Saint-Office et Inquisition.

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Message  Louis Ven 13 Juil 2018, 11:53 am

Bonjour à tous,

Je tiens tout d’abord à remercier chaleureusement Si vis pacem qui m’a gracieusement fourni les liens internet me permettant de mettre la main sur une étude sérieuse concernant 2 sujets inconnus, mal connus dans le milieu catholique, à savoir l’INQUISITION et le SAINT-OFFICE.

Nous publierons, en tout premier lieu, l’article sur le Saint-Office; il sera suivi de celui sur l’Inquisition.

Dès leur parution les titres seront référencés pour une lecture plus commode.

Bonne lecture à tous.

Bien à vous.


* SAINT-OFFICE

IMainmise de la royauté sur l'Inquisition au XIVe et au XVe siècle.

II. — L'Inquisition espagnole (XVe-XIXe siècles).

§ I. Ses origines.

§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole.

* Torquemada.

§ III. L'Inquisition contre les Juifs et les Morisques.

* Ximénès.

§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Érasme.

* Procès de Carranza. L'Index espagnol.

§ V. Procès extraordinaires ; procès politiques.

§ VI. Déclin et suppression de l'Inquisition espagnole.

III.L'Inquisition romaine.


* INQUISITION AU MOYEN-ÂGE


* Origines.

* Établissement de l’Inquisition.

* Doctrine des hérétiques.

* Organisation de l’Inquisition.

* Procédure de l’Inquisition.


Dernière édition par Louis le Lun 02 Oct 2023, 1:02 pm, édité 24 fois

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Message  Louis Ven 13 Juil 2018, 11:54 am

Saint-Office

(col. 1078)

SAINT-OFFICE. — Telle qu'elle avait été établie, au XIIIe siècle, en Languedoc d'abord, puis dans la plus grande partie de l'Europe (voir dans ce Dictionnaire, notre article INQUISITION col. 847 sqq.), l'Inquisition était, aux mains de l'Eglise, une arme puissante. De bonne heure, le pouvoir civil l'avait vue fonctionner avec une certaine méfiance ; mais craignant les sentences qui déclaraient fauteur d'hérésie quiconque entravait les fonctions des Inquisiteurs, il n'avait pas osé s'opposer ouvertement à cette juridiction ecclésiastique. Ainsi fut-elle acceptée par les comtes de Toulouse et de Foix contre lesquels, dès ses origines, elle avait été dirigée ; après eux, la plupart des princes du XIIIe  siècle lui prêtèrent le concours du bras séculier.

Le moment vint cependant où, incliné progressivement vers l'absolutisme par les légistes, le pouvoir civil supporta difficilement, au sein de ses états, des juges qui exerçaient leurs fonctions en dehors de lui, en vertu d'une Commission pontificale, appliquaient une loi et un droit qui lui étaient étrangers ; et il fut amené rapidement à se demander si, au lieu d'être l'auxiliaire de l'Inquisition, il ne pourrait pas intervertir les rôles et faire, en sa faveur, de cette redoutable institution un instrument de règne.

S'emparer de l'Inquisition et la mettre au service de l'absolutisme royal, en frappant, grâce aux jugements du Saint-Office, les ennemis du roi comme les ennemis de Dieu, telle fut la tendance des gouvernements du XIVe siècle, tendance d'autant plus marquée que plus grand était le pouvoir de ces gouvernements, et plus précise la conscience qu'ils avaient de leur force.

A suivre : Mainmise de la royauté sur l’Inquisition au XIVe  et au XVe siècle…


Dernière édition par Louis le Sam 06 Oct 2018, 5:03 pm, édité 2 fois (Raison : Insertion d'un lien et correction d'un mot à la première ligne:)

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Message  Louis Sam 14 Juil 2018, 7:11 am

Saint-Office

I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(col. 1078-1079)

De toutes les monarchies, la monarchie française était la plus centralisatrice ; ses légistes affirmaient avec le plus d'énergie son indépendance à l'égard du droit canon et du pouvoir pontifical ; aussi l'on ne saurait s'étonner que, la première, elle ait détourné à son profit la puissance inquisitoriale. Celui qui travailla à cette transformation de l'Inquisition fut le roi des légistes et l'antagoniste de Boniface VIII, Philippe le Bel.

Il commença par la soumettre à son contrôle et à celui de ses sénéchaux. Profitant des plaintes que lui avaient apportées des députés de Carcassonne contre l'inquisiteur Nicolas d'Abbeville, il ordonna, le 13 mai 1291, à son sénéchal de Carcassonne de n'obéir aux réquisitions des juges de l'hérésie que lorsque l'accusé serait hérétique public ou prouvé tel publiquement par des personnes dignes de foi. Au mois de juin suivant, il annonça l'intention d'envoyer en Languedoc des commissaires pour y préciser la jurisprudence inquisitoriale. Quelque temps après, il décréta qu'aucun juif converti ne pourrait être arrêté comme hérétique, sur réquisition des Inquisiteurs, sans que les motifs de l'arrestation eussent été examinés par le sénéchal ou le bailli royal.

Vers la fin de 1295, par une autre ordonnance, il étendait des juifs convertis à tous ses sujets le bénéfice de cette disposition : nul ne pouvait être arrêté par ordre d'un moine, de quelque ordre qu'il fût (même inquisiteur dominicain ou franciscain), avant que le sénéchal n'eût examiné sommairement l'affaire.

Cette dernière mesure, extension des deux premières, équivalait à imposer l'exequatur royal, comme condition préliminaire, à toute poursuite inquisitoriale.

Gardons-nous d'expliquer cette politique par le désir de modérer les rigueurs de l'Inquisition ou de rendre plus libres les consciences. Ces sentiments étaient étrangers à un roi qui ne recula jamais devant la brutalité quand il la crut utile à son gouvernement et qui d'autre part était, non moins que son aïeul Saint-Louis, le défenseur zélé de l'orthodoxie catholique. Ce qui le prouve, c'est que, à plusieurs reprises, il manda à son sénéchal de Carcassonne et au vicomte de Narbonne de prendre des mesures de rigueur contre les Juifs (BIBL. NAT., fonds DOAT., t. XXXII, fol. 85-89, 254-257).

En 1306 il fit arrêter et jeter hors du royaume tous les Juifs, menaçant de mort ceux d'entre eux qui y rentreraient ; en 1304, il fortifia la puissance de l'Inquisition (VAISSÈTE,. Histoire du Languedoc, t. X, col. 428-431), et proscrivit comme séditieuse toute ligue formée contre les inquisiteurs (BIBL. NAT., fonds DOAT, t. XXXIV, fol. 81-82, 109-111).

Le pape Boniface VIII comprit l'étendue de cette mainmise du pouvoir royal sur l'Inquisition…

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Message  Louis Dim 15 Juil 2018, 6:48 am

Saint-Office

I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(SUITE)

(col. 1079)

Le pape Boniface VIII comprit l'étendue de cette mainmise du pouvoir royal sur l'Inquisition ; et pour montrer à quel point il la repoussait, il ordonna, en octobre 1297, à l'Inquisiteur de Carcassonne d'entamer des poursuites pour crime d'hérésie contre plusieurs fonctionnaires royaux de Béziers; ainsi le conflit qui mettait aux prises le pape et le roi au sujet de la levée des décimes se compliquait d'un  autre conflit au sujet de l'Inquisition.

Il sembla se calmer l'année suivante : pour prix de certaines concessions pontificales dans le domaine politique et fiscal, Philippe le Bel renonça à ses empiétements sur l'Inquisition. Dans le sixième livre qu'il ajouta, le 3 mars 1298, au Corpus Juris Canonici, Boniface VIII réclama comme un droit absolu de l'Eglise de requérir le concours sans condition des fonctionnaires séculiers à l'action inquisitoriale, et loin de protester contre cette prétention, le roi ordonna à ses officiers de respecter scrupuleusement ce canon (5 septembre 1298) (BIBL. NAT., fonds DOAT, t. XXXII, fol. 280-281. Autre lettre dans le même sens du 15 septembre 1298, Ibid., fol. 278-279).

Ces faits et d'autres qui se produisirent en 1301 et 1302 nous prouvent qu'en Languedoc et même dans tout le reste de la France, la question de l'Inquisition varia selon les péripéties de la lutte engagée entre Boniface VIII et Philippe le Bel. Lorsque le roi avait intérêt à ménager le pape, il ordonnait à ses agents de respecter scrupuleusement la décrétale pontificale du Sexte et de se mettre à la disposition du Saint-Office; lorsqu'au contraire la querelle se ravivait, il affirmait hautement la suprématie du pouvoir royal sur l'Inquisition.

L'échec de Boniface VIII, suivi de près de l'élection d'un pape, Clément V, client du roi de France, fit perdre à l'Inquisition toute indépendance. Le premier, semble-t-il, Philippe le Bel eut l'idée d'utiliser ce tribunal contre tous ceux dont la perte était nécessaire à sa politique, en les représentant à l'opinion publique comme des ennemis de la religion et de la morale. Désormais, beaucoup de procédures et de sentences inquisitoriales, sous une apparence religieuse, furent essentiellement politiques.

Tel fut le cas du procès des Templiers…

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Message  Louis Lun 16 Juil 2018, 6:52 am

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I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(SUITE)

(col. 1079-1080)

Tel fut le cas du procès des Templiers. Ce n'est pas le cas de le raconter ; qu'il nous suffise de marquer qu'il fut poursuivi par l'Inquisition, sur l'ordre du roi et malgré le Saint-Siège.

Celui qui l'engagea fut le dominicain Guillaume de Paris, qui cumulait les fonctions de confesseur de Philippe le Bel avec celles d'inquisiteur général du royaume. « Trop disposé peut-être à seconder les intentions de son royal pénitent, le grand inquisiteur se montra, dans cette occasion, l'homme du roi plus que le ministre du Saint-Siège dont il tenait ses pouvoirs; et sans attendre l'autorisation du pape , il se mit aussitôt à l'œuvre. » (FÉLIX LAJARD, Guillaume de Paris, dans l'Histoire littéraire de la France, t.  XXVII, p. 141).

Par une circulaire datée du 22 septembre 1307, il mandait aux inquisiteurs de Toulouse et de Carcassonne, ses subordonnés, ainsi qu'aux prieurs, sous-prieurs et lecteurs de tous les couvents dominicains de France, d'interroger les Templiers sur tous les crimes dont ils étaient accusés et de recueillir les dépositions des témoins qu'ils jugeraient utile d'interroger.

Lui-même fit plusieurs informations à Troyes, Bayeux, Caen, Paris et au Temple; du 19 octobre au 24 novembre 1307, il interrogea 138 Templiers (Voir la procédure, dans les Actes du Procès des Templiers, publiés par Michelet dans la Collection des documents inédits de l'histoire de France.

Plus encore que Guillaume de Paris, le directeur de toute cette affaire était le petit-fils de l'un de ces hérétiques, que cette même Inquisition avait condamnés, en Languedoc, cinquante ans auparavant, de l'homme qui, en organisant l'attentat d'Anagni, avait porté un si rude coup à la papauté, du légiste enfin qui exaltait, en combattant le droit canon, le pouvoir monarchique, Guillaume de Nogaret.

Ce fut en effet pour la mener énergiquement et sans scrupules, au profit du roi, qu'il avait reçu la garde du sceau royal, le 22 septembre 1307 ; et ce fut au lendemain de sa nomination que fut décidée par Philippe le Bel l'arrestation de tous les chevaliers du Temple (RENAN, Guillaume de Nogaret, dans l'Histoire littéraire de la France, t. XXXVII, p. 290). Sous l'impulsion d'un tel homme, les inquisiteurs firent preuve d'un zèle inouï, au service du roi, contre les Templiers. (CH.-V. LANGLOIS, Le procès des Templiers, dans la Revue des Deux-Mondes, 1891, pp. 401-402).

Le légiste Pierre Du Bois semble même avoir eu l'idée de faire porter sur tous les biens ecclésiastiques, jusque sur ceux du pape, la sentence de confiscation qui se préparait contre le patrimoine des Templiers; c'est RENAN qui le fait remarquer: « Faire du roi de France le chef de la chrétienté, sous prétexte de croisade; lui mettre entre les mains les possessions temporelles de la papauté, une partie des revenus ecclésiastiques et surtout les biens des Ordres voués à la guerre sainte, voilà le projet avoué de la petite école secrète dont Du Bois était l'utopiste et dont Nogaret fut l'homme d'action.  »

Retourner ainsi l'Inquisition contre la papauté, n'était pas une entreprise banale…

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Message  Louis Mar 17 Juil 2018, 7:17 am

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I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(SUITE)

(col. 1080-1081)

Retourner ainsi l'Inquisition contre la papauté, n'était pas une entreprise banale.

Clément V, dont l'intelligence était supérieure au caractère, voyait la solidarité qui existait  entre l'Eglise et les Templiers, menacés également par l'impérialisme politique et  la fiscalité de  Philippe le  Bel ; et d'autre part, il se rendait compte que les accusations lancées par Guillaume de Nogaret, petit-fils d'hérétique et peut-être hérétique lui-même, contre la foi et les mœurs du Temple, n'étaient qu'un prétexte pour le spolier et le supprimer. Aussi essaya-t-il d'empêcher le procès.  A la suppression projetée de l'Ordre, il opposa un projet de fusion des Hospitaliers et des Templiers; il appela auprès de lui les maîtres de ces deux milices et demanda au maître du Temple, Jacques Molay, sur ce sujet, un mémoire qui nous a été conservé.

Ce n'était pas ce que voulait le roi : aussi, coupant court au contre-projet pontifical en préparation, il  découvrit brusquement son plan. Clément V crut pouvoir en arrêter l'exécution en gagnant du temps, et pour cela, la mort dans l'âme, non sine magna cordis amaritudine, anxietate et turbatione, il consentit à une enquête sur les Templiers (24 août 1307). RENAN, Guillaume de Nogaret, dans l'Histoire littéraire de la France, t. XXXVII, p. 289).

Philippe le Bel transforma aussitôt l'enquête en procès. Son chancelier, Gilles Aycelin, ne voulut pas s'y prêter et rendit les sceaux. Ce fut alors que le roi les confia à Nogaret, qui, quelques jours après (13 octobre 1307), fit arrêter et livrer à l'Inquisition tous les Templiers, y compris leur grand maître Jacques Molay.

Ce coup fut fait malgré le pape qui, le 27 octobre suivant, adressa une protestation au roi. Le texte en a été publié par RENAN dans sa monographie de Bertrand de Got-Clément V (Hist. littéraire de la France, t. XXXVIII, p. 290). L'année suivante, le pape éleva une nouvelle protestation contre la continuation du procès et blâma formellement les évêques et les inquisiteurs qui s'en occupaient.

Pour réduire cette opposition, le roi eut recours à des procédés d'intimidation ressemblant à du chantage…

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Message  Louis Mer 18 Juil 2018, 5:32 am

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I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(SUITE)

(col. 1081)

Pour réduire cette opposition, le roi eut recours à des procédés d'intimidation ressemblant à du chantage; il fit menacer le pape d'une campagne de pamphlets. « Que le pape prenne garde ! écrivait son âme damnée, le légiste Du Bois; il est simoniaque ; il donne par affection du sang les bénéfices de la sainte Eglise de Dieu à ses proches parents : il est pire que Boniface, qui n'a pas commis autant de passe-droits ; il faut que cela cesse ! On pourrait croire que c'est à prix d'or qu'il protège les Templiers, coupables selon leur propre aveu, contre le zèle catholique du roi de France. »

Devant ces menaces, Clément V céda et rendit à l'Inquisition ses pouvoirs, mais en lui adjoignant des cardinaux et des commissaires apostoliques pour modérer son zèle en faveur du roi ; et l'affaire se poursuivit, jusqu'à la suppression de l'Ordre par le Concile de Vienne, la confiscation de ses biens au profit du roi, l'exécution d'un grand nombre de ses chevaliers et de son grand maître Jacques Molay.

Ainsi, créée par les Souverains Pontifes pour instruire, en leur nom, les procès d'hérésie, cette institution, en moins d'un siècle, était devenue un instrument de règne aux mains du roi de France. C'est ce que reconnaît l'un des récents historiens de l'Inquisition, M. Ch.-V. LANGLOIS, quand il écrit dans l'Histoire de France de Lavisse (t. III, partie I, p, 183) : « Il n'a pas tenu au garde des sceaux de 1307 que l'Inquisition politique, à la mode des pays du Midi, des princes guelfes d'Italie et des « Rois Catholiques » d'Espagne, ne s'acclimatât chez nous. » On ne saurait mieux dire que Philippe le Bel et Nogaret furent les précurseurs de Torquemada et de Philippe II.

Au cours du XIVe siècle, les successeurs de Philippe le Bel firent de ce tribunal ecclésiastique une juridiction bâtarde, religieuse et canonique par la composition de son personnel et l'aspect religieux de sa procédure, séculière et légiste par ses rapports avec les Parlements et les fonctionnaires royaux et l'influence dominante qu'exerçait sur sa marche la couronne.

On le vit bien en 1322, lorsque comparut devant l'Inquisition de Toulouse Amiel de Lautrec, abbé de Saint-Sernin…

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Message  Louis Jeu 19 Juil 2018, 7:21 am

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I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(SUITE)

(col. 1081-1082)

On le vit bien en 1322, lorsque comparut devant l'Inquisition de Toulouse Amiel de Lautrec, abbé de Saint-Sernin. Il fut traduit devant elle par le viguier royal ; acquitté par elle, il fut traîné en appel par le procureur du roi, non pas devant le pape chef immédiat de l'Inquisition, mais devant la Cour royale la plus haute, le Parlement de Paris (DOM VAISSÈTE, Histoire  du Languedoc, t.   IV, Preuves, col. 21-22).

En 1318, Henri de Chamay s'intitulait lui-même inquisiteur délégué pur le roi (et non par le pape) à Toulouse. Lorsque, l'année suivante, Guillaume de Villars, commissaire du roi, s'empara des registres de l'Inquisition, le chef de cette dernière protesta, non auprès de la Curie, mais auprès du Parlement, que par cette démarche il semblait considérer comme la juridiction d'appel de son propre tribunal (LEA, Histoire de l'Inquisition, trad. Reinach, t. II, pp. 154 et suiv.).

La diminution de puissance que subit la papauté pendant son séjour à Avignon et surtout pendant le grand schisme, accentua l'asservissement de l'Inquisition à la monarchie des Valois. En conflit avec l'archevêque de Toulouse, en 1364, l'inquisiteur de cette ville soumit le différend au roi et non au pape (DOM VAISSÈTE, Histoire  du   Languedoc, t. IV, preuve 30). En 1285, à Reims, l'archevêque et les magistrats municipaux, se disputant la connaissance du crime d'hérésie, finirent par signer entre eux une transaction, sans même penser qu'il existait à côté d'eux, dans leur ville, pour réprimer le blasphème et l'hérésie, un Saint-Office ( Archives administratives de la ville de Reims, t. III, 637-645).

Pendant le grand schisme, l'Université de Paris finit par supplanter complètement le Saint-Office dans l'examen des doctrines et la connaissance des crimes d'hérésie. Aussi l'Inquisition n'avait-elle que la vie que lui donnait le gouvernement royal ou le parti au pouvoir, lorsque, pour mieux perdre un ennemi, il estimait opportun de le faire tomber sous une condamnation pour hérésie et par conséquent sous une sentence du Saint-Office. C'est ce que l'on vit lorsque fut poursuivi l'ancien prévôt de Paris, Hugues Aubriot.

Le 21 janvier 1381, Aymeric de Magnac, évêque de Paris, Pierre Godefroy, official de la curie épiscopale, et le dominicain Jacques de Morey, inquisiteur de France, le citèrent devant le tribunal de l'Inquisition sous l'inculpation « d'hérésie, de bougrerie, d'être sodomite et faux chrétien ». (Chronique des quatre premiers Valois,p. 294). Après avoir essayé de résister, en s'appuyant sur la Cour, Aubriot se constitua prisonnier, le 1er février suivant. L'accusation fut soutenue avec acharnement par les délégués de l'Université de Paris, tandis que le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, oncle du roi, plusieurs nobles de Bourgogne et le premier président du Parlement, Philibert Paillart, le défendaient.

Finalement, le vendredi 17 mai 1381, devant le grand portail de Notre-Dame, sur un échafaud, Aubriot dut faire amende honorable en présence de 40.000 personnes parmi lesquelles étaient de nombreux étudiants ; puis il fut condamné à la prison perpétuelle par l'Inquisiteur et ramené dans les cachots de l'évêché (Ibidem, p. 295). Au mois de mars suivant, l'insurrection des Maillotins le délivra et il s'enfuit auprès du pape d'Avignon, Clément VII, qui cassa la sentence de l'Inquisiteur et laissa Aubriot en liberté.

Tant par les crimes visés que par la qualité des juges, cette cause semble intéresser la foi et les mœurs; en réalité…

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Message  Louis Ven 20 Juil 2018, 6:58 am

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I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(SUITE)

(col. 1082-1083)

Tant par les crimes visés que par la qualité des juges, cette cause semble intéresser la foi et les mœurs; en réalité, si l'on considère les antécédents du prévôt, ses ennemis, les circonstances de son arrestation et de sa condamnation, on voit que l'Inquisition fut, contre lui, l'instrument d'un parti, et que son procès fut, avant tout, politique.

Aubriot avait été nommé prévôt royal de Paris lorsque, après la tentative manquée d'Etienne Marcel, Charles V avait supprimé la charge élective de prévôt des marchands, pour placer à la tête de sa capitale un fonctionnaire royal, nommé par lui et ne relevant que de lui.  Pendant tout le règne de Charles V, il avait combattu les aspirations autonomistes des Parisiens et de l'Université et avait été l'homme du roi. Or, il avait eu parfois la main dure, et à plusieurs reprises maîtres et étudiants avaient porté plainte contre lui au roi.

Après l'avènement de Charles VI, sa puissance ne fut plus la même. Le pouvoir passa aux princes, frères du feu roi, qui s'empressèrent de renvoyer les petites gens avec lesquelles Charles V avait gouverné : le chancelier Pierre d'Orgemont dut se retirer, dès septembre 1380, suivi bientôt de Jean Le Mercier, ancien trésorier des guerres et consulteur des aides. Le moment sembla propice à l'Université pour satisfaire ses rancunes contre le prévôt royal; elle le traduisit devant le Parlement de Paris à l'occasion des violences qu'elle avait subies de sa part, le jour des obsèques de Charles V; mais s'étant aperçue de la faveur que lui témoignaient plusieurs membres de cette Cour souveraine, composée de légistes comme lui, et dont le premier président Paillart était bourguignon comme lui, elle crut plus habile de porter l'affaire devant l'Inquisition, et ce fut pour cela qu'elle lui intenta un procès d'hérésie.

De ce simple exposé, il ressort que la mise en accusation de Hugues Aubriot, son jugement, sa condamnation et sa réhabilitation furent provoqués par la politique. C'était le prévôt de Paris, hostile à ses privilèges, beaucoup plus que le prétendu hérétique, que l'Université poursuivait avec tant de haine ; c'était l'ami de Charles V que réhabilitait Clément VII. En réalité, dans cette affaire, comme dans celle des Templiers, l'Inquisition avait été l'instrument de la politique et non la gardienne de l'orthodoxie.

Il en fut de même dans le procès de Jeanne d'Arc…

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Message  Louis Sam 21 Juil 2018, 7:34 am

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I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(SUITE)

(col. 1083-1085)

Il en fut de même dans le procès de Jeanne d'Arc.

Un coup d'œil superficiel nous montre la Pucelle jugée par un tribunal ecclésiastique, au sein duquel se rencontrent la juridiction épiscopale, représentée par Cauchon, évêque de Beauvais, l'Inquisition, représentée par le vice-inquisiteur de Rouen, Lemaître, et l'Université de Paris, représentée par un certain nombre de ses docteurs. Les griefs articulés concernent la foi et les mœurs, la sentence se présente comme canonique.

Mais si l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que l'apparence religieuse donnée au tribunal, à la procédure et au jugement, masquent difficilement le caractère essentiellement politique de l'affaire.

Cauchon, le président du tribunal, était bien un évêque et son assesseur, le dominicain Lemaître, le vice-inquisiteur de Rouen ; mais ils instrumentaient comme agents de l'Angleterre, et non du Saint-Siège. Ce fut l'Université de Paris et Cauchon, conservateur de ses privilèges, qui eurent l'idée du procès; ce fut l'Université, appuyée par le vicaire général du grand Inquisiteur, qui somma le duc de Bourgogne de livrer Jeanne (lettre du 26 mai 1430); ce fut encore l'évêque de Beauvais qui se la fit livrer par Jean de Luxembourg. Or, depuis plusieurs années, les passions bourguignonnes de l'Université de Paris l'avaient jetée à corps perdu dans le parti anglais ; et Cauchon, l'un de ses protecteurs, était tellement connu pour ses sentiments anglais, que, devant le succès des armes de Charles VII, il avait quitté son diocèse pour se réfugier en terre anglaise, à Rouen; il y vivait avec son vicaire général Jean d'Estivet, qui allait jouer dans le procès le rôle de promoteur, c'est-à-dire de ministère public.

Ce qui prouve bien que l'Angleterre était derrière cet évêque, ce promoteur et cet inquisiteur, c'est,

1°)  que l'argent qui servit à acheter la Pucelle à Jean de Luxembourg,  fut versé par Cauchon « au nom du roi d'Angleterre »;

2°)  que, conduite à Rouen, Jeanne fut enfermée dans les prisons royales et non dans celle de l'Eglise, comme l'exigeait la procédure inquisitoriale;

3°)  qu'elle y fut gardée par des soldats anglais et non par des agents de l'Inquisition;

4º)  que l'évêque de Beauvais lui-même se reconnut comme l'agent direct du gouvernement anglais, lorsque, répondant à Jeanne qui le récusait, il déclara cyniquement : « Le roi a ordonné que je fasse votre procès et je le ferai ! »

Jeanne d'Arc, de son côté, était tellement persuadée que son procès était politique et non ecclésiastique, qu'elle demanda à Cauchon de choisir ses assesseurs moitié dans le parti anglais et moitié dans le parti français. Cauchon lui refusa cette garantie, comme il devait lui refuser toutes celles qu'elle devait lui demander dans la suite, et l'unique raison qu'il en donna, c'est que « cela déplaisait aux Anglais ». ( Procès, II, pp. 7-8 ).

Fonctionnant au nom de l'Angleterre et non du pape, qui ne fut informé de rien, ce tribunal avait été constitué d'une manière arbitraire, contraire à la procédure inquisitoriale et au droit canon. Cauchon, en sa qualité d'évêque, prétendait bien juger au nom de la juridiction inquisitoriale primitive, que Grégoire IX avait conservée à l'ordinaire quand il avait constitué l'Inquisition papale; mais à quel titre Cauchon pouvait-il la revendiquer, puisqu'il n'était d'aucune manière ni le juge naturel de Jeanne comme ordinaire, ni son juge extraordinaire comme délégué du Saint-Siège, dont il n'avait aucune commission ?

Il n'était pas son ordinaire; car elle n'avait aucun lien avec le diocèse de Beauvais, et la ville de Compiègne, où elle avait été prise, se trouvait dans le diocèse de Soissons. Si on allègue qu'à Rouen le chapitre de cette ville avait délégué ses pouvoirs à Cauchon, il est facile de répondre que le fait d'être incarcérée à Rouen ne rendait pas Jeanne justiciable du chapitre et de son délégué.

L'évêque de Beauvais n'avait aucune commission pontificale ; car il ne s'en prévalut jamais, et la procédure n'en porte aucune trace. Il semble d'ailleurs que ni le pape Martin V, qui mourut avant l'ouverture du procès, ni Eugène IV, qui fut élu quelques semaines avant la condamnation, ne furent mis au courant de l'affaire.

D'autre part, on viola, au cours du procès, toutes les formes de la procédure inquisitoriale, telles qu'elles étaient précisées par les Directoires des Inquisiteurs. (Cf., dans ce même dictionnaire, notre article INQUISITION)

C'est ce que démontre fort bien M. le chanoine DUNAND, dans la savante étude que dans ce même dictionnaire il a consacrée à JEANNE D'ARC.

En réalité, comme les procès des Templiers et d'Aubriot, celui de Jeanne d'Arc est une preuve de la mainmise du pouvoir civil sur l'Inquisition qu'il traitait comme sa servante à tout faire.

Dans le Dauphiné, au cours de la répression des Vaudois, l'Inquisition subit la même évolution; c'est ce que constate, pour l'année 1372, l'historien ecclésiastique RAYNALDI (Annales  ecclesiastici) : « Les fonctionnaires royaux, loin de fournir aux inquisiteurs de Grégoire XI l'appui désirable, ne se faisaient pas scrupule d'entraver leur action. On leur assignait comme terrain d'opération des localités peu sûres; on les forçait d'admettre comme assesseurs des juges séculiers; on soumettait leurs procédures à l'examen de tribunaux séculiers; on rendait même, sans les consulter, la liberté à leurs prisonniers. » (LEA, Histoire de l'Inquisition, II, p.. 180).

Ces empiètements devinrent si grands que le pape s'en plaignit à Charles V, mais en vain. En 1376, le roi prétendit conserver pour lui seul le produit de toutes les confiscations prononcées par l'Inquisition du Dauphiné. Lorsque, après le grand schisme, le pape Sixte IV, en 1476, voulut rendre au Saint-Office dauphinois toute son indépendance, il se heurta aux susceptibilités de Louis XI, hostile à toute autorité qui prétendait s'exercer en dehors de celle du roi.

Dans l'Italie du XIIIe siècle, l'Inquisition fut d'autant plus active que…


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Message  Louis Dim 22 Juil 2018, 6:41 am

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I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(SUITE)

(col. 1085)

Dans l'Italie du XIIIe siècle, l'Inquisition fut d'autant plus active que plus puissants et plus nombreux étaient les hérétiques en Lombardie, en Vénétie, en Toscane et jusque dans Rome. Contre eux, les Dominicains Raynier Sacchoni, de Milan, Saint Pierre martyr de Vérone, et Jean de Vicence avaient déployé beaucoup de zèle et une grande rigueur. Mais même dans ces états italiens où l'Eglise ne rencontrait pas devant elle des pouvoirs aussi forts et aussi jaloux que ceux des rois de France et d'Angleterre, l'autorité inquisitoriale finit par tomber sous la suprématie civile. Le serment que prêta, en 1249, le doge Marino Morosini, nous montre qu'à Venise, les sentences de l'Inquisition étaient soumises à l'exequatur du Conseil. Un document de 1256 nous prouve que les hérétiques y étaient poursuivis non seulement par l'Inquisition, mais aussi par les magistrats séculiers; et un autre de 1288, que la République gardait pour elle les biens confisqués aux hérétiques pratique que le pape Nicolas IV dut approuver le 28 août 1288 (LEA, op. cit., t. II, p. 301).

Dans le royaume des Deux-Siciles, Charles d'Anjou favorisa l'Inquisition, parce que les ennemis de l'Eglise étaient aussi les siens ; mais ses successeurs ne tardèrent pas à la placer sous leur étroite dépendance. Aux XIVe siècle, les inquisiteurs devaient soumettre leurs sentences à l'homologation des tribunaux royaux; et les hérétiques étaient enfermés dans les prisons séculières (LEA, op. cit., ibid., p. 339). Le peu de vitalité qui restait à l'Inquisition fut encore affaibli en 1442, quand la maison d'Aragon obtint la couronne de Naples. GIANNONE (dans son Histoire de Naples) nous dit que les princes d'Aragon admettaient rarement les inquisiteurs; encore exigeaient-ils, quand ils consentaient à laisser agir le Saint-Office, que les fonctionnaires inquisitoriaux leur remissent des comptes rendus détaillés de tout acte officiel; ils n'autorisaient les condamnations qu'avec le concours des magistrats séculiers et sous réserve de la ratification royale. » (LEA, ibid. p. 343).

En Allemagne, le Saint-Office avait débuté par les exécutions cruelles ordonnées par le terrible Dominicain Conrad de Marbourg (cf. notre article INQUISITION, dans ce Dictionnaire); mais le meurtre de cet inquisiteur, le 31 juillet 1233, fut le signal d'une réaction contre l'Inquisition. La plupart des évêques et des princes de l'Empire en profitèrent, les premiers pour revendiquer pour la seule autorité épiscopale la répression de l'hérésie, les seconds pour la réserver aux tribunaux séculiers. Pendant plus d'un siècle, « on ne constate aucun essai, aucune nomination, aucune mission d'inquisiteurs germaniques... L'absence de l'Inquisition pontificale est attestée d'une façon significative par les coutumiers de l'Allemagne au Moyen Age ; il n'y est fait aucune mention d'une institution telle que le Saint-Office. » (LEA, op. cit., Ibid., p. 415).

Pour retrouver des traces de l'Inquisition pontificale dans l'Empire, il faut se reporter à un siècle plus tard…


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Message  Louis Lun 23 Juil 2018, 6:37 am

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I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(SUITE)

(col. 1085-1086)

Pour retrouver des traces de l'Inquisition pontificale dans l'Empire, il faut se reporter à un siècle plus tard. En 1336, un moine augustin, Jordan, fut nommé par le Saint-Siège inquisiteur dans les deux districts de la Saxe ;  mais la longue lutte qui se poursuivait alors entre l'empereur Louis de Bavière et le pape, protégea contre l'action des inquisiteurs tous les hérétiques, alliés de l'empereur. Il n'en fut plus ainsi lorsque, après la mort de Louis de Bavière, des relations cordiales s'établirent entre Charles IV de Luxembourg, son successeur, et le Saint-Siège. En 1352, le pape Innocent VI essaya d'organiser, dans tout l’Empire, la répression de l'hérésie ; mais il se heurta, comme ses prédécesseurs, à l'opposition des évêques, dont plusieurs — tels les électeurs ecclésiastiques — étaient des princes. Ce ne fut qu'à partir de 1373, sous Grégoire XI, que l'Inquisition pontificale fonctionna dans l'Empire germanique, un siècle et demi après son institution par Grégoire IX, un siècle et demi avant Luther.

On lui attribua le supplice de Jean Hus et de son disciple Jérôme de Prague, en 1415, parce que l'action qui aboutit à leur condamnation fut faite d'après la procédure inquisitoriale. En réalité, ce fut non l'Inquisition, mais le Concile de Constance lui-même, qui engagea l'affaire, jugea les accusés sur les réquisitions de ses propres commissaires, après avoir dirigé les interrogatoires et toute la procédure. Ajoutons que l'historien protestant LEA, qui exalte Jean Hus, reconnaît que les Pères du Concile multiplièrent les efforts pour sauver le coupable en obtenant de lui une rétractation (op. cit., t. II, pp. 588-589).

Malgré l'appui malheureux que donna à Raymond VI, comte de Toulouse, contre Simon de Montfort, le roi d'Aragon Pierre, le vaincu de Muret, il ne semble pas que l'albigéisme ait pénétré sérieusement dans la péninsule ibérique ; les hérétiques qu'on pouvait y rencontrer étaient des personnalités isolées ou des étrangers chassés du Languedoc. Aussi la répression de l'hérésie y fut-elle aussi faible qu'elle était énergique de l'autre côté des Pyrénées. Jusqu'en 1226, on n'y trouve traces d'aucune sorte d'inquisition.

Tandis que, dans le midi de la France, ce furent les papes, ayant pour instruments les Ordres mendiants, qui établirent et firent fonctionner l'Inquisition pontificale afin de suppléer à l'inaction des seigneurs et des évêques du pays, dans les royaumes espagnols ce furent les rois qui prirent l'initiative de la répression de l'hérésie, dès qu'elle se montra dans leurs Etats.

En 1226, Jaime, roi d'Aragon, interdit à tout hérétique l'entrée de son royaume ; deux ans plus tard, il « exclut de la paix publique » les hérétiques, leurs hôtes et leurs partisans et, pour les découvrir, il demanda au pape Grégoire IX des inquisiteurs. En 1233, à Tarragone, il promulgua tout un Code contre l'hérésie et les fauteurs d'hérésie ; mais, dans la procédure qu'il instituait, il réservait le rôle important aux officiers royaux; celui des évêques et des clercs demeurait subalterne.

Ainsi encouragée par le pouvoir civil, l'Eglise chercha, dès lors, à organiser, en Espagne, l'Inquisition pontificale, telle qu'elle fonctionnait dans le midi de la France. Ce fut l'œuvre de saint Raymond de Peñafort, de l'ordre des Prêcheurs, canoniste du pape, puis celle de Grégoire IX, d'Innocent IV et d'Urbain IV, qui consolidèrent le Saint-Office en le confiant aux Dominicains.

L'Inquisition ne semble pas avoir déployé une grande activité dans la seconde moitié du XIIIe siècle et les rois d'Aragon durent l'activer par plusieurs édits; en 1286, Alphonse II ordonna à tous ses fonctionnaires de se mettre à la disposition des inquisiteurs, et en 1292, Jaime II crut nécessaire de le leur rappeler.

On signale des cas assez fréquents de répression, au commencement du XIV siècle; mais bientôt…


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Message  Louis Mar 24 Juil 2018, 7:06 am

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I. — MAINMISE DE LA ROYAUTÉ SUR L'INQUISITION  au XIVe  et au XVe siècle

(SUITE)

(col. 1086-1087)

On signale des cas assez fréquents de répression, au commencement du XIV siècle; mais bientôt, les rois et les Cortès d'Aragon opposèrent leur juridiction à celle de l'Inquisition pontificale qui, se trouvant ainsi paralysée, fonctionna d'une manière intermittente au XIVe et dans la première moitié du XVe siècle.

En Castille l'action de l'Inquisition fut encore plus faible ; c'est ce que nous affirme un historien porté plutôt à accabler l'Eglise de fâcheuses responsabilités, LEA : « Le grand royaume de Castille et de Léon, écrit-il, comprenant la plus grande partie de la péninsule ibérique, ignora le fléau de l'Inquisition médiévale. Cette monarchie était plus indépendante de Rome que toute autre, à la même époque... Les difficultés particulières que causait à la Castille la présence d'une nombreuse population de Juifs et de Maures vaincus, auraient été compliquées plutôt que résolues par les méthodes de l'Inquisition. (Histoire de l'Inquisition, t. II, p. 215)

Cependant l'hérésie y fut parfois réprimée, mais par l'autorité civile. Contre elle, nous trouvons toute une procédure codifiée dans le Fuero Real (1255) et les Siete Partida (1265) d'Alphonse X le Sage. LEA fait remarquer que cette législation est essentiellement civile; elle ne tient aucun compte ni du droit ecclésiastique ni des bulles promulguées en faveur de l'Inquisition. « Si Alphonse et ses conseillers, écrit-il, considéraient comme un devoir pour l'Etat d'assurer la pureté de la foi, ils voyaient en cette obligation une affaire purement civile, où l'Eglise n'intervenait que pour déterminer la culpabilité de l'accusé » (lbid., p. 219), à la manière d'un expert, l'autorité civile se réservant l'initiative des poursuites, le droit de condamner et d'exécuter les sentences.

Il en fut de même en Portugal. En 1211, le roi Alphonse II fit voter par les Cortès des lois sévères contre les hérétiques, mais il refusa de reconnaître les inquisiteurs que lui envoya, dans la suite, l'ordre dominicain. Ce fut seulement dans les dernières années du XIVe siècle que le Saint-Siège essaya d'organiser l'Inquisition pontificale dans ce royaume; mais il n'y réussit pas. Les religieux qui voulurent, en son nom, poursuivre l'hérésie se heurtèrent, presque toujours, à l'opposition des évêques et du pouvoir civil.

A suivre : II. — L'INQUISITION ESPAGNOLE (XIV-XIXe SIÈCLES).

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Message  Louis Mer 25 Juil 2018, 6:22 am

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II. — L'INQUISITION ESPAGNOLE (XIV-XIXe SIÈCLES).

(col. 1087-1088)

§ I. Ses origines. — Comment se fait-il que, dans les temps modernes, l'Inquisition ait été particulièrement dure dans ces pays d'Espagne qui l'avaient si peu pratiquée au Moyen âge? Pourquoi, lorsque les royaumes de la péninsule eurent réalisé leur unification, prit-elle chez eux cette puissance, cette activité, cette rigueur qui, dans l'imagination des peuples, ont fait de l'Espagne comme la patrie et le pays d'élection du Saint-Office?

Jusqu'au XVe siècle, de tous les royaumes chrétiens, ceux de la péninsule ibérique avaient montré la plus grande tolérance pour les deux religions non chrétiennes, le judaïsme et l'islamisme.

Les Juifs y étaient fort nombreux. Tolède, la capitale de la Castille, en comptait plus de 12.000 et possédait plusieurs synagogues d'une magnificence incomparable. « Sous Alphonse VIII le Noble (1166-1214), dit un de leurs historiens, les Juifs occupèrent des fonctions publiques... Joseph ben Salomon ibn Schoschan, qui avait le titre de prince, homme riche, généreux, savant et pieux, était très considéré à la cour et auprès de la noblesse... Le roi, marié à une princesse anglaise, avait eu, pendant sept ans, une favorite juive appelée Rahel que sa beauté avait fait surnommer Formosa... Les Juifs de Tolède le secondèrent énergiquement dans sa lutte contre les Maures. » (GRAETZ, Histoire des Juifs, trad. Moïse Bloch, t. IV, p. 118).

Il en était de même en Aragon et en Catalogne, où « les Juifs, dit le même historien, vivaient dans une complète sécurité et pouvaient s'adonner librement à tous les travaux intellectuels.»

Cette large tolérance dura tout le XIIIe et tout le XIVe siècle, et si elle fut parfois troublée, ce fut moins par des explosions de fanatisme que par les luttes politiques des factions auxquelles les Juifs prirent part. Si, à la fin du XIVe siècle et au XVe, les Juifs furent les victimes de persécutions légales de la part des gouvernements, et de massacres de la part du peuple, leur historien et coreligionnaire Graetz reconnaît que parfois il faut en chercher la cause dans leur propre arrogance et leurs compétitions. Ils se dénonçaient les uns les autres aux pouvoirs publics et aux tribunaux chrétiens, et ils allèrent jusqu'à faire condamner à mort par leurs propres tribunaux l'un des ministres du roi Pierre de Castille, leur coreligionnaire Pichon : ce qui contribua, pour une grande part, à déchaîner la persécution qui détruisit leur influence (GRAETZ, Ibid., t. IV, pp. 300 et suiv.).

Les violences commencèrent par des massacres au cours d'émeutes populaires. Les gouvernements essayèrent de les réprimer en protégeant contre elles les Juifs, car les rois de Castille (Henri III, 1390-1406), de Navarre (Charles III le Noble, 1387-1425). et d'Aragon continuèrent, au XVe siècle, de s'entourer de médecins et de conseillers juifs. Les papes mêmes vinrent à leur secours, et Boniface IX (1389-1404), renouvelant le geste de son prédécesseur d'Avignon, Clément VI, publia une bulle interdisant de baptiser de force les fidèles d'Israël et du Talmud.

Ce qui acheva de compromettre la situation des Juifs en Espagne, rendant inefficace la protection des souverains et du Saint-Siège, ce fut l'apparition, au cours du XVe siècle, d'une classe de Juifs « camouflés » en chrétiens, les Marranes.

Désireux d'échapper aux massacres et de conserver leurs hautes situations financières, économiques et politiques…


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Message  Louis Jeu 26 Juil 2018, 6:35 am

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II. — L'INQUISITION ESPAGNOLE (XIV-XIXe SIÈCLES).

§ I. Ses origines.

(SUITE)

(col. 1088-1089)

Désireux d'échapper aux massacres et de conserver leurs hautes situations financières, économiques et politiques, de nombreux Juifs demandèrent le baptême tout en conservant au fond de leur cœur la foi juive et en pratiquant, dans le secret de leurs maisons, les observances talmudiques. Ce mouvement se dessina nettement après les carnages de 1391 et s'accentua, surtout en Castille, lorsque, cédant à la pression de l'opinion, le jeune roi Jean II déclara les Juifs incapables de remplir une fonction publique (1468). C'est par milliers que se produisirent ces conversions apparentes. M. MARIÉJOL a montré, d'après les textes, l'hypocrisie de ces faux chrétiens : « Obligés de participer aux sacrements, ils s'efforçaient de se soustraire le plus souvent possible à ces odieuses comédies. Au tribunal de la pénitence, ils n'avouaient rien, ou des fautes légères; ils faisaient baptiser leurs enfants, mais ils lavaient soigneusement, au sortir des cérémonies, les parties ointes du saint chrême. Des rabbins venaient en secret les instruire. Des schochet égorgeaient, suivant les rites, les animaux et les oiseaux qui leur servaient de nourriture. Ils se servaient d'huile pour accommoder les viandes et ne mangeaient du porc que dans un cas forcé. » (L'Espagne sous Ferdinand et Isabelle, p. 45)

Cette contrainte hypocrite qu'ils subissaient pour conserver leurs biens, leurs fonctions et parfois aussi leur vie, leur rendait odieux ce christianisme auquel ils feignaient de croire; leur duplicité haineuse était dénoncée avec virulence par ceux de leurs anciens coreligionnaires qui, s'étant sincèrement convertis, s'étaient élevés jusqu'au sacerdoce ou voulaient donner aux chrétiens un gage de leur zèle de néophytes en leur livrant leurs anciens frères, faussement convertis. Pour ces différentes raisons, les Marranes finirent par former entre eux une sorte de maçonnerie, qui les rendit plus impopulaires et plus suspects qu[e] les Juifs fidèles; et de même qu'après la défaite des Albigeois on avait institué des recherches, des « inquisitions » pour reconnaître ceux d'entre eux qui recouvraient leur infidélité d'un masque d'orthodoxie, au XVe siècle, en Espagne, on organisa une Inquisition pour rechercher les Marranes.

Ce fut l'une des origines de l'Inquisition espagnole; en voici une autre…

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Message  Louis Ven 27 Juil 2018, 7:27 am

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II. — L'INQUISITION ESPAGNOLE (XIV-XIXe SIÈCLES).

§ I. Ses origines.

(SUITE)

(col. 1089-1090)

Ce fut l'une des origines de l'Inquisition espagnole; en voici une autre.

Les relations des chrétiens d'Espagne avec les Arabes ressemblèrent à celles qu'ils entretinrent avec les Juifs; elles ne furent pas uniquement hostiles, comme une vue sommaire des choses pourrait le faire croire. Le contact permanent des deux races et des deux religions, pendant sept siècles, détermina entre elles des rapports diplomatiques, des échanges de marchandises, et même des mariages. On vit des princesses chrétiennes épouser des princes musulmans, et au XVe siècle une famille chrétienne qui ne comptait pas parmi ses ancêtres quelque sectateur de Mahomet était une rareté.

Lorsque les Arabes s'étaient emparés de la péninsule, au VIIIe siècle, leur intérêt leur avait fait respecter certaines libertés des chrétiens soumis par eux, et qui, en face de leurs vainqueurs, constituaient la masse de la population cultivant le sol. Le culte catholique continua à se célébrer dans l'empire des Kalifes; en 782 et 852, des conciles se tinrent dans les villes arabes de Séville et de Cordoue; ce fut alors que ces chrétiens soumis à la domination arabe et appelés Mozarabes précisèrent ce rite particulier qui porte leur nom et est encore en usage à Tolède.

Les rois chrétiens ne se conduisirent pas autrement à l'égard des populations musulmanes qui continuèrent à vivre dans les pays reconquis par eux sur l'Islam. Désireux de les conserver pour maintenir la fécondité des campagnes qu'elles cultivaient et la prospérité des industries qu'elles avaient portées à un haut degré de perfection, ils leur garantissaient le respect de leurs coutumes et de leur religion. Ainsi des musulmans en grand nombre vivaient sous le sceptre des rois chrétiens dans les villes reconquises de Valence, de Tolède, de Séville, même quand la guerre reprenait entre la Croix et le Croissant. Parfois, il est vrai, quelque effervescence de patriotisme ou de fanatisme chrétien forçait les Mores à se réfugier chez leurs coreligionnaires; mais le plus souvent ils s'enfonçaient plus avant dans les pays chrétiens, jusqu'à Barcelone et aux Pyrénées.

Aussi les rois de Castille et d'Aragon furent-ils obligés de fixer dans leurs lois et leurs codes la condition politique et religieuse des Arabes de leurs états ; et cette condition ressemblait à celle des Juifs. D'après le code de Valence, « tout individu, de quelque religion qu'il fût, régnicole ou étranger, pouvait commercer librement, être hébergé partout et choisir le lieu de sa résidence... Les Mores ne devaient être ni forcés ni empêchés de se convertir au christianisme. » (DE CIRCOURT, Histoire des Mores Mudejares et des Morisques, t. I, pp. 251 et suiv.) Ils avaient des mosquées, où ils célébraient librement leur rite, et même des tribunaux à eux, où des juges de leur race et de leur religion réglaient leurs différends d'après le Coran. « Leurs propriétés étaient garanties sous peine de restitution  du double ; aux foires, ils jouissaient des mêmes sûretés que les chrétiens. En Aragon, le roi les avait sous sa spéciale protection, et ils n'étaient justiciables que de son bailli. » (CIRCOURT, op. cit., t.I , p. 257).

Plus les royaumes chrétiens gagnèrent de terrain sur les royaumes arabes…

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Message  Louis Sam 28 Juil 2018, 7:26 am

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II. — L'INQUISITION ESPAGNOLE (XIV-XIXe SIÈCLES).

§ I. Ses origines.

(SUITE)

(col. 1090)

Plus les royaumes chrétiens gagnèrent de terrain sur les royaumes arabes nés de la décomposition du Kalifat de Cordoue, et plus l'élément more prit de l'importance au milieu des populations chrétiennes. Gardant leur religion, leurs coutumes et leurs tribunaux, les Arabes ne s'assimilaient pas à la race chrétienne au milieu de laquelle ils vivaient. Maîtres d'une grande partie de l'industrie, restant en possession des avantages économiques qu'ils avaient eus avant la conquête catalane, aragonaise et castillane et les augmentant encore par le commerce avec leurs coreligionnaires du sud de la Péninsule, de l'Afrique et du bassin de la Méditerranée, ils avaient une influence sans cesse grandissante, qui constituait un danger de plus en plus grave pour les chrétiens.

On le vit bien au milieu du XIIIe siècle. En 1248 et en 1254, des soulèvements arabes se produisirent dans le royaume de Valence uni à celui d'Aragon, et de là, gagnèrent la Castille avec l'appui des émirs du Sud et du Maroc ; ils se renouvelèrent en 1277. Leur répression eut pour effet l'émigration en terre musulmane d'une grande partie de la population morisque et de sa richesse industrielle, au plus grand profit du royaume islamique de Grenade qui gagnait, avec de nouveaux sujets, un apport économique considérable.

Pour prévenir de nouvelles révoltes, les rois de Castille et d'Aragon commencèrent par garantir, une fois de plus, la liberté de conscience et de culte à leurs sujets musulmans et par les protéger contre toute vexation individuelle.

Mais, aussitôt après, ils prirent une série de mesures pour contenir en de certaines limites leur influence politique et sociale ; édictées en 1282, au lendemain même des révoltes et de leur répression, elles furent renouvelées au XIVe et au XVe siècle. En 1284. Pierre III d'Aragon interdit aux Mores comme aux Juifs tout emploi dans la judicature, la police et les finances ; la même mesure était prise en Castille par Alphonse XI ( 1348 ) et renouvelée par Henri II en 1368, Jean I en 1388, et Jean II en 1408. La même année, Jean II enleva aux Mores leurs tribunaux particuliers, mais en stipulant qu'ils seraient jugés d'après leur droit séculaire, par les alcades chrétiens.

Comme, par le commerce, il leur était facile d'exercer l'usure et de s'asservir ainsi les chrétiens, les législations de Castille, d'Aragon et de Valence prirent des mesures de préservation contre leur action économique.

Pour se soustraire à ces mesures d'exception et à la surveillance dont ils étaient l'objet, les Mores ne trouvèrent pas de meilleur moyen que de se faire chrétiens; ils acquéraient ainsi tous les droits des chrétiens de race, sauf celui de parvenir à l'épiscopat ; encore cette dernière interdiction, portée par le code castillan des Siete partidas, fut-elle parfois violée, puisque l'on cite, au XVe siècle, plusieurs évêques espagnols qui étaient des  convertis.

Ces conversions intéressées ne trompèrent pas l'opinion…

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Message  Louis Dim 29 Juil 2018, 6:48 am

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II. — L'INQUISITION ESPAGNOLE (XIV-XIXe SIÈCLES).

§ I. Ses origines.

(SUITE)

(col. 1090-1091)

Ces conversions intéressées ne trompèrent pas l'opinion. Le peuple chrétien détestait les musulmans convertis, les morisques, beaucoup plus que ceux qui restaient ostensiblement fidèles à Mahomet; le gouvernement dut les protéger. Jean I de Castille défendait, en 1380, d'insulter les néo-chrétiens en les appelant marranos (cochons) ou tornadizos, sous peine d'une amende de 300 maravédis ou de quinze jours de prison.

Mais les gouvernements eux-mêmes ne tardèrent pas à reconnaître que les Morisques étaient plus dangereux que les musulmans déclarés, parce qu'ils étaient plus insaisissables dans leurs intrigues, comme les sociétés secrètes. Ils sentirent la nécessité de les surveiller et de distinguer par des enquêtes ou inquisitions ceux qui étaient vraiment chrétiens et ceux qui n'étaient que des musulmans dissimulés.

Telle fut la seconde raison, analogue à la première, qui amena la création, au cours du XVe siècle, de cette inquisition particulière que l'on appelle l'Inquisition espagnole. Elle était dirigée non contre les Juifs, mais contre les Juifs pseudo-chrétiens ou marranes ; non contre les musulmans, mais contre les musulmans pseudo-chrétiens ou morisques; et contre les uns et les autres elle était instituée, avant tout, pour assurer la sécurité de l'Etat et de la Patrie reconstituée.

Comme la pureté du christianisme lui-même était en cause, puisque l'invasion des pseudo-chrétiens la compromettait directement, dans sa doctrine et sa pratique; comme, par ailleurs, les retours à l'Islam de ces faux chrétiens multipliaient le scandale des apostasies, l'Eglise se prêta à ces inquisitions. Sa légitime défense concorda avec la légitime défense de l'Etat ; les intérêts politiques et les intérêts religieux se confondirent à l'origine de l'Inquisition espagnole, comme ils s'étaient confondus quand fut établie l'Inquisition du XIIIe siècle.

De l'exposé de ces faits se dégage une autre conclusion, c'est que l'opinion publique devança toujours l'Eglise et les gouvernements dans la répression des pseudo-chrétiens. Bien avant le fonctionnement du Saint-Office du XVe  siècle, comme de celui du XIIIe, le peuple avait manifesté par des injures, des vexations individuelles et collectives et même par de cruels massacres, l'aversion que lui inspiraient les faux convertis.

§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole...

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Message  Louis Lun 30 Juil 2018, 6:13 am

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(col. 1091-1092)

§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole. — Dans son Histoire de l'Inquisition, LLORENTE cite cette inscription gravée en latin sur le château de Triana a Séville. « le Saint-Office de l'Inquisition, établi contre l'erreur hérétique dans les royaumes d'Espagne, a commencé à Séville, l'an 1481, Sixte IV siégeant sur la chaire apostolique et l'accordant, et sous le règne de Ferdinand V et d'Isabelle qui en ont demandé la concession. Le premier inquisiteur général a été le Frère Thomas de Torquemada, prieur du couvent de Sainte-Croix de Ségovie, de l'ordre des FF. Prêcheurs. Dieu veuille, pour la propagation et le maintien de la foi, qu'il dure jusqu'il la fin des siècles !... Levez-vous, Seigneur, soyez juge dans votre cause. Prenez pour nous les renards ! Capite nobis vulpes.» (t. I, p. 151).

Prise à la lettre, cette inscription est inexacte ; deux siècles et demi avant la date qu'elle donne, l'Inquisition avait été déjà établie en Espagne, et si elle était tombée en désuétude, elle n'était pas abolie; la preuve en est que des inquisiteurs étaient institués en Castille et en Aragon lorsque les « rois catholiques » en nommèrent de nouveaux, ce qui amena des conflits de juridiction entre les anciens et les nouveaux. Ce fut donc une remise en activité de l'Inquisition, plutôt qu'une création de toutes pièces, qui donna naissance au Saint-Office espagnol Mais il se présentait sous un aspect un peu nouveau : il était dirigé moins contre les hérétiques et les infidèles que contre les faux catholiques; et il avait un caractère plus national et plus étatiste que l'Inquisition médiévale, d'essence plus catholique et plus romaine.

Ce fut le roi Ferdinand d'Aragon qui en prit l'initiative ; plus douce de caractère, sa femme Isabelle, reine de Castille, hésita quelque temps à le suivre ; mais elle finit par s'unir à ses démarches. Sollicité par l'un et l'autre, le pape Sixte IV leur envoya le bref du 1er novembre 1478, par lequel « il donnait pleins pouvoirs à Ferdinand et à Isabelle de nommer deux ou trois inquisiteurs, archevêques, évêques ou autres dignitaires ecclésiastiques, recommandables par leur prudence et leurs vertus, prêtres séculiers ou réguliers, âgés d'au moins quarante ans, et de mœurs irréprochables, maîtres ou bacheliers en théologie, docteurs ou licenciés en droit canon, et ayant subi d'une manière satisfaisante un examen spécial. Ces inquisiteurs étaient chargés de procéder contre les Juifs baptisés relaps et contre tous autres coupables d'apostasie. Le pape leur déléguait la juridiction nécessaire pour instruire les procès des inculpés, conformément au droit et à la coutume, et autorisait les souverains espagnols à les destituer et en nommer d'autres à leur place. » (PASTOR, Histoire des Papes, t. II, p. 370; LLORENTE , Histoire de l'Inquisition, t. IV, p. 410).

Munis de cette arme, les souverains espagnols ne s'en servirent pas tout de suite. Pour éclairer les Juifs nouvellement convertis, Isabelle demanda au Cardinal Mendoza, archevêque de Séville, de faire rédiger un catéchisme à leur usage. Sa publication provoqua la rédaction d'un violent pamphlet contre le gouvernement d'Isabelle et la religion catholique; il était écrit par un Juif; d'autre part, les souverains catholiques firent voter, au commencement de 1480, par les Cortès réunies à Tolède, une série de mesures destinées à contenir les Juifs en les distinguant soigneusement des chrétiens.

Ce fut seulement le 17 septembre suivant, près de deux ans après l'expédition du bref de Sixte IV, qu'ils nommèrent les premiers inquisiteurs prévus par ce bref, avec résidence à Séville…

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Message  Louis Mar 31 Juil 2018, 7:16 am

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§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole.

(SUITE)

(col. 1092-1093)

Ce fut seulement le 17 septembre suivant, près de deux ans après l'expédition du bref de Sixte IV, qu'ils nommèrent les premiers inquisiteurs prévus par ce bref, avec résidence à Séville. C'étaient deux Dominicains, le provincial Michel Morillo, et le vicaire de l'Ordre, Jean Saint-Martin, auxquels furent adjoints le chapelain d'Isabelle, Lopez del Barco, procureur fiscal, c'est-à-dire ministère public, et Jean Ruis de Médina, abbé séculier de la collégiale de Médina de Rio-Seco, conseiller de la reine. (LLORENTE,  t. I p. 158.)

Le 20 janvier 1481, le nouveau tribunal publia son premier édit, ayant pour objet d'empêcher l'émigration des nouveaux chrétiens. Il faisait un devoir à tous les officiers royaux et nobles de Castille d'arrêter les fuyards, de les envoyer à Séville et de mettre sous séquestre leurs biens, frappant d'excommunication  et de suspicion d'hérésie quiconque  n'obéirait  pas. De nombreux prisonniers affluèrent à Séville. Suivant la procédure des inquisiteurs du Moyen-Âge, telle qu'ils l'avaient rédigée dans leurs Directoires et leurs Manuels, les inquisiteurs de Séville publièrent ensuite un édit de grâce, ordonnant à tous  les apostats de se dénoncer eux-mêmes et leur promettant l'absolution s'ils avaient un  vrai repentir. Le terme accordé pour cette démarche  une fois passé,  un troisième édit ordonnait, sous peine de péché et d'excommunication, à tout chrétien, de dénoncer dans un délai de trois jours, tous ceux qui « avaient embrassé  l'hérésie judaïque », c'est-à-dire  les Juifs qui, s'étant convertis en apparence, étaient restés secrètement fidèles à leur foi; les inquisiteurs énuméraient 37 signes auxquels on pouvait reconnaître ces pseudo-chrétiens (LLORENTE, t. I, p. 158).

Ils commencèrent aussitôt leurs procédures; ils se montrèrent fort durs  et prononcèrent de nombreuses condamnations. Llorente a donné les chiffres suivants qui ont été reproduits depuis, par la plupart des historiens de l'Inquisition et de l'Espagne : « Le 6 janvier 1481, dit-il (t. I, p. 160), l'Inquisition fit brûler 6 condamnés ; 17 le 26 mars suivant, et un plus grand nombre un mois après ; le 4 novembre de la même année, 398 nouveaux chrétiens avaient déjà subi la peine du feu; 79 accusés se trouvaient plongés dans les horreurs d'une prison perpétuelle ; et tout cela s'était passé dans la seule ville de Séville... Dans les autres parties de la province et l'évêché de Cadix, 2.000 de ces malheureux furent livrés aux flammes en 1481, au rapport de Mariana ; d'autres, en plus grand nombre, furent brûles en effigie et 17.000 subirent différentes peines canoniques. »

Sur ce point, nous prenons Llorente en flagrant délit d'exagération…

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Message  Louis Mer 01 Aoû 2018, 6:29 am

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§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole.

(SUITE)

(col. 1093)

Sur ce point, nous prenons Llorente en flagrant délit d'exagération. A la suite de cette statistique, il décrit des raffinements de supplices et au bas de la page, il est obligé de les démentir, comme si le meilleur démenti n'eût pas été de supprimer purement et simplement de son texte ce qu'il en déclare lui-même faux. Pourquoi l'a-t-il maintenu, sinon pour qu'il en reste quelque chose dans l'esprit du lecteur ?

Quand il lançait ce total impressionnant de 17.000 condamnations canoniques, il oubliait sciemment de dire quelles étaient ces peines, pour laisser faire à l'imagination du lecteur toutes sortes de suppositions sur leur nature et leur gravité. Or, dans notre article INQUISITION, nous avons montré nous-même que ces peines étaient presque toutes des pénitences spirituelles ou légèrement corporelles,

Llorente affirmait enfin que, dans la seule année 1481, 2.000 nouveaux chrétiens furent brûlés dans la seule ville de Séville et le diocèse de Cadix ; double mensonge ! Si l'on se reporte au texte de Mariana sur lequel il appuie son affirmation (MARIANA. Histoire d’Espagne, livre XXIV, chap. 17), on constate que cet historien évalue en effet à 2.000 le nombre de victimes fait par le grand inquisiteur Torquemada, mais sur toute l'étendue territoriale et pendant toute la durée de son inquisition. Or, Torquemada fut inquisiteur, non pas seulement en 1481, mais de 1481 à 1498 et il exerça sa juridiction non seulement à Séville et dans le diocèse de Cadix, mais sur l'Aragon et la Castille, jusqu'en 1492, et, après la chute de l'empire arabe de Grenade à cette dernière date, sur presque toute la péninsule. Dans ces conditions, la moyenne des condamnés, pour un an a été, non de 2.000, mais de 125, et non pas seulement pour une ville et un diocèse, mais pour la plus grande partie de l'Espagne.

C'était d' ailleurs beaucoup trop, surtout en 1481 où la proportion des condamnés au bûcher dépassa de beaucoup la moyenne. Des plaintes furent portées à Rome contre cette rigueur excessive ; et le pape Sixte IV les accueillit favorablement. Dans un bref adressé, le 29 janvier 1482, à Ferdinand et à Isabelle, il s'exprimait en termes sévères sur les inquisiteurs de Séville…


Dernière édition par Louis le Jeu 13 Sep 2018, 9:10 am, édité 1 fois (Raison : Insertion d'un lien.)

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Message  Louis Jeu 02 Aoû 2018, 6:56 am

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§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole.

(SUITE)

(col. 1093-1094)

…Dans un bref adressé, le 29 janvier 1482, à Ferdinand et à Isabelle, il [n.d.l.r.: le Pape Sixte IV]  s'exprimait en termes sévères sur les inquisiteurs de Séville.

Il commençait par déclarer que, dans le bref qui avait autorisé leur nomination, les rédacteurs avaient omis certaines clauses qui, expressément stipulées par lui, auraient prévenu leurs abus; ainsi l'acte même par lequel l'Inquisition avait été établie avait été faussé dès son expédition.

Il l'avait été ensuite dans l'usage qui en avait été fait. Sous prétexte de l'exécuter, ajoutait le pape, les inquisiteurs avaient jeté beaucoup de gens en prison, sans se conformer aux règles de la justice, les soumettant à de cruelles tortures, les déclarant à tort hérétiques, confisquant les biens des suppliciés, de sorte que, pour se soustraire à de telles cruautés, beaucoup avaient pris la fuite.

En conséquence, après avoir consulté les cardinaux, le pape ordonnait aux inquisiteurs de se conformer désormais aux règles du droit et de l'équité et de s'entendre avec les évêques (comme le faisait l'ancienne Inquisition). Il ajoutait que Morillo et Saint-Martin méritaient d'être révoqués, mais qu'il les maintenait en fonctions pour ne pas donner un démenti public à la confiance que leur avaient accordée les souverains de Castille et d'Aragon en les nommant, « ne eosdem Michaelem et Johannem ut minus inhabiles et insufficientes reprobasse et consequenter eorum nominationem per vos factum, damnasse videremur. » Il déclarait toutefois qu'il passerait outre à cette crainte et révoquerait les inquisiteurs, s'ils ne s'amendaient pas.

Ferdinand et Isabelle avaient demandé au Saint-Siège d'étendre à toute la Castille et à tout l'Aragon la juridiction du Saint-Office de Séville. Sixte IV, comprenant l'erreur qu'il avait commise en laissant aux souverains espagnols la nomination de pareils juges, s'y refusa formellement, alléguant qu'ailleurs l'Inquisition était déjà instituée depuis longtemps. Il faisait ainsi allusion à ces tribunaux qui avaient été établis, dès le XIIIe siècle, dans les royaumes chrétiens d'Espagne, pour la répression de l'hérésie, mais dont les juges, nommés en droit par le pape, exerçaient en son nom leur juridiction et s'étaient tellement montrés débonnaires qu'ils ne répondaient pas à la politique sévère de Ferdinand et d'Isabelle. (Ce bref a été publié par LLORENTE, op. cit., t. IV., pp. 346-348).

Après avoir ainsi rappelé à l'ordre les inquisiteurs royaux de Séville, le pape s'adressa aux siens…

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Message  Louis Ven 03 Aoû 2018, 7:14 am

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§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole.

(SUITE)

(col. 1094-1095)

Après avoir ainsi rappelé à l'ordre les inquisiteurs royaux de Séville, le pape s'adressa aux siens, ceux-là mêmes que, par la création du nouveau Saint-Office avec juridiction étendue sur tous leurs états, les souverains espagnols avaient voulu supprimer. Par un bref du 17 avril 1482, Sixte IV leur rappelait les règles traditionnelles qu'ils devaient soigneusement observer dans leurs poursuites et leurs procédures.

Cette démarche, qui constituait un blâme indirect au Saint-Office de Séville, déplut à Ferdinand et à Isabelle; par l'intermédiaire du cardinal espagnol Roderic Borgia (plus tard pape sous le nom d'Alexandre VI), qui résidait à la Curie comme évêque de Porto et y exerçait les fonctions de protecteur officieux de la nation espagnole, ils présentèrent leurs remontrances au Saint-Siège; elles eurent pour résultat un bref dilatoire expédié le 10 octobre 1482.

Le pape y déclarait aux souverains espagnols que, le bref d'avril ayant été délibéré en consistoire, pour le modifier il voulait attendre le retour des cardinaux qui avaient quitté Rome à cause de la peste. En attendant, il révoquait les mesures, contraires au droit commun, que ce bref pouvait contenir, et recommandait plus que jamais à tous les inquisiteurs de rester fidèles aux procédures traditionnelles et aux règles du droit et de l'équité. Comme le cardinal Borgia avait allégué que le bref du 17 avril 1482 empêchait toute répression, le pape déclarait que, pourvu qu'elle observât le droit commun, la poursuite des hérétiques devait se continuer (LLORENTE, t. IV, pp. 349-350).

Cette lettre ne satisfit pas Ferdinand et Isabelle; pour soustraire l'Inquisition espagnole aux interventions du Saint-Siège, ils demandèrent que les appels à Rome, qui étaient de droit commun, fussent reçus et jugés en Espagne par l'archevêque de Séville, désigné, une fois pour toutes, par le Saint-Siège comme juge d'appel. Dans son Histoire de l'Inquisition, si partiale contre l'Eglise romaine, LLORENTE a approuvé cette demande, n'y voyant qu'un moyen d'empêcher l'exode d'Espagne des sommes nécessaires pour poursuivre à Rome les appels; il n'a pas vu ou plutôt n'a pas voulu voir qu'elle avait surtout pour but de mettre presque entièrement le Saint-Office aux mains du gouvernement royal, en donnant le jugement des appels à un sujet de la reine de Castille, l'archevêque de Séville, et par conséquent d'accroître le caractère politique et les rigueurs souvent cruelles du Saint-Office, serviteur du pouvoir civil.

L'examen de cette demande, présentée par le cardinal Borgia, fut confié à une commission cardinalice qui comprenait surtout des cardinaux espagnols résidant à la curie : …

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Message  Louis Sam 04 Aoû 2018, 6:34 am

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§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole.

(SUITE)

(col. 1095-1096)

L'examen de cette demande, présentée par le cardinal Borgia, fut confié à une commission cardinalice qui comprenait surtout des cardinaux espagnols résidant à la curie : Borgia, agent de son maître le roi d'Aragon et de Valence, Arcimboldi, du titre de Sainte-Praxède, Auxias Despuig, originaire de Majorque, archevêque de Montréal en Sicile, Riario évêque d'Osma en Espagne et neveu du pape, Jean de Moles Margarit, évêque de Girone en Catalogne, et plus tard cardinal sur la recommandation de Ferdinand, Gonzalo de Villadiégo, chapelain espagnol du pape, dans la suite évêque d'Oviedo.

Ainsi composée, cette commission estima que les appels en cour de Rome n'étaient souvent qu'un expédient destiné à entraver le cours de la justice, et elle proposa au pape de répondre favorablement aux souverains espagnols; ce que fit Sixte IV, par un bref de juin 1483, Le pape regretta bientôt cette nouvelle concession ; car des plaintes venues d'Espagne continuaient à lui dénoncer les cruautés du Saint-Office de Séville. Prenant la formule solennelle des bulles Ad perpetuam rei memoriam, il essaya de corriger, en août suivant, le mauvais effet de son bref précédent en édictant à jamais des règles générales que les inquisiteurs devraient suivre (2 août 1483).

Il commençait par rappeler que le Saint-Office avait été institué contre les Juifs qui feignaient de se convertir au catholicisme pour mieux duper les chrétiens, et que cette institution avait été sollicitée par Ferdinand  d'Aragon et Isabelle de Castille.

Faisant ensuite allusion au bref du mois de juin, il constatait avec peine que la nomination de l'archevêque de Séville comme juge des appels en cour de Rome, n'avait nullement fait cesser les abus et les rigueurs excessives. Aussi imposait-il au Saint-Office espagnol plusieurs mesures de clémence envers des inculpés qui s'étaient adressés directement au Saint-Siège. Il déclarait que les procès qui avaient été commencés contre ces personnes devaient être regardés comme terminés et il ordonnait à l'archevêque de Séville, aux évêques espagnols ses collègues et aux prélats espagnols résidant à Rome d'admettre à la réconciliation privée, après leur avoir imposé une pénitence secrète, tous ceux qui le demanderaient, bien qu'ils eussent été mis en jugement, convaincus, condamnés au feu et même exécutés en effigie. Ils devaient aussi absoudre les coupables qui se présenteraient avec des commissions à cet effet, tenir comme absous quiconque l'aurait été par la Pénitencerie apostolique el les protéger contre toute poursuite.

S'adressant ensuite à Ferdinand et à Isabelle, il leur rappelait que la compassion pour les coupables était plus agréable à Dieu que les rigueurs, et il les suppliait, au nom du cœur de Jésus Christ, de traiter favorablement ceux de leurs sujets qui avoueraient leurs erreurs, de leur permettre de vivre librement à Séville et dans tous leurs états, et d'y conserver tous leurs biens. «  Quia sola clementia est quae nos Deo, quantum ipsa natura praestat humana, facit aequales, regem et reginam praefatos per visecera D. N. J, C. rogamus et exhortamur ut, illum imitantes cujus est proprium misereri semper et parcere, suis civibus Hispalensibus, et ejus dioecesis indigenis erroremque suum cognoscentibus ac misericordiam implorantibns, parcere velint... »

Dans son Histoire de l'Inquisition, LLORENTE  prétend que cette bulle n'eut pas d'effet, parce que, par peur des rois d'Espagne, Sixte IV en suspendit l'exécution, le 13 août, soit onze jours après l'avoir publiée. Mais il n'en donne aucune preuve, et il constate, quelques lignes plus loin, que l'évêque d'Evora en Portugal la mit à exécution dans son diocèse. Il semble plutôt qu'elle ait été tenue en échec par le juge des appels obtenu par Isabelle, l'archevêque de Séville, Enneco Manrique de Lara.

Torquemada.

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Message  Louis Dim 05 Aoû 2018, 7:16 am

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§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole.

(SUITE)

(col. 1096-1097)

Torquemada. — Poursuivant avec persévérance leur dessein de constituer fortement l'Inquisition, en lui donnant à l'égard de Rome la plus grande autonomie, les souverains espagnols voulurent lui imposer un chef unique, investi une fois pour toutes, par le Saint-Siège, de la juridiction spirituelle et du droit de juger en son nom les appels à Rome; et comme jusque là l'Inquisition était confiée à l'ordre des Prêcheurs, ils proposèrent pour ces fonctions un religieux dominicain, Torquemada.

Dès le mois de février 1483, Isabelle avait demandé à Sixte IV de renforcer l'organisation de l'Inquisition dans ses Etats de Castille ; ce fut sans doute alors que, sur sa demande, Torquemada fut nommé par le Saint-Siège inquisiteur général de Castille et de Léon. Ces fonctions furent étendues à tous les Etats de Ferdinand, l'Aragon, le royaume de Valence et la Catalogne, par un bref du 17 octobre suivant. Cette nomination fut faite aussi à la demande du roi, comme la précédente l'avait été à la demande de la reine. C'est ce que déclare formellement le pape à Torquemada : « Supplicari nobis fecerunt carissimi in Christo filii nostri Castellae et Legionis rex et regina ut te in eorum Aragoniae et Valentiae regnis ac principatu Cataloniae inquisitorern hæreticæ pravitatis deputare vellemus. » (Bullar. Ord. Praedicatorum,III, p. 612).

En vertu de ces deux nominations, Torquemada était inquisiteur général pour toute l'Espagne, et le Saint-Office avait un chef unique. Fait plus grave : si le pape nommait ainsi le premier titulaire de cette charge si importante, il était entendu que les rois d'Espagne choisiraient ses successeurs ; et comme Torquemada obtint dans la suite du Saint-Siège, pour lui et ses successeurs, le droit de nommer lui-même les inquisiteurs régionaux et de juger les appels à Rome, on voit que le Saint-Office était entièrement entre les mains du grand Inquisiteur nommé par le pouvoir civil et à peu près indépendant du Saint-Siège.

Ces mesures eurent plusieurs effets immédiats. Ce fut d'abord de dessaisir de l'Inquisition espagnole le maître général de l'Ordre des Prêcheurs, qui jusqu'alors nommait les inquisiteurs dans toute la péninsule; ce fut ensuite de transformer l'Inquisition elle-même, qui, telle qu'elle avait été créée au XIIIe siècle, était essentiellement épiscopale et papale : par le choix d'un Inquisiteur général nommé par les princes, elle devenait, dans une large mesure, monarchique et politique, et échappait totalement à l'épiscopat et en grande partie à la papauté.

C'est ce qu'a fort bien fait remarquer dans son Histoire des maîtres généraux de l'Ordre des Frères Prêcheurs, le P. MORTIER, en montrant la concession énorme que fit ainsi aux souverains catholiques le pape Sixte IV.

Que l'on ne croie pas que, parce qu'ils étaient Dominicains et recevaient l'investiture spirituelle de Rome, les inquisiteurs régionaux et généraux restaient soumis à leur Ordre et au Saint-Siège. D'abord, leurs successeurs ne devaient pas être choisis forcément parmi les Dominicains ; le roi avait le droit de prendre l'Inquisiteur général dans d'autres ordres ou dans le clergé séculier, et l'Inquisiteur général avait la même liberté pour le choix de ses auxiliaires et de ses subordonnés. D'autre part, la large autonomie attribuée au Saint-Office, en rendant fort rares les cas où le pape pouvait intervenir, donnait à ses interventions possibles un caractère d'une telle importance qu'il devait craindre de les faire, surtout en présence des susceptibilités du pouvoir civil, toujours en éveil contre les immixtions, dans le royaume, de l'autorité pontificale.

D'ailleurs, les souverains de Castille et d'Aragon ne tardèrent pas à tirer en faveur de leur autorité toutes les conséquences qui découlaient des concessions pontificales. A côté du grand Inquisiteur, ils nommèrent un Conseil royal de l'Inquisition, qui avait voix délibérative dans toutes les questions de droit civil et voix consultative dans les questions de droit canonique. Ses membres, nommés par le pouvoir civil, furent, au début, le grand Inquisiteur, président de droit et à vie, Alfonso Carrillo, évêque nommé de Mazara, et deux docteurs en droit, Sancho Velasquez de Cuellar et Pons de Valence.

De son côté, Torquemada…

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