Inquisition au Moyen-Âge.
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Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION au Moyen-Âge.(col. 823-824)
INQUISITION. — L'hérésie est aussi ancienne que l'Eglise : dans tous les siècles et dans tous les pays, elle a opposé à la doctrine catholique ses négations ou ses interprétations particulières du dogme chrétien. Il y eut cependant des époques où elle se montra plus dangereuse pour l'unité catholique et où l'Eglise crut nécessaire de prendre contre elle de plus grandes précautions. Au XIIe et au XIIIe siècle par exemple, la diffusion du catharisme dans l'Europe occidentale menaça d'enlever à l'Eglise des régions entières; et une guerre à outrance, qui dura plusieurs générations, s'engagea entre elle et lui dans le Midi de la France et le Nord de l'Italie. Au XVIe siècle, le protestantisme la supplanta dans un grand nombre de pays et se flatta même de la détruire.
Au cours de ces crises redoutables, elle décréta des mesures de répression contre les hérétiques, de concert avec les puissances temporelles, et c'est ainsi que naquit et se développa l'Inquisition. Cette institution n'a pas été créée de toutes pièces et elle n'est pas demeurée identique à elle-même au cours de son histoire. Elle s'est adaptée aux pays et aux siècles qui l'ont vue apparaître, aux circonstances qui l'ont provoquée. Née presque partout de la collaboration de l'Eglise et de l'Etat, elle a subi l'influence de ces deux puissances, l'une et l'autre diversement responsables de sa marche et de son action. C'est ce que ne doit jamais oublier l'historien qui veut retracer et apprécier son rôle 1.
Aussi distinguerons-nous dans cette étude plusieurs sortes d'Inquisition :
1° L'Inquisition du Moyen Age, qui s'est surtout exercée contre les Cathares et les Vaudois au XIIe et au XIIIe siècle, et contre les hérésies franciscaines au XIVe ;
2° L'Inquisition espagnole, qui a pris un caractère plus national que politique le jour où elle a défendu contre les Maures et les Juifs l'intégrité de la race espagnole et est devenue, entre les mains des souverains, un instrument d'unification nationale et d'absolutisme royal ;
3º L'Inquisition romaine du XVIe siècle, réorganisée pour arrêter les progrès du protestantisme 2.
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1. Pour les questions de principes ici engagées, voir l'article HÉRÉSIE.
2. Ici nous ne parlerons que de l'Inquisition au Moyen Age, réservant pour l'article OFFICE (SAINT) ce qui nous restera à dire sur l'Inquisition espagnole et l'Inquisition romaine.
A suivre : Origines.
Dernière édition par Louis le Lun 02 Oct 2023, 2:37 pm, édité 4 fois (Raison : Le 2 octobre 2023 pour insérer une Table des matières.)
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION au Moyen-Âge.(col. 824-825)
Origines.— L'Inquisition du Moyen Age n'atteignit son organisation définitive qu'après de longs tâtonnements, et ce fut progressivement que, sous des influences multiples, les papes finirent par l'établir. Aussi est il nécessaire de remonter aux lointaines origines de cette institution pour bien comprendre et apprécier les raisons qui l'ont fait créer.
On l'a maintes fois fait remarquer, jusqu'à l'an mil, l'hérésie a rarement été réprimée par la violence. Au dire de l'historien libre-penseur LEA (Histoire de l'Inquisition, 1, p. 130) les papes eux-mêmes la laissèrent à peu près libre, malgré le nombre considérable d'adeptes qu'elle avait faits. Le pasteur SCHMIDT dans son Histoire des Cathares albigeois et M. l'abbé VACANDARD dans son ouvrage sur l'Inquisition font la même remarque.
Vers l'an mil, à cause des relations de plus en plus fréquentes de l'Occident avec l'Orient, les doctrines cathares se propagèrent avec rapidité dans l'Europe latine et germanique. On en signale simultanément l'apparition en France, en Aquitaine, en Italie, en Allemagne, en Flandre. En 991, elles étaient déjà si répandues en France qu'avant de prendre possession de son archevêché de Reims, GERBERT crut nécessaire de les répudier par un serment solennel. Ces doctrines n'étaient ni originales, ni neuves; par une tradition ininterrompue, elles provenaient de ces sectes manichéennes qui avaient survécu aux persécutions dirigées contre elles par l'Empire romain et s'étaient perpétuées pendant tout le haut moyen âge dans les régions orientales, les provinces de l'Empire byzantin, et même dans certains pays de l'occident latin (LEA, op. cit., I, p. 121).
Leurs progrès ne semblent pas avoir modifié l'attitude tolérante de l'Eglise. Elle ne les combattit, au XIe et dans la première moitié du XIIe siècle, que par la controverse et par des sanctions d'ordre spirituel.
Vers 1004, un laïque de Vertus, au diocèse de Châlons, nommé LEUTARD, prêchait publiquement le manichéisme. Estimant, comme tous les Cathares, que le mariage est illicite et que nul ne saurait se sauver en demeurant dans cet état de péché, il avait renvoyé sa femme ; pour prouver l'inanité du culte de la croix et des saints, il avait brisé lui-même, dans l'église de son pays, le Crucifix et les saintes images. Enfin, il niait l'autorité du clergé et excitait les paysans à refuser le paiement de la dime ecclésiastique. De pareils actes avaient causé des désordres; et nombreux étaient les paysans qui, les armes à la main, s'étaient groupés autour de Leutard. Il fut dénoncé à l'évêque de Châlons comme hérétique et perturbateur de l'ordre ; l'évêque Gébuin le renvoya absous comme fou (RAOUL GLABER, lib. Il, chap. 11).
Grâce à cette indulgence, l'hérésie continua à se propager dans le diocèse de Châlons et, en 1043…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 825-826)Origines (suite)
Grâce à cette indulgence, l'hérésie continua à se propager dans le diocèse de Châlons et, en 1043, l'évêque ROGER fut averti que de nombreuses assemblées de Cathares avaient lieu dans la région. Sur la conduite à tenir à leur endroit il consulta WAZON, évêque de Liège, qui lui écrivit une lettre fort curieuse (Gesta episcoporum Leodiensium, ap. PERTZ, Monumenta Germaniæ historica. Scriptores, VII, 227). « Dieu, disait Wazon, ne veut pas la mort du pécheur mais sa conversion. Le Christ ne nous a-t-il pas donné l'exemple de la douceur envers les hérétiques, alors que, tout-puissant, il a supporté les opprobres, les injures, les cruautés des Juifs et enfin le supplice de la croix? Et lorsque, dans sa parabole, il a conseillé de laisser grandir l'ivraie avec le bon grain jusqu'à la moisson, ne nous a-t-il pas enseigné que les mauvais doivent vivre avec les bons jusqu'au Jugement de Dieu qui seul les séparera? »
Se montrant encore plus tolérant, Wazon ajoutait : « Ceux que le monde considère aujourd'hui comme de l'ivraie, peuvent être, quand viendra la moisson, engrangés par Dieu avec le froment... Ceux que nous regardons comme les ennemis de Dieu, peuvent être mis par lui au-dessus de nous dans le ciel. »
L'hérésie continuant à se développer, grâce à cette tolérance, la question de sa répression fut portée devant le concile qui se tint à Reims, les 3-5 octobre 1049, sous la présidence du pape LEON IX. Cette fois, les Cathares furent frappés, mais de peines spirituelles. Le pape les excommunia ainsi que leurs défenseurs et leurs protecteurs (MANSI, XIX, 737).
Une décision analogue fut prise par le concile qui se réunit à Toulouse, le 13 septembre 1056, sur l'ordre du pape VICTOR II (MANSI, XIX, 849).
Enfin, le pape ALEXANDRE II écrivait à Guiffred, archevêque de Narbonne, pour lui rappeler « quod leges tam ecclesiasticae quam saeculares effusionem humani sanguinis prohibent », et à Bérenger, vicomte de Narbonne, pour prendre la défense des Juifs. « Il ne faut pas les mettre à mort, lui disait-il, car Dieu ne prend pas plaisir à l'effusion du sang et il ne se réjouit pas de la perte des méchants » (MANSI, XIX,980).
Dans la première moitié du XIIe siècle, malgré les progrès de plus eu plus menaçants de l'hérésie, l'Eglise resta fidèle à la même attitude. Vers l'an 1112, le diocèse d'Utrecht fut profondément bouleversé par un hérétique appelé par les documents tantôt TANCHELM, tantôt TANCHELIN ou même FAUCELLIN. Il niait le pouvoir du pape, des archevêques, des évêques et de l'Eglise, les sacrements et en particulier l'Eucharistie. Il avait gagné à ses doctrines un si grand nombre de paysans et de marins qu'il était toujours escorté d'une troupe considérable et faisait porter devant lui les insignes de l'autorité. Il ne s'en tenait pas en effet à de simples prédications, il soulevait les populations contre les pouvoirs établis et interdisait le paiement de la dîme. Il occupait de force les églises et en chassait les prêtres catholiques, avec son armée de 3000 hommes. Contre de pareils attentats, l'archevêque de Cologne et l'évêque d'Utrecht n'employèrent aucunement la violence. Ils se contentèrent de faire appel à S. Norbert et à ses Prémontrés, qui furent établis par eux dans la collégiale de S. Michel d'Anvers, afin que les pieuses prédications de S. Norbert et de ses disciples eussent raison des fausses doctrines de Tanchelm (FREDERICQ, Corpus documentorum inquisitionis haereticae pravitatis Neerlandicae, I, pp. 15 et sqq.).
Si, dans la…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 826)Origines (suite).
Si, dans la suite, Tanchelm fut poursuivi, ce fut par Godefroy le Barbu, duc de Lorraine, et non par les évêques (Ibid., p. 28); l'Eglise s'était contentée de l'excommunier.
Vers 1144, les mêmes doctrines et les mêmes troubles étaient propagés à Liège par des hérétiques, venus dans ces pays du diocèse de Châlons où l'hérésie s'était développée depuis un siècle, par suite de la tolérance des évêques. Ils y avaient organisé une communauté hérétique qui avait deux catégories d'adhérents comme I'Albigéisme, les Croyants qui avaient reçu l'initiation complète, les Auditeurs qui ne l'avaient pas encore reçue. Le peuple voulut leur faire un mauvais parti; mais ils furent sauvés à grand'peine par le clergé de Liège, plus désireux de leur conversion que de leur châtiment (Ibid., I, p. 32).
Contre les hérétiques, l'Eglise se contentait donc de multiplier les prédications exceptionnelles, les missions et les traités de controverse. Vers 1140, un Cathare breton, EUDES DE STELLA, se donnait comme un éon issu de Dieu; il rejetait l'organisation catholique, le baptême et surtout le mariage; il soulevait les foules contre les églises et les monastères qu'il pillait et détruisait. « Erumpebat improvisus ecclesiarum et monasteriorum infestator... ecclesiis maxime monasteriisque infestus », dit de lui le chroniqueur GUILLAUME DE NEWBURY (BOUQUET, Recueil des historiens des Gaules et de la France, XIII, p. 97). Il ne fut arrêté et condamné à la prison par le concile de Reims que lorsqu'il eut commis un grand nombre de dévastations et de pillages. On commença par argumenter contre lui.
En 1145, le légat ALBERIC, cardinal-évêque d'Ostie, se rendit en Bretagne, prêcha contre Eudes à Nantes et commanda une réfutation de ses erreurs à Hugues, archevêque de Rouen (BOUQUET, op. cit., XII, p. 558). On connaît les missions dirigées par S. BERNARD lui-même, dans le Midi de la France contre les Henriciens et les Pétrobrusiens, si puissants et si répandus dans ces régions.
Les prédications de PIERRE DE BRUYS et de son disciple HENRI avaient eu le plus grand succès dans les régions des Pyrénées, de la Garonne et de la Méditerranée ; elles avaient gagné la majeure partie de la population ; c'était une vraie déchristianisation. Les sectaires mêlaient contre les catholiques l'insulte et la raillerie aux négations; parfois même, ils usaient de violence.
A la demande du légat Albéric, S. Bernard quitta son abbaye de Clairvaux pour aller argumenter contre eux. En 1145-1146, on l'entendit à Bordeaux, Bergerac, Périgueux, Sarlat, Cahors, Toulouse, Albi, Verfeil; mais son éloquence ne suffit pas pour arrêter les progrès du mal. « Qu'on prenne les hérétiques par les arguments et non par les armes, disait-il : « Capiantur non armis, sed arguments ! » (In Cantic. Sermo LXIV), et s'il envisageait la possibilité de mesures de rigueur à leur endroit, c'était pour répondre à leurs violences et protéger contre elles la foi du peuple chrétien (VACANDARD, S. Bernard, II, p. 213). La conversion des sectaires et, à son défaut, des peines canoniques telles que l'excommunication, lui paraissaient préférables aux condamnations séculières.
« C'est, disait-il, la volonté de Celui qui veut que tous les hommes soient sauvés et qu'ils parviennent à la connaissance de la vérité. » Ailleurs, en parlant de la foule qui avait traîné les hérétiques au supplice il s'écriait : « J'approuve le zèle, niais je ne conseille pas d'imiter le fait; car il faut amener les hommes à la foi par la persuasion et non par la force. »
D'autres voix ecclésiastiques ou religieuses se firent entendre, au XIIe siècle…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 827)Origines. (suite)
D'autres voix ecclésiastiques ou religieuses se firent entendre, au XIIe siècle, pour protester contre la mise à mort des hérétiques. Sainte HILDEGARDE écrivait aux princes chrétiens : « Faites sortir les hérétiques hors de l'Eglise, mais ne les tuez point; car ils sont faits comme nous à l'image de Dieu. » (SCHMIDT, Histoire et doctrine de la secte des Cathares, I,p. 219.)
Les princes et le peuple ne firent pas preuve de la même longanimité que le clergé. Les premiers par leurs jugements, les seconds par leurs soulèvements usèrent, pour réprimer l'hérésie, de moyens violents et, dès le XIe siècle, les bûchers s'allumèrent par leurs soins.
En 1017, nous raconte RAOUL GLABER, l'hérésie manichéenne avait été apportée à Orléans par une femme venue d'Italie ; elle avait gagné à ses croyances un grand nombre d'adhérents dans la noblesse, le peuple et même le clergé; elle comptait parmi ses adeptes la majeure partie du chapitre de Sainte-Croix et deux de ses membres les plus distingués, Lisoi et Héribert, ce dernier confesseur de la reine Constance. Non content de professer eux-mêmes l'hérésie, ils envoyaient de tous côtés leurs disciples pour la propager.
Dès qu'il l'apprit, le roi de France, ROBERT LE PIEUX, en fut profondément affligé, parce qu'il voyait dans cette hérésie la ruine de la patrie et la mort des âmes, « ut autem cognovit rex Robertus, ut erat doctissimus ac christianus, tristis ac maerens nimium effectus quoniam et ruinam patriae revera et animarum metuebat interitum » ( RAOUL GLABER, III, 8 ).
Ce qui effrayait le roi, c'étaient les doctrines antisociales et antichrétiennes à la fois de ces hérétiques. Ils niaient la nécessité de l'action, rejetaient les œuvres de charité et de justice, condamnaient le mariage et la famille, bases de l'ordre social; ils ne croyaient pas que les vilaines actions commises en cette vie fussent punies dans l'autre.
Robert ne se contenta pas de gémir…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 827)Origines. (suite)
Robert ne se contenta pas de gémir. Il vint à Orléans, convoqua lui-même une assemblée composée d'évêques, d'abbés et de laïques et fit rechercher soigneusement les chefs et les propagateurs de l'hérésie. Lorsqu'il les eut découverts et interrogés et qu'ils eurent montré une obstination inébranlable dans leurs erreurs, il condamna lui-même au bûcher treize d'entre eux. De ces faits unanimement rapportés par les chroniqueurs du temps, RAOUL GLABER, HAGANON DE CHARTRES, ADEMAR DE CHABANNES (MANSI, Concilia, XIX, 373-386), il ressort:
1° que le roi Robert eut l'initiative des poursuites, les dirigea lui-même, prononça la sentence finale et que, dès lors, le premier bûcher allumé en France contre les hérétiques l'a été par le pouvoir civil;
2º que, dans toute cette affaire, le clergé n'a eu qu'une attitude passive, n'agissant que sous l'impulsion du roi ;
3° que Robert le Pieux était l'adversaire des hérétiques autant comme roi que comme chrétien, et qu'en les condamnant, il prétendait sauver la patrie autant que les âmes;
4° que ses appréhensions lui étaient inspirées par les doctrines antisociales des Cathares sur l'activité humaine, le mariage et la famille.
Il trouva aussitôt un imitateur dans la personne de GUILLAUME, comte de Poitiers et duc d'Aquitaine. Ayant découvert des hérétiques dans ses états, il réunit d'urgence, à Charroux, en un concile, les évêques, les abbés et les représentants de la noblesse et des peines sévères furent portées contre l'hérésie. Bientôt après, par ses soins, plusieurs Cathares furent brûlés à Toulouse.
« L'empereur HENRI III, passa à Goslar les fêtes de Noël 1052. Il y fît pendre plusieurs hérétiques qui professaient des doctrines manichéennes et s'abstenaient de toute nourriture animale. » La chronique d'HERMANNUS CONTRACTUS, qui nous raconte ce fait, ajoute qu'il fut approuvé par tous, « consensu cunctorum » (BOUQUET, op. cit., XI, p. 20).
L'auteur des Gesta episcoporum Leodiensium nous dit…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 828-829)Origines.(suite)
L'auteur des Gesta episcoporum Leodiensium nous dit tout le contraire ; d'après lui, la condamnation des hérétiques de Goslar n'eut lieu qu'après une longue discussion, et il ne cache pas la répulsion qu'elle lui inspire ; il la compare à celle qui fut portée contre Priscillien par les évêques courtisans de l'empereur Maxime et il déclare que son évêque Wazon n'y aurait jamais souscrit, s'il avait été encore de ce monde. « Et nous le disons hautement, ajoute-t-il, non que nous voulions défendre l'hérésie, mais parce que de pareilles condamnations ne sont pas d'accord avec la loi de Dieu. » (MARTENE, Amplissima collectio, IV, 902.)
Les mesures violentes qui furent prises contre Tanchelm, dans les Pays-Bas, furent ordonnées par le duc de Lorraine GODEFROY LE BARBU; il dut agir beaucoup plutôt pour débarrasser le pays d'un fâcheux perturbateur que pour délivrer l'Eglise d'un de ses ennemis; car les Annales de saint Jacques de Liège nous le représentent lui-même comme un persécuteur de l'Eglise catholique et un défenseur de la simonie (FREDERICQ, Corpus documentorum inquisitionis haereticae pravitatis Neerlandicae, I. pp. 28-30).
Le plus souvent, l'opinion publique réclamait avec acharnement le supplice des hérétiques, parfois même la justice populaire le leur infligeait elle-même, devançant celle des princes et des gouvernements, qui devaient prendre contre elle les plus minutieuses précautions. Lorsque Robert le Pieux eut condamné les hérétiques d'Orléans, le peuple partageait tellement les sentiments du roi que, n'ayant pas la patience d'attendre leur supplice, il voulait les mettre à mort lui-même dans l'église de Sainte-Croix. Ce fut pour empêcher un massacre qui, commis dans une église, se serait doublé d'un sacrilège, que le roi fit garder Sainte-Croix, par la reine Constance (RAOUL GLABER).
En 1077, un hérétique ayant proclamé ses erreurs devant l'évêque de Cambrai, des gens de l'évêque et la foule se saisirent de lui sans attendre le jugement et l'enfermèrent dans une cabane à laquelle ils mirent le feu (FREDERICQ, I, p. 12).
Vers 1040, l'archevêque de Milan, HÉRIBERT, découvrit un foyer d'hérésie à Monteforte, en Lombardie. GIRARD avait gagné la plupart des habitants de ce bourg et il leur faisait renier le mariage, les sacrements et l'autorité de l'Eglise ; la guerre éclata entre ce bourg et l'archevêque qui, ayant emporté la victoire, emmena à Milan Girard et plusieurs de ses adeptes. L'archevêque voulait leur laisser la vie; mais le peuple de Milan ayant dressé un bûcher en face d'une croix, ordonna aux hérétiques de choisir l'un ou l'autre, la mort par le feu ou la rétractation. Comme ils ne voulurent pas se rétracter, ils furent brûlés malgré l'archevêque. Dans les circonstances, le chroniqueur LANDULPHUS nous montre, d'une part l'archevêque Héribert désireux de sauver les hérétiques pour les convertir, et de l'autre les magistrats civils de Milan, civitatis hujus majores laici, élevant un magnifique bûcher pour les brûler (MURATORI, Rerum italicarum scriptores, IV, p. 89).
GUIBERT DE NOGENT nous raconte un fait du même genre qui se passa à Soissons, vers 1114. L'évêque LISIARD avait fait arrêter des hérétiques qui étaient manichéens, si nous en croyons ce que le chroniqueur nous rapporte de leurs doctrines. Après avoir instruit leur procès, il était embarrassé sur le traitement qu'il devait leur réserver et, les laissant en prison, il était allé consulter ses collègues réunis en concile à Beauvais; il était accompagné de Guibert, l'auteur du récit. Or, pendant son absence, le peuple de Beauvais se porta à la prison épiscopale, en arracha les hérétiques, alluma un bûcher hors de la ville et les y brûla; et la raison que donne Guibert de cet acte est significative. Le peuple a brûlé lui-même les hérétiques parce qu'il appréhendait à leur égard l'indulgence de l'Eglise : « Sed fidelis interim populus, CLERICALEM VERENS MOLLITIEM,concurrit ad ergastulum, rapit et subjecto eis extra urbem igne, pariter concremavit. » (BOUQUET, op. cit., XII, p. 266.)
A Liège, le peuple témoignait de la même haine…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 829)Origines (suite).
A Liège, le peuple témoignait de la même haine contre les hérétiques. En 1135, trois manichéens étaient arrêtés ; quand ils eurent proclamé leurs doctrines niant le mariage, approuvant la promiscuité des sexes, rejetant le baptême et les autres sacrements, le peuple voulut les lapider sans attendre le jugement. Dix ans plus tard, dans la même ville, après des aveux du même genre, la foule s'empara de quelques hérétiques, et les traîna au bûcher ; le clergé, qui voulait les convertir, eut la plus grande peine à les sauver : « Hos turba turbulenta raptos incendio tradere deputavit: sed nos, Dei favente misericordia, pene omnes ab instanti supplicio, de ipsis meliora sperantes, vix tamen eripuimus. » (FREDERICQ, op. cit., p. 32.)
Les textes que nous venons de citer précisent les positions différentes que prirent en face de l'hérésie, de l'an mil à 1150 environ, la puissance civile et la hiérarchie ecclésiastique. Nous pouvons les définir en ces trois propositions :
1° L'Eglise a répugné à la répression violente de l'hérésie. Parmi ses représentants les plus autorisés, les uns ne se sont pas reconnu le droit de châtier comme un crime l'hétérodoxie et ne l'ont combattue que par des discussions et des traités de controverse; les autres n'ont employé contre elle que des peines spirituelles, telles que l'excommunication, destinées moins à frapper l'erreur qu'à en préserver les fidèles en leur interdisant tout contact avec elle ; enfin, ceux qui étaient sollicités de prononcer des peines temporelles contre des hérétiques, perturbateurs de l'ordre public, ne le faisaient que faiblement, invoquant l'irresponsabilité des hérétiques pour les relâcher.
2º Le pouvoir civil s'est au contraire montré de plus en plus rigoureux contre l'hérésie. C'est lui qui, le premier, a allumé les bûchers, en France, en Allemagne, en Italie, en Flandre.
3° Les rigueurs du pouvoir civil ont été approuvées par l'opinion publique, du XIe et du XIIe siècle, le peuple accusant de tiédeur à l'égard des hérétiques non seulement les évêques et les clercs, mais les princes eux-mêmes.
A suivre : Établissement de l’Inquisition.
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 829-830)
Etablissement de l'Inquisition. — Ces divergences entre le pouvoir civil et l'autorité religieuse allaient s'atténuer progressivement au XIIe siècle, pour disparaître complètement au XIIIe. Plus on avance, en effet, vers le XIIIe siècle et plus disparaissent les répugnances de l'Eglise à réprimer par la force l'hérésie.
En 1134, elle fut émue par les progrès considérables que faisait dans le Midi la secte des Henriciens. Aussi son propagateur, le moine Henri, que l'on avait laissé prêcher ses erreurs en liberté pendant 18 ans (1116-1134), finit-il par être arrêté sur ordre de l'archevêque d'Arles, et traduit au concile de Pise devant le pape INNOCENT II qui le condamna à la prison ; on le remit, il est vrai, en liberté peu de temps après, et il reprit ses prédications hérétiques; la répression était encore bénigne.
Ce fut en 1139 que l'Eglise, ne s'en tenant plus aux sanctions spirituelles, ordonna au pouvoir civil de réprimer l'hérésie par des peines temporelles.« Les hérétiques qui rejettent le sacrement du corps et du sang du Seigneur, le baptême des enfants, le sacerdoce et les autres ordres, condamnent le mariage, sont expulsés de l'Eglise de Dieu comme hérétiques; nous les condamnons et nous ordonnons au pouvoir civil de les réprimer. Nous englobons dans la même sentence quiconque prendra leur défense...» Ainsi s'exprime, dans son canon 23, le concile œcuménique du Latran qui se tint, en 1139, sous la présidence du pape INNOCENT II (MANSI, XXI, p. 532). Au signalement qui est donne ici de l'hérésie condamnée, il est facile de reconnaître les Cathares.
L'année suivante, Innocent II fit l'application de cette sentence à ABÉLARD et ARNAUD DE BRESCIA.
Par une lettre adressée, le 16 juillet 1140, aux archevêques de Reims et de Sens, ainsi qu'à saint Bernard, il ordonna d'enfermer ces deux personnages dans des couvents et de brûler leurs écrits (MANSI, XXI, p. 565). Cette sentence fut faiblement exécutée; car si Abélard se confia à la garde bienveillante de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, Arnaud continua à prêcher en Suisse et en Italie et dut être condamné une fois de plus en 1148. Livré en 1154, il fut pendu avant d'être brûlé, lorsque le pape ADRIEN IV, devenu l'allié de Frédéric Barberousse, eut réprimé les révoltes suscitées à Rome par Arnaud de Brescia.
Le concile de Reims, présidé en 1148 par EUGÈNE III …
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 830)Établissement de l’Inquisition.
(suite)
Le concile de Reims, présidé en 1148 par EUGÈNE III, renouvela les sentences contre les Cathares, qui devenaient de plus en plus dangereux en Gascogne et en Languedoc. Nul ne devait les protéger ou les défendre; aucun seigneur ne devait les accepter sur ses terres, sous peine d'interdit et d'anathème : « Nullus heresiarchas et eorum sequaces manu teneat vel defendat nec aliquis eis in terra sua receptaculum praebeat. » (MANSI, XXI, p. 718.)
Cette législation ne suffit pas à l'ardeur des princes qui l'avaient provoquée. Il est curieux de les voir accuser le pape et l'Eglise de faiblesse envers l'hérésie et réclamer toujours de nouvelles mesures de rigueur.
Parmi ces rois acharnés contre les hérétiques, il faut placer au premier rang Louis VII le Jeune. En 1140, il assista au concile de Sens qui condamna Abélard.
En 1162, il écrivit une lettre curieuse au pape ALEXANDRE III. L'archevêque de Reims, HENRI frère du roi, s'était inquiété des progrès de l'hérésie manichéenne en France et il s'apprêtait, de concert avec le comte de Flandre, à poursuivre les Cathares, lorsque ceux-ci, confiants dans la douceur du pape Alexandre III, firent appel au Saint-Siège. Leur espoir ne fut pas trompé. Le pape rappela en termes fort nets l'archevêque et le comte de Flandre à la modération :« Mieux vaut, écrivait-il à l'archevêque, absoudre des coupables que de s'attaquer, par une excessive sévérité, à la vie d'innocents... l'indulgence sied mieux aux gens d'Eglise que la dureté. » Et il lui rappelait le conseil de l'Ecriture : « Noli nimium esse justus. » (MARTENE, Ampl. Collectio, II, 683.)
L'archevêque dut communiquer cette lettre à son frère Louis VII ; car celui-ci écrivit aussitôt après au pape une lettre où les reproches de tiédeur se dissimulaient à peine sous les formules de respect.
« Notre frère l'archevêque de Reims, parcourant dernièrement la Flandre, y a trouvé des hommes égarés par les plus funestes doctrines, adeptes de l'hérésie des Manichéens ; l'observation a prouvé qu'ils sont bien plus mauvais qu'ils ne le paraissent. Si leur secte continue à se développer, ce sera un grand mal pour la foi... Que votre sagesse donne une attention toute particulière à cette peste et qu'elle la supprime avant qu'elle puisse grandir. Je vous en supplie pour l'honneur de la foi chrétienne, donnez toute liberté dans cette affaire à l'archevêque : il détruira ceux qui s'élèvent ainsi contre Dieu; sa juste sévérité sera louée par tous ceux qui, dans ce pays, sont animés d'une vraie piété. Si vous agissiez autrement, les murmures ne s'apaiseraient pas facilement et vous déchaîneriez contre l'Eglise romaine les violents reproches de l'opinion. »
En lisant ces lignes, il est facile de voir qu'Alexandre III répugnait à la violence…
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INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 831)Établissement de l’Inquisition.
(suite)
En lisant ces lignes, il est facile de voir qu'Alexandre III répugnait à la violence et que Louis VII, son frère l'archevêque de Reims, et le comte de Flandre exerçaient sur lui une forte pression pour obtenir son adhésion à une politique de répression. Or, à ce moment, Alexandre III était menacé par le schisme d'un antipape : chassé de Rome, il s'était réfugié en France et avait besoin de la protection du roi. Dans sa réponse datée du 11 janvier 1163, il lui promit de ne rien faire, dans la question des hérétiques de Flandre, sans l'avis de l'archevêque (ibid., p. 684).
Cet échange de lettres nous explique aussi la décision du concile de Tours. Cette année-là en effet se réunirent à Tours 12 cardinaux, 124 évêques, 314 abbés et une foule considérable de clercs et de laïques, sous la présidence d'ALEXANDRE III. Le concile accentua les mesures de rigueur prises précédemment contre l'hérésie manichéenne, qui, « comme un chancre, s'était étendue à travers toute la Gascogne et dans d'autres provinces ». Il ordonna à tous les évêques et à tous les prêtres de la surveiller; par leurs soins, les hérétiques devaient être chassés des pays où on les découvrirait; on n'aurait avec eux aucune relation d'affaires; les princes devraient condamner à la prison et à la confiscation tous ceux qu'on surprendrait; enfin, on rechercherait avec soin leurs assemblées secrètes (MANSI, XXI, p. 1178).
Bien que ces canons soient édictés par un concile et promulgués par le pape, il est facile de voir qui les avait provoqués : c'était le roi de France, et une fois de plus le pouvoir civil excitait contre l'hérésie le zèle et la vigilance de la hiérarchie ecclésiastique.
Le comte de Flandre et l'archevêque de Reims profitèrent de ces décisions conciliaires pour brûler en Flandre un certain nombre d'hérétiques (LEA, Hist. de l'Inquisition, I, p. 128), et leur exemple fut suivi à Cologne.
Il est curieux de constater que l'un des persécuteurs les plus cruels de l'hérésie fut alors un prince excommunié…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 831-832)Établissement de l’Inquisition.
(suite)
Il est curieux de constater que l'un des persécuteurs les plus cruels de l'hérésie fut alors un prince excommunié, en révolte ouverte contre Alexandre III, le roi d'Angleterre HENRI II.
Il venait de faire voter les Statuts de Clarendon qui soumettaient l'Eglise d'Angleterre à la juridiction royale, et, à ce propos, il était entré si violemment en conflit avec Thomas Becket, primat de Cantorbéry, que ce dernier avait dû quitter son siège et chercher un asile en France. Alexandre III avait pris parti pour le primat et lancé contre Henri les censures de l'Eglise. Or voici ce que nous rapporte le chroniqueur anglais, GUILLAUME DE NEWBRIDGE. Un certain nombre d'hérétiques s'étant réfugiés, en 1165, de Flandre en Angleterre, Henri II les fit arrêter, marquer d'un fer rouge au front et exposer, ainsi défigurés, devant le peuple. Il défendit à ses sujets de leur donner asile et de leur rendre le moindre service. Ce fut en les mettant ainsi hors la loi qu'il « préserva totalement son royaume de la peste de l'hérésie » (Monumenta Germaniae historica. Scriptores, XXVII, p. 131).
Ce qu'il avait ainsi fait à l'assemblée d'Oxford présidée par lui-même, Henri II voulut l'établir définitivement par un texte de loi, et par l'article 21 des Assises de Clarendon il défendit à jamais « de recevoir chez soi des hérétiques, sous peine de voir sa maison détruite » ; en même temps, il obligea tous les shériffs (officiers civils des comtés) à jurer qu'ils observeraient cette loi et feraient prêter serment dans le même sens à tous les chevaliers et possesseurs de terres franches. C'était l'extermination complète et radicale de l'hérésie, et, comme le fait remarquer Lea, à qui nous empruntons ce passage, elle était ordonnée par une loi exclusivement civile, poursuivie par des officiers laïques et une juridiction séculière, au nom d'un prince excommunié par l'Eglise à cause du soin jaloux qu'il prenait de la soumettre au pouvoir laïque (LEA, Hist. de l'Inquisition, I, p. 129).
On a voulu expliquer les rigueurs de Henri II par le désir qu'il aurait eu de se poser en farouche défenseur de l'orthodoxie au moment où il luttait contre Thomas Becket et Alexandre III…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 832)Établissement de l’Inquisition.
(suite)
On a voulu expliquer les rigueurs de Henri II par le désir qu'il aurait eu de se poser en farouche défenseur de l'orthodoxie au moment où il luttait contre Thomas Becket et Alexandre III, afin de prouver à son peuple que sa lutte contre le Saint-Siège ne diminuait ni sa foi ni son zèle chrétien.
Pour montrer l'invraisemblance de cette hypothèse, il suffit de rappeler qu'en 1177, alors qu'il était réconcilié avec le Saint-Siège, Henri II donna aux hérétiques de nouvelles preuves de sa haine. Alors que, pendant tout son règne, il avait été le rival de Louis VII, roi de France, cette année il se concerta avec lui contre les Cathares du Languedoc. « Ces deux princes, écrivait au pape HENRI, l'abbé de Clairvaux, viennent de confirmer la paix qu'ils ont conclue et ils s'entendent à merveille dans le dessein de revêtir la cuirasse de la foi et de poursuivre la multitude des hérétiques. »
Et le chroniqueur anglais BENOIT DE PETERBOROUGH ajoute (année 1178) : « Henri II ne voulut pas passer la mer et rentrer en Angleterre avant de s'être entendu avec le roi de France pour envoyer de concert avec lui, dans le comté de Toulouse, des hommes d'Eglise et des laïques qui ramèneraient les hérétiques à la vraie foi par des prédications ou les réduiraient par les armes. » Ce fut à leur instigation que fut organisée, en ce sens, la mission du cardinal PIERRE DE SAINT-CHRYSOGONE (BOUQUET, Historiens des Gaules et de France, XV, p. 960). C'était toujours le pouvoir civil qui inspirait à la hiérarchie ecclésiastique des mesures de répression contre l'hérésie.
Dès son avènement, PHILIPPE-AUGUSTE suivit l'exemple de son père Louis VII et de Henri II…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 832)Établissement de l’Inquisition.
(suite)
Dès son avènement, PHILIPPE-AUGUSTE suivit l'exemple de son père Louis VII et de Henri II. Dans sa Philippide, GUILLAUME LE BRETON le félicite d'avoir, dès les premières années de son règne, poursuivi énergiquement ces hérétiques appelés par le peuple Popelicani, « qui réprouvent le bonheur conjugal, déclarent défendre l'usage de la viande et répandent plusieurs autres superstitions ». Le roi les a fait sortir de leurs refuges et de leurs cachettes et, après les avoir fait juger par ses tribunaux, les a envoyés au bûcher « pour que le feu matériel leur soit un avant-goût des flammes de l'enfer ». Et ainsi, continue Guillaume, le royaume a été totalement purgé de l'hérésie, et nul ne peut y vivre s'il n'accepte tous les dogmes de la foi catholique, ou s'il nie les sacrements (BOUQUET, op. cit., XVII, p. 127, vers 408-435).
Les papes s'engagèrent de plus en plus résolument dans cette voie répressive que leur traçaient si bien les princes.
Au concile de Latran de 1179, ALEXANDRE III, tout en rappelant que le clergé avait horreur du sang (cruentas effugiant ultiones), demandait à la puissance séculière des sanctions pénales « contre les Cathares, Publicani ou Patareni qui, en Gascogne, dans l'Albigeois et le comté de Toulouse, ne se contentaient pas de professer leur erreur en secret, mais la manifestaient publiquement ». Il lançait l'anathème contre eux, leurs protecteurs et quiconque les recevrait dans sa maison ou sur ses terres ou ferait le commerce avec eux. Bien plus, il appelait aux armes contre eux les princes et les peuples, et, pour la première fois, on voyait une croisade ordonnée non plus contre des infidèles, mais contre des hérétiques. Une indulgence de deux ans était accordée à tous les fidèles qui s'armeraient contre eux, à l'appel des évêques, qui avaient la faculté d'augmenter encore, selon le cas, l'étendue de l'indulgence. Ces croisés étaient placés sous la protection de l'Eglise, comme ceux qui partaient en Terre sainte; les évêques étaient constitués les défenseurs de leurs droits et de leurs biens (Decret. Greg. IX; V, VII).
Au lendemain de la paix de Constance…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 832-833)Établissement de l’Inquisition.
(suite)
Au lendemain de la paix de Constance, qui avait mis un aux longues luttes du Saint-Siège et de Frédéric Barberousse, le pape LUCIUS III réunit à Vérone, en 1184, une nombreuse assemblée, comprenant, avec lui l'empereur, des patriarches, des archevêques et un grand nombre de princes venus de toutes les régions de l'Empire.
Avec leur concours et surtout avec celui de l'empereur FREDERIC, « Friderici, illustris Romanorum imperatoris, semper Augusti, praesentia pariter et vigore suffulti », le pape Lucius III promulgua une constitution « contre les Cathares, les Patarins, ceux qui s'appelaient faussement les Humiliés et les Pauvres de Lyon, les Passagini, les Josephini, les Arnaldistae ».
Elle était beaucoup plus précise que toutes celles qu'avaient jusqu'alors éditées les papes et les conciles, et elle demeura longtemps en vigueur; car GREGOIRE IX la fit plus tard insérer dans ses Décrétales.
Elle excommuniait, avec les hérétiques, ceux qui les protégeaient, avaient reçu d'eux le Consolamentuni, se disaient Croyants ou Parfaits. Ceux d'entre eux qui seraient clercs, seraient dégradés, dépouillés de leurs charges et de leurs bénéfices, et livrés à la puissance civile pour être punis par elle.
Les laïques seraient livrés de la même manière et pour le même objet au bras séculier, surtout s'ils étaient relaps.
Tout archevêque et évêque devrait inspecter soigneusement, en personne ou par son archidiacre ou des personnes de confiance, une ou deux fois l'an, les paroisses suspectes, et se faire désigner sous serment par les habitants les hérétiques déclarés ou cachés. Ceux-ci devraient se purger par serment du soupçon et se montrer désormais bons catholiques. S'ils refusaient de prêter le serment ou retombaient ultérieurement dans l'erreur, l'évêque les punirait.
Les comtes, barons, recteurs, consuls des villes et autres lieux devraient prêter serment d'aider l'Eglise dans cette œuvre de répression, sous peine de perdre leurs charges, d'être excommuniés et de voir l'interdit lancé sur leurs terres.
Les villes qui résisteraient sur ces points aux ordres des évêques, seraient mises au ban de toutes les autres ; aucune ne pourrait commercer avec elles.
Quiconque recevrait chez lui des hérétiques, serait déclaré infâme à jamais, incapable de plaider, de témoigner et d'exercer une fonction publique.
Enfin, les archevêques et évêques devaient avoir toute juridiction en matière d'hérésie et être considérés comme délégués apostoliques par ceux qui, jouissant du privilège de l'exemption, étaient placés sous la juridiction immédiate du Saint-Siège.
Lea remarque avec raison que « cet édit était le plus sévère qui eût encore été fulminé contre l'hérésie »…
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Louis- Admin
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 833-834)Établissement de l’Inquisition.
(suite)
Lea remarque avec raison que « cet édit était le plus sévère qui eût encore été fulminé contre l'hérésie » (op. cit., 1, p. 131). En effet, on ne se contentait pas de frapper les hérétiques qui étaient surpris et ceux qui leur assuraient la liberté; on les recherchait. Bien plus, cette recherche était organisée et confiée au zèle des évêques, qui en étaient responsables. Tout hérétique ainsi découvert devait abjurer, sous peine d'un châtiment que l'autorité civile devait infliger. L'obstination dans l'hérésie, la complicité avec l'hérésie n'étaient plus seulement des fautes de conscience, tombant uniquement sons des sanctions spirituelles ; elles devenaient des crimes réprimés par des pénalités temporelles graduées.
A vrai dire, c'est l'Inquisition qui est établie par cette constitution de 1184, non pas encore l'inquisition pontificale qu'exerceront, au nom du Saint-Siège, des inquisiteurs appartenant le plus souvent à des ordres religieux, mais l'inquisition épiscopale dont devra s'acquitter l'évêque dans chaque diocèse, en vertu de ses attributions ordinaires de défenseur et de gardien de la foi.
Cette date de 1184 marque donc une étape importante dans l'histoire de la répression de l'hérésie; et en jetant un coup d'œil d'ensemble sur les mesures qui l'ont préparée, au cours du XIIe siècle, nous pouvons affirmer :
1º Que, répugnant d'abord aux peines temporelles et s'en tenant aux spirituelles, l'Eglise n'a soumis qu'à la fin du XIIe siècle l'hérésie à des châtiments matériels;
2º Qu'elle a été amenée à cette recrudescence de sévérité par la pression qu'ont exercée sur elle non seulement des rois pieux et soumis à sa direction, tels que Louis VII, mais encore des princes en révolte fréquente contre elle, tels que Henri II roi d'Angleterre et l'empereur Frédéric Barberousse;
3° Et que, dès lors, l'inquisition a été presque universellement pratiquée par l'autorité civile avant d'être établie dans le monde chrétien par une décision ecclésiastique.
A suivre : Doctrine des hérétiques.
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 834)
Doctrine des hérétiques. — Comment se fait-il que le pouvoir civil ait montré pour la répression de l'hérésie, au XIIe siècle, un zèle qui dépassait et excitait sans cesse celui de l'Eglise? Il ne suffit pas pour l'expliquer d'alléguer le fanatisme; car comment admettre que les rois, même quand ils étaient en rupture déclarée avec le Saint-Siège, ou blasphémaient le dogme chrétien, comme le fera plus tard Frédéric II, aient été plus fanatiques que les gens d'Eglise? Comment surtout admettre qu'avant l'an mil, dans ces siècles de haut moyen âge qui n'ont pas connu les bûchers, les princes aient été universellement tolérants et soient devenus aussi universellement intolérants, après l'an mil? Le fanatisme peut avoir inspiré tel prince, telle exécution; mais il ne saurait expliquer la création, à la fin du XIIe siècle, d'une institution chargée de réprimer méthodiquement, et dans tout le inonde chrétien, l'hérésie.
On pourrait alléguer aussi, qu'en ordonnant des supplices contre les hérétiques, les princes donnaient satisfaction à la haine dont l'opinion publique poursuivait les sectes hétérodoxes. Il est certain en effet que, sauf dans les pays où les Cathares étaient tout-puissants, comme en Languedoc et dans certaines villes d'Italie, le peuple réclamait partout leur extermination. Investi dans sa ville du pouvoir temporel, l'abbé de Vézelay eut à juger, des hérétiques, en 1167; embarrassé sur le traitement qu'il devait leur infliger, il eut l'idée de consulter la foule : « Brûlez-les ! » lui répondit-elle; et ainsi fut fait (LEA, op. cit.,I, p. 350).
Des scènes du même genre se passèrent en beaucoup d'endroits. C'est qu'en effet les bruits les plus étranges circulaient dans le peuple sur les hérétiques. On racontait d'eux, comme on l'avait fait des premiers chrétiens, que dans leurs réunions secrètes ils se livraient aux débauches les plus honteuses, pratiquant non seulement l'union libre et la communauté des femmes, mais encore la promiscuité des sexes avec les vices de Sodome et de Gomorrhe. On disait encore que, lorsque des enfants naissaient de leurs unions honteuses, ils les mettaient à mort, réduisaient leurs corps en cendres avec lesquelles ils faisaient un pain dont ils se servaient pour parodier les rites augustes de la communion. On leur attribuait aussi des actes de sorcellerie et de magie.
Il est possible que certains de ces faits immoraux se soient produits; mais l'imagination populaire, excitée par le caractère mystérieux et secret des réunions hérétiques, les a probablement amplifiés ou même inventés. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas que des faits de ce genre auraient suffi pour animer la plupart des princes et des gouvernements contre l'hérésie comme contre un danger public et universel.
C'est plutôt dans la doctrine des hérétiques…
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Louis- Admin
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 835)Doctrine des hérétiques. (suite)
C'est plutôt dans la doctrine des hérétiques, et encore plus dans les conséquences sociales qui en découlaient logiquement et qu'on en tirait pratiquement, qu'il faut chercher la raison de cette répression des hérétiques par le pouvoir séculier.
Le néo-manichéisme a été la grande hérésie, ou plutôt la doctrine antichrétienne des XIe, XIIe et XIIIe siècles. Ce sont toujours ses adhérents qui sont désignés, selon les pays, par les noms variés d'Ariani, de Passagii, de Poplicani, de Patareni, de Josephini, etc.; c'est leur secte qui est visée quand on parle de ces hérétiques qui nient l'Eglise, le baptême, les sacrements et surtout le mariage, et déclarent criminel l'usage de la nourriture animale. Il est à croire que, si leurs docteurs avaient erré sur l'Eucharistie comme Bérenger de Tours, sur la grâce ou tel autre dogme particulier, l'émotion qu'ils auraient causée n'aurait pas dépassé le cercle des théologiens et l'enceinte des écoles.
Mais le catharisme n'a pas été, comme les hérésies qui l'ont précédé, l'interprétation hétérodoxe de tel ou tel dogme chrétien; il a été un système religieux complet, avec sa conception propre de la vie présente et de la vie future, du monde, de l'homme, de la divinité et de la destinée humaine, avec sa morale individuelle et sociale, avec ses idées politiques. Il n'est donc pas étonnant qu'il ait heurté de front l'ordre social du moyen âge, établi sur le christianisme. Bien plus, sa conception profondément pessimiste de la vie l'a dressé contre tout ordre social.
Quelles que soient les manières différentes dont les chrétiens ont essayé de mettre en pratique leur idéal, selon la diversité des tempéraments, des vocations et des circonstances, on peut cependant résumer en quelques propositions la théorie que l'Eglise nous présente de la vie de sa valeur et du but vers lequel elle doit tendre.
A ses yeux, l'homme est de passage sur cette terre; le temps qu'il y vit est une épreuve. Incliné vers le mal par les mauvais instincts de sa nature viciée, les séductions et les infirmités de la chair, les tentations du démon, il est appelé au bien par la loi divine, les bons instincts que la chute originelle n'a pas pu faire complètement disparaître en lui; et dans cette lutte, il est soutenu par ce secours divin qu'il suffit de demander pour l'avoir, qui multiplie les forces de la volonté humaine sans détruire sa liberté et sa responsabilité, et qu'on nomme la grâce.
La perfection consiste à triompher des mauvais instincts, de manière que le corps demeure ce qu'il doit être, le serviteur de l'âme; à subordonner tous les mouvements de l'âme à la charité, c'est-à-dire à l'amour de Dieu, de sorte que Dieu soit le principe et la fin de l'homme, de toutes ses énergies, de toutes ses actions. Pour cela, il faut accepter avec résignation les épreuves de la vie et faire de toutes les circonstances au milieu desquelles on se trouve des occasions de perfectionnement et de salut. Qui ne voit, dès lors, que pour le chrétien la vie a un prix infini, puisqu'elle lui fournit le moyen d'acquérir la sainteté et la vie éternelle qui en est la conséquence?
Tout autre était l'idée de la vie que le Manichéen tirait de sa conception de Dieu et de l'Univers…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 835-836)Doctrine des hérétiques.
(suite)
Tout autre était l'idée de la vie que le Manichéen tirait de sa conception de Dieu et de l'Univers. Procédant à la fois des deux principes éternels, le Bien et le Mal, par une double création, l'homme est une contradiction vivante : l'âme et le corps ne peuvent jamais se concilier, et prétendre les mettre en harmonie est aussi absurde que de vouloir unir des contraires, la nuit et le jour, le Bien et le Mal, Dieu et Satan. Dans le corps, l'âme n'est qu'une captive, et son supplice est aussi grand que celui de ces malheureux qu'on attachait jadis à des cadavres ! Elle ne retrouve la paix qu'en reprenant possession de sa vie spirituelle, et elle ne peut le faire que par sa séparation d'avec le corps. Le divorce de ces deux natures inconciliables, c'est-à-dire la mort, la mort non seulement subie et acceptée avec résignation, mais embrassée, mais provoquée comme une délivrance, est le premier pas vers le bonheur. Tout ce qui la précède et la retarde n'est que misère et tyrannie.
Avançant l'heure de la liberté et faisant disparaître au plus tôt le cauchemar aussi vide qu'odieux de l'existence, le suicide était la conséquence directe de pareils principes; le grand devoir de la vie, et à vrai dire le seul, était de la détruire.
Chez les Cathares, dit Mgr DOUAIS (Les Albigeois, p. 253), le suicide était, pour ainsi dire, à l'ordre du jour. On en vit qui se faisaient ouvrir les veines et mouraient dans un bain; d'autres prenaient des potions empoisonnées; ceux-ci se frappaient eux-mêmes.
L'Endura semble avoir été le mode de suicide le plus répandu chez les Albigeois.
Nous en avons cité un certain nombre de cas, dans notre préface du Cartulaire de Prouille, d'après les documents publiés par DÖLLINGER. Ils étaient assez fréquents pour que la Practica de l'inquisiteur BERNARD GUI contînt une sentence particulière de condamnation contre les hérétiques qui avaient tenté de se tuer et d'ajouter ainsi au crime d'hérésie, le crime de suicide. L'Endura n'en resta pas moins une exception.
Dans le catalogue des erreurs cathares dressé par les Inquisiteurs, la pratique du suicide n'est pas même mentionnée; d'autre part, elle est rarement citée dans les dépositions, et nous devons en conclure que les docteurs cathares, tout en proclamant la beauté du suicide, n'osaient pas en prêcher à tous l'usage. L'instinct de la conservation, et peut être aussi une certaine conception fataliste de la vie, tempéraient chez la plupart de leurs adeptes la brutale logique qui les aurait portes à la mort.
Si tous les Cathares ne se tuaient pas, ils n'en croyaient pas moins de leur devoir de tarir le plus possible en eux et dans l'humanité tout entière les sources et les manifestations de la vie.
Le fakir de l'Inde qui…
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Louis- Admin
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 836-837)Doctrine des hérétiques.
(suite)
Le fakir de l'Inde qui, par l'intensité de sa contemplation, tombe dans le nirvana, perd la conscience de sa propre existence. Si son âme est encore unie à un corps, du moins elle ne le sent pas. Elle a un avant-goût des jouissances purement spirituelles qu'elle goûtera lorsque, redevenue esprit, elle sera séparée de lui. Les Cathares ne pensaient pas autrement : s'abstraire de la vie corporelle au point d'en perdre la notion, et ainsi, consommer déjà sur cette terre le divorce de l'âme et du corps, pousser jusqu'à l'insensibilité l'abstention déjà prêchée par les Stoïciens, arrêter en quelque sorte la vie physique, voilà le dernier terme de la doctrine cathare, doctrine de mort s'il en fut; car, si elle s'était généralisée, le principe même de la vie humaine aurait été détruit.
Assurément, tous les Cathares n'en arrivaient pas à un aussi haut degré de perfection manichéenne; ils vivaient et même s'agitaient. Mais c'était par une contradiction duc à leur faiblesse. Ils n'en regardaient pas moins comme leurs modèles et leurs saints ceux qui avaient touché les profondeurs du nirvana. Il s'en trouvait en Languedoc. Berbeguera, femme du seigneur de Puylaurens, alla voir par curiosité un de ces Parfaits. « Il lui apparut, racontait-elle, comme la merveille la plus étrange. Depuis fort longtemps, il était assis sur sa chaise, immobile comme un tronc d'arbre, insensible à ce qui l'entourait. » (DOUAIS, op. cit., p. 10.)
Réprouvant la vie de l'humanité, les Cathares la détruisaient, en condamnant le mariage, la famille et la génération.
Ce sont ces articles de leur doctrine que les documents signalaient unanimement : legitima connubia damnant, lisons-nous toujours dans la définition qu'ils nous donnent de leurs croyances. La négation de la famille était en effet la conséquence logique et nettement avouée par eux de leur conception pessimiste de la destinée humaine. Si, en effet, la vie était, comme ils l'enseignaient, le plus grand des maux, il ne fallait pas se contenter de la détruire en soi-même par le suicide ou tout au moins par le nirvana; il fallait encore plus se garder de la communiquer à de nouveaux êtres qu'on ferait participer an malheur commun de l'humanité, en les appelant à l'existence. Etait-il possible d'imaginer un acte plus coupable dans ses conséquences que la procréation d'un enfant? Une âme vivait heureuse dans le royaume de Dieu, et voilà que, pour satisfaire sa passion, un homme la faisait descendre sur terre, dans le royaume de Satan, l'emprisonnait dans un corps impur et la condamnait à se dégager perpétuellement, par un effort constant et douloureux, de cette étreinte écœurante de la chair! Ne continuait-on pas ainsi la création malfaisante de Satan?
Les Albigeois ne faisaient aucune différence essentielle entre la débauche et le mariage…
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Louis- Admin
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 837-838)Doctrine des hérétiques.
(suite)
Les Albigeois ne faisaient aucune différence essentielle entre la débauche et le mariage. Le contrat et le sacrement de mariage n'étaient, à leurs yeux, que la régularisation et la législation de la débauche. Dans l'intransigeance farouche de leur chasteté, les Purs du XIIIe siècle trouvèrent la formule que, pour d'autres raisons, ont adoptée de nos jours les tenants de l'union libre et du droit au plaisir sexuel : « matrimonium est meretricium, matrimonium est lupanar, le mariage est un concubinat légal » (Bibl. de Toulouse, ms. 609, fol. 41 v° et 64).
L'inquisiteur BERNARD GUI résumait ainsi la doctrine des Cathares sur le mariage : « Ils condamnent absolument le mariage qui unit l'homme et la femme; ils prétendent qu'on y est en perpétuel état de péché ; ils nient que le Dieu bon l'ait jamais institué. Ils déclarent que connaître charnellement sa femme, n'est pas une moindre faute qu'un commerce incestueux avec une mère, une fille, une sœur. » (Practica inquisitionis, p. 130.)
Aussi, toute personne qui demandait aux hérétiques l'initiation complète à leur secte, le Consolamentum, s'engageait-elle à se séparer à jamais de son conjoint. Vers l'an 1218, Bernard Pons de Laure étant gravement malade à Roquefère-Cabardès, en Languedoc, sa femme Bermonde demanda à deux Cathares de venir lui donner le Consolamentum ; mais, avant de procéder à cet acte, ceux-ci exigèrent de Bermonde qu'elle renonçât à jamais à son mari; et ce ne fut qu'après avoir reçu cet engagement qu'ils procédèrent à la cérémonie : « postmodum consolati sunt dictum infirmant ». Revenu à la santé, Pons « abandonna l'hérésie, revint au monde et, par la même occasion, reprit sa femme, oublieuse elle-même de sa promesse ». Mais bientôt, ce fut au tour de Bermonde d'être malade et de demander le Consolamentum. Les deux hérétiques qui accoururent à son appel n'agirent pas autrement que les premiers. Avant de commencer leurs rites, ils exigèrent que Pons renonçât à jamais à sa femme et ce ne fut qu'après en avoir reçu la promesse formelle, qu'ils la consolèrent (Bibl. nat., DOAT, XXIII, pp. 81-83).
Les Registres de l'Inquisition toulousaine nous montrent un grand nombre d'hérétiques revenant à la fois à l'Eglise et au mariage. Arnalde Frémiac avait été engagée, dès sa jeunesse, dans la secte cathare par son oncle lsarn Bola. Mais plus tard, saint Dominique reçut son abjuration et lui imposa une pénitence quousque duceret maritum, c'est-à-dire jusqu'au jour où, par son mariage, elle prouverait, d'une manière indiscutable, la sincérité de sa conversion (1211) (Bibl. de Toulouse, ms. 609, f° 160). P. Covinens, de Fanjeaux au diocèse de Toulouse (1), avait été remise aux hérétiques par Pierre Colonna, son frère; regagnée à l'orthodoxie par saint Dominique, « elle abandonna ses erreurs et se maria » (Ibid., p. 161).
Pendant plus de trois ans, une certaine Bernarde avait vécu dans l'albigéisme ; « mais ensuite, elle prit un mari et eut deux enfants » (DOAT, XXII, p. 1).
Vers l'an 1229, vivaient à Narbonne deux sœurs, Raymonde et Florence. Originaires du Mas-Saintes-Puelles, elles avaient quitté leur pays pour vivre plus librement dans l'hérésie; Raymonde avait, en même temps abandonné son mari qui était resté au Mas. Arrêtées par le baile archiépiscopal, elles comparurent devant l'officialité diocésaine. Le dominicain Ferrier, « qui exerçait les fonctions d'inquisiteur au nom de l'archevêque », reçut leur abjuration, les fit mettre en liberté, les ramena dans leur pays et « rendit Raymonde à son mari, et reddidit eam viro suo » (Bibl. de Toulouse, ms. 609, fº 23-24). Tolsanus Bertrand racontait aux inquisiteurs de 1245 une histoire semblable qui était arrivée, quinze auparavant, à sa mère Guillehuine Gleize. « Elle fut hérétique pendant trois ans à Auriac; convertie ensuite à la foi catholique, elle reprit son mari. Elle vécut encore plus de huit ans avec lui; et quand il mourut, elle alla habiter avec son fils, dans sa maison des Cassès. » (ibid., f° 225.)
Dans leur aversion pour le mariage, les hérétiques allaient jusqu'à déclarer que le concubinage lui était préférable et qu'il était plus grave…
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(1) Aujourd'hui, dans le département de l'Aude et le diocèse de Carcassonne.
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 838-839)Doctrine des hérétiques.
(suite)
Dans leur aversion pour le mariage, les hérétiques allaient jusqu'à déclarer que le concubinage lui était préférable et qu'il était plus grave « jacere cum uxore sua quam cum alia muliere » (DÖLLINGER, Dokumente, p. 23). Ce n'était pas là une boutade; car ils donnaient de cette opinion une raison en rapport avec leurs principes. Il peut arriver, disaient-ils, que l'on ait honte de son inconduite; dans ce cas, si on s'y livre, on le fait en cachette. Il est alors toujours possible qu'on s'en repente et que l'on cesse; et ainsi, souvent le libertinage est passager et caché; d'ailleurs, aucun lien durable n'unit l'homme et la femme vivant ainsi dans la débauche. Ce qu'il y a, au contraire, de particulièrement grave dans l'état de mariage, c'est qu'on n'en a pas honte, qu'on se croit engagé complètement avec son complice et qu'on ne se doute même pas du mal qu'on commet avec lui « quia magis publice et sine verecundia peccatum fiebat » (Ibidem).
C'est là ce qui explique la condescendance vraiment étrange que les Parfaits montraient pour les désordres des Croyants ou auditeurs, c'est-à-dire de ceux de leurs adhérents qui n'avaient pas reçu l'initiation complète du Consolamentum. Ils faisaient eux-mêmes profession de chasteté perpétuelle, fuyant avec horreur les moindres occasions d'impureté; et cependant, ils admettaient dans leur société les concubines des Croyants et les faisaient participer à leurs rites les plus sacrés, même lorsqu'elles n'avaient aucun dessein de s'amender. Les Croyants eux-mêmes ne se faisaient aucun scrupule de conserver leurs maîtresses, tout en acceptant l'influence des Parfaits. Guillelma Campanha était, au su de tout le monde, la concubine d'Arnaud Maistre, et cependant Parfaits et Parfaites descendaient chez elle quand ils passaient au Mas-Saintes-Puelles. Raymond de Na Amélia logeait chez sa concubine, Na Barona, les hérétiques qu'il protégeait (Bibl. de Toulouse, ms. 609, fº 150).
Parmi les Croyants qui se pressaient, en 1240, aux prédications de Bertrand Marty, nous distinguons plusieurs faux ménages : Guillelma. Calveta, amasia Petri Vitalis; Willelmus Raymundus de Roqua et Arnauda, amasia ejus ; Petrus Aura et Boneta, amasia uxor ejus ; Raymunda, amasia Othonis de Massabrac (DOAT, XXIV, p. 59). Plusieurs fois, les textes nous signalent des bâtards de Croyants. La famille de Villeneuve, à Lasbordes près de Castelnaudary, protégeait ouvertement l'hérésie; or il y avait chez elle un spurius, Ademar, frater naturalis Poncii de Villanova; et on peut en dire autant de plusieurs autres maisons seigneuriales du Languedoc, gagnées à l'hérésie, les Hunaud de Lanta, les sires du Vilar, les Mazeroles de Gaja, etc. (Ibid., XXIII, p. 189, 101, 103, Bibl.de Toulouse, ms. 609, f° 122).
Ces concubines et ces bâtards, qui paraissent si souvent dans les assemblées cathares, ont fait accuser les hérétiques des plus vilaines turpitudes. On a dit que leurs doctrines rigoristes n'étaient qu'un masque sous lequel se dissimulaient les pires excès; et c'est ce que croyaient les foules qui racontaient sur leurs réunions les plus abominables détails. Mais d'autre part, certains louaient leurs austérités. Parlant d'eux, un catholique d'Albi s'exprimait ainsi : « Tenebant magnant castitatem et faciebant magnum poenitentiam... et erant magne sanctitatis et magne abstinencie. » (DOUAIS, Annales du Midi : Les manuscrits du château de Merville, p. 185.)
Il est facile de résoudre cette apparente contradiction en se rappelant…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 839)Doctrine des hérétiques.
(suite)
Il est facile de résoudre cette apparente contradiction en se rappelant qu'il y avait deux sortes d'hérétiques, les Croyants, qui donnaient leur sympathie à la doctrine cathare, mais la pratiquaient incomplètement, et les Parfaits, qui devaient rigoureusement la suivre. Du moment que les premiers n'avaient pas reçu l'initiation entière du Consolamentum, ils n'étaient pas astreints à la stricte chasteté et ils pouvaient vivre avec une femme ; mais il y avait avantage que ce fût avec une concubine plutôt qu'avec une épouse légitime, parce que le lien qui l'unissait au Croyant pouvait plus facilement se rompre le jour où le Croyant, pour devenir Parfait, devrait renoncer à jamais aux plaisirs de la chair. Cela n'empêchait pas les Parfaits eux-mêmes de pratiquer la plus rigoureuse chasteté.
Il est inutile d'insister longuement sur les conséquences antisociales de pareilles doctrines. Elles ne tendaient à rien moins qu'à supprimer l'un des éléments essentiels de toute la société, la famille, en faisant progressivement de l'humanité une vaste congrégation religieuse sans lendemain. En attendant l'avènement de cet ordre nouveau, les Parfaits brisaient peu à peu, par suite des progrès de leur apostolat, les liens familiaux déjà formés; et ainsi, disparaissait, avec la famille, sa raison d'être, toute la morale du foyer.
Sans doute, on a fait au christianisme un reproche semblable. Lui aussi, à en croire certains de ses ennemis, tendrait à la ruine de la famille et de l'humanité, par l'idéal de virginité monastique qu'il offre à chacun. Il y a cependant, sur ce point, une différence essentielle entre le christianisme et le catharisme. Ce dernier faisait de la chasteté absolue la condition sine qua non du salut que tout homme doit rechercher ; l'Eglise au contraire ne la présente que comme un idéal particulier, capable de séduire seulement une élite et nullement nécessaire pour parvenir au ciel. Dès lors, tandis que les Cathares proscrivaient absolument tout mariage, les chrétiens en font la loi de la grande masse, la virginité perpétuelle n'étant réservée qu'à de rares exceptions, et ils le proclament non seulement licite, mais encore juste et saint, matrimonium temporale sanctum et justum, comme le prêchaient, à l'encontre des Cathares, les inquisiteurs catholiques (Summa contra hereticos, pp. 96, 99).
A la haine de la famille, s'ajoutait, chez ces sectaires, la haine de la société…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.
(col. 839-840)Doctrine des hérétiques.
(suite)
A la haine de la famille, s'ajoutait, chez ces sectaires, la haine de la société. Ils s'interdisaient toute relation avec quiconque ne pensait pas comme eux, si ce n'est lorsqu'ils croyaient possible de le gagner à leur foi, et ils faisaient la même recommandation à leurs Croyants. Au jour de l'examen de conscience ou apparelhamentum, qui se présentait tous les mois, les Parfaits leur demandaient un compte sévère des rapports qu'ils avaient pu avoir avec les infidèles. Et cela se comprend : ils ne considéraient comme leur semblable que celui qui, comme eux, était devenu, par le Consolamentum, un fils de Dieu; quant aux autres, qui étaient restés dans le monde diabolique, ils appartenaient, en quelque sorte, à une autre race ; ils étaient des inconnus, pour ne pas dire des ennemis.
Les engagements que prenaient les hérétiques en entrant dans la secte allaient à l'encontre des principes sociaux sur lesquels reposent toute nation et tout gouvernement.
Au jour de leur initiation, ils promettaient de ne prêter aucun serment: quod non jurarent (formule du Consolamentum); car, enseignaient toutes les sectes cathares, juramentum non debet fieri (Somme contre les hérétiques). Tout serment est illicite, disait le Parfait Pierre Garsias, qu'il soit faux ou qu'il soit sincère (DOAT, XX11, p. 96). L'inquisiteur BERNARD GUI nous apprend que l'abstention de tout serment était un précepte général de la morale cathare (Practica, p. 239). Entre toutes les pratiques de la secte, la plus importante était l'acte solennel par lequel le converti s'engageait à observer, toute sa vie, les pratiques de sa nouvelle croyance ; c'était coomme une profession de foi, accompagnée de vœux religieux. Or, même dans ce cas, le serment n'était pas admis; on faisait une simple promesse, sans prendre Dieu pour garant de son exécution.
Il existe de nos jours des sectes religieuses ou philosophiques qui rejettent, avec la même énergie, le serment; et l'on sait toutes les difficultés auxquelles elles donnent lieu dans une société qui, malgré sa « laïcisation », fait encore intervenir le serment dans les actes les plus importants de la vie sociale. Quels troubles autrement profonds de pareilles doctrines ne devaient-elles pas apporter dans les sociétés du moyen âge, où les relations des hommes entre eux, des sujets avec leurs souverains, des vassaux avec leurs suzerains, des bourgeois d'une même ville et des membres d'une même corporation ou d'une même confrérie les uns avec les autres, étaient garanties par le serment, où enfin, toute autorité tirait du serment sa force et même sa légitimité! C'était l'un des soutiens les plus solides de l'édifice social que détruisaient les Manichéens, et en le faisant, ils avaient l'apparence de vrais anarchistes….
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 840-841)Doctrine des hérétiques.
(suite)
…C'était l'un des soutiens les plus solides de l'édifice social que détruisaient les Manichéens, et en le faisant, ils avaient l'apparence de vrais anarchistes.
Ils l'étaient vraiment quand ils déniaient à la société le droit de verser le sang pour se défendre contre les ennemis du dedans et du dehors, les malfaiteurs et les envahisseurs. Les Cathares en effet prenaient à la lettre et dans son sens le plus rigoureux la parole du Christ déclarant que quiconque tue par l'épée périra par l'épée ; et ils en déduisaient la prohibition absolue, non seulement de l'assassinat, mais de toute mise à mort, pour quelque raison que ce fût, nullo casu occidendum (DOAT, XC1I, p. 100; Somme contre les hérétiques, p. 133).
De cette thèse découlaient les plus graves conséquences sociales et, avec leur redoutable logique, les Albigeois les tiraient hardiment. Toute guerre, même juste dans ses causes, devenait criminelle par les meurtres qu'elle nécessitait. Le soldat défendant sa vie sur le champ de bataille, après s'être armé pour la défense de son pays, était un assassin au même titre que le plus vulgaire des malfaiteurs; car rien ne pouvait l'autoriser à verser le sang. Ce n'était pas une aversion particulière pour la Croisade, mais bien leur haine de toute guerre qui faisait dire aux Cathares quod praedicatores Crucis sunt omnes homicide (DOAT, XCII, p. 89).
Pas plus que le soldat, dans l'ardeur de la bataille, le juge et les autres dépositaires de l'autorité, sur leurs sièges, n'avaient le droit de prononcer des sentences capitales. « Dieu n'a pas voulu, disait Pierre GARSIAS, que la justice des hommes pût condamner quelqu'un à mort (ibid.), et lorsque l'un des adeptes de l'hérésie devint consul de Toulouse, il lui rappela la rigueur de ce principe en lui recommandant quod nullo modo consentiret in judicando in mortem alterius (Ibid., p. 100).
Les hérétiques allaient-ils encore plus loin et refusaient-ils à la société tout droit de répression ? Il est difficile de l'affirmer ; car si la plupart d'entre eux semblent le dire en proclamant quod nullo modo facienda justitia, quod Deus non voluit justitiamt, d'autres ne manquaient pas de restreindre cette négation aux sentences capitales. Ces derniers, toutefois, nous apparaissent comme des politiques atténuant par d'habiles restrictions la rigueur du précepte. La Somme contre l'hérésie nous dit en effet que toutes les sectes enseignaient quod vindicta non debet fieri, quod justitia non debet fieri per hominem ; ce qui semble bien indiquer que la pure doctrine cathare ne reconnaissait pas à la société le droit de répression (Somme, p. 133).
En tout cas, par la prohibition absolue du serment et de la guerre, par la restriction ou même la négation du droit de justice, les Cathares rendaient difficile l'existence et la conservation non seulement de la société du moyen âge, mais encore de toute société.
« Il faut l'avouer, dit l'auteur des Additions à l'histoire du Languedoc, les principes du manichéisme et ceux des hérétiques du XIIe et du XIIIe siècles, attaquant les bases mêmes de la société, devaient produire les plus étranges, les plus dangereuses perturbations et ébranler pour toujours les lois et la société politiques. »
Ce qui augmentait encore le zèle antisocial du catharisme…
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