Inquisition au Moyen-Âge.
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 860-862)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
Les actes de l'Inquisition nous font passer de la théorie à la pratique. Par les procès-verbaux des enquêtes, des interrogatoires et des dépositions de témoins, par les actes d'accusation et les sentences d'acquittement ou de condamnation, ils nous font saisir sur le fait le fonctionnement des tribunaux inquisitoriaux. Dans sa savante introduction à ses Documents pour servir à l'histoire de l'Inquisition dans le Languedoc, Mgr DOUAIS a dressé la liste de ces procès-verbaux de l'Inquisition méridionale, et lui-même en a publié un certain nombre dans le tome II de ce même ouvrage. C'est d'après lui que nous en donnons la liste.
Une série d'actes allant de 1237 à 1245 et contenus dans le fonds Doat de la Bibliothèque nationale (tomes XXI, XXII, XXIII, XXIV), dans le manuscrit 609 de la Bibliothèque municipale de Toulouse et dans l'Histoire du Languedoc de dom Vaissète, sont dus à Frère FERRIER, des Prêcheurs, qui fut tout d'abord inquisiteur de l'archevêque de Narbonne, puis inquisiteur pontifical. Dans les mêmes collections (DOAT, XXI ,XXIII, XXV, XXVI; Bibl. Toulouse 609, Histoire du Languedoc) se trouvent les actes des dominicains GUILLAUME ARNAUD et ses compagnons, inquisiteurs qui furent tués, en 1242, à Avignonet. Ils eurent sans doute, pour successeurs, leurs confrères BERNARD DE CAUX et JEAN DE SAINT-PIERRE qui exercèrent leurs fonctions le premier jusqu’'en 1248, le second jusqu'en 1256. Leurs actes se trouvent dans Doat, XXII-XXVI, XXXI, XXXVI et surtout dans le ms 609 de Toulouse. Dans l'ouvrage auquel nous empruntons ces renseignements, Mgr Douais a publié les actes de RODOLPHE et RAYMOND DAVID, inquisiteurs diocésains de Carcassonne, et étudié le manuscrit qui nous les a conservés.
Signalons aussi, parmi les autres inquisiteurs dont nous avons les actes, maître ARNAUD DE GOUZENS, délégué diocésain de Toulouse, AMIEL, curé du Saint-Etienne de Toulouse et RAYMOND RESPLANDI, délégué de Jean de Saint-Pierre 1256 (ms 609, Doat, XXV, Archives de la Haute-Garonne II 85); les dominicains RENAUD DE CHARTRES et GUILLAUME BERNARD DE DAX (1258 et 1263) (ms 609, Doat, XXV, XXVI); PONS DU POUGET (1262-1264) dans Doat, XXVI, XXX1-XXXIII ; ETIENNE DE GASTINE (1264-1276) dans Doat, CLXXII-CLXXIII, XXV; RANULPHE DE PLASSAC et PONS (1273-1279) dans Doat, XXV; HUGUES DE BORMOLS, PIERRE ARSIN, HUGUES AMIEL (1276-1280) dans Doat, XXV-XXVI. XXXII; JEAN GALAND] (1278-1293) dans Doat, XXVI et XXXII et au ms. 12856 de la Bibliothèque nationale; GUILLAUME DE SAINT-SEINE (1286-1292) dans Doat, XXVI et XXXII; BERTRAND DE CLERMONT et NICOLAS D'ABBEVILLE (1293-1302) dans Doat, XXVI, XXXII-XXXV et au ms 11847 de la Bibliothèque nationale; GEOFFROY D'ABLUSES et ses lieutenants GERAUD DE BLOMAC et JEAN DU FAUGOUX (1308-1309) dans le ms 4269 de la Bibliothèque nationale et dans Doat, XXXIV; BERNARD GUI (1308-1323) dans le ms 11848 de la Bibliothèque nationale (édité par Limborch, en appendice à son Historia Inquisitionis (Amsterdam 1692), sous ce titre : Liber sententiarum inquisitionis Tolosanae; JEAN DE BEAUNE, JEAN DU PRAT, HENRI CHAMAYOU et PIERRE BRUN (1318-1330) dans Doat, XXXII et XXXV.
Comme le prouvent ces longues énumérations, nous sommes abondamment documentés sur la procédure de l'Inquisition telle qu'elle se forma au cours du XIIIe siècle et dans la première moitié du XIVe pour demeurer à peu près la même jusqu'au XVIe siècle.
Aussi les historiens récents tels que M. TANON, M. FREDERICQ, M. LEA, M. VACANDARD, M. DE CAUZONS, Mgr DOUAIS, ont-ils pu l'étudier avec précision. Nous renvoyons à leurs ouvrages ceux de nos lecteurs qui voudraient connaître, jusque dans les détails les plus minutieux, le fonctionnement de l'Inquisition; nous nous contentons d'en donner ici, d'après ces savants ouvrages, un rapide aperçu.
M. VACANDARD distingue ainsi les différentes étapes des procès de l'Inquisition : « temps de grâce ; appel et déposition des témoins; interrogatoire des accusés; sentence de réconciliation des hérétiques repentants; sentence de condamnation des hérétiques obstinés ».
Quand on avait décidé de faire une enquête ou Inquisition dans un pays suspecté d'hérésie…
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Louis- Admin
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 862)Procédures de l’Inquisition.
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Quand on avait décidé de faire une enquête ou Inquisition dans un pays suspecté d'hérésie, l'inquisiteur, assisté le plus souvent de ses auxiliaires et de ses familiers, serviteurs et notaires, arrivait solennellement dans le pays. Il promulguait aussitôt deux édits : par le premier, l'édit de foi, il ordonnait, sous peine d'excommunication, à quiconque connaîtrait soit un hérétique notoire, soit une personne suspecte d'hérésie, de les lui déclarer; par le second, l'édit de grâce, il indiquait un laps de temps, allant de quinze à trente jours, pendant lequel tout hérétique ou suspect d'hérésie obtenait son pardon, s'il venait accuser ses erreurs, les abjurer et recevoir, s'il y avait lieu, une pénitence canonique (EYMERIC, Directorium, IIIe partie, no 52, 53-56).
Les hérétiques qui ne s'étaient pas dénoncés eux-mêmes « pouvaient être signalés à l'inquisiteur par la rumeur publique, avec l'enquête d'office et secrète qui lui servait de complément, la dénonciation toujours admise dans le droit, les dépositions des témoins ou même des prévenus » (DOUAIS, L'Inquisition, p. 165). Le droit canon et les manuels des inquisiteurs indiquaient les précautions que l'on devait prendre à l'égard des dénonciateurs et des témoins à charge. Lorsque l'inquisiteur avait retenu une dénonciation, celui qu'elle visait devenait suspect; il pouvait, dès lors, soit être arrêté et soumis à la prison préventive, soit rester libre en présentant des cautions et en s'engageant à répondre à toute convocation. Il restait au prévenu la faculté de récuser l'inquisiteur ou ses assesseurs, ou de démontrer que les dénonciateurs et les témoins à charge étaient ses ennemis personnels (EYMERIC, IIIe partie, no 67). Ce dernier moyen était, il est vrai, bien incertain ; car les noms des dénonciateurs et des témoins n'étaient pas toujours communiqués au prévenu.
Devant les charges accumulées par les dénonciateurs et les témoins, au cours de l'enquête préliminaire, le prévenu pouvait choisir entre deux partis. Il pouvait nier son hérésie ou bien l'avouer et s'en repentir. Dans ce second cas, l'inquisiteur devenait son confesseur et cessait d'être son juge, et au lieu de lui infliger un châtiment temporel ou de le livrer au bras séculier, il lui imposait une des pénitences canoniques. Elles étaient ainsi définies par le concile de Narbonne de 1243 : « Les hérétiques, leurs partisans et leurs fauteurs qui se soumettront volontairement, montreront du repentir, diront sur eux et sur les autres la vérité entière, obtiendront ainsi grâce de la prison. Ils devront porter des croix (cousues sur leurs vêtements), se présenter tous les dimanches, entre l'épître et l'évangile, devant le prêtre avec une verge et recevoir la discipline. Ils le feront encore dans toutes les processions solennelles. Le premier dimanche de chaque mois, après la procession ou la messe, ils visiteront, en habit de pénitence, une verge à la main, les maisons de la ville et du bourg qui les a connus hérétiques. Ils assisteront, tous les dimanches, à la messe, aux vêpres et aux sermons et feront des pèlerinages (LABBE, Concilia, XI, 488).
Les pénitences ainsi énumérées n'étaient pas imposées simultanément…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 862-863)Procédures de l’Inquisition.
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Les pénitences ainsi énumérées n'étaient pas imposées simultanément; il faut voir dans ce canon du concile de Narbonne un code pénitentiel dans lequel l'inquisiteur choisissait la pénitence à infliger dans chaque cas particulier. Chacune d'entre elles a été étudiée par les historiens de l'Inquisition. On trouvera dans l'Histoire des tribunaux de l'Inquisition de France de M.Tanon, et dans l'Histoire de l'Inquisition en France de M. de Cauzons, des renseignements très précis sur les croix que les convertis devaient porter cousues à leurs vêtements, sur les flagellations qu'ils devaient subir, les cérémonies auxquelles ils devaient assister, les pèlerinages qu'ils devaient accomplir.
Si le prévenu ne faisait pas spontanément la confession de son hérésie, on essayait de lui en arracher l'aveu par des interrogatoires. L'inquisiteur DAVID D'AUGSBOURG indique les quatre moyens principaux que l'on employait pour cela :
« 1° La crainte de la mort. On faisait entrevoir au prévenu, s'il n'avouait pas, la condamnation suprême et le bûcher; au contraire, s'il consentait à parler, il recevait la promesse qu'on lui épargnerait un pareil supplice;
2° le cachot, plus ou moins rigoureux, aggravé par une nourriture parcimonieuse, la menace que des témoins déposeraient contre lui et qu'alors il ne pourrait plus se sauver, l'éloignement de tout complice capable de l'encourager dans ses dénégations;
3° la visite de deux hommes sûrs, jugés aptes à l'amener par de bonnes paroles à faire des aveux ;
4° la torture. » (Analyse par DOUAIS, L'Inquisition, p. 170.)
David d'Augsbourg omet un autre moyen fort puissant pour obtenir des aveux, l'habileté de l'Inquisiteur. Grâce aux Sommes contre les hérésies que plusieurs d'entre eux avaient composées et qui contenaient le résumé des croyances et la description des mœurs et des habitudes des hérétiques, les inquisiteurs savaient fort bien les interroger, démasquer leurs faux-fuyants, déjouer leurs stratagèmes et les acculer à des questions précises, ne permettant pas d'échappatoire. Ils connaissaient aussi les actes qu'un hérétique ne consentait, en aucun cas, à accomplir. Sachant par exemple que la croyance à la métempsycose interdisait aux Cathares de tuer un animal, ils lui ordonnaient de saigner un poulet; et ainsi, le mettaient dans l'alternative ou de trahir sa croyance par un acte qui lui était contraire, ou de l'avouer. L'un des manuels de l'Inquisiteur publié par MARTÈNE (Theraurus novus anecdotorum, V, p. 1792) met en scène les subterfuges qu'employaient les hérétiques au cours de l'interrogatoire et la manière dont l'inquisiteur devait les déjouer. BERNARD GUI trouva l'idée si juste et si bien rendue qu'il reproduisit ce passage dans sa Practica.
En face de l'inquisiteur ainsi armé, le prévenu était seul ; les témoins à décharge devaient être rares ; ne pouvaient-ils pas craindre de passer eux-mêmes pour hérétiques en venant aider de leur déposition un suspect ? D'autre part, le prévenu ne pouvait pas se faire assister d'un avocat. La bulle Si adversus nos, signée par Innocent III en 1205 et insérée par Grégoire IX dans les Décrétales (liv. V, titre VII), faisait expresse défense aux avocats et notaires d'assister des hérétiques : Vobis, advocatis et scriniariis, firmiter inhibemus ne haereticis, credentibus, fautoribus vel defensoribus eorumdem in aliquo prestetis auxilium, consilium vel favorem, nec eis in causis vel in factis, vel aliquibus litigantibus sub eorum examine vestrum patrocinium praebeatis, et pro ipsis publica instrumenta vel scripta facere nullatenus attentetis.
Enfin, les interrogatoires des témoins et des prévenus, et en général toute la procédure de l'Inquisition était secrète. C'est ce que précisait Boniface VIII dans une bulle insérée au Sexte : Concedimus quod in inquisitionis haereticae pravitatis negotio procedi possit simpliciter et de plano et absque advocatorum ac judiciorum strepitu ac figura (Sexte,V, II, 20), et le Directorium d'Eymeric spécifie bien qu'il en était ainsi. L'accusé n'avait donc pas la garantie des débats publics et de l'appel à l'opinion.
Lorsque la procédure était terminée, l'inquisiteur et ses assesseurs prononçaient la sentence…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
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Lorsque la procédure était terminée, l'inquisiteur et ses assesseurs prononçaient la sentence. Ils le faisaient généralement avec la plus grande solennité, au milieu d'une assemblée publique convoquée à cet effet, et appelée le Sermo generalis.
BERNARD GUI a décrit, en termes fort précis, dans sa Practica, ce Sermo generalis qu'il eut à présider souvent lui-même en sa qualité d'inquisiteur.
II commençait par une brève instruction à la foule et des concessions d'indulgences, se poursuivait par le serment prêté par les officiers de la juridiction temporelle d'obéir à l'inquisiteur pour tout ce qui concernerait la foi.
On relevait ensuite certains condamnés de leurs pénitences; on en imposait à d'autres.
Enfin, on donnait lecture des fautes commises par ceux qui allaient être jugés.
« Cette lecture se faisait en langue vulgaire, dans l'ordre suivant :
1º ceux à qui les croix et les pèlerinages étaient imposés ;
2º ceux qui étaient condamnés à la prison;
3º les faux témoins qui, comme tels, se voyaient infliger la double peine de la pénitence et de la prison;
4° les prêtres et les clercs soumis à la dégradation et à la prison;
5° les morts qui, vivants, auraient été condamnés à la prison;
6° les morts dont les cadavres devraient être exhumés pour impénitence ;
7º les fugitifs ayant, comme tels, mérité d'être condamnés comme hérétiques;
8° les relaps devant être abandonnés au bras séculier : d'abord les laïques, ensuite les clercs;
9º les hérétiques Parfaits;
10º enfin ceux qui, ayant révoqué leurs aveux, ou qui, convaincus, n'ayant rien avoué ni n'ayant pu se défendre, devaient, comme impénitents, être livrés au bras séculier. » (DOUAIS, L'Inquisition, p. 260.)
Après cette lecture, les coupables repentants ou tout simplement effrayés par la crainte de la mort abjuraient, et ils étaient relevés de l'excommunication. On lisait ensuite les sentences et on remettait au bras séculier les condamnés qui devaient être frappés de l'animadversio debita, c'est-à-dire de mort.
Les peines infligées par l'Inquisition étaient fort variées. Certaines étaient des pénitences canoniques beaucoup plus que des châtiments et recherchaient l'amendement de l'individu plutôt que son affliction; au Sermo generalis en effet, on imposait des croix, on ordonnait des flagellations, des pèlerinages ou le service en Terre sainte, comme au cours de la procédure. D'autres peines atteignaient la fortune du condamné ; on le déclarait frappé d'incapacité civile et on étendait cette peine à ses enfants; ou bien on prononçait la confiscation de ses biens, ou l'on ordonnait la démolition de sa maison; quelquefois, on s'en tenait à une simple amende.
Une autre série de peines afflictives pouvait l'atteindre dans sa personne. C'était d'abord l'emprisonnement temporaire ou perpétuel.
« Il y avait deux régimes pour les prisonniers : le régime strict (murus strictus, durus ou arctus), et le régime adouci (muris largus)... Les personnes soumises à ce dernier pouvaient, si elles se conduisaient bien, prendre un peu d'exercice dans les corridors, où elles avaient quelquefois la facilité d'échanger quelques paroles et de reprendre contact avec le dehors. Les cardinaux qui visitèrent la prison de Carcassonne et prescrivirent des mesures pour en atténuer les rigueurs, ordonnèrent que ce privilège fut accordé aux captifs âgés ou infirmes. Le condamné au muris strictus était jeté, les pieds enchaînés, dans une cellule étroite et obscure; parfois il était enchaîné au mur. Cette pénitence était infligée à ceux dont les offenses avaient été scandaleuses ou qui s'étaient parjurés par des confessions incomplètes, le tout à la discrétion de l'inquisiteur. J'ai rencontré un cas, en 1328, où un hérétique faux-témoin fut condamné au muris strictissimus avec des chaînes tant aux mains qu'aux pieds. Lorsque le coupable appartenait à un ordre religieux, la punition était généralement tenue secrète et le condamné était emprisonné dans un couvent de son ordre. Les couvents étaient d'ordinaire pourvus de cellules à cet effet, où le régime n'était pas meilleur que dans les prisons épiscopales... C'était la tombe des vivants, connue sous le nom d'in pace. Dans ces geôles misérables, la nourriture était parcimonieusement servie. Cependant, bien que le régime normal des prisonniers fût le pain et l'eau, l'Inquisition permettait aux siens de recevoir d'autres aliments, du vin, de l'argent; il est si souvent fait allusion à cette tolérance qu'on peut la regarder comme un usage établi. » (LEA, Histoire de l'Inquisition, I, pp. 484, 486, 492.)
Enfin, la pénalité la plus grave était la mort…
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Louis- Admin
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Enfin, la pénalité la plus grave était la mort par le bûcher. Elle était prononcée non par l'Inquisition, mais par les juges civils lorsque les juges ecclésiastiques avaient convaincu un prévenu d'hérésie et, selon la formule consacrée, l'avaient abandonné au bras séculier. En laissant ainsi: à l'autorité temporelle le soin de prononcer l'animadversio debita c'est-à-dire la peine de mort (EMERIC, IIe partie, p. 149), l'Eglise entendait rester fidèle au principe qui interdisait à ses ministres de verser le sang : Ecclesia abhorret a sanguine.
Les sentences de l'Inquisition allaient frapper les morts jusque dans leurs tombes. « Les Romains avaient connu les jugements après la mort; ils atteignaient certains criminels de lèse-majesté dont les procès pouvaient s'instruire et se juger après le décès, entraînant en cas de condamnation la confiscation des biens avec la spoliation des héritiers. L'analogie établie entre l'hérésie et le crime de lèse-majesté (analogie que nous trouvons dans la bulle d'innocent III du 25 mars 1199, insérée dans les Décrétales, V, VII, 10) fit adopter pour la première les mesures rigoureuses de la loi romaine contre le second » (DE CAUZONS, Histoire de l'Inquisition en France, II, p. 354).
Par conséquent, lorsque des dénonciations ou les incidents d'un procès déjà engagé semblaient indiquer que telle personne déjà morte avait été hérétique, on instruisait son procès, comme si elle était vivante, on la jugeait et on prononçait contre elle les peines qu'elle aurait méritées si elle avait réellement comparu. Si la peine était la confiscation des biens, on les prenait à ses héritiers. Si la peine était la mort, on exhumait le corps du condamné devenu indigne de demeurer dans la terre sainte des cimetières chrétiens et on l'inhumait en un autre endroit. Les registres de l'Inquisition nous décrivent plusieurs de ces opérations macabres, et donnent le détail des frais qu'elles ont causés. Parfois même, pour frapper l'imagination des vivants, on promenait ces cadavres dans les rues des cités avant de les rendre à la terre. « Et ossa eorum et corpora fetentia per villam tracta et voce tibicinatoris per vicos proclamata et nominata dicentis : qui atal fara, atal perira (qui fera ainsi, ainsi périra) », raconte le chroniqueur toulousain G. PELHISSO cité par DE CAUZONS (op. cit., 363).
Telle fut l'Inquisition dans l'Europe du moyen âge et en particulier dans le midi de la France. C'est en toute sincérité et d'après les textes que nous en avons décrit le fonctionnement, nous gardant bien de laisser dans l'ombre ou d'atténuer ce qui peut blesser ou étonner notre mentalité moderne. Il nous reste une dernière tâche à remplir, celle d'expliquer les faits que nous avons exposés, de les placer dans leur vraie lumière et de leur donner leur juste signification, nous gardant à la fois des exagérations et des atténuations qui, en faisant perdre aux événements leur valeur exacte, faussent l'histoire.
Puisque nous ne faisons œuvre ni de théologien ni de casuiste, nous laisserons de côté la thèse sur…
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Puisque nous ne faisons œuvre ni de théologien ni de casuiste, nous laisserons de côté la thèse sur laquelle s'appuie le principe de l'Inquisition; d'autres examineront si l'Eglise a le pouvoir coercitif et s'il est légitime de poursuivre pour cause d'hérésie (voir article HÉRÉSIE). Nous plaçant sur le terrain de l'histoire, nous nous contenterons d'étudier comment l'Inquisition s'est acquittée de son rôle.
Que des abus, des irrégularités, des violences se rencontrent dans l'histoire de l'Inquisition, c'est ce que nul historien ne niera, et ce qui d'ailleurs ne doit étonner personne.
L'Inquisition a été une institution humaine, servie par des hommes ayant leurs haines, leurs passions, leurs vulgaires intérêts auxquels ils sacrifiaient, en même temps qu'ils défendaient les intérêts supérieurs de l'Eglise et de la société.
Lea fait remarquer que parfois la peine de la confiscation, en excitant les convoitises, a pu déterminer des jugements iniques; il est probable aussi que des haines personnelles ont pu dicter des dénonciations, peut-être même des condamnations. Il en est ainsi devant toutes les juridictions de ce monde. Celle des inquisiteurs s'est exercée dans des circonstances particulièrement difficiles, en pleine bataille, si l'on peut s'exprimer ainsi, et sous la pression violente des événements et de l'opinion.
Là où l'hérésie était puissante, il fallait lutter contre l'opinion, arrêter de force les prévenus et c'est en tenant tête ainsi aux princes et aux populations hérétiques que les juges ecclésiastiques exerçaient leurs fonctions.
Ailleurs, ils avaient pour eux les foules fanatisées contre l'hérésie et qui attendaient avec une impatience cruelle le jour où le Sermo generalis livrerait au bras séculier de nouvelles victimes, et au bûcher de nouvelles proies. C'est au milieu des cris de haine et de malédiction proférés contre les prévenus que les inquisiteurs jugeaient. Il leur était difficile dans ces conditions de garder une parfaite sérénité ; qu'ils y aient parfois manqué et qu'eux aussi se soient laissé entraîner par les passions violentes qui s'agitaient autour de leur tribunal, c'est naturel, et l'histoire le constate.
Enfin, plusieurs d'entre eux avaient passé une partie de leur vie à discuter avec l'hérésie, à la combattre; certains, tels que Robert le Bougre, inquisiteur de France, et Reynier Sacchoni, inquisiteur de Lombardie, avaient été eux-mêmes hérétiques et même Parfaits; revenus à l'orthodoxie catholique, ils avaient poursuivi leurs anciens coreligionnaires avec une haine toute particulière, que la psychologie explique si la morale la condamne. Qu'inquisiteurs ils aient montré une passion qui ne sied pas à des juges et que plusieurs fois les évêques et les papes aient dû les rappeler à la modération, c'est encore ce qui n'étonnera personne.
Ces considérations suffisent déjà pour expliquer — sans les excuser — beaucoup d'abus et de rigueurs.
Mais à côté de ces juges violents ou cruels, il y en avait un grand nombre qui, ayant sans cesse Dieu devant les yeux, habentes Deum prae oculis…
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Mais à côté de ces juges violents ou cruels, il y en avait un grand nombre qui, ayant sans cesse Dieu devant les yeux, habentes Deum prae oculis comme le disaient certaines sentences, se rendaient parfaitement compte de la gravité et des lourdes responsabilités de leur ministère. Prêtres ou moines, agissant pour la gloire de Dieu et la défense de la vérité, mus par des raisons d'ordre surnaturel, ils détestaient l'hérésie, mais étaient pleins de miséricorde pour les prévenus. Condamner un innocent leur paraissait une monstruosité et, comme le leur recommandaient les papes, ils ne prononçaient une sentence de condamnation que lorsque la culpabilité ne laissait dans leur esprit aucun doute. Ramener à l'orthodoxie un hérétique était pour eux une grande joie et, au lieu de le livrer au bras séculier et à une mort qui coupait court à tout espoir de conversion, ils aimaient mieux user de pénitences canoniques et de pénalités temporaires, permettant au coupable de s'amender.
Ces sentiments sont souvent exprimés dans les manuels des inquisiteurs et nous permettent d'apprécier la bonne foi, la conscience, la droiture et même la charité de plusieurs d'entre eux.
BERNARD GUI a passé, dans son temps, pour un inquisiteur sévère, et cependant quel beau portrait il trace de l'inquisiteur tel qu'il le comprend et tel évidemment qu'il s'efforça de le réaliser lui-même! « Il doit être, dit-il dans sa Practica, diligent et fervent dans son zèle pour la vérité religieuse, pour le salut des âmes et pour l'extirpation de l'hérésie. Parmi les difficultés et les incidents contraires, il doit rester calme, ne jamais céder à la colère ni à l'indignation. Il doit être intrépide, braver le danger jusqu’à la mort, mais tout en ne reculant pas devant le péril, ne point le précipiter par une audace irréfléchie. Il doit être insensible aux prières et aux avances de ceux qui essaient de le gagner ; cependant il ne doit pas endurcir son cœur au point de refuser des délais ou des adoucissements de peine suivant les circonstances et les lieux... Dans les questions douteuses, il doit être circonspect, ne pas donner facilement créance à ce qui paraît probable et souvent n'est pas vrai; il ne doit pas non plus rejeter obstinément l'opinion contraire; car ce qui paraît improbable finit souvent par être la vérité. Il doit écouter discuter et examiner avec tout son zèle, afin d'arriver patiemment à la lumière... Que l'amour de la vérité et la pitié, qui doivent toujours résider dans le cœur d'un juge, brillent dans ses regards, afin que ses décisions ne puissent jamais paraître dictées par la convoitise et la cruauté. » (BERNARD GUI, Practica, VIe partie, éd. DOUAIS, pp. 232-233 ; trad. VACANDARD, op. cit., p. 156.)
Ces conseils sont ceux de la sagesse même et indiquent un sens délicat de la justice; magistrats et historiens peuvent en tout temps les prendre pour règle de leurs jugements. Dans son Directorium (IIIe partie, quest. 1, De conditione inquisitoris), EYMERIC trace de l'inquisiteur le même portrait que Bernard Gui.
Les papes multiplièrent les précautions pour que cet idéal fût poursuivi le plus possible et ils entourèrent de garanties la nomination des inquisiteurs…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
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Les papes multiplièrent les précautions pour que cet idéal fût poursuivi le plus possible et ils entourèrent de garanties la nomination des inquisiteurs.
Garanties d'âge : confirmant des décisions déjà prises par ses prédécesseurs et en faisant une décrétale, CLÉMENT V, au concile de Vienne, décida que nul ne pourrait exercer les fonctions inquisitoriales avant l'âge de quarante ans (Clementin., V, III, 2).
Garanties d'intelligence et d'honorabilité : ALEXANDRE IV (1255), URBAIN IV (1262), CLÉMENT IV (1265), GRÉGOIRE X (1273), NICOLAS IV (1290) ont insisté sur les qualités d'esprit, la pureté des mœurs, l'honnêteté scrupuleuse que l'on devait exiger de ces juges redoutables (POTTHAST, 16132, 16611, 18387, 18368, 19372, 19924, 20720, 20724, 23297, 23298).
Garanties de science : EYMERIC déclare que la connaissance approfondie de la théologie et du droit canon était exigée des inquisiteurs (EYMERIC, IIIe part., quest. I), et M. DE CAUZONS, cependant fort sévère à leur endroit, reconnaît que « généralement ils furent de fait, sous ce rapport, des hommes remarquables » (Histoire de l'Inquisition, II, p. 61).
La manière dont ils exerçaient leurs fonctions était sans cesse contrôlée. Ils demeuraient en effet sous l'autorité du pape et le Saint-Siège intervint parfois pour modérer leur zèle et punir leur excès (EYMERIC, IIIe part., quest. 9).
INNOCENT IV, le 13 janvier 1246, et ALEXANDRE IV, le 13 mai 1256, ordonnèrent aux provinciaux et aux généraux des Dominicains et des Mineurs de déposer les inquisiteurs de leurs ordres qui, par leur cruauté, soulèveraient l'opinion publique (POTTHAST, 11993 ; DOAT, XXXI, 193). Au concile de Vienne, CLÉMENT V frappa d'une sentence d'excommunication, ne pouvant être levée qu'à l'article de la mort, sous réserve de la réparation du dommage, l'inquisiteur qui aurait profité de ses fonctions pour faire des gains illicites et extorquer aux accusés des sommes d'argent (ne, pretexta officii inquisitionis, quibusvis modis illicitis ab aliquibus pecuniam extorqueant (Clementin., V, III, 2). Dans ces cas, comme dans tous ceux de faute grave, les inquisiteurs étaient révoqués soit par leurs supérieurs religieux, soit par les légats apostoliques, soit directement par le Saint-Siège (DOUAIS, Documents, p. XXIV).
Enfin, les évêques avaient le devoir de signaler au pape tous les abus qui se pouvaient commettre dans la procédure inquisitoriale et de dénoncer les coupables. La même obligation était imposée à tous ceux, notarii et officiales dicti officii, nec non fratres et socii inquisitorum et commissariorum ipsorum, qui, prêtant leur concours aux inquisiteurs, étaient à tout instant témoins de leurs actes (Clement., V, III, 2).
Après avoir signalé toutes ces prescriptions, M. DE CAUZONS conclut :…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 868-869)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
Après avoir signalé toutes ces prescriptions, M. DE CAUZONS conclut : « On peut croire qu'après les années de tâtonnement et d'expériences... il resta peu d'abus personnels dans l'Inquisition, devenue, au XIVe siècle, une des machines judiciaires les mieux organisées qui fussent. » Comme le plus souvent la Clémentine de 1311 ne fait que confirmer des décisions remontant à la première moitié du XIIIe siècle, nous pouvons appliquer à l'Inquisition du XIIIe siècle l'appréciation qui est ainsi formulée sur celle du XIVe, et affirmer que si, dès le début, elle fut investie d'un pouvoir redoutable, elle fut aussi entourée des plus grandes garanties dans le choix de ses juges et du contrôle le plus minutieux dans son fonctionnement.
Les détracteurs systématiques de l'Inquisition ont insisté sur l'extension presque indéfinie de l'action inquisitoriale. Nul, disent-ils, n'était assuré d'échapper à ses poursuites : ses tribunaux et ses sentences étaient une menace perpétuelle pesant sur tout être humain. Certes, nous ne nions pas le caractère redoutable de l'Inquisition et l'étendue de sa juridiction, mais encore devons-nous nous garder soigneusement, sur cette question, de toute exagération.
Lorsque l'Inquisition fut organisée, dans la première moitié du XIIIe siècle, elle eut pour mission de combattre les différentes sectes qui provenaient du Manichéisme : elle étendit son action aux autres hérésies qui eurent, comme celle des Vaudois, des affinités avec elles; enfin, elle frappa non seulement ceux qui prêchaient et pratiquaient ouvertement ces doctrines antichrétiennes et antisociales, mais aussi ceux qui en favorisaient la diffusion, de quelque manière que ce fût.
Une première remarque s'impose, c'est que l'Inquisition, ne visant que les hérétiques, laissait hors de son action répressive les non-chrétiens qui, n'ayant jamais admis les dogmes du christianisme, ne pouvaient pas avoir professé à leur endroit des opinions contraires à l'orthodoxie. Dès lors, les païens et les musulmans échappaient à sa juridiction ; et si, plus tard, en Espagne par exemple, elle prononça contre eux des sentences, ce fut par une contradiction avec ses principes, que lui imposa la politique des princes, plutôt que le souci de l'orthodoxie.
Les Juifs ont bénéficié d'une plus grande tolérance encore. M. SALOMON REINACH l'a parfaitement démontré dans une conférence faite à la Société des Etudes juives, le 1er mars 1900 et publiée dans la Revue des Etudes juives de cette même année. Il cite avec raison le texte bien connu de saint THOMAS D'AQUIN : …
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 868-869)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
Il [ ndlr : M. SALOMON REINACH ] cite avec raison le texte bien connu de saint THOMAS D'AQUIN : « Les Juifs observent leurs rites, sous lesquels la vérité de la foi que nous gardons était autrefois préfigurée ; il en résulte cet avantage que nous avons le témoignage de nos ennemis, en faveur de notre foi, et que l'objet de notre croyance nous est, pour ainsi dire, représenté en image. » Pour cette raison, conclut saint Thomas, le judaïsme « mérite tolérance ». C'est une même pensée qu'exprime EYMERIC dans son Directorium : « Ritus Judeorum ab Ecclesia tolerantur quia in illis habemus testimonium fidei christianitatis. » Dès lors, dit M. Salomon Reinach, « il ne pouvait être question de contraindre les Juifs à se convertir, ni de baptiser de force leurs enfants, encore moins de les exterminer ».
Il est cependant deux cas, où l'Inquisition a eu à s'occuper du judaïsme.
En 1239, GRÉGOIRE IX lui ordonna de saisir partout les exemplaires du Talmud et de les brûler. « Tandis qu'on brûlait les chrétiens hérétiques, on se mit à brûler avec non moins de zèle les livres juifs. En 1248, il y eut deux exécutions de ce genre à Paris, l'une portant sur quatorze charretées de manuscrits, l'autre sur six... En 1267, CLÉMENT IV prescrit à l'archevêque de Tarragone de se faire livrer tous les Talmuds... En 1319, à Toulouse, BERNARD GUI en réunit deux charretées, les fait traîner à travers les rues de la ville et brûler solennellement. Le même inquisiteur somma les chrétiens, sous peine d'excommunication, de livrer les livres hébraïques qu'ils détenaient. » (S. REINACH, ibidem.)
Ainsi, au témoignage de M. Reinach, ce sont les livres et non les fidèles du judaïsme, qui ont eu à subir les rigueurs de l'Inquisition. Cet acharnement contre le Talmud s'explique d'ailleurs par les excitations qu'il renferme contre les chrétiens et les actes malhonnêtes et immoraux qu'il permet et recommande même à leur détriment. C'est la raison que donnait Grégoire IX dans la bulle par laquelle il condamnait le Talmud et le livrait à l'Inquisition. S'appuyant sur des citations de ce livre, que le rabbin ISIDORE LOEB reconnaît authentiques, traduites d'une manière « exacte, précise, très scientifique», et saisissant fort bien « le sens des passages », le pape signalait à l'indignation des chrétiens des enseignements talmudiques que toutes les lois, même nos lois « laïques » punissent. En voici quelques exemples : « Un serment ou un vœu peuvent être annulés par la permission de trois personnes ou d'un seul docteur... Un serment ou un vœu faits dans l'année sont nuls si, au commencement de l'année, on a pris la précaution de dire : Je veux que tous les serments et vœux que je ferai dans l'année soient nuls et non avenus... On peut et on doit tuer le meilleur des goyim (non-Juifs). Un goy (non-Juif) qui se repose le samedi mérite la mort. Un goy qui s'occupe de l'étude de la loi mérite la mort. L'argent des goyim est dévolu aux Juifs, donc il est permis de les voler ou de les tromper... Il est défendu de rendre à un goy un objet qu'il a perdu. » (Isidore LOEB, La controverse sur le Talmud sous saint Louis, p. 8.)
Pour défendre le Talmud, qu'il déclare « un des monuments les plus curieux de la pensée humaine » et « un livre profondément religieux », M. le rabbin Loeb nous affirme que ces passages vraiment immoraux contre les goyim ne visaient que les païens du temps d'Adrien; mais le fait qu'au XIIIe siècle le Talmud était enseigné dans toutes les écoles juives, que ses exemplaires étaient répandus tellement à profusion dans le monde juif que l'Inquisition ne put les épuiser, nous prouve que ses prescriptions et ses conseils étaient observés aussi au XIIIe siècle et que le pape, les princes chrétiens et les fidèles avaient bien raison de faire réprimer ces excitations au vol, au pillage et à la haine des chrétiens. On trouvera même qu'en se contentant de punir le livre, l'Inquisition se montra bien douce; de nos jours, ceux qui excitent au pillage répondent personnellement devant les tribunaux de leurs odieuses doctrines.
II est un second cas où l'Inquisition eut à s'occuper des Juifs…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 870)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
II est un second cas où l'Inquisition eut à s'occuper des Juifs. Elle voulut préserver de leur lente infiltration la pureté du christianisme et, pour cela, elle poursuivit les faux convertis qui n'adoptaient la forme extérieure du christianisme que pour mieux dissimuler leur origine et leur qualité. En un temps où l'ordre social était établi sur la distinction des races et des religions, et où juifs et chrétiens avaient leur statut particulier et leurs privilèges propres, on comprend que l'Inquisition, agissant dans l'intérêt de la société autant que dans celui de l'Eglise, ait poursuivi les Juifs hypocritement convertis an christianisme, tandis qu'elle respectait, d'une part, les Juifs qui restaient fidèles à leur religion et, d'autre part, ceux qui, sans arrière-pensée, recevaient le baptême.
« L'Eglise, dit fort bien M. REINACH ne défendait pas aux Juifs d'être juifs; mais elle interdisait aux chrétiens de judaïser et aux Juifs de les pousser dans cette voie. » (Ibid.) Ce fut l'Inquisition d'Espagne qui, au XVe et au XVIe siècle, organisa les persécutions antisémites; mais ce fut pour des raisons politiques, sous la pression des souverains, plutôt que pour des raisons religieuses et sous l'impulsion du catholicisme; de sorte que les Juifs, dit M. Reinach, « eurent d'autant plus à souffrir de l'Inquisition qu'elle s'écarta davantage de son objet propre et du rôle que lui avait tracé l'Eglise ».
En un mot, l'Inquisition religieuse du Moyen Age a respecté les Juifs quand eux-mêmes respectaient les chrétiens ; l'Inquisition politique de la Renaissance les a poursuivis et durement condamnés.
Limitant leur action répressive à l'hérésie, les inquisiteurs ne punissaient pas tous les hérétiques. « Le rejet des définitions ecclésiastiques, s'il reste interne strictement, ne relève, en cas de culpabilité, que de la justice divine; car les actes purement internes échappent forcément à toute coercition humaine. Aussi très sagement, l'adage scolastique disait: Ecclesia de internis non judicat. Restée interne, l'hérésie n'aurait pas ému la société ecclésiastique du Moyen Age. La cause de son émotion d'abord, ensuite des mesures de répression qu'elle crut devoir prendre, fut la manifestation de l'hérésie interne par des discussions ou des controverses publiques, surtout par des groupements de sectaires annonçant ouvertement leur intention de transformer la société, d'abolir ou du moins de réformer l'Eglise de fond en comble. » (DE CAUZONS, Histoire de l'Inquisition en France, II, p. 134.)
On ne saurait mieux définir la position de l'Inquisition en face de l'hérésie; elle respecta les opinions individuelles, personnelles; elle ne les punit que lorsque, passant de la spéculation à l'action, elles menacèrent l'ordre social et religieux; elle ne poursuivit que les hérétiques manifestes.
S'il en est ainsi, pourquoi l'Église a-t-elle ordonné la recherche, l'inquisitio d'hérétiques manifestes?...
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 870-871)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
S'il en est ainsi, pourquoi l'Église a-t-elle ordonné la recherche, l'inquisitio d'hérétiques manifestes? S'ils étaient manifestes, était-il besoin de les rechercher, et si on les a recherchés, souvent au prix de mille difficultés, n'est-ce pas la preuve qu'ils n'étaient pas manifestes, et que par conséquent les affirmations que nous venons d'énoncer vont à rencontre des faits ?
L'objection vaudrait s'il y avait eu une distinction bien tranchée entre les hérétiques manifestes et les autres. Mais, à dater du jour où l'Inquisition fonctionna régulièrement, il se forma une troisième catégorie d'hérétiques, bientôt la plus nombreuse. Elle comprenait ceux qui faisaient acte d'hérétiques, mais en cachette, ils se livraient à leur propagande antichrétienne et antisociale, ils recrutaient des adhérents, préparaient des complots contre l'orthodoxie, mais dans le mystère des bois et de la nuit, dans le secret de réunions occultes. Ils étaient hérétiques manifestes ; car ils manifestaient leur hérésie par des actes chaque fois qu'ils en avaient l'occasion; mais le plus souvent, ils dissimulaient ces manifestations par crainte de poursuites et ainsi, tout en étant des hérétiques manifestes, ils devaient être recherchés et convaincus lorsqu'ils niaient les faits relevés contre eux.
Ainsi reste vraie la distinction établie par M. de Cauzons à la suite de la plupart des historiens de l'Inquisition : la pensée hérétique restait libre; mais la manifestation de l'hérésie dans le domaine religieux et social était punie, parce qu'elle constituait un danger public.
On s'est élevé avec indignation contre l'Inquisition parce qu'elle refusait de livrer les noms des dénonciateurs et des témoins à charge, et de les confronter avec l'accusé. « L'accusé, écrit LEA, était jugé sur des pièces qu'il n'avait pas vues, émanant de témoins dont il ignorait l'existence... L'inquisiteur pouvait se permettre sans scrupule tout ce qui lui semblait conforme aux intérêts de la foi. » (Histoire de l'Inquisition, I, p. 495. Voir aussi l'indignation de M. CH. V. LANGLOIS, dans L'Inquisition d'après des travaux récents.)
« Cette coutume, observe avec raison M. DE CAUZONS, n'avait pas été imaginée pour entraver la défense des prévenus; elle était née des circonstances spéciales où l'Inquisition s'était fondée. Les témoins, les dénonciateurs des hérétiques avaient eu à souffrir de leurs dépositions devant les juges; beaucoup avaient disparu, poignardés ou jetés dans les ravins des montagnes par les parents, les amis, les coreligionnaires des accusés. Ce fut ce danger de représailles sanglantes qui fit imposer la loi dont nous nous occupons. Sans elle, ni dénonciateurs ni témoins n'eussent voulu risquer leur vie et déposer à ce prix devant le tribunal. »
Quand on pense aux nombreuses vendettas que les dépositions en justice amènent en Corse et en Italie, à la difficulté que les tribunaux rencontrent parfois à obtenir des dépositions de témoins oculaires refusant de parler par crainte de la vengeance des accusés, de leurs amis et de leurs parents, on s'explique, dans une certaine mesure, cette pratique de l'Inquisition; car s'il est bon de respecter les droits de la défense, il n'est ni moins bon ni moins juste de sauvegarder la sécurité des témoins dont les dépositions permettent à la justice de s'éclairer. Il y a, dans ces cas, conflit entre deux intérêts également graves; notre législation sacrifie l'un à l'autre, en livrant à la défense les noms des accusateurs et des témoins à charge; l'Inquisition a essayé de les concilier.
Ce n'était pas en effet en toute circonstance, comme semble l'indiquer l'affirmation absolue de Lea, que l'Inquisition gardait secrets les noms des dénonciateurs et des témoins :…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 871-872)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
Ce n'était pas en effet en toute circonstance, comme semble l'indiquer l'affirmation absolue de Lea, que l'Inquisition gardait secrets les noms des dénonciateurs et des témoins : c'était seulement lorsque, à le faire, il y aurait eu danger pour eux; et c'est ce que reconnaît Lea lui-même, quelques lignes plus loin. « Lorsque Boniface VIII incorpora dans le droit canonique la règle de taire les noms, il exhorta expressément les évêques et les inquisiteurs à agir à cet égard avec des intentions pures, à ne point taire les noms quand il n'y avait point de péril à les communiquer, et à les révéler si le péril venait à disparaître. En 1299, les Juifs de Rome se plaignirent à Boniface que les inquisiteurs leur dissimulaient les noms des accusateurs et des témoins. Le pape répliqua que les Juifs, bien que fort riches, étaient sans défense et ne devaient pas être exposés à l'oppression et à l'injustice résultant des procédés dont ils se plaignaient... en fin de compte, ils obtinrent ce qu'ils demandaient. » (LEA, op. cit., p. 494)
Il en était de même des confrontations; elles étaient supprimées quand il y avait, à les faire, péril pour les témoins ; on y procédait lorsque le danger n'existait pas ou avait disparu. C'est ce qui explique que, dans le procès de Bernard Délicieux, en 1319, seize témoins sur quarante furent mis en présence de l'accusé (ibid.).
Même pour les cas où il n'y avait ni confrontation des témoins ni communication de leurs noms, il est injuste de dire, avec LEA, que « l'inquisiteur pouvait se permettre sans scrupule tout ce qui lui paraissait conforme aux intérêts de la foi ».
D'abord, l'inquisiteur n'était pas seul à connaître les noms, même quand il ne les livrait pas aux accusés. Il les communiquait forcément aux notaires, aux assesseurs, en un mot, à tous les auxiliaires qui avaient le devoir de contrôler les actes de l'inquisiteur et de les dénoncer, s'ils étaient coupables ou irréguliers, au pape, aux évêques, aux dignitaires des ordres mendiants.
Dans sa bulle Licet ex omnibus, du 16 mars 1261, Urbain IV faisait un devoir de donner ces noms à un certain nombre de personnes qui devaient assister le juge dans la procédure et le jugement : ipsorum nomina non publice sed secrete, coram aliquibus personis providis et honestis, religiosis et aliis ad hoc vocatis, de quorum consilio ad sententiam vel condemnationem procedi volumus, exprimentur (Corpus juris canonici; Sexte, V, II 20). Ces personnes honnêtes et discrètes formaient une sorte de jury qui appréciait la valeur des témoins et de leurs témoignages; leur appréciation suppléait, dans une certaine mesure, au contrôle de la publicité.
Enfin, Mgr DOUAIS fait remarquer, d'après les documents qu'il a lui-même publiés, « que le prévenu était invité à faire connaître s'il avait des ennemis mortels; si oui, il devait le prouver, dire pourquoi et les désigner par leur nom; ils étaient aussitôt récusés et écartés de la cause » par l'inquisiteur ou « les personnes honnêtes et discrètes » qui l'assistaient (L'Inquisition, p. 178).
Afin d'enlever aux témoins la tentation de profiter du mystère où on les tenait pour charger des innocents, de graves pénalités frappaient les fausses dépositions. « Quand on démasquait un faux témoin, dit LEA, on le traitait avec autant de sévérité qu'un hérétique. » Après toutes sortes de cérémonies humiliantes, « il était généralement jeté en prison pour le reste de sa vie... Les quatre faussaires de Narbonne, en 1328, furent considérés comme particulièrement coupables parce qu'ils avaient été subornés par des ennemis personnels de l'accusé; on les condamna à l'emprisonnement perpétuel, au pain et à l'eau, avec des chaînes aux mains et aux pieds. L'assemblée d'experts tenue à Pamiers, lors de l'auto de janvier 1329, décida que les faux témoins devraient non seulement subir la prison, mais réparer les dommages qu'ils avaient fait subir aux accusés » (LEA, op. cit., I, p. 499).
Pour ameuter contre l'Inquisition les fureurs de l'opinion publique, on a insisté de toutes manières sur la torture qu'elle infligeait aux prévenus…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 872-873)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
Pour ameuter contre l'Inquisition les fureurs de l'opinion publique, on a insisté de toutes manières sur la torture qu'elle infligeait aux prévenus ; les romanciers, les historiens anticléricaux, les artistes eux-mêmes nous ont montré les bourreaux s'acharnant avec des raffinements de cruauté contre les malheureux prévenus, sous les regards haineux de prêtres et de moines. Il faut nous garder à ce sujet de toute exagération, et pour cela, il nous suffit de laisser parler les textes.
Il est certain que la procédure inquisitoriale a fait appel à la torture pour arracher des aveux aux accusés. Elle fut ordonnée par la bulle Ad extirpanda du pape INNOCENT IV, en date du 15 mai 1252. « Le podestat ou le recteur de la cité, disait-elle, sera tenu de contraindre les hérétiques qu'il aura capturés à faire des aveux et à dénoncer leurs complices sans toutefois leur faire perdre un membre ou mettre leur vie en danger. » (Bullarum amplissima collectio, III, p. 326.) Cette constitution promulguant plusieurs règles de l'Inquisition en Romagne, Lombardie et dans la Marche de Trévise, fut confirmée par ALEXANDRE IV, le 30 novembre 1259, et CLÉMENT IV, le 3 novembre 1260 (POTTHAST, 17714 et 19433). Les inquisiteurs, d'ailleurs, n'avaient pas attendu ces décisions pontificales pour faire usage de la torture, puisque nous en avons des exemples dans le midi de la France dès 1243 (DOUAIS, Documents, p. CCXL).
L'emploi de la torture dans les procès d'hérésie est d'autant plus étonnant que jusqu'alors l'Eglise s'était efforcée de faire disparaître de toute procédure criminelle cet usage barbare.
Dès le IXe siècle, le pape NICOLAS Ier, répondant à une consultation des Bulgares, avait réprouvé ce moyen cruel d'enquête (LABBE, Concilia, VIII, 544) qui, disait-il, « n'était admis ni par les lois divines ni par les lois humaines; car l'aveu doit être spontané et non arraché par la violence » ; et reprenant cette formule, le Décret de Gratien, code de la procédure canonique du XIIe siècle, disait : « Confessio non extorqueri debet sed potius sponte profiteri. »
Deux raisons expliquent historiquement la réapparition de la torture dans le droit canonique. Elle était déjà d'un usage courant dans les tribunaux séculiers. Avec la renaissance du droit romain, dit LEA, « les légistes commencèrent à sentir le besoin de recourir à la torture comme à un moyen expéditif d'information. Les plus anciens exemples que j'ai rencontrés se trouvent dans le Code Véronais de 1228 et les Constitutions siciliennes de Frédéric II en 1231 » (Histoire de l'Inquisition, I, p. 421).
L'Inquisition du XIIIe siècle ne fit donc qu'emprunter la torture aux juridictions laïques; elle subit sur ce point l'influence de son temps. Ce qui l'y poussa, ce fut la gravité du péril que l'hérésie faisait courir à l'Eglise et à la société, et la nécessité d'y remédier avec efficacité et rapidité. Sans prétendre le moins du monde justifier ce cruel usage, rappelons que des siècles fort civilisés, tels que le XVIIe et le XVIIIe, l'ont trouvé naturel, et qu'il a fallu arriver jusqu'à Louis XVI pour le voir enfin disparaître de nos lois françaises.
A la décharge de l'Inquisition il faut dire qu'elle…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 873-874)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
A la décharge de l'Inquisition il faut dire qu'elle employa la torture, non pas avec cette cruauté raffinée que lui prêtent ses adversaires, mais avec les plus grandes précautions et dans des cas tout à fait exceptionnels. Les papes répétèrent à plusieurs reprises que la torture ne serait jamais poussée jusqu'à la perte d'un membre et encore moins jusqu’à la mort, citra membri diminutionem et mortis periculum, et ainsi ils fixaient une limite à ses rigueurs.
D'autre part, les manuels des inquisiteurs faisaient tous remarquer que la question ne devait être infligée que dans des cas fort graves et lorsque les présomptions de culpabilité étaient déjà fort sérieuses.
« D'une manière générale, pour mettre quelqu'un à la torture, il était nécessaire d'avoir déjà sur son crime ce qu'on appelait une demi-preuve, par exemple deux indices sérieux, deux indices véhéments, selon le langage inquisitorial, comme la déposition d'un témoin grave, d'une part, et, d'autre part, la mauvaise réputation, les mauvaises mœurs ou encore les tentatives de fuite (DE CAUZONS, op. cit., II, p. 237, d'après le Directorium d'EYMERIC). Elle n'était infligée que lorsque tous les autres moyens d'investigation étaient épuisés.
Enfin on ne laissait pas à l'arbitraire de l'inquisiteur, excité peut-être par la recherche de la vérité, le soin de l'ordonner. Le concile de Vienne de 1311 décida qu'un jugement devrait intervenir pour cela et que l'évêque diocésain participerait à la sentence qui serait rendue dans ce cas (Clément. V, III, 1) et aurait à lui donner son consentement.
Dans ces conditions, l'Inquisition n'eut recours que fort rarement à la torture. Dans le midi de la France où elle fut si active au XIIIe et au commencement du XIVe siècle, elle l'employa si peu que les historiens ses ennemis en ont été désagréablement surpris, et ont dû supposer — sans en fournir la moindre preuve — que l'emploi de la torture était mentionné dans des registres spéciaux aujourd'hui perdus. « Il est digne de remarque, déclare LEA, que dans les fragments de procédure inquisitoriale qui nous sont parvenus, les allusions à la torture sont singulièrement rares... » Dans les six cent trente-six sentences inscrites au registre de Toulouse, de 1309, à 1323, la seule mention qui en soit faite est dans le récit d'un seul cas. Il est possible que des cas de torture aient été omis dans ces procès-verbaux; car quoi qu'en dise Mgr Douais (Documents, p. CCXL Bernard Gui parle de la question dans sa Practica, et s'il conseille d'y avoir parfois recours (talis potest questionari... ut veritas eruatur), c'est apparemment qu'il a dû lui-même s'en servir de 1309 à 1323. Mais le laconisme des documents nous est un indice fort sérieux du caractère tout à fait exceptionnel de l'emploi de la torture en Languedoc. On a fait les mêmes constatations en Provence, en France et dans les pays du Nord. Que deviennent alors les déclamations traditionnelles et les gravures sensationnelles sur les tortionnaires de l'Inquisition?
On a vivement reproché à la procédure inquisitoriale l'interdiction qui était faite aux avocats de prêter leur ministère aux hérétiques, et on en a pris prétexte pour s'apitoyer sur ces prévenus qui étaient seuls sans défense, en face d'inquisiteurs retors et de tortionnaires raffinés…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 874-875)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
On a vivement reproché à la procédure inquisitoriale l'interdiction qui était faite aux avocats de prêter leur ministère aux hérétiques, et on en a pris prétexte pour s'apitoyer sur ces prévenus qui étaient seuls sans défense, en face d'inquisiteurs retors et de tortionnaires raffinés. Là encore, une mise au point est nécessaire.
Quelles qu'aient été les raisons qui ont fait interdire aux avocats d'assister les hérétiques, nous n'hésitons pas à déclarer qu'elles constituaient une atteinte au droit sacré de la défense, et par cela même un grave abus. C'est aussi ce que l'on ne tarda pas à comprendre, et peu à peu dans la pratique, en fait sinon en droit, les avocats parurent à côté des accusés, devant les tribunaux de l'Inquisition.
C'est ce que déclare EYMERIC dans son Directorium en parlant de l'accusé : Defensiones juris sunt ei concedendae et nullatenus denegandae. Et sic concedentur sibi advocatus, probus tamen et de legalitate non suspectas, vir utriusque juris peritus et fidei zelator, et procurator pari forma (Directorium, p. 446).
Ce passage est précieux : car il nous prouve qu'au XIVe siècle, les prohibitions faites par Boniface VIII et le droit inquisitorial du XIIIe siècle aux avocats et aux procureurs (avoués), étaient tombées en désuétude et qu'ils pouvaient assister les prévenus accusés d'hérésie. Les registres de l'Inquisition nous montrent des procès où figurent des avocats.
Dans un procès fait à un moine de Saint-Polycarpe, Raymond Amiel, par Guillaume Lombard, inquisiteur délégué par le pape Benoît XII, le prévenu demanda un avocat et le juge le lui accorda ; et c'était quelques années à peine après la prohibition portée par Boniface VIII ! (DE CAUZONS, III, p. 190 note.)
Dans les comptes de procès d'Arnaud Assalhit, se trouve la mention des honoraires dus aux défenseurs de l'accusé : « Magistris Guillelmo de Pomaribus et Francisco Dorninici advocatis, pro labore et patrocinio ipsorum (DOAT, XXXIV, f° 217).
Ces textes nous prouvent qu'il ne faut pas prendre toujours à la lettre les prescriptions rigoureuses du Code et que l'équité naturelle des inquisiteurs sut souvent atténuer, dans la pratique, les articles qui heurtaient le bon sens et l'humanité.
Ils y furent entraînés par les assesseurs qui les assistaient dans tout le cours de la procédure et donnaient leur avis sur la sentence à émettre.
Une bulle d’INNOCENT IV, du 11 juillet I254, ordonnait au prieur des Dominicains de Paris, inquisiteur du Poitou et du Languedoc, de n'interroger les témoins qu'en présence de deux personnes « parce que, dit-il, pour une accusation si grave, il faut procéder avec les plus grandes précautions » ; et de ne prononcer une sentence de condamnation que sur l'avis conforme de l'évêque diocésain, ou, en son absence, de son vicaire, ut in tante animadversionis judicio, non postponenda pontificum auctoritas intercedat (DE LABORDE, Layettes du Trésor des Chartes, 111, p. 215-216).
Le nombre de ces assesseurs s'accrut dans de grandes proportions et comprit, à côté des Ordinaires, des religieux, des magistrats, des hommes de loi…
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Louis- Admin
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 875-876)Procédures de l’Inquisition.
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Le nombre de ces assesseurs s'accrut dans de grandes proportions et comprit, à côté des Ordinaires, des religieux, des magistrats, des hommes de loi. Même avant la bulle de 1254, les inquisiteurs Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre jugeaient « après avoir pris l'avis de beaucoup de prud'hommes, de prélats, et de plusieurs discrets religieux», communicato multorum prelatorum et aliorum bonorum virorum consitio.
Mgr DOUAIS cite des jugements qui ont été ainsi rendus en présence de 20, 27, 32, 45 et même 51 conseillers. Dans un procès de 1329, parmi ces 51 conseillers nous distinguons des représentants des évêques, des religieux, des docteurs et licenciés en droit civil, des jurisconsultes, le sénéchal, le juge mage, le juge ordinaire de la ville.
« La tenue de cette sorte de conseil est assez digne d'attention. D'abord le serment est déféré à chacun des membres qui le composent; ils s'inspireront de leur conscience et répondront d'après leurs propres lumières... communication leur est faite des charges qui pèsent sur le prévenu ou le coupable... les inquisiteurs font lire les aveux ou dépositions précédemment recueillis par les notaires... Puis, le conseil est appelé à délibérer sur chaque cas. Il répond au moins à deux questions : Y a-t-il faute et quelle faute? Quelle sera la peine? C'est à la majorité, ce semble, que la chose se décide. » (Mgr DOUAIS, L'Inquisition, p. 252.)
Ces conseils plus ou moins nombreux selon les circonstances et les pays, mais toujours obligatoires, étaient un vrai jury, fonctionnant à peu près comme celui de nos jours et, comme lui, se prononçant sur la culpabilité et l'application de la peine. Or, — on ne l'a pas fait remarquer suffisamment et même certains historiens, ennemis de l'Inquisition, l'ont tu de parti pris, — sur ce point la procédure inquisitoriale était beaucoup plus libérale que celle de son temps; elle a devancé les siècles et fait bénéficier ses justiciables d'une institution dont nous nous croyons redevables à la Révolution. Disons-le hautement : le jury a fonctionné sur notre sol français, comme d'ailleurs dans toute la chrétienté, cinq cents ans avant les réformes de 1789... et ce fut dans les tribunaux de l'Inquisition !
Le fonctionnement de ces conseils de jurés (consiliarii jurati) était pour les accusés d'hérésie une garantie de premier ordre.
Quand, à la suite de Lea, on parle du pouvoir arbitraire des inquisiteurs, on oublie qu'ils étaient contrôlés par ces conseillers et ces assesseurs.
Quand on se plaint du caractère secret de la procédure, on oublie que ces mêmes conseillers en suivaient les différentes phases.
Quand on se lamente sur la situation des accusés qui ne pouvaient pas connaître les noms des témoins à charge, on oublie que tous les témoignages étaient entendus et discutés par ces conseillers, et qu'avant le prononcé de la sentence on leur faisait relire les procès-verbaux des dépositions. Ils corrigeaient donc, dans une large mesure, les défauts, qui peuvent se remarquer dans la procédure inquisitoriale, ils réduisaient aux plus minimes proportions l'arbitraire des inquisiteurs, et offraient aux accusés des garanties que ne présentaient pas à leurs prévenus les juridictions civiles.
Ajoutons enfin que leur intervention devait s'exercer dans le sens de l'indulgence ; car c'est la tendance générale de tous les jurés…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 876-877)Procédures de l’Inquisition.
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Ajoutons enfin que leur intervention devait s'exercer dans le sens de l'indulgence ; car c'est la tendance générale de tous les jurés. De plus, des influences de famille, des recommandations de toutes sortes ne manquaient pas de se produire auprès de ces prud'hommes, les amenant à tempérer la sentence que le zèle de l'orthodoxie et le respect superstitieux des textes juridiques auraient pu inspirer aux inquisiteurs. En tout cas, comme le voulait Innocent IV, le fonctionnement de ces conseils constituait une précaution dont l'importance était en rapport avec celle du procès: in tam gravi crimine cum multa oportet cautela procedi.
Après cela, que devons-nous penser de ces historiens de l'Inquisition qui prétendent que, devant ce redoutable tribunal tout accusé était condamné d'avance? « Pratiquement affirme LEA, celui qui tombait entre les mains de l'Inquisition n'avait aucune chance de salut... La victime était enveloppée dans un réseau d'où elle ne pouvait échapper et chaque effort qu'elle faisait ne servait qu'à l'y impliquer davantage. » (Hist. de l'Inquisition, I, p. 507-508.) « Tous les moyens ordinaires de justification étaient à peu près interdits à l'accusé, dit de son côté M. TANON... Saint Pierre et saint Paul, s'ils avaient vécu de son temps et avaient été accusés d'hérésie, se seraient vus, affirmait Bernard Délicieux, dans l'impossibilité de se défendre, et auraient été infailliblement condamnés. » ( Histoire des tribunaux de l'Inquisition en France , p. 398-399.)
Si, au lieu de nous en tenir à cette boutade lancée par Bernard Délicieux à ses juges, nous dépouillons les nombreuses sentences de l'Inquisition qui nous ont été conservées, nous emportons une tout autre impression.
Il est faux de prétendre, comme le font MM. LEA et TANON, que, devant les inquisiteurs, tout accusé était un condamné.
En effet, dans son Directoriuum (p. 474), EYMERIC prévoit le cas où le prévenu n'est convaincu par aucun moyen de droit, et où, après examen, on reconnaît n'avoir rien contre lui. « Il est renvoyé soit par l'inquisiteur, soit par l'évêque, qui peuvent agir séparément; car on ne peut faire attendre l'innocent, qui bénéficie sans retard de la décision favorable de l'un ou de l'autre de ses deux juges. » (DOUAIS, L'Inquisition, p. 197.)
Si l'accusé a contre lui l'opinion publique, sans que toutefois on puisse prouver que sa réputation d'hérétique est méritée, il n'a qu'à produire des témoins à décharge, des compurgatores, de sa condition et de sa résidence habituelle, qui, le connaissant de longue date, viendront jurer qu'il n'est pas hérétique. Si leur nombre correspond au minimum exigé, il est acquitté (EYMERIC, Directorium, ibid.).
Même s'il y a des charges contre l'accusé, il suffit qu'elles ne soient ni graves ni péremptoires, pour que l'inquisiteur se contente de son abjuration; dans ce cas, le prévenu est soumis à des pénitences canoniques, mais non à des peines afflictives. Eymeric prévoit ainsi six cas sur treize où les accusés étaient ou bien relaxés simplement, ou bien soumis à des sanctions d'ordre purement spirituel.
Même dans les cas où les prévenus étaient reconnus coupables, par suite soit de leurs aveux, soit de l'enquête, il ne faut pas croire qu'on leur appliquât toujours les peines les plus rigoureuses et que tout condamné fût livré au bras séculier.
Mgr DOUAIS a publié le registre du greffier de l'Inquisition de Carcassonne de 1249 à 1258; sur les 278 sentences qu'il nous donne, on ne relève que fort rarement la peine de la prison; la condamnation qui revient le plus…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 876-877)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
Mgr DOUAIS a publié le registre du greffier de l'Inquisition de Carcassonne de 1249 à 1258; sur les 278 sentences qu'il nous donne, on ne relève que fort rarement la peine de la prison; la condamnation qui revient le plus souvent est le service temporaire en Terre sainte. BERNARD GUI exerça avec une certaine sévérité les fonctions d'inquisiteur à Toulouse, de 1308 à 1323, et dans dix-huit sermones generales, il prononça 930 sentences. Or voici comment se répartissent les pénalités: « 132 impositions de croix, 9 pèlerinages, 143 services en Terre sainte, 307 emprisonnements, 17 emprisonnements prononcés platoniquement contre des défunts, 42 remises au bras séculier, 3 remises théoriques de décédés, 69 exhumations, 40 sentences de contumaces, 2 expositions au pilori, 2 dégradations, 1exil, 22 destructions de maisons, 1 Talmud brûlé. Enfin 139 sentences ordonnaient l'élargissement de prisonniers. » (DOUAIS, Documents, I, CCV.)
Ce tableau nous prouve que les peines rigoureuses, telles que l'emprisonnement et la remise au bras séculier, étaient les moins fréquentes et que, d'autre part, les prisonniers n'étaient pas oubliés dans les prisons, puisqu'un juge aussi sévère que Bernard Gui en a mis en liberté 139.
C'est la même impression que nous donne l'Inquisition de Pamiers pour le comté de Foix, d'après les savantes études de M, VIDAL (Le tribunal d'Inquisition de Pamiers, Toulouse, 1906, in-8º) : « De 1318 à 1324, elle jugea 98 inculpés; deux furent renvoyés purement et simplement; tout renseignement nous fait défaut pour 21 et on peut l'expliquer en admettant qu'on ne donne pas suite aux poursuites. Sur les 75 qui restent, 35 sont condamnés à la prison, 5 remis au bras séculier. » M. VACANDARD prétend que ces 35 sentences infligeaient la prison perpétuelle; mais il oublie que cette durée indéfinie de la captivité n'est mentionnée expressément que dans 16 sentences et, d'autre part, il cite lui-même huit libérations au Sermo generalis du 4 juillet 1322 (VACANDARD, op. cit., p. 233).
La peine la plus rigoureuse infligée aux hérétiques, la peine de la mort par le bûcher, a soulevé les plus violentes diatribes contre l'Inquisition; c'est l'une des objections les plus courantes qui sont lancées par les…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 877-878)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
La peine la plus rigoureuse infligée aux hérétiques, la peine de la mort par le bûcher, a soulevé les plus violentes diatribes contre l'Inquisition; c'est l'une des objections les plus courantes qui sont lancées par les polémistes de bas étage pour aviver le fanatisme anticlérical des foules aveugles et ignorantes. L'apologiste catholique n'a pas à se dissimuler la gravité de cette difficulté et il doit la résoudre avec la plus entière bonne foi. Il estimera vaine la tentative faite par certains pour rejeter sur le pouvoir civil l'entière responsabilité de ces cruelles condamnations sous prétexte que c'est lui qui les prononçait.
Cette explication a été tentée, dès le XIIIe siècle, par un maladroit apologiste de l'Inquisition. « Notre pape, disait-il, ne tue ni n'ordonne qu'on tue personne; c'est la loi qui tue ceux que le pape permet de tuer, et ce sont eux-mêmes qui se tuent en faisant des choses pour lesquelles ils doivent être tués. » (Disputatio inter Catholicam et Paterinam haereticam, dans MARTÈNE, Thesaurus novus anecdotorum,V. col. 1741.) Sans doute, mais il faut ajouter, pour être exact, que le pouvoir civil n'était pas libre de relaxer les hérétiques qu'on lui abandonnait et qu'il était tenu de prononcer contre eux l'animadversio debita.
C'est ce que déclarait formellement, dès 1184, au concile de Vérone, le pape LUCIUS III, dans sa bulle Ad abolendam; l'hérétique livré au juge séculier devait être puni par lui : debitam recepturus pro qualitate facinoris ultionem (Décret, V, VII, 9).
Le pape INNOCENT III répétait la même chose au concile général du Latran, en 1215, damnati vero praesentibus saecularibus potestatibus aut coram ballivis relinquantur, animadversione debita puniendi. (Ibid., V, VII 13).
Dans sa fameuse bulle Ad extirpanda, INNOCENT IV disait expressément : « quand des individus auront été condamnés pour hérésie, soit par l'évêque, soit par son vicaire, soit par les inquisiteurs, et livrés au bras séculier, le podestat ou recteur de la cité devra les recevoir aussitôt et, dans les cinq jours au moins, leur appliquer les lois qui ont été portées contre eux » (cité par EYMERIC dans son Directorium).
Des sanctions ecclésiastiques fort sévères furent portées contre les magistrats civils et les princes qui montraient, dans ce cas, de la négligence ou de la mauvaise volonté. L'Inquisition savait fort bien qu'en livrant l'hérétique au bras séculier, elle le livrait à des peines qui d'abord ne furent que l'emprisonnement ou l'exil, mais qui bientôt furent la mort par le bûcher. Le raisonnement de l'apologiste qui argumentait contre le Patarin nous semble donc procéder d'une casuistique tout au moins contestable. N'ayons aucune difficulté à le reconnaître, puisque les textes nous le prouvent : l'Inquisition a endossé la responsabilité des sentences que prononçait le pouvoir civil.
Ce que l'on peut ajouter cependant, c'est que cette peine du bûcher, qui révolte notre sensibilité, n'a pas été inventée par l'Eglise, mais bien par le pouvoir civil. Ce fut l'empereur FRÉDÉRIC II, qui, dans sa constitution de 1224, édicta le premier que l'hérétique, déclaré tel par un jugement de l'autorité religieuse, devait être brûlé au nom de l'autorité civile, auctoritate nostra ignis judicio concremandus. L'Eglise, avec GRÉGOIRE IX et INNOCENT IV, se contenta de ratifier cette pénalité rigoureuse, d'origine laïque.
Après avoir ainsi déterminé la part des responsabilités, il n'est que juste de…
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Louis- Admin
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 878-879)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
Après avoir ainsi déterminé la part des responsabilités, il n'est que juste de déclarer que la peine de mort prononcée par l'intermédiaire des juges civils ne fut qu'une sanction exceptionnelle; et ceux qui nous ont montré les inquisiteurs acharnés à approvisionner le bûcher, les ont calomniés.
Sur les 75 sentences portées par le tribunal de Pamiers, de 1318 à 1324, cinq seulement livrent les hérétiques au bras séculier.
Dans les 930 sentences de Bernard Gui, nous n'en trouvons que 42 portant cette redoutable mention relicti curiae seculari, et ainsi, à Pamiers, la proportion des condamnés à mort a été de 1 sur 15, à Toulouse de 1 sur 23 (VACANDARD, op. cit., p. 236).
A ceux qui la trouveront cependant excessive, nous rappellerons que le code pénal du moyen âge était en général beaucoup plus rigoureux que le nôtre et que les inquisiteurs furent des hommes de leur temps; mais surtout, nous leur ferons remarquer (ce que trop souvent on a oublié), que l'Inquisition punissait aussi des crimes de droit commun, commis par des hérétiques ou à l'occasion des procès d'hérésie.
En 1324, à Pamiers, Pierre d'en Hugol, Pierre Peyre et plus tard Guillaume Gautier furent poursuivis et les deux derniers condamnés à la prison pour faux témoignage ; ils s'étaient prêtés à une machination ourdie par Pierre de Gaillac, notaire de Tarascon, contre son confrère Guillem Tron. Pour se venger de ce dernier, qui attirait à lui tous les clients, Gaillac avait résolu de le charger du crime d'hérésie, et Pierre d'en Hugol et Peyre lui avaient servi de faux témoins (VIDAL, le tribunal d'Inquisition de Pamiers, p. 55-56).
Guillem Agasse, chef de la léproserie de Lestang, fut condamné pour avoir empoisonné les fontaines et les puits de la ville; Arnaud de Verniolle de Pamiers et Arnaud de Berdeilhac pour avoir commis des crimes contre nature (VIDAL, ibid., pp. 127-128).
Les peines de l'Inquisition étaient souvent, dans la pratique, atténuées ou même effacées. Il ne faudrait pas croire, par exemple, que tout hérétique qui figure dans les Registres comme condamné « au mur perpétuel » ait passé en prison le reste de ses jours. On n'a pas assez relevé, à côté des sentences de condamnation qui étaient prononcées dans les sermones generales, les grâces totales ou partielles qui y étaient aussi promulguées.
Les prisonniers obtenaient des congés qu'ils allaient passer chez eux…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 879-880)Procédures de l’Inquisition.
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Les prisonniers obtenaient des congés qu'ils allaient passer chez eux. A Carcassonne, le 13 septembre 1250, l'évêque donnait à une certaine Alazaïs Sicre la permission exeundi carcerem, ubi erat immurata pro crimine heretice pravitatis, et jusqu'à la Toussaint, c'est-à-dire pendant sept semaines, d'aller où elle voudrait en toute liberté, quod possit esse extra carcerem ubicumque voluerit (DOUAIS, Documents, II, p. 132, nº 29).
Une permission de même genre était donnée, pour cinq semaines, à un certain Guillaume Sabatier, de Capendu, à l'occasion de la Pentecôte, le 9 mai 1251 (Ibid., p. 152, nº 64).
Raymond Volguier de Villar-en-Val, qui avait obtenu un congé expirant le 20 mai 1251, se le fit proroger jusqu'au 27 (Ibid., p. 153, nº 66).
Pagane, veuve de Pons Arnaud de Preixan, fut ainsi mise en vacances du 15 juin au 15 août 1251 (Ibid., 153, nº 67).
Les congés de maladie étaient de droit : l'Inquisition mettait en liberté provisoire les détenus dont les soins étaient utiles à leurs parents ou à leurs enfants, et quelquefois cette atténuation de la peine pouvait aller jusqu'à une commutation en une peine plus bénigne; c'est ce qu'avaient décidé, en 1244, l'archevêque de Narbonne, les évêques de Carcassonne, d'Elne, de Maguelonne, de Lodève, d'Agde, de Nîmes, d'Albi, de Béziers, et les abbés de Saint-Gilles, de Saint-Aphrodise de Béziers, de Saint-Benoît d'Agde : Si forte per incarcerandi absentiam evidens mortis periculum immineret liberis vel parentibus, obviare curetis periculo, provideri talibus faciendo, si potestis aliunde, aut carceris penitentiam prudenter in aliam commutetis ; oportet enim in tali articulo rigorem mansuetudine mitigari (DOAT, XXXI, 155-168).
Même les inquisiteurs les plus sévères, tels que BERNARD DE CAUX, observèrent cette prescription. En 1246, Bernard condamna à la prison perpétuelle un hérétique relaps, Bernard Sabatier, mais, dans la sentence même, il ajouta que le père du coupable étant un bon catholique vieux et malade, son fils pourrait rester auprès de lui, sa vie durant, pour le soigner (VACANDARD, L'Inquisition, p. 234).
Lorsque les détenus étaient malades eux-mêmes, ils obtenaient la permission d'aller se faire soigner hors de la prison ou dans leurs familles. Le 16 avril 1250, Bernard Raymond, clerc de Conques, était autorisé à sortir de sa cellule de Carcassonne propter infirmitatem (Docum., n° 14).
Le 9 août suivant, même permission était donnée à Bernard Mourgues de Villarzel-en-Razès, à condition qu'il rentrerait huit jours après sa guérison (Ibid., nº 22); la même faveur aux mêmes conditions était faite, le 14 mai, à Armand Brunet de Couffoulens, et le 15 août, à Arnaud Miraud de Caunes (Ibid.,nos. 24 et 25).
Le 13 mars 1253, l'emmuré Bernard Borrel était mis en liberté provisoire propter infirmitatem, et ne devait rentrer en prison que quinze jours après sa guérison (DOUAIS, op. cit., II, p. 200, n° 167).
Le 17 août suivant, Raine, femme d'Adalbert de Couffoulens, était autorisée à demeurer hors de prison quousque convaluerit de egritudine sua (Ibid., n° 179). Même permission est donnée, le 5 août 1253, à P. Bonnafou de Canecaude; le 17 août, à Guillelme Gafière de Villemoustaussou ; le 2 septembre, à P.-G. de Caillavel de Montréal (Ibid., nos. 178, 180, 181); le 15 novembre 1256, à Guillaume clerc de Labastide-Erparbairenque; le 9 septembre, à Ber. Guilabert (Documents, p. 238, nos. 252 et 253).
Le 18 novembre 1254, c'est une certaine Rixende, femme de Guillelm Hualgnier, qui obtient de sortir pour faire ses couches et de ne rentrer qu'un mois après qu'elles auront eu lieu (Ibid., nº 211). La répétition de ces cas à des intervalles fort courts et parfois le même jour prouve que nous sommes en présence, non d'exceptions, mais d'une coutume établie.
Souvent aussi, les inquisiteurs accordaient des…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 880)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
Souvent aussi, les inquisiteurs accordaient des adoucissements et des commutations de peine. Dans sa Practica (pp. 36, 39, 45-50), Bernard Gui cite des cas où la prison était remplacée par une amende.
Le 3 septembre 1252, P. Brice de Montréal obtenait de l'Inquisition de Carcassonne la commutation de sa captivité en un pèlerinage en Terre sainte (Documents, p. 193, nº 152).
Le 27 juin 1256, c'est le pèlerinage en Terre sainte qui est remplacé par une-amende de 50 sous, parce que le condamné ne pouvait pas voyager propter senectutem (Ibid., p. 237, nº 250).
Dans d'autres cas, le port de croix apparentes sur le vêtement était commué en un pèlerinage : c'est la grâce que fit l'Inquisition de Carcassonne, le 5 octobre 1251, à un grand nombre d'habitants de Preixan, de Couffoulens, de Cavanac, de Cornèze, de Leuc et de Villefloure (Ibid., p. 159). nº 81).
Malgré sa haine anticléricale, LEA reconnaît que « ce pouvoir d'atténuer les sentences était fréquemment exercé » et il en cite, à son tour, un certain nombre de cas. « En 1328, par une seule sentence, 23 prisonniers de Carcassonne furent relâchés, leur pénitence étant commuée en port de croix, pèlerinages et autres travaux. En 1329, une autre sentence de commutation, rendue à Carcassonne, remit en liberté dix pénitents, parmi lesquels la baronne de Montréal. » (Histoire de l'Inquisition, I, p. 558.)
Après avoir cité d'autres cas empruntés aux sentences de Bernard Gui, Lea fait remarquer que « cette indulgence n'était pas particulière à l'Inquisition de Toulouse ». Nous en avons trouvé de nombreuses traces dans les registres de l'Inquisition de Carcassonne et il est fort à présumer, ces tribunaux n'ayant pas un régime particulier, qu'il en était de même devant toutes les cours inquisitoriales.
Malgré la bulle d'Innocent IV, qui avait réservé au Saint-Siège la remise complète de la peine, on vit des inquisiteurs faire entièrement grâce à des condamnés. BERNARD GUI, dans sa Practica, donne même la formule usitée en pareil cas, bien qu'il recommande de ne s'en servir que rarement (Practica, p. 56). Lui-même réintégra au moins une fois un condamné dans le droit de remplir une charge publique. Une fois aussi, il rendit au fils d'un condamné, qui avait pleinement satisfait, la faculté d'occuper le consulat ou de remplir une autre fonction publique (DOUAIS, L'Inquisition, p. 227).
Ces atténuations et ces commutations de peines, n'étaient pas des actes isolés de prélats ou d'inquisiteurs particulièrement indulgents; car elles furent souvent dues à des juges sévères tels que Bernard de Caux et Bernard Gui, dont le zèle contre l'hérésie demeura longtemps légendaire. Elles étaient, plutôt la conséquence de l'idée que se faisait l'Inquisition de l'objet qu'elle devait poursuivre en réprimant l'hérésie.
Les criminalistes modernes insistent sur cette pensée généreuse, que par les sanctions sociales on doit viser avant tout l'amendement du condamné et ils font passer au second plan l'idée surannée du châtiment expiatoire…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 880-881)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
Les criminalistes modernes insistent sur cette pensée généreuse, que par les sanctions sociales on doit viser avant tout l'amendement du condamné et ils font passer au second plan l'idée surannée du châtiment expiatoire. Savent-ils qu'avant Beccaria et les philosophes du XVIIIe siècle, auxquels on attribue généralement le mérite de cette conception, l'Inquisition du Moyen Age a pensé de même?
« Elle ne punissait pas pour punir, dit Mgr DOUAIS. Elle se préoccupait de corriger, d'amender, de convertir le coupable que tout d'abord elle voyait loin du devoir.. Elle avait l'ambition de le ramener à la foi... Qu'il reconnût son erreur, qu'il y renonçât, qu'il reprît fidèlement le symbole de son baptême, c'est tout ce qu'on voulait... la pénalité devait aider ce retour... Moins rigoureuse que la justice séculière, la justice d'Eglise a toujours cherché le bien moral de celui qui comparaissait à sa barre ou qui subissait sa juridiction. » (DOUAIS, L'Inquisition, pp. 224-225.)
C'est ce qui explique qu'elle ait donné des pénitences d'ordre spirituel pouvant incliner le condamné vers la piété, qu'elle ait atténué les peines plus graves quand elle trouvait en lui des indices d'un amendement moral, et qu'elle ait abandonné au bras séculier, c'est-à-dire à la mort, les relaps qui, étant retournés à leurs erreurs, faisaient douter à jamais de leur conversion et de leur sincérité. Les adoucissements, les commutations et les remises de peines proviennent donc du principe de l'Inquisition même, et non du caractère particulier de tel de ses juges.
Tous les inquisiteurs, sans doute, n'eurent pas assez d'élévation d'esprit ou de modération de caractère pour conformer à cet idéal tous leurs actes, et il y en eut qui poursuivirent cruellement l'hérésie, donnant libre cours à leur cupidité ou à leur haine contre ses adhérents, se livrant à des excès que tout homme doit réprouver. C'est ce qui a permis à LEA d'agrémenter son Histoire de l'Inquisition de sous-titres tendancieux tels que ceux-ci : Insolence des inquisiteurs ; Conseils infâmes des inquisiteurs ; Cruauté des inquisiteurs ; Extorsions des inquisiteurs ; Avidité des inquisiteurs ; Goût du pillage, etc.
Mais Lea, et après lui ses nombreux disciples et imitateurs, n'ont pas dit ou ont dit d'une manière insuffisante que le Saint-Siège a continuellement surveillé le fonctionnement de l'Inquisition et en a souvent réprimé les abus. Les excès qu'ils décrivent et qui, en effet, sont coupables, ont été le plus souvent blâmés et punis par les papes, les légats et les évêques; et à maintes reprises, des conseils de modération ont été envoyés par les Souverains Pontifes et inscrits par eux dans les décrétales.
C'est l'une des pensées qui a inspiré à CLÉMENT V, la décrétale sur l'Inquisition qu'il promulgua au concile de Vienne et que JEAN XXII fit insérer dans les Clémentines du Corpus juris canonici.
Dès les débuts de l'Inquisition dominicaine (1234), le comte de Toulouse, Raymond VII, dénonça ses excès à Grégoire IX et celui-ci aussitôt manda à l'archevêque de Vienne, son légat, de les réprimer…
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Re: Inquisition au Moyen-Âge.
INQUISITION du Moyen-Âge.(col. 881-882)Procédures de l’Inquisition.
(suite)
Dès les débuts de l'Inquisition dominicaine (1234), le comte de Toulouse, Raymond VII, dénonça ses excès à Grégoire IX et celui-ci aussitôt manda à l'archevêque de Vienne, son légat, de les réprimer. Il lui donnait, le 18 novembre 1234, des conseils de sagesse, de prudence et de modération, qu'il adressait en même temps aux évêques de Toulouse, d'Albi, de Rodez, d'Agen et de Cahors. Il leur recommandait instamment « la pureté d'intention », la « vertu de discrétion ». Il s'élevait même contre l'admission de témoignages secrets non communiqués à l'accusé et le refus de leur accorder le secours d'avocats, ce qui, ajoutait-il, risquait de faire condamner des innocents. « Quidam ad inquirendum super dicto crimine procedentes, juris ordine praetermisso, testes super hoc recipiunt in occulto et, nominibus vel dictis testificantium minime publicatis, oninem defensionis copiam et advocatorum suffragium eis contra quos inquiritur, pro sua subtrahunt voluntate. Il leur ordonnait enfin de cesser toute poursuite pour hérésie contre ceux qui, pendant la croisade des Albigeois, avaient combattu pour Raymond VII (AUVRAY, Registres de Grégoire IX, n° 2218).
La modération et l'esprit de justice dont témoigne cette lettre nous inclinent à penser que GRÉGOIRE IX ignorait alors les actes de cruauté dont se rendait coupable, dans ces mêmes années, l'inquisiteur de France, Robert le Bougre, qu'il félicitait de son zèle et qu'il recommandait lui-même aux archevêques de Sens et de Reims, et au prieur provincial des Dominicains (Bullarium ordinis Praedicatorum, I, nos. 70, 137). Lorsqu'il en fut avisé, il ordonna une enquête sur la cconduite de l'inquisiteur et quand elle eut révélé ses procédés violents et injustes, non seulement il le révoqua de ses fonctions, mais encore il le condamna à la détention perpétuelle. C'est ce que nous rapporte le chroniqueur contemporain MATHIEU PARIS. Tandem vero, Robertus abutens potestate sibi concessa et fines modestiae transpediens et justitiae, elatus, potens et formidabilis, bonos cum malis confundens involvit et insontes et simplices punivit. Auctoritate igitur papali jussus est praecise ne amplius in illo officio fulminando desaeviret. Qui postea, manifestius clarescentibus culpis suis, quas melius aestimo reticere quam explicare, adjudicatus est perpetuo carceri mancipari (Mathaei Parisiensis, monachi Albanensis Angli, historia major, éd. Londres, 1640, p. 482. Cf. aussi RAYNALDI, Annales ecclesiastici, XIII, p. 471).
GRÉGOIRE IX usait de la même modération en Espagne : il recommandait une indulgente équité, en février 1237, au roi d'Aragon Jayme et à l'évêque d'Elne. Se trouvant en effet en conflit pour des dîmes et des terres avec Robert, comte de Roussillon, ce prélat avait accusé ce seigneur d'être le chef des hérétiques de la région et de leur donner asile dans ses châteaux; LEA reconnaît lui-même que « ces accusations étaient vraisemblablement fondées » (Hlist. de l'Inquisition, II, 194). Jayme fit arrêter Robert et commencer contre lui un procès; mais Grégoire IX arrêta la procédure et ce fut en vain que l'évêque d'Elne fit le voyage de Rome pour lui faire révoquer sa décision (LLORENTE, Hist. de l'Inquisition, III, I, 5). La même année, en Italie, Grégoire IX recommandait la douceur envers les hérétiques que Frédéric II poursuivait avec la plus grande cruauté. On allait même jusqu'à dire en Allemagne que le pape « s'était laissé corrompre par l'or des ennemis de la foi ». LEA donne aucune créance à cette calomnie, mais il explique cette indulgence du pape par son antagonisme contre Frédéric II « et le désir de servir ainsi, en Lombardie, les intérêts de la politique pontificale » (LEA, op. cit., II, p. 247). C'est encore là une explication malveillante que rien ne justifie. L'attitude de Grégoire IX envers les hérétiques d'Italie était conforme à celle qu'il avait adoptée envers ceux de Languedoc, de France et d'Aragon ; elle était inspirée par le désir de concilier, avec les nécessités de la répression, la justice et la charité.
INNOCENT IV (1243-1254) suivit la même ligne de conduite à l'égard de l'Inquisition…
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