Le Cortège de la Vierge - Joseph Aubert - Par J. Calvet - 1921.
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Re: Le Cortège de la Vierge - Joseph Aubert - Par J. Calvet - 1921.
La femme de Samarie est assise sur la margelle du puits de Jacob. Vêtue d'une robe voyante de plusieurs couleurs, la main droite sur l'urne qui lui servira pour puiser de l'eau, la main gauche abandonnée sur ses genoux, elle tend son visage au pur profil afin d'écouter et de comprendre les paroles mystérieuses qui la font rêver. A l'heure brûlante de midi, elle était venue au puits de Jacob chercher de l'eau fraîche. Sur le rebord du puits, Jésus était assis, tout seul, car ses disciples étaient allé à Sichar acheter des vivres. Or, il était accablé de lassitude et quand il vit la samaritaine arriver avec son amphore, il lui demanda à boire. La femme de Samarie fut étonnée ; elle voyait bien à son costume que l'étranger était juif et elle savait que les juifs qui haïssaient les Samaritains n'auraient rien accepté de leurs mains. " Comment, dit-elle, toi qui es juif, tu me demande à boire, à moi une Samaritaine ! " Et Jésus lui répondit : " Si tu connaissait le don de Dieu et si tu savait quel est celui qui te demande à boire, c'est toi qui lui aurais fait la demande et il t'aurait donné une eau de vie. " La femme ne comprit pas ce langage spirituel et se prit à sourire : " Tu n'as rien pour puiser, dit-elle, et le puits est profond ; où as-tu pris l'eau vive ? - Quiconque boit de cette eau, répondit Jésus, aura encore soif ; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif. " Intriguée, étonnée, à moitié ironique et troublée au fond, la femme lui dit : " Seigneur, donne-moi de cette eau afin que je n'aie plus soif et que je ne vienne plus en puiser ici. "
Jésus qui connaissait cette âme et qui la voulait, frappa alors le coup décisif. Il dit : " Va appeler ton mari et reviens. " La femme étonnée hésita un instant, puis répondit : " Je n'ai pas de mari. " Mais Jésus répliqua : " Tu as bien dit : je n'ai pas de mari ; car tu as eu cinq maris et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari ; en cela tu as dit vrai. " Stupéfaite, la femme de Samarie lui dit : " Je vois bien que tu es un prophète... " Et aussitôt détournant un sujet de conversation qui lui est pénible, elle interroge le prophète sur une question rituelle : faut-il adorer sur le mont Garizim comme le prétendent les Samaritains ou sur le mont Moriah comme le soutiennent les Juifs ? Mais Jésus la ramène à cette religion du cœur qui va l'obliger à modifier et à purifier l'intérieur ; il lui dit : " Crois-moi, femme, l'heure vient où vous n'adorerez le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem. Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. Dieu est esprit et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité. " La femme lui dit : " Je sais que le Messie, celui que l'on appelle le Christ, doit venir ; quand il sera venu, il nous annoncera tout. " Jésus lui dit : " Je le suis, moi qui te parle. " La femme de Samarie fut remuée par cette parole et elle crut. Elle courut à la ville, elle annonça que le Messie lui avait parlé au puits de Jacob et elle amena à ses pieds beaucoup de Samaritains qui crurent aussi. Et, adoratrice en esprit et en vérité, elle purifia son cœur et servit le Père dans la pénitence.
Tout aussi prompte, tout aussi méritoire, fut la conversion de Dismas le bon larron. Ils étaient deux brigands, crucifiés avec Jésus et, par leurs crimes, ils avaient mérité leur supplice. Exaspéré par la patience de Jésus, l'un des brigands l'injuriait. Mais l'autre fut révolté par cette attitude et il dit : " Nous du moins nous sommes punis pour nos forfaits ; mais lui quel mal a-t-il commis. " Et tournant ses yeux vers le Sauveur, il ajouta : " Souvenez-vous de moi quand vous serez dans le Paradis. " Admirable parole, surnaturelle conversion : au moment où Jésus est torturé et bafoué, au moment où il semble réduit à l'impuissance comme un faible mortel, le bon larron éclairé par la grâce voit en lui le Dieu tout-puissant ; il regrette ses fautes et implore son pardon. Le repentir était si sincère et l'acte de foi si vibrant que Jésus lui répondit par ces paroles pleines de douceur : " Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le Paradis. " Le peintre a représenté Dismas au moment où il vient d'entendre cette parole ; et, quelle que soit sa souffrance, la divine promesse met une flamme dans son regard, et sur son visage révulsé. sur son corps endolori, une lumière d'allégresse.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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Re: Le Cortège de la Vierge - Joseph Aubert - Par J. Calvet - 1921.
Joseph Aubert aurait pu - et à vrai dire n'est-ce pas cette démarche qu'on attendait ? - représenter en une théorie émouvante les affligés de toutes les époques, les martyrs de la douleur physique, les martyrs des tortures morales, levant vers la Vierge un regard d'imploration, ad te suspiramus gementes et flentes in hac lacrymarum valle, et recevant de son sourire une lumière de consolation. Ce défilé aurait été curieux, varié, pittoresque et touchant. Le peintre ne l'a pas voulu, je ne sais pour quelle raison. Peut-être faut-il penser que les affligés ne sont pas dans l'humanité une catégorie particulière : ils sont tous des hommes ; de plus la qualité d'affligé n'est pas toujours une source de sainteté et il serait difficile de faire une liste de grands saints dont le caractère particulier serait d'avoir trouvé le secret de leur sainteté dans l'affliction. Ils sont tous passés par l'épreuve mais ils sont illustres pour d'autres motifs. Désireux de continuer sa galerie de saints, Joseph Aubert a renoncé peut-être pour ce motif à peindre les affligés.
Il a représenté de grands consolateurs qui s'inspirent de la miséricorde maternelle du cœur de Marie pour soulager les misères humaines. Ces consolateurs, ces apôtres de la divine charité sont légion dans l'histoire de l'Église ; on peut dire même qu'ils sont rares les grands saints dont on ne peut pas citer quelque acte éclatant de charité. Aussi le peintre pouvait être embarrassé dans son choix. Il a pensé d'abord évidemment à saint Vincent de Paul qui a réalisé à un degré éminent le rôle du consolateur ; il a pensé ensuite à saint Camille de Lellis et à Jérôme Émilien qui soignaient les malades et les mourants et s'appliquaient à adoucir l'horreur de l'étroit passage ; enfin, il a fait une place de choix aux apôtres qui se dévouèrent aux esclaves, aux prisonniers, à saint Pierre Claver, à saint Félix de Valois et à saint Jean de Matha.
La composition de ce tableau a quelque chose de particulier : le peintre a voulu peindre les consolateurs dans leur ministère de charité et il a mis les affligés à côté d'eux, enfants, mourants, captifs, esclaves nègres. C'est la source d'une grande variété. Au reste par une disposition habile, les affligés se trouvent constituer dans le tableau une ligne inférieure à celle des consolateurs ; cette disposition que nous avons admirée ailleurs paraît ici spécialement heureuse. Le nègre qui est baptisé par Pierre Claver est tout naturellement à genoux, comme aussi sont à genoux ou profondément inclinés les captifs délivrés par Félix de Valois et Jean de Matha ; la mourante qu'assiste Camille de Lellis est étendue sur sa couche ; et le petit enfant en extase devant saint Vincent a beau se hausser sur ses pieds, il reste au niveau des personnages qui sont à genoux. Et cela fait une ligne continue. Les affligés s'inclinent très bas devant les consolateurs, et au-dessus d'eux les consolateurs s'inclinent doucement vers la misère humaine.
Bien que le peintre n'ait pas suivi dans ce tableau les litanies de la Vierge, le lien qui rattache son œuvre à Marie n'en reste pas moins évident. Tous ces consolateurs qu'il nous présente avaient une tendre piété pour Marie et c'est dans cette piété qu'ils trouvaient la source de leur tendresse délicate pour les hommes douloureux. Quelques-uns même se proposaient expressément d'imiter sa charité qui a embrassé tous les hommes ; et Félix de Valois et Jean de Matha reçurent directement d'elle les grandes lignes de leurs institutions. Les Consolateurs sont les instruments de Marie qui reste la reine de toute pitié.
En Franche-Comté, au fond d'une gorge déserte, dans un paysage dont la grandeur tragique se tempère de grâce sereine, se cache un monastère, autrefois illustre, qui abrite de délicieuses légendes et une très noble histoire. Il s'appelle Notre-Dame de Consolation. Il me semble que de tous les titres que nous pouvons donner à Marie, celui-là est un des plus mérités et un des plus touchants.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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Re: Le Cortège de la Vierge - Joseph Aubert - Par J. Calvet - 1921.
Au pied d'un palmer qui rappelle l'Afrique, saint Pierre Claver baptise un nègre. Le nègre est à genoux, le buste plié, la tête inclinée, dans une attitude qui dit une ferveur profonde ; sa main gauche tient un instrument agricole, car il a été amené là pour travailler et sa main droite, respectueuse, se lève vers son bienfaiteur comme s'il voulait toucher son manteau. Le saint, tout le corps porté en avant, la tête inclinée, administre le baptême avec gravité et avec onction ; mais ce qui attache le plus en lui, c'est la bonté simple et suave qui se manifeste dans le mouvement de son corps, dans ses yeux mi-clos, dans son visage ridé, et dans cette main qui s'avance, comme une main maternelle, pour toucher le malheureux et lui donner par ce contact humain une sensation de tendresse. Sur sa soutane, Pierre Claver porte ce grand manteau dont il couvrait les malheureux qui avaient froid, qu'il étendait par terre pour y coucher les malades qui n'avaient point de lit, ce manteau qui, après avoir touché les ulcères et les sanies, dégageait toujours un parfum du ciel.
Pierre Claver naquit en Catalogne ; il entra dans la compagnie de Jésus et il fut formé à la vie religieuse et à la piété par Alphonse Rodriguez. A Carthagène où il reçu le sacerdoce, il fut ému de pitié à la vue des nègres qui étaient amenés comme esclaves après avoir été honteusement achetés en Afrique. Il fit le vœu de se consacrer à ces malheureux et désormais, pendant quarante ans et plus, il leur prodigua les trésors de sa bonté. Il les instruisait des vérités chrétiennes avec une patience angélique et quelques-uns, sous sa direction, firent briller dans la plus basse des conditions les vertus les plus éclatantes. Non moins attentif à soulager les corps qu'à éclairer les âmes, aussitôt qu'un vaisseau négrier était annoncé, il se portait à la rencontre des malheureux esclaves, et comme s'il eût été leur père, il les embrassait tendrement, donnait des habits à ceux qui étaient nus, du pain aux affamés, des remèdes aux malades. Ses attentions particulières allaient à ceux qui étaient atteints de la peste ou de maladies contagieuses, et si hideuses que fussent leurs infirmités, il ne manifesta jamais le moindre dégoût. Parfois, il lui suffisait de toucher un malade pour le guérir, il rendit la vue à des aveugles et il ressuscita trois morts. Après quarante ans de ce ministère héroïque il s'éteignit pieusement le jour de la fête de la Sainte Vierge pour laquelle il avait toujours eu un tendre amour. Le Pape Léon XIII, après l'avoir inscrit au catalogue des saints, en a fait le patron des nègres et des missions d'Afrique.
Il était malaisé de représenter saint Vincent de Paul ; le portrait que la tradition nous a conservé a une telle expression de lumineuse bonté et d'intelligence alerte qu'il fallait le copier ou se condamner à rester au-dessous de la réalité. Joseph Aubert s'est inspiré du portrait traditionnel et en a reproduit les traits essentiels, si bien que tout d'abord nous pouvons le reconnaître ; mais il a voulu faire œuvre personnelle. Il a ajouté à l'original une tristesse pensive, qui n'était pas, je crois, un sentiment habituel à M. Vincent, mais qui peut être considérée comme liée inévitablement à l'exercice de la charité. Vincent de Paul porte un enfant sur ses bras ; il l'entoure et le touche avec des délicatesses de mère ; et l'enfant se sent tellement chez-lui que, de sa petite main il chiffonne le col de son protecteur. Le peintre a eu une autre idée et elle est charmante ; il a mis à côté de Vincent un enfant d'une dizaine d'années qui admire le geste maternel du saint ; et cet enfant est une création exquise. Il est joli comme un ange, sans être fade ; il est vêtu comme un pauvre, sans être sordide ; ses pieds nus qui marquent la misère lui sont une grâce de plus ; il joint avec ferveur ses petites mains et sur le Père des humbles il lève son visage au put profil et ses yeux qui disent une reconnaissance infinie. Celui-là prie et parle pour tous les petits qui ne peuvent pas parler et dont le nombre ne pourrait se compter.
Les merveilles de la charité de saint Vincent de Paul sont connues de tous. Celle qui a le plus frappé les imaginations et les cœurs, c'est l’œuvre des Enfants trouvés qu'il organisa et sauva, en faisant des prodiges pendant les années de troubles et de disette. Mais cette œuvre ne fut ni la plus difficile et la plus belle. En somme dans la charité, dans l'assistance des pauvres et des malades qui étaient un peu abandonnée aux inspirations et aux zèle individuel, saint Vincent de Paul apporta des principes et des règles ; il fonda pour assurer la perpétuité de ses méthodes des institutions permanentes comme les Dames de Charité et les Filles de la Charité. Son action fut si intelligente et si profonde que rien ne s'est fait de grand, depuis lui, dans le soulagement de la misère humaine, qui ne se soit inspiré de lui. Il a fait ce miracle de renouveler la charité et de mettre dans les cœurs pour elle un nouvel amour ; et, mort, il continue l’œuvre bienfaisante de sa vie.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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Re: Le Cortège de la Vierge - Joseph Aubert - Par J. Calvet - 1921.
Saint Jérôme Émilien est debout, tient droite une tête énergique et expressive et regarde devant lui avec quelque fierté ; il était podestat de Castelnovo et il n'a pas à cacher la noblesse de son origine. Il est pauvrement vêtu et il a les mains chargées de chaînes ; c'est qu'il fut fait prisonnier dans les combats et qu'il trouva dans les cachots sa vocation d'apôtre de la charité.
Il naquit à Venise dans le dernier quart du XVe siècle. Sa famille, qui était de la plus haute noblesse, en fit un soldat. Il fut nommé au commandement de la citadelle de Castelnovo qu'il défendit avec la dernière énergie contre la Ligue de Cambrai. Mais la ville fut prise en 1508 et lui-même fut enchaîné et jeté en prison. Abandonné des hommes il se tourna vers Marie et la pria avec ferveur ; Marie vint à son appel, lui ouvrit les portes de la prison et, le conduisant par la main, lui fit traverser l'armée ennemie. Sut l'autel de Marie, il déposa ses chaînes en signe de reconnaissance et revenu à Venise il se livra désormais aux œuvres de charité. Il aimait tous les pauvres, mais il était attiré surtout par les enfants orphelins qui erraient dans les rues ; il les rassemblait dans une maison qu'il avait loué, il les soignait et les instruisait. Sur ces entrefaites, passèrent à Venise le bienheureux Cajetan et Pierre Carafa, le futur Paul IV ; ils approuvèrent l’ouvre de Jérôme et le décidèrent à la continuer sur un plus grand théâtre, d'abord en se chargeant de l'hospice des Incurables, puis en fondant par toute l'Italie, notamment à Bergame et à Brescia, des orphelinats et des hôpitaux. Il se fixa à Somasque où il fonda une congrégation qui fut approuvée par l'Église et qui avait pour but l'éducation des enfants. Il reprit bientôt ses courses à travers l'Italie, recueillant les pauvres orphelins ; et, si nombreux qu'ils fussent, la Providence ne laissait jamais manquer du nécessaire. Afin d'exercer la charité avec plus de fruits, Jérôme se mêlait aux travailleurs des champs et les aidait à recueillir leurs récoltes ; il profitait de ce contact familier pour approcher les enfants qui étaient souvent sales ou malades ; il les nettoyait, les soignait, les guérissait et les instruisait. C'est en portant sur ses épaules, pour les ensevelir, les corps des malheureux morts de la peste, qu'il contracta la maladie qui l'amena au tombeau en 1537.
Quelques années après la mort de Jérôme Émilien, naissait en Italie Camille de Lellis. Comme lui il fut d'abord soldat et il s'abandonna aux désordres de la vie militaire. Mais à l'âge de vingt ans, il sentit avec tant de force son indignité et la grandeur de Dieu, qu'il décida de changer de conduite. Pour pleurer ses péchés et les expier, il entra dans l'ordre des frères mineurs ; la Providence, qui avait des vues spéciales sur lui, ne permit pas qu'il y trouvât le repos ; un ulcère horrible dont il souffrait l'empêcha d'y rester. Il se rendit à Rome et fut admis à l'hôpital des Incurables dont il devint bientôt le directeur. Il avait trouvé sa voie : il se mit au service des malades, s'attachant avec humilité et avec douceur à les soigner, sans se laisser jamais rebuter par leurs exigences ou par la hideur repoussante de leur plaies. C'est surtout à l'heure de la mort qu'il se portait à leur secours, les encourageait et les exhortait ; et, sentant qu'il manquait d'instruction pour remplir cet office, il se remit à l'étude des éléments des lettres comme un enfant. Élevé au sacerdoce, il s'adjoignit quelques compagnons courageux et il fonda une congrégation dont les membres s'engageaient à soigner les malades et en particulier les pestiférés. Il eut l'occasion lui-même de donner l'exemple pendant la peste qui désola la ville de Nole, en Campanie. Aucune besogne ne lui paraissait indigne de lui dès qu'il s'agissait de soulager les membres souffrants de Jésus-Christ ; mais il avait surtout des grâces spéciales pour soutenir le courage des mourants : Saint Philippe de Néri, son contemporain et son ami, déclarait avoir vu plusieurs fois un ange qui lui dictait les paroles qu'il disait aux agonisants. Il mourut en 1614, doucement, pieusement, en prononçant les noms de Jésus et de Marie.
Le peintre l'a représenté dans l'attitude essentielle qui résume toutes sa vie. Il s'incline sur une couche où une femme agonise ; son visage respire la bonté et ses gestes ont quelque chose de paternel. Il présente à la mourante un crucifix et il la regarde sans lui parler, probablement parce qu'il a dit déjà les paroles nécessaires. La mourante ferme les yeux, sa bouche sourit et son visage respire la sérénité. Au-dessus de cette scène vole une colombe. La bonté de Camille de Lellis a dissipé l'horreur de la mort.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Le Cortège de la Vierge - Joseph Aubert - Par J. Calvet - 1921.
Félix de valois et Jean de Matha sont inséparables : l'ordre des Trinitaires pour le rachat des captifs sortit en même temps de leurs cœurs et se développa grâce à l'union de leurs efforts. Félix de Valois a un visage travaillé par l'ascétisme ; mais dans cette physionomie mortifiée, une distinction souveraine transparaît qui donne à ses gestes de bonté quelque chose de plus prenant. Il s'avance vers deux captifs ; il prend la main de l'un d'eux et il le regarde en souriant paternellement. Les prisonniers enchaînés au sol et rivés l'un à l'autre par une chaîne de fer, paraissent être dans le dénuement le plus complet et avoir souffert un dur martyre. L'arrivée des deux saints personnages les émeut comme une visite céleste ; l'un a mis un genou en terre, et il lève sur eux un regard plein d'imploration et de reconnaissance ; l'autre, dont les poignets sont liés ne peut que joindre les mains pour une prière fervente, de pauvres mais torturées où on voit les veines saillantes, et il incline très bas sa tête et son buste comme s'il était indigne de voir les anges de miséricorde. Saint Jean de Matha marche humblement derrière saint Félix ; il est revêtu de l'habit des Trinitaires avec la Croix sur sa poitrine ; sa large figure carrée, enveloppée par la cagoule, ne laisse plus voir qu'un sentiment, la bonté, une bonté qui entr'ouvre la bouche, plisse les lèvres, agrandit les yeux et leur donne une expression de tendresse maternelle. Saint Jean de Matha est le portrait d'un ancien curé de Notre-Dame de Besançon, Mgr Jeannin, de vénérée mémoire.
Félix était de la famille royale des Valois. Dès son enfance, il manifesta une charité délicate pour les pauvres et il s'étudia à les assister et à les servir. Après une jeunesse exemplaire, il entra dans les ordres et renonça ainsi définitivement au trône où il aurait pu prétendre. Ordonné prêtre, il se retira dans la solitude pour y vivre dans la pénitence et dans la contemplation. Il rencontra Jean de Matha. C'était un docteur du diocèse de Paris qui avait déjà enseigné avec éclat et que l'évêque voulait retenir pour les plus hautes dignités. Mai une vision merveilleuse lui avait fait comprendre qu'il devait travailler spécialement au rachat des captifs. Et c'est pour réfléchir à cette mission et connaître plus à fond la volonté de Dieu, qu'il se retira dans la solitude et y rencontra Félix de Valois.
Pendant trois ans, les deux saints personnages restèrent ainsi à l'écart du monde, se mortifiant, priant et conversant des choses de Dieu. Un jour, ils étaient assis près d'une fontaine dans la clairière d'un bois, échangeant leurs impressions, quand ils virent venir à eux un cerf d'une grande beauté qui portait sur son front, entre les deux cornes, une croix rouge et bleue. Félix s'étonna de ce phénomène ; mais Jean de Matha, qui avait pu contempler la même croix dans sa vision, expliqua le miracle à son compagnon. Dans notre tableau, le cerf montre sa tête surmontée de la Croix, au-dessus des captifs et de leurs libérateurs. Ces visions de cerfs sont assez fréquentes dans la vie des saints et il ne faut pas s'en étonner ; elles sont comme la réalisation matérielle de l'admirable prière du Psalmiste : " de même que le cerf soupire après les sources d'eau vive, de même mon âme, ô mon Dieu, soupire vers vous. "
Les deux apôtres partirent pour Rome où le Pape Innocent III, qui avait eu une vision analogue à la leur, les reçut avec bonté et approuva l'ordre qu'ils voulaient établir pour le rachat des captifs. Ils revinrent en France et fondèrent un monastère dans le diocèse de Meaux. Félix de Valois en eut la direction et y acheva sa vie dans la ferveur. La Vierge Marie qu'il aimait tendrement lui accorda une faveur insigne : réveillé la nuit de Noël avant l'heure de l'Office, il se rendit seul au chœur pendant que les religieux dormaient encore. Il y trouva la Sainte Vierge vêtue de l'habit des Trinitaires et entourée d'une troupe d'anges. Marie commença l'office que Félix de Valois chanta en mêlant sa voix aux voix angéliques. Quelques jours après, il mourut et alla prendre sa place au milieu du chœur céleste. C'était en 1212. Cependant Jean de Matha était revenu à Rome où il avait fondé un monastère de son ordre sur le Célius. Homme de réalisation, il envoya des messagers au sultan du Maroc et commença dans ce pays le rachat des captifs avec un succès encourageant. Il passa ensuite en Espagne ; ce pays était encore en grande partie sous le joug des sarrasins. Il intéressa les princes et les grands personnages à son œuvre, fonda des monastères et des hôpitaux et racheta un grand nombre de prisonniers. Il revint enfin à Rome, dans le monastère du Célius, et un an après Félix de Valois, en 1213, il s'endormit dans le Seigneur.______________
FIN
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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