Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE X: Les Mangeurs de Caribous.Missions aux camps sauvages.
Si l’on priait Mgr Breynat de dire quelle fut son œuvre de prédilection, lorsqu’il n’était que simple missionnaire, nous sommes assuré qu’il répondrait: « Les visites aux camps sauvages, dans les bois. »
L’Indien ne se livre entièrement au prêtre, et par le prêtre à Dieu, que chez lui, loin du fort-de-traite. Car, au fort, il se laisse distraire par la vente de ses pelleteries, par ses achats, par les airs civilisés qu’il s’étudie à montrer, et par une ombre de respect humain qui n’épargne même pas ces pays si inconnus de l’humanité. Aux camps des bois, se trouvent aussi des âmes qui ne verraient jamais l’homme de la prière, si l’homme de la prière ne les allait voir.
Dans le cahier-journal du Fond-du-Lac, il y a ce petit compte rendu, qui en dira aussi long que l’on voudra:
Au lendemain de la Toussaint (1895), le père partait pour une visite dans les camps sauvages, situés au nord de la mission. Il ne faisait que répondre au désir de ses enfants et tenir sa promesse. Son voyage lui prit 35 jours; et s’il eut à souffrir beaucoup du mauvais temps pour aller, il eut la consolation de faire plaisir aux pauvres sauvages, d’entendre un grand nombre de confessions, parmi lesquelles celles de bonnes vieilles qui n’avaient pu voir le père depuis longtemps, à cause de la distance, quelques premières confessions et celles de vieux retardataires qui se donnèrent au bon Dieu quand ils se virent poursuivis si loin. (1)
Les successeurs du Père Breynat, particulièrement les Pères…
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(1) Ces missions des camps sont, comme vient de l’indiquer le Père Breynat, si consolantes que le missionnaire ne regrette pas les grandes fatigues qu’elles entraînent toujours. Une fois parmi les familles groupées pour le recevoir, il en est constitué comme le roi. Il est juge de paix, scribe, médecin (les étudiants-missionnaires devraient être nantis de connaissances médicales avancées, théoriques et pratiques). Il est prêtre surtout.
Dès son arrivée, il organise une retraite générale, dont voici le programme ordinaire: choix de la maisonnette la moins sale — si maisonnette il se trouve —, pour servir de chapelle; expulsion des chiens, attelages, hardes, tas de viande sèche et d’ordures. Tout l’appartement est au bon Dieu, sauf un recoin où l’on dispose les couvertures de nuit de du missionnaire. Lorsque l’autel est dressé, le tam-tam convoque le peuple à l’ouverture de la mission. Office du soir: cantique, chapelet, sermon, prière du soir et baptêmes s’il y a lieu. Office du matin: prière du matin, sainte messe, cantiques et sermon. A midi: instruction aux enfants et catéchisme pour tout le monde. A certain jour déterminé, les exercices sont suspendus pour permettre au missionnaire d’aller voir les malades. Tous les temps libres sont employés à entendre les confessions et à écouter les doléances. Après quelques jours, communion quotidienne de tous ceux qui en sont jugés dignes. La plantation d’une grande croix couronne souvent le travail apostolique. Lorsque les Indiens repassant par ces lieux verront cette croix, ils se souviendront des instructions du père et chaque fois ils iront prier près d’elle.
La clôture de la retraite est ordinairement faite par la disette. Les provisions apportées par le père ont été mangées les premières, on l’invite à la table commune. Celle-ci épuisée à son tour, la dispersion s’impose. Les chasseurs reprennent le bois, à la poursuite du gibier, et le missionnaire rentre chez lui, en jeûnant. Il rentrera amaigri, « faisant pitié », mais heureux d’avoir fait du bien.
Parfois cette mission projetée, préparée depuis longtemps n’a même pas lieu Le père se met en route à l’époque convenue, et, au bout de trois jours, six jours de voyage, il trouve le camp déserté. Il comprend: la famine imprévue est arrivée, et le camp a été forcé de s’enfuir dans la forêt, sans savoir où il s’arrêterait… C’est en ces circonstances que la Providence préserve manifestement la vie du missionnaire.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Aux Glaces PolairesCHAPITRE X: Les Mangeurs de Caribous.Missions aux camps sauvages.SUITE
Les successeurs du Père Breynat, particulièrement les Pères Laffont, Bocquené et Riou, continuèrent cet apostolat nomade. Grâce à leurs efforts, il n’est plus un des 500 Mangeurs de Caribous du Fond-du-Lac qui ne soit catholique éclairé et fervent. (1)
Le Père Riou, directeur actuel de la mission, trouva même le moyen de faire bénéficier ses sauvages, grands et petits, du décret libéral de Pie X sur la communion fréquente.
Pour son bouquet d’adieu, le Père Breynat reçut de ses enfants des…
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(1) Les Mangeurs de Caribous savent lire l’écriture en caractères syllabiques, et cette connaissance contribue beaucoup à l’entretien de la foi éclairée. Le missionnaire dont nous parlons, comme ses devanciers, se fit leur maître d’école. Le succès dépassa son attente. Il ne trouva qu’un récalcitrant qui lui donna, du reste, ses motifs:
« — Je ne veux pas apprendre à lire, moi. J’ai de l’esprit, vois-tu. Si je savais lire, on dirait que j’ai pris dans les livres ce que je raconte; tandis qu’autrement tout le monde sait que ça vient de là (montrant son front). ».
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE X: Les Mangeurs de Caribous.Bouquets d’adieu.
Pour son bouquet d’adieu, le Père Breynat reçut de ses enfants des témoignages qui lui dirent hautement les qualités de leur cœur. Nous l’avons entendu raconter, avec un plaisir touchant, la conversion de Michel le sorcier et la visite de la vieille Petite-Flèche.
Michel était un scandaleux près duquel avaient échoué tous les efforts des missionnaires. La dernière fois qu’il l’avait rencontré dans les bois, le Père Breynat avait refusé de lui toucher la main, — ce qui est le plus grand affront prévu dans l’étiquette sauvage; — et lui avait dit, en présence de tous:
— Je ne te verrai plus, puisque je vais partir pour toujours. Mais tu pourras penser que personne ne m’a fait autant de peine que toi. Tu as fait pleurer le cœur de ton père.
Quelque temps après, Michel entre à la mission, lui qui, de dédain, n’y avait jamais mis les pieds, lorsqu’il venait au fort. Il semblait tout attristé.
— Qu’y a-t-il donc, Michel? Quelqu’un est-il malade chez toi?
— C’est moi qui suis malade, Père, et qui ai le cœur pas à son aise. Depuis que je t’ai vu dans le camp, et que tu ne m’as pas touché la main, j’ai toujours devant moi tes dernières paroles. J’avais honte de moi-même. Comment ! le père a été si bon pour moi, et voilà qu’il va partir avec toute sa peine ! Je suis devenu comme un homme qui n’a plus d’esprit. Je n’avais plus de goût pour rien. Mes yeux se remplissaient d’eau. Quand je partais à la chasse, je pensais moins aux caribous qu’au chagrin que je t’avais fait, et je disais mon chapelet en rôdant dans les bois, pour demander à Dieu ce que je pourrais bien faire pour te faire oublier ma faute. J’étais ainsi pendant plusieurs jours, quand tout à coup il me vint à l’esprit que je ne pourrais rien faire de mieux que de me convertir et de céder enfin à toutes tes instances. Alors je partis, et me voilà. Je veux me confesser.
— Que le bon Dieu et la sainte Vierge soient loués, mon Michel: c’est bien la plus grande joie que tu pouvais me donner !
Le sorcier se confessa, avec des larmes abondantes — fait aussi rare chez les hommes que fréquent chez les femmes sauvages—; et il ajouta:
— J’ai encore quelque chose à te demander. Tu connais ma conduite; je ne mérite pas de recevoir le pain du bon Dieu; mais je vais m’appliquer à bien vivre. Laisse un petit papier pour le père qui va te remplacer, afin qu’il me permette de communier à Pâques, si je persévère jusque-là.
— En effet, mon brave, tu ne mérites pas de communier; mais tu en as besoin pour te soutenir; et je veux avoir moi-même le bonheur de te donner le pain du bon Dieu, pour la première fois. Tu vois comme j’ai confiance en toi. J’espère que je ne le regretterai pas.
Le converti protesta encore de son repentir et de ses résolutions:
— Oui, Père, c’est fini. Toutes les fois qu’on emportera les lettres d’ici, l’homme de la prière, en t’écrivant, te redira toujours: « Michel vit bien ».
Le lendemain, communion fervente, longue action de grâces.
Sortant de la chapelle, il trouva son garçon de 15 ans, qui l’attendait dans la salle.
— Mon fils, lui dit-il, jusqu’ici je t’ai toujours donné le mauvais exemple; j’ai fait ceci, cela (toute la confession y repassa). Tu m’as toujours imité fidèlement. Tu vois ce que j’ai fait hier et ce matin. A ton tour, tu vas te confesser; et, à partir d’aujourd’hui, si tu ne changes pas de vie, ta chair malade je ferai (tu auras la volée). Maintenant, va chercher la viande que nous avons apportée.
Quelques instants après, le garçon arrivait avec un traîneau chargé de viande sèche de caribou.
— Tiens, prends cela, dit Michel au missionnaire. Je te le donne pour te prouver que tu m’as fait content.
La Petite-Flèche (Kkaazé) était peut-être centenaire….
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE X: Les Mangeurs de Caribous.Bouquets d’adieu.SUITE
La Petite-Flèche (Kkaazé) était peut-être centenaire. Comment le savoir ? Elle avait recommandé à son fils de toucher la main au père, en son nom, en lui disant combien elle était désolée de ne pouvoir venir elle-même. Elle lui envoyait aussi un petit sac de viande pilée pour son voyage.
La commission fut faite ponctuellement.
Le surlendemain, surprise du missionnaire: c’est la vieille, en personne, qui pousse la porte, et qui entre, énorme, courbée sur son gourdin.
— D’où viens-tu, ma grand’mère ? On m’avait dit que tu n’étais pas capable de te remuer. Et te voilà !
Elle se mit à rire, d’un rire franc, enfantin, qui épanouissait toutes les rides de son visage.
— Ah! mon petit-fils ! c’est que je t’aimais beaucoup. Ça me coûtait de te laisser partir, sans te toucher la main moi-même !
— Mais, dis-moi donc comment tu t’y es prise pour venir de si loin: trois jours de grosse marche. Avais-tu des chiens ?
— C’est bon, c’est bon, je vais te le raconter, dit-elle, en s’affalant d’un bloc sur le plancher, selon la mode des dames dénées, et s’appuyant sur le coude, qui lui passait à travers la manche. Quand les enfants furent partis, je restai seule avec ma fille: la Louise, tu sais. L’eau est venue à mes yeux, en pensant que je ne te reverrais plus. Ma fille, voyant combien je faisais pitié, me dit: « Mère, te voir ainsi faire pitié met mon cœur mal à l’aise. Si tu veux, nous allons essayer d’aller à la mission. Nous n’avons que deux chiens qui sont vieux et malades, et tu es bien lourde. Mais moi je suis forte: je m’attellerai avec eux, et je pense que nous pourrons nous rendre. Moi aussi je tiens fort à donner la main au petit priant, une dernière fois. » Je dis à ma fille: « C’est bon ». La Louise fabrique un attelage, pendant que j’arrange les provisions. Nous voilà parties, ma fille et les chiens attelés, et moi sur le traîneau. Quand c’était difficile pour les chiens et pour ma fille, je m’aidais avec deux bâtons. Maintenant, nous voilà.
Et riant aux éclats:
— Tu vois comme je t’aime !... Mais, tu sais, moi je ne suis pas venue au fort pour voir les commerçants. Je veux me confesser. Demain tu me donneras encore le pain du bon Dieu. Et puis je m’en irai contente.
Les bulles du Père Breynat...
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE X: Les Mangeurs de Caribous.Vicaire apostolique du Mackenzie.SUITE
Les bulles du Père Breynat, en date du 31 juillet 1901, le nommaient évêque titulaire d’Adramyte et vicaire apostolique du Mackenzie et du Youkon.
Elles arrivèrent à Notre-Dame des Sept-Douleurs, au temps de la passe des caribous.
Après la fête de l’Epiphanie, l’évêque élu partait, à la raquette, avec son traîneau à chiens, pour Saint-Albert (1.120 kilomètres), où il arriva « comme le dernier des chrétiens », dit la chronique.
Il fut sacré à Saint-Albert, le 6 avril 1902, par Mgr Grouard, désormais vicaire apostolique de l’Athabaska, avec l’assistance de Mgr Pascal et de Mgr Clut.
La juridiction de Mgr Breynat fut démembrée, en 1908. La Mackenzie lui restait, et le Youkon devenait préfecture apostolique. (1)
Le vicaire apostolique du Mackenzie n’a rien perdu de son activité de missionnaire. Acquirit vires eundo. Il voyage, selon sa devise d’évêque. Il évangélise les pauvres, selon sa devise d’Oblat de Marie Immaculée.
Sa spécialité de pèlerin du Christ…
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(1) La préfecture apostolique du Youkon, située entre les montagnes Rocheuses, à l’est, et l’Alaska et l’océan Pacifique, à l’ouest; et entre le 54e degré de latitude, au sud, et l’océan Glacial, au nord, est devenue vicariat apostolique en 1918. Mgr Emile Bunoz, O. M. I., qui, de préfet, devint le vicaire apostolique du Youkon, fut sacré à Vancouver, le 18 octobre 1918, par Mgr Casey, archevêque de Vancouver, assisté de Mgr Legal et de Mgr Breynat. Mgr Bunoz réside à Prince-Rupert (Océan Pacifique).
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE X: Les Mangeurs de Caribous.THE BISHOP OF THE WIND
Sa spécialité de pèlerin du Christ — Peregrinari pro Christo — serait d'être rencontré, en tous ses chemins, par les mauvais temps. C'est ce qu'on l'entend parfois appeler « les bénédictions de l'enfer ». Un ministre protestant l'a baptisé The Bishop of the Wind, l’Evêque du Vent. L'expression a fait fortune. Comme naturellement, les missionnaires disséminés dans le vicariat, lorsqu'ils voient la poudrerie d'hiver ou les orages d'été déchaîner les grands lacs et les forêts, se disent :
« Monseigneur doit être en route.,, quelque part…Mais il arrivera... Bien sûr ! »
L'une des présentes consolations de Sa Grandeur est de recevoir, en nombre, les abjurations des protestants, commerçants et officiers du gouvernement, qui, touchés de l'esprit d'abnégation des missionnaires du Mackenzie, reconnaissent enfin que la religion, inspiratrice de tels sacrifices et mère de telles œuvres, possède les paroles de la vie éternelle.
A suivre: Chapitre XI. LES CASTORS…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XILES CASTORS
La rivière la Paix. — Les Castors. — Ravages du vandalisme et du JEU À LA MAIN. — Un sacrifié. — Le Père Tissier au fort Dunvégan.— Noyade du Frère Thouminet. — Episode de l’hiver 1870-71. — Le Père Husson naufragé. — Une relation du Père Le Treste.La rivière la Paix.
La rivière la Paix, le plus large et le plus long des tributaires du fleuve Athabaska-Mackenzie, se jette dans le lac Athabaska par l’une de ses bouches, et par l’autre dans la rivière des Esclaves, suite de la rivière Athabaska. Elle est formée, à l’ouest des montagnes Rocheuses, par le confluent des rivières Parsnip et Finlay. De sa source à son embouchure, doublant par ses replis les distances géographiques, elle parcourt environ 1.440 kilomètres. Comme les fleuves de l’océan Pacifique, ses fougueux jumeaux, la rivière la Paix roule vers l’océan Glacial avec une rapidité sans trêve.
Débouchant des montagnes en tourbillons bleus et écumants, par des portes qu’elle a défoncées à pic, elle tournoie d’abord aux pieds escarpés du fort Hudson’s Hope. De là, se creusant un lit profond, elle arrose le fort Saint-Jean, le fort Dunvégan, Peace River, le fort Vermillon. A Peace River, elle reçoit, du sud, les rivières Boucane et Cœur, formant avec elles un colossal damier de méandres, d’îles et de collines. A 400 kilomètres de son embouchure, elle se brise et tombe, en cataractes, dans les chutes du Vermillon.
Trois missions résidentes: Saint-Henri du fort Vermillon, Saint-Augustin de Peace River, Saint-Charles du fort Dunvégan, et deux dessertes: Saint-Pierre du fort Saint Jean, Notre-Dame des Neiges du fort Hudson’s Hope, furent les centres apostoliques principaux de la rivière la Paix. De ces postes, le missionnaire visitait les divers groupes indiens.
Bien que la rivière la Paix ressortisse aux conditions climatériques subarctiques, et que les hivers y soient d’une grande rigueur, les saisons tempérées y sont plus durables qu’en toute autre partie des vicariats Athabaska-Mackenzie. Plus les terres gagnent vers les montagnes Rocheuses, plus les grasses prairies alternent avec les riches forêts. Le chinouk, vent chaud de l’océan Pacifique, qui souffle périodiquement durant l’hiver, retarde la formation des glaces et hâte le dégel. Les vents du nord, d’autre part, se coupent aux montagnes, qui s’infléchissent vers le nord-est.
Aujourd’hui, tant sur les plaines de la rivière la Paix que dans les bois défrichés, de vastes colonies blanches ont bâti leurs demeures et exploitent leurs fermes. Le chemin de fer longe les deux rives de la rivière, depuis Peace River, et jette ses réseaux sur l’étendue de l’ancienne sauvagerie. Le régime des privations est fini pour ces régions. Mais il est du devoir de l’histoire de ne pas oublier la vie désolée des planteurs apostoliques. (1)
Trois nations de la race peau-rouge étaient représentées sur la rivière la Paix: la nation algonquine par des bandes de Cris, la nation huronne-iroquoise par quelques individus de Caughnawaga, venus comme engagés de la Compagnie de la Baie d’Hudson, et surtout la nation dénée par les Castors.
La tribu des Castors, dont nous nous occupons exclusivement ici…
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(1) A cause de la distance elle-même, et de la difficulté de la vaincre en remontant la rivière la Paix depuis le lac Athabaska; à cause de l’indifférence des sauvages à évangéliser; à cause aussi peut-être de l'extraordinaire mortification des missionnaires qui ne demandaient rien, les sollicitudes de Mgr Faraud se portèrent moins sur la rivière la Paix que sur le Mackenzie. Raison la plus forte: le Mackenzie était envahi par le protestantisme, qui n'avait pas encore pénétré dans la rivière la Paix. Au lac Athabaska, il y eut des périodes de misère intense; à la mission de Dunvégan, ce fut la misère en permanence.
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XI: Les Castors.Les Castors
La tribu des Castors, dont nous nous occupons exclusivement ici, tenait plutôt la haute partie de la rivière la Paix. Il s’en trouvait au fort Vermillon; mais le grand centre de ralliement était le fort Dunvégan. C’est pourquoi la Compagnie fit de Dunvégan le chef-lieu de son district de fourrures, et l’Eglise le chef-lieu de son district d’évangélisation, dans la rivière la Paix.
Les Castors furent de nombreux et sans doute de fiers sauvages, aux temps préhistoriques. Rois du grandiose cours d’eau qui porta d’abord leur nom, ils luttèrent victorieusement, sur ses bords et sur ses ondes, contre les Montagnais de l’est et contre les Cris du sud. De guerre lasse, les chefs belligérants se réunirent, et signèrent, en échangeant le calumet, le pacte de réconciliation. L’endroit du traité fut appelé la Pointe la Paix, et la rivière des Castors devint la rivière la Paix.
Les missionnaires trouvèrent la tribu des Castors sur le versant de sa dégradation. De 6.000 qu’ils avaient été, au dire des anciens, ils s’étaient réduits à moins de 2.000. De nos jours, il ne reste des Castors que de rares vieillards et des métis, beaucoup plus cris, iroquois ou blancs que dénés.
Les causes de cette décadence sont multiples. La principale serait la pratique des unions consanguines. Les maladies honteusement apportées par des Blancs à ces tempéraments en ruine ne tardèrent pas à les livrer à la scrofule, au rachitisme, à la phtisie. Pour finir l’œuvre de ces ravages dans le sang, la destruction inepte du castor amena les famines.
Le castor, animal rongeur, dont les sauvages prirent le nom et le signe héraldique, fut jadis le pourvoyeur de la rivière la Paix. Il s’y multipliait par nations. Un quart d’heure d’affût, au bord de n’importe quel étang, de n’importe quel ruisseau, procurait à la famille du chasseur tous les repas du jour. Aussi longtemps que les Indiens Castors furent les seuls en ces lieux, avec ces bêtes, ils ne connurent pas la faim. Ils avaient la sagesse prévoyante de laisser dans chaque loge le couple qui suffisait à la repeupler. Mais de rapaces commerçants arrivèrent, et, avec eux, les Cris, les Iroquois, leurs serviteurs. Qu’importait à ces vandales de passage de ménager la race nourricière ? Ils exterminaient tout animal dont la fourrure valait leur plomb. Ainsi diminuèrent et disparurent peu à peu les castors. (1)
Restaient, et restent encore, les orignaux et les ours que l’on voit gambader sur les côtes des rivières, de juin à septembre. Mais les ours s’engourdissent, l’hiver, en des retraites presque introuvables; et les loups dispersent souvent les orignaux. Par ailleurs, il n’y a pas de poissons dans la rivière la Paix, ni dans ses affluents.
Les missionnaires rapportent aussi à la frénésie du jeu à la main…
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(1) Le castor fut longtemps la fourrure principale du Nord, et tellement caractéristique que son évaluation primitive, le pela ou plu, est restée l'imité monétaire de ces pays, même depuis l'introduction de notre argent en métal et en papier. Comme la peau de castor s'estimait, à l'origine, une trentaine de sous, trois pelus font environ un dollar (cinq francs). On dira même que la peau du castor se vend aujourd'hui dix ou quinze pelus. Indiens et Blancs ne comptent encore qu'en pelus au Mackenzie, pour toutes transactions. Mais le castor-étalon du commencement est ignoré de beaucoup et oublié de tous.
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XI: Les Castors.Ravages du vandalisme et du JEU À LA MAIN
Les missionnaires rapportent aussi à la frénésie du jeu à la main, la déchéance de la tribu des Castors.
Le jeu à la main est la grande, l’universelle passion sportive des Indiens du Nord, passion tellement invétérée que les missionnaires, après l’avoir longtemps attaquée, ont renoncé à l’extirper jamais. Ils se bornent à obtenir de leurs fidèles qu’ils n’y attachent plus les superstitions dont le jeu à la main était le rite social, qu’ils se contentent de séances modérées, et qu’ils ne mettent que des bagatelles à l’enjeu.
Autrefois, les sauvages jouaient, dans ce Monte-Carlo, tout leur avoir, jusqu’à leurs femmes et leurs enfants. Un Cris et un Sauteux jouèrent leur propre scalpe. Ayant perdu tour à tour, ils se coupèrent l’un à l’autre le vivant trophée. Mgr Grouard ne fut pas peu surpris, un jour, de voir son fusil saisi par un Montagnais, qui l’avais mis en gage, après avoir perdu sa chemise.
La mourre, la morra, donnerait quelque idée du jeu à la main.
Les joueurs se placent, en lignes adverses et face à face, à genoux, assis sur leurs talons, corps contre corps, les mains dissimulées et communiquant derrière les dos, ou sous une peau étendue devant eux. Au signal, l’agitation commence. Des tambourins, maniés par des assistants, frappent en coups rythmés et de plus en plus accélérés. L’un des camps détient un osselet. L’osselet se trouve dans l’une des mains. Au chef de file des adversaires de deviner laquelle. Dans le but de dérouter l’inquisition, toutes les mains, tous les bras, tous les bustes du camp opérateur sont entrés en mouvement. Tout cela se croise, se lève, s’abaisse, se penche, se redresse, se renverse, en spasmes et saccades si rapides qu’un centième de seconde ne fixerait pas le groupe sur la plaque photographique. Des hurlements, vocalisés sur les airs de guerre que battent les tambourins, se précipitent en sauvage crescendo, de concert avec les trépidations des membres, des torses, des têtes. Dardés sur l’adversaire, comme pour le méduser, on dirait que les yeux de chacun vont éclater dans leurs orbites. La sueur inonde les habits et détrempe la terre. Les spectateurs, pris dans l’exaltation commune, dansent, gesticulent, grimacent, vocifèrent, à l’unisson des lutteurs et des tambourins. Incroyable la promptitude avec laquelle le devineur arrête la sarabande, en désignant d’un geste convenu, imperceptible aux profanes, celle de ces dix, vingt, trente mains qui étreint l’osselet, et les force à s’ouvrir toutes ensemble, en preuve qu’on ne l’a point dupé. S’il a dit juste, les arrhes et le jeu changent de côté. S’il s’est trompé, les vainqueurs recommencent dans le vacarme redoublé. Le spectacle est affreux. Il devait être diabolique, au temps du paganisme.
Les Castors passaient, à leur rage furieuse du jeu à la main, des jours, des nuits, sur la...
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XI: Les Castors.Ravages du vandalisme et du JEU À LA MAINSUITE
Les Castors passaient, à leur rage furieuse du jeu à la main, des jours, des nuits, sur la neige comme sous la pluie. La partie achevée, ils tombaient, exténués. De tente pour s’abriter, de vêtements pour se défendre contre le froid, ils étaient presque dépourvus, car les femmes, aussi passionnées que les hommes pour la morra indienne, avaient assisté à la joute, n’ayant garde de coudre les peaux de la loge, ni de raccommoder les hardes du ménage. Comme leurs hommes, elles s’endormaient, insouciantes, à la belle étoile. La grippe, la pneumonie n’avaient qu’à prendre.
Le Père Faraud fut le premier des Oblats à visiter les Castors. Il écrivit ses impressions à Mgr Taché, dès son troisième voyage, en 1860:
...Les Castors m’avaient fait demander à maintes reprises. Ils disaient mourir de chagrin d’être sans cesse privés de la présence du prêtre qui devait les instruire et leur ouvrir la porte du ciel. Je m’étais donc figuré qu’il n’y avait qu’à se présenter et que tout était fait. Il en a été, certes, bien autrement. Le Castor a un caractère double et lâche. Dès la première semaine, il faut leur rendre justice, ils se sont montrés zélés pour apprendre leurs prières; pourtant, cela ne les empêchait pas de jouer à la main et de faire de la sorcellerie, toute la nuit...
Je les avertis d’apporter leurs enfants au baptême. Ils me répondirent qu’ils ne le voulaient pas, parce que, leurs enfants une fois baptisés, ils ne pourraient plus faire de la médecine sur eux, et qu’ils mourraient tous. Ainsi, voilà une tribu entière qui dit vouloir être chrétienne et qui refuse de passer par la porte du christianisme, le baptême...
L’œuvre de la conversion de ce peuple sera donc un long travail. Que de tristes nuits cette pensée m’a apportées ! Les Castors sont si peu nombreux, leur bonne volonté est si faible, nos ressources sont si bornées...
Pourrons-nous jamais nous fixer parmi eux ? Ne faudra-t-il pas abandonner cette tribu à son sens réprouvé ?...
Malgré le peu d’espoir de recueillir une moisson, le Père Faraud…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XI: Les Castors.Un sacrifié.
Malgré le peu d’espoir de recueillir une moisson, le Père Faraud, devenu vicaire apostolique d’Athabaska-Mackenzie, sacrifia aux Castors la vie d’un missionnaire plein de jeunesse, de zèle et de santé: …
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XI: Les Castors.Le Père Tissier au fort Dunvégan.
…le Père Tissier. Il [d]ut l’installer lui-même, au fort Dunvégan, en 1866. Tous deux retournèrent à la Nativité, pour attendre le sacre de Mgr Clut, en 1867.
L’automne même de 1867, le Père Tissier se rendit à son poste de la mission Saint-Charles. Il y demeura jusqu’en 1883.
De ces seize années, il passa les treize premières dans l’isolement. De prêtres, il ne vit que le Père Collignon trois fois, et le Père Lacombe une fois, en de rapides visites qu’ils lui firent, par charité fraternelle.
Le seul ami qu’on put lui envoyer fut…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XI: Les Castors.Noyade du Frère Thouminet.
Le seul ami qu’on put lui envoyer fut le Frère Thouminet.
Ancien soldat, religieux modèle, le Frère Thouminet était la ponctualité même, jointe à la bravoure, dans les soins de la mission, comme dans le soin de la perfection de son âme. Mais ses jours devaient bientôt finir. Arrivé au fort Dunvégan en 1877, il se noya le 18 août 1880, dans une anse de la rivière la Paix, en cherchant un instrument qu’il croyait avoir perdu. Il dut glisser dans l’eau, avec un pan de grève.
Le premier compagnon prêtre du Père Tissier fut …
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XI: Les Castors.Episode de l’hiver 1870-71..SUITE
Le premier compagnon prêtre du Père Tissier fut le Père Le Doussal. Il n’y passa que l’année 1880-1881. Mais il souffrit assez pour écrire:
« Ici, c’est l’étable de Bethléem. J’ai vu le fort Providence, le Grand Lac des Esclaves, le lac Athabaska, le fort Vermillon: rien n’approche du dénuement que j’ai trouvé à Dunvégan. »
Le Père Tissier quitta ce dénuement en 1883, le laissant aux Pères Husson et Grouard, ses successeurs. Il était forcé d’aller chercher à Saint-Boniface, hôpital le plus voisin alors (3.000 kilomètres), le soulagement d’une infirmité horrible, qu’il avait contractée en poussant la traîne. Il emportait de Dunvégan l’affection et les regrets de tous les sauvages.
Le Père Tissier n’a point écrit. Il l’aurait pu. Il l’aurait dû. Il préféra ensevelir dans le silence de son âme et la mémoire de Dieu ses souffrances avec ses mérites. L’une de ses épreuves, toutefois, est parvenue à la connaissance de plusieurs. Il nous a permis de la raconter, après nous l’avoir lui-même redite.
L’hiver 1870-1871 fut universellement rigoureux, en Amérique comme en Europe; mais le froid éprouvé par les soldats de la guerre franco-prussienne eût encore semblé un doux printemps, à côté de celui de notre Extrême-Nord. Quelques jours avant le 25 décembre 1870, le Père Tissier, qui manquait de vin de messe depuis plusieurs semaines, voulut échapper à la douleur de passer la fête de Noël avec les sauvages, sans pouvoir leur célébrer les saints mystères, et se mit en route pour prendre son approvisionnement bisannuel, laissé en panne, ainsi qu’il en arrivait presque toujours, sur un rivage de la rivière la Paix. Cette fois, c’était à 600 kilomètres en deçà de Dunvégan, à la pointe Carcajou, que le convoi de ravitaillement avait rencontré les glaces et abandonné le transport.
Deux chiens tiraient du collier le traîneau, que le père poussait avec un bâton. Un employé de la Compagnie et son équipage allaient du même pas chercher les effets des commerçants, mêlés à ceux de la mission. Le voyage se fit en douze jours, sans incidents notables.
En déblayant la cache, le compagnon du missionnaire lui écrasa le gros orteil avec une pièce de bois. Le blessé eut à marcher quand même, en poussant toujours son traîneau chargé.
Par malheur, une fausse glace se rencontra, formée sur la vieille, à la suite d’une vague de vent chinouk, et céda sous le poids: les voyageurs tombèrent à l’eau. Les pieds du père se gelèrent. Il restait trois jours de marche pour rejoindre le premier campement de Cris que l’on connût, au confluent de la rivière Bataille et de la rivière la Paix.
Ces Indiens, bons catholiques…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XI: Les Castors.Episode de l’hiver 1870-71.SUITE
Ces Indiens, bons catholiques, accueillirent cordialement le missionnaire [Le P. Tissier].
L’orteil meurtri était bleu-noir, et la chair des autres commençait à se décomposer. Le père voulut couper le tout; mais les sauvages l’en empêchèrent:
— Si tu fais cela avec nos mauvais couteaux, tu es un homme mort, lui dirent-ils. Nous n’avons rien pour guérir la plaie qui en résulterait, et bientôt le poison monterait dans ton corps. Laisse-nous te soigner, comme nous l’entendrons.
Ce disant, ils détachaient la sous-écorce d’un sapin rouge, pour la faire bouillir. Par les lavages et les compresses répétés de cette décoction, ils lui sauvèrent les pieds, et probablement la vie.
Réduit à l’impossibilité de se tenir debout pour plusieurs mois, le père congédia l’engagé de la Compagnie qui s’offrait à l’assister, et s’installa avec les Cris, dans une tente de famille, à la place que ses infirmiers lui assignèrent, sur la peau de bête commune.
Il n’était pas là de trois semaines que la famine arriva. Les orignaux fuyaient, et les lièvres avaient déserté le pays. Pas une bouchée de réserve dans le camp. Les provisions, amenées de la pointe Carcajou et destinées à soutenir le missionnaire pendant deux ans, y passèrent d’abord; puis tout ce qui pouvait se manger des peaux et des vêtements. Les plus faibles râlaient autour des foyers, que les plus résistants pouvaient à peine entretenir encore. Une femme en vint à l’extrémité. Le prêtre lui donna, de son grabat, l’absolution suprême, et la prépara à paraître devant Dieu, n’ayant guère la force d’articuler les prières plus que l’agonisante elle-même.
— Père, dirent les Indiens, quand elle sera morte, nous permettras-tu de la manger?
— Oui, répondit-il.
En lui-même, il ne put se défendre de penser: « Aurai-je le courage d’en refuser ma part ! »
Mais cette résolution de désespoir — que comprendront tous ceux qui ont eu faim— n’eut pas à s’accomplir. La Providence entendit les supplications de ses enfants. Le même jour, au moment où les derniers chasseurs, qui avaient pu avancer encore un peu dans le bois, se couchaient pour attendre la mort, ils entendirent une lointaine détonation. Ils rampèrent dans la direction en tirant eux-mêmes des coups de fusil. Les hôtes invisibles de la forêt répondirent enfin et s’approchèrent. O bonheur ! C’était un groupe de Cris, qui venaient d’abattre quatre orignaux. L’abondance embrassait la misère.
— Le père est avec nous; il est malade; il se meurt, là-bas, dirent aussitôt les affamés !
— Le père ! Allons vite le chercher, et, avec lui, vos femmes, vos enfants, vos vieillards !
Les secours furent promptement portés à la rivière Bataille, et tous les faméliques conduits à même les dépouilles de la chasse.
Remis sur pied, le missionnaire put reprendre la raquette. Il arriva au fort Dunvégan, le Samedi Saint.
La détresse du Père Tissier, en cet hiver, rappelle celle d’un autre apôtre des Castors…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XI: Les Castors.Le Père Husson naufragé.
La détresse du Père Tissier, en cet hiver, rappelle celle d’un autre apôtre des Castors, le Père Husson, en juillet 1880 (1) .
Le Père Husson retournait du lac Athabaska au fort Vermillon, sa résidence, en compagnie du Frère Reygnier et de deux serviteurs indiens. Avec bon vent en poupe et fin gibier au bout du fusil, ramant tous quatre et chantant leur gaieté, ils remontaient la rivière la Paix. A mi-chemin, comme ils se reposaient sur le rivage, le canot, mal assujetti, se détacha et partit, sous leurs yeux, emportant les vivres, les armes, les couvertures, les ustensiles, tout, excepté une hache qu’ils avaient pris, sans savoir pourquoi, en sautant à terre. Ils étaient là, naufragés, en chemise, pantalon et mocassins, sans une once de victuailles, devant 240 kilomètres à parcourir, parmi les nuées de maringouins, à travers des bois inextricables, où le seul instinct des sauvages pouvait diriger la marche.
Ils mirent leur confiance en Dieu et en Marie, et s’engagèrent dans les fourrés.
Le deuxième jour, les mocassins étaient usés, et les pieds se posaient, au vif, sur les cailloux et les ronces. La faim tiraillait les estomacs. Les heures de sommeil auxquelles les affamés devaient céder transportaient leurs rêves en présence de tables chargées de festins et enivrées de symphonies; mais au moment de toucher à ces viandes et à ces coupes, ils s’éveillaient.
« — Mes guides blasphémaient Dieu, rapporte le missionnaire, incapables de comprendre comment Celui que le prêtre invoque avait pu les abandonner ainsi. »
Une pluie, qui tombe près de trois jours, les oblige à patauger dans des mares continuelles. Sur les rivières étroites, le Père Husson jette, en guise de passerelles, des arbres qu’il abat. A une large rivière qu’ils rencontrent, ils avisent une chaussée de castors: elle s’est brisée. Il faut d’abord établir un pont, du rivage à cette chaussée, qui est, elle-même, à deux pieds sous l’eau. Aidés d’un bâton, les voilà passant, l’un après l’autre, sur cette arête étroite, entre deux précipices où les vagues s’entrechoquent sourdement. Un soir, ils découvrent des pistes de chasseurs. Ils les suivent. Déception ! Ces Indiens sont eux-mêmes réduits à la disette. Plusieurs n’ont rien mangé depuis une semaine. Cependant ils en tirent un grand secours: se faire traverser sur la rive droite le la rivière la Paix, et s’abréger ainsi la marche d’une journée.
Enfin, le septième jour, en loques, massacrés des moustiques, « si amaigris qu’ils se font peur l’un à l’autre », ils tombent au milieu des bons Indiens du fort Vermillon.
Mon Dieu, combien coûtent les âmes !
De toute l’histoire de la tribu des Castors, la seule relation entièrement…
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(1) Le Père Husson fut « le missionnaire charpentier de la rivière la Paix ». Mgr Grouard l’a plus d’une fois présenté « luttant contre le colosse de l’invasion protestante, le bréviaire et la hache à la main », « grand bâtisseur des missions du district », et « voyageur à qui il n’arriva jamais de se faire traîner ».
Il remplit la charge de procureur vicarial de l’Athabaska et du Mackenzie, de 1895 à 1909.
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XI: Les Castors.Une relation du Père Le Treste.
De toute l’histoire de la tribu des Castors, la seule relation entièrement consolante que nous ayons découverte est celle-ci, du Père Le Treste, qui fut 18 ans missionnaire au fort Dunvégan, d’où il rayonnait, par monts et par flots, sur tout le bassin de la haute rivière la Paix:
26 octobre 1894.— J’arrive d’un voyage au fort Saint-Jean. C’est la première fois que j’ai trouvé une population castor si accueillante et dans de si bonnes dispositions, et qu’ils m’ont montré qu’ils savaient qu’ils ne sont pas uniquement sur la terre pour manger de la viande d’orignal. Tout différemment des autres fois, ils n’ont fait aucune difficulté pour laisser baptiser leurs enfants. J’ai baptisé aussi cinq adultes et un vieillard. A peu près tous sont venus me voir pour me dire qu’ils priaient le grand-prêtre (l’évêque) de m’envoyer chez eux, non plus pour quelques jours, mais pour y demeurer. J’ai eu la chance également de trouver à Saint-Jean la plupart des Castors de Hudson’s Hope, dont les bonnes dispositions ne le cédaient pas à celles de leurs frères de Saint-Jean.
En 1866, Mgr Faraud avait aussi trouvé, au même fort, une consolation apostolique; mais c’était dans le champ de la mort.
Des 1800 Castors de ce poste, écrivait-il, il ne reste pas 800; et tous sont malades. On m’a assuré qu’il n’y avait pas plus de six ou sept chasseurs valides. Comme on leur avait mal indiqué l’époque de ma visite, je n’ai pas eu le chagrin de voir toutes leurs misères. Ayant appris, cependant, qu’il y en avait une quarantaine qui avaient passé l’été sur une plate-forme, au flanc des montagnes, j’escaladai la montée et, après avoir marché fort longtemps, j’en trouvai trente, couchés à l’ombre d’un saule. Ils n’avaient que la peau et les os, contraints qu’ils avaient été de disputer aux ours quelques fruits sauvages. Leurs corps étaient couverts d’ulcères creux, qui répandaient au loin une infection cadavérique. Je leur demandai s’ils désiraient le baptême:
« Nous ne vivons, me dirent-ils, que pour cela. Déjà nous serions morts depuis longtemps; mais nous avons demandé à Dieu de vivre assez pour te voir et être baptisés. »
Après une courte instruction, je les baptisai.
Chapitre XII. Les COUTEAUX-JAUNES….
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XIILES COUTEAUX-JAUNES
Mission Saint-Joseph du fort Résolution, et le Grand Lac des Esclaves. — Les Couteaux-Jaunes. — Le Père Dupire. — Le Père Gascon, le PRIANT MAIGRE.— Mal de neige.— Catéchiste « à la baguette » . — Hospitalité canadienne. — Le Sacré-Cœur au Grand Lac des Esclaves. — La lampe du sanctuaire.— « Le martyre sans gloire. » — Mission Saint-Isidore et ferme Saint-Bruno du fort Smith. — Mission Sainte-Marie du fort Fitzgerald. — Noyade des Pères Brémond et Brohan .— Mgr Célestin Joussard. — A Saint-Sauveur de Québec. — Bloqué dans les glaces.
Avec les Couteaux-Jaunes, nous pénétrons dans les régions subarctiques politiquement inorganisées du Canada, et au sein du vicariat actuel du Mackenzie.MISSION SAINT-J0SEPH(FORT RÉSOLUTION, GRAND LAC DES ESCLAVES)
La mission Saint-Joseph, la principale par son ancienneté, sa position géographique et le nombre de ses fidèles, se range aux côtés du fort Résolution, à gauche du delta de la rivière des Esclaves, sur la rive sud du Grand Lac des Esclaves.
Si, du seuil de la mission, le regard pouvait reculer l’horizon, qui se confond avec les flots, il parcourrait, en face, droit sur le nord, les 100 kilomètres de la plus grande largeur du Grand Lac des Esclaves. Sur le nord-ouest, vers le déversoir qui enfante le fleuve Mackenzie, il franchirait, sans heurter l’obstacle d’un rocher, un espace de 150 kilomètres. Sur le nord-est, en ligne presque directe, il plongerait, par delà le corps de cette mer intérieure, au fond d’une baie, longue à elle seule de 130 kilomètres, et tendue comme un bras vers le pôle. A l’est, l’œil s’arrêterait bientôt contre le changement total des formes et des décors. Autant les baies de l’ouest étaient régulières, larges et continues, autant les baies de l’est sont sinueuses, brisées de détroits, criblées d’îles et de mornes. A l’ouest l’uniformité, la vastité, le champ ouvert des tempêtes; à l’est, la variété, le pittoresque, les ports de refuge.
Vingt-cinq cours d’eau connus alimentent le Grand Lac des Esclaves, sur ses 365 kilomètres de longueur. A leur débit s’ajoutent les apports d’innombrables sources sous-jacentes.
Les eaux de l’ouest, fournies surtout par la rivière des Esclaves, sont ordinairement limoneuses; les eaux de l’est, qui ne reçoivent que des rivières jaillies du roc de la Terre Stérile conservent une transparence profonde. Mais le poisson habite librement tout le sein du Baïkal canadien.
Les forêts riveraines de l’ouest sont habitées par les orignaux et les ours, tandis que les savanes et les lichens de l’est revoient chaque hiver les troupeaux de rennes.
La superficie, incomplètement inexplorée du Grand Lac des Esclaves, mais estimée à quelque 27.100 kilomètres carrés, le classent cinquième parmi les bassins d’eau douce des deux Amériques. (1)
Le Grand Lac des Esclaves, Great Slave Lake…
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(1) Il ne serait dépassé que par les lacs Supérieur (81.549 kmq.), Huron (61.615 kmq.), Michigan (57.731 kmq.), et de l’Ours (29.513 kmq.).
Les bords du Grand Lac des Esclaves, comme ceux de la plupart des grands lacs de l’Ouest et du Nord américains, sont de toute diversité, du nord au sud. La rive sud s’allonge en grève douce, plane et abondamment boisée. La rive nord se dresse en un chaos de roches granitiques atteignant quelquefois des proportions de montagnes, bubons figés de l’éruption terrestre, qui empêchèrent ces fonds d’anciennes mers de retourner aux océans. L’on observe, dans les rochers des rives nord, des veines de quartz qui annoncent de grandes richesses minières.
Les îles de l’est et du grand bras du Lac des Esclaves sont de même granit tourmenté. Coiffées de verdoyants sapins et chaussées de l’écume des flots, elles forment des beautés qui ne lasseront jamais.
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.Mission Saint-Joseph du fort Résolution,
et le Grand Lac des EsclavesSUITE
Le Grand Lac des Esclaves, Great Slave Lake, (Le Grand Lac des Mamelles, Ttchou-T’ouè, pour les Indiens), doit son nom européen à une tribu que les premiers explorateurs, Hearne en 1772 et Pond en 1780, trouvèrent sur ses bords, et qui fut refoulée, depuis, vers le nord, à l’exception d’un petit groupe qui végète encore à l’embouchure de la rivière au Foin: la tribu des Esclaves.
Trois missions à poste fixe occupent le Grand Lac des Esclaves: Saint-Joseph du fort Résolution pour les Couteaux-Jaunes, Sainte-Anne du fort Rivière au Foin pour les Esclaves, et Saint-Michel du fort Rae pour les Plats-Côtés-de-Chiens. Leur situation formerait un triangle presque isocèle, avec le fort Rae, au fond de la baie du nord, pour sommet, et le fort Résolution et la rivière au Foin pour extrémités de base. C’est dire quelles étendues d’eau ou de glace doivent affronter les missionnaires, pour se visiter. De ces trois missions-mères, ils se dispersent par toutes les baies et par tous les bois environnants, jusqu’à l’ancien fort Reliance (mission Saint-Jean-Baptiste), fond du Grand Lac des Esclaves, à la recherche des âmes.
La mission Saint-Joseph du fort Résolution compte quelques familles Montagnaises, originaires du lac Athabaska, et quelques Plats-Côtés-de-Chiens; mais les deux tiers de sa population sont pris à la tribu des Couteaux-Jaunes.
Les Couteaux-Jaunes…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.Les Couteaux-Jaunes.
Les Couteaux-Jaunes (Tratsan-ottinè, Gens du Cuivre) sont issus, dit leur légende, « du premier homme et d’une gelinotte qui se métamorphosa en femme pendant son sommeil ». Cette femme conduisit ses enfants dans une contrée où il y avait un métal jaune, avec lequel elle leur enseigna à faire des couteaux pour dépecer les rennes. D’où leur nom de Couteaux-Jaunes. (1)
En effet, une rivière et un fleuve voisins, mais au cours opposé, prennent naissance dans la Terre Stérile, sur la ligne de faîte qui sépare le versant du Grand Lac des Esclaves du versant de l’océan Glacial; et des gisements de cuivre à fleur de sol se trouvent entre leurs sources, ainsi qu’en diverses zones de leur parcours. Le fleuve Coppermine (Mine de Cuivre) coule à l’océan Glacial, la rivière Couteau-Jaune vient tomber sur le coude du grand bras du lac des Esclaves.
Aux sources du fleuve Coppermine et le long de la rivière Couteau-Jaune, les « fils de la gelinotte » ont conservé leurs terrains de chasse; et c’est encore de ces parages qu’ils s’acheminent, deux fois l’année, vers le fort Résolution, avec leurs fourrures et leur viande de renne.
L’histoire purement religieuse des Couteaux-Jaunes a été celle d’un triomphe, du jour de 1852, où le Père Faraud l’aborda, au jour de cette page.
Le Père Faraud fut accueilli au Grand Lac des Esclaves, comme Notre-Seigneur dans l’hosanna des Rameaux. Un vieillard lui disait:
Regarde mes cheveux blancs; mes reins affaiblis par les ans m’ont fait courber vers la terre. Souvent j’ai dit: « Fasse le Ciel que je vive assez longtemps pour voir son priant ! » Le voilà. Pendant le cours de l’hiver qui vient de passer, chaque jour me paraissait un mois; et chaque soleil levant, je remerciais Dieu de revoir la lumière. J’étais malade et abattu, et je disais à mon Grand-Père (Dieu): « Quelques-uns des nôtres ont été voir le prêtre l’an passé, et le prêtre leur a dit: « Dites à vos vieillards que je leur défends de mourir, et veux les voir tous. Me laisserez-vous lui désobéir? » Dieu a écouté mes prières, et avant de me plier pour toujours, je te vois. Je sais que tu as une eau qui lave le cœur; tu ne partiras pas d’ici avant de l’avoir versée sur moi; et alors je mourrai content.
Des heures de tristesse ne manquèrent pas aux successeurs du Père Faraud; mais elles s’achevèrent toujours par la résurrection des prodigues à la grâce de leur baptême. Le ministre protestant prêcha plus de vingt ans, au fort Résolution, sans s’attacher plus de quelques métis écossais et de très rares sauvages, qui, d’ailleurs revinrent au prêtre pour mourir.
Au temporel, le coup d’œil sur l’étendue mobile du Grand Lac des Esclaves aura fait pressentir quelle dut être — et quelle est encore — la vie apostolique menée à Saint-Joseph.
Les missionnaires, dont tous, à l’exception des deux premiers, résidèrent à ce poste, furent les Pères Faraud, Grandin, Grollier, Eynard, Gascon, Dupire, Joussard, Brémond, Frapsauce, Mansoz, Laity, Bousso, Duport, Falaize, Trocellier.
Parmi ces apôtres des Couteaux-Jaunes les travailleurs des années les plus sombres et les plus longues furent…
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(1) Les Indiens Couteaux-Jaunes furent trouvés en possession de longs couteaux de cuivre, auxquels ils donnaient la consistance de l’acier en les trempant plusieurs heures dans le sang bouillant de renne.
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.Le Père Dupire.
Parmi ces apôtres des Couteaux-Jaunes les travailleurs des années les plus sombres et les plus longues furent les Pères Gascon et Dupire.
Du Père Dupire, franc Breton de Pontivy, l’heure ne viendra pas si tôt, espérons-le, de louer les œuvres, tant il reste vivant, aussi vivant qu’en 1877, date de son arrivée à la mission Saint-Joseph. Il va, court et vole encore, au bord du Grand Lac des Esclaves, avec l’agilité de ses vingt-cinq ans. Ses gais yeux noirs, sa voix de stentor artiste, qu’il chante ou qu’il sermonne, sa barbe ébène de poilu témoignent que les jeûnes répétés, les marches forcées dans les bois, les nuits égarées dans les poudreries du large, et les bains glacés dans les crevasses béantes ne tuent qu’à lente échéance, fussent-ils de moindre taille, les soldats du Nord.
LE PÈRE ZÉPHYRIN GASCON (1826-1914)…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.LE PÈRE ZÉPHYRIN GASCON (1826-1914)
Canadien-Français de naissance, le Père Gascon était vicaire à Verchères, non loin de Montréal, en 1857, lorsqu’il entendit l’un des appels de Mgr Taché pour la cause de ses missions. Il suivit immédiatement l’évêque du Nord-Ouest, qui, le 2 juin 1859, l’envoya de Saint-Boniface au secours des chrétientés du Grand Lac des Esclaves.
Le Père Grollier, qui était allé l’année précédente à Saint-Joseph, pour être le compagnon du Père Eynard, avait à peine atteint son poste qu’il avait vu passer, sur les barges de la Compagnie, l’archidiacre protestant Hunter, en route pour les forts du fleuve Mackenzie, et que, sans balancer, il s’était précipité sur les traces du ravisseur, jusqu’à Good-Hope.
C’était en lieu et place du Père Grollier que le Père Gascon se voyait soudainement dépêché.
Comme il venait de commencer son noviciat d’Oblat, Mgr Taché nommait le Père Eynard substitut du maître des novices.
Envoyer un novice à pareille distance (900 lieues), disait-il au Père Aubert, c’est sans doute un grave inconvénient; mais, comme me l’ont fait observer mes conseillers, le Père Gascon n’est pas novice en vertu: on peut compter sur lui mieux que sur certains profès.
Le Père Gascon arriva le 12 août 1859, au Grand Lac des Esclaves.
Le 6 janvier 1861, ayant enfin trouvé le temps de faire sa retraite préparatoire, il prononça ses vœux perpétuels, aux pieds du Père Eynard. Des 512 jours qu’avait duré ce noviciat, dans le Nord, le novice en avait passé 147 en compagnie de son maître. Le reste des 16 mois, l’un et l’autre avaient parcouru les missions dépendantes de Saint-Joseph.
Ces missions étaient alors les forts de la rivière au…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.Le Père Gascon, le PRIANT MMAIGRE.SUITE
Ces missions étaient alors les forts de la rivière au Sel, Grande-Ile, Rae, Simpson, Liard et Halkett.
Le Père Gascon fut le premier prêtre à porter l’Évangile dans la rivière des Liards, affluent du Mackenzie. Il se rendit, en 1860, jusqu’au confluent de ces rivières, au fort Simpson, malgré l’affront de la Compagnie — ou plutôt de ses officiers locaux — qui lui refusèrent, sur les barges, un passage qu’ils octroyaient au ministre protestant. Celui-ci allait donc s’emparer des sauvages du fort des Liards. Mais le Père Gascon, hélant un canot d’écorce, avec trois hommes, s’aventura sur le Grand Lac des Esclaves, à la poursuite des barges, qu’il rejoignit au fort Simpson, le 26 août, à la stupéfaction du bourgeois et à la consternation du prédicant.
Le Père Grollier était là, venu du fort Good-Hope (800 kilomètres), afin de rencontrer son confrère et d’organiser avec lui la lutte contre l’ennemi.
Le Père Grollier était accouru sur le rivage, raconte le Père Gascon. Deo gratias, Deo gratias, me dit-il, pour me saluer; et aussitôt de se jeter à mon cou, et de m’embrasser. Les sauvages du fort des Liards sont à nous, ajouta-t-il. Oh ! Quel bonheur pour moi !
Il suffit de regarder un instant le Père Grollier pour se convaincre qu’en effet il est bien heureux. Son regard qui s’anime, son front qui s’illumine, tout dit sa joie. Il aime tant les sauvages !
Le Père Gascon poursuivit aussitôt sa course jusqu’au fort des Liards, où il arriva le 4 septembre, trois jours avant le ministre: les Indiens furent donc à lui.
Trois fois, coup sur coup, il refit, afin de soutenir ses néophytes, cette randonnée de 875 kilomètres, du fort Résolution au fort des Liards.
Il voulut pousser plus loin son deuxième voyage, en faisant l’assaut du fort Halkett. Le fort…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.Le Père Gascon, le PRIANT MMAIGRE.SUITE
Il voulut pousser plus loin son deuxième voyage, en faisant l’assaut du fort Halkett. Le fort Halkett, abandonné bientôt après par la Compagnie, à cause de son inaccessibilité même, centralisait les chasses de deux fragments de tribus des montagnes Rocheuses, les Sékanais et les Mauvais-Monde. Ce n’est qu’à la deuxième tentative que le Père Gascon atteignit le but. Et encore ne trouva-t-il que quelques âmes. De son premier échec, il a laissé cet aperçu:
Après avoir remonté pendant deux jours la rivière, depuis le fort des Liards, nous nous engageâmes dans la rivière du fort Halkett, appelée à bon droit rivière du Courant fort (1). Elle est très étroite, très dangereuse, pleine de rapides. Les serviteurs de la Compagnie y montent les barges à l’aide du câble. Un de nos hommes faillit s’y noyer. Il y a là certain endroit où l’on se trouve enfermé entre quatre rochers énormes, puis un passage que l’on désigne sous le nom de Porte de l’Enfer, et non loin se trouve le Portage du Diable. Tout cela est sinistre. Chaque coup de rame produit un bruit qui, s’en allant de rocher en rocher, répercuté par des échos, fait vraiment frissonner. Arrivé au Portage du Diable, j’appris avec chagrin que les sauvages n’étaient point au fort Halkett. Il fallait rebrousser chemin.
Jugez de ma douleur et de mes craintes; mais il n’y avait point à hésiter sur le parti à prendre. Il fallut que chacun commençât par faire de ses bagages un paquet qu’il pût porter sur ses épaules; puis, nous nous mîmes en route par terre. Nous avions d’abord à gravir les pentes roides de la montagne, puis à descendre des précipices affreux. Impossible de vous dire les dangers de cette route. Plusieurs fois, les cheveux se dressèrent d’épouvante sur ma tête. Je faillis tomber plusieurs fois; et toute chute eût été mortelle. Je ne vous parle pas des crampes qui me saisirent aux jambes et me firent tant souffrir.
Arrivons au bord de la rivière, à un endroit où elle paraît moins dangereuse. Nous prendrons le canot, tout ira mieux. Nous y étions à peine installés tous les sept qu’un faux mouvement de nos hommes nous exposa au plus grand danger de nous noyer. Mais non, nous arriverons sains et saufs, car Dieu nous protège manifestement. Après de grandes fatigues et de nouveaux dangers, nous rentrâmes au fort des Liards.
A son retour du fort Halkett, en septembre 1862, le Père Gascon prend le fleuve Mackenzie,…
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(1) Cette rivière Courant fort est la rivière des Liards elle-même, depuis sa source jusqu’à l’endroit où elle reçoit la rivière Nelson.
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Louis- Admin
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.Le Père Gascon, le PRIANT MMAIGRE.SUITE
A son retour du fort Halkett, en septembre 1862, le Père Gascon prend le fleuve Mackenzie, au fort Simpson, et le descend vers le fort Good-Hope (960 kilomètres), où l’appelle le Père Grollier. Le 7 octobre, son canot est arrêté par la glace. Il marche cinq jours, bagages sur le dos, le long des grèves. L’année suivante, il revient à Saint-Joseph.
L’endurance du Père Gascon dans les voyages, comme dans ses habitudes régulières, fit voir la somme d’efforts que peut arracher à la faiblesse d’un corps l’énergie d’une âme.
Long, délabré, semblant n’avoir que la charpente osseuse, les sauvages le qualifièrent tout de suite: le Priant maigre, Yialtri-gon. Sa digestion ne souffrait que peu de nourriture. Cinq minutes suffisaient à ses trois repas mis ensemble. Il n’avait pas souvenance que les crampes d’estomac l’eussent laissé dormir plus d’une heure par nuit. Couché vers minuit, il était debout à deux heures. De son grabat il passait à la chapelle pour « tenir compagnie à Notre-Seigneur ».
Prier, travailler, souffrir sans murmurer furent toute sa vie.
Aux voyages de l’hiver, il allait invariablement à pied. Il courait, courait, sur ses raquettes, et les jours et les nuits. La mauvaise place du campement était la sienne. Astreint par sa pauvreté, autant que par la nécessité, à ne se charger que de l’indispensable, il partait souvent sans linge de rechange. Un jour qu’il n’en pouvait plus de vermine, il emprunta une vieille chemise d’un employé de la Compagnie. Il vit la sienne, en la déposant, noire, remuante. Il ne cessa cependant de se reprocher cette action comme « une faiblesse et une immortification ».
Comme si le démon se fût acharné contre ce François-Xavier des Dénés, il ne rencontrait partout que mauvais pas et aventures enguignonnées; ce qui lui valut son autre nom indien: Yialtri-Douyé, Le Priant de misère.
Mais ces souffrances, les souffrances énumérées jusqu’ici dans ce livre…
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Louis- Admin
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