Aperçus de philosophie thomiste. (COMPLET)

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Message  Louis Sam 10 Mar 2012, 12:02 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

V. LES DEGRÉS DE CULTURE (suite)
Il est un mode ou un degré de connaissance de la vérité, pour l'homme, qui, en fait, n'existe point pour lui dans son état actuel. C'est celui qui se présente avec une perfection telle, que, d'une part, il exclurait toute possibilité d'erreur et toute ignorance, impliquant, au contraire, la connaissance parfaite de toute vérité dans l'ordre naturel; et, en même temps que l'intelligence posséderait ainsi toute vérité, toutes les autres facultés qui sont dans l'homme auraient, chacune dans son ordre, la perfection qui doit lui revenir, en harmonie avec cette perfection de la faculté souveraine; le corps lui-même répondrait de tout point à cette même perfection, dans un état de vie où l'homme n'aurait plus rien à acquérir, mais n'aurait plus qu'à jouir, dans une paix inaltérable et à tout jamais, d'un bonheur que rien ne saurait ni troubler, ni interrompre, ni ruiner. C'est l'état de félicité naturelle, au sens plein et parfait et définitif de ce mot. Il est manifeste que dans cet état la perfection intellectuelle de l'être humain ou son état de culture est tout ce qu'il y a de plus excellent dans l'ordre de sa perfection naturelle.

Cet état, nous l'avons dit, n'est point l'état actuel de l'être humain. Mais la seule raison nous dit qu'à tout le moins cet état sera un jour celui de l'être ou de l'individu humain. C'est même cet état que la saine raison proclame la fin dernière de l'individu humain, sa perfection suprême, son bonheur, sa félicité. C'est pour cet état qu'il est fait — à tout le moins ; et c'est en vue de l'acquisition de cet état que l'individu humain, agissant comme tel ou comme agent moral responsable, doit faire tout ce qu'il fait. S'il agit de façon à compromettre ou à ruiner cet état, il agit mal moralement; s'il agit de façon à l'assurer, il agit bien.

Encore est-il qu'il peut agir de façon à l'assurer, de deux manières : l'une, vague, confuse, sans se rendre bien compte de la réalité de cet état et de ce qu'il implique; ou d'une manière de plus en plus consciente de cet état. La première manière peut suffire à l'individu humain au début de sa vie consciente ou de sa vie morale; mais, pour faciliter son action morale, même sous cette forme initiale, surtout pour perfectionner cette action et la rendre chaque jour plus consciente, — il faut que l'intelligence humaine, au moins dans la personne de quelques-uns de ses représentants destinés à perfectionner les autres, se trouve, même dans l'état actuel, avec un degré de perfection ou de culture qui réponde à une telle fin.

De là…

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Message  Louis Dim 11 Mar 2012, 6:16 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

V. LES DEGRÉS DE CULTURE (suite)
De là une raison souveraine de promotion de culture ou de perfection pour l'intelligence humaine, même dans l'état actuel, qui doit primer, en dignité, en excellence, en estime, de la part de tous, toute autre perfection parmi les hommes.

Cette culture ne pourra pas être la même pour tous les individus humains. Tous n'auront pas les mêmes aptitudes, ou les mêmes dispositions, ou les mêmes goûts, ou les mêmes facilités, pour se perfectionner également dans cet ordre. Comme l'individu humain n'est pas fait pour vivre isolé, qu'aucun n'est à même de se suffire pleinement à lui seul, puisqu'à son début il n'a rien et que s'il était seul il cesserait de vivre à peine venu à la vie, — c'est par la variété même de leurs aptitudes, de leurs goûts, de leurs fonctions, de leur état de vie, de leurs dispositions et de leur culture, qu'ils coopéreront tous, à mesure de leur perfectionnement individuel, au perfectionnement de chacun.

De là une variété en quelque sorte infinie dans la culture des individus humains. Si la formation morale, dans ses lignes essentielles, doit être la même pour tous, la formation de culture doit au contraire se diversifier selon chaque individu, ou, à tout le moins, selon des catégories très multiples.

— Tels êtres humains vaqueront toute leur vie aux travaux purement mécaniques ou manuels; et, dans l'ordre même de ces travaux manuels ou mécaniques, les variétés et les diversités se multiplieront à l'indéfini.

— Tels autres vaqueront plus spécialement aux travaux de l'esprit. Mais, ici encore, quelle variété, quelle diversité! Les uns consumeront leur vie dans la recherche purement scientifique; les autres appliqueront toutes les ressources de leur esprit à utiliser, pour le bien-être matériel de la vie, les découvertes de la science. D'autres, plus attirés du côté des formes et des conditions extérieures de la vie de société parmi les hommes, se sentiront portés à tout ce qui peut accroître et parfaire l'agrément do cette vie de société. De là le culte intensif des beaux arts, des belles lettres.

— Enfin, il s’en…

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Message  Louis Dim 11 Mar 2012, 12:15 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

V. LES DEGRÉS DE CULTURE (suite)
— Enfin, il s'en trouvera que captivera l'étude de la sagesse, c'est-à-dire de la plus haute et de la plus parfaite de toutes les sciences.

Lors donc qu'il est question de culture ou formation qui n'est pas strictement ou proprement morale, mais d'ordre plutôt intellectuel, ou manuel, ou littéraire, ou artistique, pour l'être humain, s'il est vrai que cette culture est chose essentielle dans l'ordre pur et simple de l'individu humain, il est vrai aussi que la nature de l'être humain pris dans sa généralité ou son universalité demande qu'on ne réalise point cette culture d'une façon uniforme ou identique pour tous les êtres humains, mais qu'au contraire elle se diversifie ou se gradue en quelque sorte à l'infini.

Mais, quand il s'agira, en pratique, de travailler à la culture ou à la formation de tel être humain en particulier, — et c'est de cela qu'il s'agira, chaque fois qu'il faudra s'appliquer à réaliser cette culture, — où trouver la norme directrice; la règle sûre, le critérium infaillible qui permettra de vaquer à cette culture comme il convient ?

Nous verrons prochainement à qui il peut incomber de veiller à cette culture. Pour le moment, nous essayons de formuler le principe ou la règle d'or qui devra diriger tous ceux, quels qu'ils soient, qui auront à s'en occuper.

Cette règle, mais elle ressort de cela même que nous venons de préciser…

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Message  Louis Lun 12 Mar 2012, 6:59 am

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V. LES DEGRÉS DE CULTURE (suite)
Cette règle, mais elle ressort de cela même que nous venons de préciser. Puisque la culture doit être diverse en raison de la diversité des besoins ou de la diversité des aptitudes et des goûts, parmi les hommes destinés à vivre en société et s'aider mutuellement les uns les autres pour atteindre, chacun, la plus grande somme de perfection dont il est capable, il faudra donc qu'au moment d'entreprendre la culture d'un être humain quelconque, on se préoccupe, avant tout, de ses conditions ou de ses possibilités de vie, si l'on peut ainsi s'exprimer — du point de vue individuel, familial ou social; — et puis, de ses aptitudes, de ses goûts, de ses aspirations.

L'harmonie de ces conditions et de ces dispositions constituera cela même que nous appellerons d'un nom souvent usité, mais non toujours parfaitement compris, et qui est cependant d'une vérité absolue — la vocation !

La vocation! voilà le secret de tout dans la grande question de la formation parfaite de l'individu humain….


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Message  Louis Lun 12 Mar 2012, 12:44 pm

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V. LES DEGRÉS DE CULTURE (suite)
La vocation! voilà le secret de tout dans la grande question de la formation parfaite de l'individu humain.

Tout être humain a sa vocation, sa vocation à lui, personnelle, individuelle. Si lui-même et, avant lui, tous ceux à qui il peut incomber de s'occuper de lui pour l'amener à sa perfection, savent découvrir cette vocation, s'ils savent y correspondre, s'ils la font aboutir selon qu'il convient, la perfection de chaque être humain en particulier, et, par suite, la perfection de tous les êtres humains dans leur ensemble sera idéale, aussi complète qu'il est possible d'y aspirer.

Au contraire, si l'on se trompe sur la vocation d'un être humain, si on l'engage sur une voie qui n'est point la sienne, — outre que sa vie à lui sera une vie tronquée, heurtée, troublée, malheureuse à des degrés divers, selon la nature et l'étendue de l'erreur, la vie même des autres, de tous dans le genre humain, par une répercussion plus ou moins lointaine et profonde, s'en ressentira; et c'est par là qu'il faudra expliquer ensuite tant de malaises, de misères, de désordres, de ruines de toutes sortes, dans les familles et dans les cités.

Quand nous parlons de vocation, pour chaque être humain, de vocation à découvrir, à reconnaître, à favoriser ou à suivre, c'est bien d'une vraie vocation qu'il s'agit; c'est-à-dire d'un appel, d'un appel de Dieu ou de la Providence.

Même dans l'ordre naturel et du seul point de vue de la raison…

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Message  Louis Mar 13 Mar 2012, 6:07 am

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V. LES DEGRÉS DE CULTURE (suite)
Même dans l'ordre naturel et du seul point de vue de la raison, en stricte philosophie, sans qu'il soit besoin d'en appeler à une révélation d'ordre surnaturel, nous devons confesser que l'Auteur de toutes choses, parce qu'il est l'Auteur de toutes choses, et un Auteur agissant par son intelligence et sa volonté libre, — a établi de toute éternité le plan de l'œuvre qu'il devait réaliser au dehors. Il n'est pas un seul être, ni une modalité d'être quelconque, existant dans cette œuvre, qui n'ait été ainsi prévue, préordonnée de toute éternité par Dieu. Combien plus faudra-t-il dire qu'il en est ainsi de tout être humain, en lui-même et dans le cours de sa vie ! C'est par la distribution de ces rôles divers que doit être assuré l'ordre de l'ensemble. — De là ces diversités de conditions et de goûts et d'aptitudes semées par la Providence comme autant de germes pour amener le bien ou la perfection du genre humain.

Pour connaître ce dessein de la Providence, il n'est pas d'autre moyen, — dans le cours normal ou naturel des choses, — que d'étudier les natures elles-mêmes des divers êtres avec toutes les modalités qui les affectent. C'est en les étudiant et en les découvrant, selon que la raison humaine s'exerçant avec prudence pourra le faire, que l'on reconnaîtra la vocation de chaque individu. Une fois cette vocation reconnue, il faudra s'y conformer.

Toutes les vocations — nous dirions, maintenant, toutes les professions — que la vertu approuve doivent être louées, encouragées, favorisées, chacune à sa place. Chacune d'elles, nous l'avons dit, a son utilité, sa nécessité même, en un sens; et aussi sa grandeur, sa beauté, sa noblesse. Elles sont voulues de Dieu. Et c'est dans la mesure où chaque être humain réalise la sienne, telle que Dieu l'a voulue, que le genre humain tout entier aboutit à la perfection qui doit briller en lui.

La vie de chaque être humain devant se dérouler…

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Message  Louis Mar 13 Mar 2012, 1:07 pm

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V. LES DEGRÉS DE CULTURE (suite)
La vie de chaque être humain devant se dérouler dans sa ligne et sa sphère propre, qui sera individuellement distincte de celle de tout autre être humain, — il faudra donc que la culture de chaque être humain se présente avec ses modalités propres et en quelque sorte individuelles. Dès le début, nous l'avons dit, il faudra que tous ceux à qui incombe le soin de cette culture et aussi, à mesure où il aura sa part de correspondance et d'action dans cette culture, l'individu lui-même, se préoccupent d'observer les conditions ou les circonstances et les dispositions ou aptitudes qui commandent ces modalités, afin que l'individu humain s'engage et se perfectionne dans la voie qui est bien la sienne.

On le voit, nous faisons la part très grande à l'individualisme. En un sens, ce sont les conditions de l'individu et son parfait développement, nous dirions son rendement idéal comme perfection de lui-même, qui commandent tout dans l'ordre de l'agir moral humain. C'est pour aboutir à cela que nous exigerons, du point de vue de la raison, toutes les conditions familiales ou sociales et politiques que nous aurons à étudier maintenant.

Mais, d'autre part, et en vue même de son propre bien à lui, l'individu humain ne peut et ne doit se considérer, dans l'économie de sa formation, surtout de sa formation intellectuelle, qu'en fonction du tout dont il n'est qu'une partie — famille, cité, nation, genre humain. C'est en vue du meilleur rendement possible pour la totalité — où, du reste, il aura, lui-même, sa part d'autant plus grande, que le tout sera lui-même meilleur — que nous demandons et que nous voulons, au nom même de la raison, qu'il réalise, dans sa vraie ligne à lui et dans sa sphère propre, individuelle, toute la somme de bien et de perfection qui peut et doit être la sienne.

Or, pour qu'il en soit ainsi…

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Message  Louis Mer 14 Mar 2012, 5:58 am

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V. LES DEGRÉS DE CULTURE (suite)
Or, pour qu'il en soit ainsi, il faudra qu'en même temps qu'on se préoccupera, pour chaque être humain, du côté individuel et personnel et tout à fait propre des dispositions ou des aptitudes et des possibilités de rendement en fait de perfection, — on ait soin de donner à chaque être humain ce que nous appellerons le degré ou le caractère de formation générale en harmonie avec le déploiement de la perfection propre et individuelle. — Il y a une culture générale que chaque être humain, du seul fait qu'il est un être humain, doit avoir, quelle que soit sa modalité propre, quand il sera strictement lui-même. Et parce que, dans le genre humain, il y a encore diverses zones où s'épanouissent, avec le caractère propre à chacune de ces zones, les modalités propres des individus se mouvant dans ces zones, de là comme divers degrés de culture générale qui se distingueront parmi les hommes.

C'est ainsi qu'on aura une formation ou culture d'ordre général, dans la sphère de ce que nous appellerons, selon l'usage convenu, l'enseignement primaire. Ce sont les premiers éléments de formation et de culture, que tout être humain devra normalement recevoir.

— Au-dessus de cette zone, se spécifiant et se limitant du même coup, on aura une autre zone, d'ordre général, elle aussi, et d'autant plus importante qu'elle commandera et alimentera la première. C'est la zone de formation ou de culture, qui sera celle de l'enseignement secondaire. Ce que nous avons déjà dit nous permet de conclure qu'il y aurait une égale erreur ou un égal péril dans l'ordre du bien qui est celui du genre humain, soit à vouloir que tous les êtres humains reçoivent cette culture, soit à prétendre que nul ne doit l'avoir et que la première suffît.

— Mais, pareillement, pour que cette zone soit ce qu'elle doit être, il faut qu'elle-même soit commandée et alimentée par une zone plus haute, d'où partiront, comme de leur première source, tous les principes de formation et de culture. C'est la zone de l'enseignement supérieur.

Qui pourrait ne pas reconnaître la hiérarchie et l'harmonie de cette formation et de cette culture?...

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Message  Louis Mer 14 Mar 2012, 2:32 pm

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V. LES DEGRÉS DE CULTURE (suite)
Qui pourrait ne pas reconnaître la hiérarchie et l'harmonie de cette formation et de cette culture? — Si chaque être humain avait la culture générale de la zone qui correspond à sa faculté, à ses dispositions, à ses aptitudes et à ses goûts; et si, ensuite, dans sa règle propre et individuelle, il donnait tout le plein de perfection dont il est capable et qui le ferait être exactement lui-même selon le sens de la Providence, selon sa vocation, quelle splendeur!

On peut mesurer, à cette simple évocation, l'erreur aujourd'hui si répandue qui voudrait assigner, pour tous les individus humains, un même degré de formation et de culture. Une sorte de nivellement, qui ne serait d'ailleurs point toujours par en haut, mais plutôt par en bas, puisque aussi bien ce qui excelle ou est éminent se trouve, par définition, émerger au-dessus de l'ordinaire, ferait que nul être humain ne devrait s'élever au-dessus des autres par le degré de sa perfection intellectuelle, ou littéraire, ou scientifique, ou artistique, comme si, dans le genre humain, tous les individus qui le composent étaient appelés, par cela même qui constitue leur personnalité ou leur nature individuelle, aux mêmes fonctions, au même genre de vie, au même déploiement d'activité. Il n'est point, on peut le dire, d'erreur théorique et pratique, qui soit plus anti-humaine. Elle est, appelée de son vrai nom, la méconnaissance ou la négation du genre humain.

Du reste, elle est à elle-même sa propre réfutation, car du jour où elle présiderait à la formation de l'être humain, ou bien il ne se trouverait plus un être humain pour vaquer aux travaux manuels indispensables à la vie du corps, ou bien il ne s'en trouverait plus aucun pour vaquer aux travaux de l'esprit, sans lesquels la vie humaine se distinguerait à peine de la vie purement animale.

Combien plus était dans le vrai…


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Message  Louis Jeu 15 Mar 2012, 7:10 am

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V. LES DEGRÉS DE CULTURE (suite)
Combien plus était dans le vrai ce merveilleux génie qui savait découvrir dans la hiérarchie des fonctions parmi les hommes le dernier mot de la sagesse divine en ce qui est du bien de l'être humain, et qui ne craignait point d'affirmer que tout, dans cette hiérarchie, est ordonné au plein et parfait épanouissement de la vie de contemplation, à seule fin que celle-ci, préparée et favorisée par toutes les autres fonctions du corps social, déverse ensuite sur tous les autres le trop-plein de sagesse dont elle déborde.

Contemplata aliis tradere! Cette formule de Thomas d'Aquin résume, à elle seule, même dans l'ordre de la seule raison naturelle, toute l'économie de la culture.
A suivre : VI. LA FAMILLE

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Message  Louis Jeu 15 Mar 2012, 2:18 pm

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VI. LA FAMILLE
Dans notre étude de l'ordre à établir dans l'agir moral de l'être humain, nous avons vu, à la lumière de la saine raison, que l'être humain avait pour règle souveraine et infrangible de son agir moral, le devoir de tout ordonner, dans sa vie, en fonction de l'acte le plus parfait de sa faculté la plus excellente : perfection qu'il ne pouvait d'ailleurs acquérir, à son degré dernier et définitif, dans sort état actuel; mais qu'il devait cependant travailler à réaliser, dès le premier moment de son éveil à la vie consciente, dans la mesure du possible, méritant ainsi d'en recevoir le degré suprême qui comblerait toutes ses aspirations naturelles de bonheur, dans un état ultérieur qui serait pour lui l'état définitif et dernier.

Pour travailler ainsi à réaliser, dès maintenant, sa perfection possible, et mériter de posséder enfin sa perfection définitive, l'individu humain nous est apparu avoir un besoin essentiel de secours extérieur à lui. En venant à la vie, il se trouve, au physique et au moral, dans un dénûment complet. Si quelqu'un n'était là pour s'occuper de lui, pour l'assister, pour subvenir à ses besoins, sa vie cesserait, à peine commencée. Et il faudra qu'on s'occupe de lui dans tous les ordres : dans l'ordre matériel, pour assurer sa subsistance ; dans l'ordre moral, pour veiller aux premières manifestations de ses mouvements affectifs ; dans l'ordre intellectuel, pour éveiller toutes ses facultés de connaître et leur donner, à mesure, l'aliment spirituel qui préparera l'éclosion parfaite de sa personnalité dans l'état de vie qui devra être le sien parmi les hommes.

Ce rôle de vigilance, d'assistance, de formation ou de développement gradué tant physique que moral et intellectuel, pour l'individu humain, à qui appartiendra-t-il?...


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Message  Louis Ven 16 Mar 2012, 7:23 am

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VI. LA FAMILLE (suite)
Ce rôle de vigilance, d'assistance, de formation ou de développement gradué tant physique que moral et intellectuel, pour l'individu humain, à qui appartiendra-t-il? Qui donc aura, au point de vue naturel, le droit et le devoir de s'occuper ainsi de l'individu humain au premier instant de son être ou de sa venue au monde, et, proportionnellement, dans toute la suite de sa vie, selon qu'il pourra encore avoir besoin qu'on s'occupe de lui, qu'on l'aide, qu'on l'assiste?

Poser cette question, c'est ouvrir devant nous le champ immense, quasi infini, de toutes nos études ultérieures. C'est poser, en germe ou en principe, la question de la famille, la question de la cité, la question de la nation, la question de l'État, la question des rapports des nations entre elles et des États entre eux, la question de l'Église, de son magistère, de son ministère, de sa suprématie inviolable, de son bienfait suprême, qui est l'introduction directe, infaillible, de l'individu humain dans cette région de son bonheur futur définitif, que nous avons essayé de préciser à la seule lumière de la raison, mais qui nous apparaîtra, quand l'Église ajoutera ses lumières qui seront celles de la foi, dans un éclat si radieux, si éblouissant, qu'il portera la seule solution pleinement apaisante au problème essentiel de notre fin dernière, de cette fin dernière dont nous avons dit qu'elle doit tout commander dans l'agir moral de l'individu humain. Et nous voyons, par ce dernier mot, combien toutes ces études sont connexes, combien elles se commandent les unes les autres, et l'intérêt souverain qu'il y a, pour tout être humain, à les bien connaître, à les posséder selon qu'il est possible pour lui.

Mais, prenons aujourd'hui ces études passionnantes…

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Message  Louis Ven 16 Mar 2012, 12:04 pm

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VI. LA FAMILLE (suite)
Mais, prenons aujourd'hui ces études passionnantes, an point précis où nous a déjà conduits notre enquête.

La nature même de l'être humain demande, exige de la façon la plus impérieuse, la plus nécessaire, qu'à la venue de l'individu humain en ce monde, et dès le premier instant de son apparition au milieu des autres êtres humains, quelqu'un soit là, qui veille sur lui, qui s'occupe de lui, qui l'assiste, qui pourvoie à ses besoins, besoins absolus et dans tous les ordres : physique, moral, intellectuel, à mesure que l'être humain se déploie dans chacun de ces ordres.

Ce quelqu'un, qui sera-t-il? qui devra-t-il être?

Une mère s'étonnera peut-être que je pose la question; et plus que tout autre, en effet, elle a le droit de s'étonner, sans pourtant être la seule à avoir ce droit; car, à côté de la mère, qui tient dans ses bras, après l'avoir enveloppé de ses premiers langes, ce pauvre petit être humain, si frêle, si fragile, mais si précieux, si grand dans la destinée de son être, et qui le presse sur son sein pour lui donner ce premier aliment qui va commencer à soutenir sa vie et à l'y perfectionner, — je vois, debout, grave et déjà soucieux, au milieu de son bonheur même, celui qui porte au front la couronne de la paternité, et qui, dans la profonde conscience de ses devoirs, mais aussi de ses droits, songe au plein épanouissement de son enfant et ambitionne d'en faire un autre lui-même, qui le continue, qui le dépasse, dans la ligne de ceux que lui-même continue, et qui tous ont voulu honorer, glorifier même, le nom qui leur est commun, qu'ils portent depuis des générations, et qu'il voudrait qui fût porté toujours plus digne d'honneur ou de gloire jusqu'à la fin des générations humaines.

Mais c'est la famille, cela! Et c'est donc la famille, qui doit, la première, s'occuper de l'individu humain. C'est elle qui a les premiers devoirs, les devoirs les plus rigoureux, les plus imprescriptibles, les plus sacrés, en ce qui est de l'enfant. Ce sera donc la famille aussi qui aura les premiers droits, les droits auxquels ne sauraient se substituer ou contre lesquels ne sauraient prévaloir d'autres droits humains ou créés, de quelque nature qu'on les suppose.

Pourtant, cette vérité si essentielle…

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Message  Louis Sam 17 Mar 2012, 7:21 am

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VI. LA FAMILLE (suite)
Pourtant, cette vérité si essentielle, si profondément liée ou inhérente à la nature même des êtres intéressés dans la question qui la pose, cette vérité qui tient aux entrailles mêmes de la maternité et de la paternité, à l'essence de l'être humain selon qu'il vient au monde, — nous savons tous, aujourd'hui, qu'elle a été mise en doute, qu'elle a été attaquée, battue en brèche, niée, et que l'erreur qui s'y oppose a été exaltée au point de devenir une sorte de premier principe dans l'économie politique de la société moderne.

Ils étaient légion, ces dernières années, et ils le sont encore, dans certains milieux, ceux qui revendiquaient ou voudraient revendiquer, pour l'État, au détriment de la famille, un droit primordial, absolu, souverain, de s'occuper de l'enfant ou de l'individu humain dès le premier instant de sa venue au monde. S'il s'agit de sa formation morale ou intellectuelle, ils ne souffrent même pas qu'on pose la question. Elle se résout, pour eux, en évidence. Mais jusqu'en ce qui touche à l'être physique de l'enfant, ils veulent, du moins plusieurs d'entre eux, que le soin de s'en occuper appartienne en premier à l'État; et s'ils ne réprouvent absolument pas que l'État délègue les parents eux-mêmes pour vaquer à ce soin, ils ne cachent pas leur préférence pour le système de formation qui soustrairait l'enfant aux parents, dès le premier instant qui suit celui de sa naissance, pour le confier à des garderies officielles, où des nourrices et des éleveurs de son choix veilleraient à façonner des corps sur le type idéal conçu par lui.

Que de telles prétentions existent, qu'elles aient été formulées, qu'elles aient reçu, à des degrés divers, des commencements d'exécution, l'histoire des nations modernes est là pour en témoigner. Celui dont tous s'accordent à dire qu'il est vraiment le père de l'esprit politique ou social dont vivent les nations modernes, le trop fameux Jean-Jacques, a tracé en termes formels le programme que je viens de résumer en ce moment. On le trouvera tel quel, dans ses écrits. Et non seulement il le formule, mais il essaye même de le justifier aux yeux de la raison par des sophismes captieux, auxquels se sont laissé prendre, en effet, trop souvent, des esprits d'ailleurs sincères et loyaux.

Les arguments qu'il invoque et que les tenants du système répètent…

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Message  Louis Sam 17 Mar 2012, 12:11 pm

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VI. LA FAMILLE (suite)
Les arguments qu'il invoque et que les tenants du système répètent, après lui, se ramènent à une double proposition.

— Premièrement, l'enfant appartient à l'État; et, par suite, l'État a le droit et le devoir de veiller à sa formation physique, intellectuelle et morale.

— Outre ce droit foncier, inaliénable, l'État peut faire valoir encore une raison d’intérêt . Il est, au plus haut point, intéressé à la formation de l'enfant, l'individu humain ; car le bien public dont il a la garde n'est que la résultante , nous le disions nous-même précédemment, des actions individuelles de chacun des membres qui le composent.

Que penser de ces deux raisons? Allons-nous pouvoir les nier? Et, si nous les concédons, faudra-t-il aussi en accepter les conséquences ?

Nous avons ici un exemple, entre bien d'autres, mais d'une gravité exceptionnelle, de l'importance qu'il y a pour le genre humain à posséder des maîtres de doctrine qui soient des maîtres de vérité, sachant discerner le vrai du faux et prévoir, dans son germe, qui est le sophisme, le désastre d'un enseignement destructeur.

On nous dit que l'enfant appartient à l'État; que, par suite, l'État a le droit de veiller à sa formation physique, intellectuelle et morale; — que, de plus, l'État est intéressé au plus haut point à ce que l'enfant soit formé selon qu'il convient au mieux du bien public, son objet propre; et que, par suite encore, il lui faut, sous peine de nuire à son intérêt le plus vital, s'occuper de la formation de cet enfant.

Est-il vrai que l'enfant appartient à l'État?

Est-il vrai que l'État est intéressé à ce que l'enfant soit bien formé?

Assurément. Et qui donc pourrait le nier?

S'ensuit-il que l'État ait le droit de veiller à la formation de l'enfant; qu'il ait le devoir de s'en occuper? Sans doute.

Mais alors…

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Message  Louis Dim 18 Mar 2012, 6:20 am

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Mais alors, concéderons-nous que l'État ait le droit et le devoir de prendre l'enfant, de le confier à des éleveurs ou à des éducateurs de son choix; de s'en occuper selon qu'il lui plaira, et d'en disposer à son gré, au nom de son pouvoir souverain, absolu?

Tout notre être frémit, à cette proposition. Et même si nous ne pouvions nous justifier à nous-mêmes, du point de vue des formules de la raison, notre répulsion instinctive, nous demeurerions convaincus qu'une telle proposition a quelque chose de monstrueux.

Et nous aurions raison.

Tout le sophisme est ici.

On néglige une condition essentielle de l'enfant, celle-là même qui le constitue comme tel. Il est vrai que l'enfant est un individu humain, un être portant en lui une âme douée de facultés qui doivent faire de lui, quand elles s'éveilleront, un agent moral, une unité distincte, ayant sa place dans la cité, dans la nation, avec des droits et des devoirs, où l'État, comme tel, aura nécessairement à intervenir même directement. Et, à ce titre, l'État est intéressé, intéressé au plus haut point, à l'être et à l'avenir de cet enfant. — Mais, si l'enfant est l'individu humain que nous venons de dire, il n'est cet individu humain qu'à l'état d'enfant.

Or, qu'est-ce à dire, cela, sinon que l'individu humain, en lui, selon qu'il relèvera directement de l'État, en raison de ses droits et de ses devoirs, comme agent moral responsable, n'existe pas encore?

— L'enfant, comme tel, n'existe pas, à titre d'unité distincte, formant un tout pour soi, et faisant nombre avec les autres unités qui existent ainsi au regard de l'État, ayant des devoirs envers lui, mais pouvant aussi revendiquer des droits personnels imprescriptibles .

— Comment donc existera-t-il au regard de l'État; et à quel titre, ou sous quelle forme, l'État, qui est intéressé au bien de cet enfant, qui a des droits et des devoirs envers lui, pourra-t-il intervenir à son sujet ou s'occuper de lui?

Mais poser la question, n'est-ce pas la résoudre?...

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Message  Louis Dim 18 Mar 2012, 2:31 pm

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Mais poser la question, n'est-ce pas la résoudre?

L'enfant existera au regard de l'État, comme la nature l'a fait. Et comment la nature l'a-t-elle fait?

Comment cet enfant, dans son être d'enfant, d'individu humain enfant, d'être humain qui n'était pas hier, dans l'État, et qui s'y trouve aujourd'hui, comment y est-il venu?

Comment s'y trouve-t-il?

Est-ce l'État lui-même qui l'a amené?

Est-ce lui qui en est l'auteur?

Est-ce à lui qu'il est remis, confié par la nature ?

N'est-il pas évident que l'enfant n'est lui que par la famille et dans la famille?

C'est par la famille et dans la famille que la nature l'a donné à l'État, — quand l'État existe; — car, absolument parlant, il pourrait ne pas y avoir d'État, et, la famille étant, l'enfant serait. Ce qui nous montre, avec l'éclat aveuglant de l'évidence, que les rapports de l'enfant à l'État ne sont point des rapports directs, mais des rapports indirects.

Et nous avons, dans ces deux mots, toute la clé du sophisme effroyable qui, à des degrés divers, s'est introduit, comme un poison mortel, dans la conception et la formation de l'esprit public moderne, en ce qui est de ses plus hautes sphères, celles qui commandent ensuite à toutes les autres.

On veut que l'État ait des droits à l'égard de l'enfant; et que son intérêt même lui fasse un devoir de les exercer. Et l'on en conclut qu'il peut disposer de l'enfant à son gré; que s'il permet aux parents de s'en occuper, ce n'est que par une sorte de concession ; que les parents n'ont d'autre droit que celui que l'État leur concède ou leur délègue ; et qu'il garde le droit souverain, absolu, d'intervenir, au sujet de cet enfant, comme il lui plaira.

Oui, l'État a des droits et des devoirs à l'égard de l'enfant; mais à l'égard de l'enfant. Et l'enfant n'est tel que par la famille et dans la famille. C'est donc par la famille et dans la famille; — ou, plus exactement, au travers de la famille, que l'État peut et doit s'occuper do l'enfant, s'intéresser à lui.

De droit naturel, nul ne peut atteindre l'enfant, si les parents sont là, que dans les parents et par les parents…

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Message  Louis Lun 19 Mar 2012, 7:03 am

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De droit naturel, nul ne peut atteindre l'enfant, si les parents sont là, que dans les parents et par les parents.

L'enfant est quelque chose du père et de la mère : jusqu'à ce qu'il ait sa personnalité morale ou civique, il rentre, en quelque sorte, dans la personnalité du père et de la mère. Pour avoir prise sur lui, il faut avoir prise sur la personnalité du père et de la mère.

Le père et la mère, dans leur personnalité, ne peuvent être soumis à l'action de l'État, que dans la mesure où ils sont appelés à concourir au bien public. Encore est-il qu'ils ne sont tenus d'y concourir, d'une manière directe, que dans les limites fixées par les lois justes déterminées selon les conditions mêmes de ce bien public. En dehors de ces limites, ils ont la libre disposition d'eux-mêmes; et nul ne peut s'ingérer dans le domaine de leur action privée. — Or, les soins à donner à leur enfant relèvent de ce qu'il y a de plus intime dans ce domaine privé. — C'est à eux qu'il appartient d'y pourvoir, au physique, au moral, et dans l'ordre intellectuel, selon qu'ils le jugent à propos, ou possible et opportun.

L'État n'aurait à intervenir, au sujet de l'enfant, que dans le cas où personne ne s'occuperait de cet enfant. Si les parents de cet enfant n'étaient point là; si, au défaut des parents, aucune œuvre d'assistance n'y pourvoyait; si, par impossible, les parents ou les œuvres d'assistance étaient assez dénaturés pour mettre en péril la vie de cet enfant; — alors, oui, l'État devrait intervenir : — mais, uniquement, comme suppléant ou comme gendarme; — non comme souverain seigneur et maître, qui aurait des droits supérieurs et antérieurs.

On objectera peut-être et l'on a objecté, en effet, que ce principe ou cette règle vaut pour ce qui est de la vie physique de l'enfant ; mais non pour ce qui touche à sa formation intellectuelle ou morale. L'État est trop intéressé à cette formation, et, d'autre part, les parents, trop souvent, restent inférieurs à leur tâche sur ce point, pour ne pas déclarer qu'il faut, sous peine de compromettre gravement le bien public, dont l'État a la charge, reconnaître à ce dernier un droit d'intervention directe dans la formation intellectuelle et morale de l'enfant.

La distinction établie dans une de nos précédentes démonstrations nous permet de répondre à cette objection…

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Message  Louis Lun 19 Mar 2012, 1:06 pm

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La distinction établie dans une de nos précédentes démonstrations nous permet de répondre à cette objection.

Nous reconnaîtrons sans peine que l'État a le droit et même le devoir — comme nous aurons à le proclamer nettement quand nous nous occuperons du bien de la cité — de donner des directives d'ordre général pour ce qui est de la formation intellectuelle et morale des membres qui constituent le corps social auquel il préside ou dont il est la tête. Et, par suite, il peut et doit veiller à ce que, dans la mesure du possible, chaque membre du corps social se conforme à ces directives.

D'autre part, il est bien évident que ces directives seront données en vue des enfants qui sont encore à l'âge d'être formés. Mais pour ce qui est de l'application de ces directives, ce n'est point l'État qui aura à intervenir directement. Toute liberté doit être laissée aux parents de faire cette application selon qu'il leur plaira, à seule charge de justifier leur choix ou leur méthode par le résultat obtenu et qu'il pourra appartenir à l'État de contrôler.

Encore est-il que dans ce contrôle, comme, du reste, aussi, dans les directives données, il faudra s'abstenir, avec le plus grand soin, de pénétrer dans le domaine réservé et inviolable de ce qu'on pourrait appeler le sanctuaire familial.

Si tout ce qui regarde la conscience de l'individu humain et la disposition individuelle de sa vie dans les lignes générales du droit commun est chose qui échappe à toute ingérence d'une autorité humaine quelconque, il en est de même, avec quelque chose de plus sacré encore, pour ce qu'il n'est pas outré d'appeler la conscience familiale et la disposition familiale de la vie de la part du chef de la famille à l'endroit de tous ceux qui constituent cette famille.

La famille, dans sa parfaite vérité, ne se conçoit pas sans un esprit de famille, sans une profession de famille, sans des méthodes de famille. Et le père a le droit, en un sens aussi le devoir de veiller à ce que tout cela se conserve et progresse, dans une ligne strictement traditionnelle, au sein de sa famille. Il a donc le droit et le devoir de veiller à ce que ses enfants soient formés intellectuellement et moralement dans un esprit et selon des principes ou des règles et des méthodes qui seront marqués au coin de la tradition familiale. Si lui et sa famille ont le droit d'être ce qu'ils sont dans telle société, il a le droit de vouloir que ses enfants continuent d'être ce qu'il est lui-même. Encore un coup, le droit est ici inviolable. Il tient à ce que l'être humain a de plus sacré dans sa nature d'être humain telle que la nature l'a faite.
A suivre :
VII. LES CONDITIONS DE LA FAMILLE.
LE MARIAGE


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Message  Louis Mar 20 Mar 2012, 6:22 am

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VII. LES CONDITIONS DE LA FAMILLE.

LE MARIAGE

Au premier instant de son être dans le monde, l'individu humain, qui, par lui-même, n'a rien et a besoin de tout, trouve, autour de lui, dans l'ordre normal des choses humaines, un foyer, préparé par la nature elle-même, où les soins les plus empressés, les plus assidus, les plus tendres, les mieux proportionnés aux besoins qui sont les siens, lui sont prodigués par ceux-là mêmes qui lui ont donné la vie. Il est, du reste, lui-même, la raison de tout dans ce foyer. Si des rapports de l'ordre le plus intime se sont créés entre les deux êtres de choix qui se partagent l'honneur de lui avoir donné le jour, c'était précisément en vue de lui-même et pour qu'il vînt au monde. Et maintenant qu'il est venu au monde, c'est encore lui, ce sont les exigences de sa condition, de son état, de ses besoins dans les divers ordres où sa vie d'être humain aura à se développer, à se perfectionner, qui vont tout expliquer, tout ordonner, tout commander, dans ce foyer dont il occupe le centre.

Nous disions, dans notre précédente étude, que la présence de cet enfant, de cet individu humain enfant, en raison même de l'état qui est le sien, créait à ceux qui lui avaient donné le jour, un devoir sacré, imprescriptible, absolu : le devoir de s'occuper de lui, de pourvoir à ses besoins, de l'amener graduellement à la perfection qui doit être celle de l'être humain. — Ce devoir leur incombe au point que s'ils ne le remplissaient pas, ils seraient dénaturés : ils iraient contre cela même que la nature a mis de plus auguste et de plus saint, en même temps que de plus fort et de plus suave, dans le cœur de l'homme. — Nul n'a le droit ou le devoir de se substituer à eux dans cet office. Si quelqu'un voulait le faire, à leur préjudice, à leur détriment, et sans qu'ils aient été eux-mêmes en défaut, au point de compromettre gravement le bien de l'enfant, ce serait une atteinte au droit naturel en ce qu'il a et doit avoir de plus sacré de plus inviolable.

Ceci posé…

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Message  Louis Mar 20 Mar 2012, 12:12 pm

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VII. LES CONDITIONS DE LA FAMILLE.

LE MARIAGE (suite)

Ceci posé, des conséquences nouvelles, d'une portée immense et d'une actualité douloureuse, se présentent à nous, qu'il est nécessaire de dégager maintenant et de mettre en pleine clarté. Je les grouperai toutes autour d'un mot qu'il suffira de prononcer en ce moment pour évoquer la cause la plus immédiate des misères morales et des ruines sociales dont nous sommes menacés de mourir : le divorce.

Le divorce, par définition, par essence, est la destruction de la famille, du foyer, de ce foyer, au centre duquel nous montrions tout à l'heure, placé par la nature elle-même, l'enfant venu au monde.

Il est de toute évidence, en effet, que par le divorce, l'union, la réunion du père et de la mère, autour de l'enfant, cesse d'exister. Le père et la mère se séparant, l'enfant ne les a plus, ne les aura plus, réunis autour de lui, harmonisant leurs efforts, fusionnant leur action pour promouvoir son bien.

Je n'ai besoin d'aucun autre motif, d'aucune autre raison, — tout autre motif, toute autre raison ne sera plus que d'ordre secondaire — pour condamner, au nom de la raison la plus souveraine, la plus impérieuse, le divorce : il est anti-humain.

Qu'on n'évoque pas surtout des raisons ou des prétextes d'impossibilité de vie ensemble pour les intéressés. Ces impossibilités, quelles qu'elles soient, n'ont pas le droit de compter, devant le droit sacré de l'enfant, de l'individu humain, qu'ils ont appelé à la vie, et que par là même ils se sont engagés à conduire au plein et parfait épanouissement de cette vie, dans l'ordre physique, dans l'ordre moral, dans l'ordre intellectuel, dans l'ordre humain, où se trouve, au point le plus intime, le plus profond, le plus délicat, et sans lequel rien plus, semble-t-il, ne peut compter, le nœud formé par la nature au cœur de l'homme, et qui s'appelle des plus beaux noms qui soient sur cette terre : l'amour paternel, l'amour maternel, la pitié filiale.

Mais, dira-t-on, si la permanence de la vie commune devient, au contraire, un péril pour l'enfant?

Hélas ! tout est possible avec la misère de notre nature. De même qu'il se rencontre des monstres dans l'ordre physique, il peut se rencontrer des cas monstrueux dans l'ordre économique ou familial.

Nous rentrerons, ici, dans le cas, déjà prévu, où l'État peut intervenir pour suppléer au défaut des parents à l'égard de l'enfant : les droits de ce dernier étant imprescriptibles.

Toutefois…

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Message  Louis Mer 21 Mar 2012, 7:09 am

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Toutefois, autre chose sera de prévoir des cas monstrueux d'exception où l'État peut avoir à intervenir; — autre chose de proclamer normal ce qui est contre nature, — comme voudraient le faire ceux qui donnent à l'État sur l'enfant les premiers droits, libérant, du même coup, les parents de tout devoir direct, et leur permettant, par le fait même, de se séparer, en droit, dès le lendemain de la naissance de l'enfant, si tant est même qu'il y ait une nécessité pour eux de vivre ensemble après la rencontre même fortuite qui sera peut-être la cause de la venue de l'enfant au monde.

Si tel était l'ordre naturel, parmi les hommes, il n'y aurait plus aucune raison de s'opposer au divorce et de le condamner au nom de l'enfant. Si, au contraire, la vérité est celle que nous avons précisée, le divorce, érigé en loi, promu pour faciliter la rupture du foyer, au moindre prétexte, devient lui-même une monstruosité : la loi la plus atrocement inhumaine, qui sacrifie l'enfant aux pires intérêts égoïstes de deux êtres dénaturés.

La première condition imposée par la nature, en raison de l'enfant, c'est la permanence du foyer.

Il est vrai que Dieu lui-même avait autrefois permis une infraction à cette loi. Mais l'Évangile nous a dit pourquoi : ad duritiam cordis. — Et il ajoute : au commencement, il n'en fut pas ainsi; Dieu créa un seul homme et une seule femme ; et II les unit l'un à l'autre indissolublement : ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare point.

En apportant ici ce témoignage, il semble que je ne reste plus dans le cadre strictement philosophique ou rationnel qui est le nôtre, dans nos études actuelles. Et il est vrai que soit la parole du Christ dans l'Évangile, soit le texte de l'Ancien Testament cité par Lui relèvent proprement de la révélation surnaturelle.

Toutefois, bien que le mode de proclamation soit d'ordre surnaturel, la vérité dont il s'agit demeure d'ordre naturel. Elle relève de la raison philosophique.

Sans recourir, en effet, au témoignage du livre de la Genèse qui nous montre Dieu, au début, créant un seul homme et une seule femme, pour qu'en effet ils soient, à jamais, leur vie durant, l'un pour l'autre, nous pourrions, à considérer le genre humain, tel qu'il est, conclure que l'intention de la nature est bien, en réalité, que l'homme et la femme soient faits individuellement un pour une, une pour un. N'est-ce pas pour cela que, dans les familles, dans les cités, dans le genre humain, leur nombre est approximativement le même?

Mais, quoi qu'il en soit de cette considération…

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Message  Louis Mer 21 Mar 2012, 1:57 pm

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Mais, quoi qu'il en soit de cette considération, il n'en demeure pas moins que, du point de vue de la raison naturelle, les parents se doivent à l'enfant. Leur condition devra donc être dictée, du point de vue de la raison naturelle, par les nécessités de l'enfant.

D'autre part, l'enfant ne peut atteindre la perfection à laquelle il a droit, que si les parents demeurent unis. Assurément, ce ne sera pas trop du père et de la mère, combinant, harmonisant leurs efforts, pour donner à l'enfant, dans l'ordre physique, dans l'ordre moral, dans l'ordre intellectuel, ou en vue de la culture proportionnée à son état, à ses dispositions, à ses aptitudes, la formation qui doit être la sienne.

Et à supposer qu'après un certain nombre d'années, l'enfant, devenu homme, puisse se suffire, et qu'il vive à son tour d'une vie indépendante, la nature même des soins qui lui auront été donnés, durant la longue période de sa formation, exige qu'il ne rompe pas avec ses parents. S'il le faisait, ce serait, de sa part, une atroce ingratitude. Il doit maintenir avec eux des rapports d'intimité, qui sont bien, qui doivent être toujours, à moins d'infidélité ou de révolte contre ce que la nature a mis de plus sacré dans le cœur des humains, ce qu'il y a de plus doux, de plus suave, de plus indestructible, dans les rapports des hommes entre eux. Mais pour que l'enfant, le jeune homme, l'homme mûr, qui reste toujours avec sa qualité de fils, puisse continuer d'avoir avec ses parents les rapports d'intimité familiale que nous venons de dire, ne faut-il pas que le foyer soit demeuré intact?

J'ose dire qu'il n'est pas, et qu'il ne peut pas être…

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Message  Louis Jeu 22 Mar 2012, 6:12 am

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J'ose dire qu'il n'est pas, et qu'il ne peut pas être, pour le cœur d'un fils, de spectacle plus cruel, plus douloureux, plus déchirant, et même plus démoralisateur, que celui d'une rupture entre ceux qui avaient, à ses yeux, l'auréole de la paternité et de la maternité, surtout d'une rupture définitive, d'une rupture allant jusqu'à établir d'autres foyers, des foyers où lui-même est en partie étranger.

Il y a, dans ce fait, quelque chose de si cruel, qu'on se demande comment un père et une mère ont jamais pu, je ne dirai pas s'y résoudre, mais même le concevoir.

Aussi bien, je ne craindrais pas de formuler cette règle, du seul point de vue de la raison : c'est que l'intérêt de l'enfant, l'amour naturel qu'un père et une mère doivent avoir pour lui, doit l'emporter sur tout ; et tout doit lui être sacrifié de la part du père et de la mère. En agir autrement, et sacrifier l'enfant à des vues ou des satisfactions personnelles, de quelque nature qu'on les suppose, surtout quand elles vont à ruiner le foyer et à détruire la famille, c'est un acte d'un égoïsme effroyable, que rien ne saurait justifier, aux yeux de la saine raison. — Ici, un seul mot convient ; et, encore, il pourrait paraître trop doux : de tels êtres sont des êtres sans cœur : ad duritiam cordis !

La permanence du foyer ! c'est la première condition pour que la famille remplisse son rôle à l'endroit de l'enfant. Mais elle n'est pas la seule. Ce n'est en quelque sorte qu'une condition préalable, une condition qu'on pourrait presque dire négative.

D'autres conditions s'ajoutent à celle-là. Elles sont commandées, précisées, dictées, par la nature même de l'œuvre à réaliser…

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Message  Louis Jeu 22 Mar 2012, 1:03 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

VII. LES CONDITIONS DE LA FAMILLE.

LE MARIAGE (suite)

D'autres conditions s'ajoutent à celle-là. Elles sont commandées, précisées, dictées, par la nature même de l'œuvre à réaliser.

Il s'agit de la formation de l'enfant, de l'individu humain, venu au monde sans rien, et destiné à la perfection dont nous avons essayé de dire l'excellence, mais aussi la difficulté ou la périlleuse grandeur.

Formation physique — formation morale — formation intellectuelle ou de culture proportionnée à l'état, aux possibilités, aux dispositions, aux aptitudes.

Pour cette œuvre immense, le père et la mère devront combiner, harmoniser leurs efforts. Le premier devoir sera celui d'une gestion sage, prudente, économique, au sens plein et parfait de ce mot, de tout ce qui regarde le côté matériel, disons le bien-être ou les conditions de vie physique, dans la famille. La formation physique de l'enfant y est intéressée ; et aussi sa formation intellectuelle ou de culture; sans excepter la formation morale. Tout change, en effet, ou peut changer, dans un intérieur de famille, selon que la gestion des biens de la famille, que ces biens soient considérables, ou qu'ils soient limités, sera ce qu'elle doit être ou ne le sera pas. Que de misères, que de désordres de toute sorte pourra prévenir une sage gestion ; tandis qu'une gestion inconsidérée ou folle amène les pires désastres.

A côté de cette sage gestion matérielle, devra venir, de la part des parents, dans la famille, pour promouvoir le bien de l'enfant, surtout dans l'ordre moral, l'exemple ou la pratique de toutes les vertus. La vie du père et de la mère devrait se présenter continuellement à l'enfant comme l'exemple vivant ou le type parfait à reproduire dans sa propre vie. A mesure que l'enfant s'éveille et grandit, il voit tout, il remarque tout, et, normalement, il se sent porté à imiter tout ce qu'il voit. Si l'exemple est dans le sens du bien, la vertu lui devient en quelque sorte naturelle; si l'exemple est dans le sens du mal, du défaut, du vice, il le reproduira aussi, souvent même en l'exagérant. Quant à vouloir le reprendre et le corriger, si d'abord on lui a donné l'exemple de cela même qu'on lui reproche, il est trop évident qu'on ne fera que l'aigrir, l'endurcir, le révolter intérieurement, et préparer ainsi une nature d'anarchiste.

L'économie des vertus pratiquées et enseignées ou surveillées, telle est donc une des conditions essentielles requises de la part des parents pour le perfectionnement de l'enfant.

Mais nous avons dit aussi qu'il fallait travailler à son perfectionnement intellectuel ou de culture…

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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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