DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
La bienheureuse Angèle de Foligny fit un pèlerinage de quarante lieux, pour demander la pauvreté, ses directeurs ayant peine à la voir dépouillée de tous ses biens.
Le bienheureux Scocelin, qui vivait du temps de saint Bernard, dans un pays de glaces et de neiges, a été l'incomparable dans l'amour de la pauvreté qu'il pratiquait si rigoureusement, qu'il ne portait pas même d'habits, à la réserve de ce qui était nécessaire pour couvrir la nudité de son corps, autant que l'honnêteté le demandait. Il n'avait pas de cellule pour se retirer, se souvenant de ce qui est écrit, que les oiseaux ayant des nids, et les renards des tanières, le Fils de l'homme n'avait pas où reposer sa tête. Il couchait donc à plate terre, dans les bois ou campagnes, exposé à toutes les injures de l'air, n'ayant pas même un trou en terre pour se défendre des incommodités des saisons. On l'a quelquefois trouvé tombé par terre accablé par la rigueur de l'hiver, n'ayant pour couverture que la neige dont il se servait pour un peu s'échauffer. Saint Bernard, ayant appris avec étonnement une pauvreté si extrême, lui envoya un habit pour le couvrir ; mais le saint homme l'ayant reçu avec action de grâces, ne le put regarder, disant : L'homme apostolique m'a bien dit de le prendre, mais je n'ai pas d'ordre de le conserver.
Le bienheureux Pierre d'Alcantara prêchait partout les richesses inestimables de la pauvreté, et il en parlait comme un amant passionné. Il est bien difficile à celui qui aime Jésus-Christ, de ne pas aimer une vertu qu'il a chérie avec tant d'ardeur. Il faut donc l'aimer dans le détachement des richesses, quand on est obligé par sa condition de les posséder, dans la distribution que l'on en doit faire aux nécessiteux avec une libéralité tout entière, les possédant comme si l'on n'en avait pas, se réjouissant dans la perte qui en arrive, affectionnant les pauvres, leur parlant avec douceur, les visitant avec charité, prenant soin de leurs affaires, se trouvant volontiers en leur compagnie, et surmontant dns la peine que la nature peut souffrir des incommodités qui se rencontrent dans leur assistance. Pour ceux qui sont actuellement dans une pauvreté rude, leur joie doit être dans le fidèle usage d'une si précieuse grâce ; ils en doivent ménager toute la suite, tous les effets avec action de grâces à la divine bonté, qui les honore d'une si grande faveur. Ils doivent avoir une haute estime de leur état, ils en doivent parler avec respect, s'étudier tous les jours à s'établir de plus en plus dans l'amour d'une si pure vertu, bien prendre garde à n'en pas mériter la privation par quelque estime ou affection des commodités de la terre, aimer tendrement tout ce qui lui appartient, comme de petites maisons, de pauvres habits, pauvres meubles, et avoir une grande horreur en toutes choses de ce qui lui est opposé, faisant même voir en ses paroles, en ses écrits, et en toutes ses actions, que l'on est véritablement pauvre. La bienheureuse Angèle de Foligy disait que les riches étaient les personnes que Notre-Seigneur nourrissait des miettes de sa table, pendant qu'il faisait l'honneur aux pauvres de les faire manger avec lui, dans les mêmes plats, et des mêmes mets, et assis en même table. Oh ! Quel honneur d'avoir cet heureux rapport entre Jésus et Marie. L'on rapporte qu'un jour Notre-Seigneur apparaissant à un pauvre, et l'embrassant tendrement, lui disait ces amoureuses paroles : Pauvre à pauvre, pauvre à pauvre. Cette pensée est capable de donner des tendresses incroyables pour la sainte et tout aimable pauvreté.
A suivre...
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CHAPITRE X
De la chasteté de la très sainte Vierge
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Comme la virginité est la plus excellente espèce de chasteté, c'est en cette vertu que notre bienheureuse maîtresse a excellé d'une manière qui lui est toute particulière, ayant toujours eu toutes les puissances de son âme et tous les sens et organes de son corps si parfaitement assujettis, que jamais elle n'a ressenti le moindre mouvement du vice contraire, la partie inférieure étant entièrement et sans aucune résistance soumise à la supérieure, qui n'était mue et gouvernée que par le seul Esprit de Dieu seul. C'est pourquoi un ancien auteur l'appelle la sœur des anges ; car elle vivait dans un corps mortel, comme un esprit dégagé de la matière et comme si elle n'eût pas eu de corps : c'est pourquoi les anges conversaient tous les jours familièrement avec elle, et lui obéissaient (dit l'auteur dont nous venons de parler), comme à leur mère. Il appelle la divine Marie Mère des anges, parce que toutes les vierges étant des anges en la chair, l'on peut dire que notre sainte princesse étant la mère de toutes ces vierges, elle a augmenté le nombre des anges et rempli leurs sièges. Elle est appelée la Vierge par excellence, en sorte qu'à même temps qu'on dit la Vierge, on entend la Mère de Dieu. L'Église l'invoque sous la qualité de Reine des vierges et de Vierge des vierges, et, ce qui est admirable, c'est qu'elle l'appelle la virginité même.
L'on ne peut rien ajouter à ce sentiment de l'Église pour faire voir que la pureté de notre aimable princesse, surpassant toute la pureté créée, est entièrement incomparable. C'est le lis entre les épines des Cantiques, selon le témoignage de Denis le Chartreux, parce que toutes les autres filles ont été des épines ou pour elles ou pour les autres ; mais la très pure Vierge a toujours été un lis très blanc de la virginité, n'ayant jamais su ce que c'est que la rébellion de la chair contre la raison, et ayant toujours inspiré l'amour de la chasteté à toutes les personnes qui ont eu la grâce de la voir, quoiqu'elle fût la plus parfaite en beauté après Jésus qui ait jamais été. Il ne faut pas s'étonner, dit Richard de Saint-Victor, si son visage était angélique, si sa beauté était céleste, puisqu'elle avait la pureté des anges, et que le Verbe, la splendeur de la lumière éternelle, l'avait choisie pour sa Mère.
A suivre...
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Sa divine beauté était accompagnée d'une si douce majesté et d'un éclat si ravissant, que saint Denis l'ayant vue, déclara qu'il l'eût prise pour quelque divinité si la loi ne lui eût assuré du contraire : mais tous les attraits d'une beauté si extraordinaire ne portaient qu'à la pureté. Ses divins regards, dit le pieux Gerson, comme une rosée céleste éteignaient sous les feux de la convoitise. C'est à bon droit, enseigne Alexandre d'alèse, qu'elle est comparée au cèdre, parce que, comme c'est le propre du cèdre de tuer les serpents de son odeur, de même sa sainteté ôtait toutes les ardeurs sensuelles : c'est encore avec justice qu'elle est comparée à la myrrhe, parce que, comme la myrrhe fait mourir les vers, aussi sa pureté détruisait tous les mouvements déréglés de la partie inférieure. L'ange qui instruisait sainte Brigitte, lui révéla que sa très agréable beauté avait été utile et avantageuse à tous ceux qui avaient eu la grâce de la voir, et qu'elle donnait une grande consolation aux âmes. Il lui manifesta de plus que les personnes les plus portées au péché étaient délivrées de leurs tentations autant de temps qu'elles étaient en sa sainte présence.
Saint Thomas tient qu'il n'était pas possible d'avoir des pensées sensuelles en la regardant ; saint Bonaventure est dans le même sentiment. C'est pourquoi saint Grégoire Thaumaturge qualifie sa beauté de très-sainte beauté. C'était une Vierge dont les regards angéliques faisaient des vierges, et qui imposait comme un précepte de pureté, selon la pensée de saint Ephrem. C'est ce qui faisait que son virginal époux saint Joseph la mena en Égypte sans aucune crainte, connaissant les rares privilèges de sa virginité.
A suivre...
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Celui qui veut garder inviolablement la chasteté doit la confier et la mettre entre les mains de la reine des anges, et attendre tous les secours nécessaires pour surmonter les difficultés qui s'y rencontrent de sa puissante protection. Il doit se souvenir que c'est un don de Dieu, qu'il faut par suite lui demander par prières, jeûnes et autres bonnes œuvres, que c'est un don qui est accordé aux humbles, l'impureté étant la peine du vice superbe, étant certain que tôt ou tard les vains et orgueilleux tomberont dans quelque péché honteux. Je le répète : Que celui-là soit humble qui veut être chaste : la chasteté périra si elle n'est soutenue de l'humilité. C'est un don de Dieu que l'on conserve par l'éloignement des occasions ; dans les combats de la chasteté il faut triompher en fuyant. L'on doit donc avoir en horreur toutes sortes de familiarités avec les personnes de différent sexe. Soyez extrêmement prompte, dit saint François de Sales parlant à Philothée, à vous détourner des acheminements de la lubricité ; car ce mal agit insensiblement, et par de petits commencements fait progrès à de grands accidents. Il est toujours plus aisé à fuir qu'à guérir. Les corps humains ressemblent à des verres qui ne peuvent être portés les uns avec les autres en se touchant, sans courir fortune de se rompre ; et aux fruits, lesquels, quoi qu'entiers et bien assaisonnés, reçoivent de la tare s'entretouchant les uns les autres. Ne permettez jamais, Philothée, qu'aucun vous touche incivilement, ni par manière de folâtrerie, ni par manière de faveur. L'on doit bien aussi se donner de garde des amitiés fondées sur les sens, ou de certaines vertus vaines qui dépendent des sens ; combattant fortement l'inclination affectueuse qui y peut porter : car telles amitiés, dit encore le saint que nous venons de citer, sont folles et vaines, n'ayant pas de fondement ni raison ; et mauvaises, d'autant qu'elles se terminent au péché de la chair, et qu'elles dérobent le cœur à Dieu.
Ce n'est pas qu'il ne se passe quelquefois plusieurs années sans qu'il arrive rien qui soit contraire à la chasteté du corps, le démon même l'empêchant par ses ruses, afin que les personnes qui n'ont pas de mauvais desseins, ne découvrant pas le mal de ces amitiés ou trop fréquentes conversations, tombent plus facilement dans ses pièges. Pour les paroles équivoques, elles doivent être en abomination à tous ceux qui aiment la chasteté, n'en proférant jamais et ne permettant pas qu'on en profère en sa présence, soit en témoignant courageusement que cela ne plaît pas, soit en l'empêchant absolument dans les personnes sur lesquelles l'on a du pouvoir. De plus, l'on doit avoir un grand soin de rejeter promptement les mauvaises pensées, se souvenant que si un charbon de feu tombait sur nos habits, nous tâcherions de l'ôter aussitôt et sans aucun retardement. Or ces pensées sont autant de charbons d'enfer que les démons allument pour brûler nos âmes éternellement. Les personnes qui en sont tentées et qui les souffrent à regret, ne doivent pas s'en inquiéter mais se consoler doucement à l'imitation de plusieurs saints et saintes que Dieu a permis d'être exercés par ces sortes de combats.
A suivre...
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La dévotion à la Vierge des vierges et aux saints anges est un excellent moyen pour demeurer victorieux de ces tentations ; et il s'est trouvé des personnes qui, étant sur le point d'y succomber, en ont été délivrées heureusement, entendant seulement prononcer le sacré nom de Marie. Saint Bernard ayant rencontré un homme tellement plongé dans le vice de l'impureté, qu'il lui semblait comme impossible de s'en corriger ; il lui demanda s'il voulut bien s'en abstenir un jour en l'honneur de la très pure Vierge ; ce que cet homme ayant fait, et le saint l'ayant encore pressé de se mortifier un second jour pour l'amour de cette reine des anges ; comme ensuite il voulait encore lui parler pour obtenir de lui quelque nouvelle mortification : « C'en est fait, lui dit-il, mon Père, la résolution en est prise, je serai chaste le reste de mes jours. » C'est ainsi que le ciel bénit ce qui se fait en l'honneur de son auguste princesse, la mère de toute pureté. Ses images mêmes ont une bénédiction particulière pour l'inspirer, et il est bon d'en avoir toujours sur soi quelqu'une, la portant avec dévotion et respect. La ville de Rome étant extraordinairement affligée de la peste, le grand saint Grégoire y fit porter processionnellement, en grande solennité, l'image de notre bonne Maîtresse, pour impétrer de la divine bonté le remède à tant à de maux dont cette première ville du monde était affligée ; et, chose admirable, en même temps que cette dévote image passait par quelque lieu, l'air qui était infecté se purifiait, comme si même la corruption des éléments ne pouvait pas supporter la présence d'une image de la Mère de Dieu. Il est donc nécessaire, pour être véritablement son esclave, d'avoir en horreur toute impureté et toutes les choses qui y conduisent, et d'aimer singulièrement la chasteté, comme la vertu de notre sainte dame.
Pour les vierges, leur bonheur est indicible, et elles sont appelées, par les Pères, « la plus illustre partie du troupeau de Jésus-Christ. » Leurs privilèges ont des avantages si particuliers, qu'ils sont incommunicables à tous autres. Leur état est si saint, que les premières personnes de l'Église ont tenu à l'honneur d'en prendre soin. Elles appartiennent à Jésus et Marie d'une manière qui leur est toute singulière. Elles seront distinguées dans l'éternité bienheureuse par une gloire qui leur sera propre, et qui ne sera que pour elles. Ces vérités méritent bien qu'elles s'appliquent soigneusement à conserver un trésor si précieux, considérant que si la virginité est une liqueur céleste, elles la portent dans des vaisseaux de terre qu'il est facile de casser. Il ne faut que broncher d'un pas pour tout briser et répandre. Elles en doivent concevoir, avec la grâce de Notre-Seigneur, une si haute estime, qu'il n'y a rien qu'elles ne doivent souffrir, perdre et faire pour sa conservation. Combien de vierges, comme il a déjà été dit, ont donné leur vie et tout leur sang, et dans un âge très tendre, pour posséder toujours ce don du ciel ?
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Saint Casimir, prince de Pologne, et tout consommé dans les plus saintes flammes de la dévotion de la Mère de Dieu, aime mieux mourir que de perdre le trésor de la virginité, quoique par le mariage, qui était un moyen licite que les médecins lui proposaient pour le tirer du mal qui lui donna la mort. Cet exemple est merveilleux, et qui doit bien être pesé par les vierges, qui souvent se trouvant embarrassées par quelques difficultés qui peuvent arriver, comme lorsque ne pouvant entrer en religion, ou parce qu'elles n'en ont pas le moyen, ou parce qu'elles n'en ont pas la vocation, sont pressées de se marier. Il s'agissait de la mort, qui est le plus terrible des maux ; mais il était question du bien de tout un royaume ; car que ne devait-on pas espérer sous le règne d'un prince qui en devait porter la couronne, et qui avait en perfection toutes les qualités qui peuvent faire un grand roi, et un roi bienfaisant à tout le monde ? Quelle gloire n'en devait pas arriver à Dieu !
Cependant il préfère la virginité à toutes ces considérations, et il aime mieux perdre la vie que de la perdre. Sa mort, qui a été suivie de tant de miracles, est un témoignage certain de l'approbation que Dieu en a donnée, et l'on a trouvé son corps entier plusieurs siècles après sa mort, avec le cantique qu'il avait composé en l'honneur de la Vierge des vierges, et qu'il faisait souvent chanter par ses pages. Notre peu de courage ne nous doit-il pas faire rougir au sujet d'une action si généreuse ! Hélas ! Nous n'avons pas à délibérer sur les couronnes, et il ne s'agit pas de mourir pour demeurer vierge, nous n'avons pas à résister à toute une cour et à tout un royaume qui parlait par les puissances qui le gouvernaient ; nous n'avons pas à combattre les plus grandes et fortes raisons que l'on peut jamais opposer. Un parent, une petite difficulté, un qu'en dira-t-on, une crainte d'avoir quelque difficulté à l'avenir, ces choses nous découragent et souvent nous abattent.
Les saint Henri, les saint Édouard, et tant d'autres princes et princesses, ont vécu virginalement dans le mariage même, et au milieu d'une florissante cour. L'on ne doit pas se regarder ; car nous ne pouvons jamais assez nous défier de nous-mêmes et de nos forces, qui ne sont qu'une pure faiblesse ; mais, mettant toute sa confiance en Notre-Seigneur Jésus-Christ, en sa très-pure et virginale Mère, et en la protection des saints anges ; il faut s'encourager avec une sainte générosité à la pratique d'une vertu si agréable à notre Dieu, mettant bas toutes les vaines craintes que la nature, le monde et les démons peuvent donner.
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CHAPITRE XI
Des souffrances de la très sainte Vierge
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L'adorable Jésus étant l'homme de douleurs, la divine Marie lui était trop unie pour ne pas souffrir. Mais ses douleurs ont été incomparables en leur grandeur en telle sorte, dit saint Bernardin, tom. III, serm. 2 Du glorieux nom de Marie, art. 2, chap. 4, que si la douleur de la très sainte Vierge était divisée et répandue dans toutes les créatures qui peuvent souffrir, elle leur donnerait à toutes la mort. La raison est, disent quelques théologiens expliquant le sentiment de ce saint, que la douleur est proportionnée à la connaissance de la grandeur du mal qui nous afflige, et elle s'accroît à mesure que la lumière que nous en avons s'augmente. Or, la très sainte Vierge connaissant plus que tous les saints la dignité infinie de son Fils qui était crucifié sur le Calvaire, elle a plus enduré que tous les saints, parce que son Fils crucifié était le sujet de sa douleur. La matière des souffrances d'un saint Laurent a été son gril ; celle de saint Etienne, des pierres dont on le lapidait ; celle d'un saint Barthélemy, sa propre peau qu'on lui écorchait : mais celle de Marie était Jésus souffrant, c'était la croix de Jésus et toutes ses peines.
Mais ce qui soutient plus la pensée de saint Bernardin, est que la connaissance de la sainte Vierge était suivie d'amour, son amour était égal à ses lumières, elle avait des sentiments qui ne se peuvent dire de la grandeur de Jésus crucifié, qui faisait le sujet de ses douleurs, et elle avait pour lui un amour incomparable. Comme elle a plus aimé que tout le reste des créatures, remarque un ancien, il est indubitable qu'elle a aussi plus souffert, la douleur, dit saint Augustin, avant pour fondement l'amour. Ajoutons à ces pensées que Marie était une mère qui souffrait, et une mère d'un fils unique, dont elle était mère sans père. C'était une mère Vierge, et une mère d'un Dieu. Sa douleur n'était pas divisée, elle souffrait seule ce qu'un bon père et une mère tendre peuvent souffrir. C'est pourquoi saint Joseph, qui n'était que son père nourricier, n'était plus au monde : son précieux cœur était le lieu où se formait comme un écho, où se faisaient entendre et ressentir les coups de fouets, les injures et moqueries de son Fils Dieu, dont l'âme divine étant séparée du corps, l'âme de cette bénite mère, comme l'assure saint Bernard, fut comme mise en sa place par compassion, pour ressentir le coup de lance qui lui fut donné.
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
Saint Laurent Justinien enseigne qu'en ce temps de la passion, son cœur divin était tout semblable à une glace de miroir ; mais c'était un miroir animé de Jésus mourant. Les clous, les cordes, les épines, les douleurs, la mort même, tout cela paraissait dans cet aimable cœur, et tout cela s'y ressentait comme dans un miroir animé. Elle a révélé à sainte Brigitte, que le corps de Jésus étant dans le tombeau, c'était autant comme si deux corps eussent été dans un même sépulcre : mais ses douleurs ne se sont pas terminées au temps de la passion de son Fils bien-aimé, elles ont commencé avec la grâce de la maternité divine, et n'ont fini qu'avec sa vie, c'est-à-dire qu'elles ont duré pendant l'espace de cinquante-six années, le Verbe s'étant incarné dans ses pures entrailles, lorsqu'elle n'était âgée que d'environ 15 à 16 ans, et sa précieuse mort n'étant arrivée qu'à la soixante-douzième année de sa très sainte vie, et cela sans parler des autres peines qu'elle a portées depuis l'usage de raison qu'elle eut très parfait depuis le premier instant de sa conception immaculée jusqu'à l'heureux moment qu'elle fut faite mère de Dieu.
Sainte Brigitte nous apprend qu'elle connaissait par une lumière prophétique toutes les particularités de la passion de son unique Fils : c'est pourquoi pendant qu'elle lui donnait le lait virginal de ses sacrées mamelles, elle pensait au fiel et au vinaigre dont quelque jour il devait boire ; lorsqu'elle le portait sur son sein, elle considérait que ses bras délicats devaient être percés de clous, et attachés à une croix. Parmi les chastes baisers qu'elle lui donnait, elle se représentait le baiser du traitre Judas. Si elle le voyait dormir, elle pensait à la mort qui devait quelque jour arriver. Cette mère de douleur passait ainsi sa vie très pure, et en cela, dit saint Épiphane, elle était en même temps et le prêtre et l'autel sur lequel la victime était immolée, non pas une fois comme sur la croix, mais autant de fois qu'elle pensait à ce sacrifice. Un savant homme considérant que Notre-Seigneur n'avait fait que goûter un peu de la portion du vin de myrrhe qu'on lui avait présenté, ce n'est pas sans mystère, dit-il, c'est qu'il voulait que sa sainte mère bût le reste de ce calice. Son amour, comme il est déclaré dans les Cantiques, est fort comme la mort, dans les désirs extrêmes qu'elle a d'en souffrir les peines. Mais il est sourd et impitoyable comme l'enfer, n'y mettant aucunes bornes, désirant souffrir à jamais, voulant que son martyre durât toujours. Ses souffrances, que saint Augustin appelle immenses, ne faisaient qu'augmenter ses désirs de souffrir. Elle est comparée avec bien de la justice à une mer ; car comme on ne peut pas compter toutes les gouttes de l'eau de la mer, parce que, comme la mer surpasse en la multitude de ses eaux toutes les eaux des rivières et des fleuves ; de même les souffrances de la Mère de Dieu surpassent celles de tous les saints : comme tous les fleuves s'écoulent dans la mer, de même l'on trouve dans le saint cœur de notre glorieuse Maîtresse toutes sortes de croix : comme l'on ne peut pas trouver le fond de la mer, aussi il n'est pas possible de connaître la grandeur de ses peines. Je ne crois pas, dit le dévot saint Bernard, que les douleurs de la très sainte Vierge puissent jamais être ni expliquées ni connues.
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
Mais souvenons-nous que celle qui souffre de la sorte est notre douce mère, et que nous avons été faits ses enfants au pied de la croix : que c'est pour nous qu'elle est une mère de douleur, une dame de pitié et de compassion, et c'est ce qui nous donne une obligation très étroite à lui compatir, à honorer ses douleurs, et à lui tenir compagnie dans ses souffrances. Autrefois elle s'est plainte à sainte Brigitte du peu de personnes qui l'aimaient, parce qu'il y en avait bien peu qui eussent compassion de ses douleurs : mais pour y compatir, il y faut penser, et il les faut considérer. Il est bon de prendre quelque jour de la semaine pour s'y appliquer particulièrement, saluer ses sept principales douleurs, comme nous l'avons marqué ci-dessus au chapitre quatrième, entrer dans les confréries érigées sous ce titre, et visiter les autels dédiés à Dieu en leur honneur.
Sainte Brigitte dont nous venons de parler, priant pour un homme de grande qualité qui se mourait, Notre-Seigneur lui ordonna d'envoyer à ce malade son confesseur, qui n'ayant ou gagner rien sur le cœur de cet homme endurci, à la fin, après plusieurs prières, il fut touché, confessant qu'il s'était donné au diable qui lui avait apparu visiblement. Et Notre-Seigneur fit connaître qui lui avait donné la contrition de ses crimes, à raison de la dévotion qu'il avait eue aux souffrances de sa bénite mère. Mais non-seulement Notre-Seigneur délivre de l'enfer, mais honore de privilèges ceux qui ont dévotion aux peines de sa sainte Mère.
Un bon religieux de Saint-François ayant souvent demandé à la très sainte Vierge la pureté de cœur, par le mérite de ses douleurs ; cette mère de miséricorde lui apparut, et lui mettant sa virginale main sur la poitrine, lui dit : Voilà la pureté de cœur que tu demandes, voilà tes souhaits accomplis. C'est une douce consolation pour les personnes crucifiées de se souvenir des croix de la divine Marie, en se désoccupant des choses qui les peuvent faire souffrir. Nous en avons l'exemple, dit un grave auteur, en l'adorable Jésus, qui ayant la tête percée de tous côtés, et le corps tout couvert de grandes profondes plaies, et étant sur le point de rendre l'âme au milieu d'une infinité de douleurs, s'oubliant de lui-même, arrêtait ses regards sur sa très aimante mère, et lui parlait avec des soins d'un amour inénarrable.
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
CHAPITRE XII
De l'estime et de l'amour des croix
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Ce n'est pas assez de penser à notre auguste Maîtresse, de considérer, d'honorer ses douleurs : si nous l'aimons véritablement, nous souffrirons avec elle, et c'est lui tenir compagnie au pied de la croix. Ève étant proche de l'arbre du paradis terrestre, qu'on peut bien appeler en un sens l'arbre de mort, en cueillit du fruit et en mangea : c'est ce qui la rendit misérable et sujette à la mort, et ensuite toute sa postérité s'est trouvée engagée dans le même malheur. Marie étant tout proche de la croix où pendait le fruit de vie, elle en a cueilli, participant, comme nous l'avons dit, d'une manière incomparable à la passion de son Fils : mais cette mère des vivants, pour nous faire vivre, nous donne à manger du fruit de la croix ; il en faut goûter, et il en faut manger, et il faut absolument que nous digérions une nourriture si solide et si nécessaire.
Il n'y a rien de plus terrible que l'incertitude où nous sommes de notre salut : celui qui est vivement persuadé qu'il y a une éternité bienheureuse et malheureuse après cette vie, et que nous devons inévitablement être bienheureux ou malheureux pour un jamais, ne peut pas s'empêcher de craindre, particulièrement lorsqu'il considère que les plus grands saints ont été saisis d'horreur et de frayeur à la vue de ces épouvantables vérités, et, ce qui est bien plus étrange, c'est que des âmes très éminentes dans la consommation des vertus, se sont perdues à la fin de leur vie : mais si l'on peut trouver en cette vallée de larmes quelques sujets de consolation qui puissent donner quelque paix à l'âme parmi de si justes craintes, sans doute qu'on les doit chercher dans les croix. Les croix sont les sujets les plus assurés de nos plus douces et plus certaines espérances, elles sont les plus belles et les plus infaillibles marques du salut.
L'âme marquée à la croix porte les signes de la prédestination. Une maison toute pleine de croix est un lieu de bénédiction. Une famille qui est dans la souffrance attire toutes les précieuses grâces du ciel. Les saints s'enfuient des lieux et des hommes où l'on ne remarque que des douceurs et des plaisirs, de peur d'être accablés sous les ruines dont ils sont menacés : car il vaut bien mieux, dit l'Écriture, aller dans une maison de pleurs, que de banquets. (Eccle. VII, 3) Les joies du monde ordinairement aboutissent à des fins funestes ; et les plus grandes peines souffertes avec un esprit chrétien, sont couronnées des plus saintes récompenses du paradis. Jésus-Christ a promis les pleurs et les larmes à ceux qui sont à lui. (Jean. XVI, 20) Le Saint-Esprit nous assure que ceux qui sont à Jésus-Christ, sont des crucifiés. (Galat. V, 24) Y a-t-il rien donc au monde de plus doux que de pleurer, que de trouver des sujets de larmes en quelque lieu que l'on aille, que de porter sa croix tous les jours de sa vie, puisque ce sont les moyens qui nous unissant à Jésus, nous donnent par ses mérites un droit au ciel, et assurent notre salut ? Ceux qui ne se rencontrent pas sur le Calvaire avec la très sainte Vierge et le disciple de l'amour saint Jean l'Évangéliste, doivent trembler, puisque, si les souffrances sont promises à ceux qui sont à Jésus-Christ, ne pas souffrir est une grande marque qu'on en est éloigné, et l'on a tout sujet de craindre sa réprobation. Mais dans la doctrine d'un Dieu qui est infaillible, n'est-ce pas être heureux que de vivre dans les souffrances ? Ces grandes vérités sont des vérités de foi ; les révoquer en doute, c'est être infidèle : ce qui nous doit faire avouer que la plupart des Chrétiens qui sont appelés les fidèles, vivent dans l'infidélité, et n'ont point de foi pour les vérités pratiques qui sont celles qui établissent notre salut.
A suivre...
Dernière édition par Monique le Mer 24 Fév 2021, 6:30 am, édité 1 fois
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
La parfaite jouissance de Dieu, suivie de plaisirs infinis, est réservée pour la longue éternité : la vie où nous sommes et où bientôt nous ne serons plus, qui passe si vite, et qui à peine laisse le loisir de la regarder, est donnée aux souffrances. Il faut donc y être crucifié avec Jésus, dont l'esprit est l'âme de nos âmes, qui nous donne et soutient uniquement la vie, sans lequel il n'y a que mort : et comme il a été l'homme des douleurs, ayant épousé la croix par un mariage tout sacré et indissoluble, nous devons sans cesse y être inviolablement attachés. L'esprit de Jésus est un esprit de croix ; mais l'esprit de Jésus est l'esprit qui nous donne la vie : si nous voulons donc vivre, il faut vivre de la croix. Dans ce sentiment la divine Thérèse s'écriait : Ou mourir, ou souffrir. Car il est vrai que dès lors que l'on cesse de souffrir, il faut cesser de vivre : ou la croix ou la mort. Quand le temps de nos souffrances est achevé, il est temps de mourir.
Les souffrances font la plus grande gloire du christianisme, nos plus grandes hontes doivent être de nous voir dans l'aise et le plaisir. Le véritable Chrétien se trouvera toujours chargé de confusion, et aura bien de la peine à ne pas rougir quand il sera dans la joie et l'honneur, puisqu'il fait profession de servir un maître qui est l'homme de douleurs, et qu'il se reconnaît membre d'un chef percé d'épines de toutes parts. Cette qualité glorieuse de membre de Jésus lui donne une union si étroite avec cet aimable Dieu-Homme, qu'indispensablement il doit entrer dans toutes les inclinations et aversions de son divin cœur, aimant tout ce qu'il aime, haïssant tout ce qu'il hait, ne devant agir sans réserve que par ses sacrés mouvements. C'est le propre de l'amour de transformer : l'âme qui est Jésus, est plus en lui qu'en elle-même ; elle ne vit plus, c'est Jésus qui vit en elle. Elle ne regarde donc les choses que comme il les voit, elle ne les goûte que comme il les goûte : ainsi tout son goût est aux peines et aux croix, toute sa joie dans les douleurs, et elle se sent dans une tristesse accablante quand elle s'en voit éloignée, et paraît toute honteuse.
Une personne passant par quelque lieu y fut prise pour une personne de condition : cette estime la tirant en quelque façon du mépris de la croix, lui donna tant de honte, qu'elle se sentit obligée d'y écrire pour détruire cette opinion qu'on avait d'elle, ne la pouvant supporter. Une âme de notre siècle, d'une vertu rare et d'une piété extraordinaire, traitant avec un grand serviteur de Dieu des choses qui pourraient plus réveiller en elle l'amour-propre, elle lui dit que la croix lui paraissait quelque chose de si bon et de si glorieux, qu'elle pensait que si on la venait prendre pour la mener pendre en la place de Grève à Paris, elle aurait bien de la peine à s'y défendre de l'amour-propre. Et de vrai, les plus humiliantes croix sont le comble de l'honneur du christianisme, et en font le dernier point de la gloire.
Tous ceux qui souffrent chrétiennement, sont de grands rois dont les chaines et les prisons et toutes sortes d'afflictions sont les sceptres et les couronnes. Mais l'admirable saint Chrysostome (hom. 8 in Epist. ad Ephes.) passe plus avant, et soutient que la gloire des souffrances surpasse celle des diadèmes, et assure que souffrir est quelque chose de plus grand que l'empire de l'univers : et son esprit s'élevant toujours de plus en plus dans l'estime des croix, il dit même que la gloire de l'apostolat le doit céder à celle des persécutions ; qu'il est plus illustre d'être chargé de chaines pour Jésus-Christ, que de porter la qualité d'évangéliste, ou celle de docteur du monde.
A suivre...
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
Mais cet homme divin ne termine pas là l'honneur de la croix : il déclare que s'il avait le choix de la félicité du paradis, ou des peines de la croix, qu'il quitterait volontiers le ciel pour souffrir pour le Dieu du ciel, et qu'il préfèrerait les cachots et les prisons aux premières places de l'empyrée ; qu'il aimerait mieux être renfermé dans ces lieux sombres, que d'être auprès du trône de Dieu en la compagnie des premiers séraphins. Il poursuit, et ne fait difficulté de dire qu'il estime le divin Paul plus heureux d'avoir été emprisonné, que d'avoir été ravi jusqu'au troisième ciel : qu'au reste, si Dieu avait mis en sa liberté d'être ou l'ange qui délivra Pierre de ses chaînes, ou saint Pierre chargé de fers, il aurait sans doute préféré l'ignominie du prince des Apôtres à la félicité de cet esprit bienheureux, parce qu'après tout il fait plus d'état d'être maltraité de Jésus-Christ par la participation de sa croix, que d'être honoré de ce roi du ciel et de la terre. Commander aux démons, continue ce grand patriarche, donner le branle et le mouvement à tous les éléments, arrêter le soleil, sont choses qui sont moindres que l'honneur des souffrances. Nous apprenons, dit-il encore, que saint Paul, tout garrotté qu'il était, par une force miraculeuse brisait les chaînes de ceux qui étaient en sa compagnie, et que comme la mort de Notre-Seigneur a anéanti la mort, de même ces glorieuses chaînes donnaient la liberté à tous les captifs. (Act. XVI, 26)
C'était une chose admirable de voir cet Apôtre des nations que l'on conduisait dans un navire, qui du milieu de ses fers délivrait des naufrages, apaisait les tempêtes, commandait aux vents et aux orages, et à qui les mers obéissaient (Act. XXVII) : aussi prend-il pour l'une de ses plus honorables qualités Paul le captif ou l'enchaîné, mettant le plus haut point d'honneur dans les liens, et les regardant comme les plus illustres marques du christianisme. Ce n'est pas tout, car il proteste (Galat. VI, 14) qu'il ne se glorifie qu'en sa croix, où il est tellement attaché, que le monde ne le considère que comme un homme de gibet. Il y a eu des saints qui ont voulu que l'on enterrât avec eux les instruments de leurs supplices ignominieux, estimant ne pouvoir ressusciter plus glorieusement qu'avec ces signes de leurs croix.
C'est donc le grand bonheur du christianisme, que de souffrir. Notre-Seigneur, qui est la vérité même, s'en est tout à fait déclaré dans son Évangile, il n'y a plus lieu d'en douter : car que peut-on dire davantage que ce que notre maitre a déclaré à ses disciples, qu'ils seraient bienheureux lorsqu'ils seraient haïs des hommes, qu'ils en seraient chassés et avec des reproches honteux, que leur réputation en serait déchirée, qu'ils seraient bienheureux lorsque les hommes médiraient d'eux et les persécuteraient, et même lorsqu'ils en diraient toute sorte de mal. N'a-t-il pas mis, cet aimable Dieu-Homme, la béatitude dans la pauvreté, dans les larmes, dans la faim, dans la soif, dans les persécutions ? C'est donc une vérité de la foi, que l'on ne peut dénier sans hérésie que le bonheur des Chrétiens est dans les peines, et que les bienheureux des Chrétiens sont ceux qui sont des crucifiés, des persécutés, des abandonnés des créatures. Bienheureux donc sont ceux qui souffrent, plus heureux ceux qui souffrent davantage ; mais très heureux ceux qui sont crucifiés de toutes parts, qui ne peuvent ou mettre le pied, ou reposer leur tête, ou appuyer leurs mains ou soutenir leurs corps que sur la croix, qui sont des croix vivantes, qui n'ont aucune partie au corps ou à l'esprit qui ne soit crucifiée.
A suivre...
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
C'est pourquoi si l'on considère bien les conduites de Dieu, l'on verra très clairement qu'il fait part des souffrances à proportion de l'amour qu'il a pour les âmes. Cette vérité est plus claire que si elle était écrite avec les rayons du soleil. Jamais personne n'a été chère au Père éternel comme Jésus son Fils bien-aimé, et jamais personne n'a tant souffert. Après Jésus, c'est l'aimable Marie qui est la plus aimée, c'est elle aussi qui porte plus de peines. Les apôtres sont les premiers dans l'amour de Jésus, et ils sont les premiers dans toutes sortes de souffrances : leur divin Maître ne leur promet que des trahisons, des ignominies, des fouets, des potences, des gibets, et enfin les plus cruelles morts : et si parmi les apôtres Jean est le cher favori, c'est à lui aussi que l'on donne particulièrement le calice, et il est par excellence le disciple de la croix. Benjamin dans l'ancienne loi en était la figure, aussi il n'y a qu'à lui seul parmi tous ses frères à qui la coupe est donnée. Il n'appartient pas à tous, dit un Père de l'Église, de dire avec le Psalmiste : Je prendrai le calice du Seigneur. (Psal. CXV, 4)
Que l'on considère dans la succession des siècles cette vérité, et l'on trouvera toujours que les favoris de Jésus et de Marie ont été honorés de la bénédiction des souffrances. Le bienheureux Henri de Suso a été l'incomparable dans l'amour de notre Sauveur, et a excellé dans une dévotion tout extraordinaire à la très-sainte Vierge dont il chantait les louanges tous les jours au lever de l'aurore, avec un amour si angélique, que les anges du ciel prenaient quelquefois plaisir à se mettre de la partie, chantant avec lui les grandeurs de leur commune maitresse. Elle lui servait d'un doux refuge dans tous ses besoins, et lui donnait même des viandes miraculeuses à manger lorsqu'il était dégoûté, tant il est vrai que la très sacrée Vierge est la mère de toutes les douceurs, et n'a que pour ses dévots des bontés incroyables. Ô sainte Vierge ! Ô heureuse Mère de Dieu ! Que les hommes ne savent-ils vos miséricordes ! Ce serviteur de Jésus et de Marie, après s'être consommé dans des austérités et des rigueurs dont la seule pensée donne de la peur, et fait trembler (car à peine lit-on dans les Vies des saints les plus sévères rien de si austère), et après avoir mené une vie pénitente durant bien des années, et ce qui est bien remarquable, avec une aversion particulière qu'il en avait (car naturellement il ressentait de la frayeur, et avait peur des pratiques de la pénitence), après tout cela Notre-Seigneur lui fit connaître qu'il n'avait rien fait, que l'amour-propre avait eu bien de la part à sa vie et à ses exercices, pour pénibles qu'ils pussent être.
Hélas ! Que deviendrons-nous, nous qui lisons ceci ? Et que pouvons-nous espérer d'une vie si molle et si relâchée que la nôtre ? Cependant Notre-Seigneur lui assura qu'à l'avenir il allait le conduire par des voies plus pures, où il y aurait moins de la créature et plus de Dieu : et lui faisant remarquer un chien qui se jouant avec un chiffon qu'il tenait en sa gueule, le jetait de toutes parts, il lui dit qu'il serait traité de la sorte. Et de vrai, en suite de cette promesse le serviteur de Dieu et de la sacrée Vierge passa pour un impur, pour un voleur, pour un sacrilège, pour un hypocrite, pour un trompeur et imposteur, et pour un sorcier, avec des persécutions si violentes, qu'il y eût fallu succomber si la très sainte Mère de Dieu, sa très chère maîtresse, et les saints anges, ne l'eussent soutenu. Ses meilleurs amis même l'abandonnèrent : et comme un jour il voulut aller se consoler avec quelqu'un d'eux touchant un affront signalé qu'il avait reçu, une malheureuse lui ayant apporté un enfant comme s'il eût été à lui, il en fut rebuté avec reproches : ce qui lui fut une des peines les plus sensibles qu'il endurât.
Mais il est à remarquer que toutes ces honteuses persécutions, dont nous ne rapportons ici que bien peu de chose, ne lui arrivèrent que lorsqu'il fut dans la grande faveur auprès de Jésus, et que cet adorable Sauveur lui eût changé son nom de Henri en celui d'Amand, que le très-aimant et tout aimable Jésus voulut lui imposer lui-même. Comme Notre-Seigneur en donnant les noms, en donne aussi la signification, ayant imposé celui d'Amand au bienheureux Henri, et l'accablant ensuite de toutes sortes d'ignominies, il fit bien voir que ceux qui doivent être aimés du ciel, doivent être haïs des hommes de la terre. On fait la mémoire de ce bienheureux le 25 de janvier.
A suivre...
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
C'est de la sorte que les bien-aimés de Jésus et de Marie sont traités, car c'est à eux que les grâces du ciel sont accordées libéralement, dont l'une des plus précieuses est la grâce des souffrances. Dans cette vue, l'Apôtre, parlant aux premiers Chrétiens, leur enseigne que non-seulement ils ont reçu le don de la foi de Jésus-Christ, mais encore celui des souffrances. C'est, dit l'éloquent saint Jean Chrysostome, ce qui est bien digne de nos attentions, tous les Chrétiens devant être persuadés fortement d'une si divine doctrine, que les croix sont un don de Dieu, et le don, comme nous le venons de dire, des élus et des prédestinés. Tous les enfants de Dieu ont tous leurs croix ; vérité si constante, dit saint Augustin, que Jésus même n'en est pas exempt.
Souvent les richesses sont des dons que Dieu octroie aux réprouvés, aussi bien que les plaisirs et les honneurs. Les perles précieuses, remarquait un grand saint, se trouvent dans les pays des gens qui n'ont ni la connaissance ni l'amour de Dieu. Le Grand Turc est l'un des plus grands ennemis du nom chrétien, mais c'est un monarque dont l'empire est plus étendu, qui a plus de sujets, plus de richesses, plus de plaisirs. Cette vue faisait dire au feu P. de Condren qu'il s'étonnait de n'être pas prince comme ces grands du monde, et que ses péchés le méritaient bien ; qu'il était indigne d'être séparé des grandeurs du siècle et des joies du monde, et d'avoir quelque part à la vie crucifiée de Jésus-Christ qui est le don des dons, et la grâce des grâces, et le grand et merveilleux privilège des amis de Dieu.
A suivre...
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
Le vénérable P. Jean Chrysostome, du troisième ordre des religieux Pénitents de Saint-François, homme tout consommé dans tous les exercices de la pure vertu, et que le seul amour de Dieu seul avait tellement transformé en l'adorable Jésus, que l'on pouvait dire qu'il ne vivait plus et qu'il n'y avait que Jésus qui fût vivant en lui. Aussi était-il entièrement désintéressé et pour sa personne, et pour tout ce qui le touchait ; ce qu'il fit assez voir dans une occasion dans laquelle on lui offrait une grande somme d'argent pour aider à bâtir un des couvents de son ordre ; car la personne qui la lui offrait, étant un homme de mérite et d'une singulière piété, ayant voulu l'obliger, par une aumône si considérable, à venir quelquefois manger avec lui, quoique ce fût dans le dessein de profiter de ses paroles et de ses exemples. Jamais le serviteur de Dieu n'en voulut rien faire, aimant mieux être privé de tous les avantages qui en pouvaient arriver à son ordre. Pendant qu'il était supérieur il donnait même libéralement des aumônes qu'on faisait au couvent à des pauvres ecclésiastiques, leur disant qu'il était plus facile aux religieux de demander du secours, dans leurs besoins, que non pas aux pauvres prêtres.
L'excellent traité que cet homme de Dieu a composé sur la désoccupation des créatures, qui est un petit livre tout divin, marque assez son esprit et sa grâce, qui le mettait dans un éloignement incroyable de tout l'être créé. Il portait des désirs, qu'on ne peut expliquer, de la vie cachée ce qui l'obligeait, autant qu'il le pouvait, de chercher des lieux retirés ; et, s'il avait pu, il n'aurait plus conversé avec les créatures. Il ne respirait que des anéantissements extrêmes dans l'esprit et dans le cœur des tous les hommes, et ses grandes maximes étaient : anéantissements infinis dans toutes les créatures, tendance à l'infini pour les mépris, abjections, pauvretés et autres voies humiliantes qui y conduisent ; être perdu et abimé infiniment en Dieu seul par Notre Seigneur Jésus-Christ et sa virginale Mère. Sa grâce lui donnait des inclinations si fortes pour les humiliations, qu'il avait fait vœu de se faire mépriser autant que l'ordre de Dieu lui pourrait permettre, et de plus, il avait encore fait vœu de jeûner cent jours en l'honneur de saint Joseph, s'il obtenait, par ses intercessions, la grâce d'être méprisé de tout le monde.
Le ciel n'écouta ses désirs qu'en partie ; il eut de bonnes humiliations, mais elles ne furent pas générales comme il l'avait souhaité. Il avait établi une sainte union de plusieurs personnes qui s'occupaient dans les pratiques de la sainte abjection ; il leur donna d'excellents règlements pour y réussir saintement, et il composa un traité admirable sur ce sujet, qui est à présent imprimé, qu'il appela la Confrérie de la sainte abjection. C'est un petit traité tout plein de l'onction de l'esprit de Dieu, mais sa doctrine ne sera entendue que des humbles ; les sages et les prudents du monde n'y comprendront rien. Ce serviteur de Notre Seigneur était tellement mort au monde, par l'amour de l'abjection que, s'oubliant de soi-même et de toutes les créatures, il ne respirait que Dieu seul. Aussi, l'on a remarqué qu'entrant dans quelque maison, quoiqu'il eût fait bien du chemin peur y aller, et qu'il fût las, la première parole qu'il disait était : Dieu, ne pensant à rien de créé, et étant tout plongé et abîmé en Dieu seul.
Ayant promis, par un mouvement particulier de l'esprit de Dieu, à une personne de piété, que peu de jours après sa mort il lui apparaîtrait, il accomplit sa promesse, mais d'une manière bien considérable ; car Notre-Seigneur apparut à cette personne, lui faisant connaître que son serviteur, par le dégagement de tout l'être crée, était tellement uni et perdu en lui que, n'étant qu'une même chose par amour, il fallait que lui-même se fit voir afin qu'il pût paraître comme il s'y était engagé ; et cette personne ne vit que Notre-Seigneur. Oh ! Que bienheureuses sont les voies humiliantes qui conduisent à une fin si glorieuse ! Malheur à nous qui, pour si peu de chose comme la créature qui nous arrête, perdons des biens immenses et infinis !
A suivre...
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
L'on a vu, de notre temps, une autre personne d'une rare vertu, qui a jeûné plusieurs années au pain et à l'eau, et fait des pèlerinages en des chapelles consacrées en l'honneur de la Mère de Dieu, se traînant à genoux sur les pierres qui lui faisaient bien de la douleur, pour obtenir de Notre-Seigneur, par sa très sainte Mère, la grâce de souffrir des tourments épouvantables qui lui avaient été montrés par des vues surnaturelles, avec la connaissance que notre divin Maitre lui donna, que les très grandes croix étaient des faveurs qu'il n'accordait pas souvent ; mais que pour les tourments extrêmes qu'il lui montrait, que c'étaient des dons qu'il n'avait presque octroyés à personne ; que c'était bien tout ce que sa sainte Mère pourrait obtenir de lui : et que cette souveraine du ciel prenait un soin très particulier des âmes qui portaient ces états de croix, dont il lui en donnait l'intendance spéciale, comme à la gouvernante de son Église.
Saint François Xavier fait douze mille lieux dans le désir du martyre, et paraissant, après sa mort (et cela de notre temps), au P. Mastrilli qu'il guérit tout à coup miraculeusement d'une maladie mortelle, il le voyait comme une personne triste, lorsque, s'entretenant avec ce Père, il lui faisait demander la grâce du martyre, ajoutant qu'après tant de travaux il ne l'avait pu obtenir.
A suivre...
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
Le bienheureux P. Jean de la Croix, premier Carme déchaussé, et coadjuteur de la séraphique Thérèse dans la réforme du saint ordre du Carmel, homme qui ne semblait avoir rien de l'homme que le corps, étant tellement dégagé des choses matérielles, qu'il semblait être un pur esprit : aussi sa vie était-elle toute céleste ; l'on peut dire qu'il a été le séraphin de nos derniers siècles. Les ouvrages qu'il nous a laissés, que l'on peut lire sans crainte, la doctrine mystique qui y est contenue étant aussi solide que sublime, et donnant des moyens assurés pour être délivré des illusions qui arrivent quelquefois aux personnes spirituelles, et pour être conduit, selon l'Évangile, à la bienheureuse union avec Dieu : ces divins ouvrages, dis-je, sont de ses plus précieuses reliques ; mais le chemin qu'il y enseigne pour aller à Dieu, et dont nous avons parlé, et qu'il met dans le rien de toutes choses. Rien dans les sens extérieurs, rien dans les sens intérieurs, rien dans l'entendement, rien dans la mémoire, rien dans la volonté, entendant par là un dégagement sans réserve de tout ce qui n'est pas Dieu seul, le rendait si terrible aux diables, qu'ils ont quelquefois avoué (y étant contraints par l'autorité de l'Église) que c'était une des personnes qu'ils avaient la plus redoutée, et qui avait jeté plus de terreur dans l'enfer, entre les saints qui avaient paru dans l'Église, à raison, disaient ces malheureux, de son chemin de rien, et des voies anéantissantes par où il marche, et par lesquelles il conduit les autres.
Quelques personnes, divinement éclairées, ont vu les troupes de démons fuir en sa présence, comme les hommes peuvent faire devant la foudre, ne pouvant se tenir dans un lieu où était cet homme qui n'était rempli que de Dieu seul. Les voies humiliantes l'avaient introduit dans une union si glorieuse avec Dieu. Il avait été, pendant un temps considérable, renfermé dans un lieu obscur, et qui était comme un cachot, sans qu'on lui donnât la moindre lumière que celle qu'il recevait du jour, lorsqu'on le faisait sortir de sa prison pour le fouetter inhumainement ; ce qu'on faisait régulièrement deux fois par jour. Ce fut dans ce cachot que le ciel lui remplit l'esprit de ses plus divines lumières, et qu'il lui donna les desseins de ses divins ouvrages. La très sainte Mère de Dieu le délivra de cette prison miraculeusement. Il ne serait pas possible de dire ici toutes les peines que ce saint homme a endurées ; niais après tant de croix, Notre-Seigneur lui disant un jour : « Jean, que veux-tu pour tant de peines ? » Il répondit : « Seigneur, je ne vous demande que la grâce de souffrir et d'être méprisé. » Il fut écouté en sa prière, et les croix ne lui manquèrent jamais, en sa vie, en sa mort, après sa mort. Admirons ici les conduites de Dieu sur une âme qu'il veut honorer de croix : il est traité d'apostat, et les religieux mitigés lui ôtent l'habit de la sainte religion, le traitant comme nous l'avons marqué ci-dessus. Il est accusé d'établir l'hérésie des Adamites, d'être hérétique, illuminé ; on le décrie et déchire malheureusement : l'on écrit contre lui, et l'on est obligé de faire des apologies. Pour le soutenir l'on informe de tous côtés contre sa conduite, particulièrement au sujet du gouvernement des religieuses, et ces informations sont faites par ses propres enfants, par les religieuses de la réforme du Carmel.
Il y eut même quelques religieux qui s'y comportèrent avec une passion surprenante, et qui furent ensuite punis par des châtiments visibles de la main de Dieu, les hommes n'en ayant pas fait la punition. Ce qui est tout à fait étonnant, est que ce Carme déchaussé meurt sans charge dans l'ordre, et si maltraité en sa dernière maladie par le prieur de la maison où il était, qu'on le privait de tous les secours que les personnes dévotes du dehors voulaient lui donner. C'était un spectacle bien étrange de voir mourir un si saint homme, dont Dieu s'était voulu servir pour commencer la réforme d'un si grand ordre comme celui du Carmel, dans un délaissement extrême des créatures, et avec si peu d'estime et tant d'opposition de l'un de ses enfants, qui pour lors était son prieur, qu'il ne permettait pas non-seulement aux personnes du dehors, mais encore aux religieux, d'avoir la consolation de le voir, le traitant même avec mépris, reproches, et d'une manière tout à fait inhumaine. Mais ces persécutions ne finirent pas avec sa vie, elles continuèrent après sa mort par les nouvelles informations qui furent faites de sa conduite, Notre-Seigneur lui accordant miséricordieusement la demande qu'il lui avait faite, de souffrir et d'être méprisé ; ce qui fait le bonheur de la vie chrétienne.
A suivre...
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
CHAPITRE XIII
Suite du discours commencé
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Ces vues qui sont données par une spéciale lumière du ciel remplissent l'esprit d'une haute estime des peines et des croix, et cette estime cause dans l'âme un grand étonnement lorsqu'elle se voit conduite par des voies anéantissantes pour le corps, l'esprit, la réputation, et toutes choses enfin dans lesquelles elle peut avoir quelque part ; car elle demeure grandement surprise de se voir dans le chemin des saints, et dans cet étonnement elle ne sait à qui s'en prendre qu'aux miséricordes infinies de son Dieu et de son Sauveur. Elle voit bien que ses péchés mériteraient qu'elle fût dans les voies du plaisir, de l'honneur et des richesses, et d'être bien traitée, bien estimée et bien caressée des créatures. Ô mon Seigneur, s'écrie-t-elle de temps en temps, pourquoi me traitez-vous comme vos plus chers favoris ? Pourquoi me donnez-vous la pauvreté, le mépris et la douleur ? D'où vient que les créatures se retirent et s'éloignent ? D'où viennent ces abandonnements extérieurs et intérieurs ? Pourquoi ne suis-je pas dans l'abondance des biens de la terre, dans l'estime et l'amitié des hommes ? Ces pensées lui pénètrent le cœur tout d'amour, et la mettent dans un état d'admiration des excessives bontés de Dieu sur elle, d'où elle ne se peut tirer, particulièrement lorsqu'elle considère que son divin Sauveur fait des choses si prodigieuses pour la faire arriver dans cet heureux état des souffrances, fermant le cœur à des gens qui lui sont entièrement obligés, permettant l'aveuglement et la dureté en d'autres dont l'on aurait dû espérer du secours, éloignant des gens de bien qui deviennent de grands persécuteurs, pensant bien faire, et renversant, pour ainsi dire, toutes choses, pour établir le divin état des croix.
C'est une chose admirable de remarquer l'amour de Dieu sur de certaines âmes ; car que ne fait-il pas pour leur sanctification ? Il permet la défaite de l'armée chrétienne pour sanctifier un saint Louis par l'humiliation et les peines d'une prison. Oh ! Que la prudence humaine est bien ici renversée, selon les petites vues des hommes ! Ne semblait-il pas que Dieu aurait tiré plus de gloire de la victoire d'une armée chrétienne, que de la captivité d'un prince ? Mais la sagesse des hommes n'entend rien dans les conduites de Dieu. Ce n'est donc pas assez d'estimer les souffrances, mais il faut s'étonner de la faveur que Notre-Seigneur nous fait de nous y donner quelque part, et de plus il faut beaucoup le remercier pour une telle grâce. Une bonne femme avait perdu un procès, elle alla faire dire la messe en action de grâces. Un seigneur d'Angleterre subsistant en France par le moyen d'une partie du revenu qu'il avait en son pays, ayant appris qu'il n y avait plus d'espérance d'en recevoir aucune chose, alla prier la supérieure d'une maison religieuse de faire chanter un Te Deum pour en remercier pieu, et ce bon seigneur fondait en larmes de joie pour la grâce d'une telle pauvreté, pendant que cette communauté en bénissait et louait la divine bonté. C'est donc, avec grande justice qu'il faut faire des dévotions lorsque l'on est honoré des croix, en action de grâce.
Si lorsque l'on a recouvré la santé, que l'on a réussi dans une affaire, l'on fait célébrer des messes, l'on donne des aumônes, pourquoi ne fera-t-on pas la même chose lorsqu'il nous arrive des maladies, des afflictions et d'autres sortes de souffrances, puisque ce sont les plus précieux dons de l'adorable Jésus ? L'on donne un écu à un pauvre, et on l'oblige ; si on lui donne cent pistoles, n'est-il pas plus obligé ? Les âmes pénétrées de ces grandes vérités ont de profonds respects pour toutes les personnes persécutées ; elles ont une vénération particulière pour tout ce qui est marqué à la croix. Leur estime et leur amitié s'augmente à mesure que les persécutions, les pauvretés et les humiliations des personnes affligées s'accroissent. Le rebut que les créatures en font, les en approche ; les aversions que l'on en a, leur en donnent de fortes inclinations ; on se déclare hautement pour elles lorsque le monde les abandonne, et qu'à peine oserait-on dire qu'on les connait dans les compagnies. Si l'on rougit quand il s'agit de les défendre, c'est pour lors qu'on les soutient avec plus de hardiesse, c'est pour lors que l'on prend tâche de les voir plus souvent, et de converser plus familièrement avec elles ; si elles sont absentes, l'on ne peut s'empêcher de leur témoigner par lettres la part que l'on prend à leur heureux état, et l'on n'oublie rien pour se conjouir de leur bonheur.
A suivre...
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
La joie suit l'estime des croix, et je ne crois pas que l'on puisse concevoir celle d'une âme qui les porte comme il faut. Il n'y a que ceux qui en ont l'expérience, qui les puissent bien savoir. Une personne étant malade se récréait dans ses douleurs, et sentait son mal de tête soulagé, lorsqu'elle pensait au bonheur qu'il y a de souffrir. Elle se représentait l'état d'une personne qui manquerait de bien, et qui ne serait assistée, et qui, d'autre part, serait décriée en sa réputation, et perdue dans l'esprit et le cœur des hommes ; qui serait persécutée de tous côtés, et même des gens de bien et de ses meilleurs amis, et qui enfin, dans un délaissement général de tout le monde, ne trouvant aucun lieu de consolation et de secours, se trouverait réduite à mourir de faim, couchée dans un ruisseau en quelque place publique comme un pauvre chien. Ces vues la consolaient beaucoup, et elle était entièrement persuadée que cet état était le plus grand bonheur de la vie.
Dans la suite des temps cette personne s'est vue dans des états de persécutions qu'on aurait de la peine à croire, mais jamais sa joie n'a été égale. Ses peines lui servaient de récréation, et quelquefois elle ne pouvait pas s'empêcher d'en rire à son aise ; elle en parlait comme des choses qui seraient arrivées à quelque autre personne qu'elle n'aurait pas connue, et, pour exprimer la joie qu'elle ressentait, elle disait ces paroles de l'Écriture : Le Seigneur m'a envoyé un fleuve de paix. On lui écrivait qu'elle était perdue de réputation, et ces lettres la consolaient ; elle se voyait la fable du monde, le sujet des railleries des compagnies, l'opprobre ces hommes et l'abjection du peuple ; on lui disait qu'il y avait longtemps qu'on n'avait entendu parler d'une telle persécution, c'est ce qui augmentait sa joie : après tout, lorsqu'on lui assurait que toutes ces souffrances lui devaient suffire : Non, non, disait-elle, je ne suis pas encore contente. Elle se trouva un jour dans la tristesse dans une pensée qu'elle eut que cet état de croix pourrait bien changer. Un de ses amis lui écrivent qu'il était outré de douleur de la voir dans une si grande humiliation, il lui faisait une grande pitié de la plaindre sur un sujet qui faisait toute sa gloire dans le monde de la grâce.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
J'ai eu le bien de voir à paris un serviteur de Dieu qui était venu d'Angleterre, qui me racontant comme une grand seigneur de son pays avait perdu tous ses biens pour la foi catholique, et qu'ensuite son château ayant été donné à une personne de qualité, mais hérétique, il avait eu le courage de prier cet homme de le vouloir bien loger en quelque petit coin de son château ; ce qui lui ayant été accordé, c'était une chose admirable de voir ce seigneur réduit en sa propre maison à n'y avoir qu'un petit trou pour s'y loger, et, dans le dépouillement de tous ses biens, n'avoir plus le moyen que de se nourrir de pain noir, vivant très content dans un lieu où ii voyait avec paix des personnes qui ne lui étaient rien, faire grand'chère tous les jours à ses dépens, et être logées magnifiquement, pendant qu'à peine avait-il du pain à manger.
Ce serviteur de Dieu me racontait encore que, passant par le lieu où demeurait ce confesseur de Jésus-Christ, et allant le voir, il en fut reçu avec grande charité, et traité même avec du pain et du lait, qui furent tous les mets du festin qu'il lui fit, ne pouvant davantage. Mais ce qui le ravit est qu'il lui assura qu'il n'avait jamais été si content.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
Mais le divin Paul ne se glorifie-t-il pas dans les tribulations écrivant aux Romains (V, 3), et en la IIe Épitre aux Corinthiens (XI, XII) ; il parle de ses infirmités, de ses ignominies, de ses persécutions, comme des sujets de ses complaisances. N'assure-t-il pas encore qu'il surabonde de joie en ses peines ? (II Cor. VII, 11) Et l'incomparable saint Chrysostome déclare que, lorsque cette merveille des apôtres voyait que les souffrances lui arrivaient tous les jours comme les flocons de neige qui tombent en hiver, il tressaillait d'allégresse comme s'il eût été au milieu du paradis. Les apôtres, dit la divine parole, s'en allaient se réjouissant de ce qu'ils avaient été trouvés dignes de souffrir pour le nom de Jésus. (Act., V, 41)
Mais le Saint-Esprit nous enseigne en l'Épitre de saint Jacques (I, 2) que plusieurs sortes de souffrances sont la matière de toutes sortes de joie. Doctrine admirable de l'Esprit de Dieu, qui ne dit pas seulement que les croix doivent être le sujet de la joie, non-seulement d'une grande joie, non-seulement de la plus grande joie du monde, mais de toutes les joies. Elevons donc ici nos pensées dans la lumière du Saint-Esprit et disons : Ce n'est pas assez de souffrir sans se plaindre, ce n'est pas assez de souffrir en patience, ce n'est pas assez de souffrir avec joie, mais les croix doivent être la plénitude de notre joie. Figurons-nous la joie d'une personne qui serait élevée à la dignité impériale, à qui l'on donnerait une couronne ; notre joie doit être plus grande quand il nous arrive une bonne croix. Figurons-nous la joie de ces gens qui possèdent des richesses et des trésors immenses, qui jouissent en la vie de toutes les douceurs apparentes que l'on y peut goûter, nous devons être plus contents quand nous sommes dans les souffrances. Il y a plus : les croix et plusieurs sortes de croix dans la doctrine d'un Dieu, malgré tous les sentiments de la nature et du monde, doivent nous causer toutes sortes de joies.
Repassons donc ici par notre esprit toutes les joies qui donnent tant de satisfaction à tous ceux qui pensent en avoir de véritables sujets, comme les joies des marchands qui trafiquent avec profit dans leurs boutiques, des laboureurs qui font une heureuse récolte d'une riche moisson, des généraux d'armées qui gagnent des batailles, des rois dans la conquête des villes et provinces, des pauvres qui se trouvent tout à coup enrichis, des malades dam le recouvrement d'une parfaite santé, des captifs dans la liberté de leurs chaînes, des plus affligés dans la délivrance de leurs peines, et enfin considérons tous les sujets de joie qui peuvent arriver généralement et sans réserve, toutes ces joies doivent être les joies d'une personne persécutée, rebutée, délaissée et crucifiée. Cette vérité est incontestable, puisqu'elle a été dictée par la Vérité même.
Ô mon âme ! il en faut donc demeurer là, et vivre entièrement persuadée que non-seulement les souffrances, c'est-à-dire toutes sortes de croix, font les sujets de toutes les joies imaginables. Cependant, combien y en a-t-il eu que la joie a transportés, et à qui même elle a fait perdre là vie, et pour des sujets bien légers ? Il faut donc, il faut être comblé de joie, il faut ne vivre que de joie, il faut mourir de joie, lorsque le ciel ne nous nourrit que de croix et nous accable de tourments. Si l'on en recherche la cause, il est aisé de voir que Dieu seul étant notre souverain bien, il est lui seul notre souveraine joie, que nous ne pouvons posséder que l'union intime avec cet être infiniment heureux. Or c'est le propre des croix de nous y unir par le détachement qu'elles nous donnent de l'être créé. C'est pourquoi il faut avouer qu'il est plus doux de souffrir que de parler des souffrances. La raison est que le discours et les pensées de la croix ne nous unissent pas à Dieu comme les croix actuelles que l'on porte. Oh ! que bien heureuse est l'âme qui n'y est pas unie, quand elle serait dans la jouissance de toutes les douceurs de la terre !
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
L'âme qui est bien unie à Jésus-Christ, ressent une certaine tristesse lorsqu'elle sort de quelque état de souffrance. Sa douleur est de se voir exempte de douleur, et il n'y a rien qui l'afflige en ce monde, que de n'y pas souffrir. Son repos est sur la croix, et à moins qu'elle ne s'y voie attachée, elle n'est pas contente. Oh ! Quel tourment celui est de se voir dans les biens, dans les honneurs et les plaisirs. Sa peine est extrême lorsque les créatures lui applaudissent, la louent, l'estiment et l'aiment. Celui est une mort que de ne pas mourir aux joies du siècle. Car enfin elle est vivement persuadée que le malheur des malheurs est de n'être pas misérable en ce monde, et que s'il se rencontre quelque bonheur en la vie, c'est de n'être pas heureux. Saint Ignace le fondateur de la Compagnie de Jésus disait que, quand bien même la gloire de Dieu serait égale dans la joie et l'honneur, aussi bien que dans les peines et les mépris, il préférerait encore l'humiliation à la gloire, parce que cet état a plus de rapport à celui de Jésus-Christ.
Tous ces sentiments font que jamais on ne se lasse de souffrir. Quand il s'agit de croix, on ne dit jamais, c'est assez. On peut bien dire à la vérité avec le divin Xavier parmi les consolations et les douceurs, que quelquefois le ciel communique en abondance : C'est assez, Seigneur, c'est assez : puisqu'il est vrai que la vie présente n'est pas le lieu où l'on doive jouir de ces plaisirs célestes : mais il est bien juste aussi de dire avec le même saint, quelque accablement de peines que l'on puisse porter : Encore, Seigneur, encore. Cela est bien difficile à concevoir aux mondains, ou aux âmes lâches. Mais cependant il est vrai, l'union avec Notre-Seigneur donne une soif des croix si extrême, que tous les tourments du monde ne peuvent désaltérer une âme qui en est pressée. Si elle porte la croix de la pauvreté, elle la recherche toujours de plus en plus avec des désirs inexplicables ; et si elle se plaint, c'est toujours de n'être pas assez pauvre. Il faut dire le même des autres états de souffrances. L'on comptait des injures à un serviteur de Dieu, son pauvre cœur en était tout consolé : mais il priait ces personnes de lui faire tous les reproches honteux dont elles le chargeaient, dans une place publique et devant tout le monde.
Cet esprit de souffrance éloigne bien de ces réserves que l'on met aux peines, lorsque l'on apporte quelque exception pour de certaines croix. Le cœur véritablement chrétien est prêt à tout, est disposé à tout, à souffrir des méchants, à souffrir des gens de bien, à être persécuté des libertins, et même des personnes de vertu ; à être rebuté des étrangers, à être délaissé de ses plus proches et de ses meilleurs amis. L'on veut bien souffrir en la perte de ses biens, l'on est bien aise de souffrir en son honneur, l'on embrasse les peines du corps et celles de l'esprit : l'on est content d'être crucifié par les hommes et par les démons, du côté du ciel aussi bien que de la part de la terre : toutes sortes d'humiliations sont les bienvenues, elles sont toutes reçues avec honneur, l'on va même au-devant par respect. Si l'on endure une médisance qui se fait parmi quelques particuliers, on en reçoit de la consolation : mais si l'on est déchiré par des libellés diffamatoires qui se distribuent dans le public, c'est une joie toute particulière. Il n'y a point d'ignominie telle qu'elle puisse être, que de bon cœur l'on accepte.
L'on est ravi de pourvoir dire avec l'Apôtre : Nous avons été faits un spectacle au monde, aux anges et aux hommes par toutes sortes de misères. (I Cor., IV, 9) Disons encore ce qui a déjà été dit. Il n'y a point de joie pareille à celle de devenir la fable du monde, l'opprobre des hommes et l'abjection du peuple, à servir de jouet dans les compagnies, à être le sujet des railleries des villes entières, à être cruellement déchiré par les les outrageuses calomnies dans les provinces, dans les royaumes, à être maltraité de tous côtés : mais après tout, il faut avouer que le comble de la joie serait d'être emprisonné, chargé de fers, et accusé faussement de tous les plus grands crimes, ensuite être condamné à la mort, et perdre la vie sur un gibet dans une place publique au milieu d'une grande ville. Je sais bien que peu de personnes goûteront ce genre de mort : mais je sais que Jésus-Christ mon Dieu et mon maître l'a goûté, et je sais qu'il ne se peut tromper dans le goût des choses. Je sais que ce qu'il trouve bon, est bon, quoi qu'en pensent et en disent les créatures, dont le goût est bien dépravé par la corruption du péché. Si la divine Providence permet que parmi les plus cruelles persécutions, ceux qui doivent nous soutenir et nous consoler, se retirent, c'est une nouvelle grâce : si la force que le ciel donne pour supporter avec joie les croix passe pour une hypocrisie, c'est une grâce sur grâce : si enfin de tous côtés et en quelque lieu qu'on aille, l'on ne trouve pas à mettre le pied ni reposer la tête que sur la croix, dans une privation générale de toute l'estime et de toute l'amitié des créatures, c'est le comble de la grâce.
Dans cette vue, ces sublimes états de folie apparente, qui ont fait la vocation de quelques saints, comme de saint Siméon Stylite, et du bienheureux frère Jean de Dieu, paraissent tout à fait aimables, puisqu'ils privent de l'estime des bons, aussi bien que des méchants, et laissent l'âme tout à Dieu seul : mais ces vocations sont de précieuses faveurs que le ciel accorde à bien peu de personnes. Enfin, dans le chemin de la croix l'on ne met jamais aucune borne : jamais l'on n'y dit : C'est ici qu'il faut s'arrêter.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
L'adorable Jésus était comme tout abîmé dans une mer immense de toutes les croix imaginables, et cependant selon le sentiment de quelques Pères, par ces paroles : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé ? (Matth. XXVII, 46) il témoignait qu'il n'était pas encore satisfait de ses peines. Car ces Pères estiment qu'adressant ces paroles au Père éternel : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé ? il voulait dire : Pourquoi délaissez-vous ainsi mon corps aux faiblesses de la mort ? Que ne le fortifiez-vous par miracle, afin qu'il puisse souffrir davantage, et que ses tourments soient continuels. Je n'ai souffert que pendant trente-trois années, et je voudrais souffrir plusieurs siècles. Ô mon Dieu, mon Dieu, pourquoi me laissez-vous si tôt à la mort qui mettra la fin à toutes ces peines.
Cependant la mort étant arrivée, afin que ces désirs aient au moins en quelque manière leur effet, il substitue en sa place ses élus, qui achèvent d'accomplir ce qui reste de ses souffrances, comme parle le grand Apôtre. Mais entre tous les saints, la reine de tous les saints a achevé d'une manière incomparable ce qui reste des peines de son Fils. Elle pouvait donc bien dire avec Jérémie : Il m'a remplie d'amertume et m'a enivrée d'absinthe, il a tendu son arc, et j'ai servi de but à ses flèches qu'il a jetées dans mon cœur, il n'y avait point de fin à mes souffrances. (Thren., III, 15) Elle pouvait bien dire : Mon bien-aimé est comme un faisceau de myrrhe qui demeure entre mes mamelles. (Cant. I, 12.) Il y demeurait, non pas comme un bouquet de croix pour un jour, mais pour toute sa très innocente vie. Et après toutes ces souffrances, son amour dans les Cantiques est comparé à la mort et à l'enfer ; à la mort (Cant. VIII, 6), pour faire voir l'excessive grandeur de ses tourments, comme étant la chose la plus terrible de tout ce qu'il y a de plus terrible en ce monde. Mais il est dit encore semblable à l'enfer, pour nous marquer par son éternité les désirs que cette reine des martyrs avait de la continuation de ses peines. Toute la vie donc du Chrétien est une vie de croix, et c'est une très grande misère de s'en voir exempt.
Saint Ambroise s'affligeait lorsqu'il passait un jour sans affliction : et saint Cyprien est obligé de consoler des Chrétiens, qui dans une occasion d'une maladie contagieuse se voyant tous les jours exposés à la mort, étaient sur le point d'être privés de tourments horribles que la rage des tyrans faisait endurer aux fidèles.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
Tous ces désirs font trouver la vie bien courte à l'âme : et quand elle en considère la durée, qui n'est que d'un moment, et le poids immense d'une gloire éternelle qui la doit suivre, elle est obligée de s'écrier : Oh ! Que les peines de cette vie passent bien vite ! Et que les récompenses que Dieu leur donne, sont longues ! Ah ! Qu'il est doux, mais qu'il est utile et avantageux, mais qu'il est glorieux de vivre et de mourir dans l'accablement des croix ! Nous sommes, dit-elle encore, les pierres vives dont doit être bâtie la grande citée du paradis, dans laquelle tous les élus auront une demeure divine. Si nous qui sommes ces pierres mystiques, sommes coupés et taillés par un grand nombre de tourments, c'est une marque évidente que notre maison céleste doit être ample et magnifique : car à proportion que le bâtiment doit être grand et élevé, à proportion le travail que les ouvriers emploient à polir les pierres, doit être grand : celles qui ne sont pas mises en œuvre, ne sont pas taillées et coupées, mais on les jette aux ordures : il en va de même des réprouvés, qui sont laissés à leurs désirs, et abandonnés aux joies et aux honneurs du monde. Oh ! Que la grâce des croix est donc précieuse, et qu'il la faut conserver chèrement ! Que nous devons prendre garde à ménager tous les moments de peines qui nous sont donnés ! Et que nous devrions être convaincus, que d'en perdre un instant, c'est faire une perte qui ne se peut comprendre !
Cet ermite savait bien cette vérité, qui voyant les vers qui rongeaient son corps, et qui tombaient par terre avec les lambeaux de sa chair, les ramassait avec grand soin pour les appliquer tout de nouveau sur son corps demi-pourri, prenant bien garde qu'il ne s'en perdît pas un seul. Nous voyons tous les jours les avares être attentifs à ne pas perdre un écu, être dans la gêne s'ils perdent une pistole, et nous ne pensons pas aux trésors inénarrables dont nous nous privons, lorsque nous ne faisons pas un usage fidèle des croix. Si l'on mettait une personne attachée au bien dans une chambre pleine de pistoles, pour en prendre à son aise durant une heure, perdrait-elle un quart d'heure de ce temps, et laisserait-elle même un moment sans rien faire ? Mais voici que le temps de la vie présente nous est donné pour amasser des biens infinis par notre fidélité à la mortification, et nous nous reposons comme si nous n'avions rien à faire. Les moindres petites parcelles de la véritable croix sont enchâssées dans de précieux reliquaires, et on ne peut jamais assez les honorer : s'il en tombe par mégarde la moindre, partie, aussitôt l'on se jette à genoux pour la recueillir avec un profond respect : et c'est ce que doivent faire tous les Chrétiens, à moins que d'être impies. Mais ne devons-nous pas aussi nous souvenir que les croix que nous portons sont vénérables, et qu'il faut les soutenir avec honneur, sans en laisser perdre la moindre chose ?
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: DIEU SEUL ou Le saint esclavage de l'admirable Mère de Dieu - M. Henri-Marie Boudon
CHAPITRE XIV
La doctrine de la croix est un mystère caché
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Il est vrai que la parole de la croix est un mystère que Dieu ne révèle qu'à ses saints, à qui il veut faire connaître les richesses de la gloire de ce secret. Cette sagesse de l'Évangile n'est point entendue par les sages du siècle, elle est même bien peu comprise par la plupart de ceux qui font profession de la dévotion. Jamais les mondains n'y comprendront rien, quelque lecture qu'ils fassent, quelque sermon qu'ils entendent, leur esprit n'y a aucune entrée. Les superbes et les suffisants ne l'entendront jamais : elle sera toujours une parole cachée à la prudence humaine : les amateurs d'eux-mêmes l'ignoreront toujours ; ceux qui se recherchent ne la trouveront pas : le seul esprit de mort et d'anéantissement rend l'âme disposée à l'intelligence que Notre-Seigneur en donne : il y en a donc qui n'en goutent pas la science, parce que ce sont des gens délicats qui aiment leurs aises, qui travaillent à donner de la satisfaction à leur esprit et à leur corps : gens curieux d'honneur et avides de gloire, qui mettent leur joie dans l'applaudissement des hommes, qui désirent leur estime, qui aiment à être aimés : gens qui craignent les créatures, très timides dans les contradictions qui leur en peuvent arriver, qui n'ont pas le courage de leur résister, et d'en souffrir des rebuts.
Tous ces gens disent que la parole de la croix est bien dure, et qu'il n'y a pas moyen de l'entendre, ils ont peur même des personnes crucifiées, ils n'oseraient les fréquenter, de crainte d'entrer en la participation de leurs croix, à peine oseraient-ils dire qu'ils les connaissent, et (s'il est nécessaire) pour conserver leur amour-propre dans un besoin, ils les désavoueront et les renieront. Les voies de la croix les font trembler, et ils souffrent à la seule pensée ou aux seuls entretiens des souffrances.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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