Saint-Office et Inquisition.
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ II. Institution et organisation de l'Inquisition espagnole.Torquemada.[suite](col. 1097-1098)
De son côté, Torquemada divisa l'Espagne en plusieurs circonscriptions inquisitoriales, ayant pour chefs-lieux Valladolid, Séville, Tolède, Jaen, et Avila ; il rendait caduque l'organisation de l'ancienne Inquisition. (MORTIER, IV, p. 582). Enfin il fit rédiger par ses deux assesseurs le règlement qui définissait la procédure et le fonctionnement de la nouvelle Inquisition. Dans son Histoire, LLORENTE déclare avoir eu en mains ce document, en sa qualité de secrétaire de l'Inquisition ; et il en donne un résumé, article par article (tome I, pp. 175-185) (1).
Ce règlement s'inspirait des Directoires qu'avaient rédigés certains inquisiteurs du Moyen Age, et en particulier de celui de Nicolas Eymeric (Voir notre article INQUISITION dans ce Dictionnaire), mais en les aggravant. Il définissait le temps de grâce et la publication qui devait en être faite, la manière de recevoir les confessions volontaires et de réconcilier ceux qui les faisaient; la manière de recevoir les dénonciations, de discuter les témoignages et de vérifier la sincérité des aveux ; l'usage de la torture pendant l'instruction; les peines, qui étaient de simples pénitences canoniques, le port de certains costumes, la confiscation, la prison même perpétuelle, enfin l'abandon au bras séculier, c'est-à-dire la mort sur le bûcher.
Nous ne retrouvons pas dans ce règlement un certain nombre de mesures édictées par les Directoires du Moyen Age en faveur des accusés, par exemple l'adjonction au tribunal de prud'hommes, formant jury, d'après la formule communicato bonorum virorum consilio. (Voir article INQUISITION). Ce règlement fut publié sous le nom d'Instructions dans une junte qui se tint à Séville le 29 octobre 1484. Il comprenait 28 articles, auxquels on en ajouta 11 en 1490 et 15 en 1498 : ce fut le code du Saint-Office (1).
Ainsi établie, l'Inquisition espagnole se montra, dès ses débuts, dure et même cruelle.
Ce caractère lui fut imprimé tout d'abord par Torquemada lui-même, qui semble avoir été, auprès des souverains catholiques, l'inspirateur de toute cette politique de répression violente. C'était un homme d'une austérité à toute épreuve; confesseur, pendant de nombreuses années, de Ferdinand et d'Isabelle, il ne leur avait demandé ni dignité ecclésiastique, ni fortune, restant prieur de son couvent de Ségovie pendant vingt-deux ans. « Un religieux, disait-il, ne doit être rien ou pape. » Quoique fort instruit, après de fortes études, il ne voulut pas être maître en théologie. Ce ne furent donc ni la cupidité, ni l'ambition qui le guidèrent ; mais un amour passionné de la vérité catholique et de sa patrie, dont la sécurité lui semblait compromise par les faux chrétiens. « Rude à lui-même, il fut rude pour les autres. » (MORTIER, IV, 581).
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(1). Il a été publié par REUSS, Sammlung der Instructiones des spanischen lnquisitionsgerichts; Hanovre, 1788.
A suivre : § III. L'Inquisition contre les Juifs et les Morisques.
Dernière édition par Louis le Jeu 13 Sep 2018, 9:12 am, édité 1 fois
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office(col. 1098)
§ III. L'Inquisition contre les Juifs et les Morisques. — Ce qui accrut les rigueurs de l'Inquisition, ce fut la résistance qu'elle rencontra. Le parti auquel elle s'attaqua, celui des faux chrétiens, juifs faisant figure de chrétiens ou chrétiens fils de juifs, avait dans les royaumes espagnols une influence politique et sociale considérable, occupant en grand nombre les hautes situations dans le monde des affaires et même dans les conseils du gouvernement. Menacés directement par le Saint-Office, ils ameutèrent contre lui tous les milieux où s'exerçait leur action. A la cour, ils firent agir un des leurs, Don Abraham senior, qui avait prêté de fortes sommes d'argent à Isabelle de Castille, pour sa guerre contre les Maures, et avait été nommé par elle administrateur de ses finances et grand rabbin de toutes les communautés espagnoles (GRAETZ, Histoire des Juifs, IV p. 399). Mais, en montrant ainsi l'intérêt qu'il portait aux judéo-chrétiens, Abraham, en fait, les dénonçait, puisque, ne les considérant pas comme apostats, il les reconnaissait vrais juifs sous leur apparence chrétienne. Aussi ses démarches furent-elles sans effet.
Lorsque, aux Cortès convoquées, en avril 1484, à Tarragone, le roi Ferdinand promulgua l'extension à tout l'Aragon de la juridiction de l'Inquisition, et ordonna à tous ses fonctionnaires et en particulier au justiza de lui prêter main-forte, il rencontra une vive opposition.
« C'est que, dit LLORENTE (I, p. 187), les principaux employés de la cour d'Aragon étaient des fils des nouveaux chrétiens : de ce nombre étaient Louis Gonzalez, secrétaire du roi pour les affaires du royaume ; Philippe de Clemente, protonotaire ; Alphonse de la Caballeria, vice-chancelier; et Gabriel Sanchez, grand trésorier, qui tous accompagnaient le roi et descendaient d'Israélites condamnés, en leur temps, par l'Inquisition. Ces hommes et beaucoup d'autres qui possédaient des charges considérables à la Cour, eurent des filles, des sœurs, des nièces et des cousines qui devinrent les femmes des premiers nobles du royaume... Ils profitèrent de l'avantage que leur offrait leur influence pour engager les représentants de la nation à réclamer auprès du pape et du roi contre l'introduction du nouveau code inquisitorial. »
Ces faits, rapportés par l'un des plus farouches adversaires de l'Inquisition, nous prouvent combien la cour et la société espagnole étaient « enjuivées » et nous font comprendre l'effort que fit, par l'Inquisition, le nationalisme espagnol, pour combattre cette invasion par infiltration, devenue un danger national.
Ajoutons que ce parti judéo-chrétien pouvait compter sur le propre neveu du roi, Jacques de Navarre…
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Louis- Admin
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ III. L'Inquisition contre les Juifs et les Morisques.(SUITE)(col. 1098-1099)
Ajoutons que ce parti judéo-chrétien pouvait compter sur le propre neveu du roi, Jacques de Navarre.
N'ayant pas réussi dans ses démarches, il eut recours au terrorisme pour paralyser, par la peur, l'Inquisition et surtout les agents du pouvoir qui devaient lui prêter leur concours. Sous la direction du grand trésorier de la couronne d'Aragon, Gabriel Sanchez, avec l'aide de fonctionnaires qui avaient fait serment d'aider l'Inquisition, ils organisèrent un complot pour mettre à mort Pierre Arbuès, chanoine de Saragosse, que Torquemada venait de nommer grand inquisiteur d'Aragon, à la demande du roi Ferdinand. Ils réunirent de fortes sommes d'argent que fournirent de riches juifs de Saragosse, Tarragone, Calatayud, Huesca et Barbastro, et chargèrent de l'exécution Jean de la Abadia, noble Aragonais descendant de juifs par les femmes. Celui-ci soudoya plusieurs conjurés, Jean d'Esperaindeo, Vidal d'Uranso, Mathieu Ram, Tristan de Leonis, Antoine Grau et Bernard Leofante.
Celui qu'ils visaient, l'inquisiteur Pierre Arbuès, rassemblait moralement à Torquemada ; austère dans sa vie, pieux, d'une vertu au-dessus de tout éloge et d'un zèle très grand pour l'orthodoxie, il s'était montré très rigoureux pour les judéo-chrétiens et en avait envoyé plusieurs au supplice. Prévenu du complot qui se tramait contre lui, il méprisa cet avertissement, souhaitant presque une mort qui ferait de lui un confesseur de la foi et un martyr. Dans la nuit du 15 septembre 1485, tandis qu'il chantait à genoux, devant l'autel majeur de la cathédrale, l'invitatoire de Matines, il fut frappé par plusieurs conjurés et mourut, deux jours après, de ses blessures. (LLORENTE I, pp. 190 et suiv; GRAETZ, IV, pp. 404 et suiv.; BOLLANDISTES, 15 septembre, vie du bienheureux Pierre Arbuès).
Commis en de pareilles circonstances, ce meurtre détermina, dans toute la ville, une grande effervescence du peuple qui approuvait l'Inquisition ; et l'archevêque de Saragosse, Alphonse d'Aragon, jeune fils du roi, dut parcourir à cheval la cité pour la calmer en promettant le châtiment des coupables. En constatant que cet assassinat était l'effet d'un complot dont les ramifications s'étendaient à plusieurs villes et jusqu'à l'entourage immédiat des souverains, Ferdinand estima la situation très grave, surtout lorsqu'il lui fut prouvé que les conjurés avaient trouvé asile auprès de son propre neveu, le prince Jacques de Navarre. C'est ce qui explique la rigueur de la répression ; plus de 300 personnes, au dire de l'historien juif GRAETZ, furent condamnées à divers supplices, dont plusieurs, il est vrai, ne furent exécutées qu'en effigie; l'infant de Navarre lui-même fut emprisonné et soumis à une pénitence publique, avant d'être mis en liberté.
Cette répression ne réussit pas à rétablir l'ordre. Marranes et juifs riches, soutenus par les seigneurs qu'ils tenaient par l'argent, provoquèrent une succession de révoltes à Téruel, où, nous dit Llorente, « il fallut toute la fermeté du roi pour les apaiser » ; à Valence, où la noblesse fit cause commune avec les Juifs, à Lérida, à Barcelone, à Majorque (1485-1487). Ces révoltes furent suivies d'exécutions ou autodafés en plusieurs villes, surtout à Ciudad-Réal.
Une autre cause vint encore aggraver les rigueurs de l'Inquisition et multiplier ses condamnations…
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Louis- Admin
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ III. L'Inquisition contre les Juifs et les Morisques.(SUITE)(col. 1099-1100)
Une autre cause vint encore aggraver les rigueurs de l'Inquisition et multiplier ses condamnations.
Le roi de Grenade Aboul-Hasan avait pris par surprise, dans la nuit du 26 au 27 décembre 1481, la place de Zahara, mis à mort mille de ses défenseurs et tué ou réduit en esclavage toute la population. Ainsi recommença la guerre, plusieurs fois séculaire, entre Arabes et Chrétiens, mais, cette fois, ce fut pour aboutir, en 1492, à la prise de Grenade et à la suppression définitive de toute domination musulmane en Espagne. Or, c'était en terre musulmane que se réfugiaient les Juifs et les Judéo-chrétiens d'Andalousie, surveillés par l'Inquisition; et de là, d'accord avec les Arabes, ils conspiraient contre leur ancienne patrie. Aussi, lorsque les souverains catholiques eurent pris Grenade et porté à la puissance musulmane le coup décisif, ils crurent nécessaire de se débarrasser des ennemis intérieurs de leur patrie; et par un édit, daté de l'Alhambra de Séville, le 31 mars 1492, ils décrétèrent l'expulsion générale de tous les Juifs de leurs royaumes; ordre leur fut donné de passer la frontière dans les quatre mois; passé ce délai, ils seraient recherchés par l'Inquisition. Ce décret donna un nouvel aliment au zèle de Torquemada et dicta au Saint-Office de nouvelles condamnations.
La prise de Grenade, le 2 janvier 1492, posa aux souverains catholiques, à propos des Mores-Arabes et de ceux d'entre eux qui se convertissaient hypocritement an christianisme, les Morisques, le même problème qu'ils venaient de résoudre au sujet des Juifs et de leurs pseudo-convertis, les Marranes. Nous avons vu plus haut de quelle tolérance les Musulmans avaient joui au cours des siècles passés dans les états chrétiens de la péninsule. D'autre part, la capitulation de Grenade, consentie à son roi Boabdil par Ferdinand et Isabelle, garantissait aux Musulmans la liberté d'émigrer ou de demeurer sous la domination chrétienne, et dans ce dernier cas, de jouir de leurs libertés et en particulier de la liberté de conscience.
Mais ces traditions séculaires et ces promesses ne tinrent pas longtemps devant le désir qu'avaient Ferdinand et Isabelle de…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ III. L'Inquisition contre les Juifs et les Morisques.(SUITE)(col. 1100-1101)
Mais ces traditions séculaires et ces promesses ne tinrent pas longtemps devant le désir qu'avaient Ferdinand et Isabelle de centraliser et d'unifier leurs royaumes en éliminant, par l'exil ou la mort, les éléments ethniques et religieux qui ne s'assimilaient pas. Après avoir poursuivi et expulsé les Juifs avec l'instrument puissant qu'ils venaient de forger, l'Inquisition, ils expulsèrent et poursuivirent de la même manière les Mores, quand ils eurent la conviction qu'ils ne seraient jamais de bons et loyaux Espagnols.
La conversion, de gré ou de force, des Musulmans, et à son défaut l'expulsion, telles furent les mesures que l'on ne tarda pas à proposer au Conseil royal. Elles trouvèrent deux adversaires résolus. Le premier fut Torquemada, ce grand inquisiteur dont nous avons signalé le zèle et la dureté. Il restait fidèle à l'idée première, qui avait fait créer, au Moyen Age, l'Inquisition, non pas contre les Juifs ou les Infidèles — tels que les Musulmans qui pratiquaient leur religion et ne devaient pas être jugés d'après la loi chrétienne qu'ils ignoraient, — mais les hérétiques et les faux chrétiens qui corrompaient le christianisme. L'autre adversaire de ces mesures était l'archevêque de Grenade, Fernand Talavera qui, vivant au milieu des populations mores, espérait les convertir par la seule force de la vérité et de la charité, à quoi, d'ailleurs, il s'y appliqua de tout son pouvoir.
On pratiqua tout d'abord la politique de douceur: les Mores et même leurs anciens souverains, Boabdil et plusieurs de ses vassaux, purent résider dans le pays, y conservant leurs domaines privés. La charité de l'archevêque le faisait bénir par les Musulmans et même par leurs docteurs, avec lesquels il eut de courtoises controverses. Aussi les conversions se multiplièrent-elles; en un seul jour Talavera baptisa 3.000 Mores (DE CIRCOURT , Histoire des Arabes d'Espagne sous la domination des chrétiens. II. p. 26). Les souverains eux mêmes ménageaient les susceptibilités des vaincus, sous l'influence de Talavera et du gouverneur de Grenade.
Il semble d'ailleurs que l'Inquisition elle-même se soit relâchée alors de ses rigueurs dans toute l'étendue de la monarchie espagnole. A plusieurs reprises, la dureté de sa répression avait été dénoncée à Rome et elle dut fournir des explications au pape Alexandre VI. Ces explications ne furent pas sans doute jugées suffisantes; car, si nous en croyons LLORENTE, peu suspect d'indulgence envers le Saint-Siège (I, p. 285), « Alexandre VI, fatigué des clameurs continuelles dont Torquemada était l'objet, voulut le dépouiller de la puissance dont il l'avait investi. Il n'en fut détourné que par des considérations politiques : il voulait ménager la cour d'Espagne. »
Toutefois, il le dépouilla d'une partie de ses pouvoirs, en lui adjoignant comme grands inquisiteurs « avec pouvoirs égaux aux siens » quatre prélats, Ponce de Léon, archevêque de Messine, résidant en Espagne, Enneco Manrique, évêque de Cordoue, Sanchez de la Fuente, évêque d'Avila, et Alphonse Suarez, évêque de Mondognedo. Revenant même sur les décisions antérieures qui avaient organisé l'Inquisition, Alexandre VI enlevait au grand Inquisiteur Torquemada le jugement des appels à Rome en matière de foi, et les confiait à l'évêque d'Avila.
Mais la mort de Torquemada, le 16 septembre 1498, ramena les mesures de rigueur, en déterminant une réorganisation de l'Inquisition sous l'énergique impulsion de Ximénès.
Ximénès.…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ III. L'Inquisition contre les Juifs et les Morisques.(SUITE)(col. 1101-1102)
Ximénès. — Humble religieux franciscain, ce personnage s'était tellement imposé, par son intelligence et son caractère, à la reine Isabelle, qu'elle l'avait choisi pour confesseur et l'avait fait monter sur le siège primatial de Tolède. Il avait réformé, avec la plus grande énergie, son Ordre, il réforma de la même manière son diocèse. Il résolut de restaurer et d'étendre encore plus l'action de l'Inquisition, quelque peu ébranlée pendant les dernières années de Torquemada.
Il commença par faire nommer par les souverains catholiques son propre frère, le Dominicain Deza, grand Inquisiteur; mais, sans doute poussé par lui, celui-ci n'accepta ces fonctions qu'à la condition de les exercer sans partage dans toute l'Espagne. Aussi le pape Alexandre VI ne se contenta pas de confirmer sa nomination (1er septembre 1498); l'année suivante, il étendit son autorité à tout l'Aragon. Bientôt après, un autre bref pontifical (25 nov. 1501) rendit à Deza tous les pouvoirs qui avaient été enlevés à Torquemada et même les renforça en lui attribuant (15 mai 1502) la connaissance de tous les motifs de récusation allégués par les accusés et le pouvoir de faire juger par des subdélégués tous les appels apostoliques. (LLORENTE, IV, pp. 300-301).
Quoique archevêque de Tolède, Ximénès se fit adjoindre par le grand Inquisiteur à l'archevêque de Grenade Talavera dans l'œuvre de conversion des Mores. Mais son ardeur l'emporta plus loin que son charitable collègue. Il multiplia les mesures de protection et de faveur pour les nouveaux convertis; et ainsi put enregistrer, lui aussi, de nombreux néophytes; en un seul jour, le 18 décembre 1497, il en baptisa, par aspersion, quatre mille !
Ces conversions étaient trop nombreuses pour être sincères; elles étaient provoquées par des dons d'argent et surtout par « le désir de jouir de la liberté comme les vainqueurs ». D'autre part, les chefs religieux de l'Islam réagirent pour maintenir leurs coreligionnaires dans leur foi ; ils déclarèrent que la manière d'agir de Ximénès violait les garanties de liberté religieuse stipulées par la capitulation de 1492 ; de leur côté, un certain nombre de bons catholiques blâmaient les excès de zèle de l'archevêque. Ces résistances ne faisaient qu'irriter Ximénès: « Si l'on ne pouvait conduire doucement les Mores dans le chemin du salut, disait-il, il fallait les y pousser... Dans les affaires temporelles, les compromis sont bons quelquefois; dans les affaires de Dieu, ils sont toujours impies. D'ailleurs, ce n'est pas quand le mahométisme penche vers la ruine que nous devons mesurer nos coups ; il faut frapper aujourd'hui » . (ALVAR GOMEZ, p. 29).
Animé de pareils sentiments, il fit à Grenade un immense bûcher de tous les livres arabes qu'il put y trouver…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ III. L'Inquisition contre les Juifs et les Morisques.Ximénès.[suite](col. 1102)
Animé de pareils sentiments, il fit à Grenade un immense bûcher de tous les livres arabes qu'il put y trouver. Cet autodafé annonçait les autres. Les Mores se révoltèrent sur plusieurs points de l'ancien royaume de Grenade. En 1499, 1500 et 1501, après des combats acharnés, surtout dans les monts des Alpujarras, ils furent cruellement réprimés.
Les souverains catholiques, sans doute sur le conseil de Ximénès, crurent nécessaire de changer de politique ; ils établirent l'Inquisition à Grenade, et prononcèrent le bannissement de tous les Mores qui ne se convertirent pas, tandis que ceux qui se faisaient chrétiens, les Morisques, étaient exposés, comme les Marranes juifs, aux procès et aux condamnations du Saint-Office. L'archevêque de Grenade lui-même faillit être victime de cette réaction. Suspect aux fanatiques, à cause de la charité qu'il avait témoignée aux Mores, il fut accusé d'être lui-même Marrane et poursuivi, au nom de Deza, par l'inquisiteur de Cordoue, avec l'assentiment de son ancien collaborateur Ximénès. Il ne dut son salut qu'à Jules II, qui évoqua la cause à lui et la fit juger par son nonce en Espagne, lequel prononça un non-lieu en 1507.
L'édit d'expulsion contre les Mores fidèles à leur religion ne fut pas appliqué dans les états de Ferdinand le Catholique ; les seigneurs, qui tiraient des ressources considérables de leurs vassaux mores, les prirent sous leur protection et intervinrent auprès du gouvernement royal pour leur maintenir leur liberté de conscience. Aux Cortès de Mouzon (1510), ils renouvelèrent une demande qui avait déjà été faite avec succès, en 1488, et ils obtinrent la promulgation par le roi d'un fuero garantissant aux Mores des royaumes d'Aragon et de Valence pleine et entière faculté d'y résider et d'y commercer en professant librement l'Islam.
Ce privilège fut si bien observé, sous Ferdinand et dans les premières années du règne de Charles-Quint, que lorsque les comuneros se soulevèrent, en 1520, les Mores combattirent vaillamment dans les armées royales, donnant ainsi une preuve non équivoque de leur loyalisme. Ils furent en revanche l'objet d'une haine particulière de la part des communes et du peuple; le succès passager de la révolte eut pour effet la mort et l'expatriation de beaucoup d'entre eux et le baptême en masse des autres, au nombre de 16.000, dans le seul royaume de Valence.
Après avoir vaincu les comuneros, le gouvernement de Charles-Quint s'unit à eux pour achever la conversion des Mores. Il s'adressa an pape Clément VII pour obtenir d'être relevé du serment qu'il avait prêté d'observer fidèlement le fuero de Mouzon. Clément VII, qui était alors à la merci de l'empereur, finit par céder aux vives instances de l'ambassadeur espagnol, duc de Sessa; et par une bulle du 12 mai 1524, il l'invita à travailler à la conversion des Mores, malgré le fuero de Mouzon, allant jusqu'à lui permettre de réduire en esclavage ceux qui lui résisteraient.
En même temps, il est vrai, il lui adressa un bref lui conseillant la modération. Charles-Quint n'en tint pas compte…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ III. L'Inquisition contre les Juifs et les Morisques.Ximénès. [suite](col. 1102-1103)
En même temps, il est vrai, il [le Pape Clément VII] lui adressa un bref lui conseillant la modération. Charles-Quint n'en tint pas compte; non seulement il considéra comme apostats les Mores convertis par la force, par les comuneros, et livra à l'Inquisition tous ceux qui revenaient à l'Islam ; mais encore, le 16 novembre 1524, il promulgua un édit abolissant, dans toute la monarchie espagnole réunie sous son sceptre, l'exercice du culte mahométan. Tous les Mores qui refuseraient de se convertir devraient se réunir dans certains ports qui leur étaient indiqués, et de là être, le 31 décembre, déportés hors d'Espagne. Les délégués des Musulmans allèrent solliciter un délai de cinq ans ou tout au moins un adoucissement de l'édit. Reçus d'une manière inexorable, ils demandèrent l'intercession du grand Inquisiteur le cardinal Manrique, qui se montra humain à leur égard ; c'est LLORENTE lui-même qui le déclare (I, p. 433).
Sur une intervention de Manrique, l'empereur leur promit, le 16 janvier 1525, que, moyennant leur conversion, ils seraient traités comme les nouveaux chrétiens de Grenade et poursuivis seulement dans le cas d'une apostasie flagrante et constatée; une partie de leurs biens cultuels serait distribuée à leurs anciens chefs religieux, les alfaquis; la langue arabe et leurs coutumes seraient tolérées pendant dix ans; leurs groupements particuliers continueraient à s'administrer eux-mêmes, sans contribuer aux dépenses municipales; pour tout le reste, ils seraient mis sur le pied d'égalité avec les vieux chrétiens (LLORENTE, I, 433 et suiv.).
Ces adoucissements, obtenus de Charles-Quint par le grand Inquisiteur, facilitèrent la capitulation des Mores, qui reçurent le baptême en masse, en Aragon, en Catalogne et dans le royaume de Valence.
L'unité religieuse était donc établie en Espagne, en même temps que l'unité nationale et la centralisation monarchique. Sous le sceptre de Charles-Quint, héritier des souverains catholiques Ferdinand et Isabelle, il n'y avait que des catholiques : les vieux chrétiens, descendants de ceux qui, au cours des sept derniers siècles, avaient reconquis la péninsule sur l'Islam, les Juifs convertis ou Marranes, les Mores convertis ou Morisques.
Il est possible que l'empereur-roi ait cédé à des motifs d'ordre religieux et cru servir Dieu en convertissant ainsi les infidèles, mais le mobile religieux ne fut pas le seul; ses aïeux, Ferdinand et Isabelle, avaient été aussi pieux que lui, et cependant ils avaient traité différemment les hétérodoxes, tolérant les Maures à Grenade, pendant dix ans, et dans les états de Castille et d'Aragon toujours, et ne frappant que les faux convertis. Ces attitudes tolérantes ou intolérantes dépendirent en grande partie des conceptions politiques des souverains espagnols et des circonstances au milieu desquelles ils eurent à se débattre pour maintenir l'unité nationale, si précaire à ses débuts.
Vaincus en 1492, les Mores n'avaient pas abandonné…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ III. L'Inquisition contre les Juifs et les Morisques.Ximénès. [suite](col. 1103-1104)
Vaincus en 1492, les Mores n'avaient pas abandonné tout espoir de revanche; réfugiés chez leurs frères du Maroc, ils préparaient des expéditions pour la reconquête de Grenade; entre eux et l'Espagne, la guerre était permanente, tantôt sournoise et tantôt déclarée. Pour contenir les mouvements offensifs de l'Islam qui se préparaient sans cesse en Afrique, la monarchie espagnole dut commencer, dès les règnes de Ferdinand et d'Isabelle, ces expéditions africaines qui se poursuivirent, pendant tout le XVIe siècle, sous les règnes de Charles-Quint et de Philippe II. Les armées espagnoles occupèrent, sur la côte, Melilla en 1497, le peñon de Velez en 1508, Oran en 1509, Tenès, le peñon d'Alger, Bougie et Tripoli en 1510.
De leur côté, les Mores d'Afrique menaçaient à tout instant la sécurité intérieure de l'Espagne. Leurs expéditions de piraterie, qui allaient se poursuivre pendant trois siècles, infestant la Méditerranée, poussaient jusque dans l'intérieur des ports espagnols leurs coups de force; des bandits arabes terrorisaient l'ancien royaume de Grenade jusqu'aux portes de cette ville; et lentement, malgré ses lois, profitant des libertés laissées aux Morisques, les Mores expulsés s'infiltraient dans toute l'Andalousie. Enfin et surtout, malgré sa conversion apparente, l'élément morisque, toujours nombreux, riche et puissant, était en état de conspiration perpétuelle avec les Mores du Maroc ou ceux qui pénétraient en Espagne. Ainsi s'expliquent les nombreux soulèvements de Morisques, qui, aux moments critiques que traversa la monarchie, éclatèrent; le plus terrible fut celui qui, sous Philippe II, dura deux ans de 1567 à 1569, et eut pour conséquence la proscription générale des Morisques.
On s'était imaginé que le meilleur, le seul moyen d'assimiler l'élément arabe à l'unité espagnole, c'était de le convertir au christianisme, puisque c'était la religion musulmane, plus encore que la race et les conditions sociales, qui lui maintenait son caractère réfractaire. C'est cette pensée qui avait inspiré Charles-Quint, comme Isabelle et Ferdinand, quand ils avaient forcé les Mores vaincus de choisir entre le baptême et l'exil. C'est cette pensée qui avait dressé contre les Mores les comuneros en une aversion dans laquelle il est difficile de faire la part exacte du fanatisme ou du nationalisme. C'est encore cette pensée qui a fait approuver toutes ces mesures et même la répression inquisitoriale par des esprits distingués, imprégnés de l'esprit de la Renaissance et nullement fanatiques, tels que l'humaniste Pierre Martyr d'Anghiera, un ami de l'archevêque de Grenade, Talavera.
Ainsi s'explique la faveur que rencontra l'Inquisition dans les milieux espagnols les plus divers, au XVIe siècle. Chargé de rechercher les faux frères, c'est-à-dire les Marranes et les Morisques qui, sous les apparences de christianisme, gardaient leurs croyances juives et musulmanes et avec elles leurs rancunes, leurs désirs de vengeance et leur haine contre l'Espagne, le Saint-Office apparaissait aux Espagnols comme une institution nationale chargée de préserver le pays de ses ennemis les plus dangereux, ceux qui vivaient cachés en son sein.
Remarquons d'ailleurs qu'à plusieurs reprises, le Saint-Siège intervint pour modérer les mesures de rigueur de l'Inquisition et prendre sous sa protection les Morisques; c'est ce que nous relevons dans le catalogue des actes pontificaux que nous donne LLORENTE, cependant si partial contre l'Eglise. Le 2 décembre 1530, Clément VII donnait aux inquisiteurs le pouvoir d'absoudre en secret les crimes d'hérésie et d'apostasie, par conséquent en dehors de tout procès public et à ce titre infamant ; le 15 juillet suivant, il ordonnait aux inquisiteurs de procéder en faveur des Morisques contre les seigneurs qui, en les surchargeant d'impôts, leur rendaient odieuse la religion chrétienne; le 2 août 1546, Paul III déclarait les Morisques de Grenade aptes à tous les emplois civils et à toutes les dignités ecclésiastiques; le 18 janvier 1556, Paul IV autorisait les confesseurs à absoudre secrètement les Morisques.
§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Erasme. …
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office(col. 1104-1106)
§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Erasme. — Le protestantisme ne tarda pas à fournir un nouvel aliment à l'activité de l'Inquisition. Il pénétra de bonne heure en Espagne. Le roi d'Espagne étant en même temps empereur d'Allemagne et souverain des Pays-Bas, il y avait des communications fréquentes entre la péninsule et le monde germanique, berceau du luthéranisme. Les hauts fonctionnaires civils, les prélats de Castille, d'Aragon, de Valence et de Catalogne allaient souvent retrouver Charles-Quint dans les villes d'Allemagne où il séjournait ou au milieu des diètes qu'il présidait; plusieurs furent témoins des discussions qu'y souleva le luthéranisme naissant; l'un d'eux, Alphonse Valdès, secrétaire de l'empereur-roi, fut même chargé par lui de discuter avec les délégués des protestants les termes de la Confession qu’ils présentèrent à la diète d'Augsbourg.
L'humanisme d'Allemagne et des Pays-Bas avait pénétré ainsi en Espagne, où les études de philologie grecque, hébraïque et latine, en honneur à Alcala et hautement protégées par le cardinal Ximénès, grand inquisiteur d'Espagne, lui avaient préparé les voies. Erasme fut très lu et exerça une grande influence sur toute l'Espagne intellectuelle et religieuse, dans les premières années du XVIe siècle.
En Espagne, comme dans les pays germaniques, en France et en Italie, l'humanisme fut souvent le véhicule du protestantisme, même lorsque ses représentants protestaient, comme Erasme, de leur fidélité au catholicisme, mais à plus forte raison lorsque, tombant tout à fait du côté où ils penchaient, ils finissaient par professer eux-mêmes les nouvelles doctrines. Ce fut le cas, en Espagne, de l'humaniste Jean de Valdès, frère d'Alphonse.
Enfin les relations d'affaires, qui étaient fort actives entre les royaumes espagnols, l'Italie et les pays rhénans, amenèrent, avec les marchandises, les livres de Luther et des premiers réformateurs. Le 25 juin 1524, Martin de Salinas, représentant de l'infant Ferdinand, frère de Charles-Quint, écrivait de Burgos à son maître :
« Votre Altesse saura que de Flandre est venu un navire chargé de marchandises pour Valence; il portait plusieurs tonneaux de livres luthériens; pris par les Français, il a été depuis recouvré et envoyé à Saint-Sébastien. »
Une autre lettre du même au même, datée de Madrid le 8 février 1525, mentionne un autre chargement de livres hérétiques porté sur un navire vénitien dans un port du royaume de Grenade; ainsi les provinces basques et le royaume de Grenade risquaient de devenir des foyers de propagande protestante.
Ce fut en effet de Valladolid, en communications avec les provinces basques, et de Séville, en communications avec les ports de l'Andalousie, que le protestantisme menaça de gagner toute l'Espagne (MENENDEZ Y PELAYO, Historia de los heterodoxos españoles II. p. 315-316).
On s'explique, dès lors, que, écrivant, le 21 mars 1521, aux gouverneurs de Castille, en l'absence de Charles-Quint, Léon X leur ait instamment recommandé d'empêcher l'introduction de livres luthériens en Espagne. Le grand Inquisiteur prit aussitôt ses mesures en conséquence. C'était alors Adrien Florent, évêque de Tortose; il avait succédé à Ximénès en 1516, et devait, en 1522, remplacer sur la chaire de saint Pierre Léon X, sous le nom d'Adrien VI. Prêtre pieux et zélé, humaniste chrétien, il connaissait les dangers que dans les pays du Rhin, d'où il était originaire, l'humanisme païen et le luthéranisme faisaient courir à la foi catholique ; mais d'autre part, curieux des choses intellectuelles et lettré, il n'avait nullement l'intention de proscrire les études et les lettres. Il essaya donc de concilier la défense de l'Eglise et les justes libertés de l'esprit.
La défense de l'Eglise était aussi celle de l'Espagne et de sa jeune monarchie, car les difficultés au milieu desquelles l'empereur Charles-Quint se débattait en Allemagne, en face de l'opposition des seigneurs protestants et de l'anarchie sociale déchaînée par le luthéranisme qui allait éclater dans les révoltes socialistes des anabaptistes de Münster, montraient bien le désastre qu'eût été pour la nation espagnole, récemment unifiée, l'introduction en son sein d'une puissance de division telle que le protestantisme. Le risque était même plus grand qu'en Allemagne, parce que les Juifs et les Mores, mal convertis et nullement assimilés, en auraient tiré parti pour se soulever; et leur exemple aurait été suivi par les seigneurs et les communes, désireux de reprendre les privilèges féodaux que leur avaient retirés les souverains catholiques et Ximénès.
Ce fut donc dans l'esprit qui avait fait établir, quarante ans auparavant, le Saint-Office qu'Adrien Florent…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Erasme.[SUITE](col. 1106-1107)
Ce fut donc dans l'esprit qui avait fait établir, quarante ans auparavant, le Saint-Office qu'Adrien Florent, évêque de Tortose, et, après son élection comme souverain pontife, son successeur, le cardinal Manrique, archevêque de Séville, poursuivirent et firent détruire les livres luthériens. Mais le cas d'Erasme prouve qu'ils s'acquittèrent de cette tâche avec discernement et largeur d'esprit.
Humaniste facilement porté à mépriser le Moyen-Age et la scolastique, esprit critique et même railleur — on l'a appelé le Voltaire de la Renaissance, — Erasme n'avait pas ménagé, dans ses livres, ses attaques contre les abus de l'Eglise et contre l'Eglise elle-même ; car son naturel sceptique l'amenait parfois à traiter avec quelque désinvolture certaines croyances catholiques, si bien qu'il parut hésiter quelque temps entre l'Eglise catholique et Luther. Ses écrits furent très lus, en Espagne, non seulement parce que Rotterdam, son pays, faisait partie de la monarchie espagnole, mais surtout parce qu'une magnifique renaissance littéraire avait développé, en Espagne comme dans les Pays-Bas, cet humanisme et ces études de l'antiquité, dont Erasme était l'un des maîtres les plus renommés en Europe.
Ses préférences et ses hardiesses à l'égard de l'Eglise effrayèrent et scandalisèrent un certain nombre de prélats et de théologiens espagnols, qui dénoncèrent comme hérétiques la plupart de ses livres; et une vive controverse s'engagea entre partisans et adversaires de l'humaniste de Rotterdam. Or, parmi les défenseurs les plus décidés d'Erasme, figurait, à côté de l'archevêque de Tolède et de Maldonat, vicaire général de l'archevêché de Burgos, le grand Inquisiteur lui-même, le cardinal Manrique, archevêque de Séville.
Manrique fut obligé de recevoir la plainte de religieux qui accusaient Erasme, mais en attendant qu'elle fût examinée, il leur fit défense formelle de l'attaquer dans leurs sermons. Le 1er mars 1527, il présida, à Valladolid, une réunion pour l'examen de la dénonciation, et il l'inaugura en blâmant le religieux qui, malgré sa défense, avait dénoncé publiquement Erasme comme hérétique. Ses amis et lui firent remarquer que, bien loin de le condamner, les papes Léon X et Adrien VI (l'ancien inquisiteur) lui avaient témoigné leur faveur et donné des privilèges pour l'impression de ses œuvres, même de la plus attaquée, l'Enchiridion. Les religieux ayant persisté à demander justice, Manrique dut s'incliner; il les engagea à formuler leurs griefs en articles précis. Mais après plusieurs péripéties, l'affaire fut arrêtée par une intervention de Charles-Quint, provoquée par l'archevêque de Tolède Fonseca et le grand Inquisiteur Manrique. C'est ce que reconnaissait Erasme lui-même, écrivant de Bâle à ce dernier, le 21 mars 1528 : « Ago gratias Domino qui per tuam auctoritatem inconditas istorum tumultus mitigare dignatus est. »
Erasme triompha bruyamment : tandis que ses adversaires avaient gardé leurs attaques en manuscrit, sans doute à la demande de l'Inquisition, lui publia contre eux une violente Apologie, qu'il dédia au grand Inquisiteur lui-même. La discussion menaçait de recommencer par sa faute ; pour y couper court, Gattinara, chancelier de Charles-Quint, obtint du pape Clément VII un bref, imposant silence à tous les adversaires d'Erasme « sur tous les écrits où il combat Luther ». Cette restriction permettait la controverse sur tout le reste ; Manrique ne voulut pas le voir et, le bref reçu, il promulgua une défense générale d'attaquer Erasme.
La querelle recommença cependant. Un religieux franciscain, humaniste chrétien, Louis de Carvajal…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Erasme.[SUITE](col. 1107)
La querelle recommença cependant. Un religieux franciscain, humaniste chrétien, Louis de Carvajal, lança une Apologia monasticae religionis diluens nagas( ?) Erasmi ; il était tellement sûr de la protection que l'Inquisition accordait à son adversaire, que, pour ne compromettre personne avec lui, il ne mit sur son livre aucune mention d'imprimeur. Erasme répondit violemment, accablant son accusateur de toutes ces injures que les hommes de la Renaissance employaient volontiers et copieusement. Il ne se contenta pas de paroles ; il déféra lui-même le livre de son adversaire à l'Inquisition par une lettre où il demandait, à son ami Manrique, le châtiment de l'imprimeur clandestin (31 mars 1530) « Ad vestrae tamen Hispaniae tranquillitatem pertineret si clancularius ille typographus daret poenas, ne subinde peccet graviora, expertus felicem audaciam. »
Un esprit aussi libre qu'Erasme demandant le secours de l'Inquisition contre un religieux, voilà certes qui prouve que le fanatisme n'animait guère le grand Inquisiteur Manrique.
Tant qu'Erasme vécut, ses œuvres furent ainsi protégées par le Saint-Office espagnol. Ce fut seulement après sa mort (1536) et celle de Manrique (1538), que l'on reconnut le mal qu'avait fait à l'Eglise le scepticisme d'Erasme, et que l'Inquisition condamna ses écrits. Encore usa-t-elle de ménagements, ne proscrivant que le texte espagnol et permettant le texte latin expurgé. (Sur toute cette affaire, voir MENENDEZ Y PELAYO. Ilistoria de los heterodoxos españoles, tome II, chap.1).
Cependant, plus le protestantisme se développait en Allemagne, y déchaînant la guerre civile et l'intervention étrangère, et plus l'Inquisition espagnole essayait, par sa vigilance et ses rigueurs, d'en préserver l'Espagne. LLORENTE signale de nombreuses condamnations qui frappèrent des protestants espagnols et étrangers, et plusieurs autodafés où ils furent brûlés. La répression s'accrut considérablement sous le règne de Philippe II, lorsque le roi, encore plus absolu que Charles-Quint, eut décrété la peine de mort contre les vendeurs et acheteurs de livres défendus (7 septembre 1558).
Il est à remarquer que c'est vers le même temps que l'Inquisition espagnole se rendit encore plus indépendante du Saint-Siège, de la hiérarchie de l'Eglise et même de l'épiscopat espagnol, dont elle ne craignait pas de citer les chefs devant son tribunal.
Le 10 mai, le Conseil du grand Inquisiteur, dont les membres étaient tous nommés par le roi, ordonna de ne tenir aucun compte de la venue de bulles pontificales portant dispenses de pénitences ; il prétendait ainsi interdire au Saint-Siège toute mesure de clémence adoucissant les rigueurs du Saint-Office. Le 28 septembre 1538, mourut Manrique, qui, dit LLORENTE, peu suspect d'indulgence à son égard, « mourut avec la réputation d'un ami et d'un bienfaiteur des pauvres » et doit « compter parmi les hommes illustres de son siècle... par cette vertu et d'autres qualités dignes de sa naissance » (op. cit., II, p. 76). Il ne fut remplacé qu'en septembre 1539 par Pardo de Tabera, archevêque de Tolède ; et ainsi, remarque Llorente, ce même Conseil, composé uniquement de fonctionnaires royaux, dirigea pendant un an tous les tribunaux de l'Inquisition.
En 1545, par une bulle datée du 1er avril, Paul III, voulant enrayer, dans la chrétienté tout entière, les progrès menaçants de l'hérésie…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Erasme.[SUITE](col. 1108)
En 1545, par une bulle datée du 1er avril, Paul III, voulant enrayer, dans la chrétienté tout entière, les progrès menaçants de l'hérésie, institua la Congrégation générale du Saint-Office (voir plus loin), chargée de veiller, dans le monde entier, aux intérêts de l'orthodoxie. Parmi les cardinaux qui la composaient, il eut soin de nommer deux Espagnols de l'Ordre des Prêcheurs, Jean Alvarez de Tolède, évêque de Burgos, fils du duc d'Albe, et Thomas Badia, maître du Sacré-Palais. Malgré cette précaution, le Saint-Office espagnol prit ombrage de cette création, qui menaçait l'autonomie de plus en plus grande qu'il s'était donnée, et fit faire au pape des représentations par l'empereur. Paul III dut déclarer formellement qu'il n'avait pas eu l'intention de rien changer à ce qui avait été établi, et que l'institution de l'Inquisition romaine était sans préjudice des droits dont jouissaient les autres inquisiteurs, existant déjà ou pouvant être ultérieurement établis en dehors des Etats de l'Eglise (LLORENTE, II, P-78).
Llorente reconnaît plus loin que le Saint-Office espagnol se considérait comme à peu près indépendant du Saint-Siège.
« Les inquisiteurs d'Espagne, écrit-il, sont opposés de fait à l'infaillibilité du Souverain pontife (qu'ils prônent théoriquement), et refusent de se soumettre aux décrets du pape, lorsqu’ils sont contraires à ce qu'ils ont résolu ou à l'intérêt de leur système particulier... Le parti que l'Inquisition a osé prendre, tantôt injustement tantôt avec raison, de soutenir son autorité contre tout autre pouvoir..., a été la principale cause des démêlés continuels qui ont divisé les- deux puissances (spirituelle et temporelle). » (II, p 81-82).
Llorente oublie d'ajouter que ce qui donnait à l'Inquisition l'audace de tenir tête au pape, c'était la direction que lui imprimait le chef nommé par le roi, mais surtout ce Conseil suprême sans lequel le grand Inquisiteur lui-même ne pouvait rien, et dont les membres ne tenaient leur nomination et leur pouvoir que du roi et du pouvoir civil.
Cette audace, le Saint-Office espagnol la montra lorsqu'il n'hésita pas à poursuivre jusqu'aux chefs de l'Eglise d'Espagne, même protégés contre lui par le Saint-Siège.
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Procès de Carranza. L'Index espagnol…
Dernière édition par Louis le Jeu 13 Sep 2018, 9:27 am, édité 2 fois (Raison : Insertion d'un lien.)
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Erasme.(col. 1108-1109)
Procès de Carranza. L'Index espagnol. — Il osa s'attaquer au primat d'Espagne, Barthélémy Carranza, archevêque de Tolède, qui, par sa haute valeur intellectuelle, ses vertus et les missions de première importance qu'il avait remplies, jouissait d'une influence considérable dans toute l'Espagne, à la cour, et à la curie romaine. Religieux dominicain, il avait longtemps enseigné la scolastique et, en 1550, il avait été élu provincial de son Ordre. Il avait défendu l'orthodoxie catholique en Flandre et contribué à la rétablir en Angleterre, sous le règne de Marie Tudor, épouse de Philippe d'Espagne. Envoyé comme consulteur au concile de Trente, par Charles-Quint, il y avait parlé avec autorité et éloquence.
Enfin, après avoir successivement refusé trois évêchés, il avait été nommé par Philippe II, en 1557, au premier siège d'Espagne, le siège primatial de Tolède. Sa haute valeur et sa rapide carrière lui avaient fait des envieux et des ennemis, et dès 1530 (il n'avait que 27 ans) il avait été dénoncé à l'Inquisition par des Franciscains comme un admirateur d'Erasme; heureusement pour lui, l'Inquisiteur d'alors était Alphonse Manrique, l'ami d'Erasme; l'affaire n'eut pas de suite.
Vingt ans plus tard, il écrit le traité De residentia, prêchant aux évêques le devoir de la résidence, que le Concile de Trente leur rappelait. Il se fit des ennemis mortels des grands prélats espagnols qui ne résidaient pas, et en particulier de Fernand de Valdès, qui était à la fois archevêque de Séville et grand Inquisiteur.
En 1558, ils déférèrent au Saint-Office ses Comentarios sobre el catecismo cristiano qu'il venait de publier en les dédiant au roi Philippe II. Ce livre fut examiné par deux théologiens renommés, dominicains comme Carranza, Melchior Cano et Dominique de Soto, qui censurèrent dans ces Commentaires, le premier 141 propositions, le second 91, comme entachées de protestantisme.
En même temps, l'Inquisition et le roi d'Espagne écrivirent de longues lettres au pape Paul IV, lui signalant les progrès considérables que faisait le protestantisme en Espagne et lui demandant de les autoriser à prendre des mesures exceptionnelles contre tous les prélats qui inclineraient vers l'hérésie. Effrayé par le tableau qui lui était ainsi fait de l'Espagne, Paul IV donna cette permission, le 26 juin 1559 ; et le 22 août suivant, le primat fut arrêté à Torrelaguna et emprisonné à Valladolid.
Il ne tarda pas d'ailleurs à être vengé de ceux qui avaient donné matière à son procès ; les deux religieux qui l'avaient censuré, Melchior Cano, évêque des Canaries, et Dominique de Soto furent poursuivis en même temps que lui par l'Inquisition et le second allait être emprisonné quand il mourut.
Plusieurs prélats, Guerrero, archevêque de Grenade, les évêques de Malaga, de Jaen, de Léon, d'Almeria, se déclarèrent pour Carranza et approuvèrent ses Commentaires; à leur tour, ils furent poursuivis. Pour corser encore le procès, le grand Inquisiteur fit examiner tous les manuscrits de Carranza que l'on put trouver, et même interrogea des témoins sur ses paroles. L'enquête dura longtemps : on en trouvera l'histoire, avec le résumé des dépositions, dans LLORENTE (tome III, chapitres 32, 33 et 34). La procédure durait toujours, lorsque le Concile de Trente reprit ses sessions. Se rappelant le grand rôle qu'y avait joué le primat de Tolède comme évêque et auparavant comme consulteur, les Pères résolurent d'arracher l'archevêque de Tolède à l'Inquisition espagnole.
Philippe II voulut prévenir leurs démarches…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Erasme.(col. 1109-1110)Procès de Carranza. L'Index espagnol. (suite)
Philippe II voulut prévenir leurs démarches. Le concile ayant annoncé l'intention d'établir un index général des livres défendus dans l'Eglise universelle, le roi d'Espagne lui fit savoir par son ambassadeur Fernandes de Quiñones, comte de Luna, « qu'il ne pouvait permettre que cette mesure s'étendit jusqu'à l'Espagne, qui avait un index et des règlements particuliers ». Le roi ajoutait que « quelques personnes (évidemment le grand Inquisiteur Valdès) soupçonnaient que le projet cachait des vues particulières en faveur de Carranza : ce qui l'avait déjà engagé à charger son ambassadeur ordinaire à Rome et le marquis de Pescara d'employer leurs efforts auprès du pape pour déjouer de pareils desseins, autant qu'on pourrait le faire avec prudence ». (LLORENTE, III, p. 266).
Le Concile ne se laissa pas décourager par cette fin de non-recevoir préventive, et après plusieurs démarches auprès des légats présidents de ses sessions, il demanda au pape Pie IV, pour l'honneur de l'épiscopat, d'arracher Carranza aux prisons du Saint-Office espagnol et de le faire venir à Rome pour y être jugé; ce que fit le pape par des lettres adressées à Philippe II et communiquées, avant leur expédition, au Concile.
Le l5 août 1562, le roi d'Espagne envoya an pape une énergique protestation contre l'intervention du Concile, déclarant qu'il n’avait pas à s'occuper des affaires particulières de l’Espagne. Il ajoutait qu'il ne publierait pas les brefs que le pape venait de lui adresser et qu'il ordonnerait la continuation du procès devant le Saint-Office d'Espagne. Pie IV n'osa pas aller jusqu'à une rupture et laissa la procédure se poursuivre en Espagne, mais, pour rassurer le Concile, il lui fit savoir que, lorsqu'elle serait terminée, il l'examinerait à son tour en faisant venir Carranza à Rome.
Le Concile résolut alors d'examiner lui-même les livres du primat de Tolède…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Erasme.(col. 1110-1111)Procès de Carranza. L'Index espagnol. (suite)
Le Concile résolut alors d'examiner lui-même les livres du primat de Tolède; que le pape venait de lui adresser et qu'il ordonnerait la continuation du procès devant le Saint-Office d'Espagne. Pie IV n'osa pas aller jusqu'à une rupture et laissa la procédure se poursuivre en Espagne, mais, pour rassurer le Concile, il lui fit savoir que, lorsqu'elle serait terminée, il l'examinerait à son tour en faisant venir Carranza à Rome.
Le Concile résolut alors d'examiner lui-même les livres du primat de Tolède; les commissaires désignés par lui reconnurent parfaitement catholique la doctrine des Commentaires ; la Congrégation conciliaire de l'Index l'approuva, et décida que cette approbation serait notifiée à Carranza pour sa défense. Elle notifia cette démarche à saint Charles Borromée, archevêque de Milan et secrétaire d'Etat de son oncle le pape Pie IV. A la suite de ces démarches, les Commentaires de Carranza furent publiés à Rome avec l'autorisation du pape; et des scènes fort graves éclatèrent an sein du Concile entre les représentants de l'Espagne et la grande majorité des Pères.
Lorsque le Saint-Office eut terminé, en 1564, son information, l'affaire devait être évoquée à Rome, d'après la promesse faite par le pape au Concile; mais Philippe II s'y opposa, et toujours conciliant, Pie IV décida, dans le consistoire du 13 juillet 1565, d'envoyer en Espagne une commission pour y examiner l'enquête ; il la composa de personnages de marque qui, dans la suite, devinrent tous papes : le cardinal Buoncompagni (Grégoire XIII), l'archevêque de Rossano Castagna (Urbain VII), l'auditeur de Rote Hippolyte Aldobrandini (Clément VIII), le procureur général des FF. Mineurs Félix Perelti (Sixte-Quint).
Philippe II reçut avec honneur la commission, mais quand elle voulut commencer ses travaux, il exigea qu'elle s'adjoignît les commissaires du Saint-Office espagnol, ce que refusa le légat Buoncompagni; et les envoyés pontificaux ne purent pas exécuter leur mandat. Le pape Pie V, qui fut élu le 17 janvier 1566, avait un caractère bien plus énergique que Pie IV; pour en finir avec cette affaire et ce conflit, qui traînaient depuis plusieurs années, il prit deux décisions qu'il appuya d'une menace d'excommunication contre Philippe II et d'une sentence d'interdit contre toute l'Espagne : le grand Inquisiteur d'Espagne, Valdès, fut révoqué de ses fonctions, et ordre fut donné au roi de faire partir pour Rome Carranza avec toutes les pièces du procès.
Le primat arriva à Rome le 28 mai 1567 et y reçut le traitement le plus honorable; mais son procès, qui y fut recommencé, se prolongea encore neuf ans, à cause des difficultés de toutes sortes que soulevaient, à tout instant, le procureur de l'Inquisition espagnole et Philippe II. En 1571, Pie V avait préparé une sentence définitive, acquittant l'inculpé des accusations portées par le Saint-Office contre sa personne. Quant à ses livres, elle ordonnait des corrections aux Commentaires du Catéchisme, expliquant dans un sens catholique les propositions censurées et le prohibant tant qu'elles ne seraient pas faites; il en était de même des autres ouvrages de Carranza.
Philippe II ne voulut pas admettre cette sentence qu'on lui avait communiquée avant de la publier, et il fit écrire contre l'archevêque de Tolède de nouveaux livres qu'il envoya au pape. Comme Pie V venait de mourir, ils furent reçus par son successeur Grégoire XIII (Buoncompagni), celui-là même qui, étant cardinal, avait présidé la Commission envoyée par Pie IV en Espagne. Le procès fut rouvert et finalement, le 24 avril 1576, intervint la sentence qui terminait un procès commencé 18 ans auparavant par le Saint Office et repris à Rome depuis neuf ans. Carranza devait abjurer 16 propositions relevées dans son Commentaire, abandonner cinq ans l'administration de son diocèse, et pendant ce temps, vivre dans un couvent dominicain, et faire comme pénitence quelques exercices de piété, par exemple le pèlerinage aux sept basiliques romaines. Il venait d'achever ce pèlerinage par une messe célébrée à Saint-Jean de Latran lorsqu'il mourut, le 2 mai 1576. Le pape Grégoire XIII, qui n'avait cessé de l'honorer, et qui même, apprenant sa maladie, l'avait relevé de toutes ses pénitences, lui fit faire de splendides funérailles et lui érigea, dans l'église dominicaine de la Minerve, un magnifique tombeau, avec cette inscription élogieuse:
« Bartholomaeo de Carranza. Navarro, archiepiscopo Toletano, Hispaniarum primati, viro genere, vita, doctrina, concione atque eleemosynis claro, magnis muneribus, a Carolo V et a Philippo II, Rege Catholico, sibi commissis, egregie functo, animo in prosperis modesto et in adversis aequo. Obiit anno 1576, die 2 maii. Athanasio et Antonino sacro, aetatis suae 73 ».
Nous avons tenu à raconter tout au long les incidents de ce long procès, non pas pour innocenter Carranza…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Erasme.(col. 1111)Procès de Carranza. L'Index espagnol. (suite)
Nous avons tenu à raconter tout au long les incidents de ce long procès, non pas pour innocenter Carranza qui, condamné par le pape, a accepté en termes fort nobles, avant de mourir, la légitimité de sa condamnation. Qu'il nous suffise de dire que ses erreurs étaient de bonne foi et lui avaient été suggérées par sa longue fréquentation des hérétiques, avec lesquels il avait poursuivi de magnifiques controverses théologiques en Espagne, en Angleterre et en Flandre. Sans la haine du grand Inquisiteur Valdès et du roi d'Espagne, l'affaire aurait été vite terminée par l'esprit de soumission et l'amour de l'orthodoxie de ce saint religieux.
Ce procès est intéressant au plus haut degré, parce qu'il fait éclater le caractère qu'avait, dès son institution avec Torquemada, l'Inquisition espagnole. Cette institution mixte, puisque si son chef et ses commissaires étaient prêtres et religieux, son conseil suprême était nommé par le pouvoir civil, a toujours prétendu à une large autonomie à l'égard du Saint-Siège; et dans l'affaire de Carranza, nous l'avons vue s'affirmant d'une manière inlassable pendant 18 ans contre les délégués du pape, contre le Concile œcuménique de Trente, contre les juges pontificaux dirigés par un légat a latere, enfin contre le pape lui-même.
Par contre, dans cette longue querelle, nous l'avons toujours vue étroitement unie au roi, qui est son porte-parole, qui la défend contre la plus haute autorité de l'Eglise universelle et lui réserve le monopole de la défense de la foi dans sa patrie.
Le grand Inquisiteur Valdès et le roi ne faisaient vraiment qu'un. Ainsi, s'affirmait le caractère éminemment national de cette institution, au sein de l'Eglise catholique.
Nous avons constaté enfin la pression formidable qu'unis d'une manière inséparable, la monarchie espagnole et le Saint-Office exerçaient sur le Souverain Pontife. Successivement Paul IV et Pie IV durent céder devant leurs menaces et chercher des moyens termes et des conciliations pour prévenir avec la monarchie espagnole une rupture qui eût été funeste à l'Eglise alors que, dans le monde européen, Philippe II se faisait contre le protestantisme le champion de la catholicité. Si Pie V l'emporta, ce fut parce que son caractère intransigeant ne recula pas devant cette terrible éventualité; et ce fut toujours pour l'éviter que, tout en témoignant de son admiration pour Carranza, Grégoire XIII le condamna, non pas comme il l'aurait voulu, à une simple rétractation, mais à une suspension destinée à calmer et à rallier le roi d'Espagne.
Les péripéties du procès de Carranza nous ont aussi montré le fonctionnement régulier d'un nouveau rouage de l'Inquisition espagnole : …
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Louis- Admin
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ IV. L'Inquisition, la Réforme et la Renaissance. Procès d'Erasme.(col. 1112-1113)Procès de Carranza. L'Index espagnol. (suite)
Les péripéties du procès de Carranza nous ont aussi montré le fonctionnement régulier d'un nouveau rouage de l'Inquisition espagnole : son Index des livres défendus. L'ancienne Inquisition, celle qui avait été établie et organisée au XIIIe siècle, poursuivait les écrits comme les personnes, et les premiers inquisiteurs du XVIe siècle avaient prohibé et condamné au feu certains livres. Nous avons vu plus haut la controverse qui s'engagea autour de ceux d'Erasme ; le 7 avril 1521, le cardinal Adrien, grand inquisiteur, ordonnait de poursuivre tous les livres luthériens. En 1546, Charles-Quint demanda à l'université de Louvain de dresser la liste (Index) de tous les livres hérétiques qui s'imprimeraient dans les pays germaniques
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Le Saint-Office d'Espagne adopta cet index, et le fit imprimer pour son usage personnel à Valladolid et à Tolède, en 1551. Le grand inquisiteur Valdès le fit compléter par le catalogue des livres hérétiques publiés en Espagne; et ce travail, fait par les inquisiteurs Alonzo Perez et Valdotano, le secrétaire Alonzo de Léon et le fiscal Alonzo Ortiz, fut augmenté de la liste des éditions de la Bible publiées par les hérétiques. Enfin, en 1559, fut édité par les soins de Valdès un index général qui servit désormais de fond à tous les index que l'Inquisition espagnole publia au cours du XVIe et du XVIIe siècle, jusqu'à celui de 1790, dont l'édition de 1805 fut le dernier acte du Saint-Office contre les livres hérétiques (MENENDEZ Y PELAYO , op. cit., tome II, pp. 697-702).
Dans son œuvre, devenue classique, sur les hétérodoxes espagnols, M. Menendez y Pelayo, professeur à l'Université de Madrid, s'est demandé si le Saint-Office s'était montré fort rigoureux contre les livres et si son Index avait gêné sérieusement le développement de la pensée espagnole, des lettres et des sciences, dans les trois siècles où il fonctionna ; et il constate que, si un certain nombre d'écrits littéraires s'y trouvent, c'est souvent parce qu'ils étaient grossièrement immoraux. Plusieurs n'y figuraient que jusqu'à correction de certains passages ou expressions contraires à la vérité et même à l'élégance du style.
Si des humanistes du XVIe et du XVIIe siècle, dont les œuvres étaient fortement entachées de protestantisme, Erasme, Scaliger, Henri Estienne, Vossius s'y rencontrent, ce n'est pas le plus souvent, pour l'ensemble de leurs œuvres, mais pour telles d'entre elles, dont on souhaite la correction.
Enfin M. Menendez y Pelayo fait remarquer que l'Index espagnol ne porte pas mention d'un certain nombre de philosophes et savants qui furent cependant suspectés d'opinions téméraires ou erronées, en d'autres pays: Giordano Bruno, Descartes, Leibnitz, Hobbes, Spinoza, Copernic, Galilée et Newton.
L'Inquisition se montra plus sévère pour les écrits, qui traitaient plus particulièrement de sujets religieux, théologiques et mystiques; et voilà pourquoi dans son Index nous trouvons, à côté de toutes les traductions de la Bible en langue vulgaire, les noms de grands théologiens, comme ceux de Carranza, du jésuite Mariana, de mystiques tels que Tauler, et même de saints tels que saint François Borgia, pour son Œuvre du chrétien suspectée d'illuminisme !
Pour expliquer cette contradiction entre la tolérance accordée aux uns et la sévérité exercée envers les autres, il ne faut jamais perdre de vue le caractère particulier de l'Inquisition espagnole. Avant tout politique et pratique, elle accorde une faible attention aux débats purement intellectuels comme ceux que provoquèrent les systèmes de Descartes, Hobbes, Leibnitz et Spinoza, et aux systèmes purement scientifiques, tels que ceux de Newton et de Galilée. Ce qui l'inquiétait surtout, c'étaient les écrits qui pouvaient troubler les âmes, comme les œuvres de certains mystiques, ou introduire en Espagne des hérésies qui déchiraient déjà par des factions politiques ou même des guerres civiles les pays étrangers.
Contre ceux-là, elle était impitoyable, parce que son protecteur et vrai chef, le roi, ses directeurs, ses conseillers et ses agents, désireux de maintenir l'unité politique de l'Espagne par l'unité religieuse, enfin l'opinion publique, considérant les hétérodoxes comme des étrangers et même des ennemis, tenaient pour un devoir national autant que religieux, de prévenir des schismes religieux pouvant Facilement devenir des factions politiques.
A suivre : § V. Procès extraordinaires ; procès politiques.
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office(col. 1113)
§ V. Procès extraordinaires ; procès politiques. — En donnant à l'Inquisition la mission de maintenir la tranquillité publique et le calme des esprits, les souverains espagnols élargirent dans des proportions considérables son rôle primitif, qui était de rechercher et de punir les Juifs faux chrétiens ou Marranes, et les Mores faux chrétiens ou Morisques. Le 22 août 1498, Ferdinand le Catholique, roi d'Aragon, chargeait le Saint-Office de réprimer les actes de sodomie (LLORENTE, IV, p. 297).
Dès 1527, commencèrent devant le Saint-Office les procès de sorcellerie et de magie qui envoyèrent au bûcher un nombre assez considérable de condamnés, au XVIe et au XVIIe siècle. Les dépositions qui y furent reçues, et que LLORENTE résume dans son Histoire (tome III, pp. 431-463), nous prouvent que les réunions secrètes des sorciers n'étaient pas seulement remplies par des rites ridicules, nés de l'ignorance et de la superstition. L'immoralité la plus éhontée, les actes les plus révoltants se mêlaient aux pratiques les plus stupides; et en tous pays, ils seraient réprimés, même de nos jours, en dehors de toute préoccupation religieuse et confessionnelle. Les sorciers ne se contentaient pas de représenter le diable et des démons, de faire des parodies sacrilèges de la messe, de la confession et des autres sacrements de l'Eglise, de profaner des reliques et des objets sacrés, et de recevoir des offrandes considérables, arrachées par leurs grossières supercheries à la crédulité et à l'ignorance de leurs adeptes. Ils leur distribuaient en échange des poudres présentées comme l'œuvre du diable et pouvant nuire aux récoltes, aux provisions, aux animaux et même à la vie de leurs ennemis; et ces poudres étaient le plus souvent des poisons; c'est ainsi que beaucoup de sorciers furent convaincus d'homicide.
Enfin, le plus souvent, les réunions se terminaient, comme il arrivait alors dans un grand nombre de sociétés secrètes, par des actes d'hystérie et d'abominable luxure. Lorsque la parodie sacrilège de la messe est terminée, « le diable s'unit charnellement avec tous les hommes et toutes les femmes, et leur ordonne ensuite de l'imiter.
« Ce commerce finit par le mélange des sexes, sans distinction de mariage et de parenté. Les prosélytes du démon tiennent à honneur d'être appelés les premiers aux œuvres qui se font, et c'est le privilège du roi (des sorciers) d'avertir ses élus, comme celui de la reine (des sorcières) d'appeler les femmes qu'elle préfère. » (LLORENTE, III, p. 435).
Ces lignes nous en disent assez pour que…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ V. Procès extraordinaires; procès politiques.(suite)(col. 1113-1115)
Ces lignes nous en disent assez pour que nous nous fassions une idée des scènes de débauche bestiale qui se déroulaient dans ces réunions organisées par les sorciers.
On s'explique, dès lors, la rigueur avec laquelle Inquisition les poursuivit; ne fallait-il pas en finir avec des pratiques qui démoralisaient des populations entières ? Le Saint-Office n'oublia pas cependant le caractère particulièrement délicat de ces sortes de procès, où le plus souvent étaient incriminées des personnes ignorantes et naïvement grossières, et où les dépositions pouvaient être dictées par des préjugés, des croyances superstitieuses et l'imagination mensongère de l'hystérie. Aussi plusieurs théologiens crurent-ils utile, au cours du XVIe siècle, d'écrire des traités sur la sorcellerie, pour bien démêler les éléments assez divers que l'on réunissait sous cette appellation commune.
Dans celui qu'il composa à l'usage de l'Inquisition, le théologien Paul de Valence recommandait la plus grande prudence à ceux qui poursuivaient les sorciers. Ces procès, disait-il, demandaient beaucoup de discernement et de critique; il souhaitait pour leur conduite, des instructions particulières, et il concluait qu'il vaut mieux épargner un coupable que de frapper un innocent ou de le punir plus sévèrement qu'il ne le mérite. (LLORENTE, III, p. 460).
Dans son Histoire de l'Inquisition, Llorente énumère et même raconte plusieurs procès de sorcellerie, qui impressionnèrent vivement l'opinion et furent d'ailleurs accueillis par elle avec faveur : en 1527, le procès de 150 sorcières de Navarre, jugées à Estella et condamnées à des peines variées, dont les plus sévères furent l'emprisonnement pendant plusieurs années et 200 coups de fouet ; en 1536, celui des sorcières de Saragosse, dont plusieurs furent envoyées au bûcher par l'inquisition locale, malgré les défenses du grand Inquisiteur (II, p. 49); en 1610, celui des 29 sorciers de Logroño, desquels 11 furent condamnés à être livrés au bras séculier et 18 furent réconciliés après des pénitences variées.
Le XVIIIe siècle vit encore en Espagne des procès de sorcellerie. Sous le règne de Philippe V, la prieure des Carmélites de Logroño fut poursuivie parce qu'elle avait fait, disait-on, avec le démon un pacte qui lui permettait d'opérer des miracles, et dans ce procès fut englobé Jean de la Vega, provincial des Carmes déchaussés, qui fut livré au bûcher le 31 octobre 1743 ; la même année, fut condamné comme « hypocrite et sorcier » Jean de Espejo, fondateur des Hospitaliers du Divin Pasteur.
Etendant encore plus la compétence du Saint-Office, les souverains espagnols finirent par déférer à ses jugements quiconque troublait ou semblait menacer la paix publique, soit qu'il fût en révolte, soit qu'il fit plus ou moins discrètement opposition à leur gouvernement, soit que, favori ou premier ministre la veille, il eût cessé de plaire. On peut dire que presque tous les procès politiques se déroulèrent ainsi devant l'Inquisition.
Dès 1507, Ferdinand d'Aragon déféra à l'inquisiteur de Logroño César Borgia, pour crime d'athéisme; mais ce n'était qu'un prétexte pour se débarrasser d'un homme gênant pour lui et pour la monarchie. En effet, après la mort du pape Alexandre VI, César, se souvenant qu'il était Espagnol, avait voulu se réfugier dans son pays d'origine et y jouer un rôle. « Indésirable » entre tous, il avait été arrêté à Naples par le gouverneur espagnol Gonsalve de Cordoue. Expédié sous bonne garde en Espagne pour y être retenu en prison, il s'était évadé, et il essayait d'enlever la Navarre à l'occupation aragonaise pour y rétablir Jean d'Albret, roi de Navarre, son beau-frère. En attendant de le vaincre dans la lutte engagée contre lui, Ferdinand le Catholique voulut le faire condamner par l'Inquisition, pour le rendre odieux à l'opinion publique et pouvoir se débarrasser de lui si quelque victoire le lui livrait ; la mort de César dans une escarmouche mit fin à ce calcul, qui, sous le couvert d'une imputation d'athéisme, était purement politique (LLORENTE, III, p. 5).
On a voulu expliquer la mort mystérieuse de don Carlos, fils de Philippe II, par une condamnation de l'Inquisition…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ V. Procès extraordinaires; procès politiques.(suite)(col. 1115)
On a voulu expliquer la mort mystérieuse de don Carlos, fils de Philippe II, par une condamnation de l'Inquisition, que le roi aurait sanctionnée. En réalité, ce prince fut jugé par une commission extraordinaire nommée spécialement pour son cas; et si le grand Inquisiteur Diego Espinosa, cardinal évêque de Siguënza, en fit partie, ce fut en sa qualité de président du Conseil de Castille et conseiller de la Couronne. Au contraire, ce fut bien l'Inquisition qui poursuivit le ministre Antonio Pérez.
Ce personnage avait acquis une grande influence sur Philippe II, en excitant sa jalousie contre son frère naturel, don Juan, le vainqueur de Lépante; mais à son tour, une intrigue amoureuse en fit le rival du roi, qui, craignant sa puissance, le fit arrêter. Antonio Pérez réussit à s'évader, et alla se réfugier en Aragon, dans le couvent des Dominicains de Calatayud. Il y était protégé non seulement par la puissante faction qui lui restait fidèle à la cour, mais aussi par le caractère sacré du lieu d'asile qui s'était ouvert devant lui, et encore plus par les franchises de l'Aragon, qu'il invoqua contre l'arbitraire royal.
Désireux d'en finir au plus vite avec un ennemi qu'il détestait et redoutait, Philippe II ne crut pas trouver de meilleur moyen de le perdre que de le faire juger par l'Inquisition, ce tribunal étant au-dessus de toutes les juridictions ordinaires et pouvant faire céder devant lui les privilèges de l'Aragon et imposer aux Dominicains, sous peine de les traiter eux-mêmes d'hérétiques, de lui livrer leur protégé. Le roi dénonça son ancien favori au Saint Office comme magicien et fauteur d'hérésie, puisqu'il avait voulu se réfugier en Béarn, terre hérétique, soumise à Jeanne d'Albret. Les griefs étaient peu sérieux et le conseil suprême de l'Inquisition ne consentit à ouvrir l'information que sur l'ordre formel du roi. Le grand Inquisiteur, le cardinal Quiroga, était soupçonné d'amitié pour Pérez; aussi Philippe II lui imposa-t-il le qualificateur qui devait instruire le procès et qui était son propre confesseur, Fray Diego de Chaves; et pour surveiller les scrupules qui pouvaient arrêter ce dernier dans l'œuvre de vengeance dont il devait être l'instrument, le roi lui adjoignit un de ses hommes à tout faire, Arenillas. Quiroga s'inclina devant cette volonté souveraine, et le procès commença. Menacés d'excommunication, les Dominicains livrèrent Antonio Pérez, qui fut enfermé dans les prisons du Saint-Office.
Déjà mécontent de la désinvolture avec laquelle Philippe II traitait ses libertés, l'Aragon se souleva à la nouvelle de l'arrestation d'Antonio Pérez, dans laquelle il voyait un nouvel attentat contre ses privilèges; conduits par leurs curés et par les nobles, les paysans s'emparèrent de Saragosse et mirent Pérez en liberté; celui-ci demanda aussitôt au peuple l'ouverture d'une instruction contre les inquisiteurs, coupables d'avoir violé les fueros, c’est-à-dire les privilèges de l'Aragon. Une seconde tentative pour s'emparer de la personne de Pérez déchaîna une nouvelle révolte, quatre mois après, le 24 septembre 1591, et fray Diego déclara que, pour en finir, « il fallait faire mourir Antonio Pérez par le moyen qui paraîtrait le plus expéditif ». Le roi envoya toute une armée pour s'emparer de Saragosse, qui se rendit sans combat, mais Antonio Pérez s'était enfui en Béarn, auprès de Catherine de Bourbon, sœur de Henri IV roi de France.
Le gouvernement royal, dès qu'il le sut, en profita pour exciter le sentiment religieux et patriotique…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ V. Procès extraordinaires; procès politiques.(suite)(col. 1115-1116)
Le gouvernement royal, dès qu'il le sut, en profita pour exciter le sentiment religieux et patriotique des populations. Il fit savoir que Pérez préparait, d'accord avec les hérétiques de France, une expédition pour enlever la Navarre à l'Espagne et amener en Aragon, d'accord avec les Mores, une invasion, qui aurait pour premier résultat le massacre de la population catholique. L'opinion ainsi retournée, la répression commença. L'inquisition fit le procès de tous ceux qui avaient favorisé Pérez en fomentant ou en dirigeant les insurrections.
Elle condamna au feu six inculpés, et 73 autres à diverses peines. Ce fut aux acclamations enthousiastes de la foule que l'autodafé fut célébré et le bûcher allumé. Le procès de Pérez fut aussitôt repris. Comme l'accusation de magie et de sorcellerie était sans consistance, l'Inquisition chercha à prouver que l'ancien ministre était un Marrane, descendant de Juifs, et peut-être lui-même Juif dissimulé.
Enfin, on releva dans ses conversations passées des propos qui sentaient l'hérésie et marquaient une sympathie pour les hérétiques, en particulier pour Henri, roi de Navarre et le duc de Vendôme; et le 7 septembre 1592, le Saint-Office condamna Antonio Pérez à être brûlé en effigie, par contumace, comme « hérétique formel, huguenot convaincu et impénitent obstiné ». Ses biens étaient confisqués et ses enfants et petits-enfants voués, comme lui, à l"infamie.
Pérez mourut en France; après sa mort, ses fils obtinrent de l'Inquisition l'annulation du procès imposé aux juges de 1592 par l'autorité royale, et la réhabilitation de leur père (7 avril 1615). Cette réhabilitation, comme les divers incidents du procès, montrent bien que la cause de Pérez avait été uniquement politique et n'avait été jugée par l'Inquisition que pour des raisons d'opportunité gouvernementale. (FORNERON, Histoire de Philippe II, t. III, chap. II, tome IV, chap. II; LLORENTE, t. III, chap. XXXV.)
A suivre : § VI. Déclin et suppression de l'Inquisition espagnole.
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office(col. 1116-1117)
§ VI. Déclin et suppression de l'Inquisition espagnole. — Quoique l'Inquisition n'existât pas en France, la dynastie des Bourbons se garda bien de la supprimer en Espagne lorsque, avec Philippe V, elle prit dans ce pays, la succession de la Maison d'Autriche. On savait en France quel excellent instrument de règne était pour la monarchie ce redoutable tribunal. Dans son testament ( article 8 ), Charles II avait fait un devoir à son successeur de maintenir le Saint-Office; Louis XIV s'accorda avec le feu roi pour donner le même conseil au nouveau roi son petit-fils. Les instructions rédigées en son nom par M. de Beauvillier recommandaient à Philippe V de respecter profondément une institution si révérée en Espagne et de se contenter d'en tempérer et surveiller les actes ( HIPPEAU, II, p. 521); il la lui présentait comme fort utile « pour maintenir lu tranquillité de son royaume » (LLORENTE, IV, p. 29).
A vrai dire, dès son avènement, Philippe V avait exilé à Séville le cardinal Mendoza, grand Inquisiteur ; mais c'était uniquement parce qu'il devait cette haute fonction à la faveur de la veuve de Charles II, la reine douairière Marie-Anne de Neubourg, qui avait été toujours à la tête du parti autrichien contre le parti français. Cette disgrâce était la conséquence naturelle du succès définitif de ce dernier par l'accession au trône de Philippe V ; et elle est une nouvelle preuve du caractère essentiellement politique de l'Inquisition. (SAINT-SIMON, La cour d'Espagne à l'avènement de Philippe V. Œuvres, VIII, p. 531).
Ce qui prouve que le nouveau roi voulait conserver l'Inquisition parce qu'il voyait en elle un puissant moyen de consolider son pouvoir, c'est qu'il voulut le soustraire tout à fait à l'influence du Saint-Siège, pour en faire une institution exclusivement monarchique et espagnole. Lorsque le pape Clément XI se plaignit que, sans son consentement, le grand Inquisiteur eût été ainsi destitué brusquement, le gouvernement de Philippe V le trouva fort étrange. C'est ce que rappelait en ces termes, dans ses instructions à l'ambassadeur de France à Madrid, le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, le marquis de Torcy (27 avril 1704) : « Lorsque le Pape se plaignit de la conduite que le Roi d'Espagne avait tenue sans sa participation à l'égard du grand Inquisiteur, cette prétention de la cour de Rome parut nouvelle à Madrid. On prétendit que, quoique le Pape donne des bulles, l'Inquisiteur général ne dépendait en aucune façon de Sa Sainteté et que le Roi catholique était maitre de le destituer. »
Ce conflit dura plusieurs années; et ces instructions de Torcy recommandaient à l'ambassadeur Gramont de l'apaiser en modérant le régalisme de Philippe V, sans cependant, le combattre ou paraître le désapprouver. « II est de l'intérêt du Roi d'Espagne de laisser à ses tribunaux le soin de soutenir ses droits contre les entreprises de cette cour (romaine). Il ne doit interposer son autorité que pour empêcher ses officiers d'aigrir ses différends. Il est de sa prudence de conserver, dans les conjonctures présentes, une bonne union avec le chef de l'Eglise. » (Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France en Espagne, tome II, pp. 124-125).
Après quatre ans de négociations…
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ VI.Déclin et suppression de l'Inquisition espagnole.(suite)(col. 1117-1118)
Après quatre ans de négociations, l'incident fut clos par la nomination par le roi et la confirmation par le pape du nouvel Inquisiteur général, Vidal Marin, évêque de Ceuta (mars 1705). La disgrâce de Mendoza avait été pour l'Inquisition un sérieux avertissement d'avoir à travailler contre le parti autrichien pour la consolidation de l'autorité de Philippe V ; ainsi le comprit Marin. Par un décret du Saint-Office, publié en 1707, il obligea, sous peine de péché mortel et d'excommunication réservée, tout Espagnol à dénoncer quiconque prétendrait nul le serment de fidélité prêté à Philippe V et tous les confesseurs à signaler les cas de ce genre parvenus à leur connaissance. Cette mesure était tellement exorbitante que son exécution se heurta à l'opinion publique, surtout en Aragon ; les inquisiteurs régionaux n'osèrent pas l'appliquer: cependant, en juillet 1709, un procès inquisitorial fut fait à un Franciscain de Murcie, accusé d'avoir nié à ses pénitents que le serment de fidélité les engageât à jamais envers le roi. (LLORENTE, IV, p. 30).
Si au contraire le Saint-Office essayait de défendre l'Eglise contre des entreprises régaliennes qui devaient s'accentuer de plus en plus au XVIIIe siècle, grâce aux légistes de la monarchie absolue, le gouvernement royal s'empressait de réprimer ces tentatives.
Philippe V et les conseillers que lui avait donnés Louis XIV avaient apporté en Espagne les « maximes de l'Eglise gallicane », c'est-à-dire cet ensemble de doctrines et de coutumes qui entravaient la juridiction du Saint-Siège, même dans les questions spirituelles, sur l'Eglise de France, en plaçant cette dernière sous l'influence de l'Etat; et ils s'efforcèrent d'aggraver encore la mainmise du pouvoir temporel sur le spirituel, à laquelle avaient déjà tant travaillé Ferdinand et Isabelle, et leurs successeurs de la Maison d' Autriche.
En 1713, le procureur fiscal du Conseil de Castille, Macanaz, s'était inspiré du livre que venait de publier pour défendre et renforcer les maximes régaliennes du gallicanisme l'avocat général du Parlement de Paris, Denis Talon ; et pour accentuer en Espagne l'autorité royale en face de l'Eglise, il avait écrit un Mémoire qu'il avait fait distribuer à tous les membres du Conseil. La plupart en furent scandalisés, et l'un d'eux déféra cet écrit au grand Inquisiteur. Le Saint-Office examina le Mémoire, mais n'osant pas s'attaquer à un personnage officiel, bien vu en cour, il se contenta de condamner les ouvrages dont Macanaz s'était inspiré, « comme renfermant des propositions scandaleuses, téméraires, erronées, blasphématoires, injurieuses aux sacrés Conciles, au Saint-Siège et même schismatiques et hérétiques ».
Philippe V punit très durement ceux qui avaient pris part directement ou indirectement à ce jugement. Louis Curiel, auteur d'un violent mémoire contre Macanaz, fut révoqué de ses fonctions de conseiller et relégué à Segura de la Lierra; un Dominicain, qui avait aidé Curiel, fut exilé; les inquisiteurs reçurent une sévère réprimande et l'ordre de révoquer immédiatement leur sentence : le cardinal del Giudice, grand Inquisiteur, fut rappelé de Versailles, où Philippe V l'avait envoyé, et confiné à Bayonne.
Louis XIV lui-même crut nécessaire de rappeler à la modération son petit-fils et ceux qui le conseillaient..
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Re: Saint-Office et Inquisition.
Saint-Office§ VI.Déclin et suppression de l'Inquisition espagnole.(suite)(col. 1118-1119)
Louis XIV lui-même crut nécessaire de rappeler à la modération son petit-fils et ceux qui le conseillaient, la princesse des Ursins et Orry, ennemis déclarés de l'Inquisition. « Plus l'autorité de l'Inquisition s'est étendue en Espagne, écrivait-il le 17 septembre 1714. à Philippe V, plus la prudence est nécessaire pour l'attaquer et ce n'est que lorsque les temps sont tranquilles qu'on peut songer à la renfermer dans ses justes bornes. » (BAUDRILLART. Philippe V et la Cour de France, t. I, p. 597).
Ce fut en tout temps que les Bourbons « renfermèrent l'Inquisition dans ses justes bornes » ; et à leurs yeux ces justes bornes, c'était le service du pouvoir royal contre tous les perturbateurs, religieux ou politiques, d'accord avec le Saint-Siège, et le cas échéant contre lui.
Philippe V donna cet exemple à ses successeurs en soutenant, à la suite de cet incident, une lutte de plusieurs années contre la papauté. Non content d'avoir relégué à Bayonne le cardinal del Giudice, il exigea sa démission en 1716, malgré les protestations du pape, et il ne revint à des dispositions conciliantes que lorsqu'il passa de l'influence de la princesse des Ursins sous celle de son confesseur, le P. Daubenton, de sa seconde femme Elisabeth Farnèse et d'Albéroni.
Sous Ferdinand VI, successeur de Philippe V, un nouvel incident montra l'esprit d'indépendance et de révolte qui animait l'Inquisition espagnole contre le Saint-Siège, quand l'autorité royale semblait en cause. A la suite de polémiques assez vives entre Jésuites et Augustins, le Saint-Office d'Espagne avait inscrit dans son Index plusieurs livres du cardinal Noris, membre de l'Inquisition romaine, bibliothécaire du Vatican et l'un des membres les plus respectés de la Curie. Par un bref adressé au grand Inquisiteur en 1748, le pape Benoit XIV s'étonna d'une pareille sentence, qui condamnait comme jansénistes des œuvres trois fois approuvées à Rome; et il lui ordonna de les retirer de son Index.
L'Inquisiteur Perez de Prado n'en fit rien, se contentant d'écrire au pape que sa Majesté était saisie de l'affaire et qu'il répondrait à Sa Sainteté ce que lui ordonnerait son souverain. Ainsi, dans une question d'ordre théologique, le grand Inquisiteur opposait à l'autorité du Saint-Siège celle du Roi. Benoit XIV ayant annulé, de son autorité suprême, la décision du Saint-Office, le grand Inquisiteur lui écrivit « que l'affaire étant portée devant le roi, il n'avait plus qu'à attendre la décision de son maître. Il laissa entendre également que sa qualité de chef de l'Inquisition espagnole lui imposait le devoir de sauvegarder les privilèges de la monarchie, acquis jadis en retour de grands services rendus à la papauté » (ROUSSEAU, Règne de Charles III, tome I, p. 145).
Dans cette résistance, le grand Inquisiteur était soutenu par le confesseur du roi, le jésuite Rabago, qui mit en avant contre le Saint Siège toutes les prétentions régaliennes de la monarchie espagnole…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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