L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA DIVINE PROVIDENCE
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Mgr A. HARBOUR,L'épreuve, qui est un mot de la langue chrétienne, ne se comprend que par la foi. Pour accepter ce qu'il signifie — car il veut dire épuration de l'âme comme d'un métal dans le creuset — il faut croire d'abord à notre culpabilité, à notre besoin de pardon et c'est le dogme de la déchéance originelle; il faut croire aussi à la possibilité de notre rachat ou de notre réhabilitation et c'est le dogme de la Rédemption, c'est la passion du Christ, c'est la croix, c'est la souffrance : et tout cela parce que nous croyons que tout ne finit pas avec les jours de notre vie terrestre, mais que la vraie vie, juste, large, satisfaisante, complète, éternelle, infinie, c'est la vie future.
Voilà ce qu'on pourrait appeler les abords du mystère de l'épreuve, car cela reste un mystère. Sans cette vue de foi, l'épreuve serait une injustice et rien de plus, et la souffrance une malédiction sans issue comme sans explication. Mais du moment que nous nous rappelons que Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, sage et puissant comme son Père, n'a rien pu trouver de mieux pour nous racheter que la souffrance, force nous est bien d'admettre que la souffrance est une grande chose, presque divine, sur la terre, et la parole de saint Paul devient notre devise : « Je complète dans mes membres ce qui manque à la Passion du Christ ». D'ailleurs nous sentons bien, quand nous avons eu des torts, la grande satisfaction qu'il y a à réparer et cela nous ouvre comme une fenêtre sur le dogme de notre déchéance originelle.
C’est par un autre aspect que je voudrais tout en tenant compte de ces données, — que je voudrais envisager le problème du mal sur la terre, c'est-à-dire sous l'angle surnaturel et chrétien de la Providence du bon Dieu.
Dieu a créé le ciel et la terre et tout ce qu'ils contiennent. Toutes ces créatures qu'il a placées dans l'existence il les y conserve, il concourt à leurs actes, il les gouverne, c'est-à-dire que par une action appropriée et quelles que soient leurs résistances, leurs révoltes et leurs fautes, comme dans le cas de l'homme par exemple, il les oriente chacune vers sa destinée, sa fin, et leur fournit les moyens nécessaires pour y atteindre.
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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LA DIVINE PROVIDENCE
Mgr A. HARBOUR,
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C'est ce que nous appelons la divine Providence et cela veut dire le soin que Dieu prend de nous et de toute son œuvre créée.
Qu'il en soit ainsi, que cette proposition « Dieu s'occupe de nous » soit vraie, cela ne peut même faire l'objet d'un doute pour nous chrétiens et catholiques. L'Eglise officiellement en a fait un dogme de foi : « Dieu gouverne et protège l'ensemble et chacune de ses créatures, dit le Concile du Vatican; il les gouverne par sa Providence qui le fait arriver à ses fins avec une force invincible, tout en disposant des moyens avec une grande douceur ». Et le saint Concile s'exprime ainsi pour employer les expressions inspirées du livre de la Sagesse. Nos saintes Lettres d'ailleurs multiplient les enseignements en ce sens : « On jette les sorts, lit-on dans les Proverbes, mais c'est Dieu qui décide » ; ou encore : « L'homme médite sa voie, mais c'est Dieu qui dirige ses pas ». Enfin, dit l'Evangile: «Celui qui ne permet pas qu'un passereau manque de nourriture s'occupe de vous à bien plus forte raison; il sait le nombre des cheveux de votre tête ».
Et voilà pourquoi nous croyons à la Providence : c'est parce que les livres inspirés nous apprennent son existence, c'est parce que renseignement infaillible de l'Eglise catholique ne permet pas d'en douter.
Mais encore nous admettons cette doctrine parce qu'elle est extrêmement raisonnable et la plus satisfaisante pour les exigences de notre esprit, quand elle est bien comprise.
Et à quoi bon chercher des raisons abstraites pour prouver l'existence d'un fait que nous pouvons constater directement. Qui osera nier l'ordre du monde extérieur que régit l'ensemble de ses lois (Farges, «Idée de Dieu», p. 499) : « lois qui gouvernent la course gigantesque des astres dans l'immensité des cieux; lois qui président aux mouvements des atomes, aux groupements des molécules dans la formation des cristaux; lois qui régissent l'évolution embryonnaire des germes végétaux ou animaux et qui développent la richesse et la beauté de leur structure organique ».
Et je ne pourrais certes mieux faire ici que de citer la magnifique paraphrase par Bossuet d'une page de l'Évangile selon saint Luc, à ce sujet (Bossuet, Vol. IX, p. 16) : « La puissance suprême de Dieu qui a construit le monde, dit-il, et qui n'y a rien fait qui ne soit très bon, a fait néanmoins des créatures meilleures les unes que les autres. Elle a fait les êtres célestes qui sont immortels, elle a fait les corps terrestres qui sont périssables; elle a fait des animaux qui sont admirables par leur grandeur, elle a fait les insectes qui sont méprisables par leur petitesse Elle a fait ces grands arbres des forêts qui subsistent des siècles entiers; elle a fait les fleurs des champs qui passent du matin au soir. »
« Elle nourrit les oiseaux qui l'invoquent dès le matin par la mélodie de leurs chants; et ces fleurs dont la beauté est si tôt flétrie, elle les habille si superbement durant ce petit moment de leur être que Salomon dans toute sa gloire n'a rien de comparable à cet ornement. »
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
« Vous, hommes qu'il a faits à son image, qu'il a éclairés de sa connaissance, qu'il a appelés à son royaume, pouvez-vous croire qu'il vous oublie et que vous soyez les seules créatures sur lesquelles les yeux toujours vigilants de sa providence maternelle ne soient pas ouverts. » Est-ce que vous ne valez pas bien plus que tout cela?
Et comment, en effet, Dieu pourrait-il nous négliger, après avoir donné ses attentions au reste de la création, sans manquer de la façon la plus évidente à ce qu'on est en droit d'attendre de sa sagesse infinie.
Mais il s'occupe de nous, ne l'oublions pas, en tenant compte de l'ordre existant, en tenant compte de notre liberté, des fautes qui en ont découlé et de la rédemption que Notre-Seigneur est venu apporter au monde et que nous avons ou que nous n'avons pas voulu recevoir. Et voilà un des grands obstacles sur lesquels est venu échouer la courte philosophie d'un bon nombre. Ils ne comprennent pas les desseins de Dieu et leur suffisance et leur manque de foi sont cause que Dieu ne daigne pas les leur révéler.
Pour plusieurs, en effet, (Bossuet, Vol. IX) la disposition des choses humaines est semblable à certains tableaux que l'on montre dans les musées d'objets curieux, ou encore à certaines images imprimées sur les journaux pour amuser et distraire: casse-tête ou rébus pour la solution desquels on offre des prix et des récompenses.
« A première vue on n'aperçoit que des traits informes et un mélange confus de couleurs qui semblent être l'effet de quelque apprenti ou le jeu de quelque enfant plutôt que l'ouvrage d'un maître. Mais aussitôt que celui qui en sait le secret nous le fait regarder par un certain endroit, toute la confusion se démêle et vous voyez apparaître une figure avec ses lignes et ses proportions, où l'on n'apercevait auparavant aucune apparence de forme humaine. C'est l'image du monde, de sa confusion apparente, dont l'ordre et la justesse nous restent cachés tant que nous ne les regardons pas sous un certain aspect, qui est celui de la foi et de l'humilité. »
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Et voilà l'aspect sous lequel il faut envisager la vie humaine, l'angle surnaturel qui nous fera apercevoir Dieu et sa Providence, sa bonté et sa sagesse, et qui par une conséquence inéluctable entretiendra en nous, quoi qu'il advienne, l'espoir en Dieu.
Car il faut bien se rendre compte que c'est de ce côté que nous vient la tentation de dire: Mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné? Jusque-là nos plaintes sont permises, mais des fois elles prennent la forme et l'accent du blasphème. « Si Dieu était bon, ose-t-on dire, il ne permettrait pas tant de douleurs », ou encore, ce qui revient au même : « S'il y avait un Dieu dans le ciel, il n'abandonnerait pas l'humanité à tant de fléaux ».
C'est le grand problème du mal dans le monde, mal physique, mal moral: tous les défauts, toutes les infirmités, toutes les angoisses, toutes les larmes, toutes les fautes, tous les péchés. Problème extrêmement délicat parce que nous souffrons quand nous en abordons l'étude, et la souffrance nuit à la sérénité de nos jugements; problème difficile parce que malgré toutes nos explications il y restera bien toujours un abîme insondable, un mystère.
Abordons-le tout de même, sans inquiétude et de bonne foi ; nous réussirons peut-être à le retourner et à le présenter par un aspect qui, s'il ne plaît pas toujours à notre sensibilité, sera acceptable pour notre droite raison.
Et je remarque d'abord, qu'au fond même de nos murmures il y a encore une pensée de foi. Si le mal nous scandalise, si la souffrance nous déconcerte, c'est que nous sommes persuadés que le monde vient d'une Puissance bonne et qui s'achemine vers le bien, mais par quelles voies déconcertantes à notre faiblesse et mortifiantes à notre sensibilité!
Et puis il faut pénétrer dans cette étude avec les dispositions d'esprit qu'exigent notre condition et nos moyens d'enquête, ce qui veut dire avec une profonde humilité et un abandon complet au souverain domaine de Dieu.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Je suppose qu'un ouvrier dans ses loisirs se fabrique un escabeau pour ses pieds, qu'une ouvrière taille dans des restes un coussin pour son divan, c'est leur droit. Et quels que soient les usages auxquels ils emploient ces objets, est-ce que ceux-ci auront la ridicule prétention de s'écrier: rendez-vous des comptes, expliquez-vous, justifiez-vous. Pourquoi nous traitez-vous de la sorte? Au nid de fourmis où grouillent des centaines d'êtres vivants et que vous écrasez sous votre botte, avez-vous jamais songé à donner des raisons?
Je veux bien concéder que nous sommes des êtres supérieurs, munis par le Créateur, d'intelligence, de volonté et de liberté, mais Dieu demeure quand même notre Maître absolu et cette intelligence et cette liberté ne nous en sommes-nous pas servi pour nous attirer les maux dont nous nous plaignons. Au lieu d'être des objets dociles et, après tout, innocents, ne sommes-nous pas, admettons-le, des révoltés?
Et pour porter la question sur le terrain qui nous obsède, si Dieu conversait avec nous sur le ton de nos discussions humaines, il commencerait par retourner le reproche à certains de ceux qui le lui adressent: Vous vous scandalisez de ce que je n'ai pas empêché la guerre, dirait-il, mais vous-mêmes pourquoi l'avez-vous permise, organisée, voulue, déclarée, pourquoi la faites-vous? Ah! non, ce n'est pas à Lui qu'incombe la responsabilité de la guerre mais à nous, à nos fautes qui l'ont rendue inévitable. N'accusons pas la Providence de nous avoir abandonnés alors que nous-mêmes n'avons pas veillé sur nous comme il l'aurait fallu. Dans les jours heureux l'homme n'a plus besoin de Dieu. Il entend se suffire. Il se protégera tout seul. Et quand l'épreuve s'abat sur lui, précipité du haut de sa présomption dans l'abîme de sa misère, au lieu de reconnaître ses fautes, il veut que ce soit celle de Dieu. N'ayant pas pensé à lui pour l'invoquer et le reconnaître, il ne se souvient de lui que pour l'accabler de reproches et le blasphémer.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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(1) T. de Poncheville.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Quelle que soit la valeur de la doctrine que nous venons d'exposer, elle ne contient que des travaux d'approche, si l'on peut dire, et des réponses de circonstance. Nous ne sommes pas encore au cœur du problème du mal. Car la vraie question qui s'agite ici est celle qu'on retrouve au fond de tant d'autres débats: pourquoi Dieu permet-il que l'homme devienne l'artisan de son propre malheur? S'il est notre Père, s'il sait et prévoit tout, s'il nous aime, comment peut-il laisser ses fils s'entre-déchirer ?
La réponse à cette question la voici: c'est que Dieu, pour notre bien, nous a fait un don magnifique qui est à la base de toute notre grandeur, la liberté, que nous pouvons en abuser et que nous en abusons pour notre malheur.
Si nous avions reçu de la nature des dispositions tellement déterminées au devoir que nous ne puissions pas choisir autre chose, de nombreuses souffrances nous auraient été évitées. Plus de conflits organisés entre les peuples, plus de guerre. Jamais nous n'avons entendu dire que tous les loups d'un pays ont fait une alliance avec telle autre espèce pour s'emparer de la suprématie de certains grands territoires ! Nous aurions été comme eux ! mais au prix de quelle déchéance !
Le bon Dieu a eu pour nous une grande ambition. Il a eu confiance en nous. Il a remis entre nos mains la direction de notre conduite. Nous avons reçu de lui ce privilège splendide qui élève le plus petit des hommes incomparablement au-dessus de l'univers : la liberté de notre action, c'est-à-dire la force de nous porter librement, spontanément vers notre fin comme aussi de nous en éloigner, la force d'obéir ou de résister, de dire : « que votre volonté soit faite », ou bien : « je ne servirai pas ! »
Si nous nous écartons de la route que Dieu nous a tracée et que nous devons suivre librement et qu'il nous arrive un accident, ne nous en prenons pas à celui qui nous a faits libres, mais à nous qui faisons mauvais usage de ce grand bienfait. Je prête un instrument, un outil à quelqu'un pour qu'il accomplisse plus facilement son travail, et il s'en sert pour blesser, pour tuer un ennemi, suis-je responsable? Et ferai-je mieux de ne plus rendre le même service à personne, pour éviter que jamais un accident ne se produise?
Qui a jamais pensé à tenir Dieu responsable d'une blessure causée par un maladroit ou d'un crime commis par un bandit qui abuse de sa force? Sa responsabilité n'est pas davantage engagée dans les catastrophes dues à l'action perturbatrice de notre volonté en révolte. (1)
(1) T. de Poncheville.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
La guerre est un des effets nombreux de notre libre arbitre mal inspiré. C'est notre guerre. Ce n'est pas Dieu qui l'a déclarée: ce sont les hommes — quelques-uns plus que d'autres évidemment — qui l'ont voulue en faussant son plan, en désorganisant son œuvre par leurs péchés.
Maudirons-nous pour cela l'honneur qu'il nous fît en mettant la liberté dans notre berceau? L'inventeur de l'aéroplane nous a dotés d'une paire d'ailes qui accroissent magnifiquement notre puissance. Du même coup, il a multiplié nos causes d'accident et nos chances de mort. De même de l'automobile.
Toute force a ses périls. La liberté, force d'ascension sublime, a ses dangers. Mieux vaut cependant l'avoir avec tout cela que d'en être privés, notre grandeur est à ce prix.
Allons-nous nous plaindre d'être libres? Nos critiques auraient-elles été moins amères si nous avions été faits esclaves?
Mais il est dur, parfois, de raisonner droit et d'en subir les conséquences. Aussi bien essayons-nous, par intérêt, de nous raccrocher à quelque tempérament d'une liberté que nous ne sommes pas loin de trouver exagérée, parce que nous avons à souffrir de ses écarts.
Dieu, nous disons-nous, ne pourrait-il pas prévenir les abus de notre liberté? Nous resterions libres, sans doute, mais sa bonté nous arrêterait à temps quand nous serions sur le point de dépasser les limites, de faire la guerre par exemple.
Voilà une solution par trop simpliste de la difficulté qui ne résiste pas à la réflexion. Elle suppose le miracle installé en permanence dans notre vie. Ce n'est plus le jeu des actes humains qui fonctionne, ce n'est plus la déduction de nos activités, ce ne sont plus les effets des principes que nous avons posés: rien de tout cela et nous voici comme des enfants en tutelle ou des jouets mécaniques qui vont jusque-là et ne vont pas plus loin. Nous ne serions plus libres qu'en théorie; en pratique, Dieu reprendrait en main le gouvernement de nos actes. Vraiment il serait plus franc d'y renoncer tout à fait.
Sans compter, que le jour où cette sauvegarde absolue de la Providence nous serait assurée, nous n'aurions plus à nous prémunir' contre le danger de nos agissements désordonnés ni contre les dommages que peuvent nous causer les maladresses ou la mauvaise volonté d'autrui. Dieu y veillerait! Chacun pourrait se laisser entraîner par l'orgueil, la haine, la volupté, à tous les excès, Dieu l'arrêterait à temps! Les peuples comme les individus, grâce à cette perpétuelle protection, se sentiraient encouragés à la paresse, à la lâcheté, à l'imprévoyance, et d'ailleurs à quoi bon s'en préoccuper puisque leurs provocations, leurs violations du droit, ne dépasseraient jamais une certaine limite ? Théorie qui ne ferait que des jouisseurs et des fatalistes et qui, si elle compromet le concept de la liberté dans le domaine des idées, en rend l'application futile et même impossible dans le domaine des faits.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Pour nous préserver non pas de l'épreuve en général puisqu'elle fait partie de l'œuvre rédemptrice mais des grands fléaux que nous nous attirons, que nous nous forgeons nous-mêmes, la guerre par exemple, un autre plan s'offrait plus digne de Dieu et de nous: imposer aux hommes une règle de conduite dont l'observation loyale procurerait spontanément leur concorde et leur bonheur.
Ce fut le plan du Créateur. Il nous a donné, de fait, des lois qui devaient nous assurer une paix sans trouble et dont nous aurions eu nous-mêmes le mérite. Ce programme de vie heureuse, ébauché dans les Tables de la Loi ou le Décalogue, s'est complété dans l'Evangile.
Vous le savez par cœur. Un soir avant de vous retirer dans le sommeil, faites-en l'inventaire à tête reposée, et demandez-vous lequel des commandements de Dieu a causé la guerre: « Tu ne tueras pas...» « Tu ne mentiras pas...» « Tu ne prendras pas le bien d'autrui...» « Adore ton Créateur ...» « Honore tes parents, tes supérieurs...» « Aimez-vous les uns les autres ...» Ainsi a parlé l'Eternel, le Dieu des nations.
Qui donc accuserait Dieu d'avoir permis la guerre? Il ne l'a pas permise, il l'a défendue. Si les nations s'étaient conformées à ses commandements, la guerre serait inconnue parmi elles.
Mais tout le mystère de l'Incarnation apparaît, à qui veut le pénétrer par la réflexion, comme une sublime intervention en faveur de la paix! Le Fils de Dieu est venu réconcilier la terre avec le ciel et sur la terre les hommes entre eux. Sa prédication leur a appris qu'ils sont frères ayant tous reçu leur âme du même Père qui est dans les cieux. Son baptême les a rapprochés davantage. Il leur a donné sa chair comme nourriture.
Son Evangile leur a prêché la bonté, la douceur, l'indulgence, le renoncement, l'exemple éclatant de sa vie et de sa mort les a invités à l'oubli des injures, à la générosité, au sacrifice. Il a élevé la croix au milieu de leurs querelles dans un grand geste de réconciliation et il a dit : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ».
Se peut-il concevoir un programme plus complet et plus efficace pour réduire peu à peu les violences de l'égoïsme d'où jaillit la guerre? Si la sagesse des hommes s'était faite, depuis dix-neuf siècles, la collaboratrice de cette entreprise bénie, que de déchirures eussent été épargnées à notre coeur et à notre chair! Sur l'arbre de l'Evangile le fruit de la paix aurait déjà mûri.
Mais notre société contemporaine, pour une grande partie révoltée contre Dieu, n'a pas voulu des directions du Christ. Le Maître, elle l'a nié, prétendant ne relever que d'elle-même Et vous voyez où elle en est venue.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Un peintre a représenté sur la toile une vision d'une émouvante vérité. C'est un champ de bataille au soir d'un grand engagement. La terre est jonchée de cadavres et de blessés couverts de sang. La tranquillité règne maintenant où a sévi le bruit de la mitraille. Un grand crucifix domine la scène. Les yeux attristés, le Christ laisse tomber de ses lèvres un cri de reproche et de pitié: Et moi, qui vous avais dit de vous aimer les uns les autres!
Ah ! ne nous plaignons pas à Dieu de la guerre, c'est Lui qui serait en droit de s'en plaindre à nous: Qu'avez-vous fait des promesses et des ressources d'harmonie apportées au monde par mon amour? Qu'avez-vous fait de mon Règne qui devait rendre vos âmes miséricordieuses et loyales vos relations: ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qui vous fut fait à vous-mêmes.
Par votre refus de vivre en chrétiens, la haine tourmente toujours mon œuvre, mon nom y est blasphémé, et vous-mêmes, loin de moi, vous continuez de vous entre-déchirer !
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Un jour Notre-Seigneur venait vers sa ville; c'était à l'occasion de son entrée triomphale, et quand il aperçut, de loin, Jérusalem, il pleura sur elle et dit : Ah ! si du moins en ce jour qui t'est donné tu reconnaissais ce qui peut te donner, te rendre la paix!
Puissions-nous, à notre tour, entendre cette invitation. Car elle peut se fermer la plaie sanglante ouverte au flanc de l'humanité. C'est notre espérance et elle n'est pas sans fondement.
Dans sa grande encyclique sur la reconstruction du monde, le grand Pape, d'illustre mémoire, dont l'ombre illuminatrice plane encore sur l'Eglise, Sa Sainteté Pie XI, nous a appris que la réforme du monde dépend de la réforme des consciences. En effet, une profonde transformation morale seule nous ferait échapper au péril de la guerre, de toutes les guerres. Les consciences soumises à leur loi; les cœurs rapprochés par un vrai parti-pris de sympathie fraternelle; l'humanité unanimement rangée à son devoir; chacun de ses fils poursuivant, en son emploi particulier, le progrès de l'ensemble; chacun de ses peuples concourant à l'harmonie générale: à cette condition nous vivrions sans heurts.
Cette réforme est immense; est-elle réalisable? Ce fut notre prétention, il y a quelques années quand nous avons prêché ici même le retour au règne de Dieu et la nécessité d'une rénovation chrétienne. Nous avons conclu avec Sa Sainteté Pie XI, de très illustre mémoire: « A cette crise douloureuse il n'est de remède efficace que dans un franc et sincère retour à la doctrine de l'Evangile, aux préceptes de Celui qui a les paroles de la vie éternelle, ces paroles qui demeurent quand bien même le ciel et la terre viendraient à périr ».
C'était la solution du problème quand il s'agissait de la restauration sociale et c'est encore le remède maintenant qu'il est question de la paix du monde. Oh ! si tu savais quel est Celui qui peut vous donner la paix!
Mais peut-être me direz-vous que la veilleuse de l'espérance est bien basse et qu'un nouveau coup de vent suffirait à l'éteindre. La réponse à ce doute est dans la récente encyclique de Sa Sainteté Pie XII : « Le Christ-Roi, dit-il, n'est jamais si proche que dans l'heure de l'épreuve qui est l'heure de la fidélité ».
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Écoutez plutôt cette belle, cette magnifique histoire du livre des Machabées : « Lorsque nos pères furent amenés en Perse, les prêtres pieux de ce temps-là ayant pris du feu de l'autel, le cachèrent en secret dans le creux d'un puits desséché et ils l'y mirent si bien en sûreté que ce lieu demeura ignoré de tous. Après beaucoup d'années, lorsque tel fut le bon plaisir de Dieu, Néhémie renvoyé en Judée par le roi de Perse, fit rechercher le feu par les descendants des prêtres qui l'avaient caché; mais comme ils racontèrent qu'ils n'avaient pas trouvé de feu mais une eau épaisse, il leur dit d'en puiser et de lui en apporter. Puis quand on eut mis sur l'autel les choses nécessaire au sacrifice, Néhémie ordonna aux prêtres d'asperger de cette eau le bois et ce qui était dessus. Cet ordre ayant été exécuté et le moment étant venu où le soleil jusque-là couvert de nuages, resplendit, un grand brasier s'alluma de lui-même en sorte que tous furent dans l'admiration. »
Malgré tant d'indifférence que nous constatons malheureusement sur la terre, le feu sacré de la loi et du surnaturel n'est pas disparu de ce monde. Il est caché quelque part; en certains endroits, il est si méconnaissable, une telle couche d'athéisme ou de naturalisme ou de racisme le recouvre qu'il se trouve comme au fond d'un puits.
Mais quand ce sera le bon plaisir de Dieu, il reparaîtra au grand jour, il s'enflammera en un brasier qui fera l'étonnement du monde. Il éclairera, il réchauffera encore les âmes des hommes. Car il n'est personne qui puisse l'éteindre. Il participe des prérogatives du Christ-Roi qu'il représente : à lui le commandement, à lui la victoire, à lui la suprématie: Christus vincit, Christus imperat, Christus regnat!
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA DIVINE PROVIDENCE
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Quand le tumulte de la guerre cessera et que les peuples auront déposé les armes, il se fera un moment de stupeur. Ils se demanderont comment tout cela fut possible! La paix qui n'était plus qu'un souvenir, caché lui aussi quelque part, resplendira au grand soleil. C'est qu'ils iront chercher Dieu pour en faire le témoin de leurs nouveaux engagements.
Les démonstrations éclatantes de quelque Congrès Eucharistique International serviront peut-être de cadre et d'inspiration à une ère nouvelle de prospérité. De leurs champs de bataille encore fumants, les hommes de guerre viendront s'agenouiller devant une Hostie pour apprendre d'elle à se réconcilier.
Ce jour-là, que nous souhaitons très prochain, les hommes n'auront plus de plaintes à formuler contre la Providence du bon Dieu, car ils seront heureux. Ils se souviendront encore des maux qui les auront menacés et un hymne de reconnaissance montera de leur cœur envers le Dieu juste et miséricordieux qui, malgré leurs fautes et leurs récriminations, mais en considération de quelques âmes justes, aura bien voulu leur rendre les bienfaits et la douceur de la paix terrestre en attendant le bonheur illimité de la paix du Ciel.
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA VOLONTÉ DE DIEU
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
La foi en la Providence conduit, de soi, à la soumission à la volonté de Dieu.
Si nous croyons vraiment que Dieu s'occupe de nous, qu'il prend soin de chacun des êtres qu'il a créés et qu'il est pour nous, les hommes, chefs-d'œuvre de sa création, non seulement un maître mais un père, nous nous abandonnerons avec confiance à sa conduite, même si nous ne comprenons pas bien pourquoi il nous traite de telle ou telle façon.
Rien de plus raisonnable que ce que je dis en ce moment, mais parfois rien de plus difficile, de plus dur! A tête reposée, il est facile d'ordonner sa vie d'avance en rapport avec les données de la logique et de la foi, et de faire les projets les plus riants comme les plus droits, les plus soumis comme les plus loyaux, les plus nobles et les plus glorieux. La vie ressemble à une excursion qui de loin nous enchante: l'on verra des pays merveilleux, il y aura le grand air, le soleil, le déploiement de ses forces, de son endurance et de ses activités. Mais il arrive que parfois le soleil ne se montre pas, le ciel est gris, il bruine et il fait froid, les forces nous abandonnent et il faut marcher quand même! C'est l'épreuve, c'est la vie de l'homme sur cette terre de misère.
Quand on est jeune l'on a des ambitions, des rêves : l'on s'imagine que ce que tant d'autres n'ont pas réussi à accomplir il va suffire de notre venue aux affaires pour le réaliser. Et c'est très beau cet idéal de la jeunesse. Il ne faut pas souffler sur cette flamme pour l'éteindre, mais juste assez pour l'activer. D'ailleurs les années se chargent et bien vite de nous démontrer que si la critique est facile l'art est malaisé! C'est déjà une première épreuve.
Plus tard ces mêmes ambitions nous reviennent avec plus d'âpreté. L'on sent que le temps passe et l'on voudrait avoir son tour aux fonctions qui comportent le pouvoir, les ivresses du gouvernement de ses semblables et les honneurs, ce dernier colifichet de mains qui ne savent plus peiner. Si l'on y arrive, c'est bien souvent la déception à courte échéance car sur les rosiers du commandement comme sur ceux de nos jardins l'épine ne tarde pas à paraître à côté de la fleur, elle y demeure même encore quand feuilles et fleurs sont tombées. Et si l'on n'y parvient pas, l'on accuse la fortune et le sort d'être aveugles, tandis qu'on s'attribue la perspicacité de découvrir partout le culte de l'incompétence, et l'on en conclut qu'il ne sert à rien de travailler, de se préparer, de se spécialiser même, puisque tout doit sombrer dans l'improvisation. C'est le pessimisme de l'âge mûr. D'ailleurs les forces diminuent, la santé s'ébranle et l'on se rend compte que les rêves étaient des chimères; les efforts, des combats contre des moulins à vent, et que la chance s'est moquée de nous qui méritions ses bonnes grâces tandis qu'elle est allée cajoler et combler des personnages de comédie. Je ne dis pas que tout soit faux dans ces sombres réflexions, mais je répète, après l'enseignement de la foi, que telle est la vie de l'homme dans la poursuite des biens de cette pauvre vie. Et c'est encore une grande épreuve.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Mgr A. HARBOUR,
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N'existe-t-il donc pas pour notre encouragement un autre idéal? N'y a-t-il pas quelque part une autre doctrine qui récompense la bonne volonté même sans le succès, où tout effort compte? Ah! quelle joie de n'être pas jugé par les hommes et à l'aune si courte de leur insuffisance.
Heureusement que Dieu existe et que nous croyons en lui. Il est la grande pitié, il est la grande bonté. Il nous a dit que la justice n'est pas de ce monde, que la vraie rétribution des mérites se fera dans une autre vie dont celle-ci n'est que le préambule, et qu'elle s'achète cette vie, cette récompense de l'au-delà par les déceptions, les injustices, les épreuves, les renoncements de la vie présente. Il cherche toute âme droite, tout cœur vaillant au travail. Il regarde d'un œil bienveillant la préparation que vous donnez à votre âme et comblera de béatitude ces abîmes de réceptivité que creusent chaque vertu, chaque effort. Il pardonne les aveuglements de l'esprit. Il pardonne les faiblesses du cœur. Il n'a été sévère que pour les hypocrites. Tous les autres, il les attire à lui, particulièrement ceux qui ont été bons, bons malgré qu'on les négligeait, bons malgré qu'on les entourait de malveillance et qu'on leur préférait des guignols et des marionnettes : Venez les bénis de mon Père, venez recevoir votre récompense!
Nous pénétrerons davantage dans l'intelligence de la Providence à la fois, de l'épreuve et de la soumission à la volonté de Dieu si nous comprenons mieux la distinction profonde qui existe entre les vrais biens et les faux, ceux qui n'ont du bien que les apparences.
S'il est difficile de voir clair dans tout l'enchevêtrement de la conduite du monde parce que toute cette question est dominée par deux grands mystères, la liberté de l'homme et la sagesse infinie de Dieu, il y a, du moins, une couple de choses qui sont sûres : c'est que, premièrement — et nous en avons assez l'expérience — la justice n'est pas de ce monde; et, en second lieu, c'est que, en vertu des exigences les plus absolues de la nature divine et de la nature humaine, la justice doit avoir, il faut que la justice ait le dernier mot
Non, la justice n'est pas de ce monde. Et les terribles événements qui se déroulent sous nos yeux ou du moins à notre connaissance, donnent un relief colossal à l'expérience de tous les temps. Les ruines, les douleurs, les mutilations, les morts que la guerre entasse ne sont pas distribuées au prorata des fautes commises et des responsabilités encourues mais, dans bien des cas, en sens inverse. Et même on peut dire que la principale compensation que trouvent les justes c'est précisément l'attente de cette justice qui doit venir à son heure.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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(1 ) Eymieux, " Les buts de Guerre de la Providence ".
Mgr A. HARBOUR,
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C'est que la terre, si elle est le temps ou plutôt le lieu où le mérite s'élabore, n'est pas celui où il se sanctionne; c'est que si elle est la scène où se déroule le premier acte du drame de la liberté, elle n'est pas du tout celle où le dernier acte se dénouera dans la pleine justice et dans la splendeur définitive de l'ordre triomphant.
Alors il peut se faire et il arrive que et que nous appelons vérité sur la terre soit erreur en réalité, et que ce que nous appelions des biens soient en définitive des maux.
Les biens, pour ceux qui ne vivent que de ce monde, c'est tout ce qui flatte nos sens, notre goût des jouissances, nos passions, nos plaisirs, nos ambitions : mais les biens de cette qualité restent en ce monde et l'âme du pécheur en passant par la mort les emportera comme des souillures qui ne trouveront plus de l'autre côté le sang- du Christ pour être lavées.
Le vrai mal de l'homme c'est la privation de Dieu parce que c'est le mal définitif, éternel. Alors les vrais biens, les vraies richesses, sont ceux qui peuvent satisfaire nos vrais besoins, ceux qui peuvent le jour venu nous acheter notre part de bien infini et d'éternel bonheur. Ce sont nos mérites. Seuls ils ont cours dans la patrie vers laquelle le temps nous emporte. (1)
A cette lumière, peut-être, la soumission aux décisions de la Providence, la soumission à la volonté de Dieu nous paraîtra-t-elle un peu plus facile et, disons-le, franchement, car l'épreuve à certains jours va jusque-là, un peu moins révoltante.
Elle éclaire du moins sous son véritable jour le fameux problème de la prospérité des méchants, dont il faut sans cesse démasquer le sophisme. Qu'ont-ils donc en partage? Les plaisirs peut-être? Oui, il y a des plaisirs qui ne sont que pour eux : tous ceux qu'on ramasse dans le péché !
Ont-ils plus de richesses? Oui, quelquefois et souvent même on doit le dire. Et cela s'explique: la conscience ne les gêne pas dans leur poursuite. Peuvent-ils compter sur une vie plus longue? Ce n'est pas impossible encore que cela arrive rarement.
(1 ) Eymieux, " Les buts de Guerre de la Providence ".
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Tout le secret, toute l'explication de cette question de prospérité terrestre tient dans un mot et le voici : ils en prennent les moyens. Oui. Ils se font des biens de la terre le seul but à conquérir, ils y mettent tout leur rêve, toute leur science, tout leur effort; ils y subordonnent tout, ils y sacrifient tout: l'ardeur de leur vouloir et l'efficacité des moyens; et ils y réussissent parfois, assez souvent même, au moins pour un temps.
Ce mot est à retenir, « au moins pour un temps ». Écoutez bien cette réflexion d'un romancier profane et même très profane, si l'on peut dire : « Pourquoi, se demande-t-il, voit-on le mal l'emporter si souvent sur le bien ? » Et il répond : « C'est parce qu'on ne regarde pas assez longtemps ! » Pour peu qu'on regarde assez longtemps, en effet, on voit dans une sinistre évidence que le péché i.e. le mépris de la morale a répandu sur l'humanité, même au point de vue des seuls intérêts de ce monde, incomparablement plus de maux que de biens.
Il a édifié quelques fortunes qui ont fait du bruit ; mais il en a dilapidé un bien plus grand nombre. Et vous pourriez, j'en suis sûr, mettre ici des noms, et je le pourrais comme vous, des noms d'hommes qui du faîte de leurs millions ont méprisé et défié toutes les lois, celles de la morale individuelle et familiale et sociale, pour se ramasser un beau matin dans la pauvreté et la misère. Je sais bien qu'il y a des fortunes honnêtes qui ont sombré en ces dernières années, mais je dis et répète que, même en cette vie, le bonheur ne s'attarde pas toujours au foyer des méchants. Le grand économiste LePlay, après l'enquête la plus minutieuse et la plus étendue sur nos sociétés modernes, a pu établir comme une loi de sociologie, que la morale est pour les familles et pour les peuples, la première condition de la prospérité.
L'égoïsme, la lâcheté, la peur de la souffrance et le souci de jouir, ont quelquefois prolongé un vie que le devoir aurait vouée au sacrifice; mais le vice a tué plus d'hommes que les batailles les plus meurtrières. «Au lieu de demander au ciel le bonheur, disait Albert de la Ferronnays dans le beau livre qu'on lisait encore volontiers il y a une quarantaine d'années: « Récit d'une sœur », au lieu de demander au ciel du bonheur, ils ont demandé à la terre du plaisir, et le ciel et la terre les déshéritent tous deux ».
Ils peuvent bien, en effet, puisqu'ils sont libres, chercher l'infini où il n'est pas; mais ils ne peuvent pas l'y trouver. Ils peuvent bien, au lieu de s'adapter au monde tel que Dieu l'a fait et d'y chercher le moyen qu'il y a mis pour nous d'aller au ciel, ils peuvent bien essayer de se faire le centre du monde et de l'adapter à leurs désirs; mais le monde résiste et il n'est pas en leur pouvoir d'en changer les lois, pas plus que de changer leur nature ni les dimensions de leur cœur créé pour l'infini.
Mgr A. HARBOUR,
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Le bonheur sur la terre est dans la conscience d'une vie harmonieuse. Pour avoir conscience de cette harmonie, il faut qu'elle existe; pour qu'elle existe, il faut la vivre, il faut la faire; et pour la faire, il faut se soumettre à la vérité, c'est-à-dire s'adapter à la réalité de notre nature et de notre destinée d'hommes, d'être raisonnables et immortels, créés pour une fin qui dépasse et la vie et le monde. « Dieu nous a créés pour le connaître, l'aimer et le servir en ce monde et pour être heureux avec lui pendant toute l'éternité ».
Combien qui se plaignent, qui trouvent l'existence intolérable et qui finissent par se suicider, et dont les autres, quelques-uns d'entre nous peut-être, étaient jaloux parce qu'ils ne voyaient que le cadre de leur vie, que l'écorce brillante d'un fruit en décomposition! Et d'un autre côté, combien de moines, de carmélites, de trappistes, cloîtrés derrière leurs grilles, dans l'horizon étroit de leur pauvre cellule, dans le dénuement de tout, dans l'immolation perpétuelle, portent, dans leur âme sereine et allègre, plus de vrai bonheur que n'en soupçonnent tous les « heureux de ce monde ».
Cloîtres silencieux, voûtes des monastères,
C'est vous, sombres caveaux, vous qui savez aimer !
Ce sont vos froides nefs, vos pavés et vos pierres
Que jamais lèvre en feu n'a baisés sans pâmer !
Oui, c'est un vaste amour qu'au fond de vos calices
Vous buviez à longs traits, moines mystérieux.
La tête du Sauveur errait sur vos cilices
Lorsque le doux sommeil avait fermé vos yeux,
Et quand l'orgue chantait au lever de l'aurore
Dans vos vitraux dorés vous la cherchiez encore.
Vous aimiez ardemment, oh! vous étiez heureux.
Les saints ne se suicident pas. Ils ne sont pas tristes. Ils portent sur toutes les routes où ils ont à passer, même les plus rudes, une âme chantante. Et si l'on dénombrait ceux qui se sentent heureux, contents de leur sort, on ne trouverait guère que des saints et des chrétiens qui font leur devoir et qui acceptent, avec soumission à la volonté de Dieu, les épreuves, petites et grandes, inhérentes à leur existence.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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Et maintenant, pénétrons un peu plus avant dans la disposition que nous méditons ensemble et qui peut très facilement nous demander de l'héroïsme.
Au fond des lacs les plus transparents il y a nécessairement de la vase et du limon. La tempête les brouille, il faut attendre le calme pour en retrouver la limpidité. Ainsi de nos âmes quand elles sont agitées par l'épreuve.
Quand nous sommes broyés par la douleur physique ou morale, d'abord nous nous sentons désemparés, — c'est une loi inéluctable de la faiblesse de notre nature — et il faut attendre pour que revienne la sérénité.
Le calme revenu, nous y verrons encore. Et qu'y verrons-nous? Les vérités que nous venons de rappeler et qui ne peuvent pas, si nous en sommes vraiment convaincus, ne pas surnager à la surface et nous apporter encouragement et consolation. Et que découvrirons-nous encore? De grands exemples dont nous avons besoin pour nous soutenir et qui, de fait, nous soutiendront.
Rappelons le plus grand de tous, celui de Jésus-Christ, notre Sauveur.
« Lorsque nous méditons sur la Passion de Notre-Seigneur, ce qui attire plus vivement notre attention, ce qui nous frappe le plus, ce sont les souffrances de sa chair et l'horreur de son supplice. Tout son corps est déchiré par les fouets des bourreaux, le sang l'inonde, la couronne d'épines s'enfonce sur sa tête adorable, la croix pèse lourdement sur ses épaules meurtries, et puis ce sont les clous qui transpercent ses mains et ses pieds, l'horrible tension de tous ses nerfs, l'affreuse agonie de ses derniers moments: tout cela nous émeut, nous attendrit profondément. Et cependant nous n'avons vu là que l'extérieur, la surface du drame divin.
Pour le connaître à fond, il faut que le regard de notre foi traverse la chair du Sauveur, pénètre jusqu'à sa très sainte âme. Là nous découvrons une disposition de fond et nous entendons ces paroles qui sont pour nous une révélation : « Les holocaustes et les sacrifices de l'ancienne loi n'étant pas suffisants, je suis venu, ô Père, pour faire ta volonté ».
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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L'enseignement de l'Eglise nous dit, qu'une des plus hautes raisons de l'Incarnation était d'obtenir de la création un culte et une réparation pour le péché égaux au Créateur et à sa majesté offensée. Si parfaite que vous la supposiez, la créature est incapable de remplir cette fonction. Seul un Dieu est capable de vénérer Dieu, d'adorer Dieu, comme il mérite de l'être. C'est pour cela que le Verbe s'est anéanti, dit saint Paul, en prenant notre nature. Un Dieu se fait homme, un homme devient Dieu: cet Homme-Dieu opère directement, par sa propre vertu, des actes infinis, et ces actes passent au compte de la création dont il est le représentant en sa qualité de chef.
Cet acte de vénération infinie, l'Homme-Dieu le produit incessamment depuis le premier moment de son existence : dans la crèche, dans l'ombre mystérieuse de sa vie cachée, et surtout dans les longues veilles qu'il consacre à l'oraison. Mais où cet acte de sublime religion devient le plus expressif, plus éloquent, plus capable de toucher le cœur de Dieu, c'est au moment de la douloureuse passion du Sauveur. Alors le Verbe Incarné atteint la limite du religieux anéantissement par lequel la créature exprime sa dépendance.
Quoi de plus propre que le sacrifice de la vie pour exprimer que Dieu est infiniment Maître? Quoi de plus propre que l'anéantissement de ce qui est pour exprimer notre néant? Et voici que la plus belle, la plus parfaite des vies, s'anéantit, ô mon Dieu pour reconnaître votre souveraineté. N'avons-nous pas raison de croire que votre justice va être satisfaite, puisque dans les souffrances et la mort qui vous rendent hommage il y a plus que la beauté anéantie, il y a l'infinité d'un Dieu.
Or, cette souffrance et cette mort Jésus ne les subit pas, elles ne lui sont pas imposées de force ; non, il les veut, il les accepte en parfaite conformité avec la volonté de son Père. Dès le premier instant de sa vie terrestre, la volonté humaine du Sauveur se met d'accord avec la volonté divine, nous l'avons rappelé tout à l'heure. Cette merveilleuse entente se continue ferme et tranquille, sans ombre de ralentissement à travers les années et Jésus se plaît à l'exprimer, en maintes circonstances: «Je suis descendu du ciel, dit-il, non pour faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m'a envoyé ». « Faire cette volonté, ajoute-t-il, est ma nourriture de tous les jours. J'agis en toutes choses comme mon Père m'ordonne d'agir ».
Mgr A. HARBOUR,
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
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(1) Monsabré: "La Prière divine."Tout cela est parfait, mais voici venir l'agonie, au Jardin des Oliviers. Le Maître s'éloigne un peu des apôtres qui raccompagnent. On le voit qui se prosterne trois fois la face contre terre. Tout son corps s'inonde d'une sueur qui est de sang. C'est le grand combat, c'est la lutte à mort et l'on entend ces paroles : « Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi ». O mystère, ô frayeur ! la nature humaine du Sauveur, jusque-là si sereine, si calme, se trouble; l'orage éclate en elle, plus sombre, plus épouvantable qu'en aucune autre âme humaine, dans l'épreuve. Jésus est pris d'un mystérieux dégoût, Jésus a peur, Jésus est triste jusqu'à la mort, Jésus semble repousser le calice trop amer de douleur que Dieu lui présente et c'est pourquoi il a dit : « Mon Père, si c'est possible, éloignez, je vous prie, ce calice loin de moi ». (1)
Eh quoi! pour la première fois, Jésus hésiterait-il, et la conformité de sa volonté avec la volonté divine serait-elle en défaut? Non, donnez-lui le temps de mesurer la profondeur de son sacrifice, donnez le temps à sa nature humaine qui se cabre, de se ressaisir.
Le drame de Gethsémani n'est pas une ombre dans la perfection de l'âme sainte de mon Sauveur. Il se passe en lui, dit Monsabré, que je décalque en ce moment, ce qui se passe dans la nature aux heures des plus violentes tempêtes : les nuages sont en déroute, les arbres se tordent en gémissant, les torrents mugissent, tout ce qui a vie est frappé de stupeur: la vallée est dans l'obscurité, la vallée souffre. Mais si l'on gravit la montagne, si l'on s'élève plus haut que les nuages, le soleil resplendit, les sommets sont dans la lumière: la vallée souffre la montagne a la tête dans la joie.
Voilà une image lointaine du Sauveur aux jours de sa passion. Il laisse protester la nature contre l'horreur du supplice que Dieu lui prépare pour ajouter à ses souffrances. Mais sa volonté de raison a déjà décidé contre la volonté des sens; elle veut d'une manière absolue ce que Dieu veut, à n'importe quel prix, et les tempêtes de l'agonie et les sueurs de sang ne peuvent ni contrarier son dessein, ni troubler son admirable sérénité. « Fiat voluntas tua », « que votre volonté soit faite ». Tel est le cri de la sainte âme du Sauveur. Et il en sera ainsi jusqu'à l'heure suprême où éclate le « Consummatum est » — « tout est consommé ». « Père, mon Père, je remets mon âme entre vos mains ».
Mgr A. HARBOUR,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA VOLONTÉ DE DIEU
Mgr A. HARBOUR,
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Et maintenant, dans un retour sur nous-mêmes, demandons-nous si nos sentiments sur ce point sont bien ceux de la sainte âme du Sauveur.
Oh ! sans doute, quand notre modeste existence s'écoule calme, tranquille, remplie de ces petits bonheurs dont nous sommes avides; quand la contradiction se tait autour de nous, quand la souffrance s'arrête à la porte de nos foyers, nous élevons nos âmes vers Dieu, nous lui rendons volontiers nos devoirs et nous nous imaginons que nous ferions bien davantage pour lui s'il nous le demandait.
Mais que l'épreuve nous surprenne, épreuve physique, épreuve morale, et nous verrons à quelle déroute elle va nous acculer! Tout entiers aux maux qui nous affligent, nous ne prions plus ou nous prions mal. Il semble que Dieu nous trahisse ou nous oublie et nous voulons comme l'en punir par le silence de notre âme affligée. Insensés que nous sommes!
Nous ne comprenons pas que le temps de la douleur est par excellence le temps de la prière et de l'anéantissement religieux qui adore mieux que toutes les effusions d'une âme doucement bercée dans une tranquille dévotion.
Nous ne comprenons pas que rien ne peut être plus agréable à Dieu que de voir nos souffrances lui rendre hommage et reconnaître qu'il est le souverain Maître de la vie.
Ah ! si nous étions pénétrés des sentiments de la sainte âme de Jésus-Christ dans sa passion, nous lui dirions: O mon Dieu, dans la paix comme dans la tourmente, dans la joie comme dans la douleur, au Thabor comme au Jardin des Olives, que votre volonté soit faite!
Non seulement notre âme se tait dans l'épreuve, souvent, hélas! elle se révolte. Nous voulons bien obéir aux grands commandements de Dieu, mais nous ne voulons pas nous soumettre lorsque sa volonté se manifeste dans notre vie par l'épreuve.
Si nous n'allons pas jusqu'au blasphème qui accuse Dieu de dureté et d'injustice, nous murmurons contre lui; nous nous plaignions de n'avoir rien fait pour mériter nos maux; nous nous comparons avec d'autres qui, à notre dire, ne valent pas mieux que nous et sont mieux traités; nous prétendons que Dieu serait plus sage s'il avait arrangé notre vie autrement, plus juste s'il se montrait moins sévère, s'il remplaçait la douleur par le bien-être!
Nous oublions surtout que nous sommes pécheurs et que le péché s'expie par la douleur; que nous sommes chrétiens et que la perfection chrétienne nous appelle au partage des douleurs de Jésus-Christ.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
LA VOLONTÉ DE DIEU
Mgr A. HARBOUR,
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Personne ne nous demande de ne pas sentir l'épreuve et de dire à la douleur: douleur, tu n'es pas un mal comme le prétendait le stoïcisme. Non, Jésus a laissé parler la nature, il l'a laissée se plaindre. Laissons, nous aussi, sous le coup de l'épreuve, gémir et se plaindre notre sensibilité, mais que bientôt, avec la grâce du bon Dieu, notre volonté se soumette humblement et pieusement à la volonté de Dieu: « Non mea voluntas, sed tua fiat ». Et nous dirons avec le saint homme dont l'exemple a traversé les siècles : « Dieu m'avait tout donné, il m'a tout enlevé, que son saint nom soit béni ! » Oui, ô mon Dieu, et malgré tout, que votre nom soit sanctifié!
« Dans le monde que vous avez fait, ô mon Dieu, que ce nom mille et mille fois sacré soit mis et maintenu à part; qu'on lui garde, et avec une religion passionnée, avec une jalousie ardente et inexorable, toutes les excellences et toutes les primautés; qu'il domine immuablement et d'une hauteur sans mesure, le nom de tous les êtres: noms d'hommes et même d'anges, noms de père et de mère, noms de frère et d'ami et d'époux; noms de maître et de seigneur; noms de princes et de rois; noms décernés par le respect, noms donnés par l'amour ; noms de gloire, noms de puissance ; noms connus sur la terre, noms connus seulement dans les cieux.
Que toute voix le chante; qu'on le prie comme un nom miséricordieux et puissant ; qu'on y appuie ses espérances comme sur un fondement infaillible; qu'on l'ouvre aussi et qu'on le fouille comme un inépuisable trésor de vérité, de grâce, de sagesse, de consolation, de paix et de salut; que pour lui l'on travaille et, au besoin, l'on souffre et l'on meure; et de même qu'il a ses témoins et ses apôtres, qu'il ait aussi ses martyrs et autant de fois qu'il le faudra.
Enfin qu'un cri immense et unanime, et fervent et incessant, sorte des entrailles du monde et emplissant tout l'univers, fasse jour et nuit monter jusqu'au trône de Dieu cet hommage qui n'est que la justice: Qui est comme Dieu? O mon Dieu, qui vous ressemble? Votre nom est saint ! Père, notre Père, que votre nom soit sanctifié! (Louis des Lys)
Et que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel! »
Mgr A. HARBOUR,
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Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
L'ANGLE SURNATUREL
Mgr A. HARBOUR,
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Je voudrais attirer votre attention sur la grande actualité de toutes les heures: la question de savoir où se trouve et en quoi consiste la voie qui mène à la gloire future. Et cela nous rappelle, sans doute, que nous devons avant tout songer au salut de notre âme. Mais pourquoi ne verrions-nous pas aussi que c'est là et là seulement que nous rencontrerons le bonheur relatif de ce monde.
Nous n'avons pas à faire de longues recherches. Notre-Seigneur nous a dit ouvertement : « Je suis la voie, la vérité et la vie ». Et il ajoute en saint Jean: Qui sequitur me non ambulat in tenebris (VTII, 12). Et n'avons-nous pas payé assez cher pour apprendre ce qu'il en coûte de nous éloigner de lui? Même à l'heure qu'il est, après tant d'expériences et d'insuccès, les hommes de bonne foi reconnaissent que c'est la doctrine de l'Eglise — celle de Jésus-Christ, par conséquent — qui possède seule la vertu de ramener la stabilité et le bonheur sur l'univers désolé et désemparé. Pourtant il y a toujours quelque objection d'intérêt ou d'orgueil qui empêche de l'accepter. Et puisque les peuples et les nations comme tels ne se changent et ne se convertissent qu'en autant que s'améliorent les individus qui les composent, c'est à chacun de nous d'orienter sa voie vers les immortelles espérances et de vivre ici-bas comme des citoyens de passage qui ne possèdent de demeure permanente que dans l'au-delà.
Car nous sommes vraiment des pèlerins de l'au-delà, et nous nous dirigeons à travers les épreuves et les difficultés et les épurations de la vie présente vers ce qui sera notre condition définitive. Voyez l'avion avec ses puissants moteurs: il est fait pour s'élever et voyager dans les airs, et pourtant de lui-même il retombe sur terre dès qu'il manque ou de l'essence qui le nourrit ou du mécanisme qui le fait voler. L'homme, au contraire, vit sur la terre, il peut y passer de longues années mais il vient de Dieu, retourne à Dieu et ne trouvera de repos qu'en lui: repos ou bonheur relatif ici-bas s'il s'engage sur la voie qu'il lui a tracée, avec en plus la gloire future à la fin de son épreuve s'il a mérité de s'unir finalement à lui.
Le malheur c'est que nous nous acclimatons trop facilement à la terre de notre exil, au point que nous avons l'air de croire que nous y demeurerons toujours. Pèlerins de l'au-delà nous échangerions volontiers ce titre glorieux contre celui de citoyens d'ici-bas et en pratique nous nous attachons à la terre, nous racine sur le sol. La faute en est sans doute à notre nature blessée dans ses plus hautes aspirations par le péché originel et qui ne sait plus se relever : aigle royal fait pour planer dans les airs auquel on a brisé les deux ailes et qui se traîne désormais péniblement sur la terre.
Mais aussi faut-il admettre que les civilisations dites modernes s'intéressent trop exclusivement aux progrès matériels. Tout entiers à leur confort, à leurs aises, à leur bien-être, à leurs ambitions, à leurs plaisirs, les hommes d'aujourd'hui oublient qu'ils ont une âme immortelle dont ils doivent d'abord s'occuper. Ils veulent le bonheur, sans doute, mais jamais peut-être plus qu'en ces dernières années l'orientation n'a été plus fausse de sa recherche ici-bas.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
L'ANGLE SURNATUREL
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Entraînés donc par la légèreté et l'étourderie les hommes se précipitent sur les apparences du bien et ils négligent le seul bien véritable. « Ils m'ont abandonné moi la source d'eau vive pour se creuser des citernes, mais ce sont des citerne crevassées qui ne retiennent pas l'eau ». Qu'est-ce que cela veut dire?
Cela veut dire que ces hommes d'un jour que nous sommes s'en vont à la recherche, à la poursuite des choses éphémères et fragiles qui vont leur tomber des mains, leur couler entre les doigts comme l'eau et que, pendant ce temps, ils négligent les biens véritables, biens spirituels, biens de la foi qui seuls peuvent assurer le bonheur relatif de cette vie, qui seuls surtout pourront leur être profitables pour l'éternité.
Tout mon dessein, tout mon but est donc de tâcher de nous faire prendre l'angle surnaturel dans la considération des problèmes, grands et petits, de la vie quotidienne. Voyez l'homme d'affaires, ce qui l'intéresse ce sont les aspects financiers d'une question, et même dans ce qui n'est pas du tout affaire d'argent, ce qu'il voit d'abord c'est ce que cela a coûté et ce que cela rapporte : il prend l'angle financier.
L'artiste, au contraire, dédaigneux des avantages pratiques de telle entreprise ou de telle industrie, se plaindra que les usines et leur fumée obstruent l'horizon et lui gâtent un coin du ciel: il regrette qu'on fasse de l'argent aux dépens de la beauté: c'est l'angle artistique.
Appelés que nous sommes à un état surnaturel pourquoi ne prendrions-nous pas l'angle surnaturel qui est celui de la foi? Pourquoi ne pas nous dire avec les Saints, en face d'un devoir, d'un plaisir, d'une sollicitation: Quid hod ad aeternitatem?
Que nous le voulions ou non, la situation est celle-ci: nous tous, ici présents, dans cinquante, mettons soixante-quinze ans, nous serons disparus. Voilà un premier point établi sans conteste, une affaire liquidée.
Où serons-nous? Où sont allés ceux que nous avons vus partir: nos parents, nos amis, nos connaissances, tous nos anciens? Parcourez les rues que vous avez fréquentées dans votre enfance et cherchez les noms et les traits qui vous y étaient familiers. Disparus, partis, effacés, et nous ajoutons: dans l'au-delà. Car nous croyons, dans nos heures de sincérité, à une vie future encore que nous vivions comme si nous n'y croyions pas. Nous croyons que nous sommes appelés au bonheur éternel. Nous croyons que c'est là la véritable vie dont la présente n'est que le préambule. Et la parole infaillible de Notre-Seigneur dans l'Evangile nous enseigne que nous sommes appelés à y voir Dieu face à face pendant l'éternité, ce qui veut dire que nous sommes élevés à l'état surnaturel.
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: L'ÉPREUVE, L'ESPÉRANCE ET LA PAIX
L'ANGLE SURNATUREL
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Qu'est-ce à dire, que nous sommes élevés à l'état surnaturel et appelés à être les enfants de Dieu? C'est ce sur quoi je voudrais insister un moment.
Supposons qu'un homme très riche se prend de pitié et d'affection pour un enfant étranger et très pauvre. Il le fait entrer chez lui, lui donne de beaux vêtements, le fait asseoir à sa table, lui procure une éducation supérieure, lui réserve les plus splendides des-Voilà, par analogie, l'homme élevé à l'état surnaturel. La comparaison est de saint Paul dans le chapitre 4 de l'Epître aux Galates.
Le bienfaiteur c'est Dieu lui-même qui nous fait participants de la nature divine par la grâce et nous fera l'héritiers de son bonheur infini dans le ciel par la gloire. Il nous admet dans sa demeure l'Eglise et nous fait asseoir à sa table par les sacrements et particulièrement par la sainte Eucharistie, et nous destine à la gloire du ciel.
De l'enfant adopté que nous sommes vis-à-vis de Dieu, quelle doit donc être la première attitude en entrant chez notre Sauveur et en participant de la vie de notre Dieu?
Notre première attitude et notre devoir fondamental, vous le comprendrez si vous écoutez votre cœur, c'est de nous efforcer d'avoir l'esprit de notre nouvel état.
Or l'esprit de son état étant un idéal à atteindre et une inspiration vivifiante de chacun de nos actes, en quoi consistera l'esprit de notre état surnaturel ou l'esprit de foi?
Mgr A. HARBOUR,
Carêmes à la Basilique-Cathédrale de Montréal,1944.
Monique- Nombre de messages : 13764
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