Les OBLATS en Amérique.
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Re: Les OBLATS en Amérique.
Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 2Autour du lac Témiskamingue.SUITE
Quarante ans plus tard, un publiciste canadien écrivait de lui :
— Le P. Laverlochère est un homme dont le souvenir est ineffaçable. Il fut le symbole de la vertu héroïque, de la charité inépuisable, de l'éloquence passionnée... Il a exercé au Témiskamingue un ministère fécond, dont le digne couronnement a été une mort causée par les fatigues, les misères sans nombre endurées dans ses déplacements perpétuels, et par les maladies qu'il y a contractées (1).
Dans leur naïve et touchante reconnaissance, les sauvages évangélisés par lui, l'appelèrent Mino-Tagossité : Celui qu'on aime à entendre; et aussi Kaminoteck : Celui qui a bon cœur.
Grand et solide, d'une figure avenante, l'esprit vif et plein d'entrain, le P. Laverlochère à une énergie peu commune joignait une piété des plus tendres, et une soif insatiable des âmes. Pour leur salut, il se condamna, jusqu'à extinction de forces, à des courses apostoliques qui se chiffrèrent, chaque année, par milliers de kilomètres.
Le 15 juin 1844, après un mois de canotage, il arrivait à Témiskamingue, et y trouvait plus de trois cents sauvages, réunis autour du fort de la Compagnie des marchands de pelleteries, pour y échanger, contre des objets de toutes sortes, les peaux des animaux à fourrures tués à la chasse.
Il les visita séparément sous leurs tentes ; puis, ayant constaté combien ils aimaient le chant, il les invita à se grouper, le soir, auprès de lui, pour apprendre dés cantiques.
Cette proposition leur fut très agréable.
La musique leur plaît extrêmement, écrivait-il au P. Guigues. Ces sauvages chanteraient jour et nuit. Un des meilleurs moyens de les instruire promptement, serait de composer en vers un abrégé des vérités de la religion. Cela servirait avantageusement de catéchisme.
Par sa bonté, ses prévenances et son entrain, il eut vite gagné le cœur de ces enfants des bois, qui ne se lassaient pas de l'écouter. Il les initia ainsi aux principaux mystères de la Foi, leur faisant répéter souvent ce qu'il voulait graver dans leur mémoire.
Ce premier contact avec eux ne dura, cependant, que deux semaines. Ces pauvres gens commençaient à manquer de nourriture. Il leur distribua une large part de ses provisions. Qu'était cela pour trois cents bouches affamées ? La séparation s'imposait; mais on se donna rendez-vous pour l'année suivante, à la même époque.
Jetée dans ces âmes neuves, la divine semence y fructifia sous l'effet de la grâce. Quand, le 11 juin 1845…
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(1) Arthur BUIS. L'Outaouais supérieur, in-12, Québec, 1889, p. 240, sq.
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Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 2Autour du lac Témiskamingue.SUITE
Quand, le 11 juin 1845, le P. Laverlochère, accompagné du P. Garin, débarqua de nouveau à Témiskamingue, il eut la consolation de voir que ses enseignements n'avaient pas été oubliés.
Sur la grève, les sauvages l'attendaient avec impatience. De cent vingt-cinq qu'il avait agrégés à la Société de Tempérance, un seul n'avait pas tenu son engagement. Vingt-cinq autres s'y enrôlèrent aussitôt. Résultat d'autant plus frappant, que l'ivrognerie, jusqu'alors, avait constitué leur passion dominante, depuis que des commerçants imprudents et sans conscience leur livraient, en retour de leurs fourrures, de l'eau-de-vie grossière, que les indigènes appelaient l'eau-de-feu. et dont ils étaient très friands. Malgré cette propension à l'abus des liqueurs fortes, ils persévérèrent courageusement dans cette abstinence, si méritoire pour eux.
Pendant ce second séjour, le Père développa le bien déjà commencé. La plupart progressèrent assez dans la connaissance des vérités surnaturelles, pour être baptisés. Puis, avant le départ du Missionnaire, deux-cents voulurent se confesser. Il suffisait d'un regard pour se convaincre de la piété, du sérieux et du recueillement avec lesquels ils s'approchaient du sacrement de pénitence. Durant des journées entières, ils s'y préparaient, agenouillés, ou assis à la porte de la cabane aménagée en chapelle. Rien ne pouvait les distraire. Ils ne prêtaient aucune attention à ce qui se passait ou se disait autour d'eux, et ne songeaient même point à leurs repas. Beaucoup firent leur première communion.
Désormais, l'œuvre était solidement fondée. De plus en plus, ces sauvages s'attachèrent à leurs apôtres. Chaque année, quand ils les voyaient revenir, éclataient des transports d'allégresse indescriptibles. Pour attendre les Missionnaires, ils n'hésitaient pas à supporter la disette.
— Robe noire, dirent-ils au P. Lavcrlochère, en 1846, nous craignions bien de ne pas te revoir, avant que la nécessité nous eût contraints de nous disperser pour aller à la pêche ; mais, puisque tu es venu, nous jeûnerons encore, pour jouir de ta présence, entendre ta parole et purifier nos âmes.
Mêmes sentiments, plus touchants encore, deux ans plus tard.
Décimés par la famine, décharnés, squelettes ambulants, ils soupiraient ardemment après sa visite.
— Nous n'attendions plus que l'arrivée de la Robe noire pour mourir !
Avec calme, ils racontèrent leur extrême misère...
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Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 2Autour du lac Témiskamingue.SUITE
Avec calme, ils racontèrent leur extrême misère. Plusieurs avaient succombé à la suite des privations de tout genre, la chasse et la pêche ne leur fournissant plus leur subsistance ordinaire. A mesure que les ouvriers des chantiers, les coupeurs de bois, comme ils les appelaient, détruisaient la forêt, le gibier fuyait. Pour comble de malheur, des crues excessives, produites par la fonte des neiges, avaient rendu la pêche presque impossible dans la rivière et dans les lacs.
Devant cette détresse inouïe dans les pays civilisés, les Pères Laverlochère et Clément furent émus jusqu'aux larmes, et partagèrent avec ces infortunés toutes leurs provisions. Ils admiraient avec quelle surnaturelle résignation ces bons Indiens leur exposaient une si profonde calamité. Triomphe marqué de la grâce sur ces caractères autrefois si enclins à la colère.
— S'il est navrant de les voir souffrir, écrivait le P. Laverlochère, on goûte aussi une consolation bien douce à découvrir, dans leur cruelle épreuve, ces pensées chrétiennes qui sanctifient la douleur.
En quelques années, cette tribu, qui se rassemblait régulièrement, vers le milieu du printemps, auprès de la factorerie du lac Témiskamingue. pour y vendre ses fourrures, passa presque complètement au catholicisme. Rares furent ceux que les superstitions, les prestiges des magiciens ou des jongleurs et la passion pour les liqueurs alcooliques retinrent davantage dans les ténèbres de l'infidélité.
Chaque fois que le P. Laverlochère se dirigeait vers ces parages, où il avait engendré à Jésus-Christ des hommes naguère si grossiers, son cœur battait plus vite et avec plus d'ardeur.
— Que sont devenus mes chers néophytes ? se demandait-il. Ils versaient des larmes, en me quittant. Les retrouverai-je tous ?
Depuis le jour, en effet, où l'obéissance l'avait envoyé vers ces peuplades errantes…
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Depuis le jour, en effet, où l'obéissance l'avait envoyé vers ces peuplades errantes, il n'avait plus vécu que pour elles. Son bonheur était de les instruire, de les fortifier dans la pratique des vertus chrétiennes, et de se sacrifier pour leur salut.
Mais aussi comme on l'aimait ! Hommes et jeunes gens le recevaient solennellement, le fusil à la main. et, dès son apparition, l'accueillaient par une décharge générale de mousqueterie, maintes fois répétée. Ce n'était pas assez de leurs voix pour traduire leur jubilation : il fallait encore que la poudre parlât. Et ils ne l'économisaient guère dans cette circonstance.
A ces manifestations retentissantes se mêlaient les sentiments les plus édifiants. Chaque jour, ils se pressaient, le matin, à la chapelle. Le soir, ils y revenaient encore. Non seulement ils remplissaient ponctuellement leurs devoirs religieux, mais ils priaient instamment pour la conversion de ceux qui s'obstinaient encore à repousser la lumière.
— Mes enfants, leur disait le Missionnaire, j'ai laissé mes parents, mes amis, ma patrie, pour venir dans vos forêts partager vos peines, et vous enseigner le chemin du ciel. Votre âme m'est plus chère que la vie. Il y a, cependant, encore quelques-uns des vôtres qui ne veulent pas des bienfaits de mon ministère, et refusent de m'écouter. S'ils persévèrent dans leurs mauvaises dispositions, ils tomberont dans l'abîme du feu et pour toujours. Oh ! prions, prions ! Demandons à Marie, la Mère des miséricordes, qu'elle intercède pour eux.
Et tous, agenouillés, d'une voix émue, adressaient à l'auguste Reine du ciel cette touchante supplication :
— Souviens-toi, ô Marie, que nous qui habitons les forêts, nous sommes les frères de ton divin Fils, comme ceux qui habitent les grands villages, puisqu'il a souffert pour nous également, et qu'il est mort sur la croix pour nous arracher à la damnation. Nous étions bien à plaindre, avant de connaître la bonne prière (la religion) que la Robe noire nous a apprise. Mais, plusieurs, près de nous, restent encore ensevelis dans la nuit profonde !... O compatissante Marie, intercède pour eux auprès de ton Jésus: nous savons combien tu es puissante sur son Cœur. Ainsi soit-il.
Une prière aussi fervente, réitérée souvent, attirait de plus en plus la grâce, et le nombre des enfants de Dieu se multipliait.
§ 3. Le long des lacs Abitibi. …
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Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 3Le long des lacs Abitibi.
Témiskamingue n'était, cependant, que la première étape, sur l'interminable route que se proposait de parcourir l'infatigable apôtre.
Instinctivement, tout son être s'orientait vers le nord, comme l'aiguille aimantée se tourne d'elle-même vers le centre mystérieux d'attraction qui la sollicite sans cesse.
Chaque année donc, sa mission finie à Témiskamingue, il se gardait bien de revenir en arrière. Sur son frêle canot, il s'élançait vers la rive septentrionale du lac. Il remontait hardiment la rivière des Quinze rapides, qui rendent, en cet endroit, la navigation particulièrement pénible, et nécessitent plusieurs jours d'efforts ininterrompus.
Arrivé au lac de Mijizowaja, que des légions d'ours fréquentent, il se risquait sur de nouveaux rapides, et atteignait ainsi ce que l'on appelait les « hautes terres », ou ligne de faîte séparant les eaux qui se précipitent dans le bassin de l'Ottawa, de celles qui coulent vers la baie d'Hudson.
Là, on chargeait le canot sur les épaules, et, avec armes et bagages, on gagnait à pied le versant opposé, près d'une des branches de la rivière Abitibi. On remettait le canot à l'eau, et on se laissait aller à la dérive, non sans danger, par-dessus maints rapides, vers les grands lacs Abitibi, situés à deux cents kilomètres environ au nord de Témiskamingue, et à six cents d'Ottawa.
Route vraiment difficile et très accidentée, tantôt sous la voûte épaisse de forêts s'étendant à perte de vue, tantôt à travers des savanes et des plateaux fangeux. Une foule de petits lacs disséminés de part et d'autre, et communiquant par une multitude de canaux tortueux qui se croisent en tous sens, y creusent d'inextricables labyrinthes.
Les lacs Abitibi, appelés respectivement lac supérieur et lac inférieur, mais reliés par une étroite passe, ne forment, en réalité, qu'un seul lac, long de quatre-vingt-dix kilomètres, et large de huit à vingt-cinq. Peu profond et parsemé d'îles, il contient une eau boueuse, désagréable au goût et malsaine, car elle donne le ver solitaire à ceux qui en boivent quelque temps. Presque tous les habitants de ces parages ont cet hôte incommode logé dans leurs entrailles, et sont d'une maigreur affreuse, quoique d'un insatiable appétit.
Autour du lac, de vastes marais et de profondes tourbières.
Dans la matinée du 9 juillet 1844, le P. Laverlochère y arrivait pour la première fois, et se dirigeait vers le fort ou comptoir de la Compagnie des commerçants en fourrures.
— Ce petit établissement, disait-il, me semblait, comme une île naissante, émerger du sein des eaux, tant est basse la pointe de terre qui le soutient.
Campés dans les environs, les sauvages différaient sensiblement…
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Campés dans les environs, les sauvages différaient sensiblement de ceux qu'il avait évangélisés. D'une grossièreté repoussante, ils fuyaient à son aspect. Pour les apprivoiser, il dut s'introduire, presque malgré eux, sous leur tente, causer familièrement avec tous, caresser leurs enfants, et les combler de cadeaux.
Conquis par ces procédés, quelques-uns commencèrent à se montrer moins farouches, et consentirent à venir assister aux exercices de la mission. Peu à peu, leur chiffre s'accrut. Le chant les attirait, eux aussi, et. avec les pieux cantiques, des idées surnaturelles pénétrèrent dans leurs âmes.
Pour mériter les biens éternels, ils résolurent d'endurer, avec patience et même avec joie, la faim, le froid et les multiples incommodités de leur misérable existence.
Surtout la vue de la croix les frappa d'étonnement. Quand le Missionnaire leur en eut exposé le mystère caché, ils en conçurent un vif regret de leurs fautes.
Dans ce sentiment de repentir, ils répétaient à l'envi :
— O toi. mon Maître, qui as été blessé pour moi, prends pitié de ma faiblesse, et pardonne-moi mes crimes.
Autant les débuts de cet apostolat furent pénibles, autant la suite fut consolante. Sans doute, cette peuplade était grossière; mais, n'ayant presque jamais eu contact avec les blancs, elle n'avait pris aucun des vices de la civilisation. Ces pauvres gens avaient, selon le mot de Tertullien. « l'âme naturellement chrétienne », c'est-à-dire l'âme créée pour la vérité, comme l'œil est fait pour la lumière.
Un an après, durant sa seconde visite, le P. Laverlochèrc écrivait au P. Guigues :
— Ma chrétienté d'Abitibi est encore peu nombreuse : mais il serait difficile d'en trouver une plus fervente. A toutes les heures du jour et de la nuit, j'entends ces pieux néophytes prier, chanter, ou réciter ensemble le chapelet.
Ils préparaient avec soin leur confession, et, pour ne rien oublier de ce que leur découvrait leur examen de conscience, à défaut de l'écriture qu'ils ne connaissaient pas, ils gravaient des signes symboliques sur un morceau d'écorce. Un homme, la tête en bas, par exemple, leur rappelait qu'ils s'étaient enivrés.
Parmi ces adultes convertis, on remarquait un jeune chasseur d'un caractère si violent qu'il avait tué, deux ans auparavant, sa mère d'un coup de fusil.
Rarement, disait le zélé Missionnaire, je rencontrai pénitent plus contrit.
La scène des adieux fut si touchante que les agents de la Compagnie…
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La scène des adieux fut si touchante que les agents de la Compagnie en demeurèrent très impressionnés. Plus de trois cents sauvages s'étaient agenouillés dans l'attitude du respect le plus grand, même ceux qui n'avaient pas encore reçu le baptême, soit qu'ils ne fussent pas suffisamment instruits des dogmes de la foi. soit qu'ils n'eussent pas le courage de renoncer à leurs erreurs.
Debout sur son canot prêt à prendre le large, leur apôtre, levant vers le ciel ses mains bénissantes, et les yeux pleins de larmes, suppliait le Dieu des miséricordes d'abaisser un regard de bonté sur les justes et de compassion sur ceux qui hésitaient à secouer le joug du démon.
— Non, non. jamais je ne fus témoin d'un spectacle aussi attendrissant, disait un protestant, longtemps après. J'en suis encore ému.
On avait déjà préparé les pièces de bois nécessaires pour la construction d'une chapelle. Au printemps de 1846, le P. Clément amena des ouvriers et présida aux travaux, tandis que le P. Laverlochère prêchait à Témiskamingue. Quand celui-ci arriva, tout était terminé.
Les Indiens ne se possédaient pas de joie, en contemplant, au milieu de leur campement, la sainte cabane de la prière. Que de fois, quand le Missionnaire leur avait dépeint la magnificence des églises d'Europe et la majesté des cérémonies religieuses qui s'y déroulent, on les avait entendus s'écrier avec un profond soupir :
— Oh ! qu'ils sont heureux, les priants des grands villages ! Que n'avons-nous de pareilles cabanes pour la prière ! Ah ! si nous pouvions imiter les priants de là-bas, dont tu nous parles si souvent !...
Leurs vœux étaient maintenant comblés, en partie du moins. Rien n'égalait leur contentement. Ils étaient, à la fois, heureux et fiers.
Dans ce temple modeste, le premier élevé au vrai Dieu en cette contrée lointaine, ils se réunissaient dévotement, les hommes d'un côté, et les femmes de l'autre. Chacun tenait ostensiblement son chapelet à la main, ou suspendu sur les épaules, la petite croix retombant sur la poitrine. Leur recueillement était tel que rien ne pouvait les distraire.
Un jour, le P. Laverlochère…
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Un jour, le P. Laverlochère voulut leur inspirer de la reconnaissance pour ceux qui, par leurs aumônes, avaient coopéré puissamment à leur évangélisation.
— Les Gardiens de la prière (les évêques) pensent à vous, leur dit-il. Ce sont eux qui vous envoient les Robes noires (les prêtres). Les habitants et priants des grands villages d'au delà de la grande eau (la mer) contribuent, par leur générosité, à équiper mon canot et à bâtir votre sainte cabane...
A ces mots, un vieillard encore infidèle se leva, et, d'une voix lente, comme s'il posait une question d'un extrême importance :
— Robe noire, dit-il, tu nous affirmes que les priants d'au-delà de la grande eau pensent à nous. Mais savent-ils où nous sommes ?
— Et pourquoi ne le sauraient-ils pas ! Je le savais bien, moi, puisque je suis venu vous trouver !
— Tu as donc aussi traversé la grande eau ?
— Oui, mes enfants, je l'ai traversée pour vous. Avant de partir, je me disais : J'aurai beaucoup à souffrir, mais je vais enseigner la prière du Grand Esprit aux hommes qui ne la connaissent pas. Cette pensée m'a donné la force de laisser mon pays, et surtout (peine plus douloureuse) de quitter ma mère, qui pleurait en m'embrassant pour la dernière fois.
Stupéfaction générale ! Tous se regardent, et plusieurs voix s'écrient :
— Quoi ! tu as une mère ! clic est en vie ! elle habite au delà de la grande eau ! elle pleurait, et tu l'as quittée !... Tu ne l'aimes donc pas !...
— Aucune parole ne saurait vous exprimer combien je la chéris, ma bonne mère ! Je l'aime plus que moi-même ; mais j'aime plus encore vos âmes, à cause du Grand Esprit.
Prenant, alors, dans la main, sa large croix d'Oblat, il leur expliqua de nouveau ce qu'une seule âme a coûté au Fils de Dieu.
— Je ne verrai plus ma mère en ce monde : mais je la retrouverai dans le ciel, et c'est pour vous y conduire que je suis venu de si loin jusqu'ici. Ah ! de grâce! que tant de sacrifices ne soient pas sans profit pour vos âmes !... Que les larmes de ma mère n'aient pas été versées inutilement pour vous !... Suivez mes conseils ! Marchez dans le sentier que je vous indique : il mène à la vraie patrie, celle d'en haut, où les bons vivront heureux éternellement !
Cet entretien fit sur les sauvages une impression profonde, et qui ne s'effaça plus. La pensée que le prêtre avait laissé pour eux sa mère, lui ouvrit définitivement l'accès de leur cœur. Les plus endurcis furent émus. Ils demandèrent à prendre rang parmi les catéchumènes.
Dès les premières heures du matin jusqu'aux dernières lueurs du soir, beaucoup venaient, tour à tour, se prosterner devant une croix érigée sur le sommet d'une petite éminence qui dominait le lac.
— J'y ai vu couler bien des larmes de componction, écrivait le P. Laverlochère au P. Vincens. Moi-même je ne saurais vous dire ce que je ressentais, lorsque, témoin de ces effusions naïves, j'entendais monter, de toutes les tentes dressées sur les flancs de la colline, les chants graves et pieux de nos sauvages. Ah ! ma joie eût été trop douce, si, dans le lointain, plus au nord, ne me fussent apparues tant de peuplades encore infidèles !...
Au moment du départ, le chef lui adressa la parole…
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Au moment du départ, le chef lui adressa la parole, au nom de toute la tribu réunie à ses côtés :
— Tu vas nous quitter, mon Père !... Le temps de ton absence nous paraîtra long. Mais, quoique nous ne puissions plus te voir des yeux du corps, tu seras toujours présent à notre mémoire ! Tu salueras pour nous les Gardiens de la prière. Tu leur diras que nous les remercions de nous envoyer des Robes noires pour nous rendre meilleurs. Adieu, mon Père, prie pour nous. Tous, nous prierons, nous aussi... pour ton retour !...
§ 4 Dans les vastes territoires de la baie d'Hudson...
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Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 4Dans les vastes territoires de la baie d'Hudson.
— Au nord ! toujours au nord, telle était la devise du P. Laverlochère.
Son cœur le poussait vers le nord, avec une force irrésistible et l'ardeur sans cesse croissante d'une âme altérée d'amour de Dieu et d'amour du prochain.
Pour aller à la baie d'Hudson, il n'avait qu'à descendre en canot la rivière Abitibi, par laquelle le lac de ce nom se déverse dans la mer.
Se laisser porter par le courant eût été chose des plus simples et des plus faciles, si cette rivière n'était une des plus dangereuses de l'Amérique septentrionale. Impétueuse comme un torrent, elle n'offre qu'une série de rapides, de cascades, de chutes et d'écueils. L'eau, cependant, y est si trouble qu'elle ne permet pas d'apercevoir les arêtes de rocher à quelques centimètres de profondeur. Sur son frêle esquif, il faut au navigateur une prudence extrême. A chaque instant, sa barque risque de se briser.
L'une de ces cascades, tragiquement célèbre, s'appelle la Chute des Iroquois. Acharnés à poursuivre les Algonquins dont ils avaient juré la perte, cinquante de leurs guerriers s'y engloutirent dans un abîme de vingt mètres, dont ils ne soupçonnaient pas l'existence.
Quand le P. Laverlochère se hasarda vers ces régions lointaines, le courant était d'une vitesse si vertigineuse, même en dehors des rapides, que son canot, en six jours, franchit plus de trois cents kilomètres. Des pluies diluviennes avaient grossi la rivière, et les chemins de portages en étaient inondés.
Trois fois, en quelques heures, les voyageurs furent sur le point d'être écrasés par des éboulements gigantesques. Un matin, le Missionnaire, grimpant le long d'une côte escarpée, se cramponnait à un arbrisseau pour s'aider à la gravir, lorsqu'il sentit subitement le terrain céder sous ses pieds, et roula jusqu'au bord d'un précipice, tenant toujours le végétal, entraîné lui aussi par cette masse qui se détachait du flanc de la montagne. Si elle eût glissé quelques mètres de plus, l'apôtre eût terminé sa carrière mortelle, au fond de ce gouffre béant.
Après bien des péripéties de ce genre, parut, enfin, l'embouchure de cette terrible rivière qui se jette dans la baie James, prolongation de la baie d'Hudson. A une lieue du rivage, dans une petite île, s'élève la Moose Factory. l'un des comptoirs de la Compagnie ayant alors le monopole du commerce des fourrures. La position géographique de ce poste le constitue comme l'entrepôt général de tous ceux qui sont établis dans un rayon de cinq cents kilomètres. Plusieurs navires y chargent, chaque année, les précieuses pelleteries pour les transporter à Londres.
Les sauvages qu'il y rencontra ne lui firent pas bon accueil…
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Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 4Dans les vastes territoires de la baie d'Hudson.SUITE
Les sauvages qu'il y rencontra ne lui firent pas bon accueil. Un ministre méthodiste-wesleyen, arrivé sur l'un des vaisseaux de la riche Compagnie anglaise, les avait imbus de toutes sortes de préjugés contre l'Église. Les calomnies haineuses et absurdes proférées contre le clergé n'avaient que trop infecté leurs âmes. Ils fuyaient à l'approche du Missionnaire, comme à celle d'un pestiféré.
Cet artisan de mensonges leur avait répété sur tous les tons : — Le prêtre catholique est un fils de Bélial ; un émissaire de l'Antéchrist qui siège à Rome ; un homme conduisant en enfer quiconque marche à sa suite. Anathème ! anathème à tous ceux qui consentiraient seulement à l'entendre.
Et ces pauvres sauvages, à la vue du P. Laverlochère. se hâtaient de déguerpir, en se bouchant les oreilles.
Haïr le prêtre, c'est tout ce que le ministre leur apprit, durant son séjour de plusieurs années parmi eux. Il les baptisait, quand il constatait que cette répulsion pour l'Église atteignait chez eux un degré suffisant. A cela se bornait leur science religieuse. Aucun n'aurait été capable de dire s'il y a un Dieu en trois personnes, et si l'une s'est incarnée pour racheter l'humanité. Seul le nom biblique reçu au baptême les distinguait des infidèles les plus ignorants.
Heureusement survinrent quelques néophytes de Témiskamingue et d'Abitibi. Leur manière d'agir contrastait singulièrement avec celle des sectaires. Leur bonne conduite, leur vénération pour la Robe noire, les explications qu'ils donnèrent eux-mêmes sur leurs croyances, préparèrent les voies à la lumière, en dissipant les nuages amoncelés.
— Voyons ! dit, un jour, l'un de ces prétendus méthodistes que les théories embarrassaient,...
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Re: Les OBLATS en Amérique.
Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 4Dans les vastes territoires de la baie d'Hudson.SUITE
— Voyons ! dit, un jour, l'un de ces prétendus méthodistes que les théories embarrassaient, quelle est, au juste, la différence entre votre religion et la nôtre ? entre votre Robe noire et notre ministre ? Je n'y comprends rien !...
— La différence !... tu ne l'aperçois pas ?... Elle est, cependant, assez tangible !... Autrefois, nous étions méchants, et la Robe noire nous a faits bons, en nous enseignant la prière du Grand Esprit qui défend le péché. Ainsi, moi, par exemple, tu sais combien j'étais ivrogne et irascible. Je passais pour l'un des plus mauvais sujets de la tribu, et non sans motif. Eh bien ! depuis que j'ai promis au Grand Esprit de ne plus boire de la liqueur de feu, je n'y ai plus touché. Depuis lors aussi, je ne me dispute plus, et, loin de battre mes frères, je prie pour eux et je les aime. Et, cependant, tu t'en souviens, que de vilains coups j'avais échangés avec eux, dans ces querelles qui se renouvelaient à chaque instant !... Maintenant, je veux du bien à tous, même à ceux qui me souhaitent du mal.
— Tu m'étonnes !... Jamais notre ministre ne nous a conseillé de ne plus boire de la liqueur de feu ! Jamais il ne nous a recommandé de ne pas nous disputer. Il se mettait bien en colère, lui ! Jamais surtout il ne nous a dit de rendre le bien pour le mal !...
— Me demanderas-tu donc encore la différence entre la Robe noire et ton ministre ? Elle est profonde, tu le vois !... De même, entre ta fausse religion et la nôtre, la seule vraie !
Des conversations de ce genre impressionnaient les sauvages.
D'autre part, les agents de la Compagnie qui s'étaient brouillés avec le ministre, accueillirent très cordialement le P. Laverlochère. Le chef de l'établissement mit une pièce assez vaste à sa disposition pour les exercices du culte. Chaque matin, le Missionnaire y célébrait la Messe. Les catéchumènes de Témiskamingue et d'Abitibi (une quarantaine environ) y assistaient avec beaucoup de piété, récitaient des prières, et chantaient des cantiques. Les Indiens de l'endroit, auxquels on avait si souvent répété que la Messe était un acte diabolique, portant malheur sur la terre et vouant aux flammes de l'enfer, surpris que la foudre ne tombât pas sur les assistants, s'enhardirent jusqu'à s'approcher du mur extérieur, à regarder par les fenêtres et à écouter.
L'explication quotidienne de nos mystères et le spectacle des cérémonies liturgiques leur plurent.
Comment concilier ce qu'on leur avait dit auparavant, avec ce qu'ils voyaient de leurs yeux et entendaient de leurs oreilles ?
Peu à peu, les préjugés s'évanouissaient.
Ces malheureux égarés finirent par apporter au Père leurs enfants nouveau-nés, pour qu'il les baptisât, et plusieurs lui manifestèrent le désir de connaître mieux cette religion qui leur apparaissait déjà si belle.
Malgré les ronces et les épines, le bon grain confié au sillon, y germa et produisit ses fruits.
Avant de quitter la Moose Factory, le P. Lavcrlochère…
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Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 4Dans les vastes territoires de la baie d'Hudson.SUITE
Avant de quitter la Moose Factory, le P. Lavcrlochère planta une grande croix sur une éminence voisine. Au pied de ce signe auguste de notre Rédemption, il développa encore devant tous la raison du culte que les catholiques lui rendent. Cette exhortation pathétique, au moment du départ, arracha des larmes aux protestants eux-mêmes.
Quand il revint, l'année suivante, il n'eut plus qu'à récolter dans la joie ce qu'il avait semé dans la tribulation.
— Au nord ! encore au nord !...
Ces conquêtes spirituelles ne suffisaient pas à la sainte ambition de l'ardent Missionnaire. Il lui en fallait d'autres, pour calmer sa soif des âmes.
Vers le milieu de juillet, il s'embarqua sur une goélette, pour le poste d'Albany, situé à plus de deux cents kilomètres au nord, également sur une petite île. à l'embouchure de la rivière du même nom.
Quoique ce tut en plein été. la mer était en partie couverte de glaces. Sous cette latitude si élevée, la navigation, en effet, ne s'ouvre qu'à la fin du mois de juin, et ne dure que jusqu'à la mi-septembre. Néanmoins, pendant ce court espace de temps, la mer n'est jamais entièrement libre.
Les navires ne peuvent donc progresser qu'avec une extrême prudence, à travers les énormes glaçons, vraies montagnes errantes, qui, à chaque instant, menacent de les broyer comme un fétu de paille. Quand on y pense le moins, survient, tout d'un coup, un courant, ou un flot de marée assez puissant pour empêcher l'action du gouvernail, et entraîner irrésistiblement le navire vers ces écueils gigantesques, qui s'approchent de lui et l'entourent, comme s'ils voulaient l'assiéger.
Aussi loin que s'étend le regard, il n'aperçoit que des glaces s'agitant à la surface de l'onde. Le seul moyen d'échapper à ce danger pressant, est de jeter les ancres sur l'un des plus gros bancs de glace, de s'y fixer solidement, et ensuite d'écarter les autres avec de longs bâtons ferrés.
A l'automne, la mer est déjà gelée complètement, et la couche de glace ne cesse, dès lors, d'augmenter. Elle atteint de dix à douze mètres d'épaisseur, au sud de la baie d'Hudson, et incomparablement plus, à mesure qu'on s'avance vers le nord.
Du fort Moose à Albany…
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Du fort Moose à Albany le voyage se fit à travers mille difficultés, et sur une mer très orageuse, sous un ciel noir et lourd. A gauche, un paysage des plus tristes : rivages constitués par un sol bas, stérile et marécageux, baigné, deux fois par jour, par la marée qui monte très haut et se répand très loin. Ni oiseaux dans les airs, ni êtres vivants d'aucune sorte sur les côtes. Dans le sillage du navire, de petites baleines blanches, ou des loups de mer, s'ébattaient et se poursuivaient, mais ne parvenaient pas à mêler une note gaie à ce sombre tableau.
La vue de ces contrées désolées et froides causait un sentiment invincible d'angoisse oppressant le cœur. Il semblait que la poitrine ne pût respirer à l'aise. A l'horizon, par delà les terres incultes, des montagnes, amoncellement de rochers déchiquetés, entrecoupées de ravins profonds, vallées ténébreuses où les rayons du soleil ne pénètrent pas, et que les neiges, qui ne fondent jamais, rendent absolument inabordables.
Quatre jours après le départ, une tempête furieuse poussa la goélette, avec une effrayante rapidité, contre des icebergs qui se trouvaient à peu de distance.
Très alarmé, le capitaine commanda une manœuvre hardie, pour changer promptement de direction. Mais, en s'efforçant d'éviter un danger, il tomba dans un autre. On était arrivé presque en face de l'embouchure de la rivière Albany. La violence de l'ouragan avait renversé les poteaux qui jalonnaient le chenal, relativement étroit, par lequel il fallait nécessairement passer. Soudain, retentit, lugubre, un craquement sinistre. Le navire frôlait une roche sous-marine, et se penchait fortement, comme s'il allait chavirer dans les eaux mugissantes. Heureusement, cette roche, n'ayant pas d'aspérités trop aiguës, ne causa pas de déchirure sérieuse dans la carène. L'avarie était légère. Une vague énorme, qui, presque aussitôt, déferla sur le navire, le souleva dans un immense tourbillon d'écume, l'arracha à son écueil, et le remit à flot.
Peu d'heures après, on entrait dans la rivière, remerciant le Seigneur d'avoir échappé à un naufrage imminent.
Les alentours sont très marécageux. Jusque très avant dans le pays, on ne marche que sur un terrain mouvant, dans lequel on s'enfonce, avec de l'eau jusqu'à mi-jambe. Au delà., des forêts sans limites, mais composées seulement d'arbres rabougris.
— Là, écrivait le P. Laverlochère,…
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— Là, écrivait le P. Laverlochère, pullulent des maringouins, ou moucherons, dont la piqûre venimeuse occasionne une douleur cuisante. Ils sont plus nombreux et plus gros que ceux que j'avais vus encore dans les forêts du Nouveau-Monde. Dès que notre bâtiment entra dans la rivière, il en fut littéralement couvert. Le ciel en était obscurci, comme d'un nuage. Je doute qu'ils fussent plus multipliés, ni plus cruels, lorsque le Seigneur les envoya, à la voix de Moïse, visiter le roi Pharaon et toute l'Égypte.
Pour se préserver de leurs aiguillons redoutables, les sauvages n'ont rien inventé de mieux que de s'enduire le corps d'une forte couche d'huile de poisson pourri. L'odeur qu'ils répandent, alors, est tellement infecte, qu'il faut un vrai courage pour s'approcher d'eux, sans éprouver des haut-le-cœur insurmontables. Les animaux domestiques, pour s'en garantir, se plongent dans l'eau, et y restent des journées entières.
— Quoique j'eusse la précaution, en célébrant la Messe, de m'entourer d'une épaisse fumée, ces maringouins impitoyables envahirent à tel point mes mains et mon visage, que le sang coulant de mes blessures tachait les nappes d'autel. Plusieurs fois, ils éteignirent les cierges, en s'y accumulant durant le service divin.
Quel fléau que ces innombrables tyrans ailés !..
Vraiment ces parages semblent, même à la belle saison, des plus affreux qui soient sur terre. On y éprouve des changements de température si subits, qu'on y voit le thermomètre marquant à peine six degrés centigrades à dix heures du matin, en indiquer trente-six, deux heures après. Les montagnes de glace, réfléchissant les rayons du soleil, se transforment en miroirs ardents, capables d'enflammer, au loin, les arbres et les broussailles. Mais, le soir, on est de nouveau transi.
En hiver, le froid est si vif, que le mercure gèle dans le thermomètre. Les naturels habitent, alors, des cabanes de neige, ou des maisons de glace, dans lesquelles ils s'ensevelissent, durant sept ou huit mois, et d'où ils ne sortent que pressés par la faim.
La chair de l'ours blanc est leur aliment principal, avec celle des baleines blanches, marsouins, loups marins, et autres cétacés, dont ils ingurgitent des quartiers énormes, tout crus. Ils savourent délicieusement ces viandes et graisses fétides, qui soulèvent le cœur de tout homme appartenant à une nation civilisée. Aucun Européen ne s'accoutumerait à ce régime dégoûtant. Approcher simplement de ses lèvres ces mets puants provoquerait en lui les plus violentes nausées.
Combien est rude, pour ces peuplades misérables, la lutte pour la vie !...
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Combien est rude, pour ces peuplades misérables, la lutte pour la vie !...
Hommes et femmes poursuivent l'ours blanc jusque sur les glaces flottantes, au bord desquelles ce féroce quadrupède se promène gravement, guettant le poisson, dont il fait sa nourriture. Au moment où il s'élance dans l'eau pour saisir sa proie au passage, le sauvage qui, de son côté, l'épiait, caché derrière un bloc de glace, bondit et lui décoche une flèche acérée. Très agile malgré sa lourde masse, l'ours, furieux, grimpe sur le glaçon, et fond à toute vitesse sur son ennemi, qui l'attend, de pied ferme, un large couteau à la main. Quand le monstre se précipite sur lui, la bouche grandement ouverte pour le dévorer, l'Indien impassible lui enfonce sa lame d'acier dans la gueule, et, si son bras n'a pas tremblé, le fauve s'affaisse baigné dans son sang. Mais une seule seconde d'hésitation, ou un simple clignement d'œil intempestif, peuvent changer les conditions de ce duel à mort, et le terminer d'une tout autre manière.
Le « sexe faible » en remontrerait, là, à bien des fiers-à-bras de l'Ancien-Monde.
Une femme m'a raconté, écrivait le P. Laverlochère, qu'elle se battit avec un ours, pendant plus d'un quart d'heure, et qu'elle le terrassa.
Si le gibier et le poisson manquaient, ces sauvages se mangeraient entre eux. L'intrépide Missionnaire en connut qui s'étaient repus de leurs propres enfants, la mère de ces infortunés prenant sa part de cet horrible-festin !... Dans une autre circonstance, cela ne suffisant pas, le mari dévora sa femme !... Scènes épouvantables !... qui n'étaient pas, hélas ! des exceptions !...
Des cas de ce genre se renouvelaient, parfois, avec une atrocité inimaginable. Une mégère, vraie tigresse altérée de sang, tua, dans une seule nuit, jusqu'à dix personnes, durant leur sommeil, uniquement pour se procurer de la chair fraîche !...
Tels étaient les peu aimables habitants du pays affreux où le P. Laverlochère abordait.
Pour le dédommager un peu de tant de dangers affrontés déjà, et lui assurer un secours très appréciable au milieu des difficultés futures, la Providence lui réservait une agréable surprise…
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Pour le dédommager un peu de tant de dangers affrontés déjà, et lui assurer un secours très appréciable au milieu des difficultés futures, la Providence lui réservait une agréable surprise.
Le chef du poste d'Albany n'était pas un protestant, comme tous ceux rencontrés jusque-là, mais un catholique irlandais. Sa joie, en voyant arriver un prêtre chez lui, fut inexprimable. Il le reçut comme le messager de Dieu, et lui facilita, autant que cela dépendait de lui, l'accomplissement de son ministère. Chaque jour, il assistait à la Messe, et il la servait. Il communia fréquemment.
Mais les nombreux Indiens réunis autour de la factorerie d'Albany, n'en restèrent pas moins intraitables. Peu leur importait l'exemple du chef du poste. Imbus des mêmes préjugés que ceux de Moose, ils se cachaient, quand le Père agitait sa clochette, pour les inviter à ses prédications. Le généreux Oblat alla donc les visiter, les uns après les autres, dans leurs huttes, quoiqu'elles fussent d'une malpropreté à nulle autre pareille. De plus, les seigneurs et châtelaines du lieu, couverts de vermine, exhalaient une odeur repoussante.
En entrant, il saluait ces sauvages comme des amis, et, sans façon, s'asseyait au milieu d'eux. Pour leur plaire, il caressait les petits enfants, sales et crasseux. Avec les chasseurs, il fumait le calumet. Il flattait les vieillards, en leur demandant le récit de quelques-unes de leurs aventures de forêt, et il les captivait, en leur racontant, à son tour, des histoires intéressantes.
Durant ces longues et fastidieuses conversations, dominant sa répugnance, il se gardait bien, dans son abnégation héroïque, de paraître s'apercevoir que des légions de hideux insectes, échappés à la voracité de ses interlocuteurs qui aimaient à les croquer à belles dents, accouraient, en rangs pressés, se réfugier sur sa soutane.
— Elle en était littéralement grise, affirmait-il ensuite à ses confrères, au retour de ces mémorables expéditions.
Amadoués par tant d'aménité, les sauvages l'examinaient curieusement des pieds à la tête. Etait-il bien un de ces hommes dont on leur avait dit tant de mal ?
Le trouvant si agréable chez eux, ils ne refusèrent plus d'aller chez lui.
Au premier signal, un bon nombre se dirigeaient vers la chapelle. Peu à peu, leur âme s'ouvrit aux influences de la grâce, et quelques-uns manifestèrent l'intention d'embrasser le catholicisme.
Parmi eux, on remarqua un jeune polygame…
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Parmi eux, on remarqua un jeune polygame, précédemment l'un des plus obstinés à le fuir.
Un jour, il lui apporta tous ses enfants, pour qu'ils fussent baptisés.
La cérémonie terminée, il sollicita pour lui la même faveur.
— Impossible ! répondit le Père sévèrement. Tant que tu auras deux femmes, je ne pourrai te laver dans l'eau sainte, et t'admettre parmi les chrétiens. Le Grand Esprit ne le veut pas. Si tu continues à violer sa défense, il ne t'appellera pas dans son éternelle lumière, mais il te jettera, avec le mauvais manitou, dans le feu qui ne s'éteindra jamais.
Le coupable demeura pensif, et, durant quelques instants, s'absorba dans un profond silence, la tête appuyée sur sa main.
— Père, dit-il ensuite, ce que tu prescris est juste. Puisque le Grand Esprit n'a donné qu'une compagne au premier homme, je ne dois pas en garder deux. Laquelle veux-tu que je renvoie ?
— Ton devoir est de rester fidèle à la première; mais, puisque les enfants de la seconde sont aussi les tiens, il faut que tu les élèves, et que tu prennes soin de leur mère, comme de ta propre sœur.
— Merci, Père, j'agirai ainsi.
Il sortit aussitôt, pour annoncer à la plus jeune, sa résolution. Quoiqu'il l'aimât davantage, il n'hésita pas à s'en séparer.
Celle-ci ne se montra pas moins généreuse, et accepta vaillamment le sacrifice.
L'un et l'autre persévérèrent dans la bonne voie.
Plusieurs conversions de ce genre eurent lieu, et réjouirent le cœur de l'apôtre.
Avant de quitter Albany, il voulut, comme à Moose, y planter une grande croix.
L'impression produite par ses discours et ses exemples fut telle, que même les hérétiques et les idolâtres rivalisèrent de zèle, pour concourir à 1'érection de ce monument. Leur émulation était un gage d'espérance pour l'avenir.
En présence de cette croix dressée par des infidèles et des protestants, il éprouva un bonheur inexprimable.
— Ce fut, disait-il, quelque chose d'ineffable et qui n'a pas de nom dans le langage humain. Jamais, dans mes fonctions sacrées, je n'avais ressenti une dévotion plus douce ; jamais je n'avais levé vers le ciel une voix plus émue ; jamais je n'avais porté avec plus de ferveur l'expression de mon amour et de ma reconnaissance vers le Dieu qui daigna mourir pour nous. Quand, au pied de cette croix, j'offris l'adorable Victime, mes larmes coulèrent.
Le Sauveur prenait possession de cette terre jusque-là maudite.
Ces hommes, si grossiers, si farouches, et autrefois si criminels, s'attachèrent à celui qui, au prix de tant de fatigues, venait de si loin leur annoncer la bonne Nouvelle.
Au moment du départ, ils l'accompagnèrent jusqu'au rivage, les yeux baissés et en silence, attitude qui, chez eux, dénotait la plus amère tristesse.
L'été suivant, le P. Laverlochère retourna avec le P. Arnaud…
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L'été suivant, le P. Laverlochère retourna avec le P. Arnaud. Cette fois, la traversée fut un peu moins agitée. Chaque nuit, brillait un phénomène merveilleux et qu'on ne se lasse pas d'admirer.
Des aurores boréales. avec cette intensité extraordinaire qu'elles ont dans le voisinage du pôle, peignaient le ciel entier de rougeurs fulgurantes, comme celles d'un gigantesque incendie, dont les flammes s'élanceraient de l'horizon jusqu'au zénith. La mer en était toute empourprée, semblable à un océan de feu, dans lequel se jouaient des légions de petites baleines blanches.
Confondus, anéantis en face de cette double immensité lumineuse : celle de la voûte céleste et celle des ondes sans limites, les Missionnaires, assis sur le tillac, s'écriaient avec le Psalmiste :
— Seigneur ! que vos œuvres sont belles !
Autour du poste d'Albany, outre les Indiens déjà évangélisés et qui s'étaient faits apôtres à leur tour, des familles qui n'avaient pas encore rencontré le Missionnaire, attendaient son arrivée avec impatience.
A mesure que le navire approchait, on voyait les sauvages accourir de plus en plus nombreux, en témoignant leur allégresse.
Maintenant, ils soupiraient après la parole divine, autant qu'ils s'y étaient montrés, autrefois, indifférents.
La grâce travailla efficacement ces âmes, et là se forma une fervente chrétienté.
Un de ces régénérés disait aux Pères, en versant des larmes :
— Nous étions si malheureux dans nos déserts !... Ensevelis dans la nuit profonde de l'ignorance, nous naissions, nous croissions, et nous cessions de vivre, comme les animaux de nos bois. Nous ne savions pas que, là-haut, dans sa resplendissante lumière, le Grand Esprit veille sur nous. Je rentrerai dans nos forêts ; mais je n'y serai plus seul. Souvent, dans mes souffrances, je baiserai l'image de Jésus crucifié, et celle de Marie; je compterai les saintes graines de la prière (le chapelet), et je planterai une croix dans ma terre de chasse. C'est là que j'irai prier le Grand Esprit. Je regarderai le ciel, les forêts, la mer, et je dirai : Le Grand Esprit a fait tout cela pour moi ! Qu'il est bon !...
Celui qui exprimait de si pieux sentiments avait vu, six mois auparavant, son père, sa mère et plusieurs de ses frères et sœurs massacrés sous ses yeux, pour servir de pâture à leur féroce assassin.
Quelle transformation en si peu de temps dans cet homme !...
— Je ne doute plus, écrivait le P. Laverlochère, de ce qu'on nous rapporte de la ferveur des premiers chrétiens. Qu'elle est puissante la grâce du baptême, lorsqu'elle tombe dans des cœurs bien disposés !...
Pour ces néophytes le prêtre était vraiment ce qu'il est selon les enseignements de la foi : le représentant du Très-Haut, un autre Jésus-Christ.
Surpris de la confiance sans bornes, du respect et de l'affection que ces sauvages, naguère si barbares, avaient pour le Missionnaire, un protestant lui dit, un jour, d'une voix émue :
— Oh ! Monsieur, nous croyons, nous aussi, à ce que nous prêchent nos ministres ; mais les entourer de cette vénération que vous témoignent vos catholiques, c'est ce que je n'avais jamais vu.
Très probablement le démon était loin d'être satisfait du bien accompli par les Pères…
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§ 5 La mission ambulante...Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 4Dans les vastes territoires de la baie d'Hudson.SUITE
Très probablement le démon était loin d'être satisfait du bien accompli par les Pères, pendant leur séjour de deux mois, à Albany. Tandis qu'ils allaient s'embarquer, éclata une tempête si terrible, que, de mémoire d'homme, on n'avait rien constaté d'analogue, dans ces contrées si fertiles, pourtant, en violents orages. La tourmente dura toute la nuit et le lendemain, avec grêle et coups de tonnerre épouvantables. Au-dessus du sifflement aigu du vent, on entendait le bruit assourdissant des montagnes de glace soulevées par la mer en furie, se heurtant et se brisant les unes sur les autres, avec un fracas indescriptible.
Peu s'en fallut que les bâtisses du poste ne fussent toutes renversées, comme les cabanes des sauvages emportées au loin. La goélette, à l'ancre dans la rivière, en remonta le cours sous la pression des vagues écumantes.
— Nous bénissons la Providence de ne pas nous être trouvés en mer, durant ces heures tragiques, racontaient les vaillants Missionnaires ; car, à moins d'un miracle, nous eussions été ensevelis sous les flots !
Ces expéditions apostoliques entraînaient avec elles un tel cortège de souffrances et de fatigues que, plusieurs fois, le P. Laverlochère cracha le sang avec abondance. Il n'en continua pas moins à se dépenser sans compter.
Pour sauver ces âmes délaissées, il se serait volontiers exposé à des périls plus grands encore.
En terminant l'une de ses relations si intéressantes et si édifiantes, il disait à son Supérieur général :
— Vous le savez, mon bien-aimé Père, je n'ai pas d'autre désir, ici-bas, que celui de vivre et de mourir pour le bonheur éternel de ces malheureux Indiens.
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Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 5La mission ambulante.
Témiskamingue, Abitibi, Moose, Albany ne furent pas les seuls postes visités par le P. Laverlochère et ses compagnons d'apostolat.
On peut les considérer plutôt comme des centres autour desquels ils rayonnaient.
Parmi les stations secondaires, mais importantes aussi, notons le Grand lac Victoria et le lac La Barrière, l'un et l'autre expansion de l'Ottawa; l'île des Allumettes, formée par deux bras de cette rivière en face de la ville actuelle de Pembroke, au tiers du chemin entre Bytown et Témiskamingue, etc.
En réalité, ces interminables courses à travers des régions immenses, équivalaient à une mission ininterrompue, une sorte de mission ambulante. Elle se continuait auprès des rives de la Gatineau, dont la source n'est pas éloignée de celle de l'Ottawa, et qui servait souvent de chemin de retour, car elle coule presque en ligne droite, du nord au sud, vers Bytown.
Sur les rivières et les lacs, souvent les Pères voyageaient avec des groupes de sauvages conduisant des canots chargés de marchandises. Excellente occasion pour eux d'exercer leur ministère, le long de la route ! Les fruits en étaient tels, que les Indiens, après avoir ramé toute la journée, ne trouvaient pas de meilleur délassement, le soir, que de se réunir autour de la Robe noire, entendre encore sa parole, prier et se confesser.
D'autres, avertis de son passage, ou instruits de ses habitudes, se portaient à sa rencontre, et l'attendaient à l'endroit où ils prévoyaient qu'une halte aurait lieu.
— Nous sommes venus te voir, lui disaient-ils naïvement. Enfants des forêts, nous pensions: Il passera bientôt, notre bon Père, la Robe noire. Allons au-devant de lui, pour camper près de sa tente !
Après avoir joui du bienfait de sa présence et reçu ses avis, ils le suivaient, des journées entières.
Parfois, plus de soixante sauvages s'attachaient ainsi à ses pas simultanément, heureux de l'escorter. C'était toute une flottille entourant son embarcation, ou la précédant, pour éclairer sa marche.
On s'arrêtait, le soir, auprès de quelque gros arbre, plusieurs fois séculaire. Les échos du désert retentissaient, alors, de pieux cantiques.
De bonne heure, le matin, la Messe était célébrée, en plein air. Tous y assistaient avec ferveur. Les cérémonies liturgiques accomplies au sein des forêts vierges, ou sur le bord des rapides, avaient quelque chose de saisissant.
— Comment exprimer les sentiments qu'éprouve le Missionnaire…
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Re: Les OBLATS en Amérique.
§ 6 Protection du Ciel au milieu du danger.Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 5La mission ambulante.SUITE
— Comment exprimer les sentiments qu'éprouve le Missionnaire, à ces moments inoubliables ! écrivait le P. Laverlochère à Mgr de Mazenod. Quelle scène !... Comment rendre les élans d'amour qui s'échappent de son âme, lorsque, peu après le milieu de la nuit, à la clarté douce et majestueuse d'une aurore boréale, au pied d'une cascade mugissante, ou sur le rivage de la mer sans limites, sous la voûte d'un firmament étoilé, dans cet immense temple de la nature, au bruit des vagues furieuses livrant un combat terrible aux montagnes de glace flottantes, sa bouche prononce sur l'hostie les mots qui font descendre sur la terre l'Homme-Dieu, créateur de tant de merveilles !... Avec quels transports, il s'écrie, les yeux baignés de larmes, au souvenir des crimes qui souillent le monde civilisé : Benedicite. omnia opera Domini. Domino : laudate et super exaltateeum in sæcula !
Montagnes et collines, fleuves et mers, neiges et glaces, ouragans et tempêtes, habitants des forêts et vous qui peuplez les abîmes, fauves du désert, oiseaux qui dévorez l'espace, bénissez et louez le Seigneur, puisque ceux de ses enfants qu'il a le plus comblés de ses faveurs, le blasphèment sans cesse.
Pas plus que leur apôtre, les sauvages ne perdaient le souvenir de ces scènes grandioses. Quand, à leur vif regret, il leur fallait, enfin, se séparer de lui, ils demandaient à se confesser, une fois encore : puis, en s'en retournant, ils continuaient leurs exercices de dévotion.
Un Canadien qui en avait pris un certain nombre à son service, rendait d'eux ce témoignage, après une traversée de plusieurs semaines en canot d'écorce :
— Voilà une troupe de saints ! nuit et jour, ils prient, ou chantent les louanges de Dieu !
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Les OBLATS en Amérique.
Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 6Protection du Ciel au milieu du danger.
Si, durant ces longues courses à la recherche des âmes, nombreuses étaient les consolations, nombreux aussi étaient les périls. Plusieurs fois, les Missionnaires furent exposés à une mort imminente, et n'y échappèrent, ce semble, que par une intervention de la Providence.
Une année, entre le fort Moose et Abitibi, ils se virent, tout à coup, cernés par un de ces incendies gigantesques, comme il ne peut s'en produire que dans les immenses forêts du Nouveau-Monde. Ils se trouvaient, alors, à deux cents kilomètres de toute habitation, sur un chemin de portage de quatre à cinq kilomètres de longueur. De quelque côté que l'on regardât, on n'apercevait qu'un océan de feu, dont les vagues brûlantes, excitées par un vent violent, s'étendaient, de toutes parts, jusqu'à l'horizon. Sur plus de quatre-vingts kilomètres à la ronde, les arbres résineux flambaient par centaines de mille.
Les voyageurs durent, à la hâte, se réfugier dans une petite baie, sur le bord de la rivière.
De là, ils contemplèrent, pendant toute la nuit et le jour suivant, un spectacle des plus épouvantables: énormes tourbillons de feu, couronnés par un nuage de fumée noire et très épaisse ; craquement sinistre des arbres calcinés s'effondrant avec fracas, et, par leur chute, projetant vers eux des myriades d'étincelles; les ronces et broussailles des deux rives s'enflammant aussi et les entourant complètement d'un brasier sans issue ; enfin, une atmosphère surchauffée, chargée de gaz délétères, et menaçant, à chaque instant, de les asphyxier.
Plusieurs sauvages se jetèrent dans l'eau, s'y plongeant, des heures entières, jusqu'au menton, pour ne pas être brûlés vifs par les flammes qui ondulaient sur leurs têtes.
Calme et tranquille, le P. Laverlochère prononça, pour lui et ses compagnons, les paroles du Sauveur sur la croix :
— In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum !...
Tous étaient persuades que leur dernière heure avait sonné.
Cependant, la Sainte Vierge qu'ils invoquaient, entendit leur voix.
Soudain, les vagues de feu qu'ils voyaient fondre sur eux avec tant de fureur, s'arrêtèrent, contre toute probabilité humaine, et respectèrent une douzaine d'arbres dont les branches se penchaient sur eux.
Cet arrêt du terrible élément, sans cause apparente, était naturellement inexplicable…
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Re: Les OBLATS en Amérique.
Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 6Protection du Ciel au milieu du danger.SUITE
Cet arrêt du terrible élément, sans cause apparente, était naturellement inexplicable.
— Nous avons revu, en passant, ces arbres toujours verts, écrivait le P. Laverlochère, l'année d'après. Ils demeuraient là, pour attester le prodige opéré en notre faveur. Tout le reste, à plus de cent kilomètres à la ronde, ne présente qu'un vaste champ de ruines et des amas de cendres.
Dans sa reconnaissance, la petite troupe, miraculeusement sauvée d'une mort si affreuse, répétait les mots du Psalmiste :
— Transivimus per ignem et aquam, et eduxisti nos in refrigerium !
Que de fois, la frêle barque faillit périr et entraîner dans l'abîme ceux qui la montaient !...
Un jour, la moitié de l'équipage avait dû se placer au-dessus d'un rapide très incliné, afin de tirer, avec une corde, le canot sur lequel étaient restés les deux Pères et quelques sauvages. Tout d'un coup, la corde se rompt, et la nacelle est emportée, avec la vitesse de l'éclair, sur la pente qui se terminait brusquement par une cascade tombant à pic dans un gouffre profond.
C'était la mort inévitable.
Mais on chantait un cantique à Marie, et cette bonne Mère secourut aussitôt ses enfants dans ce pressant danger. Un arbre abattu par la tempête, et accroché entre deux rochers au milieu de la rivière, semblait être un écueil contre lequel la barque se briserait. Au moment où le heurt si redouté allait se produire, un sauvage se précipita hardiment dans l'eau. D'une main il se cramponna à l'arbre et de l'autre écarta le canot qu'il retint suspendu sur l'abîme, juste assez de temps pour qu'on eût la possibilité de renouer la corde. On était sauvé.
Il n'est pas croyable que les forces naturelles de cet homme eussent suffi pour accomplir cette merveille.
La navigation reprit, au chant de l'Ave maris stella !
Arrivé à cette partie de l'Ottawa…
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Re: Les OBLATS en Amérique.
Au Canada (1841-1861)CHAPITRE V. — VERS LE « GRAND NORD » (1844-1849).§ 6Protection du Ciel au milieu du danger.SUITE
Arrivé à cette partie de l'Ottawa qu'on appelle la Rivière creuse, à cause de la hauteur des falaises entre lesquelles elle coule, un peu en amont de l'île des Allumettes, on trouva quelques familles qui, pour attendre le Missionnaire, avaient supporté un jeûne rigoureux de cinq semaines.
N'ayant lui-même aucune provision à leur distribuer, il leur conseilla d'essayer encore de s'en procurer.
A ces mots, l'un courut à la chasse, un autre à la pêche, un troisième vers un petit champ de pommes de terre, qu'il possédait, et qu'il avait inutilement, la veille et l'avant-veille, fouillé en tous sens.
— Admirable Providence de mon Dieu ! s'écriait le P. Laverlochère, en racontant ce fait dans une de ses lettres. Le gibier, invisible depuis si longtemps, s'offrit de lui-même aux coups de fusil ; le poisson regarda se tendre le filet, et se jeta dedans; enfin, la terre, que l'on croyait épuisée donna son fruit, terra dedit fructum suum, au point que l'on put remplir un sac entier de patates fraîches. L'abondance revenait.
Des traits de ce genre se renouvelèrent plusieurs fois…
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Louis- Admin
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