Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXIII.L'intellect possible n’est pas le même dans tous les hommes.SUITE
Mais en accordant même que cette union suffise pour faire de l'homme un être intelligent, cette réponse ne détruirait pas les raisons que nous avons données. Car:…
1° Dans l'opinion qui nous occupe, de tout ce qui appartient à l'intelligence, l'image seule se multipliera en proportion de la multitude des hommes, et si elle se multiplie, ce ne sera pas parce que l'intelligence la percevra actuellement; car, lorsque cette perception a lieu, elle passe dans l'intellect possible, et l'intelligence devenant active, la fait sortir par l'abstraction des conditions où se trouve la matière. D'un autre côté, tant que cette image n'est connue qu'en puissance, elle ne dépasse pas les limites de l'âme sensitive.
2º Tel homme ne sera distinct de tel autre que par l'âme sensitive; et nous retombons dans l'inconvénient déjà signalé, savoir que celui-ci et celui-là ne seront pas deux hommes.
3° Rien ne se trouve spécifié par ce qui est en puissance, mais par ce qui est en acte. Or, l'image, considérée comme multiple, n'a que la puissance de devenir intelligible. Donc l'individu n'arrive pas par l'image, en tant qu'elle est multiple, à posséder ce qui détermine l'espèce de l'animal intelligent, c'est-à-dire la raison humaine; et par conséquent ce qui constitue l'espèce humaine ne sera pas multiple dans les sujets divers.
4° Le principe en vertu duquel tout être vivant se range dans son…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXIII.L'intellect possible n’est pas le même dans tous les hommes.SUITE
4° Le principe en vertu duquel tout être vivant se range dans son espèce est une perfection première, et non une perfection seconde, ainsi que l'enseigne Aristote( 8 ). Or, l'image n'est pas une perfection première, mais une perfection seconde; car sa naissance dans l'imagination est un ébranlement actuel causé par un sens, selon la remarque du même Philosophe (9). Donc ce n'est pas l'image qui, en se multipliant, place l'homme dans son espèce.
5° Les images qui sont perçues en puissance par l'intelligence sont diverses. Or, ce qui fixe l'espèce doit être un; car un seul être n'a qu'une espèce. Donc l'homme n'appartient pas à son espèce en vertu des images qui se multiplient dans les sujets divers, en tant qu'elles sont connues en puissance.
6° Le principe qui spécifie l'homme ne doit pas cesser d'être dans le même individu pendant toute la durée de son existence ; autrement cet individu ne serait pas constamment dans la même espèce, mais il passerait de temps en temps de l'une à l'autre. Or, les mêmes images ne persévèrent pas toujours dans le même homme ; mais il en survient de nouvelles et souvent les anciennes s'effacent. Donc ce n'est pas par les images que l'individu de l'homme entre dans son espèce et qu'il continue d'être uni au principe qui le spécifie, c'est-à-dire à l'intellect possible.
Si l'on prétend que…
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( 8 ), (9) Ces notes sont libellées en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXIII.L'intellect possible n’est pas le même dans tous les hommes.SUITE
Si l'on prétend que l'espèce de tel homme n'est pas déterminée par les images mêmes, mais par les facultés qui les reçoivent, telles que l'imagination, la mémoire et la faculté de penser, qui est propre à l'homme, et qu'Aristote désigne sous le nom d'intellect passif (10), les mêmes difficultés reparaissent.
1° Parce que l'opération de cette faculté de penser se termine aux êtres particuliers dont elle sépare et réunit les intentions (11), et qu'elle agit au moyen d'un organe corporel, elle ne s'élève pas au-dessus du genre de l'âme sensitive. Or, l'homme n'est pas un homme, mais seulement un animal, en vertu de l'âme sensitive. Donc, s'il y a en nous quelque chose de multiple, c'est cela seul qui appartient à l'homme en sa qualité d'animal.
2° Comme la faculté de penser opère par le moyen d'un organe, elle n'est pas le principe de notre connaissance, puisque l'opération de connaître n'appartient à aucun organe. Or, c'est en vertu du principe par lequel nous connaissons, que l'homme est un homme; car connaître, c'est l'opération propre de l'homme, et elle est inséparable de son espèce. Donc, si tel individu est un homme, ce n'est pas à raison de la faculté de penser qui est en lui; et cette faculté ne constitue pas la différence substantielle qui le distingue des brutes, ainsi que le suppose Averrhoès.
3° La faculté de penser ne se rattache à l'intellect possible…
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(10) Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
(11) Voyez la note 2 du ch. 60 => (2) Il faut entendre par ces intentions individuelles les formes particulières considérées comme revêtues de certaines qualités insaisissables pour les sens, telles que celles qui produisent la sympathie on l'antipathie et rendent une chose utile ou nuisible.
Les brutes discernent ces choses par une estimation naturelle, et l'homme par la faculté qu'il a de penser. Ainsi, la brebis prend la fuite à la vue d'un loup qui lui parait être un ennemi, tandis qu'elle n'évite pas la rencontre d'une autre brebis, parce qu'elle la regarde comme amie, et, par conséquent, elle fait une distinction et établit une comparaison entre un loup et une brebis. Autre exemple: l'oiseau ramasse les brins de paille qui lui paraissent utiles pour composer son nid, tandis qu'il laisse de côté les sarments qu'il juge inutiles.
Ce que les brutes font par suite de cette estimation naturelle, l'homme le fait en usant de la faculté de penser, et d'une manière beaucoup plus parfaite, puisque, à l'aide de cette faculté, il formule des propositions particulières. Les brutes ne s'élèvent pas jusque-là; mais elles saisissent simplement les qualités dont nous venons de parler (Franc. de Sylv., Comment.].
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXIII.L'intellect possible n’est pas le même dans tous les hommes.SUITE
3° La faculté de penser ne se rattache à l'intellect possible, par lequel l'homme connaît, que par son acte; et cet acte dispose les images de telle sorte que l'intelligence, devenant active, en fasse des intelligibles actuels qui perfectionnent l'intellect possible. Or, cette opération varie en nous. On ne peut donc la considérer, ni comme le lien qui unit l'homme au principe de l'espèce humaine, ni comme son caractère spécifique. Il est évident, par conséquent, que la réponse qui précède est inadmissible.
4° Ce qui fait qu'une chose opère ou agit est le principe d'où découle l'opération, non-seulement quant à son existence, mais encore selon qu'elle s'étend à la multitude ou se réduit à l'unité. En effet, le même calorique n'a qu'une seule action d'échauffer, ou un seul échauffement actif, et cependant l’échauffement passif peut se multiplier en raison de la diversité des objets que ce même calorique échauffe en même temps. Or, Aristote nous dit que l'âme connaît par l'intellect possible (12). Si donc l'intellect possible de deux hommes est numériquement un seul et même intellect, il s'ensuivra qu'ils auront également tous deux une seule et même action de connaître; ce qui est manifestement impossible, car plusieurs individus sont incapables d'une opération unique. Il répugne donc que le même intellect possible appartienne à deux hommes.
On ne pourra pas davantage nous opposer que l'action de connaître se multiplie selon la diversité des images…
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(12) Voyez la note 2 du ch. 59 => (2) L'empereur Justin, qui succéda à Anastase, en 518, mit tout en œuvre pour éteindre la secte des Monophysites (Eutychiens) ; mais le parti, quoique considérablement affaibli, reprit assez de force, quelques années après, pour mettre sur le siège d'Edesse un moine entreprenant, nommé Jacob ou Jacques Zanzale, qui parcourut l'Orient, ranima le courage des Eutychiens, et rétablit partout l'hérésie, en Syrie, en Mésopotamie, en Arménie, en Égypte, en Nubie et en Éthiopie. Depuis cette époque, les Monophysites ont pris le nom de Jacobites, du nom de ce moine, regardé par eux comme la second fondateur de la secte. La protection des Perses et des Mahométans leur rendit les églises qu'ils possèdent encore aujourd'hui.
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On ne pourra pas davantage nous opposer que l'action de connaître se multiplie selon la diversité des images. En effet :
1° Nous avons déjà observé qu'un même agent n'a qu'une seule action, et que cette action ne se multiplie qu'en raison des sujets divers dans lesquels elle passe. Or, connaître, vouloir, et les autres opérations du même genre, sont des actions qui ne passent pas dans une matière extérieure; mais elles demeurent dans l'agent comme des perfections qui lui soit propres. C'est ce que l'on peut voir dans Aristote (13). Donc l'action de connaître, qui est unique dans l'intellect possible, ne peut se multiplier par la diversité des images.
2° Les images sont, sous un certain rapport, pour l'intellect possible, ce qu'est le principe actif pour le sujet passif, conformément à ce que dit le Philosophe, que connaître, c'est en quelque sorte devenir passif (14). Or, la passivité du sujet se diversifie à raison des formes ou des espèces diverses des principes actifs, et non à raison de leur diversité, qui consiste dans le nombre.
En effet, deux principes actifs, dont l'un échauffe et l'autre dessèche, produisent en même temps, dans un sujet unique qui reçoit leur action, réchauffement et la dessiccation; tandis que deux sources de calorique ne causent pas deux échauffements, mais un seul, dans le sujet qui en est susceptible, à moins qu'il n'y ait deux espèces différentes de chaleur.
Il en est ainsi, parce que la chaleur, qui est d'une seule espèce, ne pouvant se répéter dans un sujet unique, et d'ailleurs, le nombre étant déterminé dans le mouvement par celui des deux termes qui en est la fin (15), si l'action est simultanée et passe dans le même sujet, il ne pourra pas y avoir en lui un double échauffement passif. Il faut cependant poser cette condition, qu'il n'y aura pas de chaleur d'une autre espèce, ainsi que cela a lieu pour le sperme, qui tire la sienne tout à la fois du feu, de l'influence du ciel et de l'action de l'âme.
Donc l'action de connaître, qui se produit dans l'intellect possible, ne se multiplie, en vertu de la diversité des images, qu'autant que la connaissance a pour objet des espèces diverses entre elles. Par exemple, la connaissance diffère si son objet est un homme ou un cheval. Or, la même action de connaître l'une de ces choses convient à tous les hommes. Donc cette connaissance actuelle, qui est numériquement identique, appartient à cet homme aussi bien qu'à cet autre.
3° L'intellect possible connaît l'homme, non en tant qu'il est tel homme…
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(13) Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous. — (14) Voyez la note 12 du ch. 60. [N.D.L.R. Cette note 12 est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.] — (15) Le mouvement a deux termes : l'un qui en est le principe, terminas a quo; l'autre qui est sa fin, terminus ad quem.
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3° L'intellect possible connaît l'homme, non en tant qu'il est tel homme, mais en tant qu'il est homme absolument et à raison de son espèce. Or, le principe constitutif de son espèce est un, à quelque point que se multiplient les images qui représentent l'homme, soit dans un seul, soit dans plusieurs, à proportion des diverses individualités humaines auxquelles ces images appartiennent en propre. On ne peut donc envisager la multiplicité des images comme une cause qui multiplie dans l'intellect possible l'action même de connaître, relativement à une seule espèce; et par conséquent, nous avons toujours pour divers individus une action unique sous le rapport du nombre.
4° La science habituelle est dans l'intellect possible comme dans son sujet propre ; car il devient actuel lorsqu'il considère une chose comme faisant partie de cette science. Or, si l'accident est un quant à son espèce, il ne se multiplie que dans le sujet. Donc, en admettant qu'il n'y a pour tous les hommes qu'un seul intellect possible, si la science habituelle est spécifiquement la même, comme est celle de la grammaire, elle sera la même aussi numériquement dans tous les hommes. Personne ne voudra soutenir une pareille conséquence. Donc il est faux que tous les hommes aient un seul intellect possible.
Nos adversaires répondent que le sujet de la science habituelle est…
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Nos adversaires répondent que le sujet de la science habituelle est, non l'intellect possible, mais l'intellect passif et la faculté de penser. C'est ce que nous ne pouvons admettre. Car :
1° Aristote prouve que la répétition des mêmes actes engendre des habitudes semblables, lesquelles, à leur tour, produisent des actes de même nature (16). Or, ce sont les actes de l'intellect possible qui forment en nous l'habitude de la science, et cette habitude nous dispose à réitérer ces mêmes actes. Donc l'habitude de la science a pour sujet l'intellect possible, et non l'intellect passif.
2° La science a pour objet les conclusions tirées des démonstrations; car, selon le Philosophe, la démonstration est un syllogisme qui nous fait savoir (17). Or, les conclusions extraites des démonstrations sont universelles, aussi bien que les principes. Donc la science réside dans la faculté à laquelle appartient la connaissance de l'universel. Or, l'intellect passif n'a pas la propriété de connaître les intentions universelles, mais seulement les particulières (18). Donc il n'est pas le sujet de la science habituelle.
3° Nous avons déjà résolu cette difficulté par plusieurs raisons, lorsqu'il a été question de l'union de l'intellect possible avec l'homme [ch. 59].
Ceux qui font de l'intellect passif le siège de la science habituelle se sont vraisemblablement appuyés sur ce fait, que…
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(16), (17) Ces notes sont libellées en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
(18) Voyez la note 2 du ch. 60. => (2) Il faut entendre par ces intentions individuelles les formes particulières considérées comme revêtues de certaines qualités insaisissables pour les sens, telles que celles qui produisent la sympathie on l'antipathie et rendent une chose utile ou nuisible. Les brutes discernent ces choses par une estimation naturelle, et l'homme par la faculté qu'il a de penser. Ainsi, la brebis prend la fuite à la vue d'un loup qui lui parait être un ennemi, tandis qu'elle n'évite pas la rencontre d'une autre brebis, parce qu'elle la regarde comme amie, et, par conséquent, elle fait une distinction et établit une comparaison entre un loup et une brebis. Autre exemple: l'oiseau ramasse les brins de paille qui lui paraissent utiles pour composer son nid, tandis qu'il laisse de côté les sarments qu'il juge inutiles. Ce que les brutes font par suite de cette estimation naturelle, l'homme le fait en usant de la faculté de penser, et d'une manière beaucoup plus parfaite, puisque, à l'aide de cette faculté, il formule des propositions particulières. Les brutes ne s'élèvent pas jusque-là; mais elles saisissent simplement les qualités dont nous venons de parler (Franc, de Sylv., Comment.].
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Ceux qui font de l'intellect passif le siège de la science habituelle se sont vraisemblablement appuyés sur ce fait, que les hommes ont plus ou moins de facilité pour étudier les sciences, suivant les dispositions dans lesquelles se trouvent la faculté de penser et l'imagination; mais ils se sont trompés. Car :
1° Cette facilité est bien subordonnée à ces facultés; mais elles ne sont que des dispositions éloignées. Elle dépend également de la bonté du tact et du tempérament, suivant ce que dit Aristote, que les individus dont le tact est bon et la chair souple ont un esprit pénétrant (19). Or, la faculté de s'appliquer à une chose découle de l'habitude de la science, comme du principe prochain de l'acte; car il est nécessaire que, de même que les autres habitudes perfectionnent leurs puissances respectives, cette habitude perfectionne la puissance au moyen de laquelle nous connaissons, en sorte qu'elle entre facilement en action, lorsqu'elle en aura la volonté.
2° Les dispositions des facultés ci-dessus indiquées consistent, de la part de l'objet, c'est-à-dire de l'image, en ce qu'il se trouve, à raison de la bonté de ces facultés, préparé à passer, par l'action de l'intelligence, à l'état d'intelligible actuel. Or, on ne doit pas regarder comme des habitudes les dispositions des objets, mais seulement celles qui sont dans les puissances. Par exemple, les dispositions en vertu desquelles des choses capables d'inspirer l'effroi deviennent plus faciles à supporter ne constituent pas l'habitude de la force; mais cette habitude est une disposition par laquelle la partie de l'âme que nous désignons sous le nom d'irascible est préparée à supporter ces choses effrayantes. Donc, contrairement à ce que dit Averrhoès, ce n'est pas l'intellect passif, mais l'intellect possible, qui est le sujet de la science habituelle.
3° Si tous les hommes ensemble n'ont qu'un seul intellect possible, cet intellect possible a toujours existé, supposé, comme nos adversaires le prétendent, qu'il y a toujours eu des hommes. Et il en sera de même, à plus forte raison, de l'intelligence active; car, ainsi que l'observe Aristote, l'agent est plus noble que le sujet de l'action (20).
Or, si l'agent et le sujet de l'action sont éternels, les objets perçus par ce dernier seront également éternels. Donc les espèces intelligibles ont existé de toute éternité dans l'intellect possible. Donc cet intellect ne pourra recevoir de nouveau aucune espèce intelligible.
Or, les sens et l'imagination ne sont nécessaires pour connaître qu'en ce qu'ils servent de canaux pour la perception des espèces intelligibles. Donc la connaissance pourra avoir lieu sans le concours des sens et de l'imagination; et nous retombons ainsi dans le système de Platon, pour qui les sens ne sont pas les canaux par lesquels nous arrive la science, mais des instruments qui réveillent en nous le souvenir des choses que nous avons sues autrefois (21).
Averrhoès répond à cela que les espèces intelligibles ont un double…
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(19), (20), (21). Ces notes sont libellées en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
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De l’intelligence,LXXIII.L'intellect possible n’est pas le même dans tous les hommes.SUITE
Averrhoès répond à cela que les espèces intelligibles ont un double sujet : l'un qui les rend éternelles, savoir l'intellect possible; l'autre qui leur donne une existence nouvelle, c'est-à-dire l'image. Il en est ainsi pour l'espèce visible dont les deux sujets sont la chose même qui subsiste en dehors de l'âme, et la puissance où se produit la vision. Mais cette réponse n'a aucune valeur. Car :
1° L'action et la perfection de ce qui est éternel ne sauraient dépendre d'une chose qui existe dans le temps. Or, les images sont temporaires et se renouvellent en nous à chaque instant, en passant par les sens. Il ne peut donc se faire que les espèces intelligibles, au moyen desquelles l'intellect possible entre en acte et opère, dépendent des images, de la même manière que les espèces visibles, qui ne sont rien sans les objets situés en dehors de l'âme.
2° Aucun être ne reçoit ce qu'il possède déjà; car, selon la remarque d'Aristote, pour recevoir une chose, il faut en être privé (22). Or, les espèces intelligibles étaient dans l'intellect possible avant qu'elles fussent perçues par moi ou par vous; car ceux qui nous ont précédés n'auraient rien connu si l'intellect possible n'eût pas été réduit en acte par des espèces intelligibles. — On ne peut pas prétexter que ces espèces, après avoir été d'abord reçues dans l'intellect possible, ont cessé d'exister, parce que l'intellect possible ne reçoit pas seulement, mais il conserve ce qu'il a reçu. C'est ce qui fait dire à Aristote, au troisième livre De l'Âme, qu'il est le lieu où sont les espèces (23). Donc ce n'est pas par les images que les espèces sont reçues dans l'intellect possible. — Donc il est inutile que notre intelligence, en devenant active, fasse passer nos images à l'état d'intelligibles actuels.
3° L'objet reçu est dans le sujet qui le reçoit conformément à la manière d'être de ce dernier. Or, l'intelligence est immuable de sa nature. Donc ce qu'elle reçoit est en elle fixe et immuable.
4° L'intelligence étant une faculté supérieure aux sens, son unité doit être plus parfaite...
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(22) Cette note est libellée en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous. — (23) Cette note est libellée en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous. — Voyez la note 2 du ch. 59. [N.D.L.R. Cette note 2 est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.]
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4° L'intelligence étant une faculté supérieure aux sens, son unité doit être plus parfaite. Nous en avons une preuve en ce qu'une seule intelligence porte un jugement sur des objets sensibles dont les genres divers relèvent des diverses puissances sensitives; d'où il résulte que les opérations qui sont propres aux diverses puissances sensitives se réunissent dans une même intelligence. Or, parmi les puissances sensitives, les unes ne font que recevoir, et c'est ce qui a lieu pour les sens ; les autres, comme l'imagination et la mémoire, conservent ce qu'elles ont reçu, et pour cette raison, on les appelle des trésors. Donc l'intellect possible reçoit nécessairement et conserve ce qu'il a une fois reçu.
5º En restant dans l'ordre naturel, il est superflu de rappeler que, si l'on parvient à réaliser quelque chose au moyen du mouvement, cette chose ne demeure pas, mais cesse subitement d'exister. C'est pourquoi nous rejetons l'opinion de ceux qui prétendent que tous les êtres sont soumis à un mouvement perpétuel; car le mouvement a nécessairement le repos pour terme. Il est donc encore moins vrai que ce qui est reçu dans l'intellect possible ne s'y conserve pas.
6° S'il est vrai que l'intellect possible…
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6° S'il est vrai que l'intellect possible ne reçoit aucune espèce intelligible au moyen des images qui sont en nous, parce qu'il les a déjà reçues comme provenant des images produites dans ceux qui existaient avant nous, il faudra dire, pour la même raison, que ces espèces ne lui sont pas venues non plus des images de tous ceux qui ont été précédés par d'autres. Or, en accordant à nos adversaires que le monde est éternel, tous les hommes ont succédé à d'autres hommes. Donc l'intellect possible n'a jamais reçu d'espèce intelligible par les images. Donc Aristote se trompe en disant que l'intelligence fait passer les images à l'état d'intelligibles actuels (24).
7° Il paraît résulter de là que l'intellect possible peut se passer des images pour connaître. Or, ce n'est pas par l'intellect possible que nous connaissons. Donc nous pourrons aussi arriver à connaître indépendamment de la sensation et de l'image; ce qui est évidemment faux et contredit l'opinion d'Aristote (25).
Si l'on nous objecte que, même en admettant un nombre d'intellects possibles correspondant à celui des individus, il s'ensuit également, pour la même raison, que l'image nous sera inutile pour fixer notre attention sur les objets dont les espèces intelligibles auront été conservées dans notre intelligence, et que cette conséquence est opposée à ce que dit Aristote, « que l'âme est incapable de connaître sans image, » il est clair que cette difficulté n'est pas sérieuse (26).
En effet :...
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(24) Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous. — (25) Voyez la note 20 du ch. 60. [N.D.L.R. Cette note 20 est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.] — (26) Voyez la note 4 du ch. 59, et la note 20 du ch. 60. [N.D.L.R. Ces notes 4 et 20 sont libellées en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous.]
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En effet :
1º L'intellect possible, comme toute autre substance, opère d'une manière conforme à sa nature. Or, il est, par sa nature, la forme du corps. C'est pourquoi, tout en connaissant ce qui est immatériel, il l'aperçoit dans une certaine matière; et ce qui le prouve, c'est que si l'on s'occupe de l'universel, on apporte des exemples particuliers qui personnifient l'idée. L'intellect possible n'est donc pas dans la même disposition, relativement à l'image dont il a besoin, avant de recevoir l'espèce intelligible et après qu'il l'a reçue. Elle lui est indispensable avant, puisque c'est par elle qu'il doit recevoir l'espèce intelligible ; en sorte que l'image est pour l'intellect possible comme l'objet moteur. Après qu'il a reçu l'espèce en lui, l'image lui est encore nécessaire en sa qualité d'instrument ou de fondement de l'espèce intelligible, et alors l'intellect possible devient en quelque manière cause efficiente, par rapport à l'image ; car suivant un ordre émané de lui, il se forme dans l'imagination une image qui répond à telle espèce intelligible déterminée, et l'espèce se voit dans l'image comme le type dans sa copie ou son portrait. Si donc l'intellect possible avait toujours eu en lui les espèces intelligibles, il ne se serait jamais trouvé avec les images dans le même rapport qui existe entre le sujet et l'objet moteur.
2º Aristote enseigne que l'âme et l'homme connaissent par l'intellect possible (27). Or, supposé qu'il n'y ait pour tous les hommes qu'un seul intellect possible qui existe de toute éternité, il devra avoir en lui toutes les espèces intelligibles de toutes les choses qui ont été connues par le passé ou le sont encore actuellement par tous les hommes. Donc nous tous qui connaissons par l'intellect possible et pour qui l'action de connaître est la même que celle de cet intellect, nous devons connaître tout ce qui est connu maintenant ou l'a été par ceux qui nous ont précédés; et il n'en est certainement pas ainsi.
Averrhoès se défend en disant que, si nous connaissons par l'intellect possible, cela vient de ce qu'il nous est uni au moyen des images. Il ajoute que les images varient dans les individus et ne sont pas toutes disposées de la même manière; et que c'est pour cette raison que l'un ignore souvent ce que l'autre connaît. Cette réponse paraît s'accorder avec ce qui précède; car, même en admettant que tous n'ont pas le même intellect possible, il est encore vrai que nous ne connaissons les objets dont les espèces [intelligibles] se trouvent dans l'intellect possible, qu'autant qu'il se forme des images capables de produire cet effet.
Nous prouvons ainsi que cette réponse ne fait pas disparaître entièrement la difficulté :…
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(27) Voyez la note 2 du ch. 59. [N.D.L.R. Cette note 2 est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.]
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXIII.L'intellect possible n’est pas le même dans tous les hommes.SUITE
Nous prouvons ainsi que cette réponse ne fait pas disparaître entièrement la difficulté :
Lorsque l'intellect possible est entré en acte au moyen de l'espèce intelligible qu'il a reçue, il peut agir par lui-même, comme Aristote l'enseigne (28). Aussi voyons-nous qu'il est en notre pouvoir de fixer notre attention, quand cela nous plaît, sur les objets dont nous avons acquis la science; et nous ne rencontrons aucun obstacle du côté des images; car nous avons la faculté d'en former qui soient en rapport avec la chose dont nous voulons nous occuper, à moins qu'il ne survienne quelque empêchement dans l'organe même qui doit concourir à cette action, ainsi que cela a lieu chez les personnes qui tombent en frénésie ou en léthargie et dont l'imagination et la mémoire ne peuvent plus alors fonctionner librement.
C'est ce qui fait dire à Aristote que la science habituelle une fois acquise, quoique l'on ne considère les choses qu'en puissance, on n'a pas besoin, pour passer de la puissance à l'acte, d'autre moteur que de celui qui éloigne l'obstacle, et il suffit de vouloir pour fixer spontanément son attention sur l'objet (29).
Or, s'il est vrai que les espèces intelligibles de toutes les sciences existent dans l'intellect possible, et ceux qui veulent qu'il soit unique et éternel seront obligés de nous l'accorder, les images seront nécessaires à l'intellect possible de la même manière qu'elles le sont pour celui qui, possédant une science, médite sur les objets qu'elle comprend ; ce qu'il ne saurait faire sans images. Donc, puisque tous les hommes connaissent par l'intellect possible, selon qu'il arrive à l'acte, au moyen des espèces intelligibles, tout homme pourra, quand il le voudra, prendre dans toutes les sciences l'objet de ses méditations. Et cela est évidemment absurde; car, dans ce cas, personne n'aurait besoin de maître pour acquérir la science. Donc l'intellect possible n'est pas unique et éternel.
(28), (29) Ces notes sont libellées en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
LXXIV. De l'opinion d'Avicenne, qui prétend que les formes intelligibles ne se conservent pas dans l'intellect possible.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXIV.De l'opinion d'Avicenne, qui prétend que les formes
intelligibles ne se conservent pas dans l'intellect possible.
Avicenne paraît résoudre ces objections en disant que les espèces intelligibles ne demeurent dans l'intellect possible qu'autant qu'elles sont actuellement connues [De l'âme, ch. 6].
Il essaie de le prouver en apportant cette raison, que les formes perçues le sont actuellement pendant tout le temps qu'elles restent dans la puissance qui a la faculté de les saisir; car tout sens qui entre en acte devient [en quelque sorte] l'objet actuellement senti, et de même, lorsque l'intelligence est en acte, elle est l'objet connu actuellement.
Il s'ensuit que toutes les fois qu'un sens, ou bien l'intelligence, devient une même chose avec l'objet senti ou connu, parce qu'il en a la forme, il y a une appréhension actuelle faite par ce sens ou par l'intelligence. Quant aux facultés qui conservent les formes non actuellement saisies, selon le même philosophe, ce ne sont pas des puissances capables d'appréhender, mais comme les trésors des puissances douées de cette propriété, de même que l'imagination est le trésor des formes saisies par les sens, et la mémoire un second trésor renfermant d'autres formes perçues sans le secours des sens. Il nous donne pour exemple la brebis qui appréhende l'inimitié du loup. Ces puissances conservent en elles les formes qui ne sont pas actuellement perçues, parce qu'elles ont à leur service certains organes qui reçoivent ces formes d'une manière qui est une disposition prochaine à l'appréhension proprement dite; ensuite de cela, la vertu [ou puissance] qui est capable d'appréhender réalise actuellement cette opération, en se mettant en rapport avec ces sortes de trésors.
Or, il est certain que l'intellect possible est une puissance douée d'appréhension, et qu'il ne dispose d'aucun organe corporel. D'où notre auteur conclut que les espèces intelligibles ne peuvent se conserver en lui qu'autant qu'il connaît, actuellement.Il faut donc, ou que les espèces intelligibles se conservent, soit dans un organe corporel, soit dans une puissance ayant un organe de cette nature à son service; ou bien qu'existant par elles-mêmes, notre intellect possible soit, par rapport à elles, ce qu'est un miroir pour les objets qu'il reproduit à nos yeux; ou enfin qu'un agent séparé introduise de nouveau ces espèces intelligibles dans l'intellect possible, chaque fois qu'il connaît actuellement.
La première de ces conséquences offre une impossibilité, parce que…
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De l’intelligence,LXXIV.De l'opinion d'Avicenne, qui prétend que les formes
intelligibles ne se conservent pas dans l'intellect possible.SUITEOr, il est certain que l'intellect possible est une puissance douée d'appréhension, et qu'il ne dispose d'aucun organe corporel. D'où notre auteur conclut que les espèces intelligibles ne peuvent se conserver en lui qu'autant qu'il connaît, actuellement. Il faut donc, ou que les espèces intelligibles se conservent, soit dans un organe corporel, soit dans une puissance ayant un organe de cette nature à son service; ou bien qu'existant par elles-mêmes, notre intellect possible soit, par rapport à elles, ce qu'est un miroir pour les objets qu'il reproduit à nos yeux; ou enfin qu'un agent séparé introduise de nouveau ces espèces intelligibles dans l'intellect possible, chaque fois qu'il connaît actuellement.
La première de ces conséquences offre une impossibilité, parce que les formes qui se trouvent dans les puissances qui exercent leur action au moyen des organes corporels ne sont intelligibles qu'en puissance.
La seconde n'est autre que l'opinion de Platon rejetée par Aristote (1).
Le philosophe en question s'arrête donc à la troisième, savoir que toutes les fois que nous avons une connaissance actuelle, les espèces intelligibles sont introduites dans notre intellect possible par une intelligence active, qu'il suppose être une substance séparée (2).
Si on lui objecte qu'il n'y a plus alors aucune différence entre l'homme qui apprend une chose pour la première fois et celui qui veut actuellement fixer son attention sur ce qu'il a antérieurement appris, il répond qu'apprendre n'est pas autre chose qu'acquérir l'aptitude parfaite de s'unir à l'intelligence active pour recevoir d'elle la forme intelligible, et que, par conséquent, il n'y a dans l'homme, avant qu'il apprenne, que la stricte puissance de recevoir cette disposition, tandis que l'action d'apprendre est, en quelque sorte, une puissance adaptée.
Cette opinion paraît conforme au sentiment d'Aristote, qui prouve que la mémoire ne réside pas dans la partie intellectuelle, mais dans la partie sensitive de l'âme (3) ; d'où il semble résulter que la faculté de conserver les espèces intelligibles n'appartient pas à la partie intellectuelle. Mais si l'on examine attentivement cette opinion, on verra, en la prenant à son origine, qu'elle ne diffère que peu ou point de celle de Platon.
Ce dernier philosophe [Platon] enseigne que les espèces intelligibles sont des substances séparées qui sont pour notre âme le principe de la science (4), tandis qu'Avicenne prétend que cette science est introduite dans notre âme par une substance séparée qui est une intelligence active. Cependant il est indifférent, pour ce qui regarde la manière dont notre science est acquise, qu'elle ait sa cause dans plusieurs substances séparées ou dans une seule; car il est également vrai, dans les deux cas, que les objets sensibles n'en sont pas la cause ; et ce qui prouve la fausseté de cette conséquence, c'est que celui qui est privé d'un sens est aussi dépourvu de la science des objets sensibles dont la connaissance nous arrive par ce sens.
Dire que l'intellect possible, en considérant les singuliers qui sont…
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(1), (3), (4) Ces notes sont libellées en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous. — (2) C'est-à-dire une intelligence pure, non unie à un corps.
Dernière édition par Louis le Ven 15 Mar 2024, 6:38 am, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXIV.De l'opinion d'Avicenne, qui prétend que les formes
intelligibles ne se conservent pas dans l'intellect possible.SUITE
Dire que l'intellect possible, en considérant les singuliers qui sont dans l'imagination, reçoit, par cela même, la lumière de l'intelligence active, qui lui fait connaître l'universel; et ensuite, que les actions des puissances inférieures, qui sont : l'imagination, la mémoire et la faculté de penser, ont la propriété de préparer l'âme à recevoir les influences émanées de l'intelligence active, c'est donner dans la nouveauté. En effet :
1° Nous savons, par expérience, que notre âme est d'autant mieux préparée à recevoir les influences des substances séparées, qu'elle s'isole davantage des objets corporels et sensibles; car, à mesure que l'on s'éloigne des êtres inférieurs, on se rapproche des êtres supérieurs. Il n'est donc pas vraisemblable que l'âme se trouve disposée à recevoir l'influence d'une intelligence séparée, par la raison qu'elle fixe son attention sur des images corporelles.
Platon s'est montré plus habile en faisant reposer son système sur ce principe, que les objets sensibles n'ont pas la propriété de préparer l'âme à recevoir l'influence des formes séparées, mais seulement celle d'éveiller l'intellect, pour le porter à considérer les choses qu'il ne peut connaître que par un moyen extérieur. Selon lui, en effet, les formes séparées ont introduit dès le principe, dans nos âmes, la science de tous les êtres susceptibles d'être connus. D'où il suit qu'apprendre, c'est en quelque sorte se souvenir. Cette conséquence ressort nécessairement de cette opinion; car les substances séparées étant immuables et constamment dans les mêmes conditions, c'est toujours leur action qui fait briller la lumière de la science dans notre âme, qui en est capable.
2° L'objet est dans le sujet qui le reçoit…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,
LXXIV.De l'opinion d'Avicenne, qui prétend que les formes
intelligibles ne se conservent pas dans l'intellect possible.
SUITE
2° L'objet est dans le sujet qui le reçoit d'une manière conforme au mode d'existence de ce dernier. Or, l'être de l'intellect possible est plus stable que celui des substances corporelles. Donc, puisque les formes, introduites par l'action de l'intelligence dans la matière dont se composent les corps, s'y conservent, comme le veut Avicenne, elles se conserveront beaucoup mieux encore dans l'intellect possible.
3° L'intelligence connaît plus parfaitement que les sens. Si donc il y a dans la connaissance sensitive un principe qui conserve les choses après qu'elles ont été saisies, ce principe devra se trouver, à plus forte raison, dans la connaissance intellectuelle.
4° Les objets divers qui, selon l'ordre des puissances inférieures…
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De l’intelligence,LXXIV.De l'opinion d'Avicenne, qui prétend que les formes
intelligibles ne se conservent pas dans l'intellect possible.SUITE
4° Les objets divers qui, selon l'ordre des puissances inférieures, sont subordonnés à diverses puissances, ne relèvent que d'une seule dans un ordre supérieur. C'est ainsi que le sens universel (5) réunit en lui toutes les sensations perçues par chacun des sens propres [ou spéciaux]. Donc les deux opérations de saisir un objet et de le conserver, qui, dans la partie sensitive de l'âme, appartiennent à deux puissances distinctes, doivent se réunir dans la puissance supérieure, qui est l'intellect.
5° D'après le même auteur, l'intelligence active introduit dans l'esprit toutes les sciences. Si donc apprendre n'est rien autre chose que se trouver préparé à être, uni à l'intelligence active, celui qui apprend une science n'apprend pas celle-là plutôt qu'une autre; ce qui est évidemment faux.
6º Cette opinion est manifestement aussi en opposition avec le sentiment d'Aristote, pour qui l'intellect possible est le lieu qui renferme les espèces [intelligibles] (6) ; ce qui revient à dire, si nous voulons nous exprimer comme Avicenne, que c'est le trésor où sont renfermées ces espèces.
7º Le Philosophe ajoute que l'intellect possible, en acquérant la…
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(5) Les anciens, comme on peut le voir dans la note précédente, croyaient que l'homme possède un sens intérieur, dont les cinq sons extérieurs, qui ont chacun leurs fonctions spéciales et leurs objets propres, ne seraient que des ramifications. Saint Thomas raisonne, en plusieurs endroits, d'après cette opinion qu'il ne contredit pas. Cette erreur physiologique, si c'est une erreur, a peu d'importance en psychologie; car elle ne change pas les résultats. Nous pouvons considérer, en effet, comme étant ce sens universel, le cerveau, centre nerveux où viennent aboutir toutes les sensations produites dans les organes des sens particuliers, et qui ne sont autre chose que l'ébranlement des nerfs causé par le contact immédiat ou médiat des objets extérieurs. Ces sensations perçues par l'âme, de la manière qui convient à une substance immatérielle, deviennent le fondement de la science ou de la connaissance des êtres sensibles.
(6) Voyez la note 2 du ch. 59. [N.D.L.R. Cette note 2 est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.]
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
LXXV. Réponse aux arguments qui semblent prouver l'unité de l'intellect possible.De l’intelligence,LXXIV.De l'opinion d'Avicenne, qui prétend que les formes
intelligibles ne se conservent pas dans l'intellect possible.SUITE
7º Le Philosophe ajoute que l'intellect possible, en acquérant la science, devient capable d'opérer par lui-même, bien qu'il ne connaisse pas actuellement (7). Donc il peut se passer de l'influence d'un agent supérieur.
8° Il dit ailleurs que l'homme, avant d'apprendre, est essentiellement en puissance pour la science, et que, par conséquent, il lui faut un moteur qui le fasse passer à l'acte, tandis qu'après avoir appris, il n'a pas un besoin absolu de ce moteur ( 8 ). Donc l'influence de l'intelligence active ne lui est pas nécessaire.
9° Le même Aristote dit encore qu'il y a entre les images et l'intellect possible le même rapport qui existe entre les objets sensibles et les sens (9); d'où il résulte que les espèces intelligibles sont dans l'intellect possible à raison des images, et n'y sont pas introduits par une substance séparée.
Il est facile de détruire les raisons qui semblent établir le contraire.
L'intellect possible est parfaitement en acte sous le rapport des espèces intelligibles, lorsqu'il est actuellement attentif. Quand, au contraire, son attention n'est pas actuelle, son acte n'est plus parfait, à raison de ces mêmes espèces; mais il est dans un état intermédiaire entre la puissance et l'acte. C'est ce qui fait dire à Aristote :« Lorsque cette partie [que nous appelons l'intellect possible] devient chacune des choses qu'elle connaît, on la considère comme ayant une science actuelle; et cela arrive lorsque l'intellect peut opérer par lui-même. Il est cependant encore en puissance sous un certain point de vue; mais cette puissance n'est plus la même qu'avant qu'il apprît ou découvrît la chose » (10).
Quant à la mémoire, on la place dans la partie sensitive, parce que son objet est circonscrit dans une durée déterminée; car elle ne comprend que ce qui est passé, et par conséquent, comme elle n'est pas affranchie des conditions dans lesquelles se trouve le singulier, elle ne rentre pas dans la partie intellectuelle qui a l'universel pour objet. Cela n'empêche cependant pas que l'intellect possible ait la faculté de conserver les êtres intelligibles qui ne sont soumis d'aucune façon aux conditions dans lesquelles se trouvent les singuliers.
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(7) , ( 8 ) Ces notes sont libellées en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous. — (9) Voyez la note 12 du ch. 60. [N.D.L.R. Cette note 12 est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.] — (10) Voyez la note 7 qui précède.
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De l’intelligence,LXXV.Réponse aux arguments qui semblent prouver l'unité de l'intellect possible.
Nous devons maintenant mettre au jour le peu de valeur des raisons sur lesquelles on s'appuie pour établir l'unité de l'intellect possible. Voici les principales :
1º Toute forme qui est une, à raison de son espèce, et se multiplie sous le rapport du nombre, s'individualise au moyen de la matière; car les êtres qui se réunissent dans une même espèce et se multiplient quant au nombre se trouvent aussi compris sous une forme identique et se distinguent par la matière. Si donc l'intellect possible, qui est un à raison de l'espèce, se multiplie sous le rapport du nombre dans des hommes divers, c'est par leur matière qu'il sera individualisé dans tel ou tel individu. Cette matière ne sera pas une partie de lui-même, parce que, dans cette hypothèse, il ne recevrait rien en lui que de la manière qui convient à la matière première; et ainsi il deviendrait le sujet des formes individuelles, ce qui est incompatible avec sa nature.
Reste donc à dire que le principe qui individualise l'intellect possible, c'est la matière qui compose le corps de l'homme, dont on le regarde comme la forme. Or, toute forme individualisée par la matière, dont elle est l'acte, est une forme matérielle, puisque l'être d'une chose dépend nécessairement du principe sans lequel elle reste privée de son individualité; car, de même que les principes communs constituent l'essence de l'espèce, de même aussi les principes sur lesquels repose l'individualité sont de l'essence de tel individu déterminé.
Il suit donc de là que l'intellect possible est une forme matérielle, et par conséquent, qu'il ne reçoit rien et ne fait aucune opération sans le secours d'un organe corporel; conclusion que contredit également sa nature. Donc l'intellect possible ne se multiplie pas dans chacun des hommes; mais il n'en existe qu'un seul pour tous.
2° Si deux individus ont chacun un intellect possible distinct de…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXV.Réponse aux arguments qui semblent prouver l'unité de l'intellect possible.SUITE
2° Si deux individus ont chacun un intellect possible distinct de l'autre, l'espèce [intelligible], une fois connue par eux, sera également distincte sous le rapport du nombre, et une à raison de l'espèce; car puisque le sujet propre des espèces actuellement connues est l'intellect possible, lorsque cet intellect possible se multiplie, les espèces intelligibles se multiplieront nécessairement aussi, quant au nombre, dans chaque individu. Or, les espèces ou formes qui sont identiques par l'espèce et diverses par le nombre sont des formes individuelles qui ne peuvent devenir des formes intelligibles, parce que les êtres intelligibles sont universels et non particuliers. Donc il ne peut se faire que l'intellect possible se multiplie dans les divers individus; donc il n'y en a nécessairement qu'un seul pour tous les hommes.
3° Le maître fait passer dans son disciple la science qu'il possède, et cette science est, quant au nombre, identique ou distincte, bien qu'elle soit une à raison de l'espèce. Or, la seconde partie de la disjoncte ne peut être vraie, parce que, s'il en était ainsi, le maître serait la cause de la science dans son disciple de la même manière qu'un être est la cause de sa propre forme dans un autre, en produisant un être qui lui ressemble sous le rapport de l'espèce; et cette opération paraît appartenir aux agents matériels. Donc la science qu'il produit dans son disciple est numériquement la même; ce qui est impossible s'ils n'ont pas tous les deux un même intellect possible. Donc il n'y a nécessairement qu'un seul intellect possible pour tous les hommes.
Nous avons démontré…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXV.Réponse aux arguments qui semblent prouver l'unité de l'intellect possible.SUITE
Nous avons démontré [ch. 73] que l'opinion dont il s'agit est erronée; il est tout aussi facile de renverser les arguments sur lesquels on l'appuie.
1° Nous croyons, il est vrai, qu'au point de vue de l'espèce, l'intellect possible est un dans les divers individus, et qu'il est soumis à la pluralité quant au nombre; mais il ne s'ensuit pas que l'on peut s'autoriser, pour nous contredire, de ce que nous n'envisageons les parties qui entrent dans la composition de l'homme que comme parties constitutives du tout, sans les ranger dans le genre et l'espèce, en considérant ce qu'elles sont en elles-mêmes.
On n'en peut pas tirer cette conséquence, que l'intellect possible est une forme matérielle dont l'être dépend du corps ; car, de même qu'à raison de son espèce, il convient à l'âme humaine d'être unie à tel corps, aussi à raison de l'espèce de ce dernier, de même telle âme ne diffère de telle autre que sous le seul rapport du nombre, parce qu'il existe une certaine convenance entre elle et un corps qui est numériquement distinct. C'est ainsi que les âmes humaines, et par conséquent l'intellect possible, qui est une puissance appartenant à l’âme humaine, s'individualisent en s'unissant aux corps, sans que, pour cela, la cause de leur individualité soit dans ces mêmes corps.
La seconde raison tombe d'elle-même, parce que notre adversaire n'établit aucune distinction entre le moyen par lequel on connaît et l'objet même qui est connu.
Il ne faut pas considérer, en effet, l'espèce qui est reçue dans l'intellect possible comme la chose connue; car tous les arts et les sciences ayant pour objets les choses qui sont connues, il s'ensuivrait que la matière de toutes les sciences consisterait dans les espèces qui existent dans l'intellect possible; ce qui est évidemment faux, puisque nulle science ne s'en occupe, à l'exception de la philosophie naturelle et de la métaphysique. Cependant c'est par ces espèces que l'on connaît tout ce qui est compris dans toutes les sciences. Lors donc que la connaissance se produit, l'espèce intelligible reçue dans l'intellect possible est comme le moyen par lequel on connaît; de même que l'espèce de la couleur qui passe dans l'œil n'est pas l'objet qui est vu, mais le moyen qui sert à la vision.
Quant à l'objet de la connaissance, il consiste dans la raison [ou nature] des choses qui existent en dehors de l'âme, de même que les choses seules qui existent en dehors de l'âme sont saisies par le sens de la vue, dont l'organe est corporel; car les arts et les sciences n'ont pas d'autre fin que de connaître chacun des êtres par sa nature.
Il n'est cependant pas nécessaire, parce que les sciences s'occupent de l'universel,…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXV.Réponse aux arguments gui semblent prouver l'unité de l'intellect possible.SUITE
Il n'est donc nullement nécessaire que l'espèce intelligible soit numériquement la même dans deux êtres qui connaissent; car il s'ensuivrait que l'opération intellectuelle serait aussi identique sous le même rapport, puisque l'opération résulte de la forme qui est son principe. La condition essentielle pour que la chose connue soit une, c'est qu'elle ressemble à un seul et même objet; et cela n'est pas impossible, lors même qu'il y aurait entre les espèces intelligibles diversité quant au nombre; car rien ne s'oppose à ce qu'un être unique se trouve représenté par plusieurs images distinctes l'une de l'autre, et c'est là ce qui fait qu'un seul homme est vu par plusieurs.
L'intelligence ne rencontre donc pas un obstacle à la connaissance de l'universel en ce que les espèces intelligibles sont distinctes dans les sujets divers; et de ce qu'il y a dans ces espèces intelligibles pluralité quant au nombre, et identité sous le rapport de l'espèce, on n'est pas obligé d'en conclure qu'elles ne sont pas intelligibles en acte, mais seulement en puissance, de même que les autres individus. En effet, la qualité d'être individuel ne détruit pas la qualité d'être actuellement intelligible, puisque si l'on accorde qu'il existe des substances séparées qui subsistent par elles-mêmes, sans être unies à des corps, nous devons regarder l'intellect possible et l'intellect actif comme des individus, et pourtant ils sont intelligibles.
Ce qui est incompatible avec la qualité d'être intelligible, c'est la qualité d'être matériel. La preuve en est que, pour faire passer les choses matérielles à l'état d'intelligibles actuels, on est obligé de faire abstraction de la matière; et par conséquent, lorsque l'individualité s'établit au moyen de telle matière déterminée, les êtres ainsi individualisés ne sont pas intelligibles en acte.
Si, au contraire, l'individualité provient d'un principe différent de la matière, il n'y a aucune difficulté à ce que les individus ainsi constitués soient intelligibles en acte. Or, les espèces intelligibles, comme toutes les autres formes, s'individualisent par leur sujet, qui est l'intellect possible. Donc, puisque l'intellect possible est immatériel, les espèces qui s'individualisent en lui peuvent très bien être intelligibles en acte.
2° Les individus compris dans le nombre des choses sensibles et qui se multiplient dans la même espèce, comme les chevaux et les hommes, sont dans la même condition que les individus du même ordre qui sont uniques dans une espèce unique, tels que le soleil et la lune, en ce sens qu'ils ne sont pas intelligibles en acte. Or, toutes les espèces [intelligibles] s'individualisent de la même manière au moyen de l'intellect possible, qu'il y ait plusieurs intellects possibles ou un seul; mais elles ne se multiplient pas d'une manière identique dans une seule espèce. Il est donc indifférent, pour que les espèces reçues dans l'intellect possible deviennent actuellement intelligibles, qu'il y ait dans tous les hommes un seul intellect possible ou plusieurs.
3° Dans l'opinion du Commentateur [Averrhoès], l'intellect possible occupe le dernier degré…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXV.Réponse aux arguments gui semblent prouver l'unité de l'intellect possible.SUITE
3° Dans l'opinion du Commentateur [Averrhoès], l'intellect possible occupe le dernier degré dans l'ordre des substances intelligibles, dont il admet la pluralité.
On ne peut pas alléguer que, parmi les substances d'un ordre supérieur, il y en a qui connaissent des choses connues par l'intellect possible; car, selon le même philosophe, les moteurs des sphères renferment en eux les formes des choses qui ont leur cause dans les révolutions des astres. Nous arriverons donc à conclure, même en supposant qu'il n'existe qu'un seul intellect possible, que les formes intelligibles se multiplient dans les intelligences diverses.
Ce que nous avons dit, que l'espèce intelligible reçue dans l'intelligence n'est pas l'objet connu, mais le moyen par lequel nous connaissons, n'empêche pas que l'intellect, par une sorte de réflexion, se connaisse lui-même, et aussi son acte de connaître et l'espèce par laquelle il connaît. Or, son acte intellectuel lui est connu de deux manières : d'abord en particulier; car il voit qu'il connaît actuellement; ensuite en général, lorsqu'il vient à raisonner sur la nature même de cet acte. C'est pourquoi il connaît également sous un double rapport l'intellect et l'espèce intelligible : en percevant qu'il existe et qu'il y a en lui une espèce intelligible, ce qui constitue la connaissance du particulier (2); en second lieu, en examinant quelle est sa propre nature et celle de l'espèce intelligible, et c'est en cela que consiste la connaissance de l'universel. C'est ainsi que l'on envisage dans les sciences l'intellect et l'intelligible.
La réponse au troisième argument ressort de tout ce qui précède…
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(2) Cette doctrine est conforme à celle d'Aristote, qui enseigne positivement que l'intellect est non-seulement destiné à recevoir les espèces intelligibles, ou les formes immatérielles des objets, mais qu'il est intelligible comme tout ce qui existe, et doué de la faculté de se connaître lui-même. — (De anima, III, c. 4). [N.D.L.R. Ce texte est libellé en latin; sur demande, nous le publierons. Bien à vous.]
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De l’intelligence,LXXV.Réponse aux arguments gui semblent prouver l'unité de l'intellect possible.SUITE
La réponse au troisième argument ressort de tout ce qui précède. Notre adversaire prétend que la science est numériquement la même dans le maître et dans son disciple. Cette opinion est vraie sous un rapport, et fausse sous un autre; car la science est une, à raison de son objet; mais il en est autrement, si l'on considère les espèces, qui sont les moyens de la science, et la disposition habituelle qui en résulte.
Nous ne voyons pas que, pour cela, le maître doive produire la science dans son disciple, de la même manière que le feu engendre le feu, parce que la nature et l'art suivent dans leurs productions des règles différentes. Le feu, en effet, engendre le feu naturellement, en faisant passer la matière de la puissance à l'acte de sa forme; tandis que le maître devient cause de la science du disciple par un moyen artificiel. C'est à cette fin que l'on a imaginé l'art de la démonstration, enseigné par Aristote; car la démonstration est un syllogisme qui nous fait savoir (3).
Aristote fait une remarque dont il faut tenir compte…
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(3) Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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