L'âme humaine est-elle immortelle ?

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Message  Louis Sam 14 Oct 2017, 6:46 am

ARTICLE 3.

Indépendamment de l’âme intellective y-a-t-il dans l’homme
d’autres âmes qui soient essentiellement distinctes ?
(3)

CONCLUSION (SUITE): L'âme n'étant pas seulement unie au corps comme son moteur, mais encore comme sa forme, il est impossible que dans un seul homme il y ait plusieurs âmes essentiellement distinctes; mais il n'y a qu'une âme intelligente qui remplit les fonctions d'âme intellective, sensitive et végétative.

Mais si nous supposons que l'âme est unie au corps comme sa forme, il semble absolument impossible qu'il y ait plusieurs âmes essentiellement distinctes dans le même corps ; ce qui peut se prouver en effet par trois raisons :

1° Parce que l'animal dans lequel il y aurait plusieurs âmes ne serait pas absolument un. En effet, un être n'est un absolument que par l'unité de la forme à laquelle il doit l'existence. Car ce qui fait qu'une chose est un être est aussi ce qui fait qu'elle est une. C'est pourquoi les choses qui doivent leur dénomination à des formes diverses ne sont pas absolument unes, comme un homme blanc.

Par conséquent s'il y avait une forme, par exemple l'âme végétative, qui rendit l'homme vivant, qu'il y en eût une autre, par exemple l'âme sensible qui en fit un animal, et enfin une troisième, l'âme raisonnable qui le fit homme, il s'ensuivrait que l'homme ne serait pas absolument un être unique, pas plus, comme le dit Aristote argumentant contre Platon (Met. lib. III, text. 20), que si l'idée d'animal différait de celle de bipède, un animal bipède ne serait absolument un seul être.

C'est pour ce motif qu'Aristote demande (De anima, lib. I, text. 90) à ceux qui supposent qu'il y a différentes âmes dans un même corps, ce qui les contient, c'est-à-dire ce qui fait leur unité. On ne peut pas dire qu'elles soient unies par l'unité du corps, parce que c'est plutôt l'âme qui contient le corps et qui constitue son unité que le corps ne contient l'âme.

2° On peut démontrer cette impossibilité d après la nature du prédicat ou de l'attribut. En effet, les choses de formes différentes se disent l'une de l'autre ; ou par accident quand elles ne sont pas subordonnées entre elles, comme lorsque nous disons que le blanc est doux ; ou d'une manière absolue mais secondaire, parce que le sujet entre dans la définition de l'attribut comme la surface existe préalablement avant la couleur. Par conséquent quand on dit qu'une surface est coloriée, l'attribut se prend d'une manière absolue mais secondaire.

Si donc la forme selon laquelle on appelle un être animal était différente de la forme qui le fait appeler homme, il s'ensuivrait ou que l'un des deux ne pourrait se dire de l'autre que par accident , si ces deux formes ne se rapportaient pas mutuellement l'une à l'autre ; ou qu'il y a là un prédicat qui est secondairement absolu si l'une des âmes sert de prédisposition à l'autre.

Or, ces deux choses sont manifestement fausses, parce que l'animal est le prédicat absolu de l'homme et non le prédicat accidentel, et l'homme n'entre pas dans la définition de l'animal, mais c'est tout le contraire.

Il faut donc que ce soit la même forme qui rende le même être animal et homme ; autrement l'homme ne serait pas véritablement ce qu'est l'animal et l'animal ne serait pas par lui-même l'attribut de l'homme.

3º  On prouve encore qu'il est impossible…
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(3) Il y a eu des hérétiques qui ont admis dans l’homme deux âmes raisonnables, et Photius paraît avoir été du nombre. Cette erreur a été condamnée par le huitième concile de Constantinople (sess. X, can. 2).


Dernière édition par Louis le Lun 12 Mar 2018, 4:58 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Dim 15 Oct 2017, 6:51 am

ARTICLE 3.

Indépendamment de l’âme intellective y-a-t-il dans l’homme
d’autres âmes qui soient essentiellement distinctes ?
(3)

CONCLUSION SUITE: L'âme n'étant pas seulement unie au corps comme son moteur, mais encore comme sa forme, il est impossible que dans un seul homme il y ait plusieurs âmes essentiellement distinctes; mais il n'y a qu'une âme intelligente qui remplit les fonctions d'âme intellective, sensitive et végétative.

3º  On prouve encore qu'il est impossible qu'il y ait dans l'homme plusieurs âmes, parce qu'une opération de l'âme quand elle est très-intense empêche l'autre. Ce qui n'arriverait pas si le principe des actions n'était pas essentiellement un. Il faut donc dire que l'âme sensitive, nutritive et intellective est dans l'homme numériquement la même.

— Comment cela se fait-il? On peut aisément s'en rendre compte quand on observe attentivement les différences des espèces et des formes. Car on remarque que les espèces et les formes des choses diffèrent les unes des autres selon qu'elles sont plus ou moins parfaites. Ainsi dans l'ordre de la nature les êtres animés sont plus parfaits que les êtres inanimés, les animaux sont plus parfaits que les plantes, les hommes plus parfaits que les animaux, et dans chacun de ces genres il y a dès degrés divers.

C'est pour cela qu'Aristote assimile les espèces des choses aux nombres qui diffèrent en espèce selon l'addition ou la soustraction de l'unité (Met. lib. VIII, text. 10). Il compare ( De animâ, lib. m, text. 30 et 31 ) les diverses âmes à des espèces de figures dont l'une comprend l'autre , comme le pentagone contient le tétragone et le dépasse.

Ainsi l'âme intellective comprend en elle tout ce qu'il y a dans l'âme sensitive des animaux et dans l'âme nutritive des plantes. Et comme une surface qui a la figure d'un pentagone n'est pas un tétragone par une figure et un pentagone par une autre (parce qu'il serait superflu de faire du tétragone une figure particulière, puisqu'il est contenu dans le pentagone), de même Socrate n'est pas homme par une âme et animal par une autre, mais il est l'un et l'autre par une seule et même âme.
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(3) Il y a eu des hérétiques qui ont admis dans l’homme deux âmes raisonnables, et Photius paraît avoir été du nombre. Cette erreur a été condamnée par le huitième concile de Constantinople (sess. X, can. 2).

A suivre :  Article 4 :   Y a-t-il dans l’homme une autre forme que l’âme intellective ?


Dernière édition par Louis le Lun 12 Mar 2018, 5:05 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux et orthographe.)

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Message  Louis Lun 16 Oct 2017, 7:15 am

ARTICLE 4.

Y a-t-il dans l’homme une autre forme que l’âme intellective ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que dans l'homme il y ait une autre forme que l'âme intellective. Car Aristote dit  (De animâ, lib. II, text. 4 et 5) que l'âme est l'acte d'un corps naturel qui a la vie en puissance. L'âme est donc au corps ce que la forme est à la matière, et puisque le corps a une forme substantielle par laquelle il existe, il s'ensuit qu'il y a dans le corps une forme substantielle antérieurement à l'existence de l'âme.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu' Aristote ne dit pas que l'âme soit seulement l'acte du corps, mais l'acte d'un corps physique et organique, qui a la vie en puissance, et que cette puissance n'exclut pas l'âme. Il est donc évident que dans celui dont on dit que l'âme est l'acte on  comprend  l'âme elle-même, comme quand on dit que la chaleur est l'acte d'un corps chaud, et la lumière l'acte d'un corps lumineux, on n'entend pas que le corps soit lumineux sans la lumière, mais que c'est par elle qu'il a cette propriété.

De même on dit que l'âme est l'acte du corps parce que c'est par elle que le corps existe, qu'il est organisé et qu'il a la vie en puissance. On lui donne le nom d'acte premier comparativement à l'acte second, qui est son opération.  Par conséquent, cette puissance n'exclut pas l'âme, au contraire (1).

DIFFICULTÉ: 2.  L'homme et tout animal quelconque se meut lui-même. Or, tout ce qui se meut se divise en deux parties dont l'une est le moteur et l'autre l'objet qui est mû, comme le prouve Aristote (Phys. lib. VIII, text. 30). Puisque dans l'homme la partie qui meut est l'âme, il faut donc qu'il y ait une autre partie qui puisse être mue. La matière première ne peut l'être, puisque, comme le dit Aristote ( Phys. lib. V, text. 8 ), ce n'est qu'un être en puissance ; d'ailleurs tout être qui est mû est un corps. Il faut donc que dans l'homme et dans tout animal il y ait une autre forme substantielle qui constitue le corps.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que l'âme ne meut pas le corps par son être, selon qu'elle lui est unie comme sa forme, mais elle le meut par sa puissance motrice, dont l'acte présuppose le corps déjà animé par l'âme, de telle sorte que l'âme est, selon sa puissance motrice, la partie qui meut et le corps animé est la partie qui est mue.

DIFFICULTÉ: 3. L'ordre dans les formes s'établit d'après le rapport qu'elles ont avec la matière première. Car il n'y a un premier et un second que relativement à un principe quelconque. Si donc il n'y avait pas dans l'homme une forme substantielle indépendante de l'âme raisonnable, et que celle-ci fut immédiatement inhérente à la matière première, il s'ensuivrait qu'elle devrait être rangée parmi les formes les plus imparfaites qui sont immédiatement inhérentes à la matière.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que dans la matière on reconnaît divers degrés de perfection, tels que l'être, la vie, la sensibilité et l'intelligence. Le degré qui vient se surajouter à l'autre est toujours plus parfait que lui. Ainsi la forme qui ne donne que le premier degré de perfection de la matière est la plus imparfaite. Mais celle qui donne le premier, le second, le troisième, et ainsi de suite, l'est davantage (1), et néanmoins elle est immédiatement inhérente à la matière.

DIFFICULTÉ: 4.  Le corps humain est un corps mixte. Or, le mélange ne comprend pas seulement la matière, parce qu'alors ce ne serait qu'une corruption. Il faut donc qu'il comprenne les formes des éléments qui sont des formes substantielles, et que par conséquent il y ait dans le corps humain d'autres formes substantielles que l'âme intellective.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, qu'Avicenne a supposé que les formes substantielles des éléments restaient intègres dans un corps mixte, et que le mélange ne se faisait qu'autant que les qualités contraires des éléments étaient réduites à un milieu. Mais c'est impossible, parce que les diverses formes des éléments ne peuvent exister que dans diverses parties de la matière, et cette diversité suppose l'étendue sans laquelle la matière ne peut  être divisible.

Or, la matière soumise à l'étendue n'existe que dans les corps, et différents corps ne peuvent être dans le même lieu. D'où il suit que dans un corps mixte les éléments sont distincts d'après leur position, et que par conséquent il n'y a pas de mélange véritable dans le tout, il n'y a qu'un mélange pour les sens, qui résulte de la juxtaposition des infiniment petits.

Averroës a encore supposé (De cœl. lib. III, comm. 67) que les formes des éléments tiennent, en raison de leur imperfection, le milieu entre les formes accidentelles et les formes substantielles, qu'elles sont pour ce motif susceptibles de plus et de moins, et qu'en perdant de leur vertu dans le mélange elles sont ramenées à un certain milieu, et qu'ainsi elles ne produisent qu'une forme unique. Mais ceci est encore plus impossible. Car  [la] substance d'une chose consiste dans son indivisibilité ; toute addition  [ou] toute soustraction en varient l'espèce, comme dans les nombres (Met. lib.VIII, text. 10).

Il est donc impossible qu'une forme substantielle soit susceptible d'augmentation et de diminution, et il n'est pas moins impossible qu'une chose tienne le milieu entre la substance et l'accident.

Il faut donc dire avec Aristote (Depart, anim . lib. II) que les formes des éléments subsistent dans les corps mixtes, non actuellement, mais virtuellement. Car les qualités propres des éléments existent, quoique affaiblies, dans les corps qui ont la vertu des formes élémentaires. Et la qualité de ce mélange est une disposition à recevoir la forme substantielle d'un corps mixte, par exemple la forme d'une pierre ou d'un être animé quelconque.

CEPENDANT, une chose ne peut avoir qu'une substance. Or, la forme substantielle produit la substance. Donc une chose ne peut avoir qu'une forme substantielle. L'âme étant la forme substantielle de l'homme, il est donc impossible qu'il y ait dans l'homme une autre forme substantielle que l'âme intellective.

CONCLUSION : …
_____________________________________________________________________

(2) Cet article est une conséquence de l’article 1er, et par conséquent une réfutation de Jean d’Olive, d’Averroës et de tous ceux qui ont suivi dans cette matière le sentiment de Platon. La sentence du concile de Vienne qui nous avons citée est donc ici applicable. (1) D'après Aristote, l'âme est au corps ce que l'acte est à la puissance ; elle n'exclut donc pas plus le corps que l'acte n'exclut la puissance. (1) Parce qu'elle renferme tontes les antres virtuellement.


Dernière édition par Louis le Mar 13 Mar 2018, 12:31 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux et orthographe.)

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Message  Louis Mar 17 Oct 2017, 7:29 am

ARTICLE 4.

Y a-t-il dans l’homme une autre forme que l’âme intellective ? (2)

SUITE

CONCLUSION : — L'âme humaine étant unie au corps de l'homme comme la forme qui lui donne l'être d'une manière absolue, il est impossible qu'il y ait dans l'homme une autre forme que l'âme intellective.

I! faut répondre que si l'on admettait avec les platoniciens que l'âme intellective n'est pas unie au corps comme sa forme, mais seulement comme son moteur, on devrait dire que dans l'homme il y a une autre forme substantielle qui constitue le corps et lui donne son être

Mais si l'âme intellective est unie au corps comme sa forme substantielle, ainsi que nous l'avons dit (art. 1), il est impossible qu'on trouve dans l'homme une autre forme substantielle que celle-là. Pour s'en convaincre, il faut observer que la forme substantielle diffère de la forme accidentelle en ce que celle-ci ne donne pas l'être d'une manière absolue, mais seulement telle ou telle manière d'être on particulier. Ainsi la chaleur ne fait pas que le sujet qui la reçoit existe, mais seulement qu'il est chaud. C'est pourquoi, quand une forme accidentelle se produit, on ne dit pas qu'une chose est faite ou engendrée absolument, mais qu'elle a reçu telle ou telle manière d'être. De même, quand cette forme disparait, on ne dit pas que la chose qui l'avait reçue est absolument corrompue, mais seulement qu'elle l'est sous un rapport.

Mais la forme substantielle donne l'être absolument parlant, et c'est ce qui  fait que quand elle se produit on dit que la chose est engendrée absolument, et quand elle disparait on dit qu'elle est complètement corrompue. C'est pour cela que les anciens philosophes qui supposaient que la matière première était un être en acte, comme le feu, l'air et les autres éléments semblables, ont dit que rien ne s'engendre ni ne se corrompt absolument, mais que tout ce qui se fait est le résultat d'une altération ou d'un changement, comme le dit Aristote (Phys. Iib. I, text. 33).

Si donc, indépendamment de l'âme intellective, il y avait dans la matière une autre forme substantielle qui ferait du sujet de l'âme un être en acte, il s'ensuivrait que l'âme ne communiquerait pas l'être absolument, et que par conséquent elle ne serait pas une forme substantielle, et que quand elle arriverait dans un corps il ne serait pas absolument, mais relativement engendré, et que quand elle s'en séparerait il ne serait pas absolument, mais relativement corrompu, ce qui est évidemment faux.

Il faut donc dire qu'il n'y a pas dans l'homme d'autre forme substantielle que l'âme intellective, et que, comme elle contient virtuellement l'âme sensitive et l'âme nutritive, de même elle contient virtuellement toutes les formes inférieures, et produit à elle seule ce que des formes plus imparfaites produisent dans les autres êtres. On doit en dire autant de l'âme sensitive dans les bêtes et de l'âme nutritive dans les plantes, et universellement de toutes les formes plus parfaites par rapport aux imparfaites.  
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(2) Cet article est une conséquence de l’article 1er, et par conséquent une réfutation de Jean d’Olive, d’Averroës et de tous ceux qui ont suivi dans cette matière le sentiment de Platon. La sentence du concile de Vienne qui nous avons citée est donc ici applicable.

A suivre :  Article 5.  Est-il convenable qu’une âme intellective soit unie à un corps tel que le corps humain ?


Dernière édition par Louis le Mar 13 Mar 2018, 12:34 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mer 18 Oct 2017, 6:31 am

ARTICLE 5.

Est-il convenable qu’une âme intellective soit unie à un corps tel que le corps humain ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble inconvenant qu'une âme intellective soit unie à un corps tel que le corps humain. Car la matière doit être proportionnée à la forme. Or, l'âme intellective est une forme incorruptible. Il n'est donc pas convenable qu'elle soit unie à un corps corruptible.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu'il y en a qui voudraient échapper à cette objection en disant que le corps de l'homme avant le péché avait été incorruptible. Mais cette réponse ne semble pas fondée. Car le corps de l'homme avant le péché n'a pas été immortel par nature, mais par un effet de la grâce divine ; autrement le péché ne lui eût pas plus enlevé son immortalité qu'il ne l'a enlevée aux démons.

— Il faut donc plutôt répondre que pour la matière il y a deux conditions : la première c'est qu'elle soit choisie pour convenir à la forme, la seconde est une conséquence nécessaire de sa disposition première.

Ainsi, un ouvrier, pour faire une scie, choisit la matière propre à couper des corps durs ; mais une conséquence nécessaire de la matière qu'il a employée, c'est que les dents de la scie puissent s'émousser et se tacher de rouille. Ainsi, le corps uni à l'âme intellective doit être d'un tempérament égal. La conséquence nécessaire de cette disposition, c'est qu'il soit corruptible.

Si l'on dit que Dieu aurait pu éviter cette nécessité, on doit observer que dans l'ordre de la nature on n'examine pas ce que Dieu peut faire, mais ce qui convient réellement à l'essence des choses, comme l'a dit saint Augustin (Sup. Gen. ad litt. lib. II, cap. 1). Cependant Dieu a pourvu à la dignité de l'homme en lui donnant sa grâce comme remède contre la mort.

DIFFICULTÉ: 2. L'âme intellective est une forme absolument immatérielle ; la preuve en est c'est que dans ses opérations elle n'a rien de commun avec la matière corporelle. Or, plus un corps est subtil et moins il est matériel. Donc l'âme devrait être unie à un corps très-subtil, par exemple au feu, et non à un corps mixte, encore moins à un corps terrestre.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, qu'il n'est pas nécessaire que l'âme intellective soit unie au corps à cause de son opération intellectuelle, mais à cause de sa vertu sensitive qui exige un organe d une complexion  parfaitement égale. C'est pour cela qu'il a fallu que l'âme intellective fût unie à un corps tel que le corps humain, et non à un simple élément ou à un corps mixte dans lequel le feu aurait été prédominant, parce que l'activité de cet élément aurait nui à l'égalité de tempérament nécessaire.

Le corps qui a un tempérament parfaitement proportionné, a d'ailleurs une certaine noblesse par là même qu'il est éloigné des contraires, et en cela il ressemble sous un rapport aux corps célestes (2).

DIFFICULTÉ: 3. La forme étant le principe de l'espèce, une même forme ne produit pas des espèces différentes. Or, l'âme intellective est une forme. Donc elle ne doit pas être unie au corps qui se compose de parties d'espèces différentes

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que les parties de l'animal, comme l'œil, la main, la chair et l'os, n'appartiennent pas à une espèce, mais à un tout. C'est pourquoi on ne peut pas dire, à proprement parler, qu'elles sont des espèces différentes, mais des dispositions diverses. Il en est de même de l'âme intellective qui, bien qu'elle soit une par essence, a cependant des propriétés multiples en raison même de sa perfection. C'est pour ce motif que pour ses différentes opérations elle a besoin de trouver des dispositions diverses dans les parties du corps auquel elle est unie. Voilà pourquoi nous voyons qu'il y a une plus grande diversité de parties dans les animaux parfaits que dans les imparfaits, et dans ceux-ci que dans les plantes (3).

DIFFICULTÉ: 4.  Quand la forme est plus parfaite l'être qui la reçoit doit être plus parfait aussi. Or, l'âme intellective est la plus parfaite des âmes. Par conséquent, les corps des autres animaux étant tout naturellement protégés, et ayant, par exemple, des poils au lieu de vêtements, un sabot au lieu de chaussures, et ayant pour leur défense les armes que la nature leur donne, telles que les griffes, les dents et les cornes, il semble que l'âme intellective n'ait pas du être unie à un corps imparfait, privé de tous ces secours.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que l'âme intellective, par là même qu'elle embrasse les choses universelles, a une vertu qui s'étend à l'infini. C'est pourquoi la nature n'a pu déterminer ni ses opérations naturelles, ni les secours nécessaires à son vêtement ou à sa défense, comme elle l'a fait pour les autres animaux qui ne perçoivent que des objets particuliers et dont les facultés ne peuvent s'élever plus haut. Mais au lieu de toutes ces choses l'homme possède par nature la raison et les mains qui sont les organes des organes, parce qu'il peut avec elles se préparer des instruments d'une infinité de manières pour produire des effets à l'infini.

CEPENDANT, Aristote dit (De animâ, lib. II, text. 4 et 5) que l'âme est l'acte d'un corps naturel et organique, ayant la vie en puissance.

CONCLUSION : …
_____________________________________________________________________________

(2) Le texte porte : à un corps fait de telle façon ; c'est-à-dire à un corps pourvu d'organes qui le rendent capable de vivre. Cuvier démontre qu'il n'y a que les corps organisés qui puissent vivre (Règne animal, t. I, p. 15). En suivant la doctrine d'Aristote, saint Thomas se trouve donc d'accord sur ce point avec la science actuelle. (2) Dans lesquels il n’y a pas de contrariétés. (3) Plus les fonctions ou les opérations d’un agent sont nombreuses, et plus il faut d’instruments.


Dernière édition par Louis le Mar 13 Mar 2018, 3:53 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Jeu 19 Oct 2017, 6:34 am

ARTICLE 5.

Est-il convenable qu’une âme intellective soit unie à un corps tel que le corps humain ? (2)

SUITE

CONCLUSION : L'âme intellective possédant de la manière la plus complète la vertu sensitive, il a fallu que le corps auquel elle est unie fût un corps mixte qui eut plus que tous les autres une égalité parfaite de tempérament telle qu'est le corps humain.

Il faut répondre que la forme n'existant pas pour la matière, mais plutôt la matière pour la forme, il faut rechercher dans la forme la raison pour laquelle la matière a tel ou tel caractère et non réciproquement. Or, l'âme intellective, comme nous l'avons dit (quest. LV, art. 2), tient, dans l'ordre de la nature, le dernier rang parmi les substances intellectuelles, surtout parce qu'elle n'a pas naturellement la connaissance de la vérité innée en elle comme les anges, et parce qu'il faut qu'elle l'emprunte aux choses corporelles par le moyen des sens, comme le dit saint Denis (De div. nom. cap. 7).

Mais comme la nature ne fait défaut à aucun être en ce qui lui est nécessaire, il a fallu que l'âme intellective eût non-seulement la faculté de comprendre, mais encore celle de sentir. Et puisque d'ailleurs elle ne peut sentir sans se servir du corps comme d'un instrument, il a été nécessaire qu'elle fût unie à un corps qui lui permit de mettre en usage cette faculté.

Or, tous les sens ont le tact pour fondement. Et il est nécessaire au tact qu'il tienne le milieu entre les contraires (1), par exemple, entre le chaud et le froid, entre l'humide et le sec et les autres choses semblables qui sont de son domaine. Car il est ainsi en puissance par rapport aux contraires, et il peut les sentir. Ainsi, plus le tact se rapproche de cette égalité de tempérament et mieux il perçoit les objets.

L'âme intellective possédant la faculté sensitive de la manière la plus complète, parce que les qualités de l'être inférieur préexistent toujours plus parfaitement dans l'être supérieur, comme  le dit saint Denis (toc. cit.), il a fallu par conséquent que le corps auquel l'âme intellective est unie fût un corps mixte qui eût une égalité de tempérament supérieure à tous les autres corps.

Voilà pourquoi de tous les animaux l'homme est celui qui est doué du toucher le plus fin (2) et que parmi les hommes ceux dont le tact est le plus exquis ont l'intelligence plus remarquable. La preuve en est que ceux qui ont la chair la plus douce (1) sont aussi ceux qui ont le plus de talent, comme le dit Aristote (De animâ, lib. II, text. 94).
_________________________________________________________________________

(2) Le texte porte : à un corps fait de telle façon ; c'est-à-dire à un corps pourvu d'organes qui le rendent capable de vivre. Cuvier démontre qu'il n'y a que les corps organisés qui puissent vivre (Règne animal, t. I, p. 15). En suivant la doctrine d'Aristote, saint Thomas se trouve donc d'accord sur ce point avec la science actuelle. (1) Pascal montre, avec son éloquence accoutumée, que l'homme est placé dans le milieu le plus convenable par rapport à tous ses sens (Voyez ses Pensées sur la connaissance générale de l'homme). (2) Pour les autres sens, dit Aristote, l'homme est fort au-dessous des animaux, mais pour le toucher il est bien au-dessus d'eux tous: ce qui fait aussi qu'il est le plus intelligent des animaux. (1) La physiologie actuelle reconnaît l’exactitude de cette observation générale.

A suivre :  Article 6.  L’âme intellective est-elle unie au corps par de simples dispositions accidentelles ?


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Message  Louis Ven 20 Oct 2017, 6:54 am

ARTICLE 6.

L’âme intellective est-elle unie au corps par de simples dispositions accidentelles ? (1)

DIFFICULTÉ: 1.  Il semble que l'âme intellective soit unie au corps par quelques dispositions accidentelles. Car toute forme est dans la matière qui lui est propre et qui a été disposée pour elle. Or, les dispositions à la forme étant des accidents, il faut donc que l'on admette préalablement quelques accidents dans la matière avant qu'elle ne revête sa forme substantielle et par conséquent avant que l'âme ne s'unisse à elle, puisque l'âme en est la forme substantielle.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que, comme nous l'avons dit (art. 3 et 4), la forme la plus parfaite renferme virtuellement tout ce que contiennent les formes inférieures. C'est pourquoi il ne faut qu'une seule et même forme pour donner à la matière divers degrés de perfection. Ainsi c'est essentiellement une seule et même forme qui fait que l'homme existe en acte, qu'il a un corps, qu'il est vivant, qu'il est animal et qu'il est homme.

Or, il est évident que tout genre a pour conséquence des accidents qui lui sont propres. Ainsi comme on conçoit la matière parfaite dans son être avant de la concevoir comme corps, de même on conçoit aussi la préexistence d'accidents qui sont propres à l'être avant la corporéité. C'est ce qui fait qu'il y a dans la matière des dispositions antérieures à la forme (1) non par rapport à tous ses effets possibles, mais par rapport au dernier.

DIFFICULTÉ: 2. Les diverses formes d'une même espèce exigent dans la matière des parties différentes. Or, on ne peut concevoir dans la matière des parties différentes qu'autant qu'elle est divisible par rapport aux dimensions qu'offre son étendue. Il faut donc que l'on conçoive les dimensions dans la matière avant les formes substantielles qui sont multiples dans leur espèce.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que les dimensions sont des accidents qui résultent nécessairement de la corporéité qui convient à toute la matière. Par conséquent la matière comprise avec sa corporéité et des dimensions (2)  peut être conçue comme divisée en parties différentes, de telle sorte qu'elle reçoive diverses formes selon ses divers degrés de perfection. Car bien que la forme qui attribue à la matière divers degrés de perfection soit essentiellement la même, comme nous l'avons dit (art. 4), cependant elle en diffère rationnellement.

DIFFICULTÉ: 3. L'esprit s'applique au corps par l'influence de l'action qu'il exerce sur lui. Or, l'action ou la vertu de l'âme c'est sa puissance. Il semble donc que l'âme soit unie au corps par le moyen de la puissance qui est un accident.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que la substance spirituelle qui est unie au corps seulement comme moteur, lui est unie par sa puissance ou sa vertu, mais que l'âme intellective lui étant unie comme sa forme, elle tient à lui par son être. Néanmoins elle le gouverne et le meut par sa vertu.

CEPENDANT, c'est le contraire. En effet, l'accident est postérieur à la substance temporellement et rationnellement, comme le dit Aristote (Met. lib. VII, text. 4). On ne peut donc pas concevoir qu'il y ait dans la matière une forme accidentelle antérieure à l'âme qui est la forme substantielle.

CONCLUSION : …
________________________________________________________________________

(1) Cet article est un corollaire des articles précédents et spécialement du premier. Car, du moment que l’on admet que l’âme est essentiellement la forme du corps, elle ne peut lui être unies par de simples dispositions accidentelles. (1) Ainsi, quand il s'agit d'une forme qui est reçue dans un sujet par l'altération de ce sujet, il faut des dispositions préalables ; mais s'il s'agit d'une forme qui donne l'être à la matière, il n'en faut aucune, parce qu'il est nécessaire que la chose soit, avant d'avoir telle ou telle manière d'être. —   (2) Dans cette hypothèse la matière est déjà supposée existante ; les formes ne lui donnent plus l'être, mais une manière d'être.


Dernière édition par Louis le Mar 13 Mar 2018, 4:25 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Sam 21 Oct 2017, 7:42 am

ARTICLE 6.

L’âme intellective est-elle unie au corps par de simples dispositions accidentelles ? (1)

SUITE

CONCLUSION : Puisque l'âme intellective donne à l'homme son être absolu et substantiel, il est impossible qu'elle soit unie au corps par des dispositions accidentelles.

Il faut répondre que si l'âme était unie au corps uniquement comme son moteur, non-seulement rien n'empêcherait, mais il serait même absolument nécessaire qu'il y eût des dispositions intermédiaires qui servissent de liens entre le corps et l'âme, par exemple que du côté de l'âme il y eût la puissance qui l'aidât à mouvoir le corps, et que du côté du corps il y eût une certaine aptitude qui le rendît susceptible d'être mû par l'âme.

Mais si l'âme intellective est unie au corps, comme sa forme substantielle, ainsi que nous l'avons dit (art. 4), il est impossible qu'une disposition accidentelle quelconque serve de lien entre le corps et l'âme, comme entre toute forme substantielle et sa matière. La raison en est que la matière étant en puissance pour tous les actes d'après un certain ordre, il faut qu'elle possède d'abord l'acte qui tient le premier rang parmi tous les actes (2). Or, le premier de tous les actes c'est l'être. On ne peut donc pas concevoir que la matière soit chaude ou étendue avant de la concevoir existante. Et puisque c'est sa forme substantielle qui la met en acte et qui fait qu'elle existe absolument, comme nous l'avons dit (art. 4), il est donc impossible que des dispositions accidentelles quelles qu'elles soient préexistent dans la matière avant sa forme substantielle et par conséquent avant l'âme.
__________________________________________________________________________

(1) Cet article est un corollaire des articles précédents et spécialement du premier. Car, du moment que l’on admet que l’âme est essentiellement la forme du corps, elle ne peut lui être unies par de simples dispositions accidentelles. (2) Il faut que le premier de ces actes soit dans la matière avant qu’elle soit susceptible de recevoir les autres ou, selon l’axiome, il faut être avant d’être quelque chose.

A suivre :  Article 7.   L’âme est-elle unie au corps par le moyen d’un autre corps quelconque ?


Dernière édition par Louis le Mar 13 Mar 2018, 4:28 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux et annonce de l'article 7.)

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Message  Louis Dim 22 Oct 2017, 7:00 am

ARTICLE 7.

L’âme est-elle unie au corps par le moyen d’un autre corps quelconque ? (3)

DIFFICULTÉ: 1. 1. Il semble que l'âme soit unie au corps par le moyen d'un autre corps. Car saint Augustin dit (Sup. Gen. ad  litt. lib. III cap. 5) que l'âme gouverne le corps par la lumière, c'est-à-dire par le feu et l'air qui sont les éléments qui ont le plus d'analogie avec l'esprit. Or, le feu et l'air sont des corps. Donc l'âme est unie au corps humain par le moyen d'un autre corps.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Augustin parle de l'âme en tant qu'elle meut le corps, et c'est pour cela qu'il se sert du mot gouverner (administrare). Il est vrai en ce sens qu'elle meut les parties les plus grossières du corps par les parties les plus subtiles. Et le premier instrument de sa force motrice est le souffle (2), comme le dit Aristote (De caus. mot. anim. cap. 6).

DIFFICULTÉ: 2. Ce qui détruit l'union de deux êtres une fois qu'on l'enlève semble être le lien qui les unissait. Or, quand le souffle manque, l'âme se sépare du corps. Donc le souffle qui est un corps subtil est le moyen qui unit le corps et l'âme.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que quand le souffle manque, l'âme cesse d'être unie au corps, non parce que le souffle est le moyen qui les unit, mais parce qu'alors est détruite la disposition qui rendait le corps apte à cette union. Le souffle est cependant un moyen dont l'âme se sert pour imprimer le mouvement, c'est comme son premier instrument.

DIFFICULTÉ: 3. Les choses qui sont absolument différentes ne sont unies que par un milieu. Or, l'âme intellective diffère du corps et parce qu'elle est immatérielle et parce qu'elle est incorruptible. Il semble donc qu'elle soit unie au corps au moyen d'un être intermédiaire tel qu'un corps incorruptible, et il semble que ce corps incorruptible pourrait bien être la lumière céleste qui concilie tous les éléments et les réduit à l'unité.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'âme est très-éloignée du corps, si on considère à part leurs conditions d'existence. Aussi si ces deux êtres avaient une existence séparée il faudrait qu'on fit intervenir beaucoup d'intermédiaires pour les rapprocher. L'âme étant la forme du corps, n'a pas un être à part en dehors de l'être du corps, mais elle lui est unie immédiatement par son être. D'ailleurs toute forme quand on la considère comme un acte est très-éloignée de la matière qui n'est qu'un être en puissance.

CEPENDANT, c'est le contraire. Car d'après Aristote (De animâ, lib. n, text. 7) il ne faut pas plus demander si le corps et l'âme sont un, que si la cire et l'empreinte qu'elle porte sont une même chose (4). Or, l'empreinte est unie à la cire sans l'intermédiaire d'aucun corps. Donc l'âme est unie au corps de la même manière.

CONCLUSION : …
____________________________________________________________________

(3) Pour expliquer cette union de l'âme et du corps, les philosophes ont imaginé un médiateur plastique, qui tiendrait de la nature de ces deux êtres. Saint Thomas établit ici l'union immédiate, substantielle de l'âme et du corps, et détruit par conséquent tous les systèmes opposés.  — (2) Aristote appuie sa théorie sur ce que la souffle a la puissance de se dilater et de se contracter à volonté; ce qui répond aux fonctions diverses du mouvement, qui consistent à pousser et à tirer. —  (4) Aristote a recours à cette comparaison pour marquer la différence qu'il y a entre la forme et la matière ; dans le cachet, dit-il, l'empreinte est la forme, et la cire, la matière.


Dernière édition par Louis le Sam 07 Avr 2018, 4:13 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Lun 23 Oct 2017, 7:38 am

ARTICLE 7.
L’âme est-elle unie au corps par le moyen d’un autre corps quelconque ? (3)

SUITE

CONCLUSION : L'âme étant unie au corps non-seulement comme son moteur, mais comme sa forme, il est impossible qu'elle soit unie au corps de l'homme ou d'un animal quelconque par le moyen d'un corps quel qu'il soit.

Il faut répondre que si l'on admettait avec les platoniciens que l'âme est unie au corps seulement comme son moteur, on pourrait dire qu'entre l'âme de l'homme ou d'un animal quelconque et son corps il y a d'autres corps intermédiaires. Car il est dans la nature d'un moteur de mouvoir ce qui est éloigné de lui au moyen d'intermédiaires qui s'en rapprochent davantage. Mais si l'âme est unie au corps comme sa forme, ainsi que nous l'avons dit  ( art. préc. et art. 1.), il est impossible qu'elle lui soit unie au moyen d'un corps quelconque. La raison en est que l'unité d'une chose se conçoit de la même manière que son être. Or, la forme fait par elle-même qu'une chose est en acte, puisqu'elle est elle-même un acte par son essence et qu'elle ne donne pas l'être au moyen d'un intermédiaire quelconque. Par conséquent l'unité d'une chose composée de matière et de forme provient de la forme qui existe par elle-même et qui est unie à la matière comme son acte. Et il n'y a pas d'autre cause d'union que l'agent qui fait que la matière est en acte, comme le dit Aristote (Met. lib. VIII, text. 15).

D'où il est évident qu'ils ont erré ceux qui ont supposé qu'il y avait des corps intermédiaires entre l'âme et le corps de l'homme. Parmi ces philosophes il y a des platoniciens qui ont prétendu que l'âme intellective a un corps incorruptible qui lui est naturellement uni et dont elle ne se sépare jamais, et que c'était par ce corps qu'elle était unie au corps corruptible de l'homme. D'autres ont dit qu'elle était unie au corps au moyen d'un esprit corporel (1).  Enfin il y en a qui ont avancé qu'elle était unie au corps au moyen de la lumière qu'ils appellent un corps et de la nature de la cinquième essence. Dans leur système l'âme végétative serait unie au corps par la lumière du ciel sidéral, l'âme sensitive par la lumière du ciel cristallin et l'âme intellective par la lumière de l'empyrée. Mais toutes ces hypothèses sont vaines et puériles; d'abord parce que la lumière n'est pas un corps, ensuite parce que la cinquième essence étant inaltérable ne peut entrer matériellement dans la composition d'un corps mixte, elle n'y peut entrer que virtuellement; enfin parce que l'âme est unie immédiatement au corps, comme la forme à la matière.
_________________________________________________________________________

(3) Pour expliquer cette union de l'âme et du corps, les philosophes ont imaginé un médiateur plastique, qui tiendrait de la nature de ces deux êtres. Saint Thomas établit ici l'union immédiate, substantielle de l'âme et du corps, et détruit par conséquent tous les systèmes opposés. (1)  M. Bautain a fait revivre ce système dans sa Psychologie expérimentale.

ARTICLE 8. L’âme est-elle unie au corps par le moyen d’un autre corps quelconque ?


Dernière édition par Louis le Sam 07 Avr 2018, 4:19 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux et annonce de l'article suivant.)

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Message  Louis Mar 24 Oct 2017, 7:12 am

Article VIII.   — L'âme est-elle tout entière dans chaque partie du corps ?  (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme ne soit pas tout entière dans chaque partie du corps. Car Aristote dit (De caus. mot. anim. cap. 7) qu'il n'est pas nécessaire que l'âme soit tout entière dans chaque partie du corps; il suffit qu'elle soit dans l'un de ses principes et que les autres parties vivent parce qu'elles lui sont jointes et qu'elles sont faites pour remplir ensemble la fonction qui leur est propre.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu'Aristote parle en cet endroit de la puissance motrice de l'âme (1).

DIFFICULTÉ: 2. L'âme est dans le corps dont elle est l'acte. Or, elle est l'acte d'un corps organique; elle n'existe donc que dans un corps de cette nature. Et comme toutes les parties du corps de l'homme ne sont pas des corps organiques, il s'ensuit qu'elle n'existe pas tout entière dans chacune d'elles.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que l'âme est l'acte d'un corps organique aussi bien que d'un corps parfaitement proportionné ; que la partie organique est celle qu'elle perfectionne la première (2).

DIFFICULTÉ: 3. Aristote dit (De animâ, lib. II, text. 9 et 10) que ce qu'une partie de l'âme est à une partie du corps, par exemple la vue à l'œil, l'âme tout entière l'est au corps tout entier de l'animal. Si donc l'âme est tout entière dans chaque partie du corps, il s'ensuit que chaque partie du corps est l'animal.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'animal est un être composé d'une âme et de tout le corps que l'âme perfectionne dans l'ensemble de ses proportions. Elle n'existe pas à ce titre dans chaque partie, et par conséquent il n'est pas nécessaire que la partie d'un animal soit un animal elle-même.

DIFFICULTÉ: 4.  Toutes les puissances de l'âme reposent sur l'essence de l'âme elle-même. Si donc l'âme est tout entière dans chaque partie du corps, il s'ensuit que toutes les puissances de l'âme sont dans chaque partie du corps, et qu'ainsi la vue est dans l'oreille, l'ouïe dans l'œil, ce qui est absurde.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, qu'il y a certaines puissances de l'âme qui sont en elle précisément parce qu'elle surpasse la capacité totale du corps ; telles sont, par exemple, l'intelligence et la volonté. On ne peut pas dire que des facultés de cette nature soient dans aucune partie du corps (3). Mais il y en a d'autres qui sont communes au corps et à l'âme. Il n'est pas nécessaire que ces dernières soient partout où est l'âme, mais seulement dans la partie du corps qui correspond aux fonctions qu'elles remplissent.

DIFFICULTÉ: 5. Si l'âme était tout entière dans chaque partie du corps, toutes les parties du corps dépendraient d'elle immédiatement. Une partie ne dépendrait donc pas de l'autre, il n'y en aurait pas une qui eût plus d'importance qu'une autre, ce qui est évidemment faux. Donc l'âme n'existe pas tout entière dans chaque partie du corps.

SOLUTION : 5. Il faut répondre au cinquième, qu'on dit qu'une partie du corps est plus importante qu'une autre en raison des facultés diverses dont les parties du corps sont les organes. Car l'organe de la faculté la plus distinguée de l'âme ou celle qui la sert avec le plus d'activité est aussi la partie la plus noble du corps.

CEPENDANT, saint Augustin dit (De Trin. lib. VI, cap. 6) que dans tout corps l'âme est tout entière dans le tout et tout entière dans chaque partie.

CONCLUSION : …
____________________________________________________________________

(1) Cet article est encore un corollaire des précédents  car l'âme étant par elle-même la forme substantielle du corps, il faut  qu'elle soit dans tout le corps et dans chaque partie du corps. C'est une des conséquences qu'on peut tirer de la constitution de Clément V. Voyez dans le Droit ca
non
, les Clémentines (lib. I. De sum. Trin. et de fide Cath.).
(1) L'âme considérée dans son essence doit être tout entière dans chaque partie du corps, mais il n'en est pas de même si on la considère dans ses puissances. —   (2) Et la partie non organisée est celle qu'elle perfectionne la seconde. (3) Elles ne résident que dans l'âme.


Dernière édition par Louis le Ven 20 Avr 2018, 2:44 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mer 25 Oct 2017, 8:04 am

Article VIII.   — L'âme est-elle tout entière dans chaque partie du corps ?  (1)

SUITE

CONCLUSION : L'âme est tout entière dans chaque partie du corps selon la totalité de sa perfection et de son essence, mais non selon la totalité de sa vertu, parce qu'elle n'est pas dans chaque partie du corps par chacune de ses puissances ou facultés.


Il faut répondre que, comme nous l'avons dit pour le reste ( art. préc.), si l'âme n'était unie au corps que comme son moteur, on pourrait dire qu'elle n'est pas dans chaque partie du corps, mais qu'elle n'est que dans une seule par laquelle elle donne le mouvement à toutes les autres. Mais l'âme étant unie au corps comme sa forme, il est nécessaire qu'elle soit dans tout le  corps et dans chacune de ses parties; car elle n'est pas la forme accidentelle du corps, mais sa forme substantielle. Or, la forme substantielle n'est pas seulement la perfection du tout, mais elle est encore celle de chaque partie.

En effet, le tout se composant des parties, la forme du tout qui ne donne pas l'être à chaque partie est une forme qui est une composition et un rapport, comme la forme d'une maison. Cette forme est accidentelle, tandis que l'âme est une forme substantielle. Il faut donc qu'elle soit la forme et l'acte non-seulement du tout, mais de chaque partie. C'est pourquoi quand l'âme se retire on ne donne plus à l'être les noms d'animal et d'homme qu'équivoquement, comme on dit, par exemple, un animal peint ou un animal de pierre; et il en est de même de la main, de l'oeil, de la chair et des os, comme le dit Aristote (De animâ, lib. II, text. 9).

Une preuve de ceci, c'est qu'aucune partie du corps n'a de fonctions propres une fois que l'âme s'est retirée, bien que tout ce qui reste dans son espèce conserve l'action propre à l'espèce elle-même. L'acte étant dans le sujet auquel il se rapporte, il faut donc que l'âme soit dans tout le corps et dans chacune de ses parties.

Pour comprendre qu'elle doit être dans chaque partie du corps il faut observer qu'un tout se divise toujours de trois manières qui correspondent à trois sortes de totalité. Ainsi,

1º il y a un tout qui se divise sous le rapport de la quantité, comme la ligne complète ou le corps complet.
2º Il y a un tout qui se divise en parties essentielles ou de raison. L'objet défini se divise, par exemple, selon les parties de la définition, et l'être composé se divise en matière et forme.
3º Il y a le tout potentiel qui se divise selon ses puissances ou facultés.

Le premier tout n'est applicable aux formes qu'accidentellement, et il ne convient qu'à celles qui se rapportent indifféremment au tout qui est étendu et à ses parties. Ainsi la blancheur se rapporte par sa nature aussi bien à la superficie totale d'un corps qu'à l'une de ses parties. C'est pour cela qu'en divisant une surface on divise accidentellement la blancheur. Mais la forme qui exige une diversité de parties dans son sujet (1), comme l'âme et surtout l'âme des animaux parfaits, ne se rapporte pas également au tout et à ses parties; par conséquent elle ne se divise pas accidentellement, c'est-à-dire par la division de la quantité.

Cette première espèce de tout ne peut donc être attribuée à l'âme ni par elle-même, ni par accident. Mais le second…
_________________________________________________________

(1) Cet article est encore un corollaire des précédents  car l'âme étant par elle-même la forme substantielle du corps, il faut  qu'elle soit dans tout le corps et dans chaque partie du corps. C'est une des conséquences qu'on peut tirer de la constitution de Clément V. Voyez dans le Droit ca
non
, les Clémentines (lib. I. De sum. Trin. et de fide Cath.).
—   (1) Comme les âmes des animaux parfaits, qui demandent une diversité d’organes pour accomplir la multiplicité de leurs fonctions.


Dernière édition par Louis le Ven 20 Avr 2018, 2:47 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Jeu 26 Oct 2017, 6:43 am

Article VIII.   — L'âme est-elle tout entière dans chaque partie du corps ?  (1)

SUITE

CONCLUSION (SUITE) : L'âme est tout entière dans chaque partie du corps selon la totalité de sa perfection et de son essence, mais non selon la totalité de sa vertu, parce qu'elle n'est pas dans chaque partie du corps par chacune de ses puissances ou facultés.

Mais le second tout qui se considère selon la perfection de raison et d'essence convient proprement et par lui-même aux formes (2).

Il en est de même du troisième, parce que la forme est le principe de l'action. Si on demandait si la blancheur est tout entière dans toute la surface et dans chacune de ses parties, il faudrait donc distinguer. Car s'il s'agissait de la totalité quantitative que la blancheur possède par accident, elle ne serait pas tout entière dans chaque partie de la surface. Il en faut dire autant de la totalité virtuelle, parce que la vue est plus frappée de la blancheur qui existe dans une surface entière que de celle qui n'existe que dans une de ses parties.

Mais si l'on parle de la totalité d'espèce et d'essence, la blancheur est tout entière dans chaque partie de la surface. L'âme n'ayant pas de totalité quantitative, comme nous l'avons dit dans cet article, il suffit de dire qu'elle est tout entière dans chaque partie du corps, selon sa totalité de perfection et d'essence, mais non selon sa totalité virtuelle, parce qu'elle n'est pas dans chaque partie du corps par chacune de ses facultés, mais elle est par la faculté de la vue dans l'œil, par celle de l'ouïe dans l'oreille et ainsi des autres sens.

Cependant on doit observer que l'âme exigeant de la diversité dans les parties, elle ne se rapporte pas de la même manière au tout qu'aux parties. Elle se rapporte au tout primitivement par elle-même comme à son objet propre qui est proportionné à ses perfections, tandis qu'elle ne se rapporte aux parties que secondairement, c'est-à-dire suivant le rapport qu'elles ont elles-mêmes avec le tout.
_________________________________________________________________________

(1) Cet article est encore un corollaire des précédents car l'âme étant par elle-même la forme substantielle du corps, il faut qu'elle soit dans tout le corps et dans chaque partie du corps. C'est une des conséquences qu'on peut tirer de la constitution de Clément V. Voyez dans le Droit ca
non
, les Clémentines (lib. I. De sum. Trin. et de fide Cath.).
(2) Pour que toutes les formes ont leur essence et les parties de leur essence.

A suivre: Question 77: DE CE QUI A RAPPORT AUX PUISSANCES DE L'ÂME EN GÉNÉRAL.


Dernière édition par Louis le Ven 20 Avr 2018, 2:52 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Ven 27 Oct 2017, 6:22 am

QUESTION 77.

DE CE QUI A RAPPORT AUX PUISSANCES DE L'ÂME EN GÉNÉRAL.

Après avoir parlé de l'âme dans ses rapports avec le corps, nous avons ensuite à nous occuper de ses puissances ou facultés. Nous en traiterons d'abord en général, puis en particulier. — Sur le premier point huit questions se présentent : 1º L'essence de l'âme est-elle sa puissance ? — 2° L'âme n'a-t-elle qu'une seule puissance ou en a-t-elle plusieurs? — 3° Comment les puissances de l'âme se distinguent-elles? — 4° Du rapport qu'elles ont entre elles. — 5° L'âme est-elle le sujet de toutes les puissances? — 6° Les puissances découlent-elles de l'essence de l'âme? — 7° Une puissance vient-elle d'une autre ? — 8º Toutes les puissances de l'âme restent-elles en elle après la mort?
ARTICLE I.

L'essence de l'âme est-elle sa puissance ?  (4)?

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'essence de l'âme soit sa puissance. Car saint Augustin dit (De.Trin. lib. IX, cap. 4) que l'esprit, la connaissance et l'amour sont substantiellement ou, ce qui revient au même, essentiellement dans l'âme. Et ailleurs (lib. X, cap. 11), que la mémoire, l'intelligence et la volonté ne forment qu'une vie, qu'une intelligence et qu'une essence.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Augustin parle en ces divers endroits de l'âme selon qu'elle se connaît et qu'elle s'aime. Ainsi la connaissance et l'amour quand ils se rapportent à l'âme connue et aimée existent substantiellement pu essentiellement en elle ; parce que c'est la substance ou l'essence même de l'âme qui est connue et aimée. C'est dans le même sens qu'il faut entendre ce qu'il dit ailleurs que la connaissance et l'amour ne forment qu'une seule vie, qu'un seul esprit, qu'une seule essence.

— Ou bien, comme disent quelques-uns, cette locution se justifie selon la manière dont le tout potentiel s'affirme de ses parties. Ce tout tient le milieu entre le tout universel et le tout intégral. Le tout universel se dit de toutes les parties selon toute l'étendue de son essence et de ses facultés ; ainsi l'animal se dit de l’homme, du cheval et convient dans son sens propre à chacune de ses parties (2). Le tout intégral n'existe dans chaque partie, ni selon toute son essence, ni selon toute sa vertu. C'est pourquoi il ne se dit d'aucune manière de chaque partie prise séparément, bien qu'on l'emploie quelquefois improprement quand il s'agit de toutes les parties réunies ; ainsi on dira que les murs, le toit, les fondations sont une maison. Mais le tout potentiel se dit de chaque partie selon toute son essence, mais non selon toute sa vertu. Il peut donc servir de prédicat à chaque partie, mais ce n'est pas dans un sens propre comme le tout universel. C'est de cette manière que saint Augustin dit que la mémoire, l'intelligence et la volonté sont l'essence unique de l'âme (3).

DIFFICULTÉ: 2. L'âme est plus noble que la matière première. Or, la matière première est sa puissance. Donc à plus forte raison en est-il ainsi de l'âme.

SOLUTION : 2. II faut répondre au second, que l'acte par rapport auquel la matière première est en puissance est la forme substantielle. C'est pour cela que la puissance de la matière n'est pas autre chose que son essence (4).

DIFFICULTÉ: 3. La forme substantielle est plus simple que la forme accidentelle. La preuve, c'est que la forme substantielle n'est susceptible ni de plus, ni de moins ; elle consiste en un point indivisible. Or, la forme accidentelle est sa vertu elle-même. Donc à plus forte raison la forme substantielle qui est l'âme.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'action appartient à l'être composé de la même manière que l'existence ; car c'est à l'être qui existe à agir. Or, l'être composé substantiellement d'une forme agit par la vertu qui résulte de cette forme. Par conséquent, ce que la forme accidentelle active est à la forme substantielle de l'agent, ou ce que la chaleur est au feu, la puissance de l'âme l'est à l'âme elle-même.

DIFFICULTÉ: 4.  La puissance sensitive est ce qui nous fait sentir, et la puissance intellective ce qui nous fait comprendre. Or, ce qui nous donne primitivement (1) le sentiment et l'intelligence c'est l'âme, comme ledit Aristote (De animâ, lib. II, text. 24). Donc l'âme est sa puissance.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que si la forme accidentelle est le principe de l'action elle le doit à la forme substantielle. C'est pourquoi la forme substantielle est le premier principe de l'action, mais non le principe le plus prochain. D'après cela Aristote a pu dire que l'âme était ce par quoi nous pensons et nous sentons.

DIFFICULTÉ: 5…
__________________________________________________________________________

(4) Saint Thomas démontre dans cet article que les puissances de l'âme ne sont pas son essence, mais qu'elles en sont distinctes, et que, par conséquent, l'âme n'est pas comme Dieu un acte pur. (2) L’animalité existe tout entière dans l’homme et dans la brute, et ce tout est universel, parce qu’il n’y a pas une de ses parties dans lesquelles il ne réside totalement. (1) Ou plus littéralement, ce par quoi nous sentons et nous pensons primitivement selon le texte d’Aristote, c’est-à-dire le principe premier de la sensation et de la pensée, c’est l’âme. (3) Parce que l’âme réside selon toute son essence dans chacune de ces puissances. (4) Mais la forme se rapporte à l'action, et c'est ce qui fait que la puissance de la forme est autre que son essence parce que son essence est acte.


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Message  Louis Sam 28 Oct 2017, 7:03 am

ARTICLE I.

L'essence de l'âme est-elle sa puissance ?  (4)?

Difficultés (suite)

DIFFICULTÉ: 5. Tout ce qui n'est pas de l'essence d'une chose est un accident. Si donc la puissance de l'âme est en dehors de son essence, il s'ensuit qu'elle est un accident, ce qui est opposé au sentiment de saint Augustin, qui dit (De Trin. lib. IX, cap. 4) que l'intelligence et la volonté ne sont pas dans l'âme comme dans un sujet, telles que sont la couleur ou la figure dans un corps, ou toute autre qualité et quantité. Car tout ce qui est de cette nature ne s'étend pas au delà du sujet qui le contient, tandis que l'intelligence peut aimer et connaître d'autres choses.

SOLUTION : 5. Il faut répondre au cinquième, que si l'on entend par accident ce qui n'est pas la substance il n'y a pas de milieu entre l'un et l'autre, parce qu'ils sont réciproquement opposés comme l'affirmation l'est à la négation, c'est-à-dire que l'un est dans le sujet et l'autre n'y est pas. De cette manière la puissance de l'âme n'étant pas son essence, il faut donc que ce soit un accident et elle appartient alors à la seconde espèce de qualité.

Si on prend l'accident pour un des cinq universaux, il y a alors un milieu entre la substance et l'accident (1).

Car la substance comprend tout ce qui est de l'essence de la chose, et on ne peut pas donner le nom d'accident à tout ce qui est en dehors de l'essence; ce nom ne convient qu'à ce qui ne découle pas des principes essentiels de l'espèce.

Car le propre (2) n'est pas de l'essence d'une chose, mais il est produit par les principes essentiels de son espèce. Il tient donc le milieu entre l'essence et l'accident. Dans ce sens on peut dire que les puissances de lame tiennent le milieu entre la substance et l'accident et qu'elles sont ses propriétés naturelles.

C'est de cette manière qu'il faut entendre la pensée de saint Augustin quand il dit que la connaissance et l'amour ne sont pas dans l'âme, comme des accidents dans un sujet ; selon qu'ils se rapportent à l'âme non comme au sujet qui aime et qui connaît, mais comme à la chose aimée et connue. Et il le prouve de cette manière; c'est que si l'amour était dans l'âme aimée, comme dans son sujet, il s'ensuivrait que l'accident dépasserait son sujet, puisqu'il y a beaucoup d'autres choses que l'âme embrasse dans son amour.

DIFFICULTÉ: 6…
_____________________________________________________

(4) Saint Thomas démontre dans cet article que les puissances de l'âme ne sont pas son essence, mais qu'elles en sont distinctes, et que, par conséquent, l'âme n'est pas comme Dieu un acte pur.(1) Les cinq espèces d'universaux sont : le genre, l'espèce, la différence, le propre et l'accident.(2) Le propre est ce qui convient omni, soli et temper definito.


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Message  Louis Dim 29 Oct 2017, 6:07 am

ARTICLE I.

L'essence de l'âme est-elle sa puissance ? (4)?

Difficultés (suite)

DIFFICULTÉ: 6. Une forme simple ne peut être un sujet. Or, l'âme est une forme simple, puisqu'elle n'est pas composée de matière et de forme, comme nous l'avons dit ( quest. LXXV, art. 5).La puissance de l'âme ne peut donc pas être en elle-même comme dans un sujet.

SOLUTION : 6. Il faut répondre au sixième, que l'âme, quoiqu'elle ne soit pas composée de matière et de forme, a cependant quelque chose de potentiel, comme nous l'avons dit ( quest. LXXV, art. 5.). C'est pour cela qu'on peut dire qu'elle est le sujet de l'accident. La proposition précitée n'est vraie que de Dieu qui est un acte pur, et c'est à lui que Boëce la rapporte (De Trin. lib. I).

DIFFICULTÉ: 7. Un accident n'est pas le principe d'une différence substantielle. Or, le sensible et le raisonnable sont des différences substantielles, et elles sont prises des sens et de la raison qui sont des puissances de l'âme. Donc les puissances de l'âme ne sont pas des accidents. Il semble par conséquent que la puissance de l'âme soit son essence.

SOLUTION : 7. Il faut répondre au septième, que le raisonnable et le sensible, considérés comme différences, procèdent de l'âme sensitive et raisonnable et non de leurs puissances. Cependant comme les formes substantielles qui nous sont par elles-mêmes inconnues se manifestent par leurs accidents, rien n'empêche qu'on ne mette quelquefois les accidents à la place des différences substantielles.

CEPENDANT, saint Denis dit (De cœlest. hier. cap. 11) que dans les esprits célestes on distingue l'essence, la vertu et l'opération. Par conséquent, à plus forte raison dans l'âme, autre chose est l'essence, et autre chose la vertu ou la puissance.

CONCLUSION : …
_________________________________________________________________

(4) Saint Thomas démontre dans cet article que les puissances de l'âme ne sont pas son essence, mais qu'elles en sont distinctes, et que, par conséquent, l'âme n'est pas comme Dieu un acte pur.


Dernière édition par Louis le Mar 15 Mai 2018, 3:42 pm, édité 2 fois (Raison : Orthographe et recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Lun 30 Oct 2017, 6:24 am

ARTICLE I.

L'essence de l'âme est-elle sa puissance ? (4)?

SUITE

CONCLUSION : Puisqu'il n'y a pas d'opération dans l'âme qui soit sa substance et que tout être  qui a une âme n'opère pas toujours naturellement, il est nécessaire que la puissance de l'aine diffère essentiellement et substantiellement de l'âme elle-même.

Il faut répondre qu'il est impossible d'admettre que l'essence de l'âme soit sa puissance, bien qu'il y ait des philosophes qui l'aient supposé. On peut le démontrer de deux manières :

1º Parce que la puissance et l'acte étant les deux points de vue selon lesquels on divise l'être et tout genre d'être, il faut qu'ils soient l'un et l'autre du même genre.

C'est pourquoi si l'acte n'est pas du genre de la substance, la puissance qui s'y rapporte ne peut en être non plus.

Or, les opérations de l'âme ne sont pas du genre de la substance ; il n'y a qu'en Dieu que l'opération ait ce caractère.

D'où il résulte que la puissance de Dieu qui est le principe de son opération est son essence même; ce qui ne peut être vrai ni pour l'âme, ni pour aucune créature, comme nous l'avons dit en parlant des anges (quest. LIX, art. 2).

2° On voit aussi par la nature de l'âme que sa puissance ne peut être son essence. Car l'âme est par son essence un acte.

Si donc l'essence même de l'âme était le principe immédiat de son opération, celui qui a une âme produirait toujours actuellement des œuvres vitales, comme celui qui a une âme est actuellement toujours vivant.

Car l'âme en tant que forme n'est pas un acte qui se rapporte à un acte ultérieur, mais c'est le dernier terme de la génération.

Ce n'est donc pas en tant que forme que par essence elle est en puissance par rapport à un acte futur, mais seulement en tant que puissance.

Ainsi l'âme en tant que soumise à sa puissance est un acte premier qui se rapporte à un acte second. Aussi celui qui a une âme n'est-il pas toujours en acte par rapport aux œuvres vitales. C'est pour cela qu’Aristote a défini l'âme l'acte d'un corps qui a la vie en puissance, sans toutefois que cette puissance exclue l'âme elle-même. On ne peut donc dire que l'essence de l'âme soit sa puissance; car rien n'est en puissance selon l'acte en tant qu'acte (1).
_______________________________________________________________

(4) Saint Thomas démontre dans cet article que les puissances de l'âme ne sont pas son essence, mais qu'elles en sont distinctes, et que, par conséquent, l'âme n'est pas comme Dieu un acte pur. (1) La puissance et l'acte étant dans les théories péripatéticiennes deux choses qui se distinguent par opposition, l'essence de l'âme qui est acte ne peut pas être tout à la fois puissance.

A suivre : ARTICLE 2. Y a-t-il dans l'âme plusieurs puissances ?


Dernière édition par Louis le Mar 15 Mai 2018, 4:00 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mar 31 Oct 2017, 1:41 pm

ARTICLE II.

Y a-t-il dans l’âme plusieurs  puissances ?  (3)?

DIFFICULTÉ: 1. Il semble qu'il n'y ait pas dans l'âme plusieurs puissances, car l'âme intellective est celle qui ressemble le plus à la Divinité. Or, en Dieu il n'y a qu'une puissance simple et une. Donc aussi dans l'âme intellective.

L'action est le fait de l'être qui existe en acte. Or, par la même essence d'âme l'homme a l'être à des degrés divers de perfection, comme nous l'avons dit (quest. LXXVI, art. 3 et 4 . Donc par une même puissance il produit différentes opérations de divers degrés.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que ce qui fait que l'âme humaine ressemble à Dieu plus que les créatures inférieures, c'est qu'elle peut parvenir à la bonté parfaite bien que ce soit par une foule de puissances diverses ; et c'est sous ce dernier rapport qu'elle est plus imparfaite que les êtres qui sont au-dessus d'elle.

DIFFICULTÉ: 2. Plus une vertu ou une puissance est élevée et plus elle est une. Or, l'âme intellective surpasse toutes les autres formes en vertu ou puissance. Donc elle doit n'avoir qu'une seule vertu ou puissance.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que la puissance, à égalité d'extension, l'emporte quand elle est une, mais qu'une puissance multiple peut être supérieure à une puissance qui est une si elle s'étend à un plus grand nombre d'objets.

DIFFICULTÉ: 3. L'action est le fait de l'être qui existe en acte. Or, par la même essence d'âme l'homme a l'être à des degrés divers de perfection, comme nous l'avons dit (quest. LXXVI, art. 3 et 4 . Donc par une même puissance il produit différentes opérations de divers degrés.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que la substance d'une chose est une, mais que ses opérations peuvent être multiples. C'est pour cela que l'âme n'a qu'une essence tandis qu'elle a plusieurs puissances.

CEPENDANT, Aristote dit De animâ, lib. II, text. 13 et seq.,et text. 27) que l'âme a plusieurs puissances.

CONCLUSION : …
________________________________________________________________

(3) Dans cette théorie des facultés de l'âme, saint Thomas suit Aristote. On peut comparer les travaux de la philosophie moderne aux théories d’Aristote, et l'on sera sans doute surpris, comme nous, que la science ne fasse encore très souvent que répéter les leçons du philosophe de Stagyre.


Dernière édition par Louis le Jeu 17 Mai 2018, 2:45 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mer 01 Nov 2017, 7:50 am

ARTICLE II.

Y a-t-il dans l’âme plusieurs  puissances ? (3)?

SUITE

CONCLUSION : L'homme étant naturellement placé au dernier degré parmi les êtres qui doivent être heureux et ayant par là même besoin d'une foule d'opérations diverses pour atteindre le bonheur, il est nécessaire que dans l'âme humaine il y ait plusieurs puissances.

Il faut répondre qu'il est nécessaire d'admettre dans l'âme humaine plusieurs puissances. Pour s'en convaincre il faut observer que, comme le dit Aristote (De cœl.. lib. II, text. 66), ce qu'il y a d'infime parmi les créatures ne peut arriver à une bonté parfaite, mais ces sortes d'êtres s'élèvent à une bonté imparfaite au moyen de quelques mouvements. Les êtres qui sont au-dessus d'eux parviennent à une bonté parfaite avec beaucoup de travaux. Ceux qui sont plus élevés encore y arrivent par quelques efforts
seulement.

La souveraine perfection existe dans ceux qui possèdent cette bonté sans avoir besoin de se mouvoir. Ainsi il est médiocrement disposé relativement à la santé celui qui ne peut avoir une santé parfaite, mais qui avec quelques remèdes parvient à entretenir une existence chétive. Il est mieux disposé celui qui, avec beaucoup de remèdes, obtient une santé parfaite. Il l'est encore mieux celui qui n'a besoin que de quelques remèdes pour se bien porter. Enfin celui qui l'est parfaitement c'est celui qui n'est point malade et qui ne prend point de remèdes.

Il faut donc dire que les choses qui sont au-dessous de l'homme sont susceptibles d'acquérir quelques biens particuliers. Elles ont en conséquence un petit nombre d'opérations et de vertus déterminées.

Mais l'homme peut atteindre la bonté parfaite et universelle parce qu'il peut arriver à la béatitude. Il est d'ailleurs placé par la nature au dernier rang parmi les êtres qui doivent être heureux. C'est pour ce motif que son âme a besoin d'une foule de vertus et d'opérations diverses.

Les puissances des anges n'ont pas besoin d'être aussi variées, et en Dieu il n'y a pas d'autre puissance et d'autre action que son essence.

— Il y a encore une autre raison pour laquelle il y a dans l'âme humaine une très-grande diversité de puissances, c'est qu'elle est sur les confins du monde des esprits et du monde des corps. Elle comprend, pour ce motif, en elle les vertus de ces deux sortes de créatures.
_________________________________________________________________

(3) Dans cette théorie des facultés de l'âme, saint Thomas suit Aristote. On peut comparer les travaux de la philosophie moderne aux théories d’Aristote, et l'on sera sans doute surpris, comme nous, que la science ne fasse encore très souvent que répéter les leçons du philosophe de Stagyre.


A suivre : ARTICLE 3. Les puissances de l'âme se distinguent-elles par leurs actes et leurs objets?


Dernière édition par Louis le Jeu 17 Mai 2018, 3:02 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Jeu 02 Nov 2017, 6:32 am

ARTICLE III.

Les puissances de l’âme se distinguent-elles par leurs actes et leurs objets ?  (1)?

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que les puissances ne soient pas distinguées par leurs actes et leurs objets. Car l'espèce d'un être n'est pas déterminée par ce qui lui est postérieur ou extrinsèque. Or, l'acte est postérieur à la puissance et son objet lui est extrinsèque. Donc les puissances ne se distinguent pas spécifique ment par leurs actes et leurs objets.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que l'acte, bien qu'il existe postérieurement à la puissance, est cependant antérieur dans l'intention et rationnellement  comme la fin à l'égard de l'agent. Et l’objet, tout extrinsèque qu'il est (1), est néanmoins le principe ou la fin de l'action. Or, ce qui est intrinsèque à une chose doit être proportionné à son principe et à sa fin.

DIFFICULTÉ: 2. Les choses contraires sont celles qui diffèrent le plus. Si les puissances se distinguaient d'après leurs objets, il semble que les objets contraires ne pourraient se rapporter à la même puissance, ce qui est évidemment faux presque pour toutes choses. Car c'est la même puissance visuelle qui perçoit le blanc et le noir, et c'est le même goût qui discerne le doux et l'amer.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que si une puissance se rapportait par elle-même à l'un des contraires comme son objet, il faudrait que l'autre contraire se rapportât à une autre puissance. Mais la puissance de l'âme ne se rapporte pas par elle-même à la nature propre de chaque contraire, mais à la nature générale et commune de l'un et de l'autre. Ainsi, la vue n'a pas pour objet le blanc, mais la couleur. Et il en est ainsi parce que l'un des contraires est en quelque sorte la raison de l'autre, puisqu'ils sont entre eux ce que le parfait est à l'imparfait.

DIFFICULTÉ: 3. Quand on enlève la cause, on enlève aussi l'effet. Si donc les puissances étaient diverses par suite de la diversité des objets, le même objet ne se rapporterait pas à des puissances différentes, ce qui est évidemment faux. Car c'est le même objet que l'intelligence connaît et que l'appétit recherche.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que rien n'empêche que ce qui est le même subjectivement ne soit rationnellement différent. C'est pourquoi il peut se rapporter à des puissances diverses.

DIFFICULTÉ: 4.  Ce qui est par soi cause d'une chose produit cette chose en toutes circonstances. Or, il y a des objets divers qui appartiennent à des puissances diverses aussi et qui se rapportent aussi à une seule et même puissance. Ainsi le son et la couleur appartiennent à la vue et à l'ouïe qui sont des puissances différentes et se rapportent également à la puissance du sens commun (1). On ne doit donc pas distinguer les puissances d'après la diversité de leurs objets.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que la puissance supérieure se rapporte par elle-même à un objet plus universel que la puissance inférieure, parce que plus la puissance est élevée et plus nombreux sont les objets auxquels elle s'étend. C'est pour cela que dans la nature de l'objet que la puissance supérieure embrasse il y a beaucoup de choses qui sont unes et qui seraient diverses si elles se rapportaient à des puissances inférieures, parce que celles-ci ne pouvant les comprendre sous un même point de vue les considéreraient sous des rapports divers. De là il arrive que divers objets se rapportent à différentes puissances inférieures, tandis qu'ils appartiennent à une seule et même puissance supérieure.

CEPENDANT, Les choses qui viennent en second lieu se distinguent d'après celles qui les précèdent. Or, Aristote dit (De animâ, lib. II, text. 33) que les actes et les opérations sont rationnellement antérieurs aux puissances et que ce qui leur est opposé ou leurs objets sont encore antérieurs aux actes. Donc on distingue les puissances d'après leurs actes et leurs objets.

CONCLUSION : …
___________________________________________________________________

(1) Toute la théorie qui fait l'objet de cet article est restée inattaquable. —   (1) L'objet est extrinsèque à l'action  matériellement, mais il lui est intrinsèque formellement. (1) Par sens commun, saint Thomas entend ici, avec Aristote, le sens interne qui reçoit de tous les autres sens, et qui par conséquent les compare et les juge.


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Message  Louis Ven 03 Nov 2017, 6:48 am

ARTICLE III.

Les puissances de l’âme se distinguent-elles par leurs actes et leurs objets ? (1)?

SUITE

CONCLUSION : Les puissances se rapportant comme telles aux actes, il faut qu'elles soient distinguées par leurs actes et leurs objets.

Il faut répondre que la puissance, en tant que puissance, se rapporte à l'acte. Il faut donc qu'elle emprunte sa nature à l'acte auquel elle se rapporte et que par conséquent elle se diversifie de la même manière que l'acte lui-même. Or, la nature de l'acte se diversifie suivant la diversité de nature de son objet. Car toute action appartient ou à une puissance active ou à une puissance passive.

L'objet se rapporte à l'acte de la puissance passive comme son principe et sa cause motrice. Ainsi la couleur par là même qu'elle frappe la vue est la cause de la vision.

Il se rapporte à l'acte de la puissance active comme son terme et sa fin. Ainsi l'objet d'une faculté progressive est la perfection au delà de laquelle elle ne peut plus progresser. L'action se spécifie donc d'après son principe ou sa fin. Car l'action d'échauffer diffère de celle de refroidir en ce que l'une va du chaud au chaud et l'autre du froid au froid. D'où l'on voit qu'il est nécessaire que les puissances soient distinguées d'après leurs actes et leurs objets.

Il faut cependant observer que les accidents ne diversifient pas l'espèce. Ainsi la couleur étant dans l'animal un accident, la diversité des couleurs n'établit pas une différence d'espèce parmi les animaux ; ils ne sont différenciés que par ce qui existe en eux absolument. Telle est par exemple la différence de leur âme sensitive qui existe tantôt avec la raison et tantôt sans elle. C'est pourquoi la raison et le défaut de raison sont des différences qui constituent des espèces diverses. La diversité des objets, quelle qu'elle soit, ne fait donc pas que les puissances de l'âme soient diverses, il faut que leur différence affecte l'être auquel la puissance se rapporte par elle-même.

Ainsi les sens se rapportent par eux-mêmes à là qualité passible (2), qui comprend le son, la couleur et plusieurs autres objets distincts par eux-mêmes. C'est pourquoi autre est la puissance sensitive qui perçoit la couleur, c'est-à-dire la vue, et autre est la puissance sensitive qui perçoit le son, c'est-à-dire l'ouïe. Mais la qualité passible ou l'objet coloré peut être accidentellement un musicien, ou un grammairien, un homme grand ou petit, ou une pierre. C'est pour cela que les puissances de l'âme ne se distinguent pas d'après ces différences accidentelles.
__________________________________________________________________

(1) Toute la théorie qui fait l'objet de cet article est restée inattaquable. (2) Cette espèce de qualité est celle qui produit une altération sensible ou qui est produite par elle.  

A suivre :  Article IV.   Les puissances de l’âme sont-elles susceptibles d’être ordonnées ?


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Message  Louis Sam 04 Nov 2017, 6:47 am

ARTICLE IV.

Les puissances de l’âme sont-elles susceptibles d’être ordonnées ?  (2)?

DIFFICULTÉ: 1. 1 . Il semble que dans les puissances de l'âme il n'y ait pas d'ordre à établir. Car dans les choses qui font partie d'une seule et même division il n'y a ni avant, ni après, elles sont naturellement simultanées. Or, les puissances  de l'âme sont les divisions d'un même tout. Donc il n'y a pas d'ordre à établir entre elles.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que dans les espèces d'un genre il y a une priorité et une postériorité d'existence, comme dans les nombres et les figures, quoiqu'on dise qu'elles existent simultanément dans le sens qu'elles reçoivent toutes le prédicat du genre qui leur est commun.

DIFFICULTÉ: 2. Les puissances de l'âme se rapportent aux objets et à l'âme elle-même. Or, par rapport à l'âme il n'y a pas d'ordre à établir entre ses puissances, puisque l'âme est une. De même il n'y en a pas non plus à établir par rapport aux objets, parce que les objets sont divers et absolument disparates, comme on le voit évidemment à l'égard du son et de la couleur. Il n'y a donc pas d'ordre à établir entre les puissances de l'âme.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que l'ordre des puissances de l'âme se prend de l'âme elle-même, qui se rapporte suivant un certain ordre aux actes divers qu'elle produit (bien qu'elle soit essentiellement une); il se prend aussi des objets et des actes, ainsi que nous l'avons dit (in corp. art.).

DIFFICULTÉ: 3. Dans les puissances qui sont ordonnées les unes par rapport aux autres, on remarque ceci : c'est que l'opération de l'une dépend de l'opération de l'autre. Or, l'acte d'une puissance de l'âme ne dépend pas de l'acte d'une autre. Car nous pouvons voir sans entendre, et réciproquement. Il n'y a donc pas d'ordre entre les puissances de l'âme.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que ce raisonnement repose seulement sur les puissances ordonnées d'après le troisième ordre que nous avons indiqué. Quant à celles qui s'ordonnent d'après les deux autres ordres, elles se rapportent réciproquement de telle façon que l'acte de l'une dépend de l'autre.

CEPENDANT, Aristote compare les parties ou les puissances de l'âme aux figures (De animâ, lib. n, text. 30 et 31). Or, les figures s'ordonnent les unes par rapport aux autres. Donc les puissances de l'âme aussi.

CONCLUSION : …
_______________________________________________________________________

(2) Cet article est le développement de ce principe général, qui revient souvent dans les théories péripatéticiennes : c'est que dans la nature il n'y a rien qui ne soit réglé et ordonné (Phy. liv. VIII, text. . 5).


Dernière édition par Louis le Jeu 17 Mai 2018, 3:13 pm, édité 3 fois (Raison : Orthographe et recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Dim 05 Nov 2017, 5:16 am

ARTICLE IV.

Les puissances de l’âme sont-elles susceptibles d’être ordonnées  (2)?

SUITE

CONCLUSION : L'âme étant une et ses puissances multiples, comme on va toujours d'après un certain ordre de l'unité à la multiplicité pour éviter la confusion, Il est nécessaire qu'il y ait entre les puissances de l'âme un ordre réel.

II faut répondre que l'âme étant une, et ses puissances multiples, comme on va toujours de l'un au multiple d'après un certain ordre il est nécessaire que les puissances de l'âme soient ordonnées. Or, il y a entre elles trois espèces d'ordre à observer.

Il y en a deux (1) qui reposent sur la dépendance dans laquelle est une puissance à l'égard d'une autre. La troisième repose sur la manière dont les objets sont ordonnés entre eux.

Or, une puissance peut dépendre d'une autre de deux manières :

1° selon l'ordre de la nature, c'est ainsi que les choses parfaites sont naturellement antérieures aux imparfaites;

2° selon l'ordre de la génération et du temps, c'est de cette façon qu'on va de l'imparfait au parfait.

Dans le premier de ces deux sens les puissances intellectuelles sont antérieures aux puissances sensitives puisqu'elles les dirigent et qu'elles leur commandent. De même les puissances sensitives sont antérieures aux puissances de l'âme nutritive.

Dans le second sens ce serait l'ordre inverse qu'il faudrait suivre. Car dans la génération les puissances nutritives existent antérieurement aux puissances sensitives, puisqu'elles y préparent le corps, et celles-ci sont également antérieures aux puissances intellectives.

Suivant le troisième ordre il y a des facultés sensitives qui peuvent être ordonnées les unes par rapport aux autres. Telles sont la vue, l'ouïe, l'odorat. Car l'objet de la vue, le visible est naturellement antérieur aux autres objets sensibles parce qu'il est commun aux corps supérieurs et aux inférieurs. L'objet de l'ouïe, le son se produit dans l'air qui est naturellement antérieur à la combinaison des éléments qui produisent l'odeur, l'objet de l'odorat.
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(2) Cet article est le développement de ce principe général, qui revient souvent dans les théories péripatéticiennes : c'est que dans la nature il n'y a rien qui ne soit réglé et ordonné (Phy. liv. VIII, text. . 5). (1) Le premier de ces deux ordres est l'ordre de perfection ; le second, l'ordre de génération.

A suivre :  Article 5.   Toutes les puissances de l’âme sont-elles dans l’âme comme dans leur sujet?


Dernière édition par Louis le Jeu 17 Mai 2018, 3:18 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Lun 06 Nov 2017, 6:38 am

ARTICLE V.

Toutes les puissances de l’âme sont-elles dans l’âme comme dans leur sujet  (2)?

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que toutes les puissances de l'âme soient dans l'âme comme dans leur sujet. Car ce que les puissances du corps sont au corps, les puissances de l'âme  le sont à l'âme. Or, le corps est le sujet de ses puissances. Donc l'âme est le sujet des siennes.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu'on dit que toutes les puissances sont dans l'âme, non comme dans leur sujet, mais comme dans leur principe (1), parce que c'est de l'âme que l'homme a le pouvoir de faire telles ou telles opérations.

DIFFICULTÉ: 2. Les opérations des puissances de l'âme sont attribuées au corps à cause de l'âme elle-même, parce que, comme le dit Aristote (De animà, lib.II, text. 24) : L'âme est ce par quoi nous sentons et nous comprenons primitivement (3). Or, les premiers principes des opérations de l'âme sont ses puissances. Donc les puissances sont ce qu'il y a de premier dans l'âme.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que toutes ces puissances sont dans l'âme avant d'être dans l'homme, non comme dans leur sujet, mais comme dans leur principe.

DIFFICULTÉ: 3. Saint Augustin dit  (Sup. Gen. ad litt. lib. XIII, cap. 19 et 20) qu'il y a certaines choses que l'âme ne sent pas par le corps, et qu'elle sent même sans lui, telle est la crainte et telles sont les autres affections semblables ; mais qu'il y en a d'autres que l'âme sent par le corps. Or, si cette puissance n'existait pas dans l'âme seule, comme dans son sujet, elle ne pourrait rien sentir sans le corps. Donc l'âme est le sujet de la puissance sensitive, et pour la même raison de toutes les autres puissances.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que Platon a pensé que la sensibilité était une opération propre à l'âme aussi bien que l'intelligence. Dans une foule de questions philosophiques, saint Augustin met en avant l'opinion de Platon, sans dire qu'il la partage, mais en l'exposant tout simplement. Pour le cas présent, quand il dit qu'il y a des choses que l'âme sent avec le corps, et d'autres qu'elle sent sans lui, on peut comprendre cela de deux manières (2) :

1° Ces mots avec ou sans le corps peuvent déterminer l'acte de la sensation par rapport au sujet qui l'éprouve. En ce sens il n'y arien que l'âme sente sans le corps, parce que la sensation ne peut venir de l'âme que par un organe corporel.

2° On peut rapporter ces mots à l'objet de la sensation au lieu de les entendre du sujet. Alors il y a réellement des choses qui sont senties avec le corps, c'est-à-dire qui sont existantes dans le corps ; c'est ainsi qu'elle sent une blessure ou toute autre chose semblable. Il y en a d'autres que l'âme sent sans le corps, c'est-à-dire qu'elles n'existent pas dans le corps, elles sont seulement perçues par l'âme. C'est ainsi que l'âme sent qu'elle est attristée ou réjouie d'une chose qu'elle a entendue.

CEPENDANT, Aristote dit (De Som. et vigil. cap. 1) que sentir n'est le propre ni de l'âme, ni du corps, mais de l'un et de l'autre réunis. La puissance sensitive est donc dans l'être qu'ils composent comme dans son sujet. Par conséquent, l'âme seule n'est pas le sujet de toutes ses puissances.

CONCLUSION : …
_____________________________________________________________________

(2) Cet article a pour objet de faire ressortir la différence qu'il y a entre l'intelligence et la sensibilité, en distinguant les facultés qui sont propres à l'âme, de celles qui sont propres à l’homme, ou qui résultent de l'union de l'âme et du corps, (1) Les puissances inorganiques sont dans l'âme comme dans leur sujet, mais les puissances organiques ne sont en elles que virtuellement; l'homme est leur sujet, parce qu'elles ne peuvent exercer leurs actes que par dos organes corporels. (3) Nous avons ici traduit littéralement le texte d'Aristote Voy. pag. 70, not.) (2) Ou, comme disent les philosophes actuels, on peut l'entendre subjectivement et objectivement.


Dernière édition par Louis le Jeu 17 Mai 2018, 3:25 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mar 07 Nov 2017, 7:49 am

ARTICLE V.

Toutes les puissances de l’âme sont-elles dans l’âme comme dans leur sujet  (2)?

SUITE

CONCLUSION : Comme ce qui opère est le sujet de la puissance qui agit, il est constant que les puissances inorganiques existent dans l'âme seule comme dans leur sujet, et que les puissances organiques n'existent pas en elle exclusivement, mais dans l'être composé, c'est-à-dire dans l'homme.

Il faut répondre que l'être qui peut opérer est le sujet de la puissance qui opère. Car tout accident donne à son sujet propre sa dénomination, et celui qui peut opérer est le même que celui qui opère. Il faut donc que la puissance soit dans l'être qui opère comme dans son sujet, d'après ce que dit Aristote (loc. cit.).

Or, il est évident, d'après ce que nous avons dit ( quest. LXXVI, art. 1), qu'il y a des opérations de l'âme qui s'accomplissent sans aucun organe corporel; telles sont l'intelligence et la volonté. Les puissances qui sont les principes de ces opérations sont donc dans l'âme comme dans leur sujet. Mais il y a aussi certaines opérations de l'âme qui s'accomplissent par des organes corporels ; c'est ainsi qu'on voit par l'œil, qu'on entend par l'oreille. Il en est de même de toutes les autres opérations de l'âme nutritive et de l'âme sensitive.

C'est pourquoi les puissances qui sont les principes de ces opérations existent dans le corps et l'âme réunis, comme dans leur sujet, mais non dans l'âme exclusivement.
____________________________________________________________________

(2) Cet article a pour objet de faire ressortir la différence qu'il y a entre l'intelligence et la sensibilité, en distinguant les facultés qui sont propres à l'âme, de celles qui sont propres à l’homme, ou qui résultent de l'union de l'âme et du corps,

A suivre :  Article VI.  Toutes les puissances de l’âme sont-elles dans l’âme comme dans leur sujet  ?


Dernière édition par Louis le Jeu 17 Mai 2018, 3:29 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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