L'âme humaine est-elle immortelle ?

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Message  Louis Dim 03 Déc 2017, 6:09 am

ARTICLE V.

N’y a-t-il qu’un intellect agent pour tous les hommes ? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble qu'il n'y ait qu'un seul intellect agent pour tous les hommes. Car rien de ce qui est séparé du corps ne se multiplie en proportion des corps eux-mêmes. Or, l'intellect agent est séparé, comme le dit Aristote (De animâ, lib.III, text. 19 et 20). Donc il n'y a pas autant d'intellects agents qu'il y a d'hommes, mais il n'y en a qu'un pour tout le monde.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu'Aristote prouve que l'intellect agent est séparé, parce que l'intellect possible l'est aussi ; car il s'appuie sur ce que celui qui agit est plus noble que celui qui pâtit. Or, il dit que l'intellect possible est séparé, parce qu'il n'est pas l'acte d'un organe corporel, et c'est dans le même sens qu'il prétend que l'intellect agent l'est aussi (2), mais il ne veut pas dire par là que ce soit une substance séparée.

DIFFICULTÉ: 2. L'intellect agent rend universel ce qui est un dans une multitude d'individus. Or, ce qui est cause de l'unité est ce qu'il y a de plus un. Donc l'intellect agent est un dans tous les hommes.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que l'intellect agent produit l'universel en faisant abstraction de la matière. Or, il n'est pas nécessaire pour cela qu'il n'y en ait qu'un seul pour tous ceux qui ont de l'intelligence, mais il faut que dans tous les hommes il se rapporte de la même manière à tous les objets dont il abstrait l'universel qui est un. Et tel est l'intellect agent en tant qu'immatériel.

DIFFICULTÉ: 3. Tous les hommes ont de commun les premières conceptions de l'intellect. Or, ils y adhèrent par l'intellect agent. Donc ils ont de commun le même intellect agent.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que tous les êtres qui sont de la même espèce ont de commun l'action qui résulte de la nature de leur espèce ; par conséquent ils ont aussi de commun la vertu qui est le principe de leur action ; ce qui ne signifie pas toutefois qu'elle soit numériquement la même pour tous les êtres.

Or, la connaissance des premières choses intelligibles est une action qui est une conséquence de l'espèce humaine.

Il faut donc que tous les hommes aient de commun  la vertu qui est le principe de cette action, et c'est cette vertu qui est le principe de l'intellect agent. Il ne faut cependant pas qu'elle soit numériquement la même dans tous les hommes, mais il faut qu'elle sorte d'un principe unique (1) pour être ensuite communiquée à tous. La part commune que tous les hommes prennent aux premiers principes intelligibles démontre l'unité de l'intellect séparé que Platon compare au soleil, mais elle ne prouve pas l'unité de l'intellect agent qu'Aristote compare à la lumière (2).

CEPENDANT, Aristote dit (De animâ, lib.III, text. 18) que l'intellect agent est comme une lumière. Or, ce n'est pas la même lumière qui éclaire tous les divers objets. Donc l'intellect agent n'est pas le même dans les divers individus.


CONCLUSION : …
_______________________________________________________________________

(1) Cette question revient à l’unique principe intelligent qu’Averroës admettait pour tous les hommes. Cette opinion a déjà été réfutée (quest. LXXVI, art. 2). (2) D'après Aristote, l'intelligence est séparée, c'est-à-dire qu'elle est sans mélange avec quoi que ce soit ; ce qui ne veut pas dire qu'elle soit une autre substance que l'âme. (1) Ce principe unique n'est rien autre chose que Dieu et constitue ce qu'il y a d'impersonnel dans la raison. (2) L'intelligence active, dit Aristote, est une sorte de virtualité pareille à la lumière ; car la lumière fait des couleurs qui ne sont qu'en puissance des couleurs en réalité, et c'est ce que fait l'intellect actif à l'égard des choses intelligibles.


Dernière édition par Louis le Dim 20 Mai 2018, 4:40 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Lun 04 Déc 2017, 5:57 am

ARTICLE V.

N’y a-t-il qu’un intellect agent pour tous les hommes ? (1)

SUITE

CONCLUSION : L'intellect agent étant une vertu de l'âme, il n'est pas possible qu'il n'y en ait qu'un pour tous les hommes, mais il faut qu'il y en ait autant qu'il y a d'âmes.

Il faut répondre que la solution de cette question est une conséquence de ce que nous avons dit dans l'article précédent.

Car si l'intellect agent n'était pas quelque chose de l'âme, mais une substance séparée, il n'y aurait qu'un intellect agent pour tous les hommes. Et c'est ainsi que l'entendent ceux qui n'en admettent qu'un.

Mais si l'intellect agent est quelque chose de l'âme et qu'il soit une de ses vertus, il faudra nécessairement qu'il y ait autant d'intellects agents qu'il y a d'âmes, et que par conséquent il y en ait autant qu'il y a d'hommes, puisqu'il y a autant d'âmes que d'hommes, comme nous l'avons dit (quest. LXXVI, art. 2). Car il ne peut se faire qu'il n'y ait numériquement qu'une seule et même puissance pour divers sujets.

_____________________________________________________________________

(1) Cette question revient à l’unique principe intelligent qu’Averroës admettait pour tous les hommes. Cette opinion a déjà été réfutée (quest. LXXVI, art. 2).

A suivre :  Article VI.  La mémoire est-elle dans la partie intellective de l’âme ?


Dernière édition par Louis le Dim 20 Mai 2018, 4:43 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mar 05 Déc 2017, 7:01 am

ARTICLE VI.

La mémoire est-elle dans la partie intellective de l’âme ? (3)

DIFFICULTÉ: 1.  Il semble que la mémoire ne soit pas dans la partie intellective de l'âme. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. mi, cap. 2) que les choses qui ne sont pas communes aux hommes et aux bêtes appartiennent à la partie supérieure de l'âme. Or, la mémoire est-commune aux  hommes et aux bêtes. Car saint Augustin dit encore que les bêtes peuvent sentir au moyen des sens les choses corporelles et les confier à leur mémoire. Donc la mémoire n'appartient pas à la partie intellective de l'âme.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que la mémoire, selon qu'elle conserve les espèces, n'est pas commune à l'homme et aux bêtes ; car les espèces ne sont pas seulement conservées dans la partie sensitive de l'âme; elles existent plutôt dans l'âme unie au corps, puisque la faculté mémorative est l'acte d'un organe. Mais l'intellect est destiné par lui-même à conserver les espèces sans avoir besoin de la concomitance d'un organe corporel. Ainsi Aristote dit (De animâ, lib. m, text. 6) que l'âme est le lieu des espèces (1), qu'elle ne jouit pas tout entière de cette propriété, mais que c'est seulement son intellect.

DIFFICULTÉ: 2. La mémoire a pour objet les choses passées. Or, on dit qu'une chose est passée par rapport à un temps déterminé. La mémoire est donc la faculté qui nous fait connaître un objet sons un temps déterminé, c'est-à-dire tel qu'il est dans le temps et l'espace. Or, cette fonction n'est pas propre à l'intellect, mais aux sens. Donc la mémoire n'est pas dans la partie intellective, mais seulement dans la partie sensitive.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que le passé peut se rapporter à deux points : à l'objet connu et à l'acte de la connaissance. Ces deux choses se trouvent simultanément réunies dans la partie sensitive qui perçoit les objets quand elle est impressionnée par leur présence sensible. Ainsi l'animal se rappelle tout à la fois qu'il a eu antérieurement dans le passé une sensation, et qu'il a senti un objet sensible qui n'existe plus. Mais pour ce qui est de la partie intellective, le passé est un accident; il n'existe pas par lui-même de la part de l'objet de l'intellect.

Car l'intellect comprend l'homme en tant qu'homme. Il est accidentel à l'homme ainsi considéré d'exister dans le présent, ou dans le passé, ou dans le futur. De la part de l'acte le passé peut être pris dans un sens absolu aussi bien quand il s'agit de l'intellect que quand il s'agit des sens.

Car, pour notre âme, comprendre est un acte particulier qui existe en tel ou tel temps ; ainsi on dit que l'homme comprend maintenant, ou hier, ou demain. Et il n'y a là rien qui répugne à la nature de l'intelligence, parce que si comprendre est dans ce sens quelque chose de particulier, ce n'en est pas moins un acte immatériel, comme nous l'avons dit (quest. LXXV, art. 2).

C'est pourquoi comme l'intellect se comprend lui-même bien qu'il soit quelque chose de particulier, de même il comprend sa propre connaissance ou intelligence bien que ce soit un acte particulier qui existe dans le passé, le présent ou l'avenir.

Ainsi la mémoire, considérée par rapport aux choses passées, existe dans l'intellect, dans le sens que l'intellect comprend qu'il a eu antérieurement l'intelligence d'une chose, mais elle n'y existe pas relativement au passé considéré comme tel.

DIFFICULTÉ : 3. Dans la mémoire se conservent les espèces des choses auxquelles on ne pense pas actuellement. Or, il n'est pas possible que cela ait lieu dans l'intellect, parce que l'intellect devient en acte par cela seul qu'il est impressionné par une espèce intelligible. Or, quand l'intellect est en acte il comprend en acte, et par conséquent il comprend actuellement toutes les choses dont les espèces lui sont présentes. La mémoire n'est donc pas dans la partie intellective.

SOLUTION: 3. Il faut répondre au troisième, que les espèces intelligibles sont quelque fois dans l'intellect seulement en puissance. Et alors on dit que l'intellect existe en puissance.

D'autres fois elles sont absolument en acte, et alors l'intellect comprend actuellement.

Enfin elles y existent d'une façon qui tient le milieu entre la puissance et l'acte, et alors on dit que l'intellect possède les choses d'une manière habituelle. C'est ainsi que l'intellect conserve les espèces quand il ne les comprend pas actuellement.

CEPENDANT, saint Augustin dit (De Trin. lib. X, cap. 11) que la mémoire, l'intelligence et la volonté ne forment qu'un seul et même esprit.

CONCLUSION : …
___________________________________________________________________

(3) Cet article est le résumé du curieux traité d'Aristote, intitulé : De la mémoire et de la réminiscence. (1) Cette magnifique expression vient peut-être de Platon, et rappelle une magnifique pensée de saint Augustin, que Mallebranche a exprimée en disant que Dieu est le lieu des esprits, comme l’espace est le lieu des corps.


Dernière édition par Louis le Dim 20 Mai 2018, 4:49 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mer 06 Déc 2017, 5:12 am

ARTICLE VI.

La mémoire est-elle dans la partie intellective de l’âme ? (3)

SUITE

CONCLUSION : La mémoire comme faculté conservatrice des espèces intelligibles se rapporte à la partie intellective de l'âme, mais selon qu'elle a pour objet le passé considéré comme tel, elle se rapporte davantage à la partie sensitive.

Il faut répondre que puisqu'il est dans la nature de la mémoire de conserver les espèces des choses qu'on ne perçoit pas actuellement, il faut d'abord considérer si les espèces intelligibles peuvent être ainsi conservées dans l'intellect. Car Avicenne a supposé que c'était impossible (1).

Ainsi il disait que dans la partie sensitive il y a des puissances qui, par là même qu'elles sont les actes des organes corporels, peuvent conserver en elles quelques espèces sans avoir besoin de les percevoir actuellement de nouveau. Mais que dans l'intellect qui n'a aucun organe corporel il n'existait rien que d'une manière intelligible, et qu'il fallait par conséquent qu'on comprit en acte l'objet dont l'image ou la ressemblance existe dans l'entendement

Ainsi, d'après ce philosophe, aussitôt qu'on cesse de comprendre en acte une chose, l'espèce de cette chose cesse d'être dans l'intellect. Si on veut la comprendre de nouveau, on doit se tourner vers l'intellect agent, qu'il suppose une substance séparée, pour que les espèces intelligibles en émanent et frappent l'intellect possible.

Il prétend que l'habitude de se tourner ainsi vers l'intellect agent donne à l'intellect possible une certaine facilité et une certaine aptitude de conception qui constitue ce qu'il appelle la science habituelle.

Ainsi dans ce système il n'y a donc rien de conservé dans la partie intellective qui ne soit compris en acte. Par conséquent il n'y a pas lieu sous ce rapport d'admettre la mémoire dans la partie intellective de l'âme.

— Mais cette opinion est absolument contraire au sentiment D’Aristote.

Car il dit ( De animâ, lib. III, text. 8 ) que l'intellect possible devient les choses qu'il pense en ce sens que l'on dit d'un homme qu'il est savant, parce qu'en effet il est savant en acte. Et c'est ce qui a lieu du moment que l'intelligence peut agir par elle-même. Elle n'en est pas moins alors également en puissance d'une certaine façon, mais elle n'est pas tout à fait comme elle était avant qu'elle eût appris ou découvert la chose.

Or, on dit que l'intellect possible est transformé en chaque chose selon qu'il reçoit les espèces de chaque objet.

Donc, par là même qu'il reçoit les espèces des choses intelligibles, il a tout ce qu'il faut pour agir quand il le veut; ce qui ne signifie pas toutefois qu'il agisse toujours, parce qu'il est d'une certaine manière en puissance, mais il y est autrement qu'avant d'avoir compris : il est dans l'état de celui qui, ayant la science habituelle, se trouve en puissance de réfléchir actuellement à ce qu'il sait.

D'ailleurs l'hypothèse d’Avicenne répugne à la raison.

Car ce qui est reçu dans un être y est reçu selon le mode du sujet qui le reçoit.

Or, l'intellect est d'une nature plus ferme et plus immuable que la matière corporelle.

Si donc la matière corporelle ne conserve pas seulement les formes qu'elle reçoit pendant qu'elle agit par leur moyen, mais si elle les conserve encore après, à plus forte raison l'intellect reçoit-il d'une manière immuable et inamissible les espèces intelligibles, soit qu'elle les ait reçues des objets sensibles, soit qu'elles émanent d'une intelligence supérieure.

Par conséquent, si par la mémoire on entend la faculté qui conserve les espèces, il faut dire que cette faculté existe dans la partie intellective de l'âme.

— Mais il est encore dans la nature de la mémoire que son objet soit passé et considéré comme tel ; cette faculté n'existe pas à ce titre dans la partie intellective de l'âme. Elle appartient à la partie sensitive qui perçoit les objets particuliers. Car le passé considéré comme tel, désignant l'être sous un temps déterminé, rentre dans la condition des choses particulières.
________________________________________________________

(3) Cet article est le résumé du curieux traité d'Aristote, intitulé : De la mémoire et de la réminiscence. (1) Ce sentiment d'Avicenne est encore celui des philosophes qui suivent le système de  Kant; car ils admettent qu'il n'y a pas de mémoire à l'égard des conceptions, et que l’âme, à chaque fois qu'elle en a besoin, est obligée de les reproduire de nouveau.

A suivre :  Article 7 .  La mémoire intellectuelle est-elle une faculté différente de l’entendement ?


Dernière édition par Louis le Dim 20 Mai 2018, 4:57 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Jeu 07 Déc 2017, 6:32 am

ARTICLE 7.

La mémoire intellectuelle est-elle une faculté différente de l’entendement ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que la mémoire intellectuelle soit une faculté différente de l'entendement. Car saint Augustin (De Trin. lib. X, cap. 10 et 11) place dans l'esprit (in mente) la mémoire, l'intelligence et la volonté. Or, il est évident que là mémoire est une puissance différente de la volonté. Donc elle est également différente de l'intellect.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que le Maître des sentences (Dist. III, 1 Sent.) dit que la mémoire, l'intelligence et la volonté sont trois facultés, mais qu'à cet égard il ne suit pas le sentiment de saint Augustin qui dit expressément (De Trin. lib. XIV, cap. 7) que si on considère la mémoire, l'intelligence et la volonté comme étant toujours présentes à l'esprit, soit qu'on pense, soit qu'on ne pense pas, elles paraissent toutes les trois appartenir à la mémoire. Ce que je nomme l'intelligence, ajoute-t-il, c'est ce qui fait que nous comprenons une chose en y pensant, et la volonté, l'amour, ou la dilection est le lien qui unit la pensée au sujet qui la produit.

D'où il résulte évidemment que saint Augustin ne prend pas ces trois choses pour trois puissances de l'âme, mais que pour lui la mémoire est l'état habituel de l'âme qui conserve toutes les idées et toutes les connaissances qui l'enrichissent, l'intelligence est l'acte même de l'intellect, et le vouloir l'acte de la volonté.

DIFFICULTÉ: 2. Ce qui distingue les puissances de la partie sensitive de l'âme distingue aussi celles de la partie intellective. Or, dans la partie sensitive la mémoire est une puissance différente des sens, comme nous l'avons dit (quest. LXXVIII, art. 4). Donc la mémoire intellectuelle est une autre puissance que l'intellect.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que le passé et le présent peuvent constituer des différences propres par rapport aux puissances sensitives en raison de la diversité de leurs objets, mais qu'il n'en est pas de même des puissances intellectives (1) pour la raison que nous avons donnée  (art. préc.).

DIFFICULTÉ: 3. D'après saint Augustin (De Trin. lib. X, cap. 11), la mémoire, l'intelligence et la volonté sont égales entre elles, et l'une d'elles procède de l'autre. Or, il ne pourrait en être ainsi, si la mémoire était la même puissance que l'intellect. Ce n'est donc pas la même puissance.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'intelligence procède de la mémoire comme l'acte de l'habitude. Dans ce sens elle est égale à elle, mais elle ne lui est pas égale comme une puissance est égale à une autre puissance.

CEPENDANT, Il est dans la nature de la mémoire d'être le trésor, le lieu où se conservent les espèces. Or, Aristote attribue à l'intellect cette fonction (De animâ, lib.III, text. 6). La mémoire intellectuelle n'est donc pas une autre puissance que l'intellect.

CONCLUSION : …
________________________________________________________________

(2) La mémoire est une des parties les plus mystérieuses de l'âme ; c'est aussi, comme nous l’avons dit, une de celle qu’Aristote a le mieux observées. En le suivant, saint Thomas est aussi complet et aussi exact qu’on pourrait l’être en mettant à profit les travaux de la science actuelle. (1) Parce que les puissances intellectuelles ont pour objet l’être en général, dépouillé de toutes circonstances particulières.


Dernière édition par Louis le Dim 20 Mai 2018, 7:08 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux et orthographe.)

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Message  Louis Ven 08 Déc 2017, 6:30 am

ARTICLE 7.

La mémoire intellectuelle est-elle une faculté différente de l’entendement ? (2)

SUITE

CONCLUSION : Dans l'homme, la mémoire ne forme pas une puissance distincte de l'intelligence, elles ne forment ensemble qu'une seule et même puissance, puisqu'elles ont le même objet.

Il faut répondre que, comme nous l'avons dit  (quest. LXXVII, art. 3), les puissances de l'âme se distinguent d'après la nature diverse de leurs objets, parce que la nature de chaque puissance consiste dans le rapport qu'elle a avec son objet.

Nous avons aussi fait remarquer (ibid.) que la puissance qui se rapporte par sa nature propre à un objet général n'est pas diversifiée par les différences particulières de cet objet.

Ainsi la faculté de la vue qui se rapporte en général à la couleur n'est pas différente de la faculté qui perçoit le blanc ou le noir. Or, l'intellect a pour objet l'être en général parce que l'intellect possible est susceptible de devenir toutes choses. Par conséquent une puissance qui a pour objet une des particularités de l'être ne peut être différente de l'entendement.

Cependant l'intellect agent diffère de l'intellect possible. Car il faut que par rapport au  même objet la puissance active qui fait que l'objet est en acte soit un autre principe que la puissance passive qui est mue par un objet qui est déjà dans cet état.

Ainsi la puissance active est à son objet ce que l'être en acte est à l'être en puissance, tandis que la puissance passive est à son objet ce que l'être en puissance est à l'être en acte.

Mais il n'y a pas d'autres puissances à distinguer dans l'intelligence que celles de l'intellect possible et de l'intellect agent. D'où il est évident que la mémoire n'est pas une puissance distincte de l'intellect (1). Car il entre dans la nature de la puissance passive de conserver aussi bien que de recevoir.
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(2) La mémoire est une des parties les plus mystérieuses de l'âme ; c'est aussi, comme nous l’avons dit, une de celle qu’Aristote a le mieux observées. En le suivant, saint Thomas est aussi complet et aussi exact qu’on pourrait l’être en mettant à profit les travaux de la science actuelle. (1) La mémoire n’est pas distincte de l’intellect possible.

A suivre :  Article 8. La raison est-elle une autre puissance que l’intellect ?


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Message  Louis Sam 09 Déc 2017, 7:13 am

ARTICLE 8.

La raison est-elle une autre puissance que l’intellect ? (2)

DIFFICULTÉ: 1.  Il semble que la raison soit une autre puissance que l'intellect. Car saint Augustin dit (De spir. et an. cap. 11) : Si nous voulons nous élever des puissances inférieures aux puissances supérieures, nous rencontrons d'abord les sens, puis l'imagination, ensuite la raison et enfin l'intellect. La raison est donc une puissance différente de l'intellect, comme l'imagination est elle-même une puissance différente de la raison.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que cette énumération se rapporte aux actes, mais qu'elle n'a pas pour objet la distinction des puissances, quoique d'ailleurs ce livre ne soit pas d'une grande autorité (1).

DIFFICULTÉ: 2. Boëce dit (De cons. lib. V, pros.4) que l'intellect est à la raison ce que l'éternité est au temps. Or, il n'appartient pas à la même puissance d'être dans l'éternité et dans le temps. Donc la raison n'est pas la même puissance que l'intellect.

SOLUTION : 2. La réponse au second argument est évidente d'après ce que nous avons dit (in corp. art.). Car l'éternité est au temps ce que l'immobilité est au mouvement. C'est pour ce motif que Boëce compare l'intellect à l'éternité et la raison au temps.

DIFFICULTÉ: 3. L'homme a de commun l'intellect avec les anges et la sensibilité avec les bêtes. Or, la raison qui est le propre de l'homme puisqu'on l'appelle un animal raisonnable est une autre puissance que les sens. Donc elle est aussi pour la même raison une autre puissance que l'intellect qui est l'attribut propre des anges, puisqu'on les appelle des substances intellectuelles.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que les autres animaux sont tellement au-dessous de l'homme qu'ils ne peuvent arriver à la connaissance de la vérité que la raison recherche. L'homme au contraire arrive à la connaissance de la vérité que les anges connaissent, mais il y arrive imparfaitement. C'est pourquoi la faculté cognitive n'est pas dans les anges d'un autre genre que la raison humaine, mais elle est à la raison ce que le parfait est à l'imparfait.

CEPENDANT, saint Augustin dit (Sup. Gen. ad litt. lib. III, cap. 20) : Ce qui rend l'homme supérieur aux animaux, c'est la raison, appelez-la esprit, intelligence ou de tout autre nom qu'il vous plaira. Donc la raison, l'intellect, l'esprit ne forment qu'une seule et même puissance.

CONCLUSION : …
_________________________________________________________________

(2) Cet article a pour objet d’établir que la raison est en nous la même puissance que l’intellect. (1) Il paraît que tout le monde n’admettait pas avec saint Thomas que le livre de l’Esprit et de l’âme était apocryphe. Car il se donne souvent la peine de l’interpréter comme s’il était de saint Augustin.


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Message  Louis Dim 10 Déc 2017, 6:18 am

ARTICLE 8.

La raison est-elle une autre puissance que l’intellect ? (2)

SUITE

CONCLUSION : Dans l'homme la raison et l'intelligence ne forment qu'une seule et même puissance, bien que l'intelligence saisisse simplement la vérité qui s'offre à elle, tandis que la raison la perçoit en allant d'un objet compris à un autre ; seulement ce dernier procédé est celui d'un être imparfait et l'autre celui d'un être parfait.

Il faut répondre que la raison et l'intelligence ne peuvent pas être dans l'homme des facultés ou des puissances diverses. Ce qui devient évident quand on considère les actes de l'une et de l'autre.

Car  l'intelligence saisit simplement (3) la vérité qui est de son domaine. La raison va d'un objet compris à un autre (4) pour atteindre cette même vérité.

C'est pourquoi les anges qui possèdent une connaissance parfaite de la vérité selon leur nature ne sont pas obligés d'aller d'un objet à un autre, mais ils perçoivent la vérité simplement sans avoir besoin de discourir, comme le dit saint Denis (De div. nom. cap. 7).

Les hommes au contraire ne parviennent à connaître la vérité qu'en allant d'une chose à une autre, et c'est pour ce motif qu'on les appelle des êtres raisonnables. Il est donc évident que le raisonnement est à l'intelligence ce que le mouvement est au repos, ce que l'acquisition est à la possession ; l'un appartient à l'être parfait et l'autre à l'être imparfait.

Et comme le mouvement part toujours d'un principe immobile et tend au  repos comme à son terme, il arrive de là que le raisonnement humain, soit qu'il recherche, soit qu’il découvre quelques vérités, procède d'idées simplement comprises qu’on appelle premiers principes et aboutit au jugement qui revient à ces mêmes principes qui lui ont servi à apprécier ce qu’il avait découvert.

Or il est évident  que le repos et le mouvement ne se rapporte pas à des puissances diverses, mais à une seule et même puissance dans l'ordre de la nature, parce que c'est la même force qui fait qu'une chose se meut ou se repose dans un lieu.

Donc à plus forte raison est-ce la même puissance qui nous fait comprendre et raisonner.

Par conséquent il est évident que dans l'homme la raison et l'intelligence ne forment pas deux puissances différentes.
____________________________________________________________________

(2) Cet article a pour objet d’établir que la raison est en nous la même puissance que l’intellect. (3) L’intelligence connaît intuitivement.  — (4) Le procédé de la raison est discursif.

A suivre :  Article 9.  La raison supérieure et la raison inférieure sont-elles des puissances diverses ?


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Message  Louis Lun 11 Déc 2017, 6:41 am

ARTICLE 9.

La raison supérieure et la raison inférieure sont-elles des puissances diverses ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que la raison supérieure et la raison inférieure soient des puissances diverses. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. XII, cap. 4) que l'image de la Trinité est dans la partie supérieure de la raison, mais qu'elle n'est pas dans l'inférieure. Or, les parties de l'âme sont ses puissances elles-mêmes. Donc la raison supérieure et la raison inférieure forment deux puissances.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu'on peut donner le nom de parties à ce qui est le résultat d'une division quelconque. Ainsi on peut diviser la raison supérieure et la raison inférieure à cause de la diversité de leurs fonctions, mais on ne peut pas dire pour cela que ce sont des puissances diverses.

DIFFICULTÉ: 2. Un être ne procède pas de lui-même. Or, la raison inférieure procède de la raison supérieure, elle est réglée et dirigée par elle. Donc la raison supérieure est une puissance différente de la raison inférieure.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, qu'on dit que la raison inférieure est déduite de la raison supérieure, ou qu'elle est dirigée par elle dans le sens que les principes dont la raison inférieure fait usage sont déduits des principes de la raison supérieure, et que ceux-ci leur servent de règle.

DIFFICULTÉ: 3. Pour Aristote…
______________________________________________________________

(2) On appelle raison supérieure l’intelligence qui s’applique à la considération des choses éternelles, et raison inférieure l’intelligence qui s’applique aux choses temporelles et périssables


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Message  Louis Mar 12 Déc 2017, 6:40 am

ARTICLE 9.

La raison supérieure et la raison inférieure sont-elles des puissances diverses ? (2)

DIFFICULTÉS (Suite)

DIFFICULTÉ: 3. Aristote dit (Eth. lib. VI, cap. 1) que la scientifique ou la partie de l'âme par laquelle elle connaît les choses nécessaires est un autre principe et une autre partie que l'opinion et la logistique par laquelle elle connaît les choses contingentes. Et il le prouve parce que les choses qui sont de genre différent, se rapportent à différentes parties de l'âme.

Or, le contingent et le nécessaire ne sont pas du même genre, pas plus que le corruptible et l'incorruptible. Et puisque le nécessaire est le même que l'éternel, et le temporel le même que le contingent, il semble que ce qu'Aristote appelle la scientifique soit la même chose que la partie supérieure de la raison qui s'applique, d'après saint Augustin (De Trin. lib. XII, cap. 7), à contempler et à méditer les choses éternelles, et que ce qu'il appelle l'opinion et la logistique soient la même chose que la raison inférieure qui, d'après le même docteur, a pour objet de régler les choses temporelles.

La raison supérieure de l'âme est donc une autre puissance que la raison inférieure.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que la scientifique dont parle Aristote n'est pas la même chose que la raison supérieure. Car on trouve des choses nécessaires même dans les choses temporelles qui sont l'objet des sciences naturelles et des mathématiques.

L'opinion et la logistique (1) sont moins que la raison inférieure, puisqu'elles n'ont pour objets que des choses contingentes. On ne doit cependant pas dire absolument que la puissance par laquelle l'intellect connaît les choses nécessaires est autre que celle par laquelle il connaît les choses contingentes ; car l'intellect connaît le contingent et le nécessaire sous le même rapport, c'est-à-dire sous le rapport de l'être et du vrai.

Ainsi il connaît parfaitement t les choses nécessaires qui possèdent parfaitement la vérité ainsi que l'être, il pénètre jusqu'à leur essence, et démontre par elle les accidents qui leur sont propres. Mais il ne connaît qu'imparfaitement les choses contingentes parce que leur être et leur vérité sont imparfaits.

Or, le parfait et l'imparfait en acte ne diversifient pas les puissances qui s'y rapportent, ils diversifient seulement leurs actes par rapport à leur manière d'agir, et par conséquent ils diversifient aussi les principes des actes et les habitudes qui en résultent.

C'est pourquoi Aristote a distingué dans l'âme la scientifique et la logistique, non qu'il en ait fait deux puissances, mais pour distinguer les diverses aptitudes qui correspondent aux différentes habitudes qu'il se proposait en cet endroit de faire connaître. Car, quoique le contingent et le nécessaire ne soient pas du même genre, cependant ils ont de commun la nature générale de l'être qui est l'objet de l'intellect, et ils soutiennent avec l'être en général des rapports divers, parce que l'un est parfait et l'autre ne l'est pas.

DIFFICULTÉ: 4.  Saint Jean Damascène dit (De fid. orth. lib. II, cap. 22) que l'opinion procède de l'imagination et qu'ensuite l'esprit prononçant sur la vérité ou la fausseté de l'opinion juge la vérité;  de là l'étymologie du mot mens (esprit) qu'on fait venir de metiri (mesurer). On n'a donc véritablement l'intelligence que des choses qui sont jugées et déterminées.

Par conséquent l'opinion qui est la raison inférieure est autre que l'esprit et l'intellect qu'on peut comprendre sous le nom de raison supérieure.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que cette distinction de saint Jean Damascène se rapporte à la diversité des actes, et non à la diversité des puissances. Car l’opinion (2) est l'acte de l'intellect qui se porte vers une proposition, et qui l'appuie tout en craignant que la contradictoire ne soit vraie. Le jugement est l'acte de l'entendement qui applique des principes certains à l'examen des questions proposées. C'est pour ce motif qu'on dit que juger c'est mesurer, et c'est du mot mesurer que parait venir le mot esprit (mensurare, mens). Il y a intelligence quand on adhère vivement aux décisions que le jugement a portées.

CEPENDANT, saint Augustin dit (De Trin. lib. XII, cap. 4) que la raison supérieure et la raison inférieure ne se distinguent que par leurs fonctions. Elles ne forment donc pas deux puissances.

CONCLUSION : …
_____________________________________________________________________

(2) On appelle raison supérieure l’intelligence qui s’applique à la considération des choses éternelles, et raison inférieure l’intelligence qui s’applique aux choses temporelles et périssables (1) J'ai conservé le mot grec. — [size=12] (2) Ce mot n’est pas pris par saint Jean Damascène dans le même sens qu’Aristote, lorsque celui-ci en fait une des puissances internes de l’âme, comme à la question précédente, art. 4. Dans ce dernier sens, l’opinion est le jugement que l’on porte à la suite d’une sensation.


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Message  Louis Mer 13 Déc 2017, 5:56 am

ARTICLE 9.

La raison supérieure et la raison inférieure sont-elles des puissances diverses ? (2)

SUITE

CONCLUSION : La raison supérieure et la raison inférieure ne forment dans l'homme qu'une seule et même puissance, mais elles sont distinguées par la diversité de leurs actes et de leurs habitudes, puisque la raison supérieure s'applique par le moyen de la sagesse à la contemplation et à l'étude des choses éternelles, tandis que la raison inférieure s'applique par la science, aux choses temporelles qui la mènent à la connaissance des choses éternelles.

Il faut répondre que la raison supérieure et la raison inférieure prises dans le sens que leur donne saint Augustin ne peuvent former d'aucune manière deux puissances.

Car il dit (De Trin. lib. XII, cap. 7) que la raison supérieure est celle qui a pour objet les choses éternelles qu'elle étudie et qu'elle consulte. Elle les étudie en les contemplant et elle les consulte afin de trouver en elles la règle de ses actions.

La raison inférieure est ainsi appelée parce qu'elle a pour objets les choses temporelles.

Or, ces deux choses, les temporelles et les éternelles, se rapportent à notre connaissance de telle sorte que l'une d'elles est un moyen qui nous mène à la connaissance de l'autre. Car d'après la manière dont nous arrivons à la découverte de la vérité, ce sont les choses temporelles qui nous conduisent à la connaissance des choses éternelles, suivant ces paroles de l'Apôtre : Les choses invisibles de Dieu nous ont été rendues intelligibles par celles qu'il a faites (Rom. I, 20).

A l'égard du jugement, nous jugeons au contraire des choses temporelles par les choses éternelles qui nous sont préalablement connues, et nous disposons des choses temporelles suivant les raisons des choses éternelles. A la vérité il peut arriver que les moyens et la fin appartiennent à des habitudes diverses.

C'est ainsi que les premiers principes qu'on ne peut démontrer appartiennent à l'entendement, tandis que les conséquences qui en sont déduites se rapportent à la science. C'est ce qui fait que des principes de géométrie on tire certaines conséquences qui s'appliquent à une autre science, à la perspective par exemple. Mais c'est à la même puissance qu'appartient le moyen et le terme auquel il conduit.

Car c'est toujours l'acte de la raison qui accomplit une sorte de mouvement et qui va ainsi d'une chose à une autre. Et comme le mobile, qui passe par un milieu pour arriver à un but reste toujours le même, il s'ensuit que la raison supérieure et la raison inférieure ne forment qu'une seule et même puissance et que, comme le dit saint Augustin (loc. cit.), elles sont seulement distinctes par la diversité de leurs actes et de leurs habitudes. Car on attribue la sagesse à la raison supérieure et la science à la raison inférieure.
___________________________________________________________

(2) On appelle raison supérieure l’intelligence qui s’applique à la considération des choses éternelles, et raison inférieure l’intelligence qui s’applique aux choses temporelles et périssables

A suivre :  Article 10.  L’intelligence est-elle une autre puissance que l’intellect ?


Dernière édition par Louis le Dim 20 Mai 2018, 7:21 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Jeu 14 Déc 2017, 6:27 am

ARTICLE  10.

L’intelligence est-elle une autre puissance que l’intellect ? (3)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'intelligence soit une autre puissance que l'intellect. Caril est dit dans le livre de l'Esprit et de l'âme que quand nous voulons nous élever des choses inférieures aux supérieures, les sens se présentent d'abord, puis l'imagination, la raison, l'intellect et l'intelligence. Or, l'imagination et les sens sont des puissances diverses. Donc l'intellect et l'intelligence diffèrent aussi.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que si l’on veut reconnaître l’authenticité de ce livre, il faut prendre alors l'intelligence pour l'acte de l'intellect, et dans ce sens elle peut être opposée à l'intellect comme l'acte l'est à la puissance.

DIFFICULTÉ: 2. Boèce dit (De Cons. lib. v, pros. 4) que les sens, l'imagination, la raison et l'intelligence considèrent l'homme d'une manière différente. Or, l'intellect est la même puissance que la raison. Donc il semble que l'intelligence soit une autre puissance que l'intellect, comme la raison est elle-même une autre puissance que l'imagination et les sens.

SOLUTION : 2. II faut répondre au second, que par le mot intelligence Boëce désigne l'acte de l'intellect qui est supérieur à l'acte de la raison. Car il dit au même endroit que la raison est l'apanage de l'homme comme l'intelligence est celui de Dieu; car le propre de Dieu c'est de tout comprendre sans avoir besoin de faire aucune recherche.

DIFFICULTÉ: 3.
 
L'âme humaine est-elle immortelle ? - Page 4 Captur13

SOLUTION : 3.

L'âme humaine est-elle immortelle ? - Page 4 Il_fau10
L'âme humaine est-elle immortelle ? - Page 4 Il_fau11

CEPENDANT, Aristote dit (De animâ, lib. III, text. 21) que l'intelligence a pour objet les choses indivisibles dans lesquelles il n'y a pas de fausseté. Or, c'est à l'intellect qu'il appartient de connaître ces choses. Donc l'intelligence n'est pas une autre puissance que l'intellect.

CONCLUSION : …
_____________________________________________________________

(3) Dans le style moderne on demanderait quelle différence il y a entre l’intelligence et l’entendement, mais j’ai tenu à conserver, autant que possible, la terminologie d’Aristote.


Dernière édition par Louis le Lun 21 Mai 2018, 9:24 am, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Ven 15 Déc 2017, 6:52 am

ARTICLE  10.

L’intelligence est-elle une autre puissance que l’intellect ? (3)

SUITE

CONCLUSION : L'intellect et l'intelligence ne forment pas deux puissances différentes, mais on les distingue comme on distingue l'acte de la puissance.

Il faut répondre que le mot d'intelligence désigne dans son sens propre l'acte même de l'intellect qui consiste à comprendre. Cependant dans quelques livres traduits de l'arabe (1), les substances séparées auxquelles nous donnons le nom d'anges sont appelées des intelligences, peut-être parce que ces substances comprennent toujours en acte. Mais dans les ouvrages traduits du grec on leur donne le nom d'intellects ou d'esprits. On ne distingue donc pas l'intelligence de l'intellect comme on distingue une puissance d'une autre puissance, mais on les distingue comme l'acte se distingue de la puissance.

Les philosophes anciens ont en effet accepté cette division. Car quelquefois ils reconnaissent quatre intellects, l'intellect agent, possible, habituel et acquis (adeptum).

Parmi ces quatre intellects il y a l'intellect agent et l'intellect possible qui forment deux puissances différentes, comme d'ailleurs en toutes choses la puissance active est autre que la puissance passive. Mais ils ne voyaient dans les trois dernières sortes d'intellects que trois états différents de l'intellect possible qui est tantôt en puissance seule ment, et on l'appelle alors l'intellect possible; tantôt dans l'acte premier qui est la science, et on l'appelle dans ce cas l'intellect habituel (in habitu) ; tantôt enfin dans l'acte second qui consiste à considérer ce qu'il sait, et c'est ce qu'on appelle l'intellect en acte ou l'intellect acquis.
____________________________________________________________________

(3) Dans le style moderne on demanderait quelle différence il y a entre l’intelligence et l’entendement, mais j’ai tenu à conserver, autant que possible, la terminologie d’Aristote. (1) Il s’agit sans doute des traductions arabes d’Aristote, qui étaient souvent très-éloignées des traductions faites sur le grec.

A suivre :  Article 11. L’intellect pratique et l’intellect spéculatif sont-ils des puissances diverses ?


Dernière édition par Louis le Lun 21 Mai 2018, 9:26 am, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Sam 16 Déc 2017, 6:44 am

ARTICLE 11.

L’intellect pratique et l’intellect spéculatif sont-ils des puissances diverses ? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'intellect spéculatif et l'intellect pratique soient des puissances diverses. Car ce qui perçoit et ce qui meut sont des puissances de divers genres, comme on le voit (De animâ, lib. II, text. 27). Or, l'intellect spéculatif ne fait que percevoir, tandis que l'intellect pratique meut. Donc ce sont des puissances différentes.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que l'intellect pratique  meut, non dans le sens qu'il exécute le mouvement, mais dans le sens qu'il le dirige, ce qui lui convient en raison de sa connaissance.

DIFFICULTÉ: 2. La diversité de nature de l'objet établit la diversité de puissance. Or, l'objet de l'intellect spéculatif est le vrai, tandis que celui de l'intellect pratique est le bien, deux choses qui diffèrent rationnellement. Donc l'intellect spéculatif et l'intellect pratique sont des puissances diverses.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que le vrai et le bon rentrent l'un dans l'autre. Car le vrai est une bonne chose, parce qu'autrement il ne serait pas désirable, et le bon est une vérité, parce que sans cela il ne serait pas intelligible. Ainsi donc comme l'objet de l'appétit peut être le vrai considéré sous le rapport du bon, par exemple quand on désire connaître la vérité, de même l'objet de l'intellect pratique est le bon qui se rapporte à l'action sous la considération du vrai. Car l'intellect pratique connaît la vérité aussi bien que l'intellect spéculatif, seulement il rapporte la vérité connue à un but pratique.

DIFFICULTÉ: 3. Pour la partie intellective de l'âme l'intellect pratique est à intellect spéculatif ce que l'opinion est à l'imagination dans la partie sensitive. Or, l'opinion et l'imagination forment deux puissances distinctes, comme nous l'avons dit  (quest. LXXVII, art. 4). Donc il en est de même de l'intellect pratique et de l'intellect spéculatif.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, qu'il y a beaucoup de causes qui diversifient les puissances sensitives et qui ne diversifient pas les puissances intellectives (1),  comme nous l'avons dit (art. 7, et quest. LXXVII, art. 3).

CEPENDANT, il est dit (De animâ, lib. III, text. 49) que l'intellect spéculatif devient par extension l'intellect pratique. Or, une puissance ne se transforme pas en une autre. Donc l'intellect spéculatif et l'intellect pratique ne sont pas des puissances diverses.

CONCLUSION : …
__________________________________________________________________

(1) Il suffit de donner la définition de ces deux espèces d’intellect pour faire voir qu’ils ne forment pas des puissances diverses. (1) En effet, les puissances sensitives peuvent être variées par la différence particulière des objets, tandis que cette différence ne peut diversifier l’intellect, qui a pour objet l’être général et universel.


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Message  Louis Dim 17 Déc 2017, 6:12 am

ARTICLE 11.

L’intellect pratique et l’intellect spéculatif sont-ils des puissances diverses ? (1)

SUITE

CONCLUSION : Une chose perçue par l'intellect peut être destinée à une œuvre quelconque ou n'y pas être destinée ; comme c'est en cela que diffère l'intellect spéculatif de l'intellect pratique, il est constant qu'ils ne forment pas deux puissances.

Il faut répondre que l'intellect pratique et l'intellect spéculatif ne sont pas des puissances diverses. La raison en est que, comme nous l'avons dit (quest. LXXVII, art. 3), ce qui se rapporte accidentellement à la nature de l'objet d'une puissance ne diversifie pas cette puissance. Car un objet colorié peut être accidentellement grand ou petit, il peut être un homme ou toute autre chose. C'est pourquoi la même faculté visuelle perçoit tous ces divers objets.

Or, l'objet perçu par l'intellect peut se rapporter accidentellement à une œuvre que l’on exécute ou ne pas s'y rapporter. Ce n'est que dans ce sens que l'intellect spéculatif diffère de l'intellect pratique.

Car l'intellect spéculatif est celui qui ne destine pas à l'action l'objet qu'il perçoit, mais qui le perçoit seulement pour jouir de la contemplation de la vérité. Au contraire, l'intellect pratique destine à l'action ce qu'il perçoit; c'est ce qui fait dire à Aristote (De animâ, lib. III, text. 49) que ces deux sortes d'intellect ne diffèrent que par la fin, et que c'est à elles qu'ils empruntent l'un et l'autre leur dénomination.

C'est elle qui fait que l'un est appelé spéculatif et l'autre pratique ou agissant.
______________________________________________________________________

(1) Il suffit de donner la définition de ces deux espèces d’intellect pour faire voir qu’ils ne forment pas des puissances diverses.
A suivre :  Article 12.  La syndérèse est-elle une puissance spéciale distincte des autres ?  


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Message  Louis Lun 18 Déc 2017, 6:46 am

ARTICLE 12.

La syndérèse est-elle une puissance spéciale distincte des autres ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que la syndérèse soit une puissance spéciale distincte des autres. Car les parties d'une même division semblent être du même genre. Or, d'après saint Jérôme (Sup. Ezech. I), la syndérèse fait partie du même tout que l'appétit irascible , concupiscible et rationnel qui sont autant de puissances. Donc la syndérèse est aussi une puissance.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument , que cette division de saint Jérôme se rapporte à la diversité des actes et non à la diversité des puissances. Or, la même puissance peut produire des actes divers.

DIFFICULTÉ: 2. Les choses opposées sont du même genre. Or, la syndérèse et la sensualité paraissent opposées, parce que la syndérèse pousse toujours au bien, tandis que la sensualité porte toujours au mal. C'est pour cela qu'elle est désignée par le serpent, comme le dit saint Augustin (De Trin. lib. XII, cap. 12 et 13). Il semble donc que la syndérèse soit une puissance aussi bien que la sensualité.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que la sensualité et la syndérèse sont opposées l'une à l'autre par leurs actes, mais qu'elles ne le sont pas comme des espèces diverses du même genre.

DIFFICULTÉ: 3. Saint Augustin dit (De Lib. arb. lib. II, cap. 10) que dans la judiciaire naturelle il y a des règles qui sont des principes de vertu vrais et immuables, et que ce sont ces principes qu'on appelle syndérèse. Donc, puisque les règles immuables qui nous dirigent dans nos jugements appartiennent à la partie supérieure de la raison, selon la remarque de saint Augustin lui-même (De Trin. lib. XII, cap. 2), il semble que la syndérèse soit la même chose que la raison, et que par conséquent elle soit aussi une puissance.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que ces raisons immuables sont les premiers principes pratiques à l'égard desquels on ne peut errer; on les attribue à la raison comme puissance et à la syndérèse comme habitude. C’est ce qui fait que par la raison et la syndérèse nous jugeons naturellement.

CEPENDANT, d'après Aristote les puissances rationnelles se rapportent à des objets opposés (Met. lib. XII, text. 3) (3). Or, la syndérèse ne se rapporte pas à des objets opposés, car elle n'a d'inclination que pour le bien. Donc la syndérèse n'est pas une puissance. Car si c'était une puissance il faudrait que ce fût une puissance raisonnable, puisqu'elle n'existe pas dans les animaux.

CONCLUSION : …
______________________________________________________________________

(2) La syndérèse  est la connaissance habituelle des premiers principes moraux : comme il faut fuir le vice et pratiquer la vertu. (3) C’est-à-dire au bien et au mal.


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Message  Louis Mar 19 Déc 2017, 7:42 am

ARTICLE 12.

La syndérèse est-elle une puissance spéciale distincte des autres ? (2)

SUITE

CONCLUSION : La syndérèse n'est pas une puissance spéciale supérieure à la raison, ni elle ne se confond pas avec la nature humaine, mais c'est une habitude naturelle qui se rapporte aux principes pratiques, comme l'intellect est une habitude naturelle qui a pour objet les principes spéculatifs, et ce n'est par conséquent pas une puissance.

Il faut répondre que la syndérèse n'est pas une puissance, mais une habitude, quoique certains auteurs en aient fait une puissance supérieure à la raison et que d'autres l'aient confondue avec la raison elle-même considérée comme la nature de l'homme.

Pour se convaincre de l'évidence de cette proposition, il faut observer que, comme nous l'avons dit  (art. 8), le raisonnement est une espèce de mouvement qui part de l'intelligence de quelques principes généraux qui sont naturellement connus sans l'intervention de la raison et qui a pour terme l'entendement lui-même qui juge au moyen de ces principes naturels la valeur des choses que la raison a découvertes.

Or, il est constant que comme la raison spéculative raisonne sur les choses spéculatives, de môme la raison pratique raisonne sur les choses pratiques.

Ce qui suppose nécessairement que la nature a imprimé en nous des principes pratiques aussi bien que des principes spéculatifs. Et comme les premiers principes spéculatifs que nous avons reçus de la nature n'appartiennent pas à une puissance spéciale, mais à une habitude particulière qu'Aristote appelle l’entendement des principes (Eth. lib. VI, cap. 6), il s'ensuit que les principes pratiques qui nous viennent de la même voie n'appartiennent pas non plus à une puissance spéciale, mais à une habitude naturelle que nous désignons sous le nom de syndérèse. En ce sens, il est vrai de dire que la syndérèse nous porte au bien et nous fait condamner le mal, parce qu'elle nous fait connaître et juger l'un et l'autre par les premiers principes qui sont infaillibles.

D'où il est manifeste que ce n'est pas une puissance, mais un état ou une habitude naturelle.
_______________________________________________________________________________

(2) La syndérèse  est la connaissance habituelle des premiers principes moraux : comme il faut fuir le vice et pratiquer la vertu.

A suivre :  Article 13.  La conscience est-elle une puissance ?


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Message  Louis Mer 20 Déc 2017, 7:56 am

ARTICLE 13.

La conscience est-elle une puissance ? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que la conscience soit une puissance. Car Origène dit à l'occasion de ces paroles de saint Paul: Reddente illis testimonium (Rom. II) que la conscience est l'esprit qui corrige l'âme, que c'est le maître qui l'accompagne, qui l'éloigné du mal et qui l'attache au bien.  

Or, ce mot esprit (spiritus) désigne dans l'âme une puissance particulière ou l'intelligence elle-même, d'après ce mot de l'Apôtre : Renouvelez l'esprit de votre intelligence (Eph. IV, 23) ;  ou bien il exprime l'imagination, et c'est pour cela qu'on appelle les visions imaginaires des visions spirituelles, comme on le voit par saint Augustin (Sup. Gen. ad litt. lib. XII, cap. 6 et 7).  

Donc la conscience est une puissance.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu'on donne à la conscience  le nom d'esprit dans le sens qu'on prend l'esprit pour l'intelligence, parce que la conscience est en quelque sorte le dictamen ou la loi de l'intelligence (1).

DIFFICULTÉ: 2. Le péché ne peut avoir pour sujet qu'une puissance de l'âme. Or, la conscience est le sujet du péché. Car saint Paul dit de certains fidèles qu'ils ont souillé leur âme et leur conscience (Tit. I, 15). Il semble donc que la conscience soit une puissance.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, qu'on ne dit pas que la  souillure existe dans la conscience comme dans son sujet, mais comme l'objet connu est dans le sujet qui le connaît, dans le sens qu'on sait qu'on est souillé.

DIFFICULTÉ: 3. Il est nécessaire que la conscience soit un acte, ou une habitude, ou une puissance. Ce n'est pas un acte, parce qu'elle ne subsisterait pas toujours dans l'homme ; ce n'est pas non plus une habitude, car dans ce cas elle ne serait pas une, mais multiple. Car nous sommes dirigés dans nos actions par plusieurs habitudes cognitives. Donc la conscience est une puissance.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'acte, quoiqu'il ne soit pas toujours permanent, subsiste cependant toujours dans sa cause qui est une puissance et une habitude. Or, quoique la conscience soit formée de plusieurs habitudes, toutes tirent néanmoins leur efficacité d'un premier principe qui est unique, c'est-à-dire de l'habitude des premiers principes qu'on appelle syndérèse. C'est pour cela que cette habitude reçoit quelquefois spéciale ment le nom de conscience, comme nous l'avons vu (art. préc.).

CEPENDANT, la conscience peut être déposée, c'est-à-dire qu'elle peut cesser d'exister, mais il n'en est pas de même d'une puissance de l'âme. Donc la conscience n'est pas une puissance.

CONCLUSION. — La conscience, prise dans son sens propre, n'est pas une puissance, mais un acte par lequel nous appliquons ce que nous savons à ce que nous faisons; et cette application a pour conséquence notre condamnation ou notre excuse.

CONCLUSION : …
__________________________________________________________________

(1) La conscience est l'application des principes généraux de la morale à des faits particuliers. C'est elle qui dit si telle ou telle action est bonne ou mauvaise. (1) C’est un acte de l’intellect pratique qui dit ce qu’il est permis ou ce qu’il n’est pas permis de faire dans telles ou telles circonstances. Ainsi la loi naturelle détermine les principes généraux du droit, la syndérèse en est la connaissance habituelle et la conscience en fait l’application aux cas particuliers. C’est ce que dit saint Thomas lui-même dans son commentaire de Pierre Lombard (II Sent. dist. 24, quest II, art. 4.)


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Message  Louis Jeu 21 Déc 2017, 7:22 am

ARTICLE 13.

La conscience est-elle une puissance ? (1)

SUITE

CONCLUSION : La conscience, prise dans son sens propre, n'est pas une puissance, mais un acte par lequel nous appliquons ce que nous savons à ce que nous faisons; et cette application a pour conséquence notre condamnation ou notre excuse.

Il faut répondre que la conscience à proprement parler n'est pas une puissance, mais un acte. Ce qu'on peut rendre évident par la nature du nom lui-même, et par les propriétés que vulgairement on attribue à la conscience. Car le mot conscience par son étymologie indique le rapport d'une science à une fin quelconque ; en effet le mot conscience est formé du mot science et du mot cum, avec.

Or, une science ne s'applique à une fin quelconque que par un acte. D'où il résulte évidemment que d'après la nature de son nom la conscience n'est qu'un acte.

On arrive à la même conséquence en examinant les attributs que l'on reconnaît à la conscience. Ainsi on dit que la conscience est un témoin, un lien , un instigateur, un accusateur, un remords, un reproche, etc.

Tous ces mots indiquent l'application que nous faisons de notre science ou de nos connaissances aux choses que nous faisons. En effet, cette application a lieu de trois manières :

1º Quand nous reconnaissons que nous avons fait ou que nous n'avons pas fait une chose, d'après ces paroles de l’Ecclésiaste (Eccles. VII, 23) : Votre  conscience sait que vous avez deux fois maudit les autres. Dans ce cas la conscience est un témoin.

2° Quand nous jugeons d'après notre conscience que telle chose doit être ou ne doit pas être faite. Alors la conscience est un lien ou une instigation.

3° Quand nous jugeons qu'une chose qui a été faite est bonne ou mauvaise. Cette fois on dit que la conscience excuse, ou qu'elle accuse, ou qu'elle a des remords. Or, il est évident que toutes ces choses ne sont qu'une conséquence de l'application que nous faisons de notre science à nos œuvres ; c'est pour cela que la conscience, à proprement parler, doit être appelée un acte.

Cependant comme l'habitude est le principe de l'acte, quelquefois on donne le nom de conscience à la première habitude naturelle, c'est-à-dire à la syndérèse.

Ainsi saint Jérôme le fait dans son commentaire sur Ézéchiel (Ezech. I). Saint Basile appelle conscience la judiciaire naturelle (hom. In princ. Prov.), et saint Jean Damascène dit que c'est la lumière de notre entendement (De fid. orth. lib. IV, cap. 23). Car on est dans l'habitude de nommer la cause par l'effet et réciproquement.
__________________________________________________________________________________

(1) La conscience est l'application des principes généraux de la morale à des faits particuliers. C'est elle qui dit si telle ou telle action est bonne ou mauvaise.

A suivre : QUESTION 80. DES  PUISSANCES  APPÉTITIVES  EN  GÉNÉRAL.


Dernière édition par Louis le Lun 21 Mai 2018, 9:43 am, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Ven 22 Déc 2017, 6:48 am

QUESTION 80.

DES PUISSANCES APPÉTITIVES EN GÉNÉRAL.

Après avoir traité des puissances spéculatives nous avons maintenant à nous occuper des puissances appétitives. A cet égard quatre considérations sont à faire. La première a pour objet l'appétit en général ; la seconde la sensualité ; la troisième la volonté; la quatrième le libre arbitre. — Sur la première de ces considérations deux questions se présentent : 1º L'appétit doit- il être considéré comme une puissance spéciale de l'âme ? — 2º L'appétit se divise-t-il en appétit sensitif et intelligentiel et ces appétits sont-ils des puissances diverses?


ARTICLE I.

L’appétit est-il une puissance spéciale de l’âme (1) ?


DIFFICULTÉ: 1. 1. II semble que l'appétit ne soit pas une puissance spéciale de l'âme. Car une puissance de l'âme ne peut avoir pour objet ce qui est commun aux êtres animés et aux êtres inanimés. Or, l'appétit est commun aux êtres animés et à ceux qui ne le sont pas. Car le bien est ce que tous les êtres appètent, comme le dit Aristote (Eth. lib. I, cap. 1). Donc l'appétit n'est pas une  puissance spéciale de l'âme.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que dans les êtres raisonnables on trouve un appétit d'un ordre plus élevé que l'appétit général qui est commun à tous les êtres, comme nous l'avons dit (in corp. art.), et que c'est pour ce motif qu'il est nécessaire d'admettre qu'il y a dans l'âme une puissance destinée à cette fonction.

DIFFICULTÉ: 2. Les puissances se distinguent d'après leurs objets. Or, l'objet de la connaissance et de l'appétit est le même. Donc il n'est pas nécessaire de distinguer la faculté qui appète de la faculté qui perçoit.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que l'objet de la connaissance et de l'appétit est le même subjectivement, mais qu'il diffère rationnellement. Car il est connu comme étant sensible ou intelligible, tandis qu'il est recherché ou appété comme une chose bonne ou convenable. Or, pour que les puissances soient diverses il suffit que leurs objets diffèrent rationnellement (1), il n'est pas nécessaire qu'ils diffèrent matériellement.

DIFFICULTÉ: 3. Le général ne se distingue pas par opposition au propre. Or, toute puissance de l'âme appète un bien particulier, c'est-à-dire l'objet qui lui convient. Donc, par rapport à cet objet que toutes les puissances en général appètent, il n'est pas nécessaire d'admettre une puissance particulière distincte des autres qu'on appelle appétitive.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que toute puissance de l'âme est une forme ou une nature et a naturellement de l'inclination pour quelque chose. De là il arrive que chaque puissance appète naturellement l'objet qui lui convient. Mais au-dessus de cet appétit naturel il y a l'appétit de l'animal qui est une conséquence de sa faculté cognitive. Par cet appétit l'animal ne recherche pas une chose parce qu'elle convient à tel ou tel acte, à telle ou telle puissance, comme la vue cherche à voir et l'ouïe à entendre, mais parce qu'elle lui est convenable selon l'étendue de son être.

CEPENDANT, Aristote (De animâ, lib. II, text. 27) distingue l'appétit des autres puissances. Saint Jean Damascène dit aussi (De orth. fid. lib. II, cap. 22) que les facultés appétitives diffèrent des facultés cognitives.

CONCLUSION : …
___________________________________________________________________

(1) Tous les philosophes sont unanimes à considérer l'appétit en général comme une puissance particulière de l'âme. — (1) Les moralistes distinguent ainsi les actes moraux, quant au nombre et à l’espèce, d’après leurs objets formels, non d’après leurs objets matériels.  


Dernière édition par Louis le Sam 19 Mai 2018, 11:25 am, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Sam 23 Déc 2017, 6:33 am

ARTICLE I.

L’appétit est-il une puissance spéciale de l’âme (1) ?

SUITE

CONCLUSION : Comme dans les substances qui ont une forme plus élevée il y a aussi une inclination plus noble, il faut que les êtres raisonnables, par là même qu'ils ont une forme plus distinguée, aient une puissance appétitive supérieure à l'appétit naturel.

Il faut répondre qu'il est nécessaire d'admettre dans l'âme une puissance appétitive. Pour s'en convaincre il faut observer que toute inclination est la conséquence d'une forme quelconque.

Ainsi le feu doit à sa forme la propriété de s'élever et de produire son semblable.

Or, la forme existe d'une manière plus parfaite dans les êtres doués de connaissance que dans ceux qui n'en ont pas.

Car ceux qui n'ont pas de raison ont une forme qui ne se rapporte qu'à un seul objet propre qui détermine leur être et constitue ainsi leur nature. La conséquence de cette forme naturelle est une inclination qu'on appelle appétit naturel.

Mais dans les êtres raisonnables chaque individu doit l'existence qui lui est propre à une forme naturelle qui est susceptible de recevoir les espèces de toutes les choses qui se rapportent à elle.

Ainsi les sens reçoivent les espèces de tous les objets sensibles et l'intellect celles de tous les objets intelligibles. Par conséquent l'âme humaine devient en quelque sorte toutes choses (2) parle moyen des sens et de l'intelligence. C'est ce qui fait que les êtres qui ont la connaissance se rapprochent d'une certaine manière de l'image de Dieu en qui toutes choses préexistent, comme le dit saint Denis (De div. nom. cap. 5).

Ainsi donc, comme les formes des êtres raisonnables sont d'un ordre plus élevé que les formes des êtres inférieurs, il faut aussi qu'il y ait en eux une inclination d'un ordre supérieur à celle qui reçoit le nom d'appétit naturel.

Et comme cette inclination supérieure appartient à la faculté appétitive de l'âme par laquelle l'animal appète non-seulement toutes les choses pour lesquelles il a de l'inclination d'après sa forme naturelle, mais encore toutes celles qu'il perçoit, il s'ensuit qu'il est nécessaire de reconnaître dans l'âme une puissance appétitive.

______________________________________________________________________

(1) Tous les philosophes sont unanimes à considérer l'appétit en général comme une puissance particulière de l'âme.(2) L'âme devient les choses qu'elle connaît et qu'elle perçoit. Nous avons déjà fait remarquer cette expression qui révèle une des parties les plus profondes de la théorie péripatéticienne.

A suivre :  Article 2.  L’appétit sensitive et l’appétit intelligentiel sont-ils des puissances diverses ?


Dernière édition par Louis le Sam 19 Mai 2018, 11:27 am, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Dim 24 Déc 2017, 6:49 am

ARTICLE 2.

L’appétit sensitive et l’appétit intelligentiel sont-ils des puissances diverses ? (2)

DIFFICULTÉ: 1.  Il semble que l'appétit sensitif et l'appétit intelligentiel ne soient pas des puissances diverses. Car les différences accidentelles ne diversifient pas les puissances, comme nous l'avons dit (quest. LXXVII, art. 3, et quest. LXXIX, art. 7). Or, c'est accidentellement si l'objet de l'appétit est perçu par les sens ou par l'intelligence. Donc l'appétit sensitif et l'appétit intelligentiel ne sont pas des puissances diverses.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que ce n'est point par accident si l'objet de l'appétit se rapporte à l'intelligence ou aux sens, mais que c'est par lui-même. Car l'objet de l'appétit ne meut l'appétit qu'autant qu'il est perçu. C'est ce qui fait que les différences qui existent entre les choses que l'on perçoit existent par elles-mêmes entre les choses que l'on appète, et que par conséquent on distingue les puissances appétitives d'après la différence des choses que l'on perçoit comme d'après leurs objets propres.

DIFFICULTÉ: 2. La connaissance intellectuelle a pour objet les choses universelles, et elle se distingue par là de la connaissance sensitive qui a pour objet les choses particulières. Or, cette distinction n'est pas applicable à la partie appétitive. Car l'appétit étant un mouvement de l'âme vers les choses particulières, tout appétit semble avoir pour fin un objet individuel. On ne doit donc pas distinguer l'appétit intelligentiel de l'appétit sensitif.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que bien que l'appétit intelligentiel se porte sur des choses qui existent individuellement hors de l'âme, cependant il s'y porte par un motif universel. Ainsi, il n'appète une chose que parce qu'elle est bonne. De là, Aristote dit Rhét. lib. II, cap. 4) que la haine peut avoir pour objet quelque chose de général, par exemple, nous pouvons haïr toute espèce de voleurs. De même nous pouvons aussi, par l'appétit intelligentiel, appéter les biens immatériels qui ne sont pas du domaine des sens, comme la science, les vertus, etc.

DIFFICULTÉ: 3. Comme la puissance appétitive est subordonnée à la faculté cognitive, parce qu'elle lui est inférieure, il en est de même de la puissance motrice. Or, la puissance motrice, qui est une conséquence de l'intelligence dans l'homme, n'est pas autre que dans les animaux où elle est une conséquence des sens. Donc, pour la même raison, il n'y a qu'une faculté appétitive.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que, comme le dit Aristote (De animâ, lib. III, text. 57 et 58), l'opinion universelle (2) ne meut que par le moyen de l'opinion particulière, et que l'appétit supérieur ne meut également que par le moyen de l'appétit inférieur. C'est pour cela que la puissance motrice qui est une conséquence de l'intellect n'est pas différente de celle qui résulte des sens.

CEPENDANT, Aristote (De animâ, lib. m, text. 57) distingue deux sortes d'appétits, et il dit que l'appétit supérieur meut l'appétit inférieur (1).

CONCLUSION : …
_________________________________________________________________________

(2) La distinction de ces deux appétits répond à la division de l’âme en deux parties, la partie intelligente et la partie sensitive. (2) Le texte porte : la conception de l’universel qu’Aristote oppose à la conception du particulier. On peut à ce sujet voir ce qu’il dit dans son traité Du mouvement des animaux , ch. 8. (1) Le texte d'Aristote est très-obscur; il est loin d'avoir la précision que lui donne ici saint Thomas.


Dernière édition par Louis le Sam 19 Mai 2018, 11:32 am, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mar 26 Déc 2017, 7:12 am

ARTICLE 2.

L’appétit sensitive et l’appétit intelligentiel sont-ils des puissances diverses ? (2)

SUITE

CONCLUSION : Ce que l'intellect perçoit étant d'un autre genre que ce qui est perçu par les sens, il est nécessaire que l'appétit intelligentiel et l'appétit sensitif appartiennent à des puissances diverses.

Il faut répondre qu'il est nécessaire d'admettre que l'appétit intelligentiel est une autre puissance que l'appétit sensitif. Car la puissance appétitive est une puissance passive qui naturellement doit être mue par un objet perçu.

Ainsi l'objet de l'appétit, quand il est perçu, est un moteur qui n'est pas mû, tandis que l'appétit est un moteur qui est mû, comme le dit Aristote (De animâ, lib. III, text. 54, et Met. lib. XI, text. 53).

Or, la distinction des choses passives et des mobiles se fonde sur celle des choses actives et des moteurs , parce qu'il faut que le moteur soit proportionné au  mobile, et l'actif au passif. La puissance passive emprunte même sa nature propre de l'être actif auquel elle correspond.

Par conséquent, comme l'objet perçu par l'intellect est d'un autre genre que celui que les sens perçoivent, il s'ensuit que l'appétit intelligentiel est une autre puissance que l'appétit sensitif.
_______________________________________________________________________________

(2) La distinction de ces deux appétits répond à la division de l’âme en deux parties, la partie intelligente et la partie sensitive.
A suivre : QUESTION 81. DE LA SENSUALITÉ.


Dernière édition par Louis le Sam 19 Mai 2018, 11:33 am, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mer 27 Déc 2017, 6:57 am

QUESTION 81.

DE LA SENSUALITÉ.

Après avoir traité des puissances appétitives en général, nous avons à nous occuper de la sensualité. — A cet égard il y a trois questions à faire : 1° La sensualité n'est-elle qu'une puissance appétitive? — 2º La sensualité se divise-t-elle en appétit irascible et concupiscible, et ces deux sortes d'appétit forment-ils des puissances diverses ? — 3° L'appétit irascible et l'appétit concupiscible obéissent-ils à la raison ?
ARTICLE I.

La sensualité n’est-elle qu’appétitive (3) ?

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que la sensualité ne soit pas qu'appétitive, mais qu'elle soit cognitive. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. XII, cap. 12) que le mouvement sensuel de l'âme se rapportant aux organes corporels est commun à l'homme et aux animaux. Or, les organes des sens sont compris dans le domaine de la faculté cognitive. Donc la sensualité est aussi une puissance cognitive.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Augustin, en disant que le mouvement sensuel de l'âme se rapporte aux sens corporels, n'a pas voulu faire entendre que les sens corporels sont compris dans le domaine de la sensualité, mais plutôt que le mouvement de la sensualité est une inclination vers les sens, puisqu'elle nous fait rechercher en effet ce que les sens corporels perçoivent. Ainsi les sens corporels appartiennent à la sensualité parce qu'ils y prédisposent.

DIFFICULTÉ: 2. Toutes les choses qui font partie d'une même division semblent  être du môme genre. Or, saint Augustin (loc. cit.) divise la sensualité par opposition à la raison supérieure et à la raison inférieure qui appartiennent à la connaissance. Donc la sensualité est aussi une faculté cognitive.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que la sensualité, la raison supérieure et la raison inférieure sont les parties d'un même tout dans le sens qu'elles ont de commun la puissance de mouvoir (2). Car la faculté cognitive qui comprend la raison supérieure et la raison inférieure est une puissance motrice aussi bien que la faculté appétitive à laquelle la sensualité appartient.

DIFFICULTÉ: 3. Dans la tentation de l'homme la sensualité remplit le rôle du serpent. Or, le serpent dans la tentation de nos premiers parents leur a montré et proposé le péché, ce qui est du ressort de la faculté cognitive. Donc la sensualité est une faculté de cette nature.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que le serpent a non-seulement montré et proposé le péché, mais qu'il a encore poussé à le faire (3). Et c'est sous ce dernier rapport que la sensualité est figurée par le serpent.

CEPENDANT, la sensualité se définit : l'appétit des choses qui se rapportent au corps.

CONCLUSION : …
_______________________________________________________________

(3) Dans cet article philosophique saint Thomas recherche si la sensibilité (sensualitas) n’est pas aussi une faculté cognitive. (2) Elles peuvent mouvoir les puissances qui leur sont inférieures. (3). On sait qu'il y a eu des hérétiques, les ophites, qui ont prétendu que le serpent était le Christ, et qu'on devait l'adorer. Nous ne rappelons que pour mémoire cette folie, aussi contraire à l’Écriture qu'au bon sens.


Dernière édition par Louis le Sam 19 Mai 2018, 11:37 am, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Jeu 28 Déc 2017, 7:50 am

ARTICLE I.

La sensualité n’est-elle qu’appétitive (3) ?

SUITE

CONCLUSION : La sensualité n'implique pas une vertu cognitive, mais la puissance appétitive de l'âme.

Il faut répondre que le nom de la sensualité semble tiré du mouvement sensuel dont parle saint Augustin (loc. cit.), de même que le nom de la puissance vient de l'acte, comme la vue vient de la vision.

Or, le mouvement sensuel est un appétit qui suit la perception sensitive.

Car l'acte de la faculté qui perçoit n'est pas, à proprement parler, un mouvement comme l'action de l'appétit (1).

Car l'opération de la faculté qui perçoit est consommée quand l'objet perçu est dans le sujet, tandis que l'opération de la faculté qui appète n'est parfaite que quand le sujet se porte vers l'objet qu'il désirait.

C'est ce qui fait qu'on assimile au repos l'opération de la faculté qui perçoit, tandis qu'on assimile plutôt au mouvement celle de la faculté qui appète.

C'est pourquoi par le mouvement sensuel on entend l'opération de cette dernière faculté, et on donne le nom de sensualité à l'appétit sensitif.
________________________________________________________________________

(3) Dans cet article philosophique saint Thomas recherche si la sensibilité (sensualitas) n’est pas aussi une faculté cognitive. (1) D'après Aristote, l'intelligence est impassible et par conséquent ne reçoit pas le mouvement (Voyez sa théorie de l'intelligence dans son Traité de l'âme. liv. III ch. 5 et 11 de la traduction française).

A suivre :  Article 2.  L’appétit sensitif se distingue-t-il en appétit irascible et concupiscible comme deux puissances diverses ?


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