Le Cortège de la Vierge - Joseph Aubert - Par J. Calvet - 1921.

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Message  Roger Boivin Mar 28 Mar 2023, 7:44 am



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5. Saint Denys, Saint Maximin, Saint Trophime, saint Saturnin.


Denys, c'est le vieillard sans âge qui, ayant travaillé et vécu plus que tout autre, tombe, lassé, sur la route. Il s'est assis sur une borne, la mitre épiscopale sur ses genoux, autour de son cou l'étole du dispensateur de la grâce. Il ferme ses yeux d'aveugle, il serre ses lèvres et plisse son front ; il se repose, mais d'un repos actif ; de toutes ses forces, il écoute les voix qui lui parlent et lui révèlent les mystères des noms divins et de la hiérarchie céleste. La "légende" le fait naître à Athènes dans une famille illustre et raconte qu'il était un des maîtres de la pensée hellénique. Prédestiné entre tous les Hellènes, il comprit que les troubles de la nature qui accompagnèrent la mort de Jésus étaient un signe divin : ou le maître de la nature souffre, aurait-il dit, ou la machine du monde va tomber en lambeaux. Quand saint Paul parut à Athènes et parla, Denys, membre de l'Aréopage, fut de ceux qui comprirent la sublimité de sa doctrine, et dès ce jour il crut au vrai Dieu. Baptisé par saint Paul, il partit pour Rome, et le pape Clément l'envoya en Gaule. Formé à Athènes, c'est à paris qu'il exerça son apostolat et par sa piété et par sa science, il gagna tous les cœurs. Mais il fut persécuté et accablé de tourments qu'il supportait en souriant. Il avait plus de cent ans quand le bourreau le frappa de sa hache ; décapité, il prit sa tête dans ses mains et la porta tranquillement à deux milles de là. C'est le vieillard miraculeux qui vit dans la mémoire des chrétiens environné d'un nimbe de mystère.

saint Maximin, qui tient la crosse de la main droite et fait de la main gauche un geste enthousiaste, a une bonne figure d'apôtre, rayonnante de bonté. On sent qu'il est fait pour gagner les cœurs et que nul ne résistera à sa parole. Il fut évêque de Besançon à la fin du IIIe siècle. L'Église était en paix : Maximin en profita pour étendre ses conquêtes apostoliques. Il réunit autour de lui des jeunes gens pieux ; il s'appliqua à les instruire lui-même, et, formant déjà un séminaire, il les décida à vivre en communauté. Mais cet homme ardent était fait pour connaître l'épreuve et pour la vaincre. Les Barbares en Franche-Comté, pillent et brûlent Besançon ; l'évêque se retire dans la forêt de Foucherans, et, devenu ermite, il renouvelle en ces lieux les merveilles de la Thébaïde. Sa vie toute angélique, ses miracles touchants et continuels attirent dans sa solitude des foules chaque jour plus denses qu'il bénit et qu'il console. Averti par un ange de sa fin prochaine, il fait venir à lui un de ses disciples, saint Paulin, qui lui apporte les sacrements et le fortifie "contre les terreurs de l'éternité". Il meurt en 190 et son tombeau dans la forêt de Foucherans devient un lieu de pèlerinage.

Trophime, évêque d'Arles, puise toute sa force dans la prière ; il joint les mains avec intensité  à la hauteur de ses lèvres et ses yeux attentifs se fixent sur les réalités spirituelles qu'il voit dans son oraison.

C'est une noble figure que celle de Saturnin, évêque de Toulouse : l'allure décidée, le visage austère, le front volontaire, les yeux mi-clos comme pour mieux juger du danger et mieux le braver. Quand il passait devant la porte des temples pour aller sacrifier au vrai Dieu, les oracles se taisaient ; peu à peu la foule hostile l'accusa d'être la cause de ce silence inquiétant. Un jour, comme au Capitole les païens se disposaient à offrir un taureau pour apaiser leurs divinités, Saturnin passa, insouciant et calme. Il est reconnu, on l'arrête, on l'invite à sacrifier aux dieux. Et il répond : " Je ne connais qu'un Dieu maître de toutes choses. Vos dieux ne sont que des idoles ridicules ; pourquoi voulez-vous que je leur sacrifie alors que, de votre propre aveu, ils ont peur de moi ? " la colère monte de la foule ; on attache saturnin au taureau qui est piqué par des aiguillons et excité par des cris ; et l'évêque martyr arrose de son sang les marches du capitole.

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Message  Roger Boivin Mer 29 Mar 2023, 6:56 am



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Regina Virginum.


Quelle fraîcheur et quelle grâce dans ce panneau, le second du côté de l'Épître, qui représente la théorie des vierges en marche vers leur souveraine ! Le sol sur lequel elles posent leurs pieds nus est semé de lis, comme si leur virginale présence suffisait à faire éclore des fleurs. Toutes, uniformément, elles sont couronnées de roses blanches. Leur robe, qu'elle soit toute blanche comme celle d'Agnès ou brune comme celle de Colette, tombe en plis gracieux dans leur austérité. Leur visage est calme, doux, d'un profil très pur, d'une beauté touchante, qu'elles soient toute petites filles comme Agnès ou Imelde, d'âge mûr comme Thérèse, ou vieilles femmes comme Claire. Agnès tient un agneau et Germaine, qui porte des fleurs dans son tablier, conduit une brebis. On voit dans le ciel des vols de colombes qui accourent vers Colette. Nous sommes ici dans le jardin mystique de l'Époux dont seule la pureté peut franchir la clôture et où s'épanouissent les fleurs inconnues à la terre. L'artiste qui par des touches pieuses a su créer cette atmosphère mystique, donner la sensation de cette beauté plus qu'humaine que l’œil de la foi, seul, perçoit tout entière, est un grand peintre religieux. On dirait une réplique de l'hymne qui murmure avec douceur : " Jésus couronne des vierges, qui marches au milieu des lis, entouré du chœur des Vierges ; partout où tu vas les Vierges te suivent, se pressent en célébrant tes louanges et chantent des hymnes suaves. " Ces vierges pleines de grâce vivent toutes d'un grand secret qui est un grand amour. Leurs yeux, l'expression de leur physionomie, leur attitude, tout en elles révèle cette tendresse qui les enveloppe et qui les pénètre. Dédaignant la terre, elles ont placé leur cœur plus haut, et elles implorent et elles attendent l'Époux qu'elles se sont choisi. Les unes comme Cécile, Ursule, Colette, Thérèse, Marguerite-Marie, lèvent leurs yeux vers le ciel comme si elles allaient l'apercevoir, et fixent leurs yeux sur le ciel parce qu'Il est là invisible et présent. D'autres, comme Catherine d'Alexandrie, Geneviève, Odile, Claire, Rose de Lima, ferment les yeux, baissent la tête et sachant bien qu'elles portent le Bien-Aimé dans leur cœur, elles lui parlent et l'adorent. Mais quelque soit celui de ces deux gestes familiers, à la prière aimante, qu'elles préfèrent, elles le font avec une intensité totale qui manifeste l'intensité de leur amour. Et c'est cet amour éclatant, débordant, qui fait l'unité de ce tableau ; elles respirent vers Marie, reine des Vierges, reine de l'amour divin, reine de l'amour pur qui triomphe de la nature et du monde et de Satan, reine de la tendresse totale qui remplit le cœur de chaleur et les yeux de larmes et fait souhaiter de mourir.

Parmi tous les panneaux qui décorent Notre-Dame, c'est celui-ci qui paraît le mieux à sa place, le plus en harmonie avec l'idée qui fait de Marie la source et le modèle de toute sainteté. Elle a toutes les beautés et toutes les grandeurs, mais elle est avant tout la Vierge, la Sainte Vierge. Miraculeusement préservée dès avant sa naissance de toute souillure, même de celle que le péché originel a fait peser sur le genre humain comme une fatalité, elle s'est gardée elle-même de toute tache, et par un prodige merveilleux elle est devenue mère sans cesser d'être Vierge. Elle apportait ainsi au monde une idée nouvelle, un idéal nouveau ; elle enseignait le prix et la beauté et la grandeur de la pureté et elle manifestait en elle la pureté parfaite et angélique dans une créature humaine : speculum sine macula. Avant elle, le monde avait ignoré la pureté et la virginité ; et après elle, toute pureté et toute virginité seront tributaires de la sienne,  elles seront possibles parce qu'elle a donné l'exemple et parce qu'elle obtient de Dieu la grâce qui préserve des souillures. Elle est la reine des Vierges. Elle aime à s'entourer de leur chaste cortège et à se réjouir de leur innocence. Et toutes les Vierges la regardent pour l'imiter, l'aiment comme leur mère, la vénèrent comme leur souveraine, et attendent d'elle qu'elle leur montre le Bien-Aimé : Jesum benedictum nobis post hoc exsilium ostende.

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Message  Roger Boivin Jeu 30 Mar 2023, 6:13 am



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1. Ste Blandine, Ste Cécile, Ste Agnès, Ste Catherine d'Alexandrie.


Ce groupe évoque les premiers temps du christianisme, parfumé par la pureté des vierges adolescentes, en Gaule, à Rome, en Orient.

Celle qui marche en tête, c'est Blandine ; elle baisse timidement les yeux, car elle était humble ; elle tient de la main droite une palme qu'elle a gagnée par son courageux martyre ; elle porte une amphore de la main gauche, car elle était servante, vouée aux travaux les plus durs. C'est donc une esclave qui conduit le chœur des Vierges : Jésus s'est choisi une servante et une épouse dans la plus basse des conditions, élevant les simples dont l'âme est belle au-dessus des princes dont l'âme est vile. Dans la grande persécution lyonnaise du second siècle, Blandine, à peine sortie de l'enfance, courut à la mort avec une joie calme et supporta les tourments les plus raffinés sans fléchir. Elle ne savait rien ; mais Irénée, disciple de Polycarpe, disciple de Jean, disciple de Jésus, lui avait révélé le grand mystère ; sur la foi d'Irénée elle était chrétienne, et le bourreau fut impuissant à ébranler cette conviction sereine. Elle resta la dernière, plus forte que la cruauté des persécuteurs ; et les martyrs qui défaillaient de douleur n'avaient qu'à la regarder pour retrouver la force.

A côté de Blandine, Cécile ; près de l'esclave, la patricienne. Elle apparaît ici telle que la tradition l'a constamment représentée, une lyre à la main, les yeux au ciel, cherchant dans la prière et dans la contemplation une inspiration pour les hymnes où se répandait son amour. De bonne heure dans son enfance elle voua à Dieu sa virginité. Mariée contre son gré au noble Valérien elle lui tint ce langage : Je suis sous la garde d'un ange qui protège ma virginité ; gardez-vous d'exciter sa colère. Valérien déclara qu'il voulait voir cet ange et, pour le voir, il se fit chrétien ; et revenant du baptême il vit en effet Cécile en prière et l'ange à ses côtés. Mais Cécile ne pouvait pas échapper aux persécuteurs ; on savait qu'elle venait au secours des chrétiens qui se cachaient dans les catacombes et qu'elle était riche. Elle fut arrêtée et jetée dans le feu ; mais le feu qui brûle les scories respecta sa pureté. Le bourreau la frappa de son épée trois fois, mais ne put arriver à lui trancher la tête. Trois jours après, son martyr s'acheva. Les persécutés honorèrent d'un culte pieux cette enfant de grande famille qui avait servi les chrétiens en chantant ses cantiques, comme une abeille qui bourdonne en récoltant son miel.

Cécile était une jeune fille, Agnès n'était qu'une enfant. La voici à genoux, vêtue de candeur, ses yeux naïfs tendres et graves fixés sur une vision qui la ravit à tel point que sa main droite levée esquisse un geste de pieux étonnement. Tout ce qu'on sait d'elle, c'est que à peine âgée de treize ans elle se donna pour toujours au Seigneur, passa candide au milieu des turpitudes dont les méchants voulaient la salir, et brava le bourreau avec un courage d'homme. Elle porte un agneau dans ses bras et ce n'est pas, comme on pourrait le croire, par simple allusion à son nom : après sa mort, elle apparut à ses parents qui la pleuraient ; elle était au milieu d'un cortège de saintes et on la distinguait au petit agneau blanc qui marchait à son côté. En souvenir de cette apparition, à Rome, le 21 janvier, on offre à l'autel un agneau orné de rubans ; et, dans le monastère de sainte Agnès sont nourris les agneaux dont la laine sert à tisser l'étoffe du pallium des archevêques.

Auprès d'Agnès se tient Catherine d'Alexandrie. Son visage est austère et grave et ses yeux se ferment pour une réflexion savante. De sa main droite, elle tient serré sur sa poitrine le rouleau qui contient les Saintes Écritures. Avec l'amour de la pureté elle eut dès l'enfance le goût de la science et à dix-huit ans ses connaissances confondaient les érudits. Quand Maximien persécuta les chrétiens ses frères, elle osa aller le trouver et lui parla avec tant d'éloquence qu'il en fut ébranlé. Il fit donc venir les savants les plus connus et les invita à exercer leur science sur Catherine pour réfuter ses arguments. Mais les philosophes furent confondus et quelques-uns convertis par la dialectique ardente de la jeune fille. Maximien irrité, la fit frapper du fouet et la condamna au supplice de la roue. Une machine à quatre roues qui devait réduire en lambeaux son tendre corps fut préparée ; mais à peine Catherine y fut-elle attachée que les rayons, par la volonté de Dieu, volèrent en éclats et blessèrent des "milliers" de spectateurs. Et c'est pour cela que Catherine s'appuie sur une roue aux rayons brisés. Enfin Maximien lui fit trancher la tête et elle reçut en même temps la couronne du martyre et celle de la virginité.

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Message  Roger Boivin Ven 31 Mar 2023, 7:48 am



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2. Sainte Ursule, Sainte Geneviève.


Voici les deux saintes qui s'opposèrent à Attila, le fléau de Dieu ; l'une fut victime de sa férocité, l'autre fit reculer sa barbarie. Le peintre  a donné à Ursule une attitude presque théâtrale, qui résume son existence tourmentée, et, si nous en croyons la légende, étrange et romanesque. Debout dans sa grande robe traînante, elle lève sa tête vers le Ciel et ses yeux se perdent au loin ; sa main droite dresse les flèches dont elle fut transpercée et sa main gauche développe un geste oratoire. Sa légende, qu'une pieuse croyance a répandue, mais que l'Église n'a pas sanctionnée, ressemble à un roman breton. Elle était fille d'un roi de Bretagne et un prince païen la demanda en mariage sur la réputation de sa merveilleuse beauté. Elle réclama un délai de trois ans avant de l'épouser et pendant ces trois ans elle accomplit un vœu qu'elle avait fait au Seigneur : il s'agissait de partir pour un long pèlerinage avec onze mille vierges qu'elle avait gagnées à Jésus-Christ et qui venaient de toutes les contrées du monde. Elle s'éloigna donc de la Grande-Bretagne avec son cortège de onze mille vierges ; elle remonta le Rhin et s'arrêta à Cologne. De là, elle gagna Rome à pied, puis, toujours à pied, revint à Cologne qui était assiégé par Attila. Les Barbares en voyant arriver cette armée d'un nouveau genre, se prirent à rire et tuèrent à coups de flèches les onze mille vierges. Mais ils s'arrêtèrent devant Ursule, éblouis par sa beauté. Attila la vit et la demanda en mariage et, comme elle refusait avec obstination, il la fit percer d'une flèche. Cette légende s'est gravée dans l'imagination des peuples et Memling interprétait la foi commune quand il racontait sur la châsse de Bruges ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2sse_de_sainte_Ursule ) les pérégrinations et la mort des onze mille vierges. Joseph Aubert n'a retenu que le nom d'Ursule et le caractère de sa mort ; le peintre n'a pas à discuter les récits de l'hagiographie populaire ; il exprime beaucoup moins la vérité objective que les formes colorées de la croyance.

Geneviève, contemporaine d'Ursule, appartient beaucoup plus qu'elle à l'histoire. Elle naquit à Nanterre près de Paris dans une humble maison, disait la légende, de parents riches et considérés, disent les historiens d'aujourd'hui. Dès sa petite enfance, elle manifesta une tendre piété. Saint Germain d'Auxèrre, passant à Nanterre la rencontra ; il lui demanda si elle voulait se vouer au Seigneur ; et comme elle affirmait qu'elle le voulait assurément, il l'emmena à l'église et devant un grand concours de peuple il la consacra vierge du Seigneur. Puis, mettant à son cou une médaille de bronze sur laquelle se trouvait une croix, il l'invita à ne jamais porter d'autres bijoux. Elle se fixa à paris et acquit une grande renommée de sainteté parce que Dieu lui avait accordé le don des miracles. Les Parisiens avaient foi en sa parole : lorsqu'Attila s'approcha de paris, brûlant tout sur son passage, Geneviève annonça que la ville serait épargnée et retint dans leurs maisons les habitants qui étaient prêts à partir. De fait, Attila ne vint pas. Plus tard, dans une grande famine, par son habilité et par ses prières, elle amena à paris une grande quantité de blé qui sauva les pauvres de la mort. Aussi, elle était entourée de la vénération de tous, et la calomnie ne s'attacha à elle que pour donner à sa sainteté un caractère plus achevé. Elle mourut à quatre-vingt-dix ans ; et depuis, Paris n'a pas cessé de l'invoquer comme sa patronne.

Quand on parle de sainte Geneviève, il est difficile de ne pas évoquer les fresques où Puvis de Chavannes raconte sa vocation, sa vie et sa mort et notamment ce tableau où il la représente au milieu du silence de la nuit en prières dans sa cellule et veillant sur sa ville (https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/pierre-puvis-de-chavannes_sainte-genevieve-veillant-sur-paris_peinture-murale-peinture_maroufle_peinture-sur-toile ). Aubert s'est attaché à la représenter avec ce caractère de simplicité rustique et de douceur que la légende lui attribue. Il lui a mis dans la main un cierge allumé : on raconte, en effet, qu'une nuit, comme elle conduisait à l'office les vierges de sa suite, le flambeau de l'une d'elles fut éteint par le vent. Geneviève s'arrêta pour le rallumer : et, dès cet instant, quelle que fût la violence de la tempête, le flambeau ne s'éteignit plus.

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Message  Roger Boivin Sam 01 Avr 2023, 7:54 am



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3. Ste Scholastique, Ste Odile, Ste Claire, Ste Colette.


Voici le groupe des abbesses, fondatrices ou réformatrices d'ordres religieux, deux selon la règle de Saint-Benoît (Scholastique et Odile), deux selon la règle de Saint-François (Claire et Colette).

Scholastique, abbesse des Bénédictines, a cette physionomie extatique qui marque la joie qu'elle éprouvait quand elle entendait les pieuses paroles de son frère, saint Benoît, abbé du Mont-Cassin. Une fois l'an, à égale distance des deux monastères, elle rencontrait son frère dans une humble demeure et ils passaient la journée à parler de Dieu. Une fois qu'elle était allée ainsi le visiter, vers le soir, ils étaient à table pour prendre un peu de nourriture, quand Scholastique demanda à son frère de passer la nuit dans ce lieu pour contenter le désir qu'elle avait de l'entendre encore parler des choses du ciel. Benoît s'y refuse. Scholastique, le coude sur la table, incline sa tête sur sa main et pleure et prie. Le temps était clair et beau ; mais subitement une horrible tempête éclate qui empêche Benoît de repartir, et il est contraint d'obéir à sa sœur. Il la voyait pour la dernière fois. Quelques jours après, comme il était en prières il aperçut l'âme de sa sœur qui s'envolait au ciel sous la forme d'une colombe. Et c'est pour ce motif que sainte Scholastique est représentée avec une colombe dans sa main.

Sainte Odile s'avance, douce et grave à la fois, fermant les yeux qui furent longtemps aveugles, appuyée sur la crosse, insigne de sa dignité. Elle était la fille de grands seigneurs alsaciens, Adalric et Berswinde, qui avaient bâti un château et une église au sommet du Hohemburg. Ils attendaient un fils ; ce fut une fille qui naquit et elle était aveugle. Adalric voulait la tuer ; la mère la fit nourrir secrètement par une femme du peuple et élever au monastère de Beaume-les-Dames. A douze ans, elle est baptisée par saint Erhard, elle recouvre la vue et reçoit le nom d'Odile, fille de la lumière. Revenue au manoir paternel, elle est d,abord persécutée par les siens, puis comme son père veut la marier, elle s'enfuie sous l'habit de mendiante. Enfin Adalric retrouve une âme de père : Odile fonde un monastère de vierges dans le château paternel et fait fleurir sur les sommets du Hohemburg la pureté et la piété. Les pauvres sont ses amis de prédilection et elle vieillit à les servir. A son heure dernière elle reçoit le viatique de la main d'un ange et elle s'envole vers Dieu.

Sainte Claire d'Assise, drapée dans sa grande cape de bure, porte pieusement dans ses mains, comme le prêtre à l'autel, le saint ciboire qu'elle a entouré avec respect d'un pli de son vêtement. Elle incline la tête et ferme les yeux pour adorer. Le peintre a voulu la représenter déjà avancée en âge, et dans une des circonstance les plus solennelles de sa vie. Les Sarrasins assiégeaient la ville d'Assise ; ils étaient sur le point de la prendre et d'envahir le couvent. Claire était malade ; elle se lève de son grabat, prend le saint ciboire dans le tabernacle et se rend sur le rempart. Là, elle adresse à son Dieu cette simple prière : " Ne livrez pas aux bêtes féroces des êtres qui ont confiance en vous et gardez vos servantes que vous avez rachetées de votre sang précieux. " Aussitôt les Sarrasins épouvantés abandonnent le rempart et s'enfuient en grand désordre.

Sainte Colette marche derrière sainte Claire, la réformatrice des Clarisses, derrière leur sainte fondatrice. Le peintre lui a donné l'attitude que la tradition a consacrée : elle était toute grâce et toute douceur ; la nature lui était soumise ; les fleurs naissaient sous ses pas ; les colombes, les tourterelles et les alouettes accouraient quand ils la voyaient, se posaient sur ses mains ou sur ses épaules et se jouaient avec elle. Cette enfant délicieuse et candide était une savante et elle avait une volonté virile. Investie par le Pape Benoît XIII de la fonction de réformer les monastères de sainte Claire, elle s'établit à Besançon ; et dans tous les couvents d'alentour, à Dôle, à Poligny, à Dijon, à Auxonne, elle ramena la régularité première.  Rien ne résistait à sa fermeté suave qui s'accompagnait de mortifications et de prières. Attentive aux besoins de l'Église, elle unit ses efforts à ceux de saint Vincent Ferrier et elle écrivit aux Pères du Concile de Constance pour les presser de mettre fin au schisme. A la fin de sa vie, elle se rapprocha de la Picardie où elle était née et elle apporta la réforme en Flandre, où elle mourut le 6 mars 1447.

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Message  Roger Boivin Dim 02 Avr 2023, 6:59 am



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4. Ste Jeanne d'Arc, La Bse Imelde Lambertini, Ste Germaine.


C'est le groupe parfumé des trois fleurs candides qui ne s'entr'ouvrir que du côté du ciel et que Dieu prit, au matin, à peine écloses.

Jeanne d'Arc est à genoux. A côté d'elle son casque, sa cuirasse et son épée rappellent la mission guerrière dont il plut à Dieu de l'investir. Mais ce n'est que par obéissance qu'elle accepta d'être soldat ; une seule chose lui plaisait dans son équipement militaire : c'était son étendard qui portait des lis et les noms très purs de Jésus et de Marie. Aussi, elle serre sur sa poitrine cet étendard sacré et en fait flotter les plis, bien haut, dans le ciel. Ce qu'elle aime par-dessus tout, pendant que paissent ses agneaux, c'est de s'agenouiller sur sa bonne terre, au pied des grands arbres, de joindre les mains et de prier en regardant à travers les nuages les visions de son cœur. Elle est la pastourelle aimante et priante. Elle sera l’héroïne d'une épopée miraculeuse, et la victime des haines abjectes ; elle remportera des victoires comme un grand capitaine et elle boira les amertumes d'une ignominieuse passion. Mais à travers ces choses étranges, elle sera comme absente : à genoux, les mains jointes, prier Jésus et Marie sans se lasser, dans le calme, près de ses agneaux et de sa mère, si elle avait pu choisir, voilà le sort qu'elle aurait choisi.

La Bienheureuse Imelde Lambertini se cache derrière Jeanne d'Arc et Germaine et ne laisse apparaître que son visage naïf auquel la bannière de Jeanne fait comme une auréole. Imelde est la plus jeune de toutes les saintes et comme le dit la liturgie, au ciel, elle doit jouer, comme un enfant, avec les palmes de son triomphe. Elle naquit en 1322 à Bologne, de l'illustre famille des Lambertini. A dix ans, elle entra au monastère des Dominicaines, et comme elle avait une âme ardente et pure, elle désirait vivement communier. Elle pleurait de ne pas être admise, en raison de son âge, à la Sainte Table. Le 12 mai 1333, le jour de l'Ascension, comme elle assistait à la messe et versait des larmes d'amour et de désir, une hostie apparut toute blanche au-dessus de sa tête. Les religieuses avertissent le prêtre, qui s'approche, prend dans ses mains l'hostie miraculeuse et donne à la petite Imelde sa première communion. L'enfant soupire de joie, ferme les yeux et expire aussitôt.

Sainte Germaine est aussi une enfant ; mais il y a dans son visage la gravité que donne une souffrance précoce. Elle tient à la main son bâton de bergère et elle regarde avec une attention affectueuse les brebis qu'elle était chargée de garder et qu'elle aimait. La brebis qui marche à côté d'elle paraît heureuse d'obéir à la douce bergère. Dans son tablier relevé et qu'elle entr'ouvre pour en montrer le contenu, elle est tout étonnée de porter des roses. Orpheline et pauvre, elle fut en butte aux mauvais traitements de sa marâtre : elle couchait dans l'étable de ses brebis, n'avait pour se couvrir l'hiver que de pauvres habits et pour se nourrir qu'un pain grossier. Au lieu de paroles de tendresse, elle n'entendait que des railleries et des injures. Mais dans son cœur pur la grâce de Dieu habitait et elle était heureuse ; en surveillant son troupeau et en filant elle priait Jésus et Marie. Tous les jours elle quittait ses brebis pour aller entendre la messe et ses brebis qui l'aimaient ne s'écartaient pas du lieu où elle les avait laissées. Elle instruisait les enfants, et assistait les pauvres en retranchant un peu chaque jour de sa pauvre nourriture. Un jour, comme elle leur portait dans son tablier quelques morceaux de pain, sa marâtre lui ordonna de montrer ce qu'elle cachait ; et la stupeur fut grande pour Germaine et pour sa persécutrice de voir que le tablier était plein de roses. Un autre jour comme la rivière qu'elle devait passer pour aller entendre la messe était enflée et débordée, Germaine marcha sur les eaux sans éprouver la moindre crainte. Elle mourut à vingt-deux ans. Cinquante ans après, son corps fut exhumé : il était couvert de roses fraîches et répandait une odeur délicieuse.

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Message  Roger Boivin Lun 03 Avr 2023, 7:56 am



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5. Ste Thérèse, Ste Marguerite-Marie, Ste Rose de Lima.


Voici le groupe de l'amour, le groupe des saintes femmes qui voulurent vivre et mourir de l'amour, dont le cœur se consuma pour Jésus comme un holocauste vivant.

Thérèse est debout, les yeux fixés sur le ciel où elle cherche son inspiration ; elle tient une plume de sa main droite et de sa main gauche elle montre un livre ouvert.  De Thérèse il nous reste en effet une œuvre mystique qui n'a pas dans l'Église son égale ; sur cette route obscure elle s'est avancée, lumineuse par l'amour, et elle a éclairci les mystères les plus profonds de la vie des âmes et de leur contact avec Dieu. Dans la réforme du Carmel, dans la fondation de ses monastères, dans la direction des âmes comme dans la conduite de sa propre vie, elle montra toujours une netteté décisive qu'elle ne devait pas seulement à son intelligence naturellement claire, mais aussi à une lumière plus haute. Elle aimait. Elle aimait Jésus d'une si particulière dilection, que Jésus daigna accepter cet hommage et lui donner des marques de son attention : elle vit un ange lui percer le cœur ; Jésus lui donna la main et lui dit : désormais vous serez mon épouse. Et c'est pour cela qu'elle s'appelait Thérèse de Jésus ; et c'est pour cela que sa mort ne fut pas due à une maladie mais à un effort de son amour qui libérait son âme des entraves du corps.

Marguerite-Marie est à genoux, les mains jointes, les yeux levés au ciel, perdue dans une contemplation aimante de Jésus, qu'elle voit nettement des yeux de la foi comme on sent une présence réelle enveloppée des ténèbres de la nuit. Le peintre l'a fixée dans cette posture qu'elle aimait et qu'elle garda la nuit comme le jour, tant que ses forces miraculeusement conservées et agrandies le lui permirent. Depuis son enfance jusqu'à sa mort, sa vie ne fut qu'un long colloque avec le Bien-Aimé qui consentait à l'instruire Lui-même, à l'encourager, à la consoler, et qui daigna, quand le cœur de la sainte eut été préparé par la douleur, lui révéler le dernier effort de son amour, le mystère de son Sacré-Cœur, et lui demander sa collaboration pour ranimer au milieu des hommes les étincelles de la charité.  A cette dilection particulière, elle répondit par un amour ardent qui la consumait ; elle fit d'elle-même à son Bien-Aimé une donation authentique, signée de son sang ; elle marqua son cœur du nom trois fois saint ; elle mérita d'éprouver dans son cœur une souffrance physique continuelle qui venait de l'excès de son amour. Tout entière à son Dieu, elle traversa la vie comme en rêve, sans négliger cependant de s'appliquer à ses humbles devoirs ; mais quelle que fût l'occupation où l'obéissance la contraignait, elle restait unie à Jésus par la pensée et par l'affection et elle ne cessait pas de jouir de sa conversation. Et quand ce violent amour eut consumé son cœur, elle mourut.

Rose de Lima, vêtue de l'habit des Dominicaines, tient dans sa main droite le rosaire cher à son ordre ; elle appuie sa main gauche sur l,ancre qui est le symbole de sa foi tranquille et qui marque en même temps la protection spéciale dont elle couvre la ville de Lima et le Port de Callao où elle vit le jour. Elle incline sa tête grave et méditative sous le poids des souffrances qu'elle a désirées et appelées et sous la morsure de la couronne d'épines qu,elle dissimulait sous son voile. Quand elle était enfant son visage ressemblait à une rose et elle-même paraissait une fleur. Cette fleur de choix, elle l'offrit à Jésus ; mais elle ne crut pas que cette offrande valût d'être acceptée si elle n'était pas purifiée par la douleur. Elle crucifia son corps par les privations, les jeûnes, les macérations et les disciplines ; elle souhaita les humiliations et les souffrances intérieures et elle en subit des plus déchirantes qui durèrent quinze années, plus amères que toute mort. Mais l'épreuve avait été assez dure pour manifester un amour plus qu'humain : à la suite de ces douleurs, la consolation l'envahit comme un torrent ; elle se fondait en ardeur séraphique ; Jésus lui-même daigna s'approcher d'elle et lui dire : Rose de mon cœur, tu sera mon épouse.

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Message  Roger Boivin Mar 04 Avr 2023, 7:39 am



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Regina Confessorum.


Le troisième panneau du côté de l'Évangile représenter les Confesseurs. Dans la liste que lui offrait le catalogue des Saints, Joseph Aubert a choisi les grands fondateurs d'ordres religieux, parce que plus que tous les autres, par les familles religieuses qu'ils ont établies, ils ont "confessé" le nom du Seigneur et étendu son royaume sur la terre : saint Ignace, saint François, saint Dominique, saint Benoît, saint Bruno, saint Colomban. Il a joint à leur groupe les grands évêques qui ont gouverné, prêché, écrit et réformé, comme saint Charles, saint Ambroise, saint Jean Chrysostome, et les solitaires qui ont laissé dans leurs œuvres un trésor de doctrine, comme saint Jérôme et saint Grégoire. Au milieu du panneau, il a dressé la silhouette ascétique de saint Claude, l'apôtre de la Franche-Comté, qui est bien à sa place dans une église bisontine ; enfin, à l'extrémité du groupe des confesseurs apparaît saint Martin, l'apôtre des Gaules, le grand thaumaturge qui a fait reculer le paganisme en proclamant le nom de Dieu. Nous avons ainsi les plus grands héros de l'affirmation chrétienne, depuis les temps apostoliques représentés par saint martin jusqu'aux temps modernes dont saint Charles et saint Ignace commandent le développement religieux.

Au reste, il apparaît clairement que l'artiste ne s'est pas soucié de la chronologie : il obéit beaucoup moins à la logique de l'histoire qu'à la loi de l'harmonie ornementale. Il a rapproché les figures qui se font valoir par un contraste d'expression ou de couleur. Il a cherché surtout la variété dans les gestes et dans les attitudes, sentant bien que l'écueil d'un cortège comme celui-ci est l'uniformité qui devient de la monotonie. C'est pour briser cette monotonie du défilé qu'ici encore il établit sur deux lignes continues : saint Louis, saint Colomban, saint Jérôme à genoux et saint Jean Chrysostome assis, ainsi que les bêtes qui les accompagnent, fixent notre regard sur un plan inférieur à celui de saint Claude et de saint Ambroise. Cette diversité est du plus heureux effet.

Au premier coup d’œil ce panneau paraît austère, presque sombre : la lumière y est sans éclat et les physionomies ont quelque chose de concentré et de fermé. C'est que nous sommes ici en présence des méditatifs qui ont pénétré dans le mystère de la destinée humaine et dans les secrets divins. Quelques-uns parmi eux, presque tous, furent des agissants, mais tous furent des penseurs et leur action réalisait leur méditation. Ils connurent les maux et les besoins de leur temps et, dans la prière, Dieu leur révéla les moyens d'y porter remède. Ils ne se contentèrent pas de travailler à la diffusion des remèdes divins, ils voulurent écrire le résultat de leurs réflexions et de leur expérience pour assurer à la postérité le bienfait de leur apostolat ; et leurs livres, dont leurs disciples n'ont pas cessé d'expliquer et d'illustrer l'esprit, sont une des richesses du trésor de l'Église. Ne nous étonnons pas si les yeux sont rêveurs ou préoccupés et les fronts plissés : c'est ici le groupe de la pensée.

Cependant, de cette austérité toute grâce n'est pas absente : une branche d'arbre s'incline avec ses feuilles devant saint Benoît et porte son corbeau familier ; saint François marche parmi le vol des colombes ; tous ces hommes à l'intelligence puissante et au cœur viril sourient de s'avancer vers la douceur de Marie. Dans leurs méditations ils ont rencontré le rayon de joie lumineux qu'elle met sur les mystères chrétiens, et, pour l'apaisement qu'elle apporte aux cœurs endoloris, ils l'ont aimée. Aucun d'eux n'a vécu hors de son influence maternelle ; et, d'ailleurs, pour entraîner vers elle, vers sa blanche présence, le groupe entier des Confesseurs, ne suffirait-il pas de saint Dominique et de saint Bernard ? Dominique, avec son Rosaire, a suscité dans le monde une floraison continue de salutations pieuses qui entourent Marie d'une couronne mystique ; Bernard a trouvé pour chanter la Mère de Dieu des accents d'une tendresse si émue qu'ils pénètrent encore aujourd'hui le cœur des hommes charnels et les inclinent à aimer celle qui a tant aimé.

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Message  Roger Boivin Mer 05 Avr 2023, 6:30 am



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1. Saint Charles Borromée, saint Ignace, Saint Louis.


Saint Charles Borromée, archevêque de Milan, cardinal de la  sainte Église, drapant son austérité dans son manteau de pourpre, s'avance, la main gauche fermement fixée à son bâton pastoral, insigne de son autorité, la main droite portant un crucifix qu'il regarde obstinément, comme la seule source de sa pensée, de sa vie et de son gouvernement. Son visage, que l'ascétisme a séché et durci, impressionne par sa rigidité : on sent l'homme que les faiblesses de la nature n'ont pas atteint et qui ne sut jamais fléchir. Venu à une époque troublée, où les désordres des mœurs, l'inquiétude suscitée par l'hérésie, et l'amollissement général provoqué par le paganisme renaissant, énervaient les âmes et les détournaient de l'Évangile, il comprit l’œuvre de salut du concile de Trente et il entreprit d'en appliquer les prescriptions. Il fut le premier et le plus grand réformateur. Il porta la réforme dans le sanctuaire et tous ceux qui ses sont occupés après lui de la formation des clercs se sont inspirés de lui ; il porta la réforme dans la société chrétienne et y restaura la pureté des mœurs. Ce qui donnait à son action une efficacité conquérante, c'est qu'il s'était d'abord réformé lui-même ; pour combattre les désordres de la nature chez les autres, il avait étouffé en lui la voix même de la nature et il traitait son corps comme un ennemi.

saint Ignace réfléchit et attend que la volonté de Dieu se manifeste sur lui. Hier encore il était soldant et sa naissance et son courage le destinaient aux dignités les plus élevées. Mais il a compris brusquement l'inanité de sa vie, il a offert son armure à la Vierge, et dans la solitude de Manrèse, il s'est mis en contact avec Dieu. Le contact a été ineffable ; il a vu et il a senti la grandeur de Dieu ; ce qu'il a touché là lui suffirait pour affermir sa foi alors même qu'il n'aurait pas les preuves qui sont à la portée de tous. Et il s'est donné entièrement à Dieu pour être son ouvrier ; ce don total se manifeste dans cette physionomie énergique, tendue et fixée pour toujours sur un idéal. Il ira, mendiant son pain, s'exposant à la risée publique ; il recommencera à étudier comme un enfant afin d'être capable d'instruire les hommes ; il groupera autour de lui l'élite de la science et de la vertu. Et, en instituant sa congrégation pour étendre le royaume de Jésus-Christ, il considérera d'abord, avec une intelligence qui pénètre tout, les besoins de son temps. Son action sera tellement adaptée aux nécessités nouvelles qu'il apparaîtra clairement que la main de la Providence s'est manifestée dans ses œuvres : il est la réponse de Dieu au défi de Luther, le bouclier de l'Église contre l'hérésie, soldat encore et toujours, mais d'une cause spirituelle pour laquelle il donnera sa vie.

Saint Louis porte sur sa tête aux longs cheveux bouclés la couronne de France ; il est vêtu du manteau royal semé de fleurs de lis ; son beau visage, où la grâce et la finesse s'unissent à la gravité, respire la majesté royale. Mais il est à genoux ; puissant devant les hommes, il s'incline devant Dieu, le seul suzerain à qui il consente à faire hommage. Sur son coussin, il porte la couronne d'épines de Notre-Seigneur. Quand il sut que Philippe de Courtenay rapportait de Palestine la sainte couronne, il se hâta de l'acquérir ; quand il sut qu'elle approchait de Paris, il alla pieds nus au-devant d'elle, et pour lui offrir une demeure digne de la majesté de sa Passion, il fit construire la Sainte-Chapelle, ce poème de pierre. saint Louis apparaît ici sur la toile tel qu'il vit dans l'imagination des foules : c'est le roi et c'est le saint ; le roi chevalier au cœur généreux et tendre qui aimait sa mère, sa femme, la France, ses amis et en imposait à ses ennemis ; le saint, qui aimait Dieu par-dessus tout et aurait préféré la lèpre au moindre péché mortel. Et c'est aussi l'homme bon et doux qui lavait les pieds des pauvres et rendait la justice aux humbles sous le chêne de Vincennes. Il est l'expression la plus haute et la plus pure de cet idéal chrétien qui s'est manifesté au XIIIe siècle, par la chevalerie, par les Croisades, par les cathédrales ; il a enfermé dans son âme la "courtoisie" chrétienne ; en lui le Moyen Age a fleuri.

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Message  Roger Boivin Jeu 06 Avr 2023, 6:40 am



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2. Saint François, Saint Dominique.


Voici les plus pures gloires du XIIIe siècle, qu'il ne faudrait pas séparer de saint Louis : saint François, saint Dominique, saint Louis, voilà les trois rayons d'une même flamme, la flamme vivante qu'est l'âme chrétienne du XIIIe siècle.

Joseph Aubert a représenté un saint François entièrement enveloppé dans la robe de bure, marque évidente de son esprit de pauvreté. Le corps disparaît tout entier dans cet austère manteau sans plis ; la tête est couverte par le capuchon, et du visage qui est dans l'ombre on ne voit nettement que la bouche, le nez et les yeux. Cette physionomie est toute de naïveté, de candeur et de bonté. Il ouvre ses bras et ses mains en regardant le ciel, comme pour inviter toutes les créatures à louer et à aimer Dieu. Et les créatures ont entendu sa voix, puisque des colombe accourent et viennent voleter autour de lui. Il avait une âme charmante de poète et de saint. Après avoir passé une partie de sa jeunesse à Assise, dans le négoce, il réfléchit sur lui-même, sur la vie et sur l'Église de Jésus-Christ ; et, remarquant que la sainte dame Pauvreté, tant aimée de Jésus, était abandonnée de tous, même des clercs, il la recueillit et l'épousa pour toujours. Il fut le pauvre volontaire, au moment où les sociétés, sortant de l'âge de la foi pure et sollicitées par la vie confortable, couraient vers la richesse comme vers un appât brillant. Il aima la pauvreté, la consola et lui rendit dans l'Église l'éminente dignité que Jésus lui avait conférée. Une fois libéré de cet esclavage de la fortune, il se sentit l'âme plus légère et plus large et il jeta sur la création un regard nouveau. Il en découvrit la splendeur, qui est plus merveilleuse que celle des œuvres humaines les plus raffinées et il l'aima d'être si belle. Il aima tout ce qui est, tout ce qui respire et tout ce qui vit, les étoiles, la lune, les fleurs, les oiseaux, les poissons et même les bêtes sauvages. Il aima toutes les œuvres de Dieu d'un cœur fraternel. Spontanément et sans effort, il s'élevait de la créature au Créateur et il ne se lassait pas de le louer et de l'aimer. Après avoir fondé deux ordres religieux qui répandirent dans le monde l'esprit de pauvreté, il se retira dans la solitude des montagnes, et seul dans une caverne, il s'abandonna à la contemplation. Si vives étaient ses ardeurs que, par un miraculeux privilège, Jésus imprima la trace de ses blessures dans ses pieds, dans ses mains et dans son côté ; il nous présente ici ses mains ouvertes où la trace des sacré stigmates est nettement visible.

Saint Dominique forme avec saint François un parfait contraste. Debout, dans sa robe blanche dont les plis savants tombent harmonieusement, il lève vers le ciel sa tête élégante dont une simple couronne de cheveux  relève la distinction. Sa main gauche s'appuie sur son cœur comme pour en contenir les battements, sa main droite esquisse un geste d'orateur plein d'une suave souplesse et présente un rosaire. Il y a dans ce parti pris de pieuse élégance un peu de convention. Mais ce saint est vraiment insinuant et persuasif. C'est ainsi qu'il apparut à son temps. Un mysticisme malsain et la manie de discuter sans fin et sans frein des questions insolubles avaient jeté les esprits hors de la droite voie et suscité un pullulement d'hérésies bizarres contre lesquelles les apôtres disputeurs usaient leur dialectique précisément parce qu'elles vivaient de la dispute. Saint Dominique vit le mal, en mesura la gravité et voua sa vie à le combattre. Au lieu d'ergoter et d'irriter l'orgueil de l'esprit, il s'adressa au cœur par une éloquence suave qui arrachait des larmes et ébranlait les plus endurcis. A des philosophes qui s'étaient perdus pour avoir voulu sonder des abîmes insondables, il offrit la prière la plus simple, la plus humble, la plus mécanique pour ainsi dire, le Rosaire qui ramène sur les lèvres dans un cercle sans fin la salutation angélique, amollit le cœur par cette répétition des paroles tendres et endort par sa monotonie les préoccupations de l'intelligence orgueilleuse. Il sauva ainsi par sa prédication l'intégrité de la doctrine qui semblait compromise et il commit à sa famille spirituelle le soin de la défendre à travers les siècles par les mêmes moyens. Il enseignait l'art de la parole qui échauffe en éclairant et l'art non moins précieux de tempérer la curiosité de l'esprit par l'humilité de la prière.

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Message  Roger Boivin Ven 07 Avr 2023, 7:42 am



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3. Saint Bernard, Saint Bruno, Saint Colomban.


Les trois héros, les trois modèles de la vie monastique, les grands moines savants en doctrine et puissant par l'autorité, qui marquèrent le moyen âge d'une forte empreinte et, en servant l'Église, servirent la civilisation humaine.

En Bernard revit toute l'ardeur du XIIe siècle. Issu d'une famille illustre, riche, savant, beau, doué d'un tempérament passionné et violent, il remporta sur lui-même et sur le monde en se donnant à Dieu, la plus difficile des victoires. Bossuet a chanté l'hymne de ce triomphe. La croix devient désormais son partage, son entretient et sa joie, le "bouquet" délicieux qu'il respirait et gardait sur son cœur. Mais ce contemplatif ne pouvait pas apaiser dans la méditation et dans la prière son impatience de voir la Croix dominer le monde ; aussi par une action ardente il se préoccupa d'en étendre l'empire. Aubert l'a représenté ici dans le geste essentiel de sa vie, dressant la Croix au-dessus des foules dans un geste nerveux et invitant dans un saint enthousiasme les hommes à l'aimer et à le défendre. De Claivaux il réforme les monastères ; il fait la leçon aux évêques, aux rois et aux Papes. Il sait quand il le faut sortir de sa cellule pour apporter la paix dans les provinces que désolent des guerres intestines ou pour prêcher la Croisade, la lutte de la Croix contre le Croissant. C'est le soldat de la Croix et c'est un magnifique lutteur.

Saint Bernard dresse la Croix et parle, saint Bruno la contemple et réfléchit. Son grave visage méditatif, ascétique, creusé de rides, raconte les longues méditations dans la cellule, la nuit quand tout dort. Bruno par sa science fut la lumière du XIe siècle. D'une famille célèbre, formé dans les écoles de Cologne d'abord, puis à l'Université de Paris, il devint maître à son tour et enseigna à Reims avec éclat. Avide d'une perfection plus grande, il résolut d'embrasser la vie monastique, si nous en croyons Lesueur, à la suite d'un incident qui lui avait permis de mesurer la rigueur des jugements de Dieu : Raymond Diocrès, chanoine de Paris, était mort en odeur de sainteté ; et pendant qu'à son enterrement la foule déjà le vénérait, il dressa la tête sur son cercueil et s'écria : Dieu m'a accusé... Dieu m'a jugé... Dieu m'a condamné ! Bruno se livra à la Croix en disciple fervent et y chercha le secret du salut. Il fonda le monastère de la Grande Chartreuse puis celui de Della Torre, en Calabre, où il mourut. L'art du peintre est vraiment admirable qui en choisissant une attitude peut évoquer dans sa réalité une lointaine figure et nous donner la clef de toute une vie : Bernard dresse la croix, Bruno la contemple ; ils tiennent tous les deux dans ce simple geste.

On pourrait peut-être discuter l'attitude de Colomban : il est vêtu d'un pauvre manteau de bure serré à la taille par une corde grossière ; tête nue, pieds nus, il est à genoux ; il baisse la tête et joint les mains pour la prière ; sa physionomie que l'on voit à peine est rude et fruste, sans expression ; à côté de lui est un ours qui paraît soumis et même penaud. Assurément c'est là toute une face de la vie de saint Colomban. Ce rude moine venu d'Irlande en Gaule à la fin du VIe siècle, quand il eut établi à Luxeuil une brillante phalange de moine qui chantaient nuit et jour les louanges du Seigneur, aimait à s'échapper de son monastère, à se retirer au fond des bois, dans des cavernes qu'il disputait aux ours et à s'y livrer au jeûne et à la prière. Mais Colomban ne gardait pas toujours cette attitude humiliée. C'était un savant qui enseignait d'une manière lumineuse la science des divines Écritures ; c'était un chef qui commandait à ses moines avec une fermeté qui touchait à la rudesse. Impitoyable pour la paresse, il employait ses moines à défricher la terre ; quand les travaux pressaient, il ordonnait aux malades de se lever pour aller à l'ouvrage ; ceux qui obéissaient étaient guéris, les timides voyaient leur mal s'aggraver. Il porta ce caractère dominateur dans ses relations avec le roi et avec le pape. L'astuce et la cruauté des derniers Mérovingiens, de Thierry et de Brunechaut, vinrent échouer devant sa volonté de fer, et quand le Pape l'invita à renoncer à ses habitudes irlandaises de célébrer la Pâque, il s'obstina et resta irlandais. Toute la chrétienté le connaissait, le redoutait et sollicitait ses avis. On ne retrouve pas cette énergie farouche et dominatrice dans l'humble solitaire qui est à genoux à côté de l'ours dompté ; mais Colomban puisait la force de son commandement et de son obstination dans la prière solitaire, au fond des cavernes que les ours conquis par sa sainteté lui cédaient volontiers.

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Message  Roger Boivin Sam 08 Avr 2023, 6:46 am



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4. Saint Claude, Saint Jérôme, Saint Benoît.


Saint Claude est un beau type d'évêque des temps primitifs. De sa main droite, il tient fermement sa croix archiépiscopale ; il est drapé dans un ample manteau qui ne manque pas de solennité ; il a la mitre en tête comme pour une cérémonie. Son noble visage d'homme qui a souffert respire la gravité et la bonté ; il me semble y lire aussi un peu de tristesse, la déception d'une grande âme qui s'est heurtée à la vulgarité des sentiments humains. C'est bien ainsi que l'histoire de la Franche-Comté nous représente Claude II, archevêque de Besançon. Il était de noble famille et il étudia les lettres et les Écritures. Dans son enfance la prière dont il avait l'habitude avait façonné son visage et on disait qu'il avait une face d'ange. Il porta les armes jusqu'à vingt ans ; puis il se donna à Dieu et se retira au fond des bois dans le monastère de Condat, à l'endroit même où devait être bâtie plus tard la ville de Saint-Claude. Il s'y adonna à d'effrayantes austérités, " la pâleur de son visage et la maigreur de son corps lui servaient d'ornement ". C'est là qu'on vint le chercher en 685 pour le faire, malgré lui, évêque de Bésançon. Il s'efforça de faire régner dans son diocèse les vertus du cloître, mais désolé de ne point réussir ; il quitta Besançon et les honneurs et revint dans sa solitude où il mourut en 699. Quand vint l'heure de faire ses adieux à ses disciples, " voyant couler les larmes, il leur donna à tous le baiser de paix et les fit sortir de sa cellule ; puis il passa toute la nuit à prier " seul en face de Dieu. Son culte fut très en honneur au XIIIe siècle : pour satisfaire la piété des fidèles, ses moines devaient transporter sa châsse de ville en ville au milieu d'une affluence populaire incroyable ; les princes, les rois et les serviteurs de Dieu venaient la visiter ; monsieur saint Claude était la grande illustration de la province.

Le saint Jérôme d'Aubert, encore plus que saint Colomban, est bien fait pour dérouter dès l'abord. On a pris l'habitude de voir en Jérôme le savant, le docteur, qui possédait à fond la science des Écritures, qui discutait avec saint Augustin, dirigeait d'illustres pénitentes et donnait des lumières aux Papes eux-mêmes. On ne retrouvera ici aucun des traits de ce personnage, à moins qu'on ne s'attache au livre qu'il tient de sa main gauche et qui est probablement la version qu'il composa de l'Écriture. Il est représenté ici comme un solitaire qui vit depuis longtemps dans le désert ; à peine vêtu, à genoux, ramassé sur lui-même dans une posture humiliée et tremblante, à la main une grosse pierre dont il frappe sa poitrine, le visage négligé et presque sauvage, il fait songer aux hôtes des déserts de la Thébaïde, à un Pacôme ou un Zozime. De fait, comme eux, il habita cinq ans les déserts de Syrie, puis, après son retour de Rome, il se fixa dans le monastère de Bethléem qui avait été fondé par sainte Paule. Vraisemblablement le peintre s'est souvenu des représentations de saint Jérôme que le Dominiquin et Ribera ont risquées et où l'illustre docteur apparaît sous des traits que nous croirions volontiers être ceux du pauvre Job ; peut-être aussi avec ce saint Jérôme aux yeux épouvantés a-t-il voulu rappeler la circonstance bien connue de la vie du saint solitaire, quand il se réveilla en sursaut, terrifié par la sévérité des jugements de Dieu qu'il venait d'apercevoir dans un rêve.

Saint Benoît, les mains jointes, contemple et prie, tout près de l'extase ; à côté de lui le bœuf, qui rappelle que les moines établis par lui, s'appliquèrent d'abord à défricher la terre. L'histoire n'a retenu de lui que quelques traits qui tendent tous à mettre en relief son austérité et sa science des voies de Dieu. Il avait été formé à la vie érémitique dans la solitude de Subiaco où les épreuves que Dieu lui envoya lui apprirent l'art de se vaincre : pour triompher de ses passions, il se roulait sur des épines et des anges, dit la légende, venaient remplacer les épines, par des roses rouges et des roses blanches. Après divers essais de vie cénobitique, il se fixa au Mont-Cassin où il établit un monastère et où il écrivit sa célèbre règle qui a été la source du monachisme de l'Occident. Il était favorisé d'une assistance particulière de Dieu qui lui faisait sentir sa présence et le ravissait souvent hors de lui-même ; des choses de Dieu dont il avait une expérience si riche, il parlait avec une grande abondance de paroles et une suavité de miel qui coulait doucement dans les cœurs. Aussi, comme à tous les grands serviteurs de Dieu la nature lui était soumise ; les oiseaux l'aimaient et venaient le frôler de leur aile, quand il sortait ; un corbeau venait tous les jours lui demander à manger dans sa main ; on raconte que saint Benoît ayant reçu d'un ennemi un morceau de pain empoisonné, le donna à son corbeau favori dans un geste d'amitié : l'animal emporta le pain et alla le jeter dans un gouffre.

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Message  Roger Boivin Dim 09 Avr 2023, 7:42 am



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5. St Ambroise, St Grégoire, St Jean Chrysostome, St Martin.


Avec ce groupe nous arrivons aux premiers siècles de l'Église ; chacun des confesseurs qui le composent est fixé dans le geste essentiel que l'imagination chrétienne a conservé.

Ambroise revêtu de ses habits épiscopaux, crosse en main, mitre en tête, prend l'attitude qu'il avait quand il arrêta l'empereur Théodose sous le porche de la cathédrale de Milan ; et les fouets qu'il tient à la main droite sont le commentaire imagé et concret des paroles qu'il lui adressa dans cette circonstance. Théodose, emporté par la colère, avait ordonné le massacre de Thessalonique ; Ambroise, évêque de Milan, lui écrivit pour lui reprocher son crime et lui déclara qu'il n'oserait pas célébrer devant lui le Saint Sacrifice. Cependant Théodose suivi de sa cour se rendit à la cathédrale ; sous le porche, il trouva l'évêque qui eût l'audace de l'arrêter ; et comme l'empereur arguait de l'exemple de David, il s'attira cette réplique : Vous l'avez imité dans son crime, imitez-le dans sa pénitence. Et Ambroise n'admit Théodose dans le sanctuaire qu'après que l'empereur eut réparé sa faute par une pénitence publique.

Saint Grégoire de Nazianze tient sur sa poitrine le livre de ses œuvres : ses homélies, ses commentaires de l'Écriture, ses poésies sacrées, il a tout tiré de son cœur, beaucoup plus que de l'esprit. Il est vêtu à l'orientale ;  il lève vers le ciel sa belle tête expressive de rêveur et de poète et ses yeux où se lit le bonheur mélancolique d'un homme qui a été déçu par les hommes et qui trouve enfin en Dieu son repos. Sa vie est touchante et révèle une âme douce et tendre. A Athènes, avec Basile son ami, il se forma aux lettres profanes et il écouta les rhéteurs en renom ; il apprit à parler lui-même avec cette élégance fleurie qui était la mode de l'époque. Converti au christianisme, il étudia à fond les Écritures et il s'adonna ensuite au ministère de la parole avec un succès merveilleux. Il fut évêque de Nazianze, puis de Constantinople. Mais comme des dissensions s'élevaient autour de lui et qu'il ne se sentait pas né pour la lutte, il résigna sa charge, rentra à Nazianze, et se fixa à la campagne, dans une solitude où il vécut comme un moine, partageant son temps entre la prière, la contemplation, la poésie et la composition d’œuvres pieuses. Ayant échappé aux tempêtes de ce monde pour lesquelles son âme n'était point faite, il donnait à Dieu un témoignage moins éclatant mais durable que les générations répètent en lisant ses livres pleins d'onction et de charme attique.

Saint Jean Chrysostome au contraire a été suscité de Dieu pour la lutte. Joseph Aubert aurait être tenté de le représenter debout, invectivant l'impératrice Eudoxie ; le geste serait trop théâtral pour garder sa valeur de symbole et révélerait trop de passion. Il a peint l'évêque de Constantinople assis dans sa cathèdre de pierre, marquée au monogramme du Christ. Il incline sa tête puissante et calme et, d'une main ferme, il écrit ou une de ses homélies par lesquelles il gourmandait la société pervertie de Constantinople, ou cette lettre par laquelle il refusa fièrement de se rendre à Chalcédoine devant un tribunal sans mandat. Dans toutes les circonstances de sa vie, il fut admirable de tranquille courage : il n'hésita jamais de dire la vérité, si amère qu'elle fût, aux fidèles de sa ville, aux évêques, à l'impératrice ; et la vérité, dite par sa bouche, avait une force et une éloquence qui en imposait. Il fut deux fois exilé pour ce motif et jamais il ne relâcha rien de son intrépidité ; il mourut sur les routes de l'exil, laissant après lui le souvenir d'un courage surhumain et d'une éloquence presque divine.

Saint Martin, un beau type de soldat romain, à la tête expressive, au corps nerveux, coupe en deux son manteau pour en donne la moitié à un pauvre. La figure du grand apôtre des Gaules est complexe et il a confessé Dieu de bien des manières ; le peintre n'a voulu retenir ici qu'un témoignage, celui de la charité héroïque. Et c'est bien à cette charité que le monde reconnaît les véritables enfants du Christ. Ainsi s'achève dans une variété pleine de richesse, cette confession, cette proclamation de Dieu, que les grandes âmes  n'ont cessé de faire entendre dans l'Église Catholique.

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Message  Roger Boivin Lun 10 Avr 2023, 6:48 am



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Regina Martyrum.


Le quatrième panneau du côté de l'Épitre représente la théorie des martyrs. Dans le martyrologe romain, si copieux et si riche, le choix était difficile : la vie de l'Église a été pour ainsi dire constamment arrosée par un fleuve de sang pur et ceux qui ont alimenté ce courant continu ont fait preuve d'un héroïsme qui a la beauté définitive des vertus surnaturelles. Joseph Aubert a laissé de côté les martyrs modernes, missionnaires de la Chine ou du Japon, victimes de la Révolution : il s'est tenu aux premiers siècles de l'Église, et ce n'est qu'avec Pierre de Vérone et Jean Népomucène qu'il nous présente des martyrs de date relativement récente. Tous les autres appartiennent à ce qu'on pourrait appeler les temps héroïques du Christianisme, à cette époque où la profession publique de la foi chrétienne était une condamnation à mort.

Pour faire son choix parmi les héros de ce temps, Joseph Aubert, ici comme ailleurs, s'est laissé guider par ses conceptions d'artiste : il a tenu à nous offrir des martyrs de tout âge, de tout sexe et de toute condition, afin d'introduire dans son tableau décoratif une grande variété de costumes  et d'attitudes. Saint Clément s'incline sous le poids des ans ; saint Irénée, malgré la vieillesse, garde la force de lever bien haut la lumière de la foi ; les soldats Maurice et Georges se dressent dans la pleine force de leur maturité ; Étienne et Laurent, sortant à peine de l'adolescence en ont gardé la gracilité de la forme ; Agapit et Tarsicius, à cet âge incertain entre l'enfance et la jeunesse, ont encore la naïveté puérile rehaussée d'une énergie déjà plus consciente. Lucie est une toute jeune fille. barbe a plus d'âge et de force ; Félicité est la mère fière et calme. Enfin les sept enfants de Félicité, dont l'ainé n'a pas quinze ans et dont le plus jeune n'en a pas deux, apportant dans ce panneau dont ils occupent le centre une candeur émouvante. Ils n'ont pas vécu et ils vont mourir, moissonnés avant d'avoir fleuri. Au reste, la plupart des martyrs que nous voyons ici sont jeunes et le sacrifice qu'ils font à leur Dieu a toute sa pleine signification et tout son prix.

Ces jeunes gens et ces jeunes enfants sont morts d'une mort prématurée ; et cependant le tableau n'est pas triste. Aucun d'eux ne regrette la vie et ne dit aux choses qu'il ne verra plus l'adieu mélancolique de ceux qui partent avec des regrets. Il y a au contraire dans leur allure et dans leur regard une allégresse contenue ; ils portent la palme symbolique comme la marque de leur triomphe, non comme le signe d'une souffrance. Il est vrai que l'artiste ne les a pas représentés - sauf saint Sébastien - dans l'acte même du martyre ; pour certains, comme pour saint Laurent qui fut brûlé sur un gril, la scène aurait eu quelque chose de répugnant. Les martyrs, ici, sont représentés dans un état idéal, hors du temps pour ainsi dire, vainqueurs de leurs bourreaux et marchant triomphalement vers marie qui va les couronner.

Et il est juste qu'ils aillent à elle pour lui faire hommage de leur Passion. Car c'est elle qui leur a montré la voie douloureuse et qui à la suite de son Fils a épuisé, plus que n'importe quelle créature, le calice des amertumes. Toutes les âmes n'ont pas la même capacité de souffrir ; plus elles sont grandes, délicates et pures, plus elles sont sensibles à la douleur. L'âme de la Vierge Marie, préservée miraculeusement de la souillure originelle, élaborée par l'Esprit-Saint, sanctifiée par le contact de Jésus, était d'une essence rare et  fine. Aussi elle souffrit tout ce qu'une créature pouvait souffrir et cela avec une intensité qui lui était particulière, attendu que les moindres vibrations douloureuses la déchiraient jusqu'au fond. De son enfant, qu'elle aimait plus qu'aucune mère ne peut aimer, elle savait le mystère et qu'un jour il lui serait enlevé. Ce jour vint où elle vit partir le bien-aimé de son cœur. Et le jour vint aussi où elle dut accepter de le voir entrer dans la Passion. Elle en suivit les étapes, angoissée, haletante ; chaque injure, chaque coup qui s,abattit sur Lui, retomba et retentit sur elle. Elle subit à côté de Lui et avec Lui les affres de l'agonie, et elle dut rentrer seule dans son logis, le laissant mort sur la croix. Joseph Aubert, dans les fresques de Notre-Dame-des-Champs, a raconté ce retour de Marie après la Crucifixion et je ne crois pas qu'il soit possible de donner une impression plus intense de désolation totale.

Marie a donc subi toutes les sortes possibles de la souffrance à leur degré le plus élevé : elle a été, après Jésus, le premier martyr, la coopératrice de la Rédemption par la douleur. Tous les martyrs le savent et vénèrent en elle leur modèle et leur Reine ; ils vont vers elle après avoir triomphé du bourreau parce qu'ils ont appris d'elle la science de souffrir.

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Message  Roger Boivin Mar 11 Avr 2023, 7:37 am



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1. Saint Laurent, Saint Étienne.


J'ignore pourquoi Joseph Aubert n'a pas donné à Étienne, premier martyr, la première place dans son cortège et pourquoi il a voulu le faire marcher après saint Laurent. Il est revêtu de la tunique du diacre : il porte dans sa main droite la palme traditionnelle, et, suivant la tradition, il tient dans sa main gauche les pierres de son supplice. Son visage aux traits vigoureux et nobles  a beaucoup de caractère ; la beauté en est accentuée par une abondante chevelure noire qui tombe sur ses épaules. Ses yeux de flamme sont fixés sur le spectacle qu'il aperçut au milieu de ses souffrances. Comme il était rempli de la grâce de l'Esprit-Saint, il faisait beaucoup de miracles et l'attention qu'il portait à servir les frères dans leurs besoins matériels lui attirait tous les cœurs. Aussi les juifs de Jérusalem qui voyaient avec stupeur grandir le nombre des disciples de Celui qu'ils avaient crucifié, grincèrent des dents contre lui, le dénoncèrent pour un motif futile, le firent condamner et l'entraînèrent hors de la ville pour le lapider. Comme les pierres pleuvaient sur lui, indifférent à la douleur, il priait ; et tout à coup il dit : " Je vois les cieux ouverts et Jésus assis à la droite du Père ". Puis il ajouta avec douceur en pensant à ses bourreaux : " Seigneur, ne leur imputez pas ce crime. " Et sentant venir la mort il dit : " Je vois les cieux ouverts et Jésus assis à la droite de Dieu ; Seigneur Jésus recevez mon âme entre vos mains. " Ainsi mourut, dans la paix, le premier martyr.

Saint Laurent, vêtu comme saint Étienne de la dalmatique du diacre, tient comme lui une palme dans sa main droite et appuie la gauche sur le gril, instrument de son supplice. Il paraît plus jeune que saint Étienne ; il lève vers le ciel son visage angélique et il contemple la gloire de Dieu. Il avait été chargé par son évêque, saint Xiste, de l'administration des biens de l'Église et il s'acquittait de sa charge avec un grand zèle. Mais quand il vit Xiste marcher au martyre il eut le regret de ne pas le suivre et il se plaignit doucement à lui : " Où allez-vous, mon père, sans votre fils ? qu'ai-je fait pour vous contrister ? pourquoi me laissez-vous en arrière ? " Et Xiste lui répondit : " Dans trois jours tu viendras me rejoindre. " Laurent, joyeux, fait ses préparatifs ; il distribue aux pauvres les biens dont il a la garde et il attend. Le bourreau est cupide et cruel ; il lui demande où sont les trésors de l'Église ; Laurent, sans hésiter, lui montre d'un geste les pauvres et lui dit : " Les trésors de l'Église, les voilà ! " Et il s'abandonne à sa passion. On épuise contre lui les tourments choisis ; il est placé tout nu sur un gril rougi au feu ; mais rien ne peut dompter son courage ; ou plutôt, il reçoit avec joie les supplices qui rapprochent de son évêque et de son Dieu.

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Message  Roger Boivin Mer 12 Avr 2023, 7:01 am



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2. Saint Clément, Saint Irénée.


Saint Clément, pape, est représenté sous les traits d'un vieillard, accablé par l'âge et par les épreuves. Il incline sa tête couverte de la tiare qui a été pour lui un poids trop lourd. Il soutient son corps chancelant avec la main droite appuyée sur la croix ; sa main gauche repose sur l'ancre qui fut l'instrument de son supplice. Il occupait le siège de Pierre, sous l'empereur Trajan, quand il plut au préfet de Rome de susciter une émeute contre lui. Il fut arrêté et invité à sacrifier aux dieux. Sur son refus, il fut exilé en Chersonèse et condamné, avec d'autres chrétiens qui l'avaient précédé dans ces lieux, à extraire du marbre dans une carrière. Il consola, il édifia, il convertit. Sous son impulsion, la foi fleurit sur cette terre sauvage ; avec les débris des temples païens et les arbres des bois sacrés, on éleva des églises au vrai Dieu. Aussi un nouvel orage gronda contre lui. Le préfet Aufidianus lui ordonna de sacrifier aux idoles. Il refusa. Alors le préfet rendit sa sentence : " Qu'on le mène au milieu de la mer, qu'on lui attache une ancre au cou et qu'on le précipite au fond, de peur que les chrétiens ne l'honorent comme un Dieu. " Mais pour confondre le tyran, quand l'ordre eut été exécuté, la mer se retira au loin et les chrétiens, accourus sur la plage, purent voir le martyr dans une chapelle de marbre, rayonnant de joie et appuyé sur l'ancre, instrument de son supplice et de son triomphe.

Saint Irénée est un vieillard de haute taille, au visage noble, au port majestueux. Il est revêtu de ses habits pontificaux. Sa main gauche fait un appel de bonté et sa main droite élève bien haut le flambeau de la foi. C'est lui en effet qui porta en Occident la lumière venue d'Orient. Il était l'élève de Polycarpe qui avait été formé par Jean, le disciple chéri de Jésus. Il avait étudié la doctrine évangélique dans cette illustre école de Smyrne où se formèrent tant d'apôtres à la parole ardente et claire. Il vint à Lyon, enseigner la foi qu'il avait reçue ; il la défendit contre les hérétiques par de doctes traités ; il remplaça Pothin sur le siège de Lyon, honoré par tant de martyrs ; et, quand il fut très avancé en âge, pendant la persécution de Septime Sévère, il corrobora de son sang l'enseignement qu'il avait donné. Sa parole et ses exemples continuèrent son œuvre dans l'école de Lyon qu'il avait fondée sur le modèle de celle de Smyrne ; et c'est de là que partirent pour rayonner à travers la Gaule les apôtres de la lumière. Ainsi l'Orient et l'Occident se rejoignaient par une chaîne solide et se fondait en Gaule, dans l'illustre église de Lyon, la tradition qui nous rattachait à Jésus par des chaînons visibles. Il est bien juste de mettre dans sa main la torche ardente, car il éclaire pour tous d'une clarté définitive les origines de notre foi.

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Message  Roger Boivin Jeu 13 Avr 2023, 6:27 am



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3. Sainte Félicité et ses enfants.


Voici le groupe gracieux et émouvant de l'enfance martyre et de la maternité héroïque. Félicité est debout, enveloppée dans son manteau aux longs plis. Elle a pris dans ses mains le plus jeune de ses fils, celui qui est encore plus près de sa chair et par conséquent le plus aimé, et elle l'offre à Dieu comme une victime pure. Par le même geste, elle offre aussi ses six autres enfants, qui sont à genoux pressés autour d'elle. A son visage austère et doux dans un grand calme, a ses yeux clairs, on voit bien qu'elle ne pense pas à la mort ou que, si elle y pense, elle la considère comme la porte du ciel. Elle part avec ses enfants pour le voyage triomphal du Paradis. Et ses enfants qui l'aiment, qui vivent par son cœur, parte4nt confiants avec elle. Le plus petit qui est entre ses bras ne sait pas où on le mène ; mais puisque sa mère le lève vers le ciel, il regarde le ciel et joue avec sa palme. Il y en a deux autres qui ne paraissent pas savoir d'avantage ce qui les attend : le petit aux cheveux blonds qui est debout, très occupé avec sa palme, et son frère, aux cheveux noirs bouclés qui regarde vers nous avec des yeux étonnés. Les quatre autres ont conscience de l'épreuve qui leur est réservée et ils se disposent à la subir avec ferveur. Celui qui est derrière Félicité se dit qu'il n'a qu'à bien regarder sa mère, à obéir et à suivre. Celui qui s'est mis à genoux à gauche de sa mère, ferme les yeux et joint les mains, comme on lui a appris à le faire pour sa prière quotidienne. Plus personnel, celui qui est debout à sa droite, réfléchit, rêve, et regarde de belles apparitions qui l'enchantent. Mais le plus émouvant est celui qui s,est placé au premier rang devant sa mère : il joint les mains avec force, il fixe son regard sur le paradis, et il ouvre sa bouche étonnée et priante ; de toute l'énergie de son enfance, il veut faire aussi bien qu'il est possible ce qu'il doit faire, mourir pour Dieu. Cette couronne d'enfants autour d'une mère qui les offre en sacrifice, quel beau poème et combien touchant ! Joseph Aubert pour le raconter ne s'est inspiré que de son cœur. Il a modifié sur un point important les actes des saints martyrs : d'après la "légende" ils étaient déjà plus avancés dans l'adolescence et ils furent tous capables de répondre au bourreau et de justifier leur attitude.

Félicité était une pieuse et riche veuve qui aimait les pauvres et les assistait dans l'esprit de l'Évangile. En l'an 162, à la suite d'un débordement du Tibre et d'une famine pendant laquelle Félicité se multiplia pour secourir les affligés, les prêtres païens la dénoncèrent au préfet de la ville. Elle dut comparaître avec ses sept enfants devant le tribunal de Publius. Le préfet lui dit : " Prends pitié de tes enfants qui ne demandent qu'à vivre ; qu'ils ne soient pas enlevés au monde à la fleur de leur âge ! - Ta compassion est impie, répondit Félicité, et ton discours est cruel. " Et se tournant vers ses fils, elle leur dit : " Levez les yeux, mes enfants, regardez le Ciel : c'est là que Jésus-Christ vous attend avec ses saints. Combattez pour vos âmes et montrez-vous fidèles dans l'amour du Christ. " Le préfet la fit souffleter. Puis il appela l'aîné des enfants qui s'appelait Janvier et il l'invita par des paroles tantôt douces, tantôt menaçantes, à sacrifier aux idoles. " Tu me pousses à des folies, lui répondit Janvier ; mais la sagesse de mon Seigneur me garde et m'aide à triompher de tout. " Janvier fut fouetté et envoyé en prison. Un à un, sous le regard de leur mère qui les encourageait, les fils de Félicité comparurent devant Publius, et chacun d'eux trouva un mot vigoureux et surnaturel pour lui répondre : Félix, Philippe, Silvain, Alexandre, Vital et Martial se montrèrent dignes de leur aîné. Le plus petit osa même  dire au préfet en le regardant en face : " Tous ceux qui ne confessent pas le Christ vrai Dieu iront au feu éternel. " Publius irrité les condamna à mort : le premier fut tué à coups de fouet garnis de plombs, le second et le troisième à coups de bâton ; le quatrième fut jeté dans le Tibre ; le cinquième, le sixième et le septième, ainsi que Félicité leur mère, eurent la tête tranchée. Cet âge qui paraissait si tendre eut toutes les vertus d'un âge plus avancé.

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Message  Roger Boivin Ven 14 Avr 2023, 7:45 am



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4. Saint Agapit, Saint Tarsicius, Sainte Barbe, Sainte Lucie.


C'est le groupe de l'adolescence martyre : deux jeunes gens, deux jeunes filles. Ceux-là ont déjà jeté sur la vie un regard qui pressent et devine ; mais ils ont entendu l'appel de Dieu : et entre Dieu et la vie terrestre, ils ont choisi spontanément et avec ferveur.

Agapit, une palme à la main, lève sa tête candide et déjà grave et il attend avec placidité les fantaisies du bourreau. Il était de Préneste et il vivait sous l'empereur Aurélien. A quinze ans, il désirait le martyre de toute la force de son cœur ; son désir fut comblé au delà de toute parole. D'abord il fut battu de verges, emprisonné et laissé quatre jours sans nourriture ; puis on lui mit sur la tête des charbons ardents. Sous le feu qui le brûlait, il remerciait Dieu et chantait ses louanges. Alors on le suspendit tout nu au-dessus d'un feu allumé, afin de l'étouffer avec la fumée ; on lui jeta l'eau bouillante sur le corps et on lui brisa cette bouche qui chantait des cantiques. Mais brusquement son juge tombe sur son siège et meurt. L'empereur irrité fait exposer Agapit aux bêtes ; les bêtes se couchent à ses pieds. Enfin on lui tranche la tête et il reçoit la couronne qu'il avait ambitionnée.

Tarsicius a le même âge qu'Agapit, quatorze ou quinze ans. Il est acolyte et on lui a confié la Sainte Eucharistie qu'il doit porter en secret aux chrétiens. Tout pénétré du grand honneur qui lui échoit, de ses deux mains, il serre sur son cœur le précieux trésor, et les yeux baissés, il adore le Dieu qu'il porte. Comme il s'en allait ainsi vers sa fonction sacrée, il rencontra un groupe d'enfant païens qui jouaient dans la rue. Tarsicius les connaissait pour avoir jouer souvent avec eux ; mais aujourd'hui, il ne peut pas s'arrêter. Les enfants l'appellent à venir partager leurs jeux ; Tarsicius refuse avec vivacité et avec quelque embarras ; on insiste, il se dérobe. Les païens voient dans son attitude le mépris d'un chrétien pour ceux qui ne partagent pas ses croyances ; ils courent à lui, ils le frappent ; et excités par leur crime, ils le renversent. Tarsicius, occupé à protéger son trésor, n'essaie pas de se défendre ; il expire sous leurs coups. Quand on ouvrit sa robe prétexte pour y chercher la Sainte Eucharistie, on ne l'y trouva point ; Jésus avait cherché un asile sûr dans le cœur de l'adolescent qui mourait pour lui.

Sainte Barbe s'avance, les yeux baissés, resplendissante de cette beauté qui lui valut les premières persécutions de son père. Elle tient dans ses mains une tour, en souvenir de celle où elle fut enfermée. Son père, un noble seigneur de Nicomédie, étroit d'esprit, brutal et très attaché au paganisme, l'enferma dans une tour afin qu'elle ne pût se marier que selon sa volonté, et il partit pour un long voyage. Barbe était chrétienne ; elle employa le temps de sa détention solitaire à adorer Dieu et à méditer sur ses grandeurs. Aux deux fenêtres de sa tour, elle en fit ajouter une troisième en l'honneur de la Sainte Trinité, et sur la porte de sa prison elle fit graver une Croix. Quand son père revint, il entra dans une violente colère ; il la frappa cruellement et il la livra lui-même au préfet Marcien. Elle fut accablée de tourments raffinés ; mais dans sa prison Jésus lui-même lui apparut environné de lumière et la consola d'une manière ineffable. En compagnie de Julienne que son exemple avait entraînée, elle supporta en souriant les ongles de fer, le feu, la honte d'être exposée à la vue et à la risée de la foule. C'est son père qui mit fin à son martyre en lui tranchant la tête de ses propres mains.

Sainte Lucie est à genoux, liée de cordes, les mains jointes, les yeux au ciel, dans une attitude de pieuse résignation. Elle était de Syracuse et sa mère Eutychia lui inspira de bonne heure une vive piété. Elle sortait à peine de l'enfance quand elle obtint de sa mère que sa dot fût distribuée aux pauvres et elle voua à Dieu sa virginité. Quand le jeune homme à qui elle était promise apprit cette résolution, il la dénonça lui-même comme chrétienne au préfet Paschasius. Devant le préfet, elle fit preuve d'un merveilleux courage et déclara à son juge que le Saint-Esprit la couvrait de sa protection. Le préfet lui dit : " Alors le Saint-Esprit est en toi ? - Oui, répondit-elle, ceux qui vivent chastement et saintement sont les temples du Saint-Esprit. - Eh bien, ajouta le préfet, je te ferai conduire aux lieux infâmes et quand tu auras perdu ta virginité, le Saint-Esprit t'abandonnera ! " Et il essaya d'exécuter sa menace. Mais on eut beau attacher Lucie avec des cordes et faire effort pour l'entraîner, aucune force humaine ne put l'arracher du lieu où elle était. Alors le préfet la fit arroser de poix, de résine et d'huile chaude qu'on alluma ; mais la flamme la caressait au lieu de la brûler. Il fallut lui plonger une épée dans la gorge ; après avoir reçu ce coup mortel, elle annonça comme prochaine la paix de l'Église et rendit à Dieu son âme candide.

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Message  Roger Boivin Sam 15 Avr 2023, 6:39 am



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5. saint Sébastien, Saint Maurice, Saint Georges.


C'est le groupe des soldats romains, héritiers d'une fierté militaire, qu'ils ne se contente pas de porter, qu'ils renouvellent, aussi nettement dressés que les Scipion ou les Corbulon. Mais ces soldats ont des âmes pieuses, façonnées par l'Évangile, et comme ils mourraient pour l'Empire en lutte contre les Barbares, ils mourront pour leur Dieu en lutte contre les idoles.

Saint Sébastien est attaché avec des cordes à un grand arbre, dans une posture qui contorsionne son corps. Sa poitrine est criblée de flèches. Son visage levé vers le ciel sourit. Ce condamné n'a rien de commun avec le saint Sébastien du Pérugin ou avec celui de Guido Reni qui impressionnent tous deux par leur merveilleuse beauté ; mais il est plus vrai. Sébastien était de Narbonne. L'éclat de sa famille, la noblesse de son caractère le rendirent cher à Dioclétien qui en fit le commandant de la première cohorte. Sébastien, chrétien en secret, soutenait ses frères et les encourageait dans les tourments du martyre. Il fut dénoncé à l'empereur qui, après avoir épuisé sur lui ses promesses et ses menaces pour le ramener au paganisme, le fit attacher à un arbre et tuer à coup de flèches. Il le croyait mort. Quelle ne fut pas sa terreur quand il le vit arriver devant lui quelques jours après et qu'il l'entendit lui reprocher sa cruauté ! Cette fois, il voulut être témoin de sa mort et il fit jeter son corps aux égouts. Mais la pieuse Lucine, avertie par un songe miraculeux, recueillit sa dépouille et la déposa aux Catacombes.

Saint Maurice tient une palme dans sa main droite et, de la gauche, il s'appuie sur son épée d'un geste vigoureux et décidé. Il dresse sa belle tête expressive où se lit une résolution calme et inébranlable. Il était soldat dans cette légion thébaine qui se composait de chrétiens et qui avait donné sur les champs de bataille mainte preuve de son courage. Un jour que l'empereur Maximien offrait dans son camp, en Gaule, un sacrifice aux dieux, la légion thébaine s'abstint de paraître. L'empereur irrité ordonna aux chrétiens de participer au sacrifice, sous peine de mort. Ils refusèrent, soutenus dans leur héroïsme par Maurice, qui parut tout enflammé de l'amour de son Dieu. La légion fut d'abord décimée, puis, comme les survivants persistaient dans leur foi, entièrement massacrée.

Saint Georges, vêtu d'une armure qui fait songer aux chevaliers et coiffé du casque romain, met un pied aisément vainqueur sur l'horrible dragon, et, tranquillement, de sa lance, il transperce la bête immonde. Il est beau ; mais sa beauté, comme son geste, a quelque chose de conventionnel. Ce dragon qu'il foule aux pieds lui a été octroyé par la "légende", sans qu'on puisse dire exactement ni ce qu'il était ni en quel lieu saint Georges en a débarrassé ce monde. Ce qu'on sait de lui, c'est qu'il appartenait à une famille illustre de Cappadoce et que, comme Sébastien, il gagna par son courage les faveurs de Dioclétien. Il était tribun militaire et il s'était distingué dans les combats, quand l'empereur lança ses édits de persécution contre les chrétiens. Georges vit là une occasion de conquérir la palme de martyr : il distribua ses biens aux pauvres et il alla trouver l'empereur pour lui reprocher sa conduite. Dioclétien fut étonné de voir un chrétien dans son brillant tribun ; il essaya vainement d'ébranler sa constance, puis il le fit jeter en prison et il l'éprouva par toutes sortes de tourments. Georges les supporta avec calme et avec joie, si bien que Dioclétien le prit pour un magicien qui usait d'incantations. Il le condamna à périr par la hache : Georges tendit lui-même sa tête au bourreau et recueillit cette palme triomphale qu'il avait tant souhaitée. Le bruit de sa mort glorieuse se répandit en Orient et en Occident et sa légende s'accrut de traits merveilleux qui rendirent très vite son culte populaire dans toute la chrétienté. Il n'a peut-être jamais vaincu d'autre dragon que Satan ; mais ce monstre est tellement lié à sa personne qu'un saint Georges sans le dragon ne serait plus saint Georges.

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Le Cortège de la Vierge - Joseph Aubert - Par J. Calvet - 1921. - Page 2 Empty Re: Le Cortège de la Vierge - Joseph Aubert - Par J. Calvet - 1921.

Message  Roger Boivin Dim 16 Avr 2023, 6:56 am



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6. Saint Pierre de Vérone, Saint Jean Népomucène.


Dans ce défilé des martyrs de la primitive Église, Pierre de Vérone et Jean Népomucène mettent une note plus moderne, l'un avec son habit de dominicain, l'autre avec sa soutane noire, son surplis et son manteau.

Pierre de Vérone, revêtu de l'habit blanc de saint Dominique, tient dans sa main droite la palme du martyre et dans sa main gauche le poignard qui fut l'instrument de sa mort. Il a une physionomie angélique et il lève vers le ciel des yeux qui implorent, - qui implorent, nous dit son histoire, la mort pour la foi. Il appartenait à une noble famille de Vérone, entièrement gagnée au nouveau manichéisme qui envahit l'Italie à la fin du XIIe siècle. Dès son enfance, il affirma la pureté de sa foi et opposa toujours le Credo de l'Église aux enseignements et aux sollicitations des siens. A Bologne où il était allé pour faire ses études, il se signala par sa piété et il entra dans la congrégation des Frères Prêcheurs. Il se révéla bientôt comme un héros de sainteté, par ses jeûnes, ses veilles, ses macérations, ses contemplations. Il était doué d'une merveilleuse habilité dialectique et d'une force de persuasion peu commune dont il se servait pour réfuter les hérétiques manichéens : les foules accouraient de loin pour l'entendre et se convertissaient à sa voix. Mais les hérétiques obstinés conçurent contre lui une haine furieuse ; il le sentait ; il comprenait qu'ils attenteraient à ses jours et il souhaitait de mourir de leurs mains, martyr de sa foi. Son désir fut exaucé : un jour qu'il allait de Côme à Milan, un assassin aposté par eux le frappa de plusieurs coups de poignard ; entre le premier et le dernier coup, il eut le temps de réciter le Credo de son enfance pour lequel il donnait sa vie. Bienfaisant et persuasif jusque dans la mort, il pria pour son assassin qui se convertit et qui est vénéré comme un bienheureux.

Saint Jean Népomucène est un des personnages les plus étudiés et les plus expressifs du cortège de la Vierge. Son visage ridé, aux traits saillants et tourmentés, ses yeux mi-clos, son front têtu, tout indique une résolution tenace que rien n'ébranlera. Ses bras se croisent sur sa poitrine où sa main droite tient fortement et pieusement, comme un trésor, la croix et la palme. Sa main gauche se redresse et l'index clôt ses lèvres qui ne doivent pas dire le secret. Ce secret, on devine quel il est en voyant le surplis qui apparaît sous le manteau : Jean Napomucène sort du tribunal qui entend, qui pardonne et qui oublie.

Son histoire est bien connue. Son enfance pieuse, ses études, ses succès, sa vertu angélique lui donnaient à Prague une grande autorité. Il était chanoine de l'église cathédrale et personne ne l'égalait pour la suavité de la parole et pour la sûreté dans la direction des âmes. Il devint le prédicateur et le confesseur très écouté du roi Wenceslas IV ; mais il refusa toujours les biens et les dignités que le prince voulait lui donner. La reine Jeanne lui confia le soin de distribuer ses aumônes et la conduite de son âme. Mais le roi Wenceslas, qui avait changé d'attitude, s'était précipité dans la débauche et ne supportait qu'avec aigreur les supplications de sa pieuse femme, prétendit forcer Jean Népomucène à lui révéler les secrets que la reine lui avait livrés en confession. Jean refusa, le roi s'obstina. Le confesseur fut emprisonné, frappé, accablé de vexations, puis relâché. Mais il comprenait bien que le roi ne renonçait pas à sa passion et qu'il aurait recours à tous les moyens pour apprendre ce qu'il ne devait pas savoir. Jean se prépara donc par un pèlerinage aux sanctuaires de Marie à subir le dernier assaut. La veille de l'Ascension, le roi, d'une fenêtre du palais, le vit passer, l'appela et il exigea qu'il lui rendît compte sur l'heure de la confession de son épouse. Jean mit un doigt sur ses lèvres et attendit ; le roi irrité le fit précipiter dans le Moldau. Mais comme le fleuve emportait son cadavre, des flammes apparurent sur les eaux et une lumière extraordinaire l'accompagna. Sans craindre la colère du prince, les chanoines de Prague recueillirent sa précieuse dépouille et ensevelirent dans l'église où il avait exercé son ministère le premier martyr connu du secret de la confession.

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Message  Roger Boivin Lun 17 Avr 2023, 6:51 am



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Refugium Peccatorum.


Ici le cortège de la Vierge change de caractère et d'aspect. Joseph Aubert, pour interpréter les deux invocations : Refugium peccatorum et Consolatrix afflictorum, a représenté du côté de l'Évangile les pénitents célèbres et du côté de l'Épître les saints à l'âme miséricordieuse qui se dévouèrent aux œuvres de charité. Ces deux panneaux sont plus petits que les autres, tout simplement parce que la place réservée à l'artiste était plus étroite. Ils manquent de cette unité intime qui fait en partie la beauté des autres ; et soit parce qu'ils ne répondent pas directement à une invocation des litanies, soit parce que leurs proportions sont réduites, ils ne donnent pas au spectateur la pleine satisfaction qu'il avait éprouvée jusqu'alors. Cependant les belles expressions, les beaux gestes et les audaces heureuses y abondent.

Les Pénitents sont nombreux dans l'histoire de l'Église et ils sont de tous les temps. Le plus illustre est saint Augustin que le peintre a mis au centre de sa toile à côté de sainte Monique qui l'exhorte et l'encourage. L'Évangile nous raconte la touchante conversion de Madeleine, de la Samaritaine et du bon larron ; ces pénitents qui furent les premiers de la nouvelle Loi avaient ici leur place toute marquée. Mais pourquoi Madeleine est-elle accompagnée de Marthe dont l'Évangile ne nous dit pas qu'elle eut jamais à se convertir de ses fautes ? La vie des Pères du Désert fournissait l'histoire de deux pénitentes célèbres, Thaïs et Marie l'Égyptienne que le peintre a choisies probablement parce qu'elles prêtaient à une décoration pittoresque. Marguerite de Cortone représente les pénitents du Moyen Age : enfin, Sigismond et Simon Crespinien, illustrent pénitents franc-comtois, sont bien à leur place dans une église bisontine.

Le procédé cher à Aubert qui consiste à distribuer ses personnages sur une double ligne de lumière a trouvé ici une application curieuse : d'un côté la Samaritaine est assise, comme les Saintes Lettres nous disent qu'elle l'était, sur la margelle de son puits ; au milieu du tableau, Marie l'Égyptienne, morte, est étendue à terre et son corps nu éclaire la toile de ses lueurs ; le lion qui creuse sa fosse se mêle aux personnages et en fait ressortir la taille et l'attitude.

Tous les personnages que nous voyons ici, sauf Monique et Marthe, portent sur leurs épaules un lourd fardeau de crimes et ont le sentiment qu'ils ne doivent plus vivre que pour expier. Aussi presque tous courbent les épaules, baissent la tête et ferment les yeux entièrement ou a demi. La confusion est peinte sur leurs traits ; le remords barre leur front et serre leurs lèvres. Mais nul désespoir ne les accable : ils expient dans l'espérance.

Ce qui augmente leur confiance, c'est qu'ils marchent vers la Reine de toute miséricorde, vers le refuge des pécheurs. On pourrait dire que Marie n'a mérité aucun des titres que la piété lui donne, mieux que celui-là. Toute une légende dorée a fleuri autour d'elle où nous voyons son sourire accueillir les criminels les plus horribles et amollir les cours les plus endurcis : des malheureux qui avaient vendu leur âme au diable, des sacrilèges qui avaient profané le corps sacré de Jésus, des méchants qui avaient insulté la bonté de la Madone, n'ont eu qu'à se tourner vers elle pour trouver la grâce de l'expiation et le pardon. Et si l'auteur du plus grand des crimes qui aient souillé le monde, Judas, a couru se pendre, fou de désespoir, c'est qu'il ne connaissait pas la Mère de celui qu'il avait trahi. Depuis les temps apostoliques, chrétiens coupables, chrétiens lâches, chrétiens timides, nous répétons tous les paroles du Memorare : " Animé d'une pareille confiance, je cours vers vous, ô Vierge mère des Vierges ; je viens à vous ; pécheur, je me tiens devant vous en gémissant ; ô Mère du Verbe, ne repoussez pas ma prière, mais écoutez-la favorablement et exaucez-la."  Cette prière qui ressemble à un gémissement et à une plainte, n'a jamais été laissée sans réponse par la Reine de Bonté. C'est ce qui explique la confiance filiale que les pécheurs manifestent dans leur confusion et dans leur repentir.

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Message  Roger Boivin Mar 18 Avr 2023, 6:27 am



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1. Saint Simon Crespinien, Saint Sigismond.


Ce sont deux saintes qui touchent par leur histoire à la Franche-Comté, tous deux de race illustre, un prince et un roi, tous deux violents jusqu'à la cruauté folle, tous deux pénitents jusqu'à se martyriser par la souffrance volontaire, enfants d'une époque indisciplinée, encore proche de la barbarie, mais humblement soumise au joug de la foi qui tempérait la férocité des mœurs.

Le premier est Simon de Valois, comte de Crespy ; il est vêtu de la robe monacale et tient dans ses mains une pièce du saint habit qu'il voulut revêtir pour expier ses fautes. Dans cette tête ravagée par la souffrance, ridée et détendue par les ans, on reconnaît difficilement le fier guerrier qui ne voulait s'incliner devant rien ne devant personne ; ce n'est pas le prince que Joseph Aubert a voulu peindre, mais le moine pénitent. Cependant on retrouve dans les traits, dans les plis des yeux et des lèvres un peu de cette finesse qui fit du comte de Crespy un diplomate remarquable. Il était fils de Raoul de Vermandois et il fut élevé à leur cour brillante et guerrière de Guillaume le Conquérant. A vingt ans, la mort de son père le rendit maître de ses immenses possessions et lui donna une puissance qui balançait celle du roi de France, Philippe Ier. De vieilles haines lui mirent les armes à la main contre son suzerain et pendant trois ans il lui fit une guerre acharnée, se livrant sans scrupule aux déprédations et aux pillages. Une grave blessure qu'il reçut dans un combat et qui l'amena aux portes de la mort l'obligea à réfléchir ; il se tourna vers la sainte Vierge qui daigna le guérir miraculeusement et aussitôt il changea de vie. Il entreprit d'abord de réparer les impiétés et les injustices de son père et il s'y appliqua sous la conduite de l'illustre Pape Grégoire VII qui l'honora de son amitié. En expiation de ses propres fautes, il fonda le monastère de Mouthe, dans le Doubs, et y prit lui-même l'habit religieux de frère convers. Il fit le pèlerinage de Terre Sainte ; revenu en Italie, il profita de ses anciennes relations avec Robert Guiscard, duc de Pouille, pour négocier la paix entre le célèbre aventurier normand et le souverain Pontife cher à son cœur. Il mourut en 1082, dans le monastère qu'il avait fondé et qui conserve sa dépouille, objet au cours des siècles et aujourd'hui encore de la vénération des foules.

Par contraste avec Simon de Crespy, Sigismond, dans sa pénitence, reste roi. Il a une allure assurée et martiale ; sa physionomie est noble, imposante, hautaine ; sa bouche est prête à commander ; sa chevelure, tombante à la manière franque, s'orne de la couronne royale. Il tient dans ses mains, en ex-voto, une chapelle monastique qui représente l'abbaye de Saint-Maurice qu'il fonda dans le Valais. Sigismond était fils de Gondebaud, roi des Burgondes et de Carétènes dont Grégoire de Tours a loué la piété. Malgré les leçons de sa mère, il était arien comme son père ; mais Avitus, évêque de Vienne, le convertit à la vraie foi. Associé au trône, patrice de l'Empire dans les Gaules, il épousa Ostrogothe, fille de Théodoric roi d'Italie, et fut investi du gouvernement de la Bourgogne et de la Suisse, avec Genève pour capitale. La mort de son père en 516, lui donna la plénitude du pouvoir. Il gouverna en roi chrétien, relevant les monastères détruits, bâtissant des églises. Il fonda dans le Valais le monastère d'Aganne, en l'honneur de saint Maurice et y établit la laus perennis, la prière perpétuelle, chantée par les moines devant les reliques des martyrs de la légion thébaine. Cependant la violence de son caractère se manifesta d'abord par une persécution des évêques qui avaient excommunié, non sans motif, un de ses favoris. Ostrogothe étant morte, il épousa une seconde femme qui prit en haine le fils de la première, Sigéric, et l'accusa de comploter contre son père. Sigismond, dans un accès de colère, étrangla son fils, et aussitôt après connut son erreur. Il alla s'enfermer à Aganne pour y pleurer ses fautes. Pendant que le roi Sigismond faisait pénitence, les rois francs, Clodomir, Clotaire et Childebert attaquèrent son royaume ; il accourut pour le défendre ; il fut vaincu et pris par Clodomir qui le jeta dans un puits, près de Coulmiers, avec sa femme et ses deux fils (524). La voix publique lui décerna le titre de martyr ; on dit même que la nuit une lampe brillait au-dessus du puits de Coulmiers. La dépouille de Sigismond fut retirée au bout de trois ans du lieu du supplice et portée à Aganne où elle a toujours été vénérée par les fidèles.

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Message  Roger Boivin Mer 19 Avr 2023, 6:18 am



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2. Ste Marguerite de Cortone, Ste Thaïs, Ste Marie l'Égyptienne.


C'est le groupe émouvant qui confond l'imagination par une austérité que l'on croirait à peine possible. Marguerite, Thaïs et Marie, belles et passionnées, s'abandonnèrent toutes les trois aux pires désordres ; et pour expier les fautes où le corps les avait entraînées, elles crucifièrent leur corps et lui infligèrent des tourments plus recherchés et plus persistants que tous ceux que les bourreaux inventèrent pour les martyrs.

Marguerite eut une folle jeunesse. Mais la main du Seigneur s'appesantit sur elle ; conduite par son chien, elle découvrit sous un monceau de branches le cadavre d'un homme qu'elle aimait. A cette vue son cœur se fendit et elle pleura amèrement. Elle coupe sa chevelure dont elle était si fière, revêt des habits sordides, et revient à la ville ; la corde au coup, à genoux à la porte des églises, elle demande pardon aux chrétiens qu'elle a scandalisés par ses désordres. Elle se rend à Cortone et après trois ans d'une dure pénitence, elle est admise dans le tiers ordre de Saint-François. Ce qui la chagrinait principalement, c'est que sa beauté, cause de sa perte, résistait aux macérations ; aussi elle se meurtrissait le visage pour inspirer de l'horreur. Comme son éclatante vertu lui attirait des hommages, afin de combattre l'orgueil, elle s'en allait aux carrefours, racontant à tous sa vie passée et demandant qu'on la couvrit d'opprobres. Son âme fut si bien purifiée par tant de souffrances volontaires que Jésus lui-même daigna lui apparaître et l'associer à sa Passion. Elle mourut à la fin du XIIIe siècle, dans de grands élans d'amour, et au milieu d'un concert de louanges des foules qui venaient à elle, déjà, comme à une sainte. Le peintre l'a représentée enveloppée dans son voile, la tête baissée, les yeux fermés, les mains jointes, insensible à tout ce qui n'est pas Dieu, belle encore de cette beauté qu'elle regardait comme une malédiction.

Thaïs, elle aussi, baisse la tête, ferme les yeux et joint les mains. Elle est couverte de sa chevelure et de peaux de bêtes. Thaïs était courtisane à Alexandrie, si belle et si célèbre que des hommes regardés comme des sages se ruinaient pour elle. Saint Paphnuce, dans son désert, entendit parler de ce scandale. Il prit des habits séculiers, alla trouver Thaïs et lui parla avec tant de force, que la pécheresse tomba à ses pieds et lui dit : " Mon Père, ordonnez-moi telle pénitence que vous voudrez ; et j'espère que Dieu me fera miséricorde par vos prières. "  Puis rassemblant tout ce qu'elle avait gagné par ses péchés, elle en fit un monceau au milieu de la place et y mit le feu en présence de la foule. Paphnuce l'amena au désert et la fit murer dans une étroite cellule, percée d'une seule petite ouverture, par où on lui passait de temps en temps du pain et de l'eau. Il lui défendit de prononcer de ses lèvres impures le nom de Dieu ; elle devait dire seulement : " Vous qui m'avez formée, ayez pitié de moi. "  Au bout de trois ans, Paphnuce, ayant appris par révélation que Dieu avait eu pour agréable la pénitence de Thaïs, alla ouvrir la cellule de la recluse. Thaïs en sortit, exténuée et transfigurée ; elle mourut quinze jours après, dans une extase.

Marie l'Égyptienne est une autre Thaïs. Elle aussi fut une courtisane célèbre et vécut dix-sept ans dans le désordre. Convertie à Jérusalem le jour de l'exaltation de la sainte Croix, elle s'en alla, et s'enfonça dans le désert où elle passa quarante-sept ans, sans voir une créature humaine. Elle n'avait plus que ses cheveux pour se couvrir et ne vivait que de l'eau des torrents et des fruits du désert. Elle était devenue semblable à une bête ; et elle se réjouissait de sa déchéance qui effaçait sa beauté et crucifiait son corps. Le moine Zozime la découvrit au bord d'un ruisseau ; elle lui raconta sa vie et lui demanda de lui apporter l'Eucharistie. Zozime revint l'année d'après et il la trouva morte au même endroit. Comme il essayait vainement de creuser la terre pour l'ensevelir, un lion accourut, lécha les pieds de la morte et dans le sable dur ouvrit la fosse qui reçut son corps martyrisé. Joseph Aubert a représenté Marie morte, étendue sur le sable, avec à côté d'elle le lion qui creuse la terre. C'est une audace picturale ; mais il n'a pas osé suivre la légende qui nous dit que Marie n'était plus à sa mort qu'une peau noire tannée ; Aubert a fait au contraire de son corps tout blanc une fleur de beauté, animée d'un souffle divin. Et cette morte étendue dans sa blancheur, couverte de ses cheveux noirs, met dans ce tableau dont elle forme le centre, une poésie et une mélancolie exquises.

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Message  Roger Boivin Jeu 20 Avr 2023, 6:26 am



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3. Sainte Monique et Saint Augustin.


Saint Augustin est le plus grand et comme le patron des pénitents puisque le monde entier a connu l'étendue de ses fautes et de son expiation. Une tradition d'art imposait à Joseph Aubert de ne pas le séparer de sa mère, sainte Monique ; aussi bien c'est à ses prières et à ses exhortations, après Dieu, qu'il doit être sorti du "bourbier" de l'erreur et du péché et d'être entré dans les voies de la pénitence. Nous le voyons ici écoutant les prières de sa mère : il est vêtu de la toge relevée sur son épaule ; il incline sa tête déjà grave de jeune homme qui a réfléchi aux doctrines et aux passions ; il ferme les yeux pour voir plus clair à l'intérieur ; et, le plis amère des lèvres indique une lutte douloureuse entre le monde qui le retient par des liens solides dont il a le dégoût et Dieu qui l'attire par des suavités qu'il voudrait aimer. Sa main gauche relevée sur sa poitrine contient un cœur dont les battements, pour son malheur, ont toujours été plus précipités que la démarche de sa raison. Il donne sa main droite à sa mère, une main abandonnée, que Monique saisit, de sa main droite,  avec force et avec tendresse. Il faut dire que ce geste peu naturel, donne à Augustin une attitude gauche et contrainte, et l'oblige, alors que le mouvement de son corps le tourne vers nous, à se détourner du côté de sa mère ; et peut-être y a-t-il là un symbolisme voulu.

Monique, qui a le droit de regarder nettement devant elle, ouvre ses grands yeux clairs sur son fils et tourne vers lui son beau visage, peut-être un peu trop jeune, si on songe qu'Augustin a trente ans. De sa main droite elle l'entraîne, et, pour faire cesser les hésitations qu'elle sent et les résistances, elle lui montre de sa main gauche levée le but à atteindre, un but merveilleux dont la beauté doit séduire son âme de poète. Elle lui parle avec la triple autorité de la maternité, de la tendresse et de la vertu. Devenue veuve de bonne heure, elle avait fait deux parts dans sa vie : d'un côté, Dieu et les pauvres de Dieu ; de l'autre, Augustin, son fils. C'est avec un déchirement de cœur qu'elle l'avait vu partir à Tagaste pour Carthage ; puis, quand il voulut, désireux de s'instruire, voir Rome et Milan, où parlaient les grands rhéteurs, elle s'embarqua avec lui pour veiller sur lui. Elle ne savait que pleurer, prier et, à l'occasion, traduire les émois de son cœur dans des exhortations insinuantes. Son tourment de tous les instants était de voir son fils s'éloigner de Dieu.

Emporté par les bouillonnements d'une jeunesse impatiente du frein et par un tempérament de feu, il s'était abandonné à la vie des passions. Égaré par un génie extrême en tout, qui n'avait pas encore senti ses bornes ni la nécessité de se soumettre à une loi, il avait embrassé le manichéisme qui lui offrait une explication superficielle mais séduisante du monde et n'imposait pas à sa vie une règle morale mortelle aux passions. Il avait passé la trentaine et il paraissait bien difficile après une si longue habitude de guérir cet esprit égaré et ce cœur malade. La voix insinuante de Monique sut pourtant ébranler son opiniâtreté ; sur ses conseils, il vit Ambroise, et l'autorité d'Ambroise ouvrit son âme à la grâce de Dieu qui le transforma. Quand il décida de rentrer en Afrique, il était déjà tout entier aux résolutions d'une vie sainte et à une pénitence commencée. Mélancolie singulière de la destinée de Monique : elle ne devait pas revoir sa nation ni les prodiges de la sainteté d'Augustin ; elle s'éteignit à Ostie après avoir de nouveau enfanté son fils à Jésus-Christ. Le fils reprit seul le chemin de l'Afrique. Il fut fait prêtre et évêque et il éclaira l'Église entière, et pour les siècles, du flambeau de sa doctrine. Cependant le souvenir de ses erreurs et des fautes de sa jeunesse pesait sur son âme ardente ; comme pour se débarrasser de ce fardeau, il raconta ses égarements dans une confession immortelle qu'on dirait écrite d'hier. Quelle que soit la contrition qui brise son cœur, quel que soit son désir d'édifier et d'exhorter, Augustin s'est tellement mis tout entier dans ses Confessions, qu'elles nous émeuvent, à quinze siècles de distance, surtout par la part d'humanité éternelle qu'elles contiennent.

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Message  Roger Boivin Ven 21 Avr 2023, 6:39 am



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4. Sainte Madeleine, Sainte Marthe.


En nous présentant Madeleine et Marthe étroitement unies - Marthe pose sa main sur l'épaule de Madeleine, pour la protéger ou pour s'attacher à ses pas ? - Joseph Aubert a adopté la tradition catholique qui fait de Marie de Magdala et de Marie, sœur de Marthe, une seule et même personne. Marie-Madeleine est immortelle dans la mémoire des hommes, qu'ils soient égarés dans le péché ou fixés dans la pureté, parce qu'elle a le double prestige de la faute et du repentir et qu'elle intéresse à la fois les passions et le devoir. En choisissant pour en faire le vase d'élection de son amour une pécheresse publique, Jésus a bien montré qu'il venait pour les hommes, c'est-à-dire pour les guérir. Après tant d'autres artistes qui ont essayé de fixer sur la toile quelqu'un des gestes de Madeleine, Aubert nous donne son interprétation. Il nous présente une juive, d'une beauté de médaille ; elle porte ce costume qui est encore celui des femmes de Ramalla et que le peintre a observé en Orient et donné à la Vierge dans les fresques de Notre-Dame des Champs. Elle avance les yeux baissés, les cheveux dénoués et flottants - ce qui était un opprobre pour les filles de Judée - et elle tient dans ses mains le vase plein de parfums. C'est au moment du premier contact avec Jésus.

Jésus dînait chez Simon et son regard qui voit tout s'attristait de ne rencontrer que des cœurs étroits, enfoncés dans l'égoïsme, et des consciences hypocrites, fières d'une vertu de façade. Or, voici qu'une femme, connue dans la ville comme une pécheresse publique, touchée de repentir, entra dans la salle pour rendre au Maître de pureté un hommage muet et pour implorer par les larmes le pardon d'une longue vie d'iniquités. " Elle prend dans un vase d'albâtre, symbole de lumière, un parfum précieux. Peut-être était-ce le vase où elle avait puisé jusque-là le relief de ses criminels attraits, et ce parfum qu'elle emporte pour un autre usage, peut-être y avait-elle cherché pour elle-même un accroissement de ses honteux plaisirs 1. " Elle tombe aux pieds de Jésus, les arrose de ses larmes, les essuie de ses cheveux dénoués, puis les inonde de son précieux parfum.  Elle ne dit rien. " Tout le mystère est dans son cœur, et son silence qui est un acte de foi et d'humilité, est aussi le dernier effort d'une âme qui surabonde et ne peut rien de plus ! " Mais Jésus entendit son silence et lui dit la divine parole que les convives de Simon ne pouvaient pas comprendre. " Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu'elle a beaucoup aimé..... Vos péchés vous sont remis... Votre foi vous a sauvée, allez en paix ! "

Cette paix que Jésus lui donnait, Marie ne se l'accorda pas à elle-même. Après avoir été le témoin déchiré de la Passion et le témoin exalté de la Résurrection, elle partit avec Marthe et Lazare, se confia aux flots et aborda sur la terre de Provence. Retirée dans la solitude de la Sainte-Baume, elle n'accorda pas un instant de répit à son corps de péché ; mais elle se flagellait, se meurtrissait et versait des larmes d'amertume. A force de souffrir, elle monta jusqu'à cette pureté que Dieu aime et elle fut favorisée d'extases qui l'élevaient plusieurs fois par jour au-dessus de la terre.

Marthe qui l'accompagne apparaît ici, comme toujours dans la légende, en humble suivante. C'est Marie qui a choisi la meilleure part, la contemplation, et Marthe s'appliquera à faire tout ce que marie ne fera point. Elle tient à la main le goupillon avec lequel, à Tarascon, elle mit en fuite un monstre redoutable, la Tarasque, symbole du paganisme barbare. Sainte Marthe mériterait d'être exaltée à côté de Madeleine. C'est une sainte utile et bienfaisante ; elle fait la cuisine, dispose la maison, reçoit les hôtes et chasse les monstres. Elle n'intéresse pas l'imagination et le cœur comme Madeleine parce qu'il n'y a dans sa vie toute unie rien de romanesque ; elle n'a pas d'extases ; elle ne s'élève pas au-dessus de la terre ; elle reste sur la terre, avec nous, pour nous, pour nous servir humblement dans ces besoins quotidiens dont la trame de la vie  matérielle est faite. Et elle est grande aussi par le cœur :

" La vie humble aux travaux ennuyeux et faciles
Est une œuvre de choix qui veut beaucoup d'amour. "


Marie aime Jésus directement par un élan sublime qui est donné à peu de créatures ; Marthe aime Jésus à travers les êtres douloureux que Jésus est venu racheter et elle les sert pour Le servir.



1. Lacordaire.


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