablir l'ordre, Jésus, fils unique de Dieu, vint sur la terre et par une révolution, lente mais sûre, il rétablit encore une fois la primauté du spirituel.
Depuis lors le monde a connu des fortunes diverses : mais au fond de toutes ces luttes, ces guerres, c'est toujours les deux mêmes principes de la matière et de l'esprit qui sont aux prises.
Et chaque fois que les hommes consentent à lever la tête et à regarder plus haut que la matière, le bonheur instable qui est toujours prêt à quitter la terre veut bien consentir à demeurer encore quelque temps avec nous. Il s'agit donc, de savoir de quel côté nous devons nous tourner pour retrouver la stabilité et l'équilibre.
Depuis la venue de Jésus-Christ en ce monde, il n'y a plus à hésiter, c'est de lui et de lui seul que doit nous venir le salut: inutile de le chercher ailleurs. Le salut a toujours été dans le retour au spirituel et le spirituel authentique ne se trouve pas ailleurs que dans la restauration chrétienne ou le surnaturel.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
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Mais quels seront les traits caractéristiques de cette rénovation chrétienne? Il faut partir du principe que l'esprit du Christ est l'opposé de l'esprit du monde. Or qu'est-ce que cherche le monde? Il veut la domination, les honneurs, c'est un esprit d'orgueil;
il veut s'emparer de tout ce qui le sert, c'est un esprit d'intérêt;
enfin, il veut jouir de tout ce que la vie peut lui offrir. Et c'est là le fond de notre misère: les richesses et les honneurs ne sont recherchés que pour assouvir le plaisir; et c'est toujours par le plaisir exagéré que le monde comme les individus se perdent.
La contrepartie de ces dispositions sera l'esprit de soumission, l'esprit d'humilité, l'esprit de sacrifice, et c'est l'esprit chrétien. Il n'y a pas de salut en dehors de là.
Il n'est pas nécessaire d'être grand clerc, ni profond philosophe, ni subtil observateur, pour découvrir que les maux dont nous souffrons viennent de cette triple source empoisonnée.
Quelle fut la cause de la première grande guerre sinon la passion de la domination par les moyens justes ou injustes et, par conséquent, l'orgueil? Et des révélations extrêmement graves ne nous ont-elles pas appris que derrière le paravent du droit international se jouait une partie extrêmement sordide d'intérêts particuliers dont les fabricants d'armes et de munitions étaient les mauvais génies?
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Mgr A. HARBOUR,
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Quelle fut la cause de la farandole insensée de spéculation qui a suivi la guerre, sinon la passion effrénée de la jouissance?
Quelle fut la cause du déséquilibre des classes, de la lutte entre patrons et ouvriers d'où est résulté le chômage et qui tint le monde à deux doigts de sa perte, dites-le moi?
Quelle est la cause enfin des tempêtes et des spasmes de mort où se débat actuellement l'humanité?
Ah! si l'on voulait seulement prendre l'Evangile et en faire la constitution des Etats terrestres, comme la situation générale serait vite changée pour le mieux! Mais non. Pour cela il faudrait de l'humilité, de la modération et du renoncement et notre mauvaise nature veut de l'orgueil, du plaisir et de la richesse.
Combien d'hommes, après avoir cherché le bonheur dans la gloire, dans le plaisir ou dans les ivresses du commandement, ne l'ont trouvé que le jour où ils ont renoncé à tout cela pour s'occuper du salut de leur âme. Ce fut la grâce de la conversion.
Le monde a besoin de se convertir, et du jour où tous les hommes ou la majorité d'entre eux vivront avec la préoccupation de sauver leur âme, de ce jour-là datera l'établissement d'un certain bonheur sur la terre.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
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Nous ne demandons pas et nous ne souhaitons pas que revienne la grande prospérité; nous avons l'expérience des excès et des folies qu'elle provoque : nous n'avons pas la tête assez forte pour la supporter.
D'un autre côté, nous n'avons pas le courage de demander la misère, la pauvreté et la souffrance que seules certaines natures d'élite ont l'héroïsme d'endurer pour leur salut et celui de leurs frères en esprit de victimes réparatrices.
Mais nous appelons de tous nos vœux le règne de l'esprit chrétien dans la vertu, non pas cette soif de jouissance et de domination qui rapproche l'homme du fauve des forêts et qui a pour principe le droit du plus fort, mais cette modération en toutes choses qui montre que la raison dirige les appétits et que Dieu dirige la raison, qui ne dédaigne pas les biens du monde mais qui sait s'en servir dans la vertu pour acquérir les autres biens qui seuls sont désirables en soi, les biens éternels auxquels tout doit être sacrifié.
Un jour le prophète, épuisé de courses et de travaux, éprouvant peut-être plus profondément que d'habitude, comme cela arrive parfois, l'inanité de ses efforts et le peu de résultat de ses prédications, fut pris d'une crise de découragement et se laissant tomber par terre il dit : « Seigneur je ne veux plus vivre ! »
Mais Dieu permit que le sommeil s'emparât de ses membres fatigués et pendant qu'il dormait un ange lui apparut et lui présentant un pain cuit sous la cendre il lui dit : « Lève-toi et mange ! » Le prophète obéit. Et tout-de-suite il se trouva réconforté; il se leva et continua sa route apostolique jusqu'à la Montagne sainte.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA CONVERSION DU MONDE ET LA PAIX
Mgr A. HARBOUR,
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Il arrive, n'est-il pas vrai, qu'à certains jours nous doutons de l'efficacité de nos prières et de nos efforts. Nous nous sentons épuisés, nous ne voyons pas clairement où nous allons et l'avenir nous paraît alors plus sombre encore, plus difficile que l'heure présente. Faut-il nous laisser aller au découragement et dire: Seigneur je veux mourir?
Dieu nous en garde ! La lutte est la condition de la vie et celui-là seul sera récompensé, couronné, qui aura bien combattu.
L'Eglise comme l'ange que vit en songe le prophète tient en main le pain de la doctrine, elle nous l'offre: c'est l'Evangile.
Si nous voulons en faire notre vie, notre nourriture quotidienne, nous y retrouverons inspiration et courage, nous nous lèverons de notre, sommeil d'inanition, nous reprendrons la route avec entrain, avec joie pour nous diriger vers la Montagne sainte qui sera l'équilibre de la paix ici-bas et le bonheur éternel dans l'au-delà.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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LA RECONSTRUCTION DU BONHEUR
Mgr A. HARBOUR,
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Le bonheur a cela de commun avec la santé qui d'ailleurs en fait partie: nous l'apprécions quand nous l'avons perdu. Ainsi l'épreuve, qui est la privation de la jouissance normale de cette vie, nous fait lever les yeux vers le calme du devoir quotidien. Il comportait bien ses ronces et ses épines ce chemin du bonheur, mais il avait assez de fraîcheur, de verdure, d'ombrage et de fleurs pour nous rendre heureux.
Le chercheur d'or dans les sentiers escarpés et rocheux des pays miniers, le soldat d'infanterie qui parcourt harassé de fatigue des routes de fortune en des marches forcées, se rappellent avec nostalgie le chemin qui les conduisait jadis à leurs études ou à leur travail.
C'était le chemin du bonheur, c'est le chemin du bonheur perdu. Et ils ne peuvent s'empêcher de se reprocher d'avoir alors demandé à la vie ce qu'elle ne pouvait pas donner. Sur les routes de l'épreuve comment ne pas nous faire un peu le même reproche? Chercheurs d'or et de richesses, enrégimentés dans l'armée du plaisir, nous avons cru que la vie pouvait nous donner plus qu'elle ne renferme et nous voici punis.
Ah! nous retournerions volontiers à la route de l'heureuse médiocrité. Puisse-t-il ne pas être trop tard! Comme il aurait été plus sage de ne pas nous éloigner de la pratique de la vertu — je ne parle pas d'héroïsme dans la vertu — mais de cette vertu qui est le résultat de l'accomplissement de notre devoir quotidien.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA RECONSTRUCTION DU BONHEUR
Mgr A. HARBOUR,
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La règle du bien se trouve écrite sur les tables de pierre que Moïse autrefois rapporta du Mont Sinaï et elle n'était que la rédaction en dix articles de la règle des mœurs gravée par le Créateur, l'auteur de tout bien, dans le cœur même de tout être humain créé par Lui.
Mais j'entends qu'on se récrie aussitôt: ils sont bien vieux vos commandements! peut-on dire qu'ils sont vraiment adaptés à la vie présente? Plus de trois mille ans se sont écoulés depuis le jour où par la volonté de Dieu ces commandements ont été promulgués. Est-ce qu'on peut encore en faire la règle de notre vie, de cette vie dont les conditions sociales et autres, sont si différentes de celles de jadis?
Et pour parler net, est-ce que ce vieil appareil de morale n'est pas périmé? Beaucoup ne craignent pas de l'affirmer, d'autres plus nombreux encore, sans le dire ouvertement, agissent comme s'ils le pensaient.
« Il ne faut pas mentir », dit l'antique loi des mœurs. Mais, par exemple, peut-on vivre aujourd'hui sans mentir, objectent la plupart des hommes? Peut-on lutter dans la vie sans finasserie, sans habileté? Peut-on progresser sans fourberie, peut-on faire de la politique sans dissimuler ses convictions, sans trahir ses sentiments ?
« On ne doit pas voler » ! Voilà un autre commandement qui a fait son temps. Dites-moi s'il est possible de mener la vie large et fastueuse sans un peu de fraude, sans se laisser acheter? Peut-on faire des affaires, et s'enrichir vite autrement?
« Impudique point ne seras », dit le Ve commandement. Mais la jeunesse d'aujourd’hui peut-elle supporter tant de contrainte ? Au milieu de tant de provocations, de tant d'occasions, est-elle capable de l'effort que requiert une vie de continence? Peut-elle bien rester pure et intègre jusqu'au mariage et dans le mariage respecter ses serments?
Non, non, s'écrie-t-on avec effroi, cette morale est antédiluvienne et l'homme d'aujourd’hui ne saurait en faire la règle de sa vie. Il faut aérer l'enseignement de la morale, il faut l'élargir, le rajeunir.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA RECONSTRUCTION DU BONHEUR
Mgr A. HARBOUR,
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Ce fut l'erreur triomphante de ces dernières années : la vie facile des jours de fausse prospérité nous avait conduits au relâchement; les épreuves de la dépression nous ont inspiré des sentiments de révolte. Il va falloir nécessairement reculer d'autant et reprendre le bon chemin à l'endroit même où nous l'avons quitté pour choisir celui qui nous a menés au désastre. Ce sont les deux chemins dont parle le Maître dans l'Evangile: étroit et dur sous le pied celui qui mène au salut; large et facile la route qui conduit à la perdition.
Nous devons maintenir les anciens préceptes de la morale non seulement parce que leur transgression est une désobéissance aux ordres de notre maître et créateur qui est Dieu et qui aurait bien pu nous les imposer pour son bon plaisir sans autre raison; mais parce qu'en les méconnaissant nous allons contre notre propre nature et contre l'ordre social que nous ne pouvons pas changer, nous allons contre tout l'ensemble de la vie humaine.
Sans doute Dieu a donné ces commandements gravés sur des tables de pierre il y a 3000 ans, au Mont Sinaï, mais c'était justement pour les rappeler à ceux qui les oubliaient. Au moment même de la création de l'homme il les avait écrits en caractères impérissables dans le cœur et la conscience de toute créature raisonnable, de tout homme. Et toute réforme du cœur humain doit remonter, à chaque fois, au modèle même sur lequel il a été façonné et ce modèle c'est la loi morale.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA RECONSTRUCTION DU BONHEUR
Mgr A. HARBOUR,
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Des siècles et des milliers de siècles pourront passer, l'homme pourra faire de nouvelles acquisitions scientifiques, de nouveaux progrès plus étonnants encore, tant que l'homme restera homme les simples mots qui expriment la loi morale ne sont susceptibles d'aucune abrogation, d'aucun amoindrissement. Encore une fois la rectitude de son cœur d'homme est bâtie là-dessus.
Qu'on ne puisse ni mentir, ni voler, ni tuer, ni commettre d'impureté ou du scandale, c'est là la loi fondamentale, le rouage principal de la civilisation, c'est-à-dire de la vie normale et seule possible de l'homme, être social. Nous n'en sortirons pas, ou si nous en sortons c'en est fait de nous : nous sommes perdus. Que les étoiles qui parcourent l'infini de l'espace dévient un tant soit peu de la voie que la Sagesse divine leur a tracée et vous savez quelle en serait la conséquence: un choc épouvantable qui anéantirait l'univers. Nous n'avons pas à redouter un tel cataclysme car les corps célestes, sans vie ni volonté, sont incapables de dévier de leur route.
Mais l'homme doué d'une volonté libre possède ce triste privilège de pouvoir abandonner la voie que Dieu lui a marquée pour sa vie morale. Il peut l'abandonner, vous le savez, mais c'est aussi au prix de catastrophes redoutables.
Puisse cette vérité apparaître, un jour, évidente à l'attention des hommes, que de l'observation de la morale chrétienne ne dépend pas seulement leur salut éternel mais leur bonheur même sur la terre.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
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Nous disons d'un être qu'il est bon quand il est dans la disposition de fournir ce qu'on de lui, c'est-à-dire quand il est d'accord avec ce qu'il doit être, quand il est conforme à sa nature. Par exemple la nature de l'œil est de voir. L'œil est bon qui donne ce que l'on est en droit d'en attendre. La nature du pain est de nourrir. Le pain qui ne nourrit pas n'est pas bon. Et s'il l'a déjà été et qu'il s'est ainsi affadi et éventé, on dit qu'il a perdu sa vertu, sa qualité d'être bon. Prenez un levain, un ferment, un vin, une liqueur, plus ils sont forts et bons, plus ils ont de vertu.
Et voilà précisément le rôle de la vertu dans l'homme : elle perfectionne le sujet en lui-même; par elle l'homme, si j'ose m'exprimer ainsi, devient pleinement homme et répond à ce qu'on peut en attendre de meilleur. La vertu est l'épanouissement total de la nature humaine.
Mais ici il importe de dissiper une équivoque et de répondre en même temps à une objection.
Quand on nous parle de vertu est-ce que nous ne nous représentons pas immédiatement une force qui nous retient, une violence qui nous arrête et nous enchaîne, un frein qui brise nos aspirations? N'est-ce pas la vertu qui nous oblige à réprimer les élans de la chair et des sens, de l'imagination, du cœur, de la pensée? Son nom suffit à effrayer les hommes, à exciter contre elle, contre la morale, contre la religion, la colère impatiente du monde. Où donc apporte-t-elle l'épanouissement de notre nature! Il n'est pas une forme de vertu qui ne tyrannise une tendance ou un appétit, qui n'atrophie un germe dans l'individu et la personnalité. Essentiellement mobile l'homme est porté par une force innée à suivre son humeur, ses caprices, ses fantaisies et ses goûts, à se contredire sans cesse : la prudence refrène ce penchant et l'oblige à être conséquent avec lui-même.
Un égoïsme irrésistible nous incite à tourner tous nos efforts vers notre bien-être, sans nous préoccuper des droits du prochain: la justice nous force à rendre à autrui mathématiquement ce qui lui appartient. La tempérance, elle, règle et discipline le regard, la sensibilité, l'esprit, mesure les aliments et le breuvage et met à la gueule du plus fringant des appétits le mors de la chasteté.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA RECONSTRUCTION DU BONHEUR
( 1) Janvier — Morale générale, vol. IV, p. 30.
Mgr A. HARBOUR,
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Avides de lumière et d'évidence, la foi nous enferme dans les régions semi-obscures de l'autorité et de la croyance sur parole, tandis que l'espérance relègue dans un lointain indéfini la possession du bonheur, et que la charité a la prétention d'emporter le meilleur de nos tendresses vers un être que nous n'avons jamais vu, ni entendu et qui habite des hauteurs inaccessibles.
La vertu est-elle bien l'exaltation de la nature ou plutôt n'en est-elle pas le sacrifice et l'immolation ?
Pour bien saisir cette doctrine il importe de distinguer dans l'homme deux sortes de penchants ( 1 ) : « les uns que la vertu a mission de combattre, les autres qu'elle est chargée de développer. Les premiers ne sont pas nés de la nature saine, équilibrée, mais de sa corruption et de sa décadence ; s'abandonner à leurs caprices c'est se trahir soi-même, se livrer à un délire, à une folie, qui mène le corps et l'âme à la mort ».
N'est-ce pas là le trait saillant du tableau du monde aux jours de fausse prospérité?
C'est alors qu'aurait dû intervenir la vertu: sa fonction première étant d'apaiser la fièvre, d'arrêter les transports de ces penchants qui, laissés à leur emportement, sont délétères et destructeurs. Les liqueurs et les banquets ont tué plus d'hommes que la faim et la soif; la chasteté, qui réussit à imposer ses lois de retenue, travaille plus efficacement pour la conservation d'une race que tous les plaisirs, tous les amusements qui tourneraient à la débauche : et ainsi la vertu en bridant nos instincts maladifs nous protège contre les coups que nous sommes prêts à nous porter à nous-mêmes.
Elle ne s'en tient pas à ce rôle négatif. L'automobile qui ne serait pourvue que de ses freins ne sortirait certes pas de la route, mais elle n'y avancerait pas non plus.
( 1) Janvier — Morale générale, vol. IV, p. 30.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
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Aussi bien la vertu s'emploie à favoriser les bons penchants qui sont au cœur de l'homme. Si le mal ne triomphe jamais définitivement, si, aujourd'hui, après les victoires du mensonge, l'autorité de la tyrannie, la dépravation des mœurs, il reste une conscience qui fermente, une honnêteté qui se cabre, s'il est encore de la justice et de la charité, assez du moins nous l'espérons encore pour empêcher le monde d'exploser dans une conflagration universelle, c'est qu'en chacun de nous et dans nos sociétés, des énergies spirituelles défendent contre l'empire des ténèbres la lumière et le bien et qui s'appellent la vertu.
La merveilleuse paix qu'apporterait au monde la primauté de la vertu.
Vous êtes-vous jamais arrêtés à penser à la joie paisible et constante et féconde que serait la vie, si chacun prenait soudain, le même jour, la résolution de pratiquer la vertu, les dix commandements ... et la tenait.
Laissons-nous aller quelques instants à ce beau rêve.
C'est le matin qui s'annonce. Ça et là les mortels s'éveillent du repos de la nuit. Phénomène remarquable, tous sans une exception, à genoux au Maître du monde. Oui chacun prie, c'est l'ordre qui commence.
Les écoliers se pressent à leurs classes rivalisant d'entrain et de bonne humeur : personne n'ayant à mentir et à chercher de fausses excuses pour sa paresse. Les hommes de bureau, les employés des divers commerces traitent avec patience et aménité les affaires qui leur sont soumises, pendant que les travailleurs, pensant au juste salaire qui leur est alloué, prennent allègrement en main leur machine ou leur outil.
La maîtresse de maison peut aller faire son marché sans inquiétude: on n'essaiera de la jouer ni sur la qualité de la marchandise, ni sur le poids, ni sur le change qu'on lui rend. Aussi bien désormais les enquêtes sur ces sortes d'institutions en chaînes ou individuelles, seront-elles parfaitement inutiles. C'est la vertu qui règne.
Mgr A. HARBOUR,
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
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Les journaux paraissent encore mais ils sont pratiquement vides. Tout l'espace ordinairement pris par les crimes, les pseudo-accidents et les nouvelles à sensation est inoccupé. Le croiriez-vous, ils ne paraissent qu'à une ou deux pages et l'on n'y trouve que des choses édifiantes.
Avez-vous quelque épargne à placer, rien n'est plus facile, tout le monde est devenu honnête et la spéculation est abandonnée.
Chose plus extraordinaire, on ne trouve plus personne pour briguer les suffrages populaires: le nombre des échevins dans les villes et des députés par tout le pays est considérablement diminué et les électeurs doivent déployer une longue insistance pour décider quelques représentants à se laisser élire.
Aussi bien au lieu d'avoir des élections en perspective, nous assistons au spectacle inaccoutumé des chefs de partis s'offrant l’un à l'autre le pouvoir et chacun ayant recours aux arguments les plus vrais et les plus polis pour décider l'autre à accepter.
La police a été licenciée, la gendarmerie à cheval est désormais à pied et tout rentre dans la paix et la tranquillité, dans une honnête aisance et une médiocrité dorée!
C'est que, voyez-vous, une entente merveilleuse vient d'être signée et a commencé d'être appliquée, entre patrons et ouvriers, entièrement et parfaitement basée sur la justice et la charité.
Mgr A. HARBOUR,
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Le capitalisme n'est pas disparu parce qu'il faut bien laisser à l'homme qui travaille et qui entreprend un peu d'intérêt, et l'intérêt cela veut dire récompense et gain; mais il a été réorganisé intégralement sur les principes chrétiens de sorte que lorsque les frais généraux et les dépenses d'entretien sont payés, les propriétaires ou leurs représentants après avoir retenu ce qui convient à un juste dividende et à un salaire raisonnable et même généreux mais équitable aux directeurs, font participer tous les employés, d'après une échelle de proportion, aux bénéfices de l'entreprise.
Aussi tout le monde travaille, les heures sont plus courtes à la tâche, et les salaires sont tels que, grâce à l'économie et à la prévoyance, les ouvriers peuvent faire vivre leur famille convenablement et se mettre quelque chose de côté pour leurs vieux jours.
Les asiles de vieillards se transforment en d'autres institutions parce qu'il n'est plus personne pour les occuper, chacun ayant assez d'épargne pour finir ses jours dans une propriété modeste mais qui lui appartient, comme en ces jours heureux dont parle l'Ecriture, où chaque famille vivait de ses vignes et de ses figuiers et que semble traduire le poète quand il dit:
Heureux qui se nourrit du lait de ses brebis
Et de son propre lin fait filer ses habits
Qui ne sait d'autre fleuve que la Marne ou la Seine
Et croit que tout finit où finit son domaine.
Voilà un beau rêve, me direz-vous, un bel exercice d'imagination qu'il serait facile de prolonger encore en nos heures d'oisiveté. Eh bien, non, ce n'est pas un rêve, c'est la volonté sacrée de Dieu, et II nous a donné le secret du succès en nous enseignant par ses commandements à marcher dans la vertu.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Certes la vie terrestre n'est pas la félicité du ciel. Les souffrances, les maladies, la mort restent la punition de l'humanité déchue, mais l'observance de la loi divine de la vertu nous épargnerait du moins les multiples misères que nous nous attirons nous-mêmes. La vie humaine devient alors mieux que supportable. Content de son sort chacun serait heureux, car ne l'oublions pas, Notre-Seigneur n'est pas venu seulement pour le rachat de nos âmes, mais en plus il nous a laissé, pour diriger notre vie, des lois morales et sociales dont l'efficacité va jusqu'à assurer le bonheur relatif d'ici-bas.
Par un beau matin clair, sous le ciel d'Italie, un jeune homme récemment converti médite sur les malheurs de son temps: guerre et conflits, écrasement des faibles et des petits, luxe des grands, enfin la discorde et le péché.
Il entre dans une chapelle en ruine pour y prier. Là devant l'autel sans veilleuse, il se prosterne au pied du crucifix. Quelle inspiration demandait-il, quelle promesse allait-il faire? Mais avant qu'il n'ait encore rien formulé il entend par deux fois une voix mystérieuse et impérative qui lui dit : « Va François, et rebâtis ma maison laquelle, comme tu vois, menace de tomber en ruine ».
Et François se leva et de ses propres mains, de ses propres deniers et aussi avec l'aide de quelques-uns, il rebâtit la vieille église St-Damien.
Mais la voix se faisait toujours entendre sinon à l'oreille du moins au cœur du jeune homme.
Alors ayant tout quitté, ayant revêtu la bure du mendiant, il partit comme autrefois le divin Maître pour prêcher de la parole et de l'exemple. Il rebâtissait les temples vivants des âmes, il rebâtissait les invisibles constructions de cette véritable maison de Dieu qui est la chrétienté tout entière. C'était le grand François d'Assise qui établissait dans le monde un ordre nouveau!
Après tant de désastres accumulés, il va s'agir de rebâtir un jour ou l'autre.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA RECONSTRUCTION DU BONHEUR
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Comme le temple de St-Damien la société menace ruine: la façade donne illusion mais la construction entière est ébranlée; si un vent puissant se lève il va la renverser. Ses contreforts jonchent le sol, ses ornementations sont disparues, on discute de savoir si ses fondations sont encore solides.
La lampe du sanctuaire de la doctrine est bien basse, va-t-elle s'éteindre sous les assauts des sophismes de l'esprit et des passions du cœur?
Famille, propriété, profession, patrie, humanité : tout chancelle comme sur un chaos mal assuré où gronde l'anarchie.
« Debout, fils de l'Eglise, semble dire Notre-Seigneur, arme-toi de sacrifice, de vertu et de saine doctrine pour rebâtir la société.
« Rebâtis ma maison et la tienne, ouvrier mon frère, à qui j'ai donné l'exemple en me faisant ouvrier: sois consciencieux, économe et sobre.
« Rebâtis ma maison et la tienne, capitaliste, jusque-là trop ambitieux, rebâtis dans la justice sociale et dans la charité.
« Rebâtis ma maison et la tienne, homme public, et ne trahis plus la confiance qu'on a mise en toi.
« Rebâtis ma maison, chrétien, dans la vertu; épouse, dans la fidélité et le sacrifice; jeune homme et jeune fille, dans la continence.
« Au temps de François, quand les princes chrétiens se battaient entre eux, quand l'hérésie relevait la tête, quand les féodaux malmenaient leurs vassaux, ces prolétaires d'alors, quand le luxe des jouisseurs insultait à la misère des petits et des pauvres, quand le vice montait insolemment les marches du trône et même les degrés du sanctuaire et que ma maison menaçait ruine, j'en appelais aux bras et au cœur de mes fils.
« De même aujourd'hui, Sauveur du monde, du haut de ma croix du sacrifice; docteur de l'univers, du sommet de la Colline Inspirée du Vatican, je jette à tous les échos, à tous les espaces le même appel à la fois douloureux et confiant : Mon fils, mon fils, rebâtis ma maison, sur le fondement solide de la vertu.
« Puissiez-vous m'entendre, chrétiens et catholiques des temps modernes, et le monde encore une fois sera sauvé ! »
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
PAX VOBIS
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Nous avons vu, quelle doit être l'attitude du chrétien en face de l'épreuve. Elle se compose, si l'on peut dire, de deux temps: le premier où l'on accepte et se soumet; le second où sans se laisser abattre, ni décourager, l'on reprend à la lumière d'une grande leçon, les tâches de demain, le devoir de vivre et de continuer sa mission.
Et n'est-ce pas ce qui se passa au temps de Notre-Seigneur, chez ses apôtres et ses disciples, entre la mort et la résurrection du Maître?
C'était bien, pour tous ces hommes qui avaient quitté ce qu'ils possédaient afin de suivre Jésus, c'était bien, dis-je, l'épreuve par excellence que cette mort ignominieuse, désespérante, désastreuse de leur chef sur un gibet.
Qu'avaient-ils espéré? Qu'attendaient-ils des sacrifices qu'ils avaient faits pour Lui? Écoutez les réflexions des disciples d'Emmaüs. Rien ne nous montre mieux l'état d'âme de tout ce petit groupe d'adeptes de Jésus dans les jours qui suivirent sa mort et jusqu'au soir même de sa résurrection, que cet épisode raconté par saint Luc. L'évangéliste y apporte des détails si précis et une émotion si vraie qu'on a pensé, non sans motif, qu'il était l'un des acteurs mis en scène. ( à suivre...)
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
PAX VOBIS
Mgr A. HARBOUR,
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C'était donc le soir du jour de la résurrection. Deux disciples s'en allaient à un faubourg de Nicopolis appelé Emmaüs, à soixante stades (huit milles environ) de Jérusalem.
En chemin ils parlaient de ce qui s'était passé. Or pendant qu'ils s'entretenaient et conféraient là-dessus ensemble, Jésus s'approcha et il marchait avec eux. Mais quelque chose empêchait que leurs yeux ne le reconnussent.
En abordant les deux voyageurs, il leur semble être un des nombreux pèlerins étrangers venus à la Ville sainte pour la fête. — « De quoi vous entretenez-vous donc ainsi, tout tristes, en marchant ? » leur dit Jésus. L'un d'eux, nommé Cléophas, lui répondit : « Etes-vous seul si étranger à Jérusalem que vous ne sachiez point ce qui s'y est passé ces jours-ci ? »
Jésus paraît tout ignorer à dessein pour les amener à exprimer ce qu'ils pensent. « Et quoi donc ? » leur dit-il. — « Il s'agit de Jésus de Nazareth, prophète puissant en œuvres et en paroles, devant Dieu et devant le peuple. Les princes des prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort et ils l'ont crucifié. Nous espérions qu'il était celui qui délivrerait Israël et, en attendant, voilà trois jours que tout cela est arrivé ».
« Il est vrai, ajouta Cléophas, que quelques-unes des femmes qui sont avec nous, nous ont effrayés. Elles sont allées avant le jour au sépulcre, et elles n'ont point trouvé son corps; et elles sont venues nous dire que des anges leur ont apparu qui le disent vivant. Quelques-uns des nôtres, en effet, se sont rendus au sépulcre; ils ont constaté que les choses étaient telles que les femmes l'avaient dit; mais lui, ils ne l'ont point trouvé. »
Alors Jésus leur dit : « O insensés et de cœur lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît de la sorte et entrât ainsi dans la gloire ? » Et parcourant les prophètes, à commencer par Moïse, il leur interprétait ce qui concerne le Christ dans toutes les Ecritures.
Comme ils arrivaient près d'Emmaüs, Jésus que les deux disciples ne reconnaissaient toujours pas feignit de poursuivre sa route. Ils le pressèrent de s'arrêter, une force mystérieuse les enchaînant à lui : « Demeurez avec nous, lui disaient-ils, il se fait tard, le soleil baisse », et déjà les ombres s'allongent sur le chemin.
Il accepta leur hospitalité.
Or pendant qu'ils étaient à table, lui, l'hôte, dans une maison étrangère, il agit comme le chef de famille. Suivant l'usage, il prit le pain, il rendit grâce, il le rompit et le leur présenta, comme il avait coutume de faire avec ses disciples.
A ce moment leurs yeux s'ouvrirent; et, comme si un voile tombait, ils reconnurent le Maître. Mais il disparut aussitôt à leurs regards. Et les deux disciples se disaient l'un à l'autre, se communiquant leurs impressions: « Voilà donc pourquoi nous sentions nos cœurs tout transportés de joie pendant qu'il nous parlait en chemin et nous expliquait les écritures ! »
Sans tarder ils prennent la route de Jérusalem pour raconter aux autres disciples ce qui vient de leur arriver. Et pendant qu'ils sont là, faisant leur récit, les portes de la maison étant fermées par crainte des Juifs, Jésus vint, se tint debout au milieu d'eux et il dit à tous: « Pax vobis » — « La Paix soit avec vous. C'est moi, ne craignez rien ».
Les disciples retrouvent leur Maître bien-aimé. Ils le voient, ils lui parlent, ils l'entendent, ils le touchent, leur joie déborde.
Et lui, il leur réaffirme leur mission: « Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie » ; et Il leur donne le Saint-Esprit : « Recevez l'Esprit Saint », pour qu'ils puissent l'accomplir.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
PAX VOBIS
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Voyons maintenant, quels enseignements nous donnent les disciples et par leurs actes et par leurs omissions. Car ils demeurent bien humains ces apôtres du Christ et si les résultats de sainteté de leurs activités ont été admirables, ils ont connu comme nous, au cours de leur voyage ici-bas, des tentations, des faiblesses et des fautes.
Je voudrais que nous retirions de la méditation de cette page d'évangile une leçon de foi et de confiance. Et c'est par omission que les disciples d'Emmaüs nous l'ont donnée.
Voyez-les sur le chemin. De quoi s'entretiennent-ils? De leurs déceptions, de leurs espérances frustrées ! Sperabamus, « nous espérions », disent-ils, « que ce serait lui qui relèverait Israël ». Et nous avions tant de raisons ! semblent-ils ajouter. Et ils repassent ensemble les succès de Jésus, depuis le premier de ses miracles, en passant par ses grandes assemblées populaires, pour en finir par l'entrée triomphale de Jérusalem où on l'a proclamé roi en criant: Hosanna au Fils de David. David! le grand nom de leur royauté, le grand siècle de leur histoire!
Oh! oui, c'était un prophète puissant en œuvres et en paroles. Et nous n'avons pas à nous blâmer de lui avoir donné notre allégeance. Et pourquoi n'achèveraient-ils pas leur pensée: Qui donc ne se serait pas laissé tromper comme nous, à notre place?
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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