Le P. Isaac Jogues, premier Apôtre des Iroquois.

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Message  Louis Dim 08 Juin 2014, 12:35 pm

« Après la fonte des neiges, dit le P. Jogues, je me transportai au lieu qu’on m’indiqua et je recueillis quelques ossements à demi rongés, restes des chiens, des loups et des corbeaux, et en particulier une tête brisée en plusieurs endroits. Je baisai avec respect ces saintes reliques, et je les cachai en terre, afin qu’un jour, si telle est la volonté de Dieu, j’en puisse enrichir une terre sainte et chrétienne. Il mérite le nom de martyr non-seulement parce qu’il a été tué par les ennemis de Dieu et de son Église, et dans l’emploi d’une ardente charité à l’endroit du prochain, mais particulièrement parce qu’il a été tué pour les prières et nommément pour la sainte Croix (1). »

Les deux premiers mois de la captivité du P. Jogues se passèrent ainsi dans des craintes et des dangers de mort presque continuels, et il admirait comme la divine Providence, malgré la ruse et la haine de ses ennemis, déjouait leurs projets criminels. Il en cite plusieurs traits remarquables. Un sauvage à moitié idiot voulut avoir un morceau de la couverture qui lui servait de vêtement le jour et de couverture la nuit : « Je te le donnerais volontiers, dit le missionnaire; mais tu sais que cela ne me suffit pas pour me garantir du froid, et que je serais dans un état de nudité auquel nous ne sommes pas accoutumés. Cependant fais comme tu voudras. »

Cette réponse si modérée blessa ce méchant homme, et il prit ce refus pour un signe de mépris.

Il sortit furieux, bien résolu de se venger de ce « chien » de Français, comme il l’appelait. Il confia son ressentiment à son frère, et le fit se charger facilement de son projet de vengeance. Ils avaient fait rentrer le père dans la cabane à une heure commode, et avec l’assentiment de son maître; c’est là que l’exécution devait avoir lieu. Ils voulaient la confier au meurtrier de René, comme à un homme d’expérience. On courut le chercher, mais ce fut en vain. Il ne fut pas possible de le rencontrer, et le projet échoua.

Ils voulurent renouer le complot pour le lendemain. Ils se trouvaient en présence même du P. Jogues, que l’on ne croyait pas assez habile dans la langue pour comprendre la conversation : «Je faisais semblant, ajoute ici le missionnaire, de ne rien entendre des projets que l'on formait contre moi. Je gardais le silence, comme un homme muet . En sorte que j’étais devenu semblable à un homme qui n’entend pas tel qui ne peut rien répondre. J'ai mis mon espérance en vous, Seigneur (1). J’aimais à me rappeler la douceur de celui qui se laissa conduire à la boucherie comme un agneau (2). Et je voulais marcher à la mort en priant Dieu de ne pas frapper mes ennemis, mais de les disperser selon la vérité de sa parole (3). »

En effet, le lendemain, deux femmes…

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(1) V.L’Appendice G. —  (1) Ps. LIII, 7. — (2) Ps. XXXVIII,  14. — (3) Is.  LII, 7.

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Message  Louis Lun 09 Juin 2014, 12:14 pm

En effet, le lendemain, deux femmes furent chargées de le conduire dans un champ voisin, sous le prétexte d’en rapporter quelque chose, mais c’était pour le livrer à son meurtrier, qui était déjà à son poste. Elles portaient avec elles des citrouilles, des épis de blé d’Inde et d’autres présents, qui devaient être le prix de sa mort.

En apercevant de loin l’assassin de René, le P. Jogues se recommanda à Dieu pour la dernière fois, et s’avança résolument, comme pour aller au-devant de son sacrifice. Mais Dieu voulait encore cette fois se contenter de la préparation de son cœur; pour lui, dans son humilité, il attribua à ses péchés la privation de cette couronne. Le sauvage passa près de lui sans lui faire aucun mal, et comme honteux de l’action qu’il voulait faire.

Dans cette situation si précaire et au milieu de ces alarmes de chaque jour, le P. Jogues ne pouvait se résoudre à étudier la langue iroquoise. Il croyait ce travail inutile. Il partageait son temps entre son devoir d’esclave, chargé de pourvoir à tous les besoins de la cabane, et celui d’apôtre, pour soutenir et encourager les pauvres Hurons compagnons de sa captivité, et enfin ses exercices de piété, la prière et la lecture.

Voici comme il raconte ses pieuses industries pour nourrir sa ferveur : « J’évitais les lieux fréquentés, et je cherchais la solitude. Là je conjurais le Seigneur de ne pas refuser de parler à son serviteur (1), et de lui accorder la force dans les épreuves (1), si j'ai été un prodige pour plusieurs (2), je le dois uniquement à Dieu qui m’a merveilleusement soutenu, et qui, par un effet de son infinie bonté, a souvent relevé mon courage abattu. Je recourais aux saintes Écritures, mon unique ressource dans les tribulations qui m'ont environné (3). Je les vénérais, et je voulais mourir en m’en servant.

« De tous les livres que nous portions aux Hurons, je n’avais sauvé que l’épître de saint Paul aux Hébreux, commentée par M. Antoine Godeau, évêque de Grasse. Je portais toujours ce livre sur moi, ainsi qu’une image de saint Bruno, le très illustre fondateur des Chartreux, à laquelle étaient attachées des indulgences, et enfin une petite croix de bois que j’avais faite comme j’avais pu. Je voulais que partout où je recevrais la mort, toujours si présente à mes regards, elle me trouvât prêt, appuyé sur l’Ecriture sainte, qui avait toujours été ma grande consolation, muni des grâces et des indulgences de la très-sainte Église ma mère, que j’avais toujours aimée, mais alors plus que jamais, et enfin armé de la croix de mon Sauveur. »

Le pieux missionnaire eut le bonheur de retrouver plus tard le livre de l’Imitation de Jésus-Christ et le petit office de la très-sainte Vierge. Il put ainsi enrichir son petit bagage spirituel. Ce fut là toute sa ressource pour suppléer au défaut du bréviaire et à la privation du saint sacrifice de la messe.

Mais Dieu n’abandonnait pas son serviteur au milieu de ses angoisses…

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(1) Ps. CXVIII, 35. — (1) PS. X1II. — (2) PS. LXX. — (3) PS, XXXI.


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Message  Louis Mar 10 Juin 2014, 12:13 pm

Mais Dieu n’abandonnait pas son serviteur au milieu de ses angoisses, et plus d’une fois il soulagea abondamment son cœur par des songes pieux que celui-ci regardait avec reconnaissance comme des effets directs de la bonté divine. Nous traduisons du latin un de ces rêves mystérieux qui contribuèrent tant à relever son courage et à ranimer sa confiance. Il ne consentit que par obéissance à en faire le récit, qu’il appelait avec humilité des rêveries. Les paroles de l'Écriture sainte, qui coulent de sa plume comme de source, lui donnent un nouveau charme. Sa mémoire servait toujours admirablement son cœur.

« J’étais sorti de notre bourgade comme de coutume, dit-il, pour gémir plus librement devant vous, ô mon Dieu, pour vous offrir ma prière et pour mettre sous vos yeux mes tribulations (1).

« A mon retour, je trouvai tout métamorphosé. Les pieux qui forment l’enceinte me parurent changés en tours, en créneaux et en murailles magnifiques. Je ne voyais cependant rien de nouveau dans ces constructions, mais c’était une ville ancienne et déjà vénérable par son antiquité.

« Comme j’hésitais à croire que ce fût là notre bourg, quelques Iroquois de ma connaissance m’assurèrent que c’était bien lui. Rempli d’étonnement, j'approchais, et après avoir passé la première porte, je vis sur le montant droit de la seconde, ces deux lettres gravées en majuscules L. N., et la figure d’un agneau immolé.

« Ma surprise fut grande, et je ne pouvais comprendre comment des barbares sans aucune idée de notre écriture avaient pu graver ces caractères. Pendant que je cherchais à me rendre compte de ce problème, je vis au-dessus de ces

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signes un ruban flottant avec des paroles qui leur correspondaient et qui les expliquaient :

« Qu'ils glorifient son nom (1).

« En même temps mon âme fut comme inondée d’une grande lumière qui me fit voir clairement que le nom de Dieu est loué surtout par ceux qui s'efforcent dans leurs tribulations d’imiter la douceur de celui qui n'avait pas dit une parole à ceux qui le dépouillaient, et qui s’est laissé conduire à la mort comme un agneau (1).

« Encouragé par cette vision…

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(1) Ps. LV, 9.— (1) Ps. CXLIX, 3. — (1) Is. LIII, 7.

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Message  Louis Mer 11 Juin 2014, 11:22 am

« Encouragé par cette vision, je passe la seconde porte, bâtie en belles pierres carrées et taillées. Elle formait un portique voûté, vaste et magnifique. J’aperçois au milieu, mais de l’autre côté de la route, un corps de garde plein d’arquebuses, de flèches, et de toutes les armes des braves (2). Je ne voyais aucun soldat; mais je crois que, selon l’usage, je devais saluer le poste en signe de respect.

« Comme je me découvrais en me tournant vers lui, une sentinelle placée de mon côté me cria de m’arrêter. Or, soit parce que j’avais la tête tournée, soit parce que la nouveauté de ce que je voyais absorbait entièrement mon attention, je n’avais rien vu ni rien entendu.

« La sentinelle cria une seconde fois, et plus haut : — Halte-là, vous dis-je. — Alors revenant de ma distraction, je m’arrêtai. — Est-ce ainsi, me dit le soldat, que vous obéissez à la garde placée devant le palais du Roi, et qu’il faut vous avertir deux fois? Je vais vous conduire de suite à notre juge et notre commandant (j’entendis ces deux titres, qui indiquaient un magistrat et un officier), afin que votre insolence soit punie comme elle le mérite. — Je vous assure, mon très-cher ami, lui dis-je, que je me suis arrêté aussitôt que je vous ai entendu. — Peu satisfait de mon excuse, il me conduisit au juge. « La porte du palais était du côté où je me trouvais, mais un peu plus loin que le corps de garde. « J'entrai : ce palais me parut ressembler à ces salles qu’en Europe on appelle les chambres dorées , où se rend la justice, ou plutôt à ces salles qu’on appelle chapitres , dans les plus anciens et les plus célèbres monastères. Tout était d'une grande magnificence.

« Je vis dans cette salle un vénérable vieillard plein de dignité, semblable à l'ancien des jours (1).

« Son vêtement était d’écarlate et d’une grande beauté. Il n'était point assis sur son siège, mais il se promenait d’un air plein de bonté, et rendait la justice au peuple. Il y avait là une foule nombreuse de personnes de toute condition, comme on le voit en Europe. Je reconnus quelques personnes qui me demandèrent des nouvelles des Hurons. Je me dis en moi-même : Voilà qui est bon. Ils me connaissent et savent que je n'ai rien fait pour être conduit au tribunal. Je serai traité avec plus d’indulgence.

« Cependant, après avoir entendu le rapport du soldat, le juge, sans m’interroger, prit une verge dans un faisceau qui ressemblait à ceux que les licteurs portaient devant les consuls romains, et il m’en frappa rudement et longtemps, d’abord sur les épaules, puis sur le cou et enfin sur la tête, en me causant de très vives douleurs. Encore qu’il ne se servît que d'une main, je crois que j'ai autant souffert qu’à mon entrée dans la première bourgade des Iroquois, lorsque toute la jeunesse du pays, sortie à notre rencontre, nous reçut si cruellement à coups de bâtons. Je ne poussai pas une plainte; je ne fis pas entendre un gémissement. Je recevais tous ces coups en souffrant; je les supportais avec résignation et humilité.

« Alors mon juge, paraissant comme frappé d’admiration pour ma patience, rejeta sa verge et m’embrassa avec une grande tendresse. Ma douleur fut calmée, et je me sentis rempli d’une consolation ineffable et toute divine. Dans l’ivresse de cette joie céleste, je baisai la main qui m’avait frappé, et, dans un espèce de ravissement, je m’écriai : Virga tua, Domine mi rex, et baculus tuus ipsa me constata surit. Votre verge et votre bâton, ô mon Seigneur et mon roi, m'ont consolé (1).

« Aussitôt après il me reconduisit à la porte et me laissa sur le seuil.

« A mon réveil, après avoir bien réfléchi sur ce que j’avais vu, je ne pus hésiter à attribuer à Dieu toutes ces choses extraordinaires, non seulement à cause de l’admirable et si juste enchaînement qu’elles avaient entre elles, quoique je n'eusse pensé à rien de semblable auparavant, mais surtout à cause de l'ardent amour dont je sentis mon cœur embrasé quand mon juge m'embrassa et que je m'écriai : Virga tua. Après bien des mois, ce souvenir seul me faisait verser des torrents de larmes de la plus douce consolation.

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(2) Cant. IV, 4. (1) —   (1)Dan. VII, 9. —   (1) Ps. XXII, 4.

A suivre : Chapitre VIII.

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Message  Louis Jeu 12 Juin 2014, 11:38 am

CHAPITRE VIII


Chasse d'hiver. — Jeûnes du P Jogues. — Son oratoire. — Consolation céleste. — Retour au village. — Changement à son égard.
— Étude de l'iroquois. Il parle du vrai Dieu. — La pêche. — Nouveaux dangers. —  Supplice des prisonniers.

Les tentatives homicides contre le missionnaire cessèrent peu à peu; les esprits se calmèrent pour un temps et il lui fut permis de vivre en paix, sans toutefois voir adoucir les rigueurs de sa captivité. L'hiver devint pour lui un surcroît de fatigues et de privations; c’était l'époque de la chasse aux cerfs, genre d’exercice qui ne peut plaire qu'à des sauvages. Le P. Jogues fut attaché à une famille pour lui servir de domestique, et il partit avec elle vers la fin d'octobre. Le temps était rude, et il y avait plus de cent vingt kilomètres à parcourir à pied pour arriver au rendez-vous. Sa garde-robe était dans un triste état ; elle consistait en une chemise et un caleçon usés, sa chaussure était percée, et ses bas si mauvais que ses jambes étaient presque à nu.

Ses pieds furent bientôt ensanglantés par les pierres tranchantes, les roseaux aigus, les cailloux et les halliers; mais tout ce qu’il avait souffert en route n'était rien en comparaison de ce qui lui était réservé pendant la chasse.

Comme on le croyait incapable de chasser, on lui donna le travail réservé aux femmes, c’est-à-dire d'aller couper et d'apporter le bois pour entretenir le feu de la cabane. Le gibier fut d'abord abondant, et la viande était à peu près l’unique nourriture des chasseurs ; ce régime était salutaire au P. Jogues et il reprenait des forces peu à peu ; mais bientôt il y renonça, ayant remarqué les pratiques idolâtriques de ses maîtres. En effet, aussitôt que la bête avait été abattue, on prenait une partie de l'animal, ordinairement le morceau le plus estimé, et un des anciens de la troupe, l’élevant en l’air, l’offrait au démon de la chasse en disant : « Génie Aireskoï, voici les viandes que nous t’offrons ; fais en un festin, mange-les, et montre-nous où sont les cerfs. »

Après avoir entendu cette invocation idolâtrique, le P. Jogues résolut de ne plus toucher à cette viande, et il disait aux sauvages : « Je ne me nourrirai jamais d'une chair offerte au démon. » Il se contenta dès lors d’un peu de sagamité (1) et de quelques épis grillés, et encore en avait-il rarement, parce que dans l’abondance de viande, les chasseurs méprisaient leur farine de blé d’Inde :

« Souvent, a-t-il conté, je rentrais le soir à la cabane sans avoir rien mangé de la journée, et je trouvais mes Égyptiens gloutonnement accroupis autour de leurs chaudières pleines de viandes fumantes (1), et quoiqu’il y eût d’excellentes raisons pour me permettre d’y prendre part, jamais, grâce à Dieu, je n’ai manqué à ma résolution. Je disais à Dieu, quand j’étais pressé par la faim : « Repleamur bonis domus tuæ (2), satiabor cum apparuerit gloria tua (3). Oui, nous serons un jour remplis des biens de votre maison; je serai rassasié lorsque je verrai votre gloire , et que vous comblerez les désirs de votre serviteur dans la cité sainte de votre Jérusalem céleste. »

L’abstinence que le P. Jogues s’imposait passa bientôt, aux yeux malveillants des sauvages, pour un signe de mépris de leur divinité, et ils lui attribuèrent dans la suite le peu de succès de leur chasse. Les sentiments de compassion qu’ils avaient eus d’abord se changèrent en aversion et en haine. Ils semblèrent ne le souffrir qu’avec peine. Son travail pour se perfectionner dans la langue iroquoise fut forcément interrompu. Ils ne voulaient plus lui donner aucune explication ni répondre à ses questions. Ils ne voulaient même plus l’écouter quand il essayait de leur raconter, ce qui lui avait si souvent réussi, les histoires de la création, de la chute d’Adam, du déluge, du jugement dernier, de l’enfer.

Ce ne fut pas la seule occasion où la superstition crédule de ce peuple ignorant…

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(1) La sagamité était une sorte de bouillie faite de blé d’Inde écrasé grossièrement entre deux pierres. — (1)  Exode XVI, 3. — (2)  Ps. LXIV, 5. —  (3)  Ps. XVI, 15.

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Message  Louis Ven 13 Juin 2014, 3:54 pm

Ce ne fut pas la seule occasion où la superstition crédule de ce peuple ignorant exposa le P. Jogues à de graves dangers. Un Iroquois malade crut apprendre par un songe que, pour obtenir sa guérison, il fallait recourir à certaines danses et cérémonies. Il s’imagina même que la participation du missionnaire était nécessaire, et il voulait qu’il y assistât, son livre de prières à la main. Or un songe est chose tellement sacrée aux yeux des sauvages, surtout lorsqu’il s’agit de la santé, qu’il était inouï qu’on eût refusé de concourir à son accomplissement. Toutes les nations du nord de l’Amérique étaient esclaves de ce préjugé.

Les parents du malade vont donc trouver le P. Jogues et lui annoncent que sa guérison est entre ses mains : « Tu n’as qu’à faire, lui dirent-ils, ce qu’il a vu en songe, et il est sauvé. C’est chose facile pour toi ; tu pries comme cela tous les jours; sa santé rendu sera pour toi une véritable gloire. » Le Père sourit et essaye de leur faire sentir la vanité de leur remède. Ils insistent; il refuse. De nouveaux députés reviennent et lui représentent qu’il y a cruauté à laisser ainsi souffrir et mourir un homme, quand on peut si aisément lui porter secours. Tout fut inutile; le missionnaire ne pouvait pas prendre part à leurs folles erreurs et surtout les encourager.

Ces sauvages résolurent alors de l'emmener de force, et chargèrent de la commission quelques jeunes gens vigoureux. Mais ayant connu leur dessein, le P. Jogues parvint à s’échapper de leurs mains et à s’enfuit dans la forêt. Son agilité était encore telle qu’ils ne purent l’atteindre. Devant une résolution aussi énergique, ceux-ci comprirent l’inutilité de leurs instances et cessèrent de le tourmenter à ce sujet.

La vie du missionnaire se passait ainsi dans un travail pénible, dans des privations de toute nature et dans des tracasseries continuelles. Il se vit même obligé de ne pas prier devant ses maîtres, ils l’accusaient d’invoquer alors les esprits qui leur étaient hostiles. Il évitait aussi de se mettre à genoux devant eux, car cette posture tout à fait en dehors de leurs usages leur paraissait suspecte.

L’hiver vint bientôt ajouter ses rigueurs à cette vie de souffrance. La neige était abondante et tout le sol glacé. Un vieux morceau de peau trop court et en mauvais état le garantissait mal contre le froid. Les sauvages avaient cependant une grande provision de pelleteries pour leur commerce, mais ils ne songeaient pas à lui en donner. Il lui arriva quelquefois dans la nuit de tirer à lui quelqu'une de ces peaux pour se réchauffer, mais quand les sauvages s’en apercevaient, ils la lui arrachaient avec de grossiers reproches. Il était continuellement transi de froid, et sa peau finit par se gercer et se couvrir de plaies.

A cet état de souffrances extérieures vinrent se joindre bientôt des angoisses et des peines extérieures beaucoup plus sensibles encore, et qui jetèrent le serviteur de Dieu dans un très-grand abattement. Il voyait, disait-il, partout autour de lui les périls de l’enfer (Ps. cxiv, 3). Au dehors il trouvait des combats, et intérieurement des craintes. (II Cor. VII 5).

Écoutez-le nous faire le tableau de ce qui se passait alors dans son âme…



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Message  Louis Sam 14 Juin 2014, 11:29 am


Écoutez-le nous faire le tableau de ce qui se passait alors dans son âme et des remèdes qu’il trouvait dans sa foi :

« Je pensais, écrit-il, à mon cher compagnon, dont le sang m’avait couvert il y avait peu de temps, et j’entendis dire que le bon Guillaume avait aussi fini sa vie dans les tourments les plus cruels et que c’était le sort qui m’attendait à mon retour au village. Alors me revenait le souvenir de ma vie passée, si infidèle à Dieu et souillée de tant de fautes. Je gémissais de a me voir mourir au milieu de ma course (1), comme rejeté par le Seigneur, privé des sacrements de l’Église, et sans aucune bonne œuvre pour obtenir miséricorde de mon juge.

« Ainsi préoccupé et du désir de vivre et de la crainte de mourir, je poussais de tristes soupirs, et je disais à mon Dieu : Quand finiront mes misères et mes douleurs ? Quand jetterez-vous les a yeux sur ma détresse et ma tribulation ? Quand me rendez-vous le calme après la tempête? Quand changez-vous mes larmes en transports de joie et « en bonheur (2)? »

Puis il ajoute avec un vif sentiment d’humilité et de confiance : J'aurais péri si le Seigneur n’eût abrégé ces mauvais jours (1), j’ avais recours à mon soutien et à mon refuge ordinaire, les saintes Écritures, dont j’avais retenu quelques passages. Elles m’apprenaient à voir en Dieu sa bonté, et me rappelaient que, quoique privé des consolations de la piété, le juste vivait de la foi (2).

« J'étudiais avec soin ces paroles; je suivais le cours de leurs eaux pour tâcher d'étancher ma soif si prolongée (3). Je méditais jour et nuit la loi de Dieu (4), et si elle n’avait pas été l'objet de mes réflexions, j'aurais peut-être péri dans mon infortune (5), et mon âme aurait été engloutie dans ces eaux débordées (6).

« Mais Dieu soit béni de ne m'avoir pas livré à la dent de mes ennemis dont l'heure semblait arrivée, ainsi que celle de la puissance des ténèbres (7). Mes maux étaient devenus si excessifs que la vie m’était  charge ( 8 ). Cependant je répétais avec Job, mais dans un autre sens ; Quand Dieu ne me ferait pas mourir j'espérerais toujours en lui (9).»

Dans cet état de souffrances extérieures et de désolations intérieures…

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(1)  Is. XXXVIII 10. —  (2) Ps. XLIII, 24. — (1)  Marc, XIII, 20. — (2) Hébr. x. 38. — (3)  Ps. CVI, 33. — (4)  Ps. 1. — (5)  Ps. CXV, 3, 92. — (6)  Ps. CXXIII. — (7)  Luc, XXII, 53. — ( 8 ) II Cor. 1, 8. — (9) XIII., 15.

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Message  Louis Dim 15 Juin 2014, 12:36 pm

Dans cet état de souffrances extérieures et de désolations intérieures, toute la consolation du P. Jogues était de se retirer dans le petit oratoire champêtre qu’il s’était construit dans la forêt, à une petite distance de la cabane. Il s’y rendait aussitôt après avoir accompli son devoir d’esclave et pourvu à la provision de bois pour la journée, et là, sans feu, sans autre abri que quelques branches de sapin pour se protéger contre le vent, il restait des heures entières à genoux sur la neige, pour s'entretenir avec son Dieu, au pied d’une grande croix qu'il avait taillée dans l’écorce d'un arbre. Là il méditait, il priait, il lisait le livre de l’Imitation de Jésus-Christ, et il s’excitait à une sainte ferveur en pensant qu’il était presque seul à aimer et à honorer le vrai Dieu dans ces vastes contrées.

Il fit plus encore. En bon religieux, il tâchait de suivre de son mieux tous les exercices de piété de la vie de communauté, et comme c’était précisément l'époque où, selon l'usage, il faisait tous les ans sa retraite spirituelle, il consacra un certain nombre de jours à se livrer à ces saints exercices.

Cependant les sauvages avaient remarqué ses absences fréquentes et prolongées. Habitués à prendre en mauvaise part tout ce qu’il faisait, ils l'épièrent, et le suivirent afin de s’assurer s’il ne se livrait pas à quelque sortilège pour leur nuire. Ils le laissèrent tranquille quand ils virent qu’il ne s’occupait que de la prière; mais les jeunes gens s’amusèrent à aller le distraire ou à l'effrayer. Ils s'approchaient de lui, la hache levée, comme pour le frapper, ou ils lançaient des flèches qui tombaient à ses côtés.

Tantôt ils poussaient de grands cris derrière lui, comme pour avertir d’un grand danger, tantôt ils faisaient tomber près de lui des arbres qui le menaçaient dans leur chute.

Mais rien ne pouvait détourner le serviteur de Dieu de ses entretiens intimes avec le ciel. Il retrempait son courage, et il avait l'expérience que le Seigneur semblait choisir ce lieu de préférence pour le combler de ses faveurs. Nous empruntons à une de ses notes écrites en latin sur sa captivité le récit de quelques-unes de ces grâces qui furent pour lui une source de tant de consolations.

« Étant dans ce lieu, dit-il, que j’avais choisi pour ma retraite, je crus me trouver dans la compagnie de plusieurs de nos Pères que j’avais connus pendant leur vie et dont j’avais beaucoup estimé la vertu et le mérite. Il ne me reste le souvenir distinct que du P. Jacques Bertrix, du P. Etienne Binet, et un peu du P. Pierre Coton. Je les priai de toute l’ardeur de mon âme de me recommander à la Croix, afin qu’elle me reçoive comme le disciple de celui qu’elle avait porté, et qu’elle ne repousse pas un citoyen de la Croix (ce motif ne m’était encore jamais venu à l’esprit, même dans mes méditations). Je suis né en effet dans une ville (1) dont l’église cathédrale est dédiée à la sainte Croix.

«Une autre fois, dans la même solitude…

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(1) Orléans.

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Message  Louis Lun 16 Juin 2014, 11:40 am

« Une autre fois, dans la même solitude, je me crus, pendant mon sommeil transporté dans ma ville natale, au cloître de Sainte-Croix. Là, étant entré dans le magasin d’un libraire de ma connaissance, je lui demande s’il n’avait pas quelque livre édifiant. Il me répond qu’il en avait un qu’il estimait beaucoup, la Vie des hommes illustres .

« Je conçois aussitôt un vif désir de le voir, ne demandant à l’emprunter que pour quelques jours, et promettant de le rapporter aussitôt après l'avoir lu dans ma chambre avec deux ou trois excellents amis. Le libraire faisait des difficultés, à cause du prix qu’il attachait à ce livre. Pendant ce temps-là, les personnes présentes s’entretenaient sur les tribulations et les infortunes, et chacun racontait ce qu’il avait souffert. J’eus la hardiesse de dire moi-même que j’avais souffert quelque chose pour la cause de Dieu, mais ne voyant pas venir le livre que je désirais tant, je priai un des commis d’aller le chercher pour me l’apporter. Celui-ci, comme à l’insu de son maître, va le prendre et me le donne.

« A peine fut-il entre mes mains que j’entendis une voix me dire distinctement : Ce livre contient la vie des hommes illustres par leur piété et forts à la guerre (1). Je me sentis pénétré de cette pensée que ce n’est que par beaucoup de tribulations que nous devons entrer dans le royaume des cieux (2). En sortant, plein de joie, avec mon livre, je vis tout le magasin rempli de croix, et je dis que je reviendrais, car je voulais en acheter un grand nombre et de différentes espèces. »

Un autre jour, dans le même lieu, comme il était plus accablé que de coutume sous le poids de ses souffrances, et du mépris dont il était l’objet de la part des sauvages, et des remords de sa conscience et des angoisses de son âme, il eut le songe suivant :

« J'entendis distinctement une voix qui me reprochait mes perplexités, et me recommandait de ne voir en Dieu que sa bonté (1) , et de me jeter à aveugle(2) dans son sein. C’était aussi les paroles de saint Bernard écrivant à ses religieux : « Servez le Seigneur avec ce sentiment d’amour qui chasse la crainte et ne considère même pas le mérite. » Ces deux avis continue le P. Jogues, étaient pour moi, car je me laissais aller à une crainte excessive, mais servile et non filiale. Je manquais de confiance en Dieu. Je me désolais de me voir traîné au jugement presque au milieu de ma course, et sans être précédé d’aucune bonne œuvre, tandis que j'aurais dû m'attrister pour le grand nombre de mes infidélités envers Dieu.

«  L’effet de ces paroles fut de relever mon courage et de me remplir d’un tel amour pour Dieu, que, dans mon transport, avant même de m’éveiller, j’ajoutai ces paroles du même saint Bernard : …

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(1) Illustres pietate viros et fortia bello Perfora... (Virg.)

(2) Act. , XIV, 21.
(1) Sap. I. 1.
(2) 1 Pet. v. 7.

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Message  Louis Mar 17 Juin 2014, 5:28 pm

« L’effet de ces paroles fut de relever mon courage et de me remplir d’un tel amour pour Dieu, que, dans mon transport, avant même de m’éveiller, j’ajoutai ces paroles du même saint Bernard :

« Ce n’est pas sans raison qu’il nous demande notre vie, celui qui le premier nous a donné la sienne. »

Ces pieuses pensées dilatèrent tellement mon cœur, que quand il fut question de revenir au village, où je m’attendais à trouver la mort, je me mis en route plein de joie.

Ce retour ne tarda pas. Le serviteur de Dieu le provoqua lui-même quand il vit que ses maîtres ne semblaient le souffrir qu’avec peine. Il savait bien qu’au village sa charité et son zèle ne manqueraient pas d’occasion de s’exercer. Il demanda donc à accompagner quelques sauvages qui allaient partir, et ses maîtres y consentirent volontiers, autant pour se débarrasser de lui que pour profiter de son voyage et envoyer à leurs amis une bonne provision de viandes boucanées.

Le P. Jogues se soumit sans mot dire à ces exigences, et partit chargé comme une bête de somme. Mais si ce voyage de huit jours à pied, au milieu des neiges du mois de janvier et avec un pareil fardeau, fut pénible pour la nature, il ne fut pas sans dédommagement pour le cœur de l’apôtre.

Dans cette troupe de voyageurs se trouvait une femme, portant sur le dos un lourd paquet et en même temps un petit enfant. Ils furent arrêtés par un torrent profond et rapide, et la rigueur de la saison ne permettait pas de le traverser à la nage. Heureusement que près de là était un pont improvisé, comme en savaient faire les sauvages. Il consistait en un pin énorme qu'ils avaient abattu et fait tomber adroitement en travers d'une rive à l’autre. Les sauvages franchirent intrépidement cette étroite passerelle, mais la pauvre femme, embarrassée par son double fardeau et effrayée du mouvement d’oscillation de ce pont branlant, perdit l’équilibre et tomba à l’eau. À ce moment, la corde qui retenait sa charge sur ses épaules et qui, selon l’usage était appuyée sur son front, glissa dans son cou, et paralysait tous ses mouvements en menaçant de l'étouffer.

Le P. Jogues la suivait de près. A la vue de sa chute et du danger qu’elle court, il n’hésite pas un moment, et sans calculer ce qu’il avait à craindre pour lui-même, il se précipite dans les eaux. Grâce à son adresse et à son courage, il a le bonheur de l’atteindre et de ramener au rivage et la mère et l’enfant. Il était temps. Celui-ci était déjà à moitié suffoqué. Le missionnaire se hâta de le régénérer dans les eaux du baptême, et deux jours après ce petit ange allait au ciel prier pour son libérateur.

Un autre des compagnons de voyage du missionnaire était…


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Message  Louis Mer 18 Juin 2014, 11:21 am

Un autre des compagnons de voyage du missionnaire était, sans que celui-ci le reconnût, le vieillard qui avait provoqué la mort du bon René. Chemin faisant, il fut sans doute gagné par la vertu de l’homme de Dieu, et il se montra sensible à son sort. Il l’invita un jour à partager sa nourriture; mais quand il le vit, avant de commencer son repas, faire le signe de la croix et prier Dieu, il lui dit avec empressement: « Ne fais pas cela ! Les Hollandais nous ont dit que ce signe ne valait rien, et nous haïssons cette action là comme eux. Elle a été cause de la mort de ton compagnon, et elle t’attirera le même sort. — N’importe, répondit avec fermeté le missionnaire, je ne cesserai pas de la faire, puisque l’Auteur de la vie l’approuve. Advienne que pourra. Je suis prêt à mourir. »

Cette résolution et cette franche liberté fermèrent la bouche à ce sauvage, et, loin de paraître blessé de ce langage, il continua envers le P. Jogues les mêmes attentions de sa charité. Une des gloires de la vertu, c'est de triompher même de ses ennemis.

Le premier soin du P. Jogues, après son arrivée au village et l’accomplissement de la commission qu’il avait reçue, fut de chercher les moyens de se procurer quelques vêtements non seulement pour remédier à la rigueur du froid, mais même pour pourvoir aux règles de la décence. Il n’en trouva pas d’autres que de jouer le rôle de pauvre de Jésus-Christ. Il alla mendier de cabane en cabane quelque chose pour se couvrir. Presque partout il ne recevait que des injures ou des railleries. Cependant un sauvage lui jeta un vieux haillon ; mais un Hollandais qui se trouvait en ce moment chez les Iroquois pour son commerce, admirant tant de vertu, et touché de tant de souffrance, lui procura un vêtement convenable.

Le dénûment du serviteur de Dieu lui était d’autant plus sensible qu’il voyait chaque jour les sauvages affublés de la manière la plus grotesque de tout ce qu’ils avaient pu trouver d’étoffe et de vêtements dans les bagages destinés à la mission huronne. Les ornements sacrés n’avaient pas été plus épargnés que les autres et cette profanation affligeait profondément son cœur. Il y vit un sauvage qui, avec deux voiles destinés à couvrir le calice à la sainte messe, s’était fait des mitasses, sorte de bas qui enveloppe la jambe depuis le genou jusqu’à l’orteil, et que les sauvages aiment à orner avec soin.

Le repos du P. Jogues au village ne fut pas de longue durée. Ceux qui avaient reçu par son moyen un présent de la part des chasseurs, voulurent se piquer de reconnaissance, et ne virent rien de mieux à faire que de leur renvoyer le porteur avec une riche provision de blé d’Inde.

Il était dur pour cet homme épuisé de souffrances et de privations…


Dernière édition par Louis le Jeu 19 Juin 2014, 1:53 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Jeu 19 Juin 2014, 11:52 am

Il était dur pour cet homme épuisé de souffrances et de privations, de recommencer ce long voyage et de se replacer dans une situation dont il connaissait tout l’embarras. Mais le P. Jogues ne voyait qu’avec les yeux de la foi sa condition d’esclave, et sans aucun égard aux répugnances de la nature, il se mit en devoir d’obéir. A la pesanteur du fardeau trop peu proportionné à ses forces vint se joindre la difficulté du chemin que le verglas avait rendu impraticable. Il partit donc, mais il glissait à chaque pas et il tomba bien des fois, en avançant très peu. Après d’inutiles efforts, il vit qu’il n’atteindrait jamais son terme, et il se décida à revenir.

Loin de lui tenir compte de sa bonne volonté et de la difficulté de la route, les sauvages l'accueillirent en l'accablant d'injures et de railleries. Ils le traitèrent « de paresseux, de bon à rien, de mal bâti ». Ils lui reprochaient jusqu’à la pauvre nourriture qu'on lui donnait. Le serviteur de Dieu recevait tout sans mot dire, avec humilité et résignation.

Il se soumit bien plus volontiers encore lorsque les sauvages, pour utiliser sa présence, lui donnèrent une mission dont ils cherchaient depuis longtemps à se débarrasser. Ils lui confièrent le soin d’un pauvre malade dont tout le corps n’était qu’une plaie. L’odeur infecte qu’il exhalait et le dégoût qu’il inspirait éloignaient de lui tout le monde. C’était assez pour en faire un objet cher à l’homme de Dieu, et son sacrifice était d’autant plus méritoire qu’il reconnut dans cet homme celui qui l’avait accueilli si inhumainement à l’entrée de la première bourgade iroquoise, et lui avait arraché les ongles. Ce fut un motif de plus pour le P. Jogues de s’attacher à lui et de montrer par ses services ce que peut la charité chrétienne.

Cependant, au retour de la chasse, les habitants de la cabane à qui appartenait le P. Jogues le rappelèrent près d’eux pour profiter de son travail. Leurs dispositions s’étaient un peu modifiées à son égard. La mère de son hôte, qu’il appelait sa tante, lui portait surtout intérêt. Elle commençait à admirer et à respecter une vertu inconnue jusque-là chez ces barbares. Peu à peu les autres sauvages finirent par le laisser vivre en paix, soit qu’ils fussent fatigués de cette persécution prolongée, soit que plutôt, vaincus par une patience si héroïque, ils eussent fini par l’estimer.

Aussitôt que le P. Jogues vit que le calme se rétablissait autour de lui…


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Message  Louis Ven 20 Juin 2014, 12:22 pm


Aussitôt que le P. Jogues vit que le calme se rétablissait autour de lui et que ses maîtres n’étaient plus aussi exigeants pour le travail, il reprit son rôle de missionnaire. Son premier besoin était de bien posséder la langue de ce peuple. Elle lui donnerait le moyen d’utiliser sa présence au milieu d’eux, et elle le mettrait à même de pouvoir devenir un jour leur apôtre. Il s’y appliqua avec une grande ardeur, et, comme la cabane de ses maîtres était un lieu de rendez-vous où se traitaient les affaires publiques, non-seulement celles de la bourgade, mais aussi celles de toute la nation, il trouvait occasion de parler de la foi et de la doctrine de l’Évangile à tous les anciens du pays. On l’accablait de questions sur le soleil, sur la lune, sur la figure qu’on aperçoit sur son disque, sur l’étendue de la terre, la grandeur de l’Océan, le flux et le reflux de ses eaux, etc. On voulait savoir si dans quelque endroit le ciel ne touchait pas à la terre, si le ciel était une voûte solide, et les questions se succédaient sans fin.

Le missionnaire s’efforçait d’y répondre en se mettant à leur portée, et ses explications excitaient étrangement leur admiration. Il les entendait dire ; « Comme nous aurions perdu en tuant ce prisonnier, ainsi que nous avons souvent été sur le point de le faire ! » Ces entretiens fournissaient au serviteur de Dieu l’occasion de les élever par degrés des créatures à la connaissance du Créateur, et de renverser leurs absurdes traditions qui attribuaient l’origine du monde à une tortue. Peu à peu il s’enhardit à leur dire que non-seulement le soleil n’était pas un dieu et n’était doué ni d’esprit ni de vie, mais que si sa beauté les avait éblouis et séduits, ils devaient comprendre que Celui qui en était le créateur et le maître devait être bien plus magnifique encore. Il leur faisait voir que leur Aireskoï n’était qu’un démon et le père du mensonge, en se donnant pour l’auteur et le conservateur de la vie et de tous les biens.

Si la foi ne demandait à l’homme que la conviction de l’esprit, le triomphe du P. Jogues eût été facile et complet. Mais il trouvait pour obstacles les chaînes puissantes des passions et des habitudes superstitieuses, et l’aversion souveraine des sauvages pour tout ce qui leur était étranger. Ils lui donnaient facilement raison, mais quand il s’agissait d’adopter ses enseignements, ils se contentaient souvent de lui dire : « Tout cela est bon pour vous qui habitez au delà du grand lac (Océan); mais ce n’est pas pour nous. »

Le démon, qui avait régné jusque-là en maître sans rival dans ces vastes contrées, se voyait attaqué comme dans son dernier boulevard, et multipliait ses efforts pour empêcher les conquêtes de la foi.

Cependant, malgré sa condition d’esclave, le P. Jogues n’exerçait pas sans fruit son ministère d’apôtre. Le Seigneur, roi de ces peuples comme de ceux de toute la terre, choisissait déjà parmi eux ses élus, non-seulement parmi les enfants que le serviteur de Dieu baptisa en grand nombre en danger de mort, mais aussi parmi les adultes, dont plusieurs se rendirent dociles à la voix de la grâce et sollicitèrent le sacrement de la régénération, et surtout parmi les malades qui voyaient s’approcher l’heure suprême, ou même parmi les malheureuses victimes de la guerre, condamnées à passer par les horreurs du supplice.

Ces soins ne suffisaient pas au zèle du P. Jogues…


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Message  Louis Sam 21 Juin 2014, 12:09 pm


Ces soins ne suffisaient pas au zèle du P. Jogues. Profitant d’une certaine liberté que ses maîtres lui laissaient, il allait visiter dans les bourgs voisins les captifs hurons chrétiens qui, semblables aux Israélites fidèles, ne fléchissaient pas le genou devant Baal. Il les consolait et les soutenait par ses pieux conseils et la fréquentation du sacrement de pénitence. Combien de fois il eut occasion de bénir Dieu en voyant les heureux fruits qu’avait déjà produits la prédication de l’Évangile ! II trouvait des cœurs chrétiens à peine depuis quelques jours, et cependant d’une pureté admirable, d’une constance inébranlable et d'une résignation héroïque à la volonté de Dieu.

Après deux mois passés dans ces pieux exercices, le P. Jogues dut se mettre de nouveau en campagne. C’était l’époque de la pêche. Il partit avec sa « tante », et deux autres sauvages. Son service était le même qu’à la chasse; mais il fut traité avec beaucoup plus de douceur. Les voyageurs s’arrêtèrent sur les bords d’un petit lac (1), à quatre journées de marche seulement.

On ne prenait là que de très-petits poissons, ordinairement en très-grande abondance. C’était la provision pour l’été. Ils en prirent peu, aussi les gardaient-ils avec soin après les avoir vidés et exposés à la fumée. Ils n’employaient pour leur nourriture que les intestins qu’ils avaient retirés, et c’était tout l’assaisonnement qu’on ajoutait à la sagamité. Mais le P. Jogues était déjà fait à ces sortes de ragoûts, et il ajoute avec simplicité en les décrivant : « L’habitude, la faim et le manque de toutes choses rendent sinon agréable du moins tolérable, ce qui semble souvent révoltant pour la nature. »

Cette retraite hors des bourgades et loin du tumulte des Iroquois avait toujours son charme pour le serviteur de Dieu. Elle lui donnait le temps et la facilité de vivre dans une plus grande union avec Dieu. « Combien de fois, écrit-il, je me suis arrêté dans ces lieux déserts et sur le bord des eaux, comme les Israélites sur la rive des fleuves de Babylone, et j'ai versé des larmes au souvenir de Sion (2), non-seulement de cette Sion triomphante dans les cieux, mais aussi de cette Jérusalem de la terre, où Dieu est connu et loué! Combien de fois, sur cette terre étrangère, j'ai chanté les cantiques du Seigneur (1), et les montagnes et les forêts retentissaient des louanges de leur créateur, qu’elles n’avaient jamais entendues ! Combien de fois j’ai gravé le nom de Jésus sur les arbres élevés de ces forêts séculaires, pour faire trembler les esprits infernaux! Combien de fois j’ai formé sur eux, en découpant leur écorce, la sainte croix de mon Sauveur, afin que sa vue mît le démon en fuite, et que par elle, ô mon Seigneur et mon Roi, vous pussiez régner au milieu de vos ennemis (2), des ennemis de votre croix, les hérétiques, les païens habitants de ces contrées, et les démons qui en sont depuis longtemps les maîtres !

« Je bénissais Dieu, continue-t-il…

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(1) Sans doute le lac Saratoga. — (2) Ps. CXXXVI, 1. — (1) Ibid. — (2) Ps. CIX, 2.


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Message  Louis Dim 22 Juin 2014, 12:37 pm


« Je bénissais Dieu, continue-t-il, de ce qu’il eût permis ma présence dans cette solitude, précisément à l’époque où l’Église rappelle à ses enfants les souffrances de leur Sauveur. Je pouvais plus à loisir repasser dans ma mémoire toutes les circonstances de sa passion, ses amertumes et son fiel, et sécher de douleur à ce souvenir . »

Ainsi que dans sa première solitude, il s’était créé dans la forêt un petit oratoire de branches, au pied d’un arbre énorme sur lequel il avait tracé une image de la croix, et aussitôt après son travail d’esclave, il se retirait là pour s'entretenir avec son Dieu : « Mais, ajoute le pieux missionnaire, on ne me laissera pas longtemps jouir de ce saint repos. J’avais déjà passé trop de jours sans mes angoisses ordinaires. »

En effet, un messager venait d’arriver du village pour avertir la bande des pêcheurs qu’on avait vu des Algonquins rôder dans les environs, et qu’ils devaient rentrer au plus vite pour échapper au danger. Cette alarme n’était qu’une feinte inventée pour faire revenir le missionnaire au village, où tout était préparé pour sa mort.

Les bruits les plus sinistres circulaient sur une bande de dix guerriers iroquois, partis déjà depuis longtemps, et dont on n’avait plus entendu parler. Une nation voisine les donnait comme victimes de la cruauté de leurs ennemis, et cette nouvelle fut confirmée par un prisonnier tombé récemment entre les mains des Iroquois. Ils l’immolèrent aussitôt aux mânes d’un des jeunes guerriers dont on déplorait la perte, et qui était fils du maître de la cabane du P. Jogues ; mais cette victime ne paraissait pas assez noble aux yeux du père désolé ; il voulut sacrifier aussi le missionnaire.

C’en était fait de lui, et le jour de la mort de son Sauveur eût été aussi pour lui le dernier, si Dieu, qui l’avait déjà bien des fois conduit aux portes du trépas pour l'en retirer miraculeusement, n’eût permis qu’on apprît à temps que les guerriers revenaient avec vingt-deux captifs abénaquis, et qu’ils n’étaient plus qu’à une journée de la bourgade.

Il ne fut plus question du missionnaire, et, à l’arrivée des vainqueurs, ce ne fut que fêtes et réjouissances. Cinq des prisonniers furent destinés aux plus horribles supplices, et les femmes et les enfants furent réservés pour l’esclavage. Ces tristes victimes devinrent aussitôt l’objet du zèle ardent du missionnaire. Il ne savait que quelques mots de leur langue, mais l’un des prisonniers parlait le huron, et lui servit d’interprète. Il s’empressa de les instruire, et il put leur conférer le baptême avant leur exécution, qui eut lieu pendant les fêtes de Pâques.

Ce hideux spectacle se renouvela encore à la Pentecôte. On amena trois jeunes femmes et quelques enfants; car les hommes avaient été tués dans le combat. Ces infortunées, dépouillées de leurs vêtements, furent mutilées et accablées de coups à l’entrée du village. L’une d’elles fut même, contrairement à l’usage, brûlée sur tout le corps et jetée ensuite dans un vaste bûcher. Elle était instruite dans la foi, et le Père attendait une occasion pour la baptiser. La voyant sur le point d’expirer, il courut à elle comme pour lui porter à boire au milieu des flammes, et il versa sur sa tête l’eau sainte, qui la purifia et lui assura la félicité éternelle.

Le P. Jogues fut témoin, dans cette circonstance…


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Message  Louis Lun 23 Juin 2014, 12:07 pm


Le P. Jogues fut témoin, dans cette circonstance, de pratiques idolâtriques d’un genre nouveau pour lui, et d'une cruauté inouïe. Chaque fois qu’on appliquait le feu sur le corps de cette malheureuse femme, l’un des anciens élevait la voix et s’écriait : « Aireskoï, nous t’offrons cette victime que nous brûlons en ton honneur. Rassasie-toi de sa chair, et rends-nous toujours victorieux de nos ennemis. » Son corps coupé en morceaux fut envoyé dans différents villages et dévoré.

Ce sanglant holocauste était, paraît-il, aux yeux des Iroquois, une réparation due à leur Dieu, et l’accomplissement d'un vœu. Ils avaient cru reconnaître qu’il était mécontent de ce que depuis six mois ils n’avaient pas mangé de chair humaine, et dans le sacrifice solennel de deux ours qu’ils firent en son honneur, le Père Jogues les entendit, non sans frémir, proférer ces paroles : « Tu nous punis avec justice, Aireskoï, car il y a longtemps que nous ne nous sommes pas nourris de nos prisonniers. Nous t’avons offensé en nous bornant à leur donner la mort; mais s’il en tombe entre nos mains, nous te promettons de les traiter comme nous allons faire de ces deux animaux. »

Ces tristes scènes se renouvelèrent plusieurs fois à cette époque sous les yeux du P. Jogues, et plongèrent son âme dans une profonde affliction. Mais, dans l’espérance de se rendre utile à ces infortunées victimes, il restait assister à leur supplice, et ne négligeait rien pour les soutenir et les encourager par les pensées de la foi.

Voici avec quel sentiment profond d’humilité il se regardait comme la cause de tous ces malheurs :

« Je ressentais alors, écrit-il, le châtiment que méritaient mes péchés, et que Dieu avait annoncé à son peuple en disant : Les solennités de vos néoménies et vos fêtes seront changées en jours de deuil et d’afflictions (Amos VIII, 10). En effet, aux fêtes de Pâques, de la Pentecôte et de la Nativité de saint Jean-Baptiste, je me suis vu accablé de nouvelles douleurs.  Infortuné que je suis ! suis-je donc né pour voir le malheur de mon peuple? (I Marc II, 7.) Au milieu de ces poignantes angoisses intérieures et de bien d'autres, mon âme se consume dans la douleur et mes jours dans les gémissements . (Ps. xxx., 10.) Le Seigneur m’a frappé à cause de mes iniquités, et il a fait dessécher mon âme comme l’araignée. (Ps. XXXVIII 12.) Il m’a rassasié d'amertume et abreuvé d’absinthe. Le consolateur qui pouvait me soulager s’est éloigné de moi (Jér., III, 15); mais au milieu tous ces maux nous triomphons, et avec la grâce de Dieu nous triompherons par la force de celui qui nous a aimés (Rom., VIII, 37), et dans l'attente de celui qui doit venir et qui ne tardera pas (Hébr., x, 37) jusqu'à ce qu’arrive mon heure comme celle du mercenaire (Job, VII,) ou que mon changement s'accomplisse (Job, XIV, 11). »
A suivre : Chapitre IX.

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Message  Louis Mar 24 Juin 2014, 12:31 pm

CHAPITRE  IX

Démarches du chevalier de Montmagny pour délivrer le P. Jogues. — Lettres du P. Jogues. —
Sa résignation. — Voyage. — Rencontre imprévue. — Consolations.

Pendant longtemps on eut à Québec les inquiétudes les plus sérieuses sur le sort du P. Jogues. Le bruit de sa mort s’était répandu, et il parvint jusqu’en France, où il excita la plus vive impression. Il fut pleuré de sa famille et de ses confrères, jaloux pourtant de son bonheur et de sa gloire.

La nouvelle qu’il vivait encore fut portée à Québec par un Huron compagnon de sa captivité, Joseph Téondéchoren, dont nous avons déjà parlé. Ce bon chrétien avait suivi ses maîtres dans une excursion qu’ils faisaient sur les bords du Saint-Laurent. Là il parvint à tromper leur vigilance, et il s’échappa de leurs mains. Après bien des fatigues et des dangers, il arriva enfin à Trois-Rivières.

Le chevalier de Montmagny, qui désirait avoir des informations sur ce qui se passait chez les Iroquois et surtout sur le P. Jogues, manda le fugitif près de lui.

Le récit détaillé et attendrissant des épreuves subies par l’homme de Dieu, et des périls qui le menaçaient encore à chaque instant, émut d’autant plus le Gouverneur qu’il se sentait impuissant à y porter remède. Les secours qu’il attendait de France n’étaient pas arrivés, et il craignait qu’un acte de vigueur contre des ennemis si audacieux, loin de les intimider, s’ils n’étaient pas abattus, ne les exaspérât encore davantage et ne fît hâter la mort de tous les prisonniers. Il voulait à tout prix conserver la vie d’un missionnaire dont la vertu et l’expérience pouvaient lui être si utiles pour gagner ces barbares. Il chercha donc une occasion favorable de traiter avec prudence une affaire si délicate, et l’ayant rencontrée peu de temps après, il la saisit, mais sans succès.

Le 19 octobre 1642, un Sokoquiois (1), très-considéré dans sa nation, avait été pris par les Algonquins, près de Trois-Rivières. Ils le condamnèrent à passer par toutes les horreurs du supplice. Déjà on lui avait arraché les ongles et coupé deux doigts; un de ses pieds avait été percé avec un bâton aigu, et tout son corps avait été labouré avec des alênes. Quatre jeunes gens lui avait lié les poignets avec une corde à nœud coulant, et ils la tirèrent avec tant de cruauté que les chairs furent coupées jusqu’à l’os. La douleur fut telle que, malgré son impassibilité apparente, le patient tomba évanoui et ne revint à la vie que lorsqu’on lui eût jeté de l’eau froide à la figure.

Aussitôt que le Gouverneur apprit arrivée du prisonnier à Sillery…

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(1) Nation sauvage de la Nouvelle-Angleterre.

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Message  Louis Mer 25 Juin 2014, 11:34 am


Aussitôt que le Gouverneur apprit l'arrivée du prisonnier à Sillery, il accourut dans la pensée de l’arracher au trépas. Indépendamment du motif d’humanité et de religion qui le portait à intervenir pour empêcher cet acte de cruelle barbarie, il en avait un autre aussi digne de son cœur que de sa foi. Par le moyen de ce prisonnier, dont la nation était alliée à celle des Iroquois, il espérait obtenir la délivrance du missionnaire, dont toute la colonie et les sauvages eux-mêmes déploraient le triste sort. Le chevalier de Montmagny demanda donc et obtint la liberté du captif.

Les religieuses hospitalières reçurent ce malheureux dans leur maison de Sillery. Ses blessures étaient horribles; les vers et la putréfaction en faisaient un objet de dégoût et de pitié; mais le mal ne résista pas aux soins maternels d’une industrieuse charité.

Quand le malade, guéri de ses blessures, fut en état de se mettre en route, on le combla de présents, et pour tout témoignage de reconnaissance, on le pria de faire intervenir les capitaines de sa nation auprès des Iroquois leurs alliés, afin d’en obtenir le renvoi du P. Jogues.

Après avoir vu la mort de si près, le Sokoquiois retourna plein de joie dans son pays, et raconta par toutes les bontés et les libéralités dont il avait été comblé. L’éloge d’Onontio, le grand capitaine des Français, et celui des Robes-noires ne tarissait pas dans sa bouche, et ceux qui l’entendaient partagèrent bientôt sa gratitude. Car tout grossiers qu’ils étaient, ces peuples épousaient avec ardeur les intérêts d’un de leurs membres, quand il fallait reconnaître un bienfait qu’il avait reçu, comme lorsqu’il s’agissait de venger une injure.

Les Sokoquiois le prouvèrent. Ils se crurent tous débiteurs envers les généreux bienfaiteurs de leur compatriote, et ils se mirent aussitôt en devoir de seconder ses désirs. Une ambassade solennelle alla au mois d’avril demander aux Iroquois la délivrance du P. Jogues, et elle offrit les présents d’usage pour donner plus de poids à ses paroles.

Les Iroquois reçurent les députés avec le cérémonial ordinaire dans une assemblée publique. L’orateur étranger exposa longuement le sujet de son message et les titres des Français à leur amitié. Son éloquence naturelle lui fournit les motifs les plus propres à émouvoir, et il termina en disant : « Mes concitoyens ne croient rien faire de trop pour obliger des cœurs généreux, et, comme ils savent quelle estime les Français ont pour Ondesonk, voici un collier de plusieurs milliers de grains de porcelaines pour couper ses liens. » Après s'être ainsi exprimé, il tira une lettre du Gouverneur de Québec, qu’il mit solennellement entre les mains du P. Jogues avec de grandes démonstrations de respect et d’affection.

Le lendemain, les anciens des Agniers se réunirent pour délibérer et faire connaître leur réponse…


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Message  Louis Jeu 26 Juin 2014, 11:50 am


Le lendemain, les anciens des Agniers se réunirent pour délibérer et faire connaître leur réponse. On ne l’attendit pas longtemps, et elle fut digne de la réputation de perfidie et d’astuce qui leur était si bien acquise. Ils acceptèrent les présents et promirent la liberté du prisonnier; mais ils voulaient, disaient-ils, se réserver à eux-mêmes l’honneur de reconduire le P. Jogues dans la colonie française, ce qu’ils ne pouvaient faire pour le moment. Ces paroles n’étaient qu’une nouvelle fourberie. Elles furent oubliées aussitôt après le départ de l’ambassade.

La démonstration des Sokoquiois en faveur du P. Jogues ne fut cependant pas sans effet. Elle releva beaucoup aux yeux des Iroquois le mérite du missionnaire, et on commença à le traiter avec plus d’égard.

Si les dangers publics semblaient conjurés, le P. Jogues n’était pas encore à l’abri des vengeances ou des haines privées. Il vit entrer un jour dans sa cabane un homme à moitié fou, qui se jeta sur lui et lui déchargea sur la tête deux coups de massue. Le missionnaire fut renversé, et si on n’avait pas arrêté le bras de l’assassin prêt à frapper encore, c’en était fait de sa vie. Quant au coupable, il se retira tranquillement sans avoir à subir ni châtiment ni reproche,

Toute la satisfaction que reçut le serviteur de Dieu fut dans les larmes de sa tante (1), dont le dévouement et l’affection semblaient croître chaque jour, et qui gémissait d’être impuissante à le protéger. Quand elle pouvait prévoir les dangers, elle se hâtait de le prévenir et de lui donner le moyen de les éviter ; mais dans l’appréhension où elle était de quelque surprise fatale; et voyant qu’il n’était plus question de réaliser les promesses faites aux Sokoquiois, elle finit par lui donner le conseil de s’évader, seul moyen de se soustraire à une si affreuse captivité et d’échapper à une mort presque certaine.

Cependant ce n’était pas sa délivrance qui préoccupait le P. Jogues; il mettait au-dessus d’elle les intérêts de la religion et de sa patrie, et il va donner un beau témoignage de ces héroïques sentiments.

Ayant appris que l’on tentait de nouvelles démarches pour le sauver, il voulut ne rien laisser ignorer de ses dispositions, et n’écoutant que son patriotisme, il se décida à écrire au Gouverneur du Canada et à lui suggérer des mesures qui pouvaient devenir fatales pour lui, mais qui étaient très avantageuses pour la colonie. La Providence lui ménagea une occasion favorable pour faire arriver sa lettre sur les bords du Saint-Laurent.

Pendant l’été, une troupe de guerriers de son village se préparait à faire une excursion sur les bords du grand fleuve, pour tendre des embûches aux Français et à leurs alliés, et un d’eux se chargea du message. Selon l’usage de ces peuples, il devait mettre cette lettre au haut d’un bâton fendu, qu’il planterait dans un lieu par où passent ordinairement les voyageurs. Quel que fût son motif, il voulut faire quelque chose de plus. Il s’approcha du fort Richelieu.

En effet, le 15 août 1643, les soldats du fort aperçurent sur le fleuve un sauvage qui s’avançait seul vers eux…

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(1) Les sauvages disaient oncle ou tante à un supérieur, frère à un égal, neveu à un inférieur.



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Message  Louis Ven 27 Juin 2014, 1:09 pm


En effet, le 15 août 1643, les soldats du fort aperçurent sur le fleuve un sauvage qui s’avançait seul vers eux. Avant de le laisser approcher, ils s’informent de sa nation et du but de sa démarche : « Je suis Iroquois, leur dit-il, et je viens vous apporter la parole de la Robe-noire, Ondesonk. » A cette nouvelle on lui laisse libre accès, et il remet en effet une lettre du missionnaire adressée au chevalier de Montmagny.

Il voulait se retirer quand le commandant du poste le força d’attendre quelque temps, afin de donner au Gouverneur la facilité de profiter de cette occasion pour répondre au missionnaire. Puis on tira un coup de canon pour annoncer que le message était accompli. Effrayés de ce signal qu’ils prirent pour une attaque, les Iroquois s’enfuirent précipitamment et abandonnèrent leur compagnon. Ce fut, comme nous le verrons, la cause d’une recrudescence de haine contre le P. Jogues.

Sa lettre au Gouverneur était écrite partie en latin, partie en français et partie en huron, afin de la rendre inintelligible si elle tombait entre des mains ennemies. En voici le texte d’après la copie restaurée conservée aux archives du Gésu à Rome.


« Du village des Iroquois, le 30 juin 1643

« MONSEIGNEUR,

« Voici la quatrième (1) lettre que j’écris depuis que je suis retenu captif au milieu des Iroquois. Le temps et le papier me manquent également, et m’empêchent de répéter ici ce que j’ai dit ailleurs avec plus de détails.

« Nous vivons encore. Henri, fait prisonnier par les Iroquois auprès de Montréal, la veille de la fête de saint Jean-Baptiste, a été amené au milieu de nous. En effet, il n’a pas été frappé de coups de bâton à son entrée au village, et on ne lui a pas coupé les doigts comme à nous. Il est vivant, lui et les Hurons qui ont été amenés avec lui.

« Craignez sans cesse et partout les embûches de ces hommes, car des bandes de guerriers quittent chaque jour le village pour aller à la guerre, et il n’est pas à croire que le fleuve (2) soit débarrassé de ces sauvages avant la fin de l’automne.

« Ils sont ici au nombre de sept cents, possèdent trois cents fusils dont ils se servent avec une grande adresse, et connaissent plusieurs chemins pour arriver à la station de Trois-Rivières. Le fort Richelieu arrête bien un peu, mais n’empêche pas tout à fait encore leurs excursions.

« Si les Iroquois avaient su que le prisonnier sokoquiois avait dû aux Français d’être arraché des mains des Algonquins, ils auraient épargné, à ce qu’ils disent, les Français qu’ils ont pris et tués auprès de Montréal. Mais on était déjà au milieu de l’hiver quand cette nouvelle parvint à leur connaissance.

« Cependant une nouvelle bande vient de se mettre en campagne. Le chef est celui-là même qui commandait l’expédition dans laquelle nous fûmes fait prisonniers. Ils n’en veulent pas moins aux Français qu’aux Algonquins.

« Ne tenez, je vous prie, aucun compte de ma personne, et qu’aucune considération ayant rapport à moi ne vous empêche de prendre toutes les mesures qui vous paraîtront plus propres à procurer la plus grande gloire de Dieu.

« Voici, autant que je peux le deviner, le dessein des Iroquois : prendre tous les Hurons, s’il leur est possible; faire périr les chefs avec une grande partie de la nation, et former avec les autres un seul peuple et un seul pays.

« Je verse des larmes sur le sort de ces malheureux, dont la plupart sont déjà chrétiens, les autres catéchumènes et parfaitement disposés à recevoir le baptême.

« Quand donc pourra-t-on apporter quelques remèdes à tant de maux? Peut-être quand il n’y aura plus de prisonniers à faire.

« J’ai avec moi une…


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(1)  Le» trois autres lettres dont parle le P. Jogues n’arrivèrent pas à leur adresse. — (2) Le Saint-Laurent.

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Message  Louis Sam 28 Juin 2014, 12:02 pm

« J’ai avec moi une Relation (1) écrite par nos Pères des choses qui se sont passées chez les Hurons, et des lettres écrites par ces mêmes Pères. Les Iroquois les ont enlevées aux Hurons et me les ont remises.

« Plusieurs fois les Hollandais ont essayé de nous délivrer, mais toujours inutilement. Ils renouvellent encore à présent leurs tentatives ; mais ce sera comme je pense avec un même résultat.

« Je forme la résolution, de jour en jour plus arrêtée, de rester ici aussi longtemps qu’il plaît à Notre-Seigneur, et ne pas chercher à conquérir ma liberté, quand même il s’en offrirait des occasions. Je ne veux pas priver les Français, les Hurons et les Algonquins des secours qu’ils reçoivent de mon ministère. Ici j’ai administré le baptême dont plusieurs se sont déjà envolés au ciel.

« Ma seule consolation au milieu de mes souffrances, c’est de penser à la très-sainte volonté de Dieu à laquelle je soumets bien volontiers la mienne.

« Je prie Votre Excellence de bien vouloir faire dire des prières, et célébrer des messes pour nous « tous, et en particulier pour celui qui est en Notre-Seigneur.

« Monsieur,

« Son très-humble et très-obéissant serviteur,


« ISAAC JOGUES,

« De la Compagnie de Jésus. »

En insérant cette lettre dans la Relation des missions de 1644, le P. Vimont, supérieur au Canada, ajoute avec une sainte admiration : …
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(1) C'était la Relation annuelle et la mission des Hurons pour 1642. Elle fut enlevée par les Iroquois à un convoi de Hurons qui la portaient à Québec.

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Message  Louis Dim 29 Juin 2014, 12:27 pm


En insérant cette lettre dans la Relation des missions de 1644, le P. Vimont, supérieur au Canada, ajoute avec une sainte admiration :

« Il y a là plus de suc que de paroles. La tissure est excellente, quoique la main qui a formé ces caractères soit toute déchirée. Son style est plus sublime que celui qui sort des plus pompeuses écoles de rhétorique... Encore que ces paroles nous aient tiré les larmes des yeux, elles n’ont pas laissé d’augmenter la joie de nos cœurs. Il y en a qui lui portent plus envie que compassion. »

A cette lettre, beau moment du zèle ardent et de l’héroïque patriotisme du serviteur de Dieu, nous devons joindre comme complément la fin de celle d’où nous avons extrait une partie des détails de sa captivité, et qu’il écrivit à son Provincial en France, le 5 août 1643. Il était alors en passage avec ses maîtres au poste hollandais de Renselaerswich, nommé aussi fort Orange.

« Quoique bien probablement je puisse prendre la fuite si je le veux, soit par la colonie des Européens ou même par le moyen des autres sauvages nos voisins, cependant je suis bien résolu, avec la grâce de Dieu, de vivre et de mourir sur cette croix où le Seigneur m'a attaché avec lui (1). Autrement qui pourrait consoler et absoudre les captifs français ? Qui rappellera aux Hurons chrétiens leurs devoirs ? Qui instruira les nouveaux prisonniers, fortifiera dans les tourments et baptisera les moribonds? Qui pourvoira au salut des enfants moribonds et à l’instruction des autres ?

« Ce n’est certainement que par une permission toute particulière de la bonté de Dieu que je suis tombé entre les mains de ces sauvages, tandis que leur haine pour la religion, et la guerre cruelle qu'ils faisaient aux autres sauvages et aux Français à cause d’eux, fermaient l’entrée de la foi dans ces contrées. Et c’est encore un effet de sa volonté que ces Iroquois m’aient, comme malgré eux, conservé la vie jusqu’à présent afin que, tout indigne que j’en sois, je puisse instruire, éclairer dans la foi et baptiser tous ceux qui étaient prédestinés à la gloire.

« Depuis ma captivité, j’ai régénéré dans les eaux sacrées, soixante-dix personnes, enfants, jeunes gens et vieillards de cinq nations et de langues différentes, pour que chaque tribu, chaque langue, chaque peuple soit représenté devant l'Agneau (2).

« Voilà pourquoi je fléchis chaque jour le genou devant le Seigneur et le Père de mon Seigneur (1), pour que, si sa gloire le demande, il fasse évanouir les projets des Européens et des sauvages qui songent ou à m’arracher à mon exil, ou à me rendre à mes frères. Plusieurs en effet ont parlé de ma délivrance, et les Hollandais chez qui je vous écris, ont fait des offres généreuses, et en font encore pour ma rançon et celle de mes compagnons, Je les ai visités deux fois, et ils m’ont toujours reçu avec bonté. Ils ne négligent rien pour obtenir notre rachat. Ils vont même jusqu’à combler de présents les sauvages chez qui je vis, pour qu’ils me traitent avec douceur.

« Je conjure donc Votre Révérence de vouloir bien me regarder toujours comme son enfant, quelque indigne que j’en sois. Sauvage par le vêtement et la manière de vivre, et vivant, à cause de l’agitation, comme loin de mon Dieu, je veux cependant mourir, comme j’ai toujours vécu, enfant de la Sainte Église romaine, et membre de la Compagnie de Jésus.

« Demandez pour moi à Dieu…

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(1) Gal.  II, 19. — (2)  Apoc. VII, 9. — (1) Eph. III, 14.

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Message  Louis Lun 30 Juin 2014, 12:09 pm


« Demandez pour moi à Dieu dans vos saints sacrifices que, puisque j’ai abusé jusqu’à présent de tant de grâces qu’il m’a données et qui auraient pu m’élever à une sainteté éminente, je profite au moins de cette dernière occasion qui m’est offerte.

« Votre bonté ne refusera pas cette faveur à la prière de votre enfant.

« La vie que je mène est bien triste, et toutes les vertus y sont en danger : la foi dans les épaisses ténèbres de l’infidélité, — l’espérance dans des épreuves si longues et si dures, — la charité au milieu d’une si grande corruption, et loin de tous les sacrements de l’Église. Si la chasteté ne trouve pas ici les dangers des délices de ce monde, elle a celui du mélange et de la familiarité des deux sexes; celui de la liberté absolue laissée à chacun de tout dire et de tout faire, et surtout celui des nudités continuelles. Malgré soi on voit souvent ici ce que l’on cacherait ailleurs, non-seulement aux regards des curieux, mais même de qui que ce soit.

« C’est pourquoi je demande souvent à Dieu de ne pas me laisser sans secours au milieu des morts (1), et de faire en sorte que, malgré toutes les impuretés, et le culte idolâtrique rendu au démon, dont je suis témoin, isolé et sans défense, mon cœur devienne pur devant les commandements (2), afin que lorsque le bon Pasteur rassemblera les tribus dispersées d’Israël (3), il nous retire du milieu des nations pour bénir son saint nom. Fiat, fiat !(4). Permettez-moi de prier Votre Révérence de saluer tous mes RR. PP. et mes très-chers frères, que je chéris et que je respecte tous en « Notre-Seigneur, et de me recommander à leurs prières.

«Votre très-humble serviteur et fils en Jésus-Christ


« ISAAC JOGUES, S. J.


« A la colonie de Renselaerswich, dans la Nouvelle-Belgique, le 5 août 1643. »

La répugnance que le P. Jogues…
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(1)  Ps. LXXXVII, 6. — (2)  Ps. CXVIII, 117. — (3)  Ps. CXLVI, 2. — (4) Ps. CV, 67.

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Message  Louis Mar 01 Juil 2014, 12:51 pm


La répugnance que le P. Jogues manifestait pour voir finir sa captivité n’avait pas d’autre mobile que le désir de procurer plus efficacement la gloire de Dieu. Mais quand il vit l’impossibilité de continuer son œuvre de zèle et de charité, il ne fit pas difficulté de profiter des circonstances que lui ménagea la divine Providence, pour s’échapper des mains de ses bourreaux. C’est ce qui allait bientôt arriver; cependant Dieu lui ménageait auparavant une de ces rencontres qui font éclater la bonté du Seigneur pour ses élus, et qui sont pour ses apôtres la plus douce des récompenses ici-bas.

Une bande de capitaines Iroquois avait été députée au nom de leur nation pour aller visiter une petite nation voisine, qu’ils regardaient comme tributaire de la leur, et dont ils attendaient quelques secours. Le maître du P. Jogues était du voyage, et il amena avec lui son captif. La distance à parcourir était de près de trois cents kilomètres. Le trajet fut très-pénible ; partis comme de coutume sans provisions, les sauvages, contre leur attente, ne trouvèrent pas de gibier sur la route, et ils n’eurent à manger que de misérables fruits très-insipides qu’ils rencontrèrent dans les bois.

Le but des Iroquois, en conduisant le Père avec eux, était de faire parade de leur puissance sur les autres peuples, et même sur les Européens; mais le Seigneur avait d’autres desseins. Il allait récompenser un acte de charité….



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Message  Louis Mer 02 Juil 2014, 12:13 pm


… Il [ Le Seigneur] allait récompenser un acte de charité.

En arrivant dans la bourgade étrangère, le P. Jogues s’empressa de visiter les cabanes pour baptiser les enfants moribonds, et instruire les malades qu’il trouverait disposés. Quelle fut sa surprise, en entrant dans une des premières cabanes qu’il rencontra, d’entendre un jeune homme couché à terre, et brisé par la souffrance, l’appeler par son nom !

« Ne me reconnais-tu pas, Ondesonk, lui dit le moribond? te souviens-tu du service que je te rendis au pays des Iroquois, et qui te fit tant de bien ?

— Je ne me rappelle pas t’avoir jamais vu, répondit le Père; mais n’importe, je te remercie puisque tu m’as fait du bien. Qu’as-tu donc fait pour moi ?

— C’était, dit le jeune homme, dans la troisième bourgade des Agniers, lorsque tu ne pouvais plus te soutenir et que tes douleurs étaient excessives; te souviens-tu qu’un sauvage s’avança et coupa tes liens ?

— Oui certes, reprit le missionnaire, j’ai béni bien des fois le Seigneur de lui avoir inspiré cet acte de charité. Je ne l'ai jamais rencontré depuis et je serais heureux de le voir, et, si je le pouvais, de lui témoigner toute ma reconnaissance.

— C’est moi-même, repartit le malade. »

A ces mots, le Père se jette à son cou, l’embrasse tendrement et l’inonde de ses larmes de reconnaissance et de compassion : « Que je suis affligé, lui dit-il, de te retrouver dans ce pitoyable état ! que ne puis-je te secourir et te soulager ! Sans te connaître, j’ai souvent prié pour toi le Maître de la vie. Tu vois mon extrême pauvreté; cependant je veux te donner un bien plus grand encore que celui que tu m’as fait. »

Le sauvage écoute avec étonnement. Alors le missionnaire lui parle de Dieu créateur et rémunérateur, de Jésus-Christ et de ses souffrances, de l’éternité et de ses récompenses. Pendant son discours Dieu agissait intérieurement sur ce cœur bien disposé, et bientôt, comme l’Eunuque des actes des Apôtres, le malade demande : «

Que faut-il donc faire pour plaire au Maître de la vie?

— Croire en lui, dit le missionnaire, et en son Fils unique, mort pour nous, et recevoir le baptême. »

L’âme du néophyte s’ouvrit à la lumière, et le ministre de Jésus-Christ eut la consolation de l’instruire et de recevoir des témoignages de sa foi. Il le fit chrétien, et, les progrès du mal augmentant rapidement, il le vit bientôt s’envoler au ciel, sans regret et plein d’espérance. C’est ainsi que Dieu récompensa au centuple celui qui avait eu compassion de son serviteur.



A suivre : Chapitre X.

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