LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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LIVRE SECOND.
De l'Incarnation à la Cène. Nul désaccord entre les quatre Évangélistes
Par Saint Augustin.
CHAPITRE LXX. DEUX FILS ENVOYÉS PAR LEUR PÈRE À LA VIGNE. — VIGNE LOUÉE À D'AUTRES VIGNERONS.
133. Saint Matthieu continue ainsi : "Mais que vous en semble ? Un homme avait deux fils; s'approchant du premier, il lui dit : Mon fils, va aujourd'hui travailler à ma vigne. Celui-ci, répondant, dit : Je ne veux pas. Mais après, touché de repentir, il y alla. S'approchant ensuite de l'autre, il dit de même. Et celui-ci répondant, dit : J'y vais, Seigneur, et il n'y alla point," etc, jusqu'à ces paroles: "CELUI QUI TOMBERA SUR CETTE PIERRE SE BRISERA ; ET CELUI SUR QUI ELLE TOMBERA, ELLE L'ÉCRASERA (1)." Ni saint Marc, ni saint Luc ne parlent de ces deux fils qui reçurent l'ordre d'aller à la vigne, pour y travailler. Saint Matthieu fait ensuite l'histoire de la vigne louée à des vignerons, raconte les mauvais traitements qu'ils font subir aux serviteurs envoyés vers eux, et le meurtre du fils bien-aimé qu'ils jettent hors de la vigne. Les deux autres évangélistes mentionnent ces faits exactement dans le même ordre (2); c'est-à-dire, après que les J-uifs, interrogés sur le baptême de Jean, furent réduits au silence et que Jésus leur eut dit : "Ni moi non plus je ne vous dirai point par quelle autorité je fais ces choses."
1 Matt. XXI, 28-44.
2 Marc, XII, 1-11; Luc, XX, 9-18.
Gras et majuscules ajoutés.
À suivre…
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De l'Incarnation à la Cène. Nul désaccord entre les quatre Évangélistes
Par Saint Augustin.
CHAPITRE LXX. DEUX FILS ENVOYÉS PAR LEUR PÈRE À LA VIGNE. — VIGNE LOUÉE À D'AUTRES VIGNERONS. (suite)
134. Il n'y a donc ici aucune apparence de contradiction. Il est vrai qu'en saint Matthieu, après que le Seigneur eut fait cette question aux J-uifs: "Lorsque le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? ceux-ci lui répondirent aussitôt : "Il fera mourir misérablement ces misérables, et il louera la vigne à d'autres vignerons, qui lui en rendront le fruit en son temps." Saint Marc, au contraire, ne met point cette réponse dans la bouche des J-uifs; c'est le Seigneur qui parle ainsi, comme se répondant à lui-même: « Que fera donc le maître de la vigne ? Il viendra, exterminera les vignerons, et donnera la vigne à d'autres." Mais il faut admettre, ou bien que c'est leur réponse même qui a été insérée sans être précédée de ces mots: Ils dirent, ou : Ils répondirent; ou bien encore que cette réponse est attribuée au Seigneur parce que les J-uifs, disant la vérité, n'étaient que les interprètes de la Vérité même.
À suivre…
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Par Saint Augustin.
CHAPITRE LXX. DEUX FILS ENVOYÉS PAR LEUR PÈRE À LA VIGNE. — VIGNE LOUÉE À D'AUTRES VIGNERONS. (suite)
135. Mais il y a une difficulté plus sérieuse. Non seulement saint Luc ne fait point ainsi répondre les J-uifs, et, comme saint Marc, il attribue au Seigneur les paroles qui nous occupent, mais il leur prête une réponse tout-à-fait contraire et leur fait dire: "A Dieu ne plaise (1)" Voici d'ailleurs son texte : « Que leur fera donc le maître de la vigne? Il viendra et perdra ces vignerons, et donnera la vigne à d'autres. Ce qu'ayant entendu, ils lui dirent: A Dieu ne plaise ! Mais Jésus les regardant, dit : Qu'est-ce donc que ce qui est écrit : La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue un sommet d'angle ? " Comment ceux à qui s'adressent ces paroles peuvent-ils dire en saint Matthieu : "Il fera mourir misérablement ces misérables, et il louera sa vigne à d'autres vignerons, qui lui en rendront le fruit en son temps;" tandis qu'en saint Luc ils contredisent ces mêmes paroles et disent : "A Dieu ne plaise ?" D'ailleurs ce qui suit, ce que dit le Seigneur de la pierre mise de côté par ceux qui bâtissent et devenue un sommet d'angle, est destinée à réfuter les ennemis de cette parabole ; aussi saint Matthieu suppose-t-il que le Seigneur avait affaire à des contradicteurs, lorsqu'il lui fait dire : "N'avez-vous jamais là dans les Écritures: La pierre rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue un sommet d'angle ?" Car que signifient ces mots: "N'avez-vous jamais lu," si ce n'est que ces hommes avaient répondu le contraire de ce qu'il avait dit ? Saint Marc l'indique également en citant ainsi les mêmes paroles : "N'avez-vous pas lu dans l'Ecriture : La pierre rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue un sommet d'angle ?" Cette réflexion dans saint Luc vient plus naturellement au moment où ils ont réclamé en s'écriant : "A Dieu ne plaise ! " Elle équivaut en effet à ces expressions qu'on lit dans son texte : « "Qu'est-ce donc que ce qui est écrit : La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue un sommet d'angle ?" Qu'on dise : "N'avez-vous jamais lu," ou bien: "N'avez-vous pas lu," ou encore: "Qu'est-ce donc que ce qui est écrit ?" c'est toujours la même pensée.
Gras ajoutés.
À suivre…
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136. Nous devons donc reconnaître que dans la foule des auditeurs, quelques-uns répondirent, comme le rapporte saint Matthieu : "Il fera mourir misérablement ces misérables, et il louera sa vigne à d'autres vignerons;" d'autres, le mot qu'on trouve en saint Luc : "A Dieu ne plaise !" Quand donc les premiers eurent répondu au Seigneur, ces autres leur répliquèrent: "A Dieu ne plaise !"
Si saint Marc et saint Luc mettent dans la bouche du Seigneur la réponse de ceux à qui on répliqua : "A Dieu ne plaise ! " c'est que, comme je l'ai déjà dit, la Vérité même parlait par eux; soit à leur insu, s'ils étaient mauvais, comme Caïphe qui prophétisa sans le savoir, lorsqu'il était grand-prêtre (1); soit à bon escient, s'ils comprenaient et avaient la foi. Car parmi eux se trouvait aussi la multitude qui avait accompli cette prédiction du prophète, en venant avec grande pompe à la rencontre du Fils de Dieu, et en criant: "Hosanna au fils de David."
1 Jean, IX, 49-51.
Gras ajoutés.
À suivre…
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137. Voici une autre circonstance qui ne doit soulever aucune difficulté. D'après saint Matthieu, les princes des prêtres et les anciens du peuple s'approchèrent du Seigneur et lui demandèrent au nom de qui il agissait, et qui lui avait donné ce pouvoir; il leur demanda à son tour d'où était le baptême de Jean, du ciel ou des hommes ; et comme ils lui dirent qu'ils rie le savaient pas, il répondit: "Ni moi non plus je ne vous dirai par quelle autorité je fais ces choses." Immédiatement il ajoute: "Que vous en semble ? Un homme avait deux fils," etc. Le récit de saint Matthieu continue ainsi sans changer ni les interlocuteurs, ni le lieu de la scène, jusqu'au moment où il est question de la vigne louée aux vignerons.
Or, on pourrait en conclure que tout ceci a été dit aux princes des prêtres et aux anciens du peuple qui l'avaient questionné sur sa puissance. Cependant s'ils venaient vers lui comme des ennemis pour le tenter, comment les compter parmi ceux qui avaient cru et rendu au Seigneur le témoignage prédit par le prophète ; parmi ceux aussi qui avaient pu répondre, non par ignorance, mais avec la lumière de la foi : "Il perdra misérablement ces misérables, et il louera sa vigne à d'autres vignerons ?" Tout ceci, dis-je, ne doit nullement nous embarrasser, ni nous faire supposer que dans cette foule qui écoutait les paraboles du Seigneur, il n'y ait eu personne pour croire en lui. En effet, saint Matthieu, pour abréger, a omis ce que nous trouvons dans saint Luc, savoir, que cette parabole s'adressait non seulement à ceux qui l'avaient questionné sur sa puissance, mais encore à tout le peuple.
Voici comment s'exprime ce dernier : "Alors il se mit à dire au peuple cette parabole : Un homme planta une vigne," etc. Il faut donc croire que parmi ce peuple il y en avait pour l'écouter, comme il y en avait eu pour dire auparavant : "Béni celui qui vient au nom du Seigneur;" et que ce furent eux ou quelques-uns d'entre eux qui répondirent : " Il perdra misérablement ces misérables, et il louera sa vigne à d'autres vignerons."
Si saint Marc et saint Luc attribuent cette réponse au Seigneur, ce n'est pas seulement parce qu'étant la Vérité même, il parle quelquefois par la bouche des méchants qui l'ignorent, lorsqu'il dispose secrètement leur esprit sans que leur vertu l'ait mérité, et par un effet de sa Toute-Puissance : mais encore, parce qu'il pouvait y avoir là des hommes en état d'être considérés déjà comme les membres de son corps. A ce titre leurs paroles étaient les siennes. D'ailleurs, il avait déjà baptisé un plus grand nombre d'hommes que Jean (1) ; des disciples le suivaient en foule, comme l'attestent souvent les évangélistes ; parmi eux se trouvaient les cinq cents frères à qui il apparut après sa résurrection, d'après le témoignage de l'Apôtre saint Paul (2). Ajoutons à l'appui de ceci qu'en saint Matthieu ces paroles : Aiunt illi, ne doivent pas s'entendre comme si illi était au pluriel, pour indiquer que c'était la réponse de ceux qui l'avaient questionné sur sa puissance. Mais dans: Aiunt illi, illi est au singulier; ce qui signifie: "On lui répond;" on répond au Seigneur; les manuscrits grecs ne laissent là-dessus aucun doute.
1 Jean, IV, 1.
2 I Cor. XV, 6.
Gras et soulignés ajoutés.
À suivre…
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138. Il y a dans l'évangéliste saint Jean un discours du Seigneur qui aidera à saisir ma pensée ; le voici : "Jésus disait donc à ceux des J-uifs qui croyaient en lui : Pour vous, si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples; et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. Ils lui répondirent : Nous sommes la race d'Abraham, et nous n'avons jamais été esclaves de personne : comment dis-tu, toi : Vous serez libres ? Jésus leur répartit : En vérité, en vérité je vous le dis, quiconque commet le péché est esclave du péché. Or, l'esclave ne demeure point toujours dans la maison, mais le fils y demeure toujours. Si donc le Fils vous met en liberté, vous serez vraiment libres. Je sais que vous êtes fils d'Abraham ; mais vous cherchez à me faire mourir, parce que ma parole ne prend point en vous (1)." Assurément il n'adressait point ces mots : "Vous cherchez à me faire mourir," à ceux qui déjà croyaient en lui, et à qui il venait de dire: "Pour vous, si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples."
C'était aux premiers croyants qu'il disait ceci; mais parmi la foule qui était là, il y avait aussi beaucoup d'ennemis, et quoique l'évangéliste ne désigne point les différents interlocuteurs, on voit assez par le caractère de ce qu'ils disent, et par la réplique de Jésus, à quel genre de personnes il faut attribuer chacune de ces réponses. Or, de même que dans cette foule dont parle saint Jean, il y en avait qui croyaient en Jésus, d'autres qui cherchaient à le faire mourir; ainsi dans celle dont il est ici question, les uns demandaient malicieusement au Seigneur au nom de qui il agissait ainsi ; il y en avait aussi qui s'étaient écriés, non pas avec hypocrisie, mais avec toute la sincérité de leur foi : "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur," et qui conséquemment animés du même esprit pouvaient dire encore : "Il les perdra, et donnera sa vigne à d'autres." On peut ajouter que cette réponse est du Seigneur, soit parce qu'il est lui-même la vérité quelle exprime, soit à cause de l’union des membres avec leur chef. Il y en avait enfin qui disaient à ces derniers : "A Dieu ne plaise !" parce qu'ils sentaient que cette parabole était à leur adresse.
1 Jean, VIII, 31-37.
Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE LXXI. NOCES ROYALES.
139. Saint Matthieu continue : "Or, lorsque .les princes des prêtres et les Pharisiens eurent entendu ses paraboles, ils comprirent que c'était d'eux qu'il parlait, et cherchant à se saisir de lui, ils craignaient le peuple, parce qu'il le regardait comme un prophète. Jésus, reprenant, leur parla de nouveau en paraboles; il disait : Le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit les noces de son fils. Or, il envoya ses serviteurs appeler les conviés aux noces, mais ils ne voulurent point venir," etc, jusqu'à ces mots: "Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus (1)."
Saint Matthieu est le seul qui mentionne cette parabole des invités aux noces. Quelque chose de semblable est raconté dans saint Luc, mais ce n'est point la même parabole, comme la suite du récit l'indique, quoiqu'il y ait entre les deux quelques points de ressemblance (2). Après la parabole de la vigne, et le meurtre du fils, du père de famille, saint Matthieu ajoute que les J-uifs sentirent l'application de tout ceci à leur conduite et qu'ils commencèrent à tramer leurs complots. Saint Marc et saint Luc racontent également cela dans le même ordre l'un que l'autre (3). Ils passent ensuite à. un autre sujet, que saint Matthieu traite comme eux, mais seulement après avoir rapporté seul la parabole des noces : à part cela, la marche est pour tous la même.
1 Matt. XXI, 45 ; XXII, 14.
2 Luc, XIV, 16-24.
3 Marc, XII, 12 : Luc, XX,19
À suivre…
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CHAPITRE LXXII. TRIBUT PAYÉ A CÉSAR. — FEMME AUX SEPT MARIS.
140. Saint Matthieu continue ainsi : "Alors les Pharisiens s'en allant se concertèrent pour le surprendre dans ses paroles. Ils envoyèrent donc leurs disciples avec les Hérodiens, disant : Maître, nous savons que vous êtes vrai, que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité, et que vous n'avez égard à qui que ce soit; car vous ne considérez point la face des hommes. Dites-nous donc ce qui vous en semble : Est-il permis de payer le tribut à César, ou non ?" etc, jusqu'à ces mots : "Et le peuple l'entendant admirait sa doctrine (4)."
Nous avons ici deux réponses du Seigneur, l'une sur la pièce de monnaie que l'on doit payer à César, l'autre sur la résurrection, à propos de cette femme qui eut pour maris sept frères successivement. Ces deux réponses sont mentionnées en saint Marc et en saint Luc, et on n'y découvre aucune différence (1). En effet, après que les trois Évangélistes ont rapporté la parabole de la vigne louée, et les complots des J-uifs à qui cette parabole s'adresse, saint Marc et saint Luc passent sous silence celle des invités aux noces, citée seulement par saint Matthieu, et se retrouvent avec lui pour ces deux histoires, celle du tribut dû à César, et celle de la femme aux sept maris; c'est chez tous le même ordre, et le passage ne présente aucune difficulté.
4 Matt. XXII, 15-33.
1 Marc, XII, 43-27; Luc, XX, 20-40.
Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE LXXIII. LE DOUBLE PRÉCEPTE.
141. Saint Matthieu dit ensuite : "Mais les Pharisiens, apprenant qu'il avait réduit les Sadducéens au silence, s’assemblèrent, et l'un d'eux, docteur de la Loi, l'interrogea pour le tenter: Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi ? Jésus lui dit: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, et de tout ton esprit. C'est le premier et le plus grand commandement. Le second lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux commandements: se rattachent toute la Loi et les Prophètes (2)." Saint Marc dit ceci dans le même ordre (3).
Ne soyons pas embarrassés de ce qu'en saint Matthieu celui qui interrogea le Seigneur voulut le tenter, tandis que saint Marc omet cette circonstance et rapporte même que Jésus-Christ finit par dire à cet homme, qui avait sagement répondu : "TU N'ES PAS LOIN DU ROYAUME DE DIEU." Il est bien possible que venant avec l'intention de tenter le Seigneur, il ait été converti par sa réponse. Ou bien ce n'était pas avec une intention coupable qu'il cherchait à le tenter, comme s'il eût voulu surprendre son ennemi; la prudence même pouvait le porter à connaître de plus en plus celui qu'il ne connaissait point encore. Car ce n'est pas sans raison qu'il est écrit : "CELUI QUI CROIT TROP FACILEMENT EST LÉGER DE CŒUR ET IL Y PERDRA (4)."
2 Matt. XXII, 34-40.
3 Marc XII, 28-34.
4 Eccli. XIX, 4.
Gras et majuscules ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE LXXIII. LE DOUBLE PRÉCEPTE. (suite)
142. En saint Luc il est question d'un fait semblable, mais ailleurs et bien loin de là (5). Est-ce le même fait, en est-ce un autre où le Seigneur rappelle également les deux préceptes de la Loi ?
On ne saurait le décider. Néanmoins il parait plus probable que c'en est un autre, non seulement parce que ce trait est placé à une grande distance, mais encore parce qu'en saint Luc le scribe répond lui-même à la question du Seigneur et expose dans sa réponse les deux commandements. De plus, quand le Seigneur lui a dit : "Fais cela et tu vivras," pour l'exciter à accomplir ce qu'il avait lui-même reconnu comme le plus important de la Loi, l'évangéliste continue et dit : "Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : Qui est donc mon prochain ?" Et le Seigneur lui fit alors l'histoire de cet homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho et qui tomba entre les mains des voleurs. Il est donc dit que ce dernier chercha à le tenter, qu'il exposa lui-même les deux commandements, et quand le Seigneur voulut l'encourager par ces mots : "Fais cela et tu vivras;" l'évangéliste ne loue point sa vertu, car il ajoute : "Mais lui, voulant se justifier." L'autre au contraire, dont il est question au même endroit dans saint Matthieu et dans saint Marc, se montre tellement digne d'éloges que le Seigneur lui dit : "TU N'ES PAS LOIN DU ROYAUME DE DIEU." Il est donc très probable que ce n'est point ici le même personnage .
5 Luc, X, 26-37.
Gras et majuscules ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE LXXIV. LE CHRIST FILS ET SEIGNEUR DE DAVID.
143. Saint Matthieu continue: "Or, les Pharisiens étant assemblés, Jésus leur demanda Que vous semble du Christ ? De qui est-il fils ? Ils lui répondirent : De David. Il leur répliqua: Comment donc David l'appelle-t-il en esprit son Seigneur, disant : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite jusqu'à ce que je fasse de vos ennemis l'escabeau de vos pieds ? Si donc David l'appelle son Seigneur, comment est-il son fils ? Et personne ne pouvait lui répondre, et depuis ce jour nul n'osa plus l'interroger (1)."
Ce trait se présente à la suite de ce qui précède dans saint Marc, comme dans saint Matthieu (2). Saint Luc omet seulement l'histoire de celui qui demanda au Seigneur quel était le plus grand commandement de la Loi: à part cette omission, il suit le même ordre, et dit comme eux que le Seigneur demanda aux J-uifs comment le Christ est Fils de David (3).
Toutefois signalons une différence qui ne change rien à la pensée. D'après saint Matthieu Jésus leur demande d'abord ce qui leur semble du Christ, de qui est-il fils. Ceux-ci répondent "De David;" alors il ajoute: « "Comment David peut-il l'appeler son Seigneur?" D'après saint Marc et saint Luc, au contraire, aucune question ne leur est adressée, ils ne font aucune réponse. Mais nous devons entendre que c'est seulement après leur réponse que le Seigneur dit ce que lui prêtent ces deux évangélises; et s'il parle devant le peuple qu'il voulait gagner à ses enseignements et détourner des fausses doctrines des scribes; c'est que ceux-ci ne voyaient dans le Christ qu'un fils de David selon la chair, et ne reconnaissaient point en lui la nature divine, qui le rend le Seigneur de David lui-même. Voilà pourquoi, d'après ces deux évangélistes, en parlant de ceux qui égaraient le peuple, il s'adressait au peuple même qu'il voulait préserver de l'erreur; et si, dans saint Matthieu, il s'adresse aux premiers; ces paroles : "Comment dites-vous ?" étaient plutôt destinées aux âmes qu'il cherchait à instruire.
1 Matt. XXII, 41-46.
2 Marc, XII, 36-37.
3 Luc, XX, 41-44.
Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE LXXV. ORGUEIL DES PHARISIENS CONDAMNÉ.
144. Saint Matthieu poursuit son récit de cette manière : "Alors Jésus parla au peuple et à ses disciples en disant : C'est sur la chaire de Moïse que sont assis les Scribes et les Pharisiens. Ainsi, tout ce qu'ils disent, observez-le et faites-le; mais n'agissez pas selon leurs œuvres; car ils disent et ne font point," jusqu'à ces paroles : "Vous ne me verrez plus jusqu'à ce que vous disiez: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur (1) !"
Saint Luc rapporte un semblable discours du Sauveur contre les Pharisiens, les Scribes et les docteurs de la Loi; mais c'est dans la maison d'un Pharisien qui l'avait invité à dîner : et pour relater ce discours, il quitte saint Matthieu. D'abord ils exposent l'un comme l'autre les enseignements du Seigneur sur le signe de Jonas, durant trois jours et trois nuits, sur la reine du Midi, les Ninivites, enfin sur l'esprit impur qui revient et trouve la maison purifiée. Ces discours terminés, saint Matthieu ajoute : "Lorsqu'il parlait au peuple, voilà que sa mère et ses frères étaient dehors, cherchant à lui parler (2)." Saint Luc après avoir ajouté au discours quelques réflexions du Seigneur omises par saint Matthieu, s'écarte de la marche suivie par ce dernier et continue ainsi : Pendant qu'il parlait, un Pharisien le pria de dîner chez lui. Étant donc entré, il se mit à table. Or le Pharisien, pensant en lui-même, commença à demander pourquoi il ne s'était point lavé avant le repas. Et le Seigneur lui dit : Vous autres Pharisiens, vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat." Puis viennent contre les Pharisiens, les Scribes et les anciens du peuple, les mêmes reproches que ceux du passage de saint Matthieu qui nous occupe (1).
Quoique saint Matthieu rapporte ce discours sans désigner la demeure du Pharisien, comme il ne dit pas non plus que ce fut ailleurs, rien n'empêcherait de croire que ce fut dans cette maison même. Cependant le Seigneur était déjà arrivé de la Galilée à Jérusalem; et si l'on examine l'ordre des événements qui précèdent ce discours, on est porté à croire qu'ils se sont passés dans cette dernière ville. Saint Luc au contraire suppose dans son récit que le Seigneur était toujours sur le chemin de Jérusalem. Aussi suis-je porté à croire que ce sont deux discours différents, cités, le premier par un Évangéliste, et le second par un autre.
1 Matt. XXIII.
2 Matt.. XII, 39-46.
1 Luc, II, 29-52.
À suivre…
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CHAPITRE LXXV. ORGUEIL DES PHARISIENS CONDAMNÉ.
145. Il y a cependant ici une parole qui demande quelques explications : "Vous ne me verrez plus, déclare le Seigneur, jusqu'à ce que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur." Or, d'après le même saint Matthieu, on a déjà dit cela (2). Aussi, d'après saint Luc, le Seigneur répond ainsi quand on le prie de s'éloigner, parce qu'Hérode cherche à le faire mourir. Au même endroit encore saint Luc lui fait prononcer contre Jérusalem les mêmes menaces que saint Matthieu ; voici comment il s'exprime : "Le même jour quelques-uns des Pharisiens s'approchèrent, disant: Sortez, retirez-vous d'ici, car Hérode veut vous faire mourir; et il leur dit : Allez, et dites à ce renard : Voilà que je chasse les démons, et guéris les malades aujourd'hui et demain, et c'est le troisième jour que je dois être consommé. Cependant il faut que je marche aujourd'hui et demain et le jour suivant, parce qu'il ne peut se faire qu'un prophète périsse hors de Jérusalem. JÉRUSALEM, JÉRUSALEM, QUI TUES LES PROPHÈTES, ET QUI LAPIDES CEUX QUI TE SONT ENVOYÉS, COMBIEN DE FOIS AI-JE VOULU RASSEMBLER TES ENFANTS, COMME UN OISEAU RASSEMBLE SA COUVÉE SOUS SES AILES, ET TU NE L'AS POINT VOULU ? Voici que votre maison vous sera laissée déserte. Je vous le dis, vous ne me verrez plus, jusqu'à ce qu'il arrive que vous disiez : Béni Celui qui vient au nom du Seigneur (1) ! "
Il n'y a, il est vrai, aucune contradiction entre le récit de saint Luc, et ce que la foule fit entendre quand le Seigneur arriva à Jérusalem; car la suite des événements nous montre qu'il n'y était pas encore arrivé, et que ces paroles n'avaient pas encore été répétées. La difficulté vient plutôt de ce que Jésus n'est point parti de manière à n'arriver qu'à l'époque où on l'exalterait ainsi. En effet, il continue sa route jusqu'à ce qu'il arrive à Jérusalem, et ce qu'il dit : "Voilà que je chasse les démons, et guéris les malades aujourd'hui et demain, et après demain je dois être consommé," doit s'entendre dans un sens mystique et figuré; car il n'a point souffert le surlendemain, puisqu'aussitôt il ajoute : "Il faut que je marche aujourd'hui et demain et le jour suivant."
Nous devons donc aussi entendre dans un sens mystique ce passage : "Vous ne me verrez plus, jusqu'à ce qu'il arrive que vous disiez : Béni Celui qui vient au nom du Seigneur," et l'appliquer à l'avènement où il doit manifester sa gloire. D'après cela, ce qu'il ajoute : "Je chasse les démons, et guéris les malades aujourd'hui et demain, et le jour suivant je dois être consommé," se rapporte à son corps, c'est-à-dire à l'Église. Les démons sont chassés, quand les Gentils abandonnent les pratiques superstitieuses de leurs pères pour croire en lui. Les malades sont guéris, lorsque les hommes vivent dans l'accomplissement de ses préceptes, et qu'après avoir renoncé au démon et à ce monde ils arrivent au terme de la résurrection. C'est comme le troisième jour; celui où L'ÉGLISE SERA CONSOMMÉE, C'EST-À-DIRE ÉLEVÉE PAR L'IMMORTALITÉ JUSQU'À LA PERFECTION DES ANGES.
La marche suivie par saint Matthieu n'offre donc rien d'irrégulier. Il faut plutôt admettre ou bien que saint Luc intervertit l'ordre des événements, si en écrivant d'après ses souvenirs, il raconte ce qui s'est passé à Jérusalem avant que la suite de son récit n'y fasse arriver le Seigneur; ou bien qu'en approchant de la ville, et quand on le prévenait de se tenir en garde contre Hérode, le Sauveur fit une réponse semblable à celle que d'après saint Matthieu il adressa à la foule quand il arriva, et quand étaient accomplis les faits racontés auparavant.
2 Matt. XXI, 9.
1 Luc, XIII, 31-36.
Gras et majuscules ajoutés.
À suivre…
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Re: LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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LIVRE SECOND.
De l'Incarnation à la Cène. Nul désaccord entre les quatre Évangélistes
Par Saint Augustin.
CHAPITRE LXXVI. PRÉDICTION DE LA RUINE DU TEMPLE.
146. Saint Matthieu continue en ces termes : "Et Jésus étant sorti du temple s'en alla. Alors ses disciples s'approchèrent de lui pour lui en faire remarquer les constructions. Mais lui-même prenant la parole, leur dit: Vous voyez toutes ces choses ? En vérité je vous le dis : Il ne restera pas là pierre sur pierre, qui ne soit détruite (1). " Saint Marc observe pour ceci à-peu-près le même ordre, ne s'écartant de saint Matthieu que pour raconter l'histoire de la veuve qui déposa deux deniers dans le tronc (2) ; fait qui ne se retrouve que dans saint Luc. D'après saint Marc, lorsqu'il a demandé aux J-uifs comment ils entendent que le Christ est le fils David, le Seigneur enseigne qu'il faut se garder des Pharisiens et de leur hypocrisie. Saint Matthieu s'étend davantage et cite un très long discours sur le même sujet. Après ce passage ainsi abrégé par saint Marc, très développé en saint Matthieu, le premier ne raconte plus, ai-je dit, que l'histoire de cette veuve à la fois si pauvre et si généreuse, puis il reprend l'ordre suivi par saint Matthieu, et parle avec lui de la future destruction du temple. Saint Luc aussi; après avoir rapporté cette discussion au sujet du Christ, fils de David, dit quelques mots de l'hypocrisie des Pharisiens, arrive à parler, avec saint Marc, de cette veuve qui verse deux deniers dans le tronc, et enfin décrit comme saint Matthieu et saint Marc, la future destruction du temple (3).
1 Matt. XXIV, 1, 3.
2 Marc, XII, 41 ; XIII, 2.
3 Luc, XX, 46.
À suivre…
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CHAPITRE LXXVII. DISCOURS SUR LE MONT DES OLIVIERS.
147. Saint Matthieu continue ainsi : "Et comme il était assis sur le mont des Oliviers, ses disciples s'approchèrent de lui en particulier, disant : Dites-nous quand ces choses arriveront ? Et quel sera le signe de votre avènement et de la consommation du siècle ? Et Jésus répondant leur dit : Prenez garde que quelqu'un ne vous séduise. Car beaucoup viendront en mon nom, disant : Je suis le Christ, et ils en séduiront un grand nombre, " etc ; jusqu'à ce passage : "Et ceux-ci s'en iront à l'éternel supplice, et les justes dans la vie éternelle."
Nous avons donc à examiner ici ce long discours du Seigneur, que les trois évangélistes saint Matthieu, saint Marc et saint Luc retracent exactement dans le même ordre (1). Chacun d'eux y mentionne des traits qui lui sont propres, sans qu'il en résulte la moindre apparence de contradiction ; examinons s'ils ne se contredisent point dans les passages qu'ils reproduisent également, car s'il y avait la quelque désaccord, on ne pourrait l'expliquer en disant que c'est la même pensée répétée par le Seigneur en d'autres circonstances, puisque tous les trois assignent à ce fait le même lieu et la même époque. Si toutefois les mêmes pensées exprimées par le Seigneur ne sont point rapportées partout dans le même ordre, cela ne change rien au sens des vérités à comprendre ou à connaître, puisque les paroles qui les expriment ne se contredisent en aucune manière.
1 Matt. XXIV, 3; XXV, 46; Marc, XIII, 41-37; Luc, XXI, 7-36.
Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE LXXVII. DISCOURS SUR LE MONT DES OLIVIERS.
148. Il est dit dans saint Matthieu : "Et cet Évangile du royaume sera prêché dans le monde entier, en témoignage à toutes les nations; et alors viendra la fin." Saint Marc suit le même ordre : "Mais il faut d'abord que l'Évangile soit prêché à toutes les nations." Il n'ajoute point : "Et alors viendra la fin;" mais cette expression "d'abord", le donne suffisamment à entendre; car on avait questionné le Sauveur sur la fin des temps. Lors donc qu'il dit : "Il faut d'abord que l'Évangile soit prêché à toutes les nations," ce mot: "d'abord," signifie évidemment avant la consommation.
À suivre…
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149. Saint Matthieu dit ensuite : "Quand donc vous verrez l'abomination de la désolation, prédite par le prophète Daniel, régnant dans le lieu saint; que celui qui lit, entende." Saint Marc s'exprime en ces termes : "Quand vous verrez l'abomination de la désolation, là où elle ne doit pas être, que celui qui lit, entende," et quoiqu'il change quelques mots, il n'exprime que la même pensée. "Là où elle ne doit pas être," dit-il, parce qu'elle ne doit pas être dans le lieu saint. Saint Luc, au lieu de dire : "Lorsque vous verrez l'abomination de la désolation régnant dans le lieu saint," ou bien : "Là où elle ne doit pas être," s'exprime ainsi: "Or, quand vous verrez Jérusalem investie par une armée, sachez que sa désolation est proche." C'est qu'alors aura lieu l'abomination de la désolation.
Gras ajoutés.
À suivre…
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150. Saint Matthieu dit ensuite: "Alors, que ceux qui sont dans la Judée fuient sur les montagnes; que celui qui sera sur le toit ne descende pas pour emporter quelque chose de sa maison, et que celui qui sera dans les champs ne revienne pas pour prendre sa tunique." Ce sont presque les mêmes expressions en saint Marc. Saint Luc commence d'abord comme eux: "Alors, que ceux qui sont dans la Judée fuient vers les montagnes ;" mais ce qui suit est différent, car il continue ainsi : Que ceux qui sont au milieu d'elle s'en éloignent, et que ceux qui sont dans les environs n'y entrent point; parce que ce sont là des jours de vengeance pour l'accomplissement de tout ce qui est écrit." Il y a quelque différence entre cette phrase des uns: "Que celui qui est sur le toit ne descende pas pour emporter quelque chose de sa maison," et celle-ci : "Que ceux qui sont au milieu d'elle s'en éloignent," à moins cependant que dans le trouble subitement causé par un si grand péril, les assiégés, désignés par ces mots : "Ceux qui sont au milieu d'elle," ne soient sur le toit saisis de frayeur, cherchant à voir les maux dont ils sont menacés, et à découvrir la voie par où ils pourront s'échapper. Mais comment saint Luc peut-il dire : "Qu'ils s'en aillent," après avoir dit plus haut : "Quand vous verrez Jérusalem investie par une armée ?"
Ce qui suit : "Que ceux qui sont dans les environs n'y entrent point," vient ici bien naturellement ; on peut recommander à ceux qui sont dehors de ne pas entrer en cette ville. Mais comment peut-on dire de s'éloigner à ceux qui y sont renfermés, quand l'ennemi la tient assiégée ? Ne pourrait-on dire qu'on sera au milieu d'elle, quand le danger sera si pressant, que l'on ne pourra plus se mettre en sûreté pour la vie présente ? Comme alors l'âme doit être libre et prête au sacrifice, que le poids des inquiétudes charnelles ne doit plus l'accabler; les deux évangélistes ont dit, pour faire connaître ce devoir, qu'elle serait : "Sur le toit." Le mot de saint Luc: "Qu'ils s'éloignent," signifie donc: Qu'ils ne s'attachent plus aux séductions de la vie présente, mais qu'ils soient prêts à passer dans une autre. C'est ce qu'ont dit les deux autres évangélistes: "Qu'il ne descende pas pour emporter quelque chose de sa maison;" c'est-à-dire, que la créature n'ait pour lui aucun attrait, comme s'il devait y trouver son bien; et quand saint Luc ajoute : "Que ceux qui sont dans les environs n'y entrent point," cela veut dire : Que ceux dont le cœur a su s'en détacher, ne s'y laissent plus entraîner par aucun désir charnel. C'est la même pensée dans les autres évangélistes : "Que celui qui est dans les champs ne revienne point pour prendre sa tunique," pour retomber dans les inquiétudes dont il a été délivré.
Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE LXXVII. DISCOURS SUR LE MONT DES OLIVIERS.
151. Saint Matthieu dit ensuite: "Mais priez pour que votre fuite n'arrive pas en hiver, ni en un jour de sabbat." Saint Marc cite une partie de ces paroles, omet les autres. "Priez, dit-il, pour que ces choses n'arrivent pas en hiver." Ce passage ne se retrouve pas en saint Luc; mais ce que lui seul ajoute ici me paraît expliquer clairement la pensée que les autres expriment d'une manière assez obscure. "Faites donc attention à vous, dit-il, de peur que vos cœurs ne s'appesantissent dans la crapule, l'ivresse et les soins de cette vie, et que ce jour ne vienne soudainement sur vous : car comme un filet, il enveloppera tous ceux qui habitent sur la face de la terre. Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous soyez trouvés dignes d'éviter toutes ces choses qui doivent arriver."
Voilà donc en quoi consiste cette fuite, qui d'après saint Matthieu, ne doit pas arriver en hiver ni en un jour de sabbat. Par l'hiver il faut entendre les soins de cette vie : le sabbat figure la crapule et l'ivresse. En effet ces soins, comme l'hiver, inspirent la tristesse ; la crapule et l'ivresse abrutissent le cœur en le plongeant dans les joies impures de la chair, et ces vices honteux sont figurés par le sabbat, parce que déjà à cette époque comme aujourd'hui les J-uifs avaient la pernicieuse habitude de passer ce jour dans les plaisirs profanes, et ne connaissaient pas les joies d'un sabbat spirituel. On pourrait peut-être entendre dans un autre sens la pensée exprimée en saint Matthieu et en saint Marc; mais il faudrait donner aussi à celle de saint Luc une autre signification, pourvu qu'il n'en résulte aucune contradiction. D'ailleurs notre but n'est point d'expliquer le vrai sens des évangiles, mais de prouver qu'ils ne renferment ni erreur ni imposture. Les autres passages de ce discours qui se ressemblent en saint Matthieu et en saint Marc ne peuvent soulever aucune difficulté. Quant à ceux que l'on retrouve en saint Luc, celui-ci ne les reproduit point dans le discours où il suit le même ordre que saint Matthieu, il les rapporte ailleurs comme s'il écrivait au fur et à mesure que les faits lui reviennent à la mémoire, énonçant d'abord ce qui n'a été dit que plus tard; ou bien il nous donne à entendre que deux fois le Seigneur a prononcé la même parole, d'abord comme saint Marc l'a citée, puis comme il la répète lui-même.
Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE LXXVIII. JÉSUS ARRIVE À BÉTHANIE.
152. Saint Matthieu continue : "Or il arriva que Jésus, ayant achevé tous ces discours, dit à ses disciples : Vous savez que la Pâque se fera dans deux jours et que le Fils de l'homme sera livré pour être crucifié. (1)" Saint Marc et saint Luc se trouvent ici d'accord avec lui, et suivent exactement la même marche (2). Toutefois ils ne mettent point ces paroles dans la bouche du Seigneur; au lieu de les citer, ils parlent d'eux-mêmes. "Or c'était la Pâque, dit saint Marc, et les azymes deux jours après." Et saint Luc: "Cependant approchait la fête des azymes qu'on appelle la Pâque." Elle approchait, puisque c'était deux jours après, comme le disent clairement les deux autres. Saint Jean à trois reprises différentes nous annonce que cette fête est proche : deux fois précédemment, en mentionnant d'autres faits; la troisième fois son récit parait être arrivé à l'époque où nous ont conduits les trois autres Évangélistes, c'est-à-dire aux approches de la passion de notre Seigneur (3).
1 Matt, XXVI,1-2.
2 Marc XIV, 1 ; Luc, XXII, 1.
3 Jean, XI, 55; XII, 1; XIII, 1
À suivre…
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CHAPITRE LXXVIII. JÉSUS ARRIVE À BÉTHANIE.
153. Les moins attentifs pourraient voir ici une contradiction ; car saint Matthieu et saint Marc, ayant dit que la Pâque était deux jours après, font arriver Jésus à Béthanie, où ils parlent d'un parfum précieux : saint Jean dit au contraire que six jours avant la Pâque Jésus vint à Béthanie, puis il parle du même parfum (4). Comment donc, d'après les premiers, la Pâque pouvait-elle arriver deux jours après, puisqu'après l'avoir affirmé, ils se retrouvent avec saint Jean à Béthanie pour l'histoire du parfum, et que d'après ce dernier la fête devait seulement arriver dans six jours ?
Nous ne ferons qu'une observation à ceux que cette difficulté pourrait arrêter. Saint Matthieu et saint Marc parlent du parfum de Béthanie, comme d'une chose passée; elle n'a point eu lieu après qu'ils ont annoncé que la Pâque arrivait dans deux jours, mais auparavant, lorsqu'il y avait encore six jours d'intervalle jusqu'à cette fête. Car ni l'un ni l'autre, après avoir annoncé la Pâque dans deux jours, ne donne comme la suite de ce qu'il vient de rapporter les événements de Béthanie. Ils ne disent point : Après cela, lorsqu'il était à Béthanie. On lit, il est vrai, dans saint Matthieu Comme Jésus était à Béthanie; et en saint Marc: "Comme il était à Béthanie." Mais il y était déjà avant les événements qui précédèrent de deux jours la fête de Pâque. D'après le récit de saint Jean, Jésus arriva donc à Béthanie six jours avant la Pâque. Là eut lieu le festin, où il est question du parfum précieux. Il se rendit ensuite à Jérusalem, monté sur un ânon; puis vient le récit des événements accomplis après son arrivée en cette ville.
Par conséquent, depuis le jour où il arrive à Béthanie et où il est question du parfum, jusqu’à celui où s'accomplissent les événements qui nous occupent, nous voyons, sans que les évangélistes nous le disent, qu'il s'écoule un intervalle de quatre jours alors nous arrivons au moment où ils écrivent que la Pâque arrive dans deux jours. Saint Luc, en disant : « "Cependant la fête des azymes approchait" ne mentionne pas l'intervalle de deux jours, mais ses paroles touchant la proximité de la fête, ne peuvent s'entendre que de ce court intervalle. Quant à saint Jean, lorsqu'il écrit que, la Pâque des J-uifs était proche (1), il n'est point question de ces deux jours, mais bien de six jours avant la fête Aussi, après ces mots, il rapporte quelques événements ; puis voulant fixer avec plus de précision cette proximité de la fête de Pâque, il ajoute: "Jésus donc, six jours avant la Pâque, vint à Béthanie, où était mort Lazare, que Jésus avait ressuscité. On lui prépara là un souper (2)." C'est cette dernière circonstance que saint Matthieu et saint Marc rappellent en passant, après avoir dit que la fête de Pâque arrivait dans deux jours. De cette manière, ils reviennent au moment où l'on était à Béthanie six jours avant cette fête, et rappellent en peu de mots le festin et le parfum mentionnés en saint Jean. De là Jésus devait venir à Jérusalem accomplir ce qui est ensuite raconté, puis arrivait le second jour avant la Pâque. C'est en ce jour qu'ils suspendent leur récit, pour dire brièvement ce qui s'est passé à Béthanie à l'occasion du parfum. Cela fait, ils reprennent le cours un instant interrompu de leur narration, et relatent le discours que prononça le Seigneur deux jours avant la fête de Pâque.
En effet, supprimons un instant les événements de Béthanie, rapportés comme en passant et rétablissons la suite du récit un moment suspendu ; voici comment tout s'enchaîne dans saint Matthieu: "Vous savez que la Pâque se fera dans deux jours et que le Fils de l'homme sera livré pour être crucifié. Alors les princes des prêtres et les anciens du peuple s'assemblèrent dans la salle du grand-prêtre appelé Caïphe, et tinrent conseil pour se saisir de Jésus par ruse, et le faire mourir. Mais ils disaient que ce ne fût pas au jour de la fête, de peur qu'il ne s'élevât du tumulte parmi le peuple. Alors un des douze, appelé Judas Iscariote, alla vers les princes des prêtres" etc. Entre ces mots: "De peur qu'il ne s'élevât du tumulte parmi le peuple", et les autres : "Alors un des douze, appelé Judas Iscariote, s'en alla," se trouvent rappelés, en passant, les faits accomplis à Béthanie; nous les avons supprimés dans ce nouveau récit, afin de prouver que la suite des événements ne présente rien de contradictoire. Si nous supprimons également dans saint Marc le même festin de Béthanie, qu'il reprend aussi de plus haut, nous aurons les faits dans le même ordre :
"Or, c'était la Pâque et les azymes deux jours après, et les princes des prêtres et les Scribes cherchaient comment ils se saisiraient de lui par ruse et le feraient mourir. Mais ils disaient que ce ne fût pas au jour de la fête, de peur qu'il ne s'élevât quelque tumulte parmi le peuple... Alors Judas Iscariote, un des douze, alla trouver les princes des prêtres (1)," etc. Et, après ces paroles : "De peur qu'il ne s'élevât quelque tumulte parmi le peuple," que nous faisons suivre de ces autres :" Alors Judas Iscariote, un des douze," se trouve également intercalée l'histoire de Béthanie, reprise de plus haut. Saint Luc ne dit rien de Béthanie.
Nous avons donné ces explications, parce que saint Jean, en racontant ce qui s'est passé à Béthanie, dit que ce fut six jours avant la Pâque; tandis que saint Matthieu et saint Marc, après avoir rapporté qu'on était au second jour avant la fête, rappellent cette histoire de Béthanie mentionnée en saint Jean.
4 Jean. XII, 1.
1 Jean XI, 66.
2 Jean XII, 1, 2.
1 Marc, XIV, 1-10.
Gras ajoutés.
À suivre…
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CHAPITRE LXXIX. FESTIN DE BÉTHANIE.
154. Saint Matthieu continue ainsi le passage déjà cité à la fin de l'examen que nous venons de faire: "Alors les princes des prêtres et les anciens du peuple s'assemblèrent dans la salle du grand-prêtre appelé Caïphe, et tinrent conseil pour se saisir de Jésus par ruse et le faire mourir. Mais ils disaient que ce ne fût pas au jour de la fête, de peur qu'il ne s'élevât du tumulte parmi le peuple. Or, comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, vint auprès de lui une femme ayant un vase d'albâtre plein d'un parfum de grand prix, et elle le répandit sur sa tète lorsqu'il était à table," etc, jusqu'à ces mots: "On dira même, en mémoire d'elle, ce qu'elle vient de faire (1)." Examinons maintenant l'histoire de cette femme qui vint à Béthanie, avec son parfum d'un grand prix.
Saint Luc raconte un fait semblable; c'est le même nom donné à celui chez qui vint manger le Seigneur, il l'appelle Simon. Mais s'il n'est point impossible ni contraire à l'usage que le même homme porte deux noms à la fois, il est moins étonnant encore que le même nom soit donné à deux hommes différents. Aussi me paraît-il plus probable que Simon, dont parle saint Luc, n'est point le même que le lépreux chez qui eut lieu la scène de Béthanie. En effet, saint Luc ne dit nullement que ce qu'il raconte se passait en cette localité, et quoiqu'il ne désigne aucune autre ville, ni aucun autre bourg, son récit lui-même semble indiquer un endroit différent. C'est tout ce que je veux démontrer. Mais il ne faudrait pas voir une autre femme dans cette pécheresse qui vint aux pieds de Jésus, les baisa, les arrosa de ses larmes, les essuya avec ses cheveux, et y répandit son parfum, alors que le Seigneur, par la parabole des deux débiteurs, déclara que beaucoup de péchés lui avaient été remis, parce qu'elle avait beaucoup aimé. La même femme, Marie, répandit deux fois des parfums; la première fois, lorsque, comme saint Luc le raconte, son humilité et ses larmes lui méritèrent le pardon de ses péchés (2). Saint Jean ne rapporte point, comme saint Luc, les circonstances de ce fait, mais il fait connaître également que cette femme était Marie.
En commençant l'histoire de la résurrection de Lazare, et avant de nous faire arriver à Béthanie; il s'exprime ainsi : "Or, il y avait un certain malade; Lazare, de Béthanie, du, bourg où demeuraient Marie et Marthe sa sœur. Marie était celle qui oignit le Seigneur de parfums, et lui essuya les pieds avec ses cheveux ; or, Lazare, alors malade, était son frère (1)." Saint Jean confirme ainsi le récit de saint Luc, qui place le fait dans la maison d'un Pharisien nommé Simon. Ainsi donc Marie avait déjà répandu des parfums; elle en répandit de nouveau à Béthanie, et il n'y a rien de commun entre le récit de saint Luc et ce qui est ensuite raconté par les trois autres évangélistes, saint Jean, saint Matthieu et saint Marc (2).
1 Matt, XXVI, 3-13.
2 Luc, VII, 36-50.
1 Jean, XI, 1-2.
2 Jean, XII, 1-8; Marc, XIV, 3-9.
Gras ajoutés.
À suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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155. Examinons donc s'il règne un accord parfait entre ces trois différents récits de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Jean ; car c'est bien le même fait, qui eut lieu à Béthanie, où les disciples, d'après les trois évangélistes, murmurèrent contre cette femme de ce qu'elle prodiguait inutilement un parfum d'un si grand prix. Saint Matthieu et saint Marc font répandre ce parfum sur la tête du Seigneur, saint Jean sur ses pieds; mais une telle différence n'implique aucune contradiction, comme déjà nous l'avons démontré au sujet des cinq pains dont fut nourrie la multitude. De ce que dans l'un il est dit qu'on s'assit par groupes de cinquante et de cent, et dans l'autre par groupes de cinquante, les deux passages ne peuvent se contredire. L'un aurait dit qu'ils étaient par centaines, et l'autre par cinquantaines, qu'il eût encore fallu en conclure qu'on avait formé ces deux sortes de groupes. Ce fait nous apprend, comme je l'ai fait observer alors, que si les évangélistes racontent, celui-ci un fait, celui-là un autre, nous devons en conclure que les deux faits ont eu lieu (3). Disons donc aussi que cette femme répandit son parfum, non seulement sur la tête du Seigneur, mais encore sur ses pieds.
Il est vrai que d'après saint Marc elle brisa son vase pour oindre la tête : voudra-t-on, pour ce motif, pousser l'absurdité jusqu'à nier que dans un vase brisé il puisse rester assez de parfum pour oindre les pieds ? Si pourtant on soutenait, afin de mettre en défaut le récit évangélique, que le vase fut tellement brisé, qu'il n'en resta rien ; un autre ne montrerait-il pas plus de logique, et plus de vraie piété, en soutenant, pour appuyer la véracité des Évangiles, qu'après que le vase fut brisé tout ne fut pas immédiatement répandu ? Enfin, si l'on s'opiniâtrait dans cette lutte aveugle et de mauvaise foi, et qu'on voulût en brisant le vase, briser l'accord des évangélistes, je répondrais : L'onction des pieds eut lieu avant que le vase fut brisé, et il était encore intact, quand on répandit le parfum sur la tête; alors seulement le vase fut brisé, et tout fut entièrement répandu. Sans doute il est dans l'ordre de commencer parla tête; mais c'est agir également avec ordre de monter des pieds à la tête.
3 Ci-dessus XLVI, 98,
Gras, soulignés, couleur et lien ajoutés.
À suivre…
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Par Saint Augustin.
CHAPITRE LXXIX. FESTIN DE BÉTHANIE.
156. Le reste de l'histoire ne peut soulever aucune difficulté. D'après les autres évangélistes, ce sont les disciples qui se plaignent de voir ainsi répandu un parfum d'aussi grand prix, tandis que saint Jean attribue cette plainte à Judas, parce qu'il était voleur. Or, il est évident, selon moi, que Judas se trouve désigné par ce nom de disciples au pluriel. C'est une manière de parler que nous avons déjà signalée dans l'histoire des cinq pains au sujet de l'apôtre Philippe, où le pluriel est employé pour le singulier (1). On pourrait croire aussi que les autres Apôtres ont pensé ou parlé comme lui, ou bien encore se sont laissé persuader par Judas, et qu'ainsi saint Matthieu et saint Marc ont pu mettre cette réflexion dans la bouche de tous, comme l'expression de leur conviction; que Judas a parlé parce qu'il était voleur, et les autres, par compassion pour les pauvres, et que saint Jean, en ne désignant que celui-là, a voulu faire connaître à cette occasion sa funeste habitude de dérober.
1 Ci-dessus n. 96.
Gras et lien ajoutés.
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Re: LIVRE SECOND. DE L'INCARNATION A LA CÈNE. NUL DÉSACCORD ENTRE LES ÉVANGÉLISTES (SAINT AUGUSTIN) - TABLE DES MATIÈRES.
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LIVRE SECOND.
De l'Incarnation à la Cène. Nul désaccord entre les quatre Évangélistes
Par Saint Augustin.
CHAPITRE LXXX. DISCIPLES ENVOYÉS POUR PRÉPARER LA PÂQUE.
157. Saint Matthieu continue: "Alors un des douze, appelé Judas Iscariote, alla vers les princes des prêtres; et il leur dit : Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai ? Et ceux-ci lui assurèrent trente pièces d'argent," etc, jusqu'à ces mots :" Et les disciples firent comme Jésus leur commanda, et ils préparèrent la Pâque (2)." Rien dans ce passage ne paraît contredire le récit de saint Marc ni celui de saint Luc, qui contiennent tous deux le même fait (3). Quand saint Matthieu dit : "Allez dans la ville, chez un tel, et dites-lui: Le Maître dit : Mon temps est proche; je veux faire chez toi la Pâque avec mes disciples," il désigne évidemment celui que saint Marc et saint Luc appellent le père de famille, le maître de la maison dans laquelle on leur montra une salle pour y préparer la Pâque.
Si donc saint Matthieu dit "chez un tel," c'est évidemment une expression qu'il emploie de lui-même pour abréger le récit. Car s'il eût fait ainsi parler le Seigneur : Allez à la ville, et dites-lui: Mon temps est proche, je veux faire la Pâque chez toi; on aurait certainement pu croire que ceci s'adressait à la ville même. Il ne prête donc point cette parole au Seigneur, en rapportant ses ordres, mais il dit de lui-même que le Seigneur ordonna d'aller vers un tel. Cette expression lui paraît suffisante pour faire connaître ce que Jésus commanda, sans répéter toutes ses paroles. En effet, on ne dit jamais réellement: Allez vers un tel; qui pourrait le contester ? Si le Seigneur eût dit : Allez vers le premier venu, vers qui vous voudrez, ces mots auraient exprimé par eux-mêmes une idée complète, mais ils ne désignaient point vers qui il les envoyait ; tandis que saint Marc et saint Luc font parfaitement connaître cet homme sans désigner son nom. Car le Seigneur savait bien vers qui il les envoyait; et afin qu'ils le pussent trouver eux-mêmes, il leur indique à quel signe ils le reconnaîtront. C'est un homme portant une cruche ou une amphore remplie d'eau: c'est lui qu'ils doivent suivre jusqu'à la maison qu'il veut occuper.
On ne pouvait donc pas dire ici: Allez vers le premier venu : le sens de la phrase eût été complet, mais la pensée ainsi exprimée n'était plus vraie; et en disant: Allez vers un tel, n'était-ce pas se servir d'une expression encore plus vague et moins admissible ? Évidemment les disciples ne furent point envoyés vers le premier venu, mais vers tel homme, c'est-à-dire, vers un homme qui leur fut clairement désigné. L'Évangéliste pouvait donc, sans citer textuellement, faire ainsi connaître et en son nom, ce qui avait été dit: Il les envoya vers un tel, pour lui dire : Je veux faire la Pâque chez toi. Il eût pu aussi écrire: Il les envoya vers un tel, en disant: Allez et dites-lui: Je veux faire la Pâque chez toi. Il fait donc parler le Sauveur, il cite ses paroles : "Allez dans la ville," puis il ajoute : "vers un tel;" non pas que le Seigneur ait dit ce mot, mais l'évangéliste nous fait entendre, par là, qu'il y avait dans la ville un homme dont il ne cite point le nom, vers qui furent envoyés les disciples du Seigneur, afin de préparer la Pâque.
L'auteur écrit donc ici deux mots de lui-même, puis il reprend la suite des paroles du Seigneur : "Et dites-lui : Le Maître dit." Si quelqu'un voulait savoir à qui, on pourrait lui répondre : A un homme vers qui l'évangéliste indique clairement qu'ils furent envoyés, quand il dit : "Vers un tel." Cette manière de parler est peu usitée ; mais elle a ici un sens complet: Peut-être la langue hébraïque, dans laquelle on prétend qu'écrivit saint Matthieu, permet-elle de mettre toutes ces expressions dans la bouche du Seigneur, sans violer les règles: ceux qui connaissent cette langue, peuvent s'en rendre compte. On eût encore pu s'exprimer ainsi en latin : Allez dans la ville, vers celui que vous désignera un homme venant à vous portant une cruche d'eau : car un ordre semblable pourrait s'exécuter sans embarras. Si l'on disait également: Allez dans la ville, vers tel homme, qui demeure à tel ou tel endroit, dans cette maison, ou dans une autre, la désignation du lieu ou de la maison ferait comprendre ces paroles; on pourrait faire ce qu'elles expriment. Mais si on ne donnait pas ces signes distinctifs, ou d'autres semblables, et qu'on dît: Allez vers un tel, et dites-lui; on ne pourrait être compris; car on voudrait, par ces mots : vers un tel, désigner quelqu'un en particulier sans rien exprimer qui le distingue. Si donc nous regardons cette expression comme venant de l'évangéliste lui-même, elle pourra paraître un peu obscure, en énonçant plus brièvement la pensée; mais elle renfermera un sens complet. Si saint Marc appelle la gène ce que saint Luc nomme amphore, l'un indique l'espèce de vase, l'autre la manière de le porter; mais tous deux rendent exactement le fond de la pensée.
2 Matt. XXVI, 14-19.
3 Marc XIV, 10-16; Luc, XXII, 3-13.
Gras ajoutés.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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