LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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LIVRE SECOND.
De l'Incarnation à la Cène. Nul désaccord entre les quatre Évangélistes
Par Saint Augustin.
CHAPITRE XIX. SERMON SUR LA MONTAGNE.
43. Voyons maintenant si l'Évangéliste saint Matthieu ne semble en rien contredit par les autres, au sujet du long discours que, d'après lui, le Seigneur prononça sur la montagne . Saint Marc n’en dit rien; il n'a même rien rapporté de semblable, si ce n'est quelques maximes éparses dans son récit, et que le Seigneur aura répétées en d'autres lieux. Il nous permet cependant de voir dans le texte de sa narration la place de ce discours et nous laisse conclure que Jésus-Christ l'a prononcé, mais que lui-même a omis de le reproduire. "Jésus, dit-il, prêchait dans leurs synagogues et par toute la Galilée, et il chassait les démons." Dans cette prédication de Jésus par toute la Galilée, se trouve compris aussi le discours qu'il fit sur la montagne, et que rapporte saint Matthieu. Car le même saint Marc continue ainsi : "Or, un lépreux vint à lui ; le suppliant et se jetant à genoux il lui dit : Si vous voulez, vous pouvez me guérit (2) ; et il expose de telle sorte ce qu'il dit ensuite de la guérison de ce lépreux qu'on doit le reconnaître pour le même que saint Matthieu dit avoir été guéri, quand, après le discours dont nous parlons, le Seigneur fut descendu de la montagne.
Voici en effet le texte de saint Matthieu : "Jésus étant descendu de la montagne une grande multitude de peuple le suivit. Et voilà qu'un lépreux, venant à lui, l'adorait en disant : Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir," et le reste (1).
2 Marc, I, 39, 40
1 Matt. VIII 1, 2.
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Gras ajoutés.
À suivre…
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De l'Incarnation à la Cène. Nul désaccord entre les quatre Évangélistes
Par Saint Augustin.
CHAPITRE XIX. SERMON SUR LA MONTAGNE.
44. Saint Luc a parlé aussi de ce lépreux (2), non pas au même endroit, mais suivant l'usage des évangélistes d'exposer certains faits après les avoir d'abord omis, ou d'anticiper le récit de faits postérieurs, selon le mouvement de l'inspiration divine qui les portait à n'écrire qu'ensuite en se le rappelant à la mémoire, ce qui pourtant leur était bien connu : néanmoins le même saint Luc rapporte aussi du divin maître un long discours qui débute comme celui que nous donne saint Matthieu. Car dans ce dernier nous lisons : "Bienheureux les pauvres en esprit, parce que le royaume des cieux est à eux:" et dans l'autre :" Vous êtes bienheureux, pauvres, parce que le royaume des cieux est à vous." Le texte de saint Luc présente ensuite beaucoup d'autres ressemblances, et à la fin du discours la conclusion est toute pareille ; c'est de part et d'autre la comparaison prise de l'homme sage qui bâtit sur la pierre ferme, et de l'insensé qui bâtit sur le sable. Toute la différence est que dans saint Luc, il n'est parlé que du fleuve qui vient se précipiter contre la maison, tandis que le récit de saint Matthieu y joint les vents et la pluie. On pourrait donc très facilement admettre qu'il s'agit d'un seul et même discours dans les deux évangélistes ; que saint Luc a laissé de côté certaines pensées rendues par saint Matthieu ; qu'il en a reproduit d'autres, omises par lui, et qu'il en a aussi présenté plusieurs dont il exprime semblablement tout le sens et toute la vérité, quelle que soit la différence des termes.
2 Luc, V, 12, 13.
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CHAPITRE XIX. SERMON SUR LA MONTAGNE.
45. On pourrait, dis-je, admettre cela très-facilement, si ce n'était que, d'après saint Matthieu, le Seigneur parle assis sur une montagne, et que d'après saint Luc c'est debout et dans une plaine. Cette diversité porte donc à penser que le discours rapporté par l'un, n'est pas le discours rapporté par l'autre . Et pourquoi aussi bien Jésus-Christ n'aurait-il pas répété ailleurs ce qu'il avait déjà dit, ou fait de nouveau certaines choses qu'il avait déjà faites auparavant ? Du reste, entre ces deux discours dont l'un est reproduit par saint Matthieu et l'autre par saint Luc, il n'a pas dû s'écouler beaucoup de temps; car avant et après les deux évangélistes rapportent des choses semblables ou parfaitement identiques ; et l'on peut avec raison penser que leurs récits regardent les mêmes jours et les mêmes lieux.
Voici, en effet, ce que nous lisons dans saint Matthieu: "Et une grande multitude de peuple le suivit de la Galilée, de la Décapote, de Jérusalem, de la Judée, et d'au-delà du Jourdain. Or, voyant cette foule, Jésus gagna le haut d'une montagne; et lorsqu'il s'y fut assis, ses disciples s'approchèrent de lui ; et ouvrant la bouche, il les instruisait en disant. "Bienheureux les pauvres en esprit, parce que le royaume des cieux est à eux," et le reste (1). On peut croire ici que Jésus voulut échapper à la presse de la multitude ; et qu'alors il gagna le haut de la montagne, pour s'éloigner de la foule afin de parler à ses seuls disciples.
C'est ce que semble aussi confirmer la narration de saint Luc. "En ce temps là, dit-il, Jésus alla sur une montagne, pour y prier, et il y passa toute la nuit en prière. Quand le jour fut venu, il appela ses disciples et choisit douze d'entre eux qu'il nomma Apôtres, savoir: Simon auquel il donna le nom de Pierre, André, son frère, Jacques et Jean, Philippe et Barthélemy, Matthieu et Thomas, Jacques fils d'Alphée et Simon appelé le zélé, Jude frère de Jacques et Judas Iscarioth, qui fut le traître. Il descendit ensuite avec eux et s'arrêta dans une plaine où il se vit environné de la troupe de ses disciples et d'une grande multitude de peuple, accouru de toute la Judée, de Jérusalem, du pays maritime de Tyr et de Sidon, pour l'entendre et pour être guéris de leurs maladies. Ceux d'entre eux qui étaient possédés d'esprits impurs étaient aussi guéris. Or tout le peuple tâchait de le toucher, parce qu'il sortait de lui une vertu qui les guérissait tous. Alors levant les yeux sur ses disciples, Jésus dit : Vous êtes bienheureux, pauvres, parce que le royaume des cieux est à vous (2)." On peut donc croire que quand Jésus, sur la montagne, eut choisi parmi tous ses disciples, les douze Apôtres, détail omis par saint Matthieu, il y prononça le discours que cet évangéliste a reproduit et dont saint Luc ne parle pas; qu'ensuite, étant descendu dans la plaine, il fit un autre discours semblable, dont saint Matthieu ne dit rien, mais dont parle saint Luc : et qu'il les termina tous deux de la même manière.
1 Matt. IV, 26; VII, 29.
2 Luc, VI, 12-49.
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À suivre…
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46. Nous lisons dans le texte de saint Matthieu immédiatement après le discours du Seigneur : "Jésus ayant achevé de parler, la foule était dans l'admiration de sa doctrine ;" ceci peut-être rapporté à la foule des disciples parmi lesquels avaient été choisis les douze Apôtres. Le même Évangéliste dit un peu plus loin : "Lorsqu'il fut descendu de la montagne, une grande multitude de peuple le suivit ; et voilà qu'un lépreux venant à lui l'adorait."
Nous pouvons entendre cela comme ayant eu lieu non-seulement après le discours que lui-même rapporte, mais après l'autre que reproduit le texte de saint Luc. Car on ne voit rien qui fasse connaître quel espace de temps s'écoula entre la descente de la montagne et le fait relatif au lépreux ; et sans rien insinuer à cet égard, saint Matthieu a voulu marquer seulement, qu'après être descendu de la montagne le Seigneur était accompagné d'une grande foule de peuple lorsqu'il guérit le lépreux. Ceci est d'autant mieux fondé que, suivant saint Luc, Jésus était déjà dans la ville quand il opéra cette guérison ; circonstance que saint Matthieu ne relève pas.
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Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE XIX. SERMON SUR LA MONTAGNE.
47. Cependant on pourrait admettre encore que d'abord le Seigneur était seul avec ses disciples sur la partie la plus élevée de la montagne, quand parmi eux il choisit les douze Apôtres; qu'ensuite il descendit, non jusqu'au bas, mais dans un lieu qui est spacieux, c'est-à-dire une espèce de plaine qui se trouvait au flanc de cette montagne et qui pouvait contenir une foule nombreuse; qu'il s'arrêta là, y resta debout attendant que la multitude fût rassemblée autour de lui ; qu'enfin s'étant assis et les disciples s'étant approchés, il leur fit à eux et à toute la foule un seul et même discours: discours que saint Matthieu et saint Luc auront rapporté, non de la même manière, mais sans varier pour le fond des choses et des pensées reproduites par tous deux. Car déjà nous avons averti et, en dehors même de tout avertissement, chacun doit voir, qu'il n'y a pas d'opposition entre deux évangélistes dont l'un omet de dire ce que dit l'autre ; qu'il n'y en a pas davantage si les expressions sont différentes, du moment que les mêmes choses et les mêmes pensées s'y retrouvent. De sorte donc que quand saint Matthieu dit : "Jésus étant descendu de la montagne ;" il est permis d'entendre qu'il s'agit en même temps de la plaine, qui a pu s'étendre sur le flanc de cette montagne. Vient encore l'histoire du lépreux guéri, que rapportent également saint Matthieu, saint Marc et saint Luc.
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Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE XX. LE SERVITEUR DU CENTURION.
48. Saint Matthieu poursuit ainsi : "Lorsqu'il fut entré dans la ville de Capharnaüm, un centurion s'approcha de lui et lui fit cette prière: Seigneur, mon serviteur gît paralytique dans ma maison et il souffre extrêmement;" et le reste jusqu'à l'endroit où nous lisons: "Et à l'heure même son serviteur fut guéri (1)." Saint Luc de son côté rapporte cet événement, relatif au serviteur du centurion, non, comme saint Matthieu, après avoir parlé de la guérison du lépreux dont il fait plus tard le récit, mais immédiatement après l'exposition du long discours sur la montagne. "Jésus, dit-il, ayant achevé de faire entendre toutes ces paroles aux oreilles du peuple, entra dans Capharnaüm. Or, il y avait là un Centurion dont le serviteur qui lui était cher était fort malade et près de mourir," et le reste, jusqu'à l'endroit où nous voyons ce serviteur guéri (2). Entendons ici qu'à la vérité Jésus entra dans la ville de Capharnaüm après avoir achevé d'adresser au peuple toutes ses paroles, c'est-à-dire qu'il n'y entra pas avant d'avoir fini de parler; mais que l'Évangéliste ne marque point l'intervalle de temps compris entre le discours du Seigneur et son entrée à Capharnaüm. Dans cet intervalle fut guéri le lépreux dont saint Matthieu fait l'histoire en son lieu, et que saint Luc rappelle plus tard.
1 Matt. VIII. 6-13.
2 Luc. VII 1-10.
gras ajoutés.
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CHAPITRE XX. LE SERVITEUR DU CENTURION.
49. Voyons actuellement si les deux évangélistes sont d'accord entre eux au sujet de ce serviteur du Centurion. Voici comme parle saint Matthieu : "Un centurion s'approcha de lui, le priant et disant : Mon serviteur gît paralytique dans ma maison." Or saint Luc paraît le contredire : "Ce centurion, dit-il, ayant entendu parler de Jésus, lui envoya des anciens d'entre les Juifs pour le prier de venir guérir son serviteur. Étant donc venus trouver Jésus, "ces anciens le suppliaient instamment et lui disaient: Il mérite que vous fassiez cela pour lui. Il aime en effet notre nation, et il nous a même bâti une synagogue." Jésus s'en alla donc avec eux, et comme il n'était plus loin de la maison, le Centurion envoya de ses amis pour lui dire de sa part : Seigneur, ne vous donnez point tant de peine, car je ne suis pas digne que vous entriez chez moi. C'est pourquoi je ne me suis pas jugé digne d'aller vous trouver; "mais dites seulement une parole et mon serviteur sera guéri." Si la chose a eu lieu de cette sorte, où est la vérité dans ces mots de saint Matthieu : "Un centurion s'approcha de lui," puisqu'il ne vint pas lui-même le trouver, mais lui envoya ses amis ?
Ne faut-il pas qu'une observation attentive nous fasse comprendre que saint Matthieu a employé ici une figure de langage assez habituelle ? Car, non-seulement nous disons de quelqu'un qu'il s'approche, avant même qu'il arrive près de l'objet dont il est dit s'approcher; et de là les expressions: il s'approche peu, ou , il s'approche beaucoup du but qu'il veut atteindre : mais de plus, nous disons ordinairement qu'on est parvenu près de quelqu'un, (et l'on ne s'approche que pour parvenir,) bien qu'on ne le voie pas soi-même, quand on arrive, par l'intermédiaire d'un ami, près de quelqu'un dont on recherche la faveur. Cette forme de langage a tellement prévalu, que l'on dit vulgairement d'un homme, qu'il est parvenu jusqu'à certains personnages puissants, quand avec les manœuvres de l'ambition et au moyen de ceux qui les entourent, il a pu agir sur leur esprit, dont l'accès lui était en quelque sorte fermé.
Si donc nous disons communément qu'on parvient soi-même, quand on parvient par autrui; à combien plus forte raison peut-on s'approcher par d'autres, puisque d'ordinaire on n'avance pas autant en s'approchant qu'en parvenant ; car il est possible qu'on s'approche beaucoup, sans toutefois parvenir. Le centurion s'étant donc approché du Seigneur, par l'intermédiaire des anciens, saint Matthieu a pu dire pour abréger: "Un centurion s'approcha de lui." C'est une façon de parler que tout le monde est capable d'entendre.
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Gras ajoutés.
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CHAPITRE XX. LE SERVITEUR DU CENTURION.
50. Il ne faut pas du reste négliger de considérer la vérité profonde que révèle dans le sens mystique le langage du saint Évangéliste et qu'expriment ces paroles d'un Psaume : "Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés (1)." Aussi bien, la foi du centurion ayant été l'objet de ce magnifique éloge du Sauveur : "JE N'AI POINT TROUVÉ UNE SI GRANDE FOI DANS ISRAËL ;" l'Évangéliste a voulu dire qu'à raison de cette vertu qui nous approche véritablement de Jésus, le centurion s'était plutôt lui-même approché de lui que ceux qu'il avait chargés de lui présenter sa requête. Quant à saint Luc, s'il a expliqué comment tout s'est passé, c'est pour nous faire comprendre dans quel sens saint Matthieu, également infaillible, a dit que le centurion s'était approché de Jésus. C'est ainsi qu'en touchant seulement la frange du vêtement du Sauveur, l'hémorroïsse le toucha mieux que la foule dont il était pressé (1). De même donc qu'elle toucha d'autant plus le Seigneur qu'elle avait plus de foi en lui, ainsi le centurion s'approcha d'autant plus de Lui que sa foi fut plus vive. A quoi bon maintenant discuter les particularités que l'un des évangélistes relève et que l'autre néglige dans ce passage, puisque selon la règle établie précédemment, on n'y trouve aucune opposition entre les deux récits ?
1 Ps. XXXIII, 6.
1 Luc, VIII, 42-48
Gras ajoutés.
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CHAPITRE XXI. GUÉRISON DE LA BELLE-MÈRE DE PIERRE.
51. Saint Matthieu continue ainsi : "Jésus étant venu dans la maison de Pierre, vit sa belle-mère gisante et travaillée de la fièvre ; il lui toucha la main et la fièvre la quitta ; puis se levant elle se mit à les servir (2)." Saint Mathieu n'indique pas en quel temps, c'est-à-dire, après quoi ni avant quoi ce fait eut lieu. Car de ce qu'une chose soit racontée à la suite d'une autre, on n'est pas obligé de conclure qu'elle s'est accomplie immédiatement après . On voit bien cependant qu'ici l'Évangéliste rappelle une œuvre qu'il a omis de mentionner plus haut.
Car saint Marc raconte le même fait (3), avant de rapporter la guérison du lépreux, qui dans son Évangile semble venir après le discours du Seigneur sur la montagne, quoiqu'il n'ait point parlé de ce discours. Aussi saint Luc parle de la belle-mère de Pierre, après avoir rapporté le même fait que saint Marc (4), et avant d'arriver à ce long discours qu'il a reproduit, et dans lequel il est permis de voir celui qui, selon saint Matthieu, fut prononcé sur la montagne. Mais qu'importe à un fait d'être relaté soit à sa place naturelle, soit avant soit après qu'il a été accompli, pourvu que l'historien ne soit en contradiction ni avec lui-même ni avec un autre, qu'il s'agisse du même fait ou de faits différents ? Il n'est au pouvoir de personne de fixer toujours l'ordre de ses souvenirs à l'égard même de ce qu'il connait le mieux; car une chose ne revient pas plus tôt ou plus tard à l'esprit selon la volonté de l'homme, mais suivant l'inspiration qu'il reçoit. Il est donc assez probable que chacun des évangélistes a cru devoir écrire les faits à mesure qu'il plaisait à Dieu de les lui remettre en mémoire; ce qu'il faut entendre uniquement des faits dont l'ordre, quel qu'il soit, ne nuit en rien à l'autorité ni à la vérité de l'Évangile.
2 Matt. VIII,14-15.
3 Marc, I, 29-31.
4 Luc, V, 38-39.
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À suivre…
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CHAPITRE XXI. GUÉRISON DE LA BELLE-MÈRE DE PIERRE.
52. Pourquoi l'Esprit-Saint, qui distribue à chacun ses dons comme il veut (1), qui par conséquent et sans aucun doute, gouverne et dirige aussi l'intelligence et les souvenirs des auteurs sacrés dans la rédaction de Livres destinés à jouir d'une si haute autorité, a-t-il permis que l'un ordonnât son récit de telle manière et l'autre de telle autre ? Quiconque en recherchera la raison avec attention et piété, pourra la trouver moyennant l'aide de Dieu. Cette question cependant est étrangère au plan d'un ouvrage où nous nous proposons seulement de montrer que chaque évangéliste n'est en contradiction ni avec lui-même ni avec les autres, quel que soit l'ordre que chacun ait pu ou voulu suivre en rapportant les mêmes actes et les mêmes paroles, ou des paroles et des actes différents. Ainsi donc, quand la suite des temps n'est point marquée, nous ne devons pas nous préoccuper de l'ordre suivant lequel un évangéliste a disposé son récit: dans le cas contraire, si quelque chose parait le mettre en opposition avec lui-même ou avec un autre, alors il faut examiner et résoudre la difficulté.
1 I Cor. XII, 11
À suivre…
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CHAPITRE XXII. AUTRES GUÉRISONS.
53. Saint Matthieu poursuit en ces termes: "Or, le soir étant venu, on lui présenta plusieurs possédés, et d'une parole il chassait les démons ; et il guérit tous ceux qui étaient malades ; de sorte que s'accomplit cet oracle du prophète : Isaïe : Lui-même a pris nos infirmités et il s'est chargé de nos langueurs (2)." Quand il dit : "Le soir étant venu," l'évangéliste montre assez clairement que les choses dont il parle ont eu lieu le même jour que la guérison dont il vient de parler. Saint Marc également, après avoir dit de la belle-mère de Pierre, guérie par le Sauveur, "qu'elle se mit à les servir", continué ainsi : Le soir venu, lorsque le soleil fut couché, on lui amena tous les malades et tous les possédés ; "et toute la ville était assemblée à la porte ; et il guérit beaucoup de malades affligés de diverses infirmités, et il chassait beaucoup de démons mais il ne leur permettait pas de parler, parce qu'ils le connaissaient. Et s'étant levé de grand matin, il sortit et s'en alla dans un lieu désert (1)" . Comme après avoir dit: "Le soir venu," il ajoute : "Et s'étant levé de grand matin," saint Marc parait avoir en cet endroit gardé l'ordre chronologique.
Sans doute il n'est pas nécessaire, lorsqu'il est parlé du soir, d'entendre le soir du même jour ; ni, lorsqu'il est parlé du matin, d'entendre le matin de la même nuit : cependant l'ordre chronologique peut avoir été conservé ici, puisque l'évangéliste a soin de le marquer. Saint Luc de son côté, après avoir écrit ce qui regarde la belle-mère de Pierre ne dit pas : "Le soir venu;" mais, ce qui exprime la même idée : "Quand le soleil fut couché, tous ceux qui avaient des malades atteints de diverses infirmités, les lui amenèrent, et imposant les mains sur chacun de ces malades, il les guérissait. Les démons sortaient aussi de plusieurs, criant et disant : Vous êtes le Fils de Dieu. Mais il les menaçait et, les empêchait de dire qu'ils le reconnaissaient pour le Christ. Lorsque le jour fut venu, il sortit et s'en alla dans un lieu désert (2)." L'ordre des temps est présenté tout-à-fait de la même manière que dans saint Marc.
Quant à saint Matthieu, qui semble avoir raconté la guérison de la belle-mère de Pierre, non dans l'ordre où le fait a eu lieu, mais suivant l'ordre de ses souvenirs et comme une chose d'abord oubliée ; après le récit des événements qui ont encore signalé le soir du même jour, il ne parle pas du matin suivant, mais sa narration continue ainsi : "Jésus se voyant environné d'une grande multitude de peuple, commanda de passer à l'autre bord du lac." Ce n'est plus ce que nous offrent après les mêmes détails le texte de saint Luc et celui de saint Marc, où est exprimée cette succession du soir et du matin. Quand donc saint Matthieu dit : "Jésus se voyant entouré d'une grande multitude de peuple, commanda de passer à l'autre bord du lac;" nous devons entendre que c'est encore un autre fait dont le souvenir lui revient et qui s'est accompli un jour quelconque.
2 Matt. VIII, 16-18.
1 Marc, I, 31-35.
2 Luc, IV, 40-42.
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CHAPITRE XXIII. JE VOUS SUIVRAI PARTOUT OÙ VOUS IREZ.
54. On lit ensuite dans saint Matthieu : "Or, un docteur de la loi s'étant approché, lui dit : Maître, je vous suivrai en quelque lieu que vous alliez;" et le reste, jusqu'à la réponse du Seigneur: "LAISSE LES MORTS ENSEVELIR LEURS MORTS (1)." C'est ce que raconte également saint Luc ; toutefois, après beaucoup d'autres détails et, sans exprimer l'ordre des temps, mais à la manière d'un homme qui suit la marche de ses souvenirs, et sans qu'on voie s'il reprend ce qu'il avait d'abord omis , ou s'il expose d'avance un événement postérieur à ceux qu'il rapporte ensuite . Voici comme il parle : "Tandis qu'ils marchaient sur le chemin, un homme dit à Jésus : Je vous suivrai partout ou vous irez." La réponse du Seigneur à cet homme est tout-à-fait la même que dans saint Matthieu. Il est vrai que selon celui-ci la chose arrive quand Jésus vient de dire qu'il faut passer à l'autre bord du lac ; et que d'après saint Luc c'est quand Jésus et ses disciples marchent sur le chemin. Mais il n'y a pas de contradiction ; car il fallut marcher sans doute pour venir au lac.
De même, à l'égard de celui qui demande la permission d'aller d'abord ensevelir son père, les deux évangélistes s'accordent parfaitement. Qu'importe en effet, pour le sens, que saint Matthieu place la demande de cet homme avant ces paroles de Jésus . "Suis-moi;" et que saint Luc nous fasse lire les mêmes paroles du Sauveur : "Suis-moi;" avant cette même demande ? Au rapport de saint Luc un autre vient encore dire à Jésus : "Seigneur, je vous suivrai ; mais permettez-moi d'aller auparavant renoncer à ce qui est dans ma maison." Saint Matthieu n'en parle pas . Dès lors saint Luc passe à autre chose que ce qui viendrait selon l'ordre du temps. "Après cela, dit-il, le Seigneur choisit encore soixante-douze nouveaux disciples (2)." Il déclare que c'est après cela: mais il n'indique pas le temps qui s'est écoulé jusqu'à l'élection dont il s'agit. Durant l'intervalle cependant ont eu lieu les faits que rapporte ensuite saint Matthieu. Car cet évangéliste, qui continue ici sa narration suivant l'ordre des temps, ajoute :
1 Matt . VIII, 19-22.
2 Luc, IX, 67; X, 1.
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CHAPITRE XXIV. TEMPÊTE APAISÉE. — DÉMONIAQUES DÉLIVRÉS .
55. "Jésus entra dans la barque, suivi de ses disciples. Et aussitôt s'éleva sur la mer une grande tempête;" et le reste, jusqu'à l'endroit où il est dit que "Jésus repassa le lac et vint dans sa ville." Les deux faits que saint Matthieu raconte à la suite l'un de l'autre, le miracle de la tempête apaisée tout-à-coup sur l'ordre de Jésus éveillé par les disciples, et la délivrance de ces hommes que; possédait un démon cruel, qui brisaient leurs liens et fuyaient au désert, se trouvent racontés semblablement dans saint Marc et dans saint Luc (1). Quelques pensées sont rendues en termes différents, mais elles ne laissent pas d'être les mêmes. Ainsi quand saint Matthieu rapporte que le Seigneur dit aux disciples : "Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ?" nous lisons dans saint Luc : "Où est votre foi ?" et dans saint Marc : "Pourquoi craignez-vous ? n'avez-vous pas encore la foi ?" cette foi parfaite, semblable au grain de sénevé ? C'est une autre manière de dire : "Hommes de peu de foi." Du reste le Seigneur put bien prononcer toutes ces paroles : "Pourquoi craignez-vous ? Où est votre foi ? Hommes de peu de foi;" et alors chacun des trois évangélistes en rapporte ce que nous voyons dans son récit. Quant aux disciples qui éveillaient le divin Maître, saint Matthieu les fait ainsi parler : "Seigneur, sauvez-nous ; nous périssions;" et saint Marc : "Maître, n'avez-vous point souci que nous périssions ? » et saint Luc : "Maître , nous périssons." C'est encore ici une seule et même pensée ; c'est le cri d'hommes qui éveillent le Seigneur et qui veulent être sauvés.
Il est inutile de rechercher quelle leçon doit être préférée comme reproduction littérale da langage des disciples. Que ce soit en effet l'une ou l'autre , ou bien que ce ne soit ni l'une ni l'autre , mais des paroles équivalentes pour le sens et qu'aucun évangéliste n'a citées , cela peut-il nuire à la vérité des récits ? D'ailleurs il est encore permis de supposer que , venant tous ensemble éveiller Jésus , les uns lui dirent : "Seigneur, sauvez-nous , nous périssons," d'autres : "N'avez-vous point souci que nous périssions ?" d'autres enfin : "Maître, nous périssons." Que saint Matthieu leur fasse dire ensuite, quand la tempête fut apaisée: "Quel est celui-ci, puisque les vents et la mer lui obéissent ?" et saint Marc : "Qui, pensez-vous, est celui-ci, puisque les vents et la mer lui obéissent? " et saint Luc : "Qui, pensez-vous, est celui-ci, qui commande aux vents et à la mer et qui s'en fait obéir? " tout le monde ne voit-il pas dans les trois textes un seul et même sens? "Qui, pensez-vous, est celui-ci" et "quel est celui-ci," sont des exclamations tout-à-fait semblables; et si l'idée de commandement n'est pas formellement exprimée dans saint Matthieu ni dans saint Marc, elle se révèle par une conséquence nécessaire; car obéir c'est exécuter un commandement.
1 Matt. VIII, 23-34; Marc, IV, 36; V, 17; Luc, VIII, 23-37.
Gras ajoutés.
À suivre…
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Re: LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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LIVRE SECOND.
De l'Incarnation à la Cène. Nul désaccord entre les quatre Évangélistes
Par Saint Augustin.
CHAPITRE XXIV. TEMPÊTE APAISÉE. — DÉMONIAQUES DÉLIVRÉS .
56. Mais d'après saint Matthieu il y avait deux hommes possédés de cette légion infernale à laquelle il fut permis d'entrer dans les pourceaux; tandis que saint Marc et saint Luc ne parlent que d'un seul. Comprenons que l'un des deux était un personnage plus fameux et plus renommé, dont le pays déplorait extrêmement le malheur, et au salut duquel chacun s'intéressait beaucoup. Pour faire connaître cette circonstance saint Marc et saint Luc auront jugé à propos de ne faire mention que de celui des deux malades dont on parlait davantage et bien plus au soin . Si les paroles des démons se trouvent encore diversement rapportées par les évangélistes, il n'y a pas non plus matière à difficulté, car elles peuvent être dans chaque récit ramenées au même sens ; il est même permis d'admettre que toutes ont été prononcées. Il ne faut pas se préoccuper de ce que, d'après saint Matthieu, le possédé parle au pluriel, et au singulier d'après saint Marc et saint Luc . Car ces derniers nous disent eux-mêmes qu'interrogé par le Sauveur il déclara s'appeler légion, parce qu'il y avait avec lui un grand nombre de démons. Enfin si saint Marc dit que les pourceaux paissaient aux environs de la montagne, et saint Luc sur la montagne, il n'y a pas non plus contradiction. Le troupeau était considérable ; au rapport de saint Marc, il comprenait jusqu'à deux mille pourceaux. Une partie alors était sur la montagne et une autre dans la plaine environnante.
Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE XXV. PARALYTIQUE GUÉRI.
57. On lit donc ensuite dans saint Matthieu, qui en cet endroit continue à garder l'ordre des temps : "Jésus montant sur une barque repassa le lac et vint dans sa cité. Et voilà qu'on lui présenta un paralytique," et le reste, jusqu'à ces mots. "Or le peuple, témoin du fait, fut rempli de crainte et rendit gloire à Dieu de ce qu'il avait donné unetelle puissance aux hommes (1)." Saint Marc et saint Luc ont également raconté l'histoire de ce paralytique. Si le Seigneur, d'après saint Matthieu, dit: "Aie confiance, mon fils, tes péchés te sont remis," et si d'après saint Luc, au lieu de dire : "mon fils," il dit "ô homme," c'est pour faire mieux ressortir sa pensée, car c'était à l'homme qu'il remettait les péchés, et cet homme ne pouvait dire comme homme: Je n'ai point péché; c'était aussi pour faire entendre que celui qui remettait les péchés à cet homme était Dieu même. Saint Marc a écrit comme saint Matthieu: "Mon fils, tes péchés te sont remis;" mais on ne trouve pas dans son récit : "Aie confiance." Il se peut encore que le Seigneur ait dit en même temps Aie confiance, ô homme ; tes péchés te sont remis, mon fils ; ou bien : Aie confiance, mon fils ; tes péchés te sont remis, ô homme ; ou enfin que ses paroles se soient suivies autrement.
1 Matt. IX, 1-8.
À suivre…
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CHAPITRE XXV. PARALYTIQUE GUÉRI.
58. Mais voici certainement matière à une difficulté . Au sujet du paralytique, nous lisons dans saint Matthieu : "Jésus montant sur une barque repassa le lac et vint dans sa cité. Et voilà qu'on lui présenta un paralytique couché sur un lit." Si par la cité de Jésus on doit entendre Nazareth, d'après saint Marc, cependant, le fait dont il s'agit eut lieu à Capharnaüm. "Après quelques jours, dit-il, Jésus revint à Capharnaüm ; et quand on eut appris qu'il était dans la maison, il s'y assembla une telle quantité de monde, que l’espace même en dehors de la porte ne pouvait contenir la multitude, et il leur prêchait la parole de Dieu. Alors on vint lui amener un paralytique qui était porté par quatre hommes. Et comme ils ne pouvaient le lui présenter à cause de la foule, ils découvrirent le toit à l'endroit où il était; et par l'ouverture ils descendirent le lit sur lequel le paralytique était couché. Or Jésus, voyant leur foi," etc. (2).
Saint Luc ne parle pas du lieu de l'événement : "Un jour, dit-il , comme Jésus était assis pour enseigner, étaient assis aussi des Pharisiens et des docteurs de la loi , venus de tous les villages de la Galilée et de la Judée ainsi que de la ville de Jérusalem et la vertu du Seigneur agissait pour la guérison des malades. En ce même temps quelques personnes, portant sur un lit un homme qui était paralytique, tâchaient de le faire entrer et de le déposer devant lui. Mais ne trouvant point de passage à cause de la foule du peuple, ils montèrent sur le toit et le descendirent par les tuiles au milieu de l'assemblée devant Jésus; qui, voyant leur foi dit : O homme, tes péchés te sont remis (1)."
Reste donc à voir comment on peut concilier saint Marc et saint Matthieu ; puisque saint Matthieu dit que le fait se passa dans la cité de Jésus et que d'après saint Marc ce fut à Capharnaüm. La difficulté serait autrement grave si saint Matthieu avait nommé Nazareth. Mais il a bien pu appeler cité de Jésus la Galilée elle-même où Nazareth était située. En effet, on appelle cité Romaine tout l'empire, qui comprend tant de villes. De plus, un prophète donne le nom de cité à l'Eglise répandue par toutes les nations , quand il dit : "On a publié de toi des choses admirables, cité de Dieu (2)." L'Ecriture même nomme maison d'Israël le premier peuple de Dieu, qui habitait cependant un si grand nombre de villes (3). Ne voit-on pas alors que ce fut dans sa cité même que Jésus opéra le miracle dont il s’agit, quand il l'opéra à Capharnaüm ville de Galilée, où il était revenu du pays des Géraséniens lorsqu'il repassa le lac ? Quelle que fût la ville de son séjour en Galilée, on pouvait justement dire qu'il était dans sa cité ; à plus forte raison quand il se trouvait à Capharnaüm, qui dominait les autres villes de la province au point d'en être comme la métropole. Si cependant rien n'autorisait à prendre pour la cité de Jésus-Christ, soit la Galilée elle-même, où était située Nazareth, soit la ville de Capharnaüm, qui était comme la capitale des villes de Galilée; nous dirions que saint Matthieu a omis le récit de ce qui se passa depuis le retour de Jésus dans sa cité jusqu'à son arrivée à Capharnaüm, et qu'il a rapporté aussitôt la guérison du paralytique ; comme font souvent les évangélistes qui négligent , sans en avertir , certains faits intermédiaires , et semblent laisser croire que les autres ont suivi immédiatement.
2 Marc, II, 1-I2.
1 Luc, V,17-26.
2 Ps. LXXXVI, 3.
3 Is. V, 7 ; Jér. III, 20; Ezéch. III, 4.
Gras ajoutés.
À suivre…
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De l'Incarnation à la Cène. Nul désaccord entre les quatre Évangélistes
Par Saint Augustin.
CHAPITRE XXVI. VOCATION DE SAINT MATTHIEU.
59. Saint Matthieu continue ainsi : "Jésus sortant de là vit un homme nommé Matthieu, qui était assis au bureau des impôts, et il lui dit : Suis-moi. Aussitôt il se leva et le suivit (1)." Saint Marc gardant le même ordre raconte aussi ce fait après la guérison du paralytique : "Jésus, dit-il, étant sorti pour aller du côté de la mer, tout le peuple venait à lui ; et il les instruisait. Et lorsqu'il passait, il vit Lévi, fils d'Alphée, assis au bureau des impôts et il lui dit : Suis-moi. Cet homme se leva aussitôt et le suivit (2)." Point contradictoire; le même homme s'appelle à la fois Matthieu et Lévi. C'est encore après la guérison du paralytique que saint Luc expose le même fait : "Après cela," dit-il, "Jésus sortit et voyant un publicain nommé Lévi assis au bureau des impôts, il lui dit Suis-moi. Et quittant tout Lévi se leva et le suivit (3)." Ce qui porte à croire que saint Matthieu rapporte ce fait comme un fait omis précédemment, c'est qu'on doit regarder sa vocation comme antérieure au discours prononcé sur la montagne. Car au dire de saint Luc, les douze que Jésus avait choisis dans le nombre de ses disciples et qu'il avait appelés Apôtres, se trouvaient tous avec lui sur cette montagne (4).
1 Matt. IX, 9.
2 Marc, II, 13, 14.
3 Luc, V, 27, 28.
4 Luc. VI, 13.
Gras ajoutés.
À suivre…
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Par Saint Augustin.
CHAPITRE XXVII. FESTIN DONNÉ PAR SAINT MATTHIEU.
60. Saint Matthieu poursuit ainsi : "Or il arriva que Jésus étant à table dans la maison, beaucoup de publicains et de gens de mauvaise vie vinrent s'y asseoir avec lui et avec ses disciples," etc, jusqu'à l'endroit où nous lisons : "Mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et tous deux se conservent (5)," Ici l'évangéliste ne dit pas dans la maison de qui Jésus mangeait avec des publicains et des pécheurs. On pourrait croire alors que son récit ne présente pas ce fait dans l'ordre chronologique et qu'il s'agit d'un fait arrivé dans un autre temps et dont le souvenir lui revient. Mais saint Marc et saint Luc, qui le racontent absolument de même, déclarent que Jésus était à table chez Lévi ou Matthieu, le nouveau disciple, et que là fut dit tout ce qui suit.
Car à ce sujet, voici en effet le texte de saint Marc : "Et il arriva, dit-il, en gardant le même ordre, que Jésus étant à table dans la maison de cet homme beaucoup de publicains et de gens de mauvaise vie y étaient avec lui et avec ses disciples (1)." Quand il dit "dans la maison de cet homme," il désigne évidemment celui dont il vient de parler, c'est-à-dire Lévi. Ainsi encore, saint Luc, après ces mots: "Jésus lui dit : Suis-moi; et quittant tout, il se leva et le suivit;" ajoute aussitôt : "Et Lévi lui lit un grand festin dans sa maison, où il se trouva un grand nombre de publicains et d'autres gens qui étaient avec eux à table (2)." On sait donc clairement dans quelle maison tout cela se passa.
5 Matt. IX, 10-17.
1 Marc. II, 15-82.
2 Luc. V, 27-89.
À suivre…
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Re: LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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CHAPITRE XXVII. FESTIN DONNÉ PAR SAINT MATTHIEU.
61. Voyons maintenant, rapportées d'après les trois évangélistes, les paroles qui furent adressées au Seigneur et les réponses qu'il y fit : "Témoins de tout cela", dit saint Matthieu, "les Pharisiens disaient à ses disciples : Pourquoi votre maître mange-t-il avec des publicains et des pécheurs ?" Sauf deux mots de plus, cette question a été rapportée de la même manière par saint Marc: "Pourquoi votre maître mange-t-il et boit-il avec des publicains et des pécheurs ? " Saint Matthieu n'a donc pas reproduit les mots : "et boit-il," que nous trouvons dans le texte de saint Marc ; mais qu'importe, puisque dans saint Matthieu le sens est complet et donne pareillement l'idée de convives ?
Le récit de saint Luc parait offrir un peu plus de différence : "Or, dit-il, les Pharisiens et leurs Scribes murmuraient, et ils disaient aux disciples de Jésus: D'où vient que vous mangez et buvez avec des publicains et des pécheurs ?" Il ne veut pas sans doute nous faire entendre que ce discours ne regardait pas le divin Maître, mais il veut montrer que le reproche était en même temps dirigé contre le maître et contre les disciples; que cependant les paroles n'étaient directement adressées qu'aux seuls disciples. Aussi bien, cet évangéliste rapporte lui-même que le Seigneur répondit: "Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs à la pénitence." Une pareille réponse n'aurait pas eu de raison, si les mots "vous mangez et vous buvez," n'eussent principalement regardé le Sauveur. Si donc, d'après saint Matthieu et saint Marc, on formule devant les disciples un reproche qui s'adresse au Maître, c'est parce qu'en s'appliquant aux disciples on le fait tomber plus vivement sur le maître dont la vie était la règle de la leur. Ainsi la pensée est la même, et d'autant mieux exprimée, qu'il y a, sans préjudice de la vérité, certaines différences dans les termes.
Ainsi encore, quand saint Matthieu rapporte que le Seigneur répondit : "Ce ne sont pas ceux qui se portent bien, mais ce sont les malades qui ont besoin de médecin ; allez donc et apprenez ce que veut dire ceci : J'aime mieux la miséricorde que le sacrifice ; car ce sont les pécheurs et non les justes que je suis venu appeler;" saint Marc et saint Luc exposent la même pensée à-peu-près dans les mêmes termes, sauf que ni l'un ni l'autre ne relèvent ce témoignage emprunté au prophète : "J'AIME MIEUX LA MISÉRICORDE QUE LE SACRIFICE." Saint Luc, après avoir écrit : "Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs," ajoute les mots : "à la pénitence." Ce qui sert à faire mieux ressortir la pensée et empêche de supposer que les pécheurs soient, comme pécheurs, aimés de Jésus-Christ. Car la comparaison même, établie entr'eux et les malades, montre bien que Dieu veut, en les appelant comme un médecin appellerait des malades, les guérir de leur iniquité comme d'une maladie, et c'est ce qui a lieu par la pénitence.
Gras et majuscules ajoutés.
À suivre…
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Re: LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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CHAPITRE XXVII. FESTIN DONNÉ PAR SAINT MATTHIEU.
62. Saint Matthieu dit ensuite: "Alors des disciples de. Jean s'approchèrent et lui dirent Pourquoi les Pharisiens et nous jeûnons-nous fréquemment, tandis que vos disciples ne jeûnent point ?" Saint Marc dit pareillement:" Or les disciples de Jean et les Pharisiens étaient dans l'usage de jeûner. Plusieurs donc vinrent dire à Jésus Pourquoi les disciples de Jean et ceux des Pharisiens jeûnent-ils, tandis que les vôtres ne jeûnent pas ? " Il n'y a point de différence ; seulement saint Matthieu fait parler uniquement les disciples de Jean, au lieu que d'après saint Marc, les Pharisiens étaient avec eux pour adresser à Jésus la même question. Mais les paroles que nous lisons dans le texte de saint Marc paraissent plutôt avoir été prononcées par d'autres que par ceux qu'elles concernent.
Ainsi, quelques uns des convives s'approchant du Sauveur lui auraient objecté que les disciples de Jean et les Pharisiens avaient coutume de pratiquer le jeûne. Alors ceux dont l'évangéliste dit : "Plusieurs vinrent," ne seraient plus ceux dont il a parlé en disant : "Or les disciples de Jean et les Pharisiens jeûnaient;" mais des hommes qui, frappés de l'opposition qu'ils voyaient entre l'usage de ceux-ci et la conduite des disciples de Jésus, se mirent à dire : "Pourquoi les disciples de Jean et ceux des Pharisiens jeûnent-ils, tandis que les vôtres ne jeûnent pas ?" C'est ce que nous fait mieux comprendre encore le récit de saint Luc.
Car, après avoir reproduit les réponses du Seigneur aux Scribes et aux Pharisiens sur la vocation des pécheurs comparés à des malades, il ajoute : "Mais alors ils lui dirent : Pourquoi les disciples de Jean aussi bien que ceux des Pharisiens font-ils des jeûnes fréquents et de longues prières, tandis que les vôtres boivent et mangent ?" On voit que, comme saint Marc, cet évangéliste rapporte ce discours comme prononcé par d'autres que ceux dont il fait mention. D'où vient donc que nous lisons dans saint Matthieu : "Alors des disciples de Jean s'approchèrent et lui dirent : Pourquoi observons-nous des jeûnes fréquents, les Pharisiens et nous ?" sinon parce qu'il y avait là des disciples de Jean, et que tous à l'envi, et chacun selon son pouvoir, faisaient au Seigneur la même objection ?
Les trois évangélistes ont énoncé la pensée commune dans un langage différent, mais toujours conforme à la vérité.
Gras ajoutés.
À suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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CHAPITRE XXVII. FESTIN DONNÉ PAR SAINT MATTHIEU.
63. Saint Matthieu et saint Marc ont aussi l'un comme l'autre parlé des fils de l'époux qui ne jeûneront pas, tant que l'époux est avec eux. Seulement au lieu de dire comme saint Matthieu "les fils de l'époux," saint Marc dit :" les enfants des noces." Mais qu'importe au sens, puisque les enfants des noces sont à la fois les fils de l'époux et ceux de l'épouse ? Ce n'est donc pas chez lui une pensée contraire, mais c'est la même pensée qu'il exprime plus amplement. Saint Luc ne dit pas : "Est-ce que vous pouvez faire jeûner les fils de l'époux, tandis que l'époux est avec eux ?" Ici donc lui aussi exprime avec justesse la même pensée ; mais il fait de plus entendre autre chose. On entrevoit en effet qu'en mettant eux-mêmes l'époux à mort, les interlocuteurs devaient plonger les amis dans le jeûne et dans les larmes. Le mot pleurer dans le texte de saint Matthieu a le même sens que le terme jeûner dans saint Marc et dans saint Luc, puisque saint Matthieu écrit un peu après : "Alors ils jeûneront," et non pas : "Alors ils pleureront." Mais par ce mot, il a fait entendre que le Seigneur parlait du jeûne spécial qu'inspirent l'humiliation et l'affliction, et que les comparaisons suivantes, empruntées à l'étoffe neuve et au vin nouveau et reproduites également par saint Marc et par saint Luc, désignent cet autre jeûne auquel porte la joie de l'esprit attaché aux choses spirituelles, dont la douceur lui imprime une sorte d'aversion pour les aliments corporels ; jeûne qui ne convient pas à l'homme animal et charnel, tout occupé de son corps, par là même toujours esclave de ses anciennes passions. Il est inutile, sans doute, de redire ici que deux évangélistes ne sont pas en contradiction, si l'on trouve dans l'un certaines expressions ou même certains détails que l'autre a négligés, du moment que le fond est le même ou qu'une pensée n'est pas opposée à l'autre.
Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE XXVIII. RÉSURRECTION DE LA FILLE DE JAÏRE.
64. Saint Matthieu gardant toujours l'ordre chronologique continue ainsi : "Comme il leur disait ces choses, un prince de la synagogue l'aborda et l'adora en disant : Seigneur, ma fille vient de mourir ; mais venez, imposez- lui les mains, et elle vivra ;" et le reste, jusqu'à l'endroit où l'évangéliste nous fait lire : "Et la petite se leva, et le bruit de cet événement se répandit aussitôt dans tout le pays (1)." Le fait est également raconté par saint Marc et saint Luc, mais non dans le même ordre. Ils s'en souviennent et l'exposent dans un autre endroit, c'est-à-dire après nous avoir montré Jésus repassant le lac et revenant du pays des Géraséniens, où il avait chassé les démons et leur avait permis d'entrer dans des pourceaux.
En effet, saint Marc rapporte ce fait après avoir relaté ce miracle opéré chez les Géraséniens : "Lorsque Jésus, dit-il, eut repassé le lac sur une barque, et qu'il a était encore auprès de la mer, une grande a multitude de peuple s'assembla autour de lui. Et un chef de synagogue nommé Jaïre vint le trouver et le voyant il se jeta à ses pieds," etc (2). On doit voir ici que ce qui regarde la fille du chef de synagogue arriva quand Jésus sortant du pays des Géraséniens eut repassé le lac : mais l'évangéliste ne dit pas combien de temps après. S'il n'y avait pas eu d'intervalle, on ne trouverait plus où placer ce que vient de raconter saint Matthieu sur le repas donné dans sa maison. Car après ce qui arriva chez lui et à son occasion, quoiqu'il en ait parlé, suivant l'usage des évangélistes, comme d'événements étrangers à sa personne ; il n'est d'autre fait que celui de la fille du chef de synagogue, pour se présenter immédiatement. Aussi la transition de saint Matthieu montre clairement par elle-même que ce qu'il va raconter fait suite à ce qu'il a raconté. Il vient de rapporter les paroles du Sauveur au sujet de l'étoffe neuve et du vin nouveau, puis il ajoute aussitôt : "Tandis qu'il leur disait ces choses, un prince de la synagogue l'aborda."
Mais si cet homme l'aborda quand il disait ces paroles, il n'y eut pas d'intervalle pour d'autres discours ni pour d'autres actions. Au contraire dans le récit de saint Marc, comme déjà nous l'avons montré, il y a place pour des événements intermédiaires. De même saint Luc, en passant du miracle opéré chez les Géraséniens à ce qui regarde la fille du chef de synagogue, ne le fait pas de manière à contredire saint Matthieu, qui présente ce dernier fait comme ayant suivi les comparaisons de l’étoffe neuve et du vin nouveau, en disant : "Comme Jésus parlait ainsi."
En effet, quand saint Luc a fini de raconter ce qui eut lieu chez les Géraséniens, il aborde de cette manière l'autre sujet: "Jésus, dit-il, étant revenu dans la Galilée, le peuple le reçut avec joie parce qu'ils l'attendaient tous. Et un homme appelé Jaïre, qui était chef de synagogue, vint à lui, et tombant à ses pieds, il le priait, etc (1); " De ce texte on conclut qu'à la vérité le peuple reçut alors avec joie le Seigneur dont il attendait impatiemment le retour; mais ce qu'ajoute l'évangéliste: "Et un homme appelé Jaïre, etc" ne doit pas être pris comme une chose qui suivit immédiatement. Il faut faire précéder ce fait du festin où parurent les publicains et dont le texte de saint Matthieu ne permet pas de le séparer.
1 Matt. IX, 18-26.
2 Marc, V, 21-43.
1 Luc, VII, 40-56.
À suivre…
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Re: LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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CHAPITRE XXVIII. RÉSURRECTION DE LA FILLE DE JAÏRE.
65. Au sujet de cette femme qui était affligée d'une perte de sang et dont l'histoire nous est présentée au milieu de le narration qui maintenant nous occupe, l'accord des trois évangélistes ne donne lieu à aucune question. Peu importé à la vérité que tel détail relevé par l'un, ne le soit point par l'autre ; que saint Marc fasse dire à Jésus: "Qui a touché mes vêtements ?" et saint Luc : "Qui m'a touché ?" L'un a usé du langage ordinaire, et l'autre a employé les termes propres. Car nous disons plus ordinairement : Vous me déchirez, que: Vous déchirez mes vêtements ; et il est hors de doute que tout le monde comprend alors notre pensée.
À suivre…
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Re: LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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CHAPITRE XXVIII. RÉSURRECTION DE LA FILLE DE JAÏRE.
66. Mais d'après saint Matthieu le prince de la synagogue vint dire au Seigneur non pas que sa fille était en danger de mort, ou quelle était mourante, ou qu'elle rendait le dernier soupir, mais bien qu'elle était déjà morte ; et suivant les deux autres elle était à l'article de la mort, mais encore vivante cependant ; au point que leurs récits nous parlent des gens qui arrivèrent ensuite pour annoncer qu'elle était morte, et dire qu'il ne fallait pas davantage tourmenter le Maître, comme s'il fût venu non avec le pouvoir de la rendre à la vie du moment qu'elle serait morte, mais pour l'empêcher de mourir en lui imposant les mains.
Afin d'écarter toute apparence de contradiction , il faut comprendre que saint Matthieu pour abréger a mieux aimé dire que le prince de synagogue pria le Seigneur de faire ce qu'il fit en effet lorsqu'il ressuscita sa fille. L'évangéliste ne considère pas tant les paroles que l'intention de ce père ; et il lui prête un langage conforme à ses pensées. Jaïre aussi bien avait tellement désespéré de sa fille, qu'il avait plutôt dessein de demander une résurrection qu'une guérison ; ne croyant pas la retrouver en vie après l'avoir laissée mourante. Saint Marc et saint Luc ont donc reproduit ses paroles ; saint Matthieu a exprimé sa pensée et sa volonté. Ainsi demanda-t-il également au Seigneur ou de guérir sa fille mourante ou de la rendre à la vie si elle était morte ; mais saint Matthieu se proposant de tout dire en peu de mots, fait demander au père ce qu'il voulait certainement, et ce que fit le Christ.
Sans aucun doute, si, d'après les deux autres évangélistes ou l'un des deux, le père avait dit lui-même, ce que les gens de sa maison vinrent lui représenter, qu'il ne fallait plus importuner Jésus, parce que la fille était morte, le texte de saint Matthieu contredirait la pensée de Jaïre; mais on ne lit pas qu'il se soit rendu aux observations de ceux qui en venant lui apporter la triste nouvelle, lui disaient de ne plus faire d'instance près du Maître. On voit encore par là que quand le Seigneur dit à Jaïre : "Ne crains pas ; crois seulement, et elle sera sauvée ;" il ne lui reprochait pas de défiance ; mais voulait affermir sa foi. La foi chez lui était la même que chez cet autre qui, en demandant la délivrance de son fils, dit à Jésus : "Je crois Seigneur, mais suppléez vous-même ce qui manque à ma foi (1)."
1 Marc, IX, 23.
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Re: LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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LIVRE SECOND.
De l'Incarnation à la Cène. Nul désaccord entre les quatre Évangélistes
Par Saint Augustin.
CHAPITRE XXVIII. RÉSURRECTION DE LA FILLE DE JAÏRE.
67. Puisqu'il en est ainsi, ces différentes manière de parler, qui n'empêchent pas les évangélistes d'être d'accord entr'eux, donnent lieu à une observation bien utile et bien nécessaire.
C'est que dans le langage de qui que ce soit, il faut considérer seulement l'intention , que les mots sont destinés à exprimer, et qu'on n'est pas menteur pour rendre en d'autres termes ce qu'a voulu dire quelqu'un dont on n'emploie pas les expressions. Il est certain que, non-seulement dans les paroles, mais dans tous les autres signes des pensées, on ne doit chercher que la pensée elle-même; et c'est être misérable que de tendre pour ainsi dire aux mots et de se représenter la vérité comme enchaînée à des accents.
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