De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Non est servus neque liber : non est masculus,
neque femina. Omnes enim vos unum estis in Christo Jesu.
Epist. B. Pauli ad Galat., c. III, 28.VI. Exemples tirés de la vie de Jésus-Christ.
La vie du Seigneur nous en fournit la première preuve : du berceau à la tombe, nous le voyons, ce divin Maître, entouré de femmes qui accompagnent ses pas, qui s'attachent avec foi à ses vêtements, qui se suspendent avec amour à sa parole. Non-seulement sa bonté les laisse approcher, mais elle les prévient tantôt pour les guérir, tantôt pour les consoler, quelquefois pour les reprendre doucement de leurs erreurs.
Un jour, apercevant une pauvre femme qu'une infirmité courbait depuis 18 ans vers la terre, Jésus l'appelle et lui dit : « Femme, vous êtes délivrée de votre maladie 1. »
Un autre jour, voyant une malheureuse qui suivait le convoi de son fils unique, il en a compassion et lui dit : « Ne pleurez point; vous, jeune homme, je vous ordonne de vous lever 2. »
Une autre fois enfin il s'approche d'une femme de Samarie ; au grand étonnement de ses disciples, il lui parle, s'entretient avec elle, la fait rougir de ses égarements, et excite dans son âme cette soif de la vie éternelle que lui seul peut étancher 3.
Jésus fait plus : il ne dédaigne pas d'entrer dans la maison de Marthe qui s'empresse à le servir, tandis que l'heureuse Marie l'écoute, assise à ses pieds 4. Il fait plus encore : il s'attache à ces pieuses servantes, il répond à leur amour, il s'émeut de leur douleur, il pleure avec elles sur leur frère Lazare qu'un miracle va ressusciter 5.
Qu'étaient-ce cependant que ces femmes si agréables au Sauveur?
La plus aimée, Marie, était, suivant une interprétation généralement admise, cette pécheresse qui répandit un jour des parfums sur les pieds de Jésus en les lavant de ses larmes, en les essuyant de ses cheveux et de ses baisers; c'était cette femme de mauvaise vie dont le pharisien s'étonnait que le maître souffrit la présence, et à qui le maître dit pourtant : « Vos péchés vous sont pardonnes 6. » Pourquoi ? parce qu'elle aimait. Madeleine aima beaucoup, et c'est pourquoi il lui fut beaucoup remis. Mais n'est-ce pas une chose bien digne de remarque que, de toutes les femmes qui s'attachèrent à Jésus, la plus aimée ait été justement la repentie, la pécheresse? Il ne suffît pas au Fils de Dieu de confondre toutes les idées du monde en arrachant à son mépris une pauvre créature, qui ne s'en fut jamais relevée; il la chérit, il la préfère, il propose l'exemple de sa pénitence à la vénération de tout ce qui sera chrétien. Et ce n'est pas dire encore assez pour faire comprendre toute la dignité de Madeleine ; il n'y a qu'un rapprochement inouï, merveilleux, qui puisse en donner une juste idée : ...
Deux femmes, deux Marie, se rencontrent à chaque pas dans l'histoire…
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1. Luc, ch. XIII, 11,12. — 2. Id., ch. VII, 12,13,14. — 3. Jean, ch. IV. — 4. Luc, ch. x, 38-42. — 5. Jean, ch. XI. — 6. Luc, ch. VII, 37-50.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Non est servus neque liber : non est masculus,
neque femina. Omnes enim vos unum estis in Christo Jesu.
Epist. B. Pauli ad Galat., c. III, 28.VI. Deux grands symboles de la dignité de la femme.
Deux femmes, deux Marie, se rencontrent à chaque pas dans l'histoire de la vie et de la mort du Seigneur 1. A Jérusalem, en Galilée, au pied de la croix, au pied du tombeau, elles y sont ensemble, unies dans le même amour, dans les mêmes angoisses, dans la même douleur; l'une est la mère de Jésus, l'autre est la sœur de Marthe; l'une est la vierge sans tache, l'autre est la femme souillée. La première, qui est éternellement revêtue de sa blanche robe d'innocence; la seconde, qui a traîné et sali la sienne dans la fange des passions. Oui, mais les pleurs de la pénitence ont tout lavé, et le sang de Jésus-Christ, versé pour les péchés du monde, a fait de la pécheresse la sœur même de l'homme-Dieu.
Aussi Madeleine est-elle, même à côté de Marie, l'objet d'une tendresse si vive qu'on serait tenté parfois de se demander où sont les préférences. Certes, Jésus avait pour sa mère un amour immense, incomparable, et il le montra bien le jour où, du haut de la croix, il abaissa sur elle un dernier regard, et la confia, comme un pieux legs, au plus aimé de ses disciples, en disant : « Jean, voici votre mère. Femme, voilà » votre fils 2. »
Et, toutefois, le sentiment que lui inspire Madeleine semblerait avoir, dans son expression, quelque chose de plus tendre encore. Le jour de la résurrection, Madeleine est la première à venir au sépulcre ; elle est aussi la première à qui Jésus apparaît. Comme elle ne s'attendait pas à voir le Sauveur, elle ne le reconnaît pas d'abord; mais Jésus lui dit Marie, et le tendre accent de cette voix bien connue pénètre si profondément dans son cœur, qu'à l'instant elle s'écrie : Rabboni, c'est-à-dire Maître, et qu'elle s'élance pour le toucher 3. C'est que Madeleine était la brebis égarée que le pasteur rapporte joyeux sur ses épaules; c'est qu'elle était le prix du sacrifice et l'objet de la rançon. Pour tout dire, en un mot, elle était vraiment la femme rachetée, purifiée, réhabilitée.
Et voilà la différence qui existe entre ces deux symboles vivants de la femme, Madeleine et Marie; celle-ci en est l'idéal, tandis que celle-là en est l'image. Nulle autre que Marie n'a reçu le don de la pureté sans tache; toutes ont, comme Madeleine, besoin de pénitence et de pardon. L'une et l'autre cependant présentent un double type de la femme régénérée. Malgré la souillure originelle et l'infirmité de la nature, il y aura désormais des femmes qui, par la sainteté de leur vie et de leurs exemples, se rapprocheront, autant qu'il est possible, de la pureté immaculée : Marie sera leur modèle. Comme Madeleine est la reine des repenties, Marie est la reine des vierges; comme Madeleine figure la pénitence unie à l’amour, Marie figure l’innocence de la virginité et la chasteté. De ces deux types, celui-ci n’est pas seulement le plus parfait, il est encore le plus complet en un sens.
Par un privilège unique, Marie est tout à la fois vierge, épouse, et mère; elle représente donc les trois conditions principales de la femme chrétienne; elle embrasse donc, pour ainsi dire, tous ses états, afin de lui enseigner tous ses devoirs. Madeleine ne prend sous sa protection particulière que les malheureuses créatures qui, privées de ces titres honorables ou déchues de leur dignité, sentent le besoin d'effacer, par des larmes, la honte qui s'est attachée à leur front.
Quoi qu'il en soit, Madeleine et Marie concourent également à la réparation de la femme; toutes les deux s'unissent pour cette œuvre commune, et leur alliance, commencée au pied de la croix, doit se perpétuer à travers les siècles par un bien touchant concert. Un jour on verra des vierges pures, formées à l'imitation des vertus de Marie, et réunies sous sa douce invocation, rechercher les filles repenties de Madeleine, pour les recueillir dans leur sein et les relever par leur exemple; on verra les âmes les plus célestes se pencher avec amour vers les âmes les plus flétries pour les purifier de leur souffle et leur rendre l'innocence du repentir.
Tels sont les magnifiques symboles par lesquels Jésus-Christ nous révèle tout d'abord la dignité de la femme réhabilitée, mais en même temps qu'il l'enseigne par des exemples, il l'établit aussi par des principes nouveaux.
Tous les peuples de l'antiquité…
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1. Voyez dans l'Université catholique, janvier 1844, l'article intitulé Marie Madeleine.. T. XVII,p. 43. — 2. Jean, ch. XIX, 25-27. — 3. Id., ch. xx, I, ll-16. — 1. Luc, ch. xx, 35, 36.
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Non est servus neque liber : non est masculus,
neque femina. Omnes enim vos unum estis in Christo Jesu.
Epist. B. Pauli ad Galat., c. III, 28.VI. Principes nouveaux.
Tous les peuples de l'antiquité, y compris les Juifs, avaient méconnu la valeur inestimable de la virginité; s'ils lui avaient tous accordé quelques hommages arrachés à leur conscience par la force naturelle de la vertu, tous, dans la pratique ordinaire, l'avaient rabaissée, méprisée, avilie. Jésus-Christ enseigne, au contraire, que la virginité est le plus parfait de tous les états. S'il n'y a plus de mariage après la résurrection, c'est, dit-il, que enfants de Dieu, jugés dignes de l'autre siècle, doivent être semblables aux anges 1.
Et dans cette vie même il y a des eunuques volontaires, qui se sont rendus tels pour le royaume des cieux; tous, il est vrai, ne peuvent comprendre ces choses, mais ceux-là les comprennent à qui il a été donné 1.
Voilà donc la virginité qui devient une vertu angélique, céleste, et si difficile, qu'elle restera l'apanage d'un petit nombre d'élus. Fidèle aux enseignements du Maître, saint Paul la proclame très-préférable au mariage et la recommande à tous ceux qui en sont capables comme la chose la plus digne d'envie.
« Je voudrais, dit-il à ses frères, que vous fussiez tous comme moi (c'est-à-dire vierge); mais Dieu distribue différemment ses dons à chacun. Je déclare pourtant à ceux qui ne sont pas mariés qu'ils feront bien de demeurer fermes dans cet état, comme j'y demeure moi-même... Je crois qu'à cause des misères présentes un homme fait bien de ne se point marier. Êtes-vous lié par le mariage? n'en cherchez point la dissolution. En êtes-vous exempt? ne pensez pas à vous y engager 2. »
Et de même pour les femmes : « Celui qui marie sa fille fait bien, celui qui ne la marie point fait encore mieux. Une femme est liée par la loi pendant la vie de son mari; que s'il meurt, elle est en liberté; qu'elle se marie à qui elle voudra, pourvu que ce soit selon le Seigneur. Elle sera pourtant plus heureuse si elle ne se marie pas, suivant mon conseil, et je pense avoir l'esprit de Dieu 3 »
Quelle révolution de tels principes ne doivent-ils pas opérer dans les idées du monde, et combien la femme n'en sera-t-elle pas relevée? Non-seulement la jeune fille en aura plus de prix tant qu'elle restera pure et sans tache dans la maison de ses parents; mais si les circonstances l'obligent à renoncer au mariage, loin de se voir condamnée par là au mépris des hommes, elle vivra dignement et avec honneur dans sa virginité. Que si par un libre choix, et pour se rapprocher de Marie, elle se voue elle-même à la vie toute sainte des vierges, alors il n'y aura plus pour elle assez d'estime et de vénération. Elle sera comme un ange sur la terre; elle la réjouira, comme une fleur, du parfum de ses vertus.
Mais la virginité ne peut être l'état ordinaire de l'homme ni de la femme. Le mariage, nécessaire à la conservation de l'espèce, l’est…
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1. Luc, ch. xx, 35, 36. — 1. Matthieu, ch. XIX, 11, 12. —2. I Aux Corinthiens, VII, 7-8, 26-27. — 3. Ibid.. 38-40.
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Non est servus neque liber : non est masculus,
neque femina. Omnes enim vos unum estis in Christo Jesu.
Epist. B. Pauli ad Galat., c. III, 28.VI. Principes nouveaux.(suite)
Mais la virginité ne peut être l'état ordinaire de l'homme ni de la femme. Le mariage, nécessaire à la conservation de l'espèce, l’est également pour remédier à la concupiscence. Le mariage est donc l'état du plus grand nombre, et le divin législateur ne pouvait l'oublier. Qu'a-t-il fait pour la dignité de la femme dans le mariage? Ce qu'il a fait, le voici :
Tous les peuples de l'antiquité, y compris les Juifs, avaient fait fléchir devant leurs passions, les uns en tolérant la polygamie, les autres en admettant la répudiation ou le divorce, la loi primitive de l'unité it de l'indissolubilité du lien conjugal. Jésus-Christ rétablit, pour l'honneur du mariage et pour l'avantage de l'épouse, cette loi donnée par Dieu lui-même aux jours de la création :
« N'avez-vous point lu que celui qui créa l'homme dès le commencement fit l'homme et la femme, et dit : Pour cela, l'homme quittera son père et sa mère, et il demeurera avec sa femme, et ils seront deux dans une seule chair? c'est pourquoi ils ne sont plus deux, mais une chair. Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni 1. Et comme les pharisiens lui demandaient pourquoi Moïse avait commandé de donner l'écrit de divorce et de se séparer ainsi de sa femme : « C'est, leur répond Jésus, à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes; car au commencement cela n'a pas été de la sorte; mais je vous déclare que quiconque répudie sa femme, si ce n'est en cas d'adultère, et en épouse une autre, commet un adultère; et celui qui en épouse une répudiée, est adultère 2. » — « Et si une femme se sépare d'avec son mari et en épouse un autre, elle est adultère 3.»
Mais ce n'est rien encore que de rendre au mariage son caractère primitif d'unité et d'indissolubilité : Jésus-Christ le consacre et le sanctifie par sa présence aux noces de Cana, de même que Dieu avait consacré et sanctifié l'union du premier couple; et désormais, dans toutes les noces, il sera besoin de son intervention et de ses grâces; désormais le mariage ne sera plus ni une association brutale, ni une union naturelle, ni même un contrat purement civil : ce sera une institution sainte, et, comme dit saint Paul, un grand sacrement en Jésus-Christ 4 une figure sensible de la chaste alliance qui unit le Sauveur avec son Église. Ce sera, comme dit encore l'Apôtre une…
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1. Matthieu, ch. XIX, 4-6. — Marc, ch. x. — Luc, ch. XVI. — 2. Id., ibid., 7-9.— 3. Marc, ch. x, 12.— 4. Aux Ephésiens, ch. v, 32.
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Louis- Admin
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Non est servus neque liber : non est masculus,
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Ce sera, comme dit encore l'Apôtre, une société digne de tout honneur, une couche immaculée 5; ou, suivant les sublimes images de Tertullien, une alliance sainte dont l'Église serre les nœuds, que l'oblation du sacrifice confirme, que le sceau de la bénédiction consacre, que les anges publient comme témoins, et que le Père céleste ratifie d'en haut 1. Qui ne comprend, à cette seule définition du mariage, combien la femme en reçoit d'honneur et combien sa liberté en est agrandie? D'un mot, Jésus-Christ a détruit l'empire despotique de l'homme, il lui a enlevé son esclave pour lui rendre sa compagne; il a fait de cette compagne une personne digne de lui, semblable à lui, égale à lui.
Qu'est-ce à dire égale ? Jésus-Christ aurait-il, méconnaissant les différences et les inégalités établies par Dieu lui-même, confondu des rôles distincts et donné à la faiblesse les attributs de la force, l'exercice de la puissance? Non. Jésus-Christ n'a pas oublié les inégalités qui résultent de la différence même des sexes : il conserve à Adam sa primauté, il maintient les filles d'Ève dans leur infériorité native; il laisse même subsister pour la femme quelque trace de cette seconde infériorité qu'avait créée le péché originel, afin que le souvenir de la déchéance survive à la réhabilitation. « L'homme n'a pas été tiré de la femme, dit saint Paul, mais la femme a été tirée de l'homme. Et l'homme n'a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l'homme. C'est pourquoi la femme doit avoir sur sa tête la marque de sa soumission 2. »
« Je ne permets point à une femme, dit encore l'Apôtre, d'enseigner ni de prendre autorité sur son mari; car Adam fut créé le premier et Ève après lui; et Adam ne fut pas séduit, mais Ève se laissant séduire tomba dans la désobéissance 3. »
« Toutefois, ajoute saint Paul, toutefois, selon le Seigneur…
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5. Aux Hébreux, ch. XIII. 4. —1. Tertull., ad uxorem, 1. II. — 2. I Aux Corinthiens, XI, 8-10. — 3. I Timothée, II, 12-14. — S. Chrysostome commente ainsi la doctrine de saint Paul : « La femme est soumise à son mari, et c'est une punition qu'elle subit pour s'être rendue coupable dès le commencement; car, remarquez-le bien, au moment de sa naissance, la femme ne fut pas condamnée à la sujétion. Quand il l'eut formée, Dieu ne parla pas de domination en la présentant à son mari; vous n'entendez rien sortir de la bouche d'Adam qui le suppose : — « Voilà maintenant l'os de mes os et la chair de ma chair, » a-t-il dit, et c'est tout. Ce n'est qu'après qu'elle eut abusé de ses droits, en entraînant celui à qui elle avait été donnée comme soutien, qu'il lui fut dit : « Vos désirs seront désormais tournés vers votre mari. » Homélie XXVI, sur la Ire aux Corinthiens. »
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« Toutefois, ajoute saint Paul, toutefois, selon le Seigneur, l'homme n'est point sans la femme ni la femme sans l'homme; car si la femme fut tirée de l'homme, l'homme naît de la femme, et toutes choses viennent de Dieu 1. » Paroles remarquables, par lesquelles il nous enseigne, comme l'explique saint Jean Chrysostome 2, que l'homme ne doit pas s'enorgueillir de son privilège, ni la femme s'humilier du devoir de l'obéissance, puisqu'ils dépendent l'un de l'autre, et que tous deux ont Dieu pour auteur.
« Une femme, est-il-dit aussi dans l'épître à Timothée, se sauvera par les enfants qui naîtront d'elle, si elle persévère dans la foi, dans la charité, dans la sainteté et dans la chasteté 3. »
Voilà les titres de la femme : elle vient de Dieu comme l'homme, elle est égale à l'homme devant Dieu, elle participe au salut envoyé par Dieu. On ne peut donc plus l'opprimer ni la condamner à servir ; c'est pourquoi le même saint Paul, qui voit avec raison dans la promulgation de la loi chrétienne l'abolition de toutes les servitudes, s'écrie dans son épître aux Galates : « Il n'y a plus de Juif ni de Grec, de libre ni d'esclave, d'homme ni de femme; vous êtes tous un en Jésus-Christ 4 »
Le règne de l'homme subsiste, mais c'est un règne de justice et d'amour. Le mari est le chef de sa femme, comme Jésus-Christ est le chef de son Église: et si sa femme lui doit respect, obéissance, soumission, il doit à sa femme honneur, tendresse et dévouement.
« Que les femmes, dit l'apôtre saint Pierre, soient sujettes à leurs maris,... comme Sara qui obéissait à Abraham... et vous maris, vivez discrètement avec vos femmes, les regardant comme des vases fragiles, et les traitant avec honneur, puisqu'elles ont part avec vous à l'héritage du don de la vie 5 »
« Que les femmes, dit l'apôtre saint Paul, soient sujettes à leurs maris comme au Seigneur, parce que le mari est le chef de la femme, comme Jésus-Christ est le chef de l'Église, étant lui-même, le Sauveur de son corps. De même donc que l'Église est sujette à Jésus-Christ, qu'ainsi les femmes soient sujettes à leurs maris en toute chose. Mais vous maris, aimez vos femmes comme Jésus-Christ a aimé son Église en se livrant lui-même pour elle, afin de la sanctifier, de la purifier, de se la rendre glorieuse, sans tache, sans ride et sans souillure 6. »
Sous cette nouvelle domination, on peut dire quel est le prince, mais on ne saurait dire quel est le maître...
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1. I Aux Cor., ch. XI, 11-12. — 2. S. Jean Chrysostome , ibidem. — 3. I A Timothée, ch. II, 15. — 4. Aux Galates, ch. III, 28. — 5.S. Pierre I, ch. III, 1-7. — 6. Aux Éphésiens, ch. V, 22-27.
Dernière édition par Louis le Mer 08 Mar 2017, 1:32 pm, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Non est servus neque liber : non est masculus,
neque femina. Omnes enim vos unum estis in Christo Jesu.
Epist. B. Pauli ad Galat., c. III, 28.VI. Principes nouveaux.(suite)
Sous cette nouvelle domination, on peut dire quel est le prince, mais on ne saurait dire quel est le maître. La femme n'appartient pas plus à l'homme que l'homme à la femme : ils s'appartiennent mutuellement. « Si la femme n'est pas la maîtresse de son corps, mais le mari, le mari n'est pas non plus le maître de son corps, mais la femme 1. » Obligé à la même fidélité, le mari n'a pas la liberté d'égarer loin de sa femme un désir, une pensée, un regard. Il faut qu'il lui reste étroitement attaché, il faut qu'il se confonde et s'identifie avec elle, de manière à la chérir comme son propre corps. C'est son propre corps, en effet, c'est sa chair, c'est lui-même 2 C'est du moins la moitié de lui-même, suivant une heureuse expression que le Christianisme a popularisée 3.
Telle est la condition de l'épouse chrétienne : elle est sujette, mais sujette d'une autorité fondée sur la tendresse; elle obéit, mais à un chef qui ne commande que pour protéger. N'est-ce pas une égalité véritable qu'une telle dépendance 4 ? Grâce à Jésus-Christ, la femme marche à côté de l'homme, comme la faiblesse appuyée sur la force 5, avec la confiance que donne un mutuel amour.
Faut-il ajouter que l'accomplissement des devoirs les plus sacrés de l'épouse est uniquement placé par le divin Maître sous la garde de sa conscience et de la loi religieuse?
Tous les peuples de l'antiquité, y compris les Juifs, contraignaient la vertu de la femme par la menace des châtiments les plus terribles; ils n'imaginaient pas d'autre moyen de réprimer l'adultère que de punir par la mort, les supplices ou la flétrissure. Jésus-Christ est tout à la fois plus indulgent et plus confiant.
Quand les scribes et les pharisiens, après lui avoir amené la femme adultère, lui demandent si elle ne doit pas être lapidée suivant la loi de Moïse : « Que celui de vous qui est sans péché, leur répond-il, lui jette la première pierre; » et les pharisiens s'étant retirés, il dit à la femme : « Personne ne vous a-t-il condamnée? eh bien, je ne vous condamnerai pas non plus; allez, et désormais ne péchez plus 1. »
Admirable leçon d'indulgence et de charité, mais aussi d'estime et de confiance envers la femme. Jésus-Christ l'honore assez, malgré ses égarements, pour croire que sa fidélité pourra désormais subsister sans la crainte. En même temps qu'il renvoie le crime à la pénitence, il invite l'honneur à grandir, il affranchit et ennoblit la vertu.
Après avoir ainsi élevé sur de nouvelles bases la dignité de la vierge et celle de l'épouse, le divin Réformateur n'avait plus, pour achever son œuvre, qu'à consacrer le caractère auguste de la mère; mais il n était pas besoin, pour cela, de nouveaux préceptes. L'ancienne loi avait dit : « Honorez votre père et votre mère. » Que pouvait-on ajouter à de telles paroles? Jésus-Christ laissa donc à ses apôtres d'en rappeler et d'en recommander l'observance. Pour lui, il se contenta des actions; et tandis que Marie, sa mère, offrait comme un modèle à toutes les femmes chrétiennes l'exemple d'une tendresse admirable et d'un dévouement sublime pour son fils, lui-même, tout Dieu qu'il était, donnait à tous les fils l'exemple de sa soumission, de sa docilité, de son amour profond pour sa divine mère.
La conscience chrétienne devait faire le reste, en montrant à la mère, dans le fruit de ses entrailles, non plus seulement son sang, sa chair, mais une âme enfantée à Dieu; en montrant au fils, dans la personne de sa mère, non plus seulement l'auteur de sa vie mortelle, mais la source de ses immortelles destinées.
C'est ainsi que, dès le premier jour, le Christianisme transformait par ses principes toutes les conditions de la femme. Une ère nouvelle commençait pour elle, comme pour le monde que le Père du siècle à venir venait de racheter tout entier.J.-CH. DABAS._________________________________________________________________________
1. I Aux Corinthiens, ch. VII, 4. — 2. « C'est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes comme leur propre corps, et celui qui aime sa femme s'aime lui-même ; car personne ne hait sa propre chair, mais chacun la nourrit et la conserve comme Jésus-Christ fait son église : parce [que] nous sommes les membres de son corps, nous sommes de sa chair et de ses os. C'est pourquoi l'homme laissera son père et sa mère pour demeurer avec sa femme, et ils seront tous deux une même chair. Ce sacrement est grand, et je dis qu'il signifie Jésus-Christ et son Église. Que chacun donc aime sa femme comme lui-même, et que la femme craigne son mari » Aux Éphésiens, ch. v, 28-33. — 3. Instruction pastorale de Mgr l'archevêque de Cambrai, sur l'importance de la célébration religieuse du mariage. — 4. « Si l'apôtre eût entendu recommander une dépendance absolue, dans l'exemple qu'il allègue, il n'aurait pas parlé de la femme comme soumise à son mari, mais comme assujettie en esclave à la volonté de son maître. Ne confondez pas la soumission avec l'esclavage. La femme obéit, mais reste libre. Elle est égale à l'homme en honneur. Jésus-Christ aussi obéit à Dieu son père, mais comme fils de Dieu lui-même. » S. Jean Chrysostome, homélie XXVI. — 5. Instr. past. de Mgr. l'archevêque de Cambrai, 1844. — 1. Jean, ch. VIII, 7, 10-11.
A suivre : 7e article.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VII. Les premières femmes chrétiennes: vierges, épouses, veuves, diaconesses.
La naissance, la vie, la mort, et enfin les enseignements du divin Sauveur nous ont révélé les principes de cette révolution prodigieuse que le Christianisme devait accomplir dans les destinées de la femme réhabilitée. Ce sont de magnifiques prémisses dont il ne reste plus qu'à produire la conclusion : les siècles se sont chargés de la tirer, et chacun aujourd'hui la peut lire, écrite en caractères éclatants dans les annales du monde moderne ou chrétien.
A peine Jésus-Christ s'était-il élevé dans le ciel, emmenant avec lui la captivité captive 1, c'est-à-dire frayant la route à tous les esclaves qu'il était venu racheter, que sa première affranchie, la femme, commençait à étonner la terre par l'usage d'une liberté toute nouvelle, et par un caractère de grandeur jusqu'alors inconnu. A l'imitation de la sainte Vierge, qui, en attendant l'heure de son triomphe, persévérait dans la prière avec les apôtres 2, ce fut par la pratique humble et modeste de toutes les vertus que les premières femmes chrétiennes firent l'essai de leur dignité : elles se réunissaient pour prier en commun, visitaient les malades, travaillaient pour les pauvres, faisaient l'aumône de leurs deniers, de leurs veilles et aussi de leur foi.
Telle fut cette femme de Joppé, que saint Pierre ressuscita devant les nombreux témoins de ses bonnes œuvres 3. A la nouvelle de sa mort, les disciples s'étaient émus et avaient envoyé vers l'apôtre. Pierre accourt ; on le mène dans la chambre où le corps est exposé, et là, quel touchant spectacle! voici que toutes les veuves s'assemblent autour de lui, priant et lui montrant les tuniques et les robes que Dorcas leur faisait. Imaginez quel cantique de joie et d'amour dut s'échapper de tous les cœurs, quand Pierre, ayant relevé la morte de sa couche funèbre, la fit voir vivante à toutes ces pauvres femmes qui avaient si bien appris à bénir sa charité!
Ce n'était là pourtant que la première aurore des beaux jours qui se préparaient…
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1. Psalm., LXVII, 19. — Epist. ad Eph., c. IV, 8. — 2. Act. Apost.; c. I, 14. — 3. Act. Apost., c. IX, 37-43.
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VII. Les premières femmes chrétiennes : vierges, épouses, veuves, diaconesses.(suite)
Ce n'était là pourtant que la première aurore des beaux jours qui se préparaient ; en ouvrant une plus vaste carrière à l'ambition des filles d'Ève, les progrès et les combats de l'Église grandissante promettaient à leur vertu des triomphes plus éclatants. Déjà régnait au ciel, dans la splendeur de sa gloire, celle que l'apôtre y entrevit revêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds, et une couronne d'étoiles sur sa tête 1 ; des hauteurs du ciel, la rose mystique envoyait ses parfums à la terre, et partout les jeunes filles accourues à leur douce odeur, se passionnaient pour sa beauté 2 .
Élues d'Israël ou transfuges du paganisme, grecques ou barbares, libres ou esclaves, les vierges, les épouses, les veuves, s'enrôlent alors en foule sous la nouvelle bannière ; on leur assigne un rang dans cette armée du Christ, où il n'y a plus de juif ni de grec, de libre ni d'esclave, d'homme ni de femme 3 , où frères et sœurs, servant ensemble pour la même cause, avec le même courage, en vue des mêmes récompenses, ne forment qu'un seul camp 4 et qu'un seul esprit dans le Seigneur.
C'est alors que l'Église non-seulement permet aux femmes de concourir à l'élection de ses chefs 5 , mais encore institue pour elles certaines charges et certaines dignités 6 ; alors que saint Paul, écrivant aux chrétiens de Rome, salue fraternellement, et chacune par son nom, les sœurs qui travaillent comme lui pour la foi 7 ; alors que la première vierge martyre, devançant au supplice le plus grand des apôtres 1, montre le chemin du ciel à des milliers de confesseurs.
« Qu'est-ce donc, s'écrie à ce spectacle saint Jean Chrysostome ravi d'admiration? Voici que la femme est couronnée, proclamée, et que, nous autres hommes, il nous faut rougir! rougir, non; mais plutôt nous glorifier d'avoir chez-nous de pareilles femmes. Et cependant, je dis bien, il nous faut rougir de ce qu'elles nous laissent si fort en arrière. Mais apprenons de quoi elles se parent, et bientôt nous les atteindrons. De quoi donc est-ce qu'elles se parent? Hommes et femmes, écoutez : ce n'est pas de bracelets ni de colliers; ce n'est pas d'un cortège d'eunuques ni de servantes, ce n'est pas de robes tissues d'or, c'est de leurs sueurs répandues pour la vérité 2. »
Deux femmes sont dès lors en présence : l'une appartient au monde qui vient de naître, l'autre appartient au monde qui s'en va. Quel contraste entre ces deux femmes, ou, si vous voulez, entre les deux sociétés dont elles sont l'image, entre cette société si libre, si noble, si vivante des premiers âges du christianisme, et cette société si esclave, si avilie, si éteinte des derniers âges païens! Dieu a permis, pour que nous fussions plus frappés du miracle, qu'elles vécussent plusieurs siècles à côté l'une de l'autre, la jeunesse à côté de la décrépitude, la vie à côté de la mort, l'âme à côté du corps ou plutôt du cadavre. Arrêtons donc un moment nos yeux sur le double tableau qu'elles nous présentent, et sachons comprendre une si éloquente leçon.
Qu'aperçois-je autour de ces lares antiques, au pied de ces idoles vermoulues qu'adorent encore l'habitude et la superstition?...
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1.Apoc.,c. XII, 1. — 2. In odorem unguentorum tuorum currimus; adolescentulæ te dilexerunt nimis. (Ant. du jour de l'Assomption. — Cant. cantic., c. 1, 2-3.) — 3. Ep. ad Galat., c. III, 28. — 4. Per totam regionem reperire est castra Christi muliebri sexu refecta. (S. J. Chrys., in Matlh., hom. VIII.) Non propter sexus diversitatem divisus est Christi exercitus, sed unus cœtus est. (Id., in Sanct. Barlaamum mart. ) — 5. Dans les premiers temps de l'Église, les apôtres déféraient les élections au peuple, et délibéraient des choix à faire avec l'assemblée des fidèles, tant hommes que femmes. Ce fut ainsi que saint Matthias fut adjoint aux onze apôtres, et que furent établis les sept diacres. — 6. Les diaconesses. — 7. Commendo vobis Phœben sororem nostram, quæ est in ministerio ecclesiæ quæ est in Cenchris, ut eam suscipiatis in Domino digne sanctis, et assistatis ei in quo cumque negotio vestri indiguerit : etenim ipsa quoque astitit multis, elipsi mihi. — Salutate Mariam, quae multùm laboravit in nobis. — Salutate Tryphœnam et Thryphosain, quae laboram in Domino. — Salutate Persidem charissimam, que multùm laboraverit in Domino. — Salutate Philologum et Juliani, Nereum et sororem ejus, et Olympiadem, et omnes, qui cum eis sunt, sanctos. — (Ad Rom., c. XVI.) — 1.Thècle, disciple de saint Paul, reçut la couronne du martyre bien avant saint Paul et saint Pierre. Saint Pierre fut encore devancé par sa femme, qu'il encouragea lui-même au supplice. — 2. S. J. Chrys. in epist. ad Rom., hom. xxx.
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.VII. Les premières femmes chrétiennes : vierges, épouses, veuves, diaconesses.(suite)
Qu'aperçois-je autour de ces lares antiques, au pied de ces idoles vermoulues qu'adorent encore l'habitude et la superstition? Des vierges? il n'en existe plus. Dès l'âge le plus tendre, la jeune fille païenne a désappris la pudeur 3; et quand la virginité du corps survit, la virginité du corps, qui n'est rien sans celle de l'âme, on la contraint souvent de s'ensevelir gémissante dans en culte vain et stérile dont les honneurs ne la peuvent consoler. J'aperçois des épouses, des mères, des veuves; mais, hélas ! qu'a-t-on fait du respect et des hommages qu'on leur payait autrefois? Ces épouses elles-mêmes ne sont pas des épouses : déshonorées par l'adultère et par le divorce, ce ne sont plus que des concubines d'un jour, qu'un esclave éconduit quand le maître en est fatigué.
Les mères... ah ! sans doute elles sont plus heureuses : ce nom de mère est un nom si grand que la plus affreuse corruption n'en effacera jamais tout le prestige; mais la vénération qu'il doit inspirer est-elle bien profondément gravée dans les cœurs? N'est-ce pas un empereur romain qui donne aux yeux du monde l'exemple du parricide, un philosophe romain qui en décrit l'apologie 1, un sénat romain qui ose donner l'ordre d'en remercier les dieux 2 ? Des veuves, combien en est-il qui vieillissent avec honneur, et qui laissent, en mourant, un souvenir pour l'inscription de leur tombeau!
C'est qu'aussi la femme païenne fait une dissipation déplorable de sa vie et de sa liberté. Sa liberté, elle l'a conquise par le vice et elle l'exerce au profit du vice. Sa vie, elle l'use le plus souvent dans les orgies et les débauches ; digne d'éloges et douée d'une vertu rare, si, trempant seulement ses lèvres à cette coupe des honteux plaisirs, elle passe les jours dans des distractions frivoles, occupée des soins de sa parure et des jouissances de sa vanité, ou si, contente des amusements que la munificence des empereurs fournit à sa curiosité oisive, elle n'a d'autre joie que de voir couler dans l'arène le sang des martyrs, et de donner en souriant le signal de la mort au gladiateur qui l'a divertie.
Voilà la femme libre du paganisme. Pour la femme esclave, on n'en parle point. Vaut-elle qu'on abaisse un regard jusqu'à son néant ! Moins vile que nulle, vouée par état à l'infamie et à tous les caprices d'une tyrannie brutale, elle ne réclame pas même contre les violences dont elle est victime... Elle ne se connaît pas.
Qu'il est différent le spectacle de la famille et de la société chrétiennes! Ici, dans le foyer domestique, au milieu d'une famille qu'elles édifient, s'agenouillent des vierges parées de modestie, et cachant sous un voile une beauté qui s'ignore ; car « leur pudeur est si délicate qu'elles appréhendent les yeux des autres et leurs yeux propres, qu'elles redoutent de se voir autant que d'être vues 1. » De ces vierges, les unes embelliront un jour la maison d'un époux; elles commencent par réjouir de leurs douces vertus la maison d'un père. Les autres, fiancées de Jésus-Christ, lui ont consacré, mais librement et avec joie, cette virginité qui est leur plus précieux trésor. En attendant l'heure où leurs pieuses associations peupleront des monastères et transformeront les solitudes en paradis 2 elles s'assemblent en petit nombre pour s'exhorter mutuellement à la mortification et au travail, pour partager dans une commune retraite la pauvreté, les jeûnes, les veilles, les oraisons 3. Là, « toujours belles, toujours jeunes aux yeux du Seigneur, elles vivent pour lui, elles s'entretiennent familièrement avec lui, elles le possèdent nuit et jour, lui faisant de leurs prières une dot, et recevant en échange la grâce de ce divin époux. Telles sur la terre que les anges dans le ciel, elles semblent associées dès à présent à la famille des esprits bienheureux 4. »
Voyez maintenant ces épouses : …
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3.Motus doceri gaudet Ionicos
Matura virgo, et fingitur artubus :
Jam nunc et incestos amores
De tenero meditatur ungui.(HOR., III, od. VI.)
1. Tac., .Ann., 1. XIV, c. XI. — 2. Id.t ibid., c. XII. — 1.Tertull., De cultu fœmin. — 2. Nunc certè si pergas in desertum Ægypti , quovis paradiso praestantiorem solitudinem invenies, sexcentos angelorum choros humanà figurà, martyrum populos, cœtus virginum, solutam diaboli tyrannidem, Christi autem regnum coruscans. — (S. J. Chrys. in Matth., hom. VIII.) — 3. Ce sont les vierges ascètes. « Dans les premiers temps, ces vierges demeuraient chez leurs parents, ou vivaient en leur particulier, deux ou trois ensemble, ne sortant que pour aller à l'église, où elles avaient leur place réservée. » (Fleury, Moeurs des chrét., XXVI.) — 4. Tertull., Ad uxorem, l.1.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VII. Les premières femmes chrétiennes : vierges, épouses, veuves, diaconesses.(suite)
Voyez maintenant ces épouses : pour appartenir davantage à la terre, elles n'en portent pas moins sur leur front la marque d'une éminente dignité. Mariées peut-être avant d'avoir été reçues dans la communion des saints, ont-elles le malheur de vivre avec des époux infidèles? elles ne les abandonnent pas, mais les sanctifient par leur foi, les attachent par leur tendresse, les édifient par leurs vertus : Que savent-elles si elles ne les convertiront pas 5?
Ont-elles, au contraire, le bonheur de vivre avec des maris fidèles, dans une union indissoluble, dont la religion a serré les nœuds, à laquelle la bénédiction du ciel a mis le sceau? quel noble état alors ! quelle pure félicité !« Voyez-les ces fidèles qui portent ensemble le même joug; ils ne sont qu'une chair et qu'un esprit. Réunis dans une même espérance, dans un même vœu, dans une même règle de conduite, ils se prosternent ensemble, ils chantent ensemble les pieux cantiques, et s'excitent réciproquement à louer Dieu. Leur vie est une exhortation et un support mutuel. Vous les trouvez de compagnie à l'église et à la table sainte. Entre eux tout est commun, les sollicitudes et les persécutions, les joies et Ses plaisirs. Nul secret, confiance égale, empressements réciproques ; ils ne se cachent rien et ne s'incommodent point. Ils n'ont d'autre jalousie que de rivaliser à qui des deux servira mieux le Seigneur. Tels sont les mariages qui font la joie de Jésus-Christ, » ceux à qui il donne sa paix 1. »
Que si, par une dernière bénédiction, il accorde à ces femmes chrétiennes le bonheur de revivre dans leurs enfants, de quelle vénération ne seront-elles pas entourées par des fils qu’elles auront enfantés deux fois, et en leur donnant la vie terrestre, et en les élevant pour le ciel ! Voulez-vous savoir quel respect s'attache alors à leur caractère, la mesure de leur empire, ou seulement la puissance de leurs larmes? Demandez-le à la mère de saint Jean Chrysostome 2, ou à celle de saint Augustin 3
Mais peut-être une séparation prématurée viendra-t-elle les enlever à l'amour de leur époux; Dieu les réserve peut-être aux tristesses et aux peines du veuvage. Plaignez leur douleur, mais non pas leur changement d'état; elles quittent une condition honorée pour une condition qui peut être plus honorable encore. Si elles se refusent (et beaucoup se refusent) à l'expérience des secondes noces, permises toutefois à la faiblesse 4, c'est pour vivre désormais comme des vierges, sans renoncer à tous les avantages des épouses; plus libres que les épouses pour les exercices de la vie intérieure, plus libres que les vierges pour les œuvres extérieures de la charité.
Les veuves, dans l'histoire de la primitive église, forment une classe nouvelle et distincte, miraculeusement créée par le christianisme et privilégiée à son profit. Ces diaconesses, qui reçoivent l'imposition des mains et qui sont comptées entre le clergé 5, c'est parmi les veuves qu'elles sont prises 1 ; et quand, par exception, cette charge est donnée à des vierges, les vierges reçoivent aussi le nom de veuves 2, comme si leur dignité devait s'en trouver accrue.
Vierges, épouses ou veuves…
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5. B. Paul, apost., ad Corinth., I, c. VII. — 1.Tertull., Ad uxorem. — 2. S. J. Chrys., de Sacerd., l. I, v. — 3. S. Aug., Conf. — 4. Les secondes noces étaient permises, mais regardées comme une faiblesse, et en quelques églises on menait en pénitence ceux qui se remariaient. (Fleury, Mœurs des chrétiens.) — Quelques chrétiens plus rigides les excommuniaient, et il fallut que les évêques condamnassent cette morale outrée. — 5. Fleury, Mœurs des chrétiens. — 1. Id.,ibid. « On choisissait pour diaconesses les veuves les plus âgées; c'était toujours les plus sages et les plus éprouvées par les œuvres de charité. Leur charge était de visiter les personnes de leur sexe que la pauvreté, la maladie ou quelque autre misère rendait dignes des soins de l'église. Elles instruisaient celles qui étaient catéchumènes ou du moins leur répétaient les instructions du catéchisme ; elles les présentaient au baptême, leur aidaient à se déshabiller et à se revêtir, afin que les prêtres ne les vissent pas dans un état indécent. Elles conduisaient ensuite les nouvelles baptisées pendant quelque temps pour les dresser à la vie chrétienne. Dans l'église, elles gardaient les portes du côté des femmes, et avaient soin que chacune fût placée en son rang, et observât le silence et la modestie. Les diaconesses rendaient compte de toutes leurs fonctions à l'évêque, et par son ordre aux prêtres ou aux diacres. » — 2. Id.,ibid.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VII. Vie de charité et d'apostolat couronnée par le martyre.
Vierges, épouses ou veuves, toutes s'emploient d'ailleurs, avec plus ou moins de dévouement, à ces œuvres de charité qui sont pour elles un besoin. La charité, en effet, c'est l'apanage et la gloire de la femme chrétienne; c'est là ce qui la rehausse; c'est là ce qui la met sur le même rang que l'homme, en l'arrachant aux frivolités et à la tyrannie des passions mauvaises, pour lui donner sa part d'action dans le monde, et lui créer une puissance égale à ses bienfaits.
La femme chrétienne est libre, mais autrement que la femme païenne ; elle est libre pour le bien. Aussi sa liberté n'est-elle jamais oisive ni livrée aux vanités; on ne la voit pas couvrir sa tête d'émeraudes, parer son corps de bandelettes, charger ses mains de riches bracelets : ces riches ornements ne conviennent pas à qui doit braver la persécution. « Des mains accoutumées à porter des bracelets seraient-elles capables de porter le poids des chaînes ? des membres parés de bandelettes pourraient-ils soutenir la torture? une tête couverte de pierres précieuses consentirait-elle à » livrer passage au tranchant de l'épée 3? »
Ce n'est point, comme dit l'apôtre 4, d'or, de perles, ni de vêtements précieux qu'une femme chrétienne doit se parer, mais de ce qui est bienséant à sa piété, c'est-à-dire de modestie, de chasteté, de pudeur. Vous ne la verrez pas non plus dans les fêtes, dans les banquets, dans les spectacles : elle ne connaît d'autres fêtes que les solennités de l'église, d'autres banquets que la table du Seigneur, et ces agapes fraternelles dont la simplicité égale l'innocence; quant aux spectacles des gentils, si elle y paraît jamais, ce ne sera pas comme spectatrice, mais comme victime d'une féroce curiosité.
Voulez-vous savoir où vous la trouverez sûrement, toutes les fois qu'elle ne sera pas chez elle à prier ou à travailler, à s'occuper de son époux ou de ses enfants? Cherchez-la dans les réunions des fidèles, dans la maison des pauvres, dans les prisons et les cachots : elle ne sort que pour assister au saint sacrifice, entendre la parole de Dieu, secourir les indigents ou les malades, visiter les frères captifs, laver leurs pieds, panser leurs plaies, baiser leurs fers, bénir leur martyre 1. Pour vaquer à ces œuvres de piété et de miséricorde, l'épouse s'arrache à la couche nuptiale, la riche veuve à toutes les séductions d'un monde qui la convie inutilement à ses voluptés.
A l'administration de la charité s'ajoutent les services de l'apostolat…
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3. Tertull., De cultu fœmin., 1. II. — 4. Epist. ad Timoth., I, c. II, 9-10. — 1. Tertull. passim. — Epist. ad Timoth.., l., c. v, 10.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VII. Vie de charité et d'apostolat couronnée par le martyre.(suite)
A l'administration de la charité s'ajoutent les services de l'apostolat. La femme est un apôtre qui propage l'Évangile et travaille activement à la conversion des infidèles, non qu'elle ait reçu le ministère de la prédication publique, ni qu'elle puisse élever la voix dans les assemblées; dans les assemblées, la modestie de son sexe lui fait une loi du silence, et si elle vient à oublier ce devoir, l'apôtre le lui rappellera 2 ; mais c'est l'autorité des docteurs qui lui est refusée, ce n'est pas le droit de transmettre la doctrine.
Au défaut de l’enseignement public, l'enseignement privé lui est permis : elle l'exerce par la parole et par l'exemple auprès de ses enfants qu'elle instruit 3, auprès d'un mari païen qu'elle éclaire, auprès des étrangers mêmes qu'elle édifie. Une pieuse confidence versée dans le sein d'un ami, un mot d'une vertu magique soufflé à l'oreille d'un malade ou d'un pauvre, et moins encore qu'un mot, le témoignage muet et éloquent des actions, l'ascendant de la vertu et de la foi, c'en est assez quelquefois pour conquérir une âme à Dieu.
Cependant sa mission apostolique s'étend plus loin : elle lui fait entreprendre des courses et des voyages, affronter des fatigues et des périls, pour aller, à la suite des apôtres, comme les saintes femmes à la suite de Jésus-Christ, servir, évangéliser, prêcher même, ou du moins catéchiser sous leur direction 4.
On l'a dit avec vérité : « La femme protégée par le christianisme le protège à son tour 1 » C'est une dette éternelle qu'elle a contractée envers lui, et qu'elle n'a jamais cessé d'acquitter; son rôle est immense dans toute l'histoire évangélique, dans toutes les conquêtes de la foi sur les individus et sur les nations; mais peut-être la Providence n'a-t-elle jamais rendu plus manifeste que dans ces premiers siècles l'instrument de conversion dont il lui plaisait de se servir. Nous entendons les païens reprocher à la nouvelle religion de s'appuyer principalement sur des femmes crédules et ignorantes 2. C'est qu'en effet ces femmes ignorantes enseignent les savants, ces femmes crédules forcent les philosophes à croire. Serait-ce pour cette raison qu'au temps de saint Jean Chrysostome elles suspendaient à leur cou de petits évangiles appelés phylactères, et les portaient partout où elles allaient, comme pour témoigner qu'elles avaient aussi mission de propager la parole de Dieu 3?
Mais nous n'avons dit encore que la moindre gloire des premières femmes chrétiennes; nous n'avons encore signalé que le moindre titre à la reconnaissance et à l'admiration du monde chrétien. Ce n'est pas seulement par la prière, par les bonnes œuvres, par l'apostolat qu'elles confessent et enseignent Jésus-Christ : c'est encore par le plus généreux des sacrifices, par le plus sublime des témoignages, c'est par le sang, c'est par le martyre. Dans cette armée du Christ qui n'est point partagée suivant la diversité des sexes, les femmes aussi peuvent revêtir la cuirasse, opposer te bouclier, lancer le javelot 1.
A peine la guerre est-elle déclarée contre l'Église…
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2. Epist. ad Corinth., I, c. XIV, 34. — 3. Epist. ad Timoth., l. c. v, 10. — 4.. Note de Louis : Cette note de bas de page est en latin. Sur demande, nous la reproduirons ici. Bien à vous. — 1. De Maistre, Éclaircissements sur les Sacrifices. L'auteur ajoute : « On serait tenté de croire que cette influence tient à quelque affinité secrète, à quelque loi naturelle. Le salut commence par une femme annoncée depuis l'origine des choses. Dans toute l'histoire évangélique, les femmes jouent un rôle très-remarquable, et dans toutes les conquêtes du christianisme, faites tant sur les individus que sur les nations, on voit toujours figurer une femme. » — 2. Mulieribus credulis, mulierculas imperitas. — 3. S. J. Chrys., hom. XIX, ad pop. Antioch. — Ces petits livres s'appelaient phylactères ( phylacteria, sive conservatoria), parce qu'ils avaient pour but de rappeler la parole de Dieu à ceux qui les portaient. Il avait été ordonné aux juifs d'en porter de semblables pour conserver la mémoire des anciens miracles, et nous lisons dans saint Mathieu (ch. XXIII, 5), que les Pharisiens, qui faisaient toutes leurs œuvres pour être vus des hommes, les avaient de la plus grande dimension (dilatant sua phylacteria).— 1. « ... Possunt et fœminae induere loricam, ac clypeum opponere, telumque jaculare, quùm martyrii tempore, tùm etiam alio, quod ingentem in fiduciam requirat. » (S. J. Chrys., in Sanct. Bahaamum, mart.)
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VII. Vie de charité et d'apostolat couronnée par le martyre.(suite)
A peine la guerre est-elle déclarée contre l'Église, qu'elles s'élancent, plus ardentes que des lions, pour combattre en héros et mourir en vainqueurs. « Dieu soit béni, s'écrie encore saint Jean Chrysostome, à la vue de ce nouveau prodige, Dieu soit béni ! La femme est intrépide contre la mort. La femme qui a introduit la mort dans le monde, c'est elle qui brise aujourd'hui cette arme antique du démon. Être faible, et de sa nature exposé à tous les outrages, elle est devenue elle-même une arme invincible entre les mains de Dieu. La femme est intrépide contre la mort. Qui n'admirerait avec stupéfaction? Que les gentils rougissent, que les juifs soient confondus, eux qui ne croient pas à la résurrection de Jésus-Christ; car, je le demande, quelle preuve plus grande de la résurrection, qu'une révolution aussi étonnante? La femme est intrépide contre la mort, contre la mort que les saints eux-mêmes trouvaient auparavant si formidable et si terrible 2 ! »
C'est ici que se manifeste surtout l'égalité nouvelle de l'homme et de la femme; les païens lui rendent hommage, car ils la reconnaissent devant le supplice et les bourreaux. Point d'épreuves qui soient épargnées à un sexe autrefois réputé faible, point d'épreuves que sa force virile ne surmonte. L'âge, le rang, la condition n'importent pas 3. Jeunes ou vieilles, nobles ou plébéiennes, libres ou esclaves, les épouses et les veuves, les vierges ou les pécheresses, toutes ont le courage de haïr leur vie pour s'assurer la vie éternelle 4.
Regardez cette pauvre femme chargée d'infirmités et d'années, tremblante, chancelante, appuyée sur un bâton 1; regardez cette jeune fille à peine entrée dans la vie, timide, délicate, élevée au sein de l'opulence. Sont-ce des athlètes méprisables quand elles entrent dans la lice pour triompher des fureurs d'un tyran. Qu'on ne se hâte pas de les livrer à la dent des bêtes pour abréger leur supplice ; qu'on les fasse passer d'abord par les tenailles et le feu ; qu'on les plonge toutes vives dans des chaudières bouillantes : elles souffriront tout comme sans douleur et avec joie.
Mais ce n'est pas assez pour elles d'épuiser toutes les souffrances physiques, il faut que les souffrances morales y mettent le comble pour mieux faire éclater leur vertu.
Cette veuve avait sept fils 2. Semblable à la mère des Machabées, elle les a tous vus périr, sous ses yeux, dans les plus horribles tourments, et non-seulement elle n'a pas fléchi, mais étouffant dans son cœur les instincts de son amour maternel, elle a eu le courage d'exhorter ses fils à bien mourir, à combattre généreusement pour leurs âmes, en levant les yeux vers le ciel où Jésus-Christ les attendait. Couronnée la dernière, elle ne quitte l'arène qu'après les en avoir vus sortir victorieux.
Cette jeune vierge possédait un bien supérieur à la vie, supérieur à tous les biens de la terre; un raffinement de cruauté barbare veut, avant de lui arracher la vie, la dépouiller de ce bien précieux. Elle si pure, elle si innocente, elle dont la pudeur craintive s'effarouche d'un regard, on la menace des lieux infâmes et du déshonneur! Elle prie alors, elle prie et supplie avec larmes pour conserver, non pas la vie, mais la pureté. Ne croyez pas cependant qu'elle fasse même à sa pudeur le sacrifice de sa foi : elle aimera mieux, s'il le faut, s'envelopper de sa foi et de sa pudeur, pour souffrir la violence en lui résistant, chaste en dépit des passions brutales qui voudraient et qui ne peuvent la souiller 3.
Tournez maintenant les yeux vers cette autre…
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2. S. J. Chrys., de SS. Bernice et Prodosce, virg. — 3. Quam igitur excusationem poterunt sperare viri, cùm fortiter ac viriliter se gerant mulieres? cùm adeò generosè ad certamina pietatis se accingant? Nam neque sexus, neque ætas, neque aliud quidquam potest impedimentum objicere, si adsit alacritas animi et zelus et ardens fides. » (S. J. Chrys., de Droside, mart.) — 4. Joan., c. XII, 25. — 1. Videres mulierem trementem, vetulam, baculo egentem, in certamen ingressam, tyranni furorem prosternere. (S. J. Chrys., de Maccabæis , I.) — 2. Sainte Félicité, dame romaine qui fut martyrisée sons Marc-Aurèle, vers l'an 164 (Martyrologe, 23 novembre). La même victoire avait été remportée, trente-cinq ans auparavant, sous Adrien, par une autre dame romaine, nommée Symphorose, également mère de sept fils. (Martyrologe, 15 avril.) — 3. La violence que l'on souffre ne fait perdre ni la chasteté de l'âme, ni la sainteté du corps. — Un criminel attentat ne saurait enlever à l'âme la chasteté qu'elle embrasse; il ne fait que soulever en elle la pudeur. — Le corps lui-même est sanctifié par l'usage d'une volonté sainte; tant que la volonté demeure ferme et constante, quoi qu'il arrive du corps ou au corps, si l'on ne peut fuir sans pécher, on est innocent de ce que l'on souffre. (S. Aug., Cité de Dieu, l.1, ch. XVI-XVIII.)
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VII. Vie de charité et d'apostolat couronnée par le martyre.(suite)
Tournez maintenant les yeux vers cette autre martyre 1 : celle-ci est une jeune mère qui vient de recevoir le baptême, au grand désespoir de ses parents, presque tous païens; on l'a jetée dans un cachot, avec son enfant à la mamelle. Son vieux père accourt, et la conjure, par ses cheveux blancs, au nom d'une mère qu'elle aime, au nom de ce fils pour qui elle sèche d'inquiétude, d'abjurer son erreur et de sacrifier aux dieux. « Cessez de m'affliger, dit-elle avec émotion, je suis chrétienne. »
Ce pauvre père se prosterne à ses pieds, lui baise les mains en pleurant, l'appelle non plus sa fille, mais sa dame; puis après avoir prié, il s'irrite, il s'emporte, pour s'apaiser, s'attendrir et prier de nouveau. Je suis chrétienne, répète sa fille avec une douloureuse, mais ferme résolution. Le jour de l'interrogatoire, le vieillard revient avec l'enfant, qu'elle a dû renoncer à nourrir; il monte avec lui sur l'échafaud, il le lui présente pour qu'elle en ait pitié.
Oh ! qui dira les angoisses de la mère, à la vue de ce fils que sa mort va tuer peut-être, dont elle va peut-être livrer l'âme aux ennemis de sa foi? Cependant le vieillard s'arrache la barbe, se jette la face contre terre, maudit ses années, laisse échapper les plaintes les plus déchirantes. Importunés de ses instances, les bourreaux le chassent en le frappant.
Oh! qui dira les tortures de la fille qui voit outrager, à cause d'elle, la vieillesse de ce père infortuné? Elle triomphe cependant, par un sublime effort, et de l'amour maternel et de l'amour filial : « Je suis chrétienne ! » s'écrie-t-elle une dernière fois. Et maintenant, elle n'a plus qu'à marcher de la prison à l'amphithéâtre; elle en sortira comme pour le ciel en chantant sa victoire, et après avoir soutenu sans trembler l'assaut d'une bête furieuse, elle conduira elle-même à sa gorge la main tremblante du gladiateur chargé de l'achever.
Mais quelle est cette compagne de son martyre et de son triomphe? Quelle est celle à qui elle tend sa main, comme à une sœur, au milieu de l'arène où leur sang vient de se mêler ? C'est une esclave 1. Une esclave sur le rang de cette noble femme ! Une esclave à la hauteur de son héroïsme ! Oui, car celle-ci était mère également; grosse de huit mois, et voyant approcher le jour du spectacle , elle a craint que son état ne fît différer le martyre après lequel elle soupirait; mais elle a prié, tous ses compagnons de captivité ont prié avec elle, et délivrée avant le temps par une faveur du ciel, elle n'a donné qu'un baiser à son enfant, avant d'aller mourir. N'est-il pas évident que toute servitude est abolie? n'est-il pas clair que toutes les distinctions humaines s'effacent devant ces grands exemples d'égalité dans la vertu? La femme esclave se connaît maintenant; elle sait qu'elle est libre, car elle sait qu'elle est enfant de Dieu. Qu'un maître veuille l'avilir et la forcer, au nom du droit qu'il se croit sur elle, de consentir à sa propre infamie : elle lui prouvera qu'il s'abuse, en osant lui désobéir.
Vous avez compris votre dignité, vous, jeune esclave…
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1. Sainte Perpétue (Vivia Perpetua), victime de la persécution exercée en Afrique sous le règne de Sévère. Il faut lire, dans les Acta sincera, le récit qu'elle fait elle-même de ses tentations.— Voir aussi l'Université Catholique (mai 1844) : les Femmes martyres, tome XVII, p. 385. — 1. Sainte Félicité. Il ne faut pas la confondre avec celle qui souffrit le martyre sous Marc-Aurèle après ses sept enfants. Le nom de celle dont il s'agit ici est toujours associé à celui de Perpétue. Voir les Acta sincera, et aussi l'Univ. Cath. (mai 1844): les Femmes martyres, tome XVII , p. 387.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VII. Vie de charité et d'apostolat couronnée par le martyre.(suite)
Vous avez compris votre dignité, vous, jeune esclave égyptienne 2 qui, plutôt que de subir l'outrage d'une passion brutale, vous êtes plongée lentement dans la chaudière de poix bouillante, en faisant respecter votre pudeur jusque dans les plus affreux tourments.
Vous l'avez comprise aussi, vous, noble Gauloise, vous, Blandine, dont le nom, si cher à notre pays et à notre foi, brille dans le martyrologe à côté du nom de saint Pothin! Blandine était une pauvre esclave, si faible, si chétive de corps, que les chrétiens, ses compagnons, et sa maîtresse temporelle elle-même, craignaient qu'elle n'eût pas la force de confesser librement; mais Jésus-Christ voulait montrer par elle, comme le dit la lettre où est écrit son martyre 3 que les créatures viles et méprisées des hommes sont celles que Dieu se plaît à combler d'honneur quand elles font preuve envers lui de cette charité excellente qui éclate par la force de la vertu.
Blandine ne souffrit pas seulement avec courage, elle lassa ses bourreaux, comme cette mère qui, après avoir encouragé ses fils à combattre vaillamment, et les avoir envoyés devant elle vers le Roi, juge de leur valeur, et prix de leur victoire, eut à passer et repasser, pour aller les rejoindre, par toute la carrière d'épreuves qu'ils avaient traversée, la bienheureuse Blandine ne fut couronnée que la dernière 1. Le fouet, les lames ardentes, la croix, les bêtes, la chaise de fer, le filet, elle épuisa tous les genres de supplice, et elle était prête à les chercher encore avec autant de joie que si elle fût allée à un banquet nuptial 2 quand elle expira enfin sous le glaive, forçant les païens de confesser que jamais femme n'avait tant souffert, ni avec tant de calme et d'énergie. Mais aussi quelle gloire, quelle auréole autour du front de la pauvre esclave! Tandis qu'attachée en croix à la potence, qu'on lui avait dressée comme un monument de servilité et d'infamie, elle louait et remerciait Dieu des souffrances qu'il lui permettait de supporter, ses compagnons, qui avaient les yeux fixés sur elle tout en combattant, virent clairement, sous l'image de leur sœur, Celui-là même qui est mort crucifié pour nous 3.
Est-il un signe plus sensible de l'affranchissement de la femme et de ses glorieuses destinées, de sa servitude abolie et de sa liberté reconquise? Je ne sais, mais…
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2. Potamienne, martyrisée en Égypte, dans le même temps que Félicité à Carthage. (Martyrologe, 28 Juin.) Voir Univers. Cath., ibid., p. 389. — 3. Episitola ecclesiarum Viennensis et Lugdunensis, de martyrio sancti Pothini episcopi et aliorum plurimorum, anno Cbristi 177. (Acta prim. sanctorum sincera et selecta Theodori Ruinart.) — 1. « Beata vero Blandina, omnium postrema, tanquam nobilis mater quæ filios ad fortiter pugnandum accenderat et victores ad regem præmiserat, eosdem certaminum cursus, quos filii confecerant, remetiens, ad eosdem iter properabat.....» (Epistol. ecclesiarum Viennensis et Lugd.) — 2. « De exitu suo læta et triumphans, prorsùs quasi ad nuptiale convivium invitata esset, non bestiis objecta esset. » (ibid.) — 3. « In crucis speciem suspensa, maximam alacritatem addebat certantibus objecta, quippè qui, in ipso certamine, sub sororis personà, corporeis oculis cernerent illum qui pro ipsorum salute crucifixus fuerat. » (ibid.)
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VII. Vie de charité et d'apostolat couronnée par le martyre.(suite)
Est-il un signe plus sensible de l'affranchissement de la femme et de ses glorieuses destinées, de sa servitude abolie et de sa liberté reconquise? Je ne sais, mais sa régénération morale se montre sous un autre emblème qui n'est pas moins touchant.
Au-dessous de l'esclave, au-dessous de la créature qui n'est qu'une chose aux yeux des païens, il y a bien bas, bien bas, dans la fange des vices, une femme plongée ou plutôt abîmée dans le mépris. C'est la femme perdue, c'est la pécheresse livrée à la débauche publique 4. Un jour, cette femme entend raconter la conversion de Madeleine; elle comprend, elle s'émeut, elle se demande si elle ne pourrait pas, elle aussi, mériter son pardon par la pénitence. La pensée de l'expiation est entrée dans son cœur; elle n'en sort plus. Bientôt la pécheresse peut dire aussi : « Je suis chrétienne, » et elle le dit au tribunal de la persécution. En vain le juge s'efforce-t-il de lui faire désavouer ce nom, en vain mêle-t-il l'insulte à la menace, en lui objectant sa propre infamie.
« Il est vrai, dit-elle, que je ne mérite pas un si beau nom, mais la miséricorde de Dieu a bien voulu me l'accorder. Il ne m'a pas rejetée de devant sa face, puisqu'il me permet de venir à la confession de son nom très-saint. Que ce corps donc, par lequel j'ai péché, reçoive divers tourments ! Pour mon âme, je ne la souillerai pas par les sacrifices des démons. »
Et, dépouillée de ses vêtements, levant les yeux au ciel et versant un torrent de larmes, elle s'écrie encore, tandis que le feu pétille, prêt à la dévorer :
« Seigneur, Dieu tout-puissant, seigneur Jésus, qui n'êtes pas venu appeler les justes à la pénitence, mais les pécheurs, qui avez promis, par votre parole inviolable, que, quelle que soit l'heure où le pécheur se convertisse, vous oublieriez ses péchés, recevez à cette heure l'expiation des miens par la souffrance, et par ce feu temporel préparé à mon corps, délivrez-moi des flammes éternelles qui brûlent le corps et l'âme. »
Cependant la flamme monte et l'embrasse : la pécheresse prie jusqu'au dernier soupir. Et maintenant, reçue dans les cieux, elle est honorée comme une sainte à l'égal des plus chastes et des plus pures, à l'égal des vierges martyres.
C'est ainsi que les femmes, et celles-là même qui étaient sorties des plus bas rangs, ou tombées jusqu'au dernier échelon de la dégradation morale, ajoutaient leur sacrifice au sacrifice de Jésus-Christ, pour sceller de leur sang le grand acte de leur rédemption. Mais en se rachetant elles-mêmes, elles rachetaient aussi le monde, car leur sang, plus éloquent que la parole, convertissait jusqu'à leurs bourreaux. Le monde ne pouvait tarder à leur payer le prix de ce dévouement; et les institutions allaient achever à leur profit l'heureuse révolution que les mœurs avaient commencée.J.-CH. DABAS._________________________________________________________
4. Sainte Affre (Martyrologe, 5 août). Voir l'Univ. Cath. (mai 1844): les Femmes martyres, tome XVII, p. 391.
A suivre: Article 8e.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VIII. Application des principes chrétiens à la condition civile et politique de la femme.
Un grand et merveilleux travail se fait dans la législation des peuples, quand un esprit nouveau, déjà répandu dans les mœurs, vient à souffler sur les lois pour en déplacer la base et pour en renouveler les principes. L'œuvre de rénovation ne s'accomplit pas en un jour : il faut des années, il faut souvent des siècles. C'est l'eau qui s'infiltre goutte à goutte dans le rocher; c'est l'édifice qu'on reconstruit pierre à pierre; c'est le bois qui se pétrifie par la succession du temps, et qui conserve encore sa forme après avoir changé sa substance. Ainsi s'opéra dans les lois du monde romain, puis dans celles du monde barbare et moderne, la transformation que le christianisme avait commencée dans les cœurs ; ainsi la femme, devenue chrétienne, recueillit peu à peu, dans l'ordre civil et politique, tous les fruits de son dévouement à la cause de Dieu et du genre humain.
C'est à Constantin, c'est-à-dire au premier empereur chrétien, qu'il faut rapporter l'honorable initiative de cette grande et salutaire réforme, c'était à lui qu'il appartenait d'abolir les restes de l'ancienne tutelle, et de proclamer le droit des femmes égal à celui des hommes dans tous les contrats 1. Il est vrai qu'en fait Constantin ne reconnaît pas encore à la femme toute l'étendue de ses droits naturels ; il laisse subsister plus d'une trace de sa longue dépendance et des privilèges acquis à l'autre sexe; mais enfin il pose et il applique, dans une certaine mesure, le principe large et fécond de l'égalité chrétienne : les conséquences en découleront.
Après deux siècles de travail, de réaction, de progrès, un autre empereur chrétien, Justinien, poursuivant l'œuvre de ses prédécesseurs, efface de ses compilations jusqu'au souvenir de l'antique asservissement; il crée tout un système de successions, où il n'est fait acception ni du sexe, ni de l'âge 2; il permet l'adoption aux femmes ; il accorde à la mère et à l'aïeule la tutelle légale de leurs enfants; de sorte que la femme n'est plus seulement affranchie des entraves de la tutelle, mais qu'elle l'exerce à son tour, à titre de protection, comme une charge virile qu'on n'estime plus au-dessus de ses forces ni de sa dignité.
L'application de la morale chrétienne à la loi civile du mariage ne devait pas être aussi prompte : il y avait dans ce vieux monde, encore païen, des vices et des abus si invétérés qu'on n'eût pu songer, sans imprudence, à les en extirper tout d'un coup. De ce nombre étaient l'esclavage, le concubinat et le divorce. De même que le christianisme n'a pu briser les chaînes de l'esclave dès le premier jour, ce n'est pas non plus dès le premier jour qu'il a pu former et river indissolublement celles du mariage. Les vieilles coutumes résistèrent, et ne se retirèrent que pas à pas devant les progrès de la civilisation religieuse 1. Constantin, Justinien, tous les empereurs intermédiaires furent obligés de compter et de composer avec elles.
Ils n'abolirent point…
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1. In omnibus contractionibus tale habeant quale viros. — L. unic, C. Theod. — 2. Constantin avait déjà reconnu aux mères le droit de prendre part à la succession de leurs enfants; mais c'était avec une sorte de timidité, et tout en respectant le préjugé de l'agnation. Justinien investit les femmes des droits de succession les plus étendus, sans distinction de parenté masculine et de parenté féminine. — 1. M. de Bonald en fait la remarque dans son livre Du Divorce, p. 170.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VIII. Application des principes chrétiens
à la condition civile et politique de la femme.(suite)
Ils n'abolirent point le concubinat qui avait pris une extension immense; mais ils l'attaquèrent, en y substituant, autant qu'ils purent, le mariage légal; ils cherchèrent à l'atteindre dans les droits des enfants naturels; ils l'interdirent absolument aux personnes élevées en dignité.
Ils n'abolirent pas le divorce, qui était profondément entré dans les mœurs; mais ils en restreignirent l'usage, ils en réglèrent les conditions, ils tentèrent même de l'intimider par des peines. Le divorce, il est vrai, disputa le terrain, et fit plus d'une fois reculer les législateurs 2; toutefois sa défaite était inévitable, et le triomphe des principes chrétiens assuré.
En attendant, les empereurs, annulant les lois politiques d'Auguste, rendaient au mariage la liberté et l'honneur, l'arrachaient au culte des intérêts pour le replacer sur la base des affections, étendaient son empire en proportion des conquêtes qu'ils permettaient au célibat. Ajoutons qu'ils en défendaient la pureté par leurs édits contre les noces incestueuses, et qu'ils en favorisaient la consécration, en introduisant la mention des solennités religieuses dans cette loi civile, qui devait, un peu plus tard, identifier l'union conjugale avec le sacrement 3.
Voilà ce que firent les empereurs, de Constantin à Justinien : le temps seul pouvait faire le reste; et d'autant plus, qu'après avoir combattu les vices du vieux monde, l'Église allait avoir à lutter contre ceux du monde nouveau. Déjà les barbares étaient venus mettre à une autre épreuve l'action civilisatrice de cet Évangile qui les convertissait. Avec toute leur vénération pour la femme, ils apportaient, comme nous l'avons dit, des coutumes et des intérêts peu favorables à son égalité civile ; avec des mœurs incontestablement meilleures que celles de l'ancienne Rome, ils avaient aussi des passions fougueuses et difficiles à dompter.
Comment appliquer le droit des Constantin et des Justinien à des conquérants qui…
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2. Lire, dans l'excellent ouvrage de M. Troplong, l'histoire de ce grand combat entre le droit civil de Rome et le christianisme : De l'Influence du Christianisme sur le droit civil des Romains, p. 905 et suiv. — 3. M. Troplong cite cette belle définition adoptée par les institutions coutumières : « Les mariages se font au ciel et se consomment sur la terre. »
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VIII. Application des principes chrétiens
à la condition civile et politique de la femme.(suite)
Comment appliquer le droit des Constantin et des Justinien à des conquérants qui, régnant par la force, n'estimaient que la force, et avaient besoin de partager la terre entre les braves capables de la défendre?
Comment assujétir à la sévérité du mariage chrétien, alors surtout que la conquête eut corrompu leur innocence, des hommes grossiers, qui, même en s'abstenant de la répudiation et de la polygamie, les avaient toujours regardées comme un droit ?
L'Église ne s'effraya pas des difficultés qu'elle avait à vaincre : elle opposa une action douce et patiente à la dureté du droit germanique 1, une répression vigoureuse aux passions brutale des chefs et des rois 2.
Qu'arriva-t-il?
C'est que les barbares passèrent, que les institutions germaniques passèrent, et que l'égalité civile de l'homme et de la femme finirent par s'établir avec les conditions du mariage chrétien. L'œuvre admirable de Justinien a traversé le moyen âge et la féodalité pour revivre dans notre code, et les lois françaises ont ajouté au système des successions celui de la communauté des biens entre les époux 3. L'unité et l'indissolubilité du lien conjugal, vengées par le pouvoir spirituel de tous les outrages, sont devenues les règles de la législation civile du mariage, et les emprunts faits au droit canonique les ont fortifiées encore par de solides garanties 4.
Tels sont aujourd'hui les principes élémentaires des législations écloses sous l'influence du christianisme, et qui ont gardé son inspiration. Elles ont pour base l'égalité, non pas une égalité absolue et chimérique, mais l'égalité chrétienne, cette égalité raisonnable qui n'exclut pas tout commandement et toute obéissance, qui connaît des droits et des devoirs marqués par la nature, qui n'a détruit l'antique puissance maritale que pour substituer à sa tyrannie et à ses violences un autre pouvoir modéré, protecteur, affectueux, inséparable du lien conjugal et inaltérable comme lui 5.
Ce n'était pas assez que la condition civile de la femme fût changée :
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1. On peut suivre les progrès de cette action dans les savantes Recherches de M. Ed. Laboulaye sur la condition civile et politique des femmes depuis les Romains jusqu’à nos jours. C'est à ce livre et à celui de M. Troplong que nous renvoyons nos lecteurs, pour les développements qu'en cette matière notre ignorance nous interdirait, si notre cadre pouvait les comporter. — 2. On connaît assez les censures dont les papes ont frappé les désordres des rois francs jusque dans la troisième race. « Le père des fidèles, dit M. de Donald (Du Divorce , p. 171), a fait courber la tête aux fiers Sicambres. » — 3. Montesquieu a dit avec raison, dans son Esprit des Lois, liv. VII, ch. 15 : « La communauté des biens introduite par les lois françaises entre le mari et la femme, et qui intéresse les femmes aux affaires domestiques, serait absurde dans un pays où les femmes elles-mêmes sont une partie de la propriété du maître. » — 4. Est-il besoin de rappeler ce que les conciles, et surtout celui de Trente, ont fait pour assurer la publicité du mariage et flétrir la clandestinité? — 5. M. Troplong, p. 320.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.VIII. Du rôle que le christianisme fait jouer à la femme
dans le gouvernement des empires, dans la lutte contre les hérésies,
dans l'œuvre de la conversion des barbares et du salut temporel des peuples.
Ce n'était pas assez que la condition civile de la femme fût changée : cette révolution devait avoir son contre-coup dans l'ordre politique et social. L'histoire est ici le glorieux commentaire des codes, et nous apprend que, si la femme est plus généralement destinée à la vie domestique, elle peut aussi, sous une loi qui l'élève , aspirer plus haut, figurer avec éclat sur la scène du monde, y jouer même assez souvent un rôle que la plupart des hommes ne soutiendraient pas.
A partir de Constantin, nous voyons un grand nombre de femmes siéger honorablement à côté des princes et sur les trônes, où elles font briller de mâles, d'héroïques vertus. L'antiquité, sans doute, en avait offert quelques exemples; mais ils avaient été rares, exceptionnels, inouïs chez certains peuples, tels que le peuple romain. Sous les Césars seulement, et surtout sous les Césars africains et syriens 1, plusieurs femmes avaient joui d'une influence incontestable; mais c'était subrepticement, par voie d'intrigue, au grand scandale d'un sénat, pourtant bien avili 2.
Au contraire, après Constantin, c'est ouvertement, directement, que cet empire est exercé. On voit alors une vierge chrétienne 3, porter, à quinze ans, le double fardeau d'une tutelle et d'une régence impériale ; on la voit recueillir, administrer en son nom l'héritage des Théodose; et, tandis qu'elle remplit l'Orient de son génie et de ses vertus, une autre femme, mère et tutrice d'un autre empereur 4, après avoir, par un acte de dévouement, arraché l'Occident des mains des barbares, le gouverne et le maintient, malgré les rivalités de ses généraux, au milieu des plus formidables invasions qui furent jamais.
Ici, ce sont les lettres, les sciences, l'éloquence, qui font une impératrice 5; là c'est l'audace et l'esprit d'aventure qui travaillent à en faire une autre 6.
Partout la femme est mêlée au gouvernement du monde, et presque partout elle est à la hauteur de sa nouvelle ambition.
Est-ce à dire qu'on ne doit plus désormais contester ou limiter sa capacité politique? Non, car l'histoire démentirait le fait, et la raison pourrait débattre le droit. Mais désormais la femme aura sa part de la puissance publique, la plupart des nations chrétiennes la lui feront belle et grande; celles même qui la régleront avec le plus de jalousie ne voudront pas la lui ravir tout à fait : dans notre France, où l'ancien droit germanique a fait prévaloir ce principe, que le royaume ne peut tomber en quenouille, les femmes ont conservé jusqu'à nos jours le droit de régence, et nous voyons un de nos plus grands rois, en partant pour la croisade, confier à la sagesse éprouvée de sa mère les intérêts de sa couronne et le gouvernement de ses États.
Un pouvoir que l'on ne conteste pas à la femme chrétienne…
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1. M. Troplong en a fait avec raison la remarque, p. 300,301. — 2. Voir ce que nous avons dit, au commencement de notre 4e article (note de Louis : voir la dernière note au bas de ce 4e article.), du sénatus-consulte rendu après le meurtre de Sémiamira. — 3. Pulchérie, fille d'Arcade, sœur, tutrice et successeur de Théodose-le-Jeune. — 4. Placidie, mère de Valentinien III. On sait comment elle avait sauvé, en épousant Ataulf, Rome, l'empire et la catholicité. On connaît aussi les querelles du patrice Aétius et du comte Boniface, la conquête de l'Afrique par les Vandales, etc. — 5. La célèbre Athénaïs, ou Eudoxie, que Pulchérie fit épouser à son frère Théodose. — 6. Honoria, fille du comte Constance et de Placidie, qui, après avoir osé offrir sa main à Attila, invita le barbare à la réclamer avec la moitié de l'empire pour dot.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
. VIII. Du rôle que le christianisme fait jouer à la femme
dans le gouvernement des empires, dans la lutte contre les hérésies,
dans l'œuvre de la conversion des barbares et du salut temporel des peuples.(suite)
Un pouvoir que l'on ne conteste pas à la femme chrétienne, est celui de son influence sociale ; c'est par là qu'elle règne, c'est par là qu'elle pèse d'un si grand poids dans la balance de nos destinées. Qui dira ce qu'elle a fait pour le monde dans l'ordre spirituel et dans l'ordre temporel, ce qu'elle a fait pour la foi et pour le salut des peuples, ce qu'elle a fait pour les mœurs et la civilisation ?
A peine a-t-elle cessé de mêler son sang à celui des martyrs, pour cimenter l'établissement de Jésus-Christ, que déjà la religion réclame de nouveaux services : le temps des grandes persécutions est passé, mais celui des hérésies commence 1. Où les hérésies trouveront-elles leurs vainqueurs? Parmi les saints évêques, que de saintes mères auront formés. Tous, en effet, sont élevés par des saintes 2; ce sont elles qui les préparent à ces luttes, et qui remportent la victoire par la vertu de leurs athlètes. Mais des triomphes plus éclatants s'apprêtent : les barbares menacent d'anéantir le monde que Dieu les destine à régénérer ; tout est perdu s'ils restent païens, tout est sauvé s'ils se convertissent au christianisme. Instrument glorieux de la Providence, la femme chrétienne apparaît partout où il y a des barbares, pour les convertir. Pas un peuple qui n'ait sa Clotilde, depuis les Francs jusqu'aux Bulgares 1 ; pas un peuple du moins dont l'apôtre n'ait une femme pour auxiliaire 2 ; elle-même est deux fois apôtre : après avoir exercé son apostolat dans la Camille, elle l'exerce sur les nations.
Et la femme n'est pas seulement l'instrument du salut spirituel des peuples…
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1. M. Rodière, professeur à la Faculté de droit de Toulouse, a fait imprimer sous ce livre, les Femmes chrétiennes, un petit livre que nous recommandons comme digne de l'écrivain distingué et plein de foi qui nous avait déjà donné les Saints et leur siècle. Il divise avec raison cet ouvrage en cinq grandes périodes, dont la première s'étend de Jésus-Christ à Constantin : elle fait connaître les femmes martyres ; la seconde, de Constantin au concile général de Chalcédoine : elle montre les femmes contribuant à l'extinction des grandes hérésies; la troisième, du concile de Chalcédoine à la première croisade : elle indique la part qu'elles ont prise à la conversion des barbares ; la quatrième, de la première croisade à Luther : elle signale le rôle qu'elles ont joué au temps des croisades et de la chevalerie ; la cinquième, de Luther à nos jours : elle explique la mission qu'elles ont remplie dans nos temps d'indifférence et d'incrédulité.
— 2. Après avoir fait remarquer que saint Grégoire de Nazianze eut pour mère sainte Nonne, et pour sœur sainte Gorgonie ; que saint Basile-le-Grand et saint Grégoire de Nysse eurent pour mère sainte Emmélie, et pour sœur sainte Macrine; que la pieuse Anthuse a donné à l'Église saint Jean Chrysostome, et sainte Monique, saint Augustin, ce fils de ses larmes; que saint Ambroise fut élevé par sa sœur sainte Marcelline, saint Grégoire-le-Grand par sa mère sainte Sylvie, et saint Bernard par sa mère Alix, M. Rodière cite un mandement de carême de Mgr l'archevêque de Bordeaux, qui, prenant pour sujet l’éducation de famille, exprime avec honneur la puissance de cette influence maternelle sur le caractère et le génie spécial de chaque individu : « C'est ainsi que la belle âme de saint Louis sort de la reine Blanche comme une douce et radieuse fleur d'une tige odorante et bénie. On dit que la mère de Bossuet avait l'âme grande, l'esprit élevé, les mœurs austères ; celle de Fénelon portait en elle un trésor inépuisable de douceur et de miséricorde, et la mère de Vincent de Paul dut être, dans l'obscurité de son humble condition, une de ces femmes bonnes et gracieuses, à l'âme pieuse, au cœur aimant, qui ne peuvent demeurer étrangères à aucun dévouement. Un historien a prêté à l'homme qui a été comme la personnification de la gloire dans les derniers temps, ce mot qui étonne dans sa bouche : L'avenir d'un enfant est toujours l'ouvrage de sa mère. »
— 1. Voir, à ce sujet, le savant chapitre de M. Rodière qui suit ce travail de conversion chez les Ibériens, les Francs, les Anglo-Saxons, les Allemands, les Slaves, les Bulgares, les Normands, les Moscovites et les Hongrois.
— 2. C'est ainsi que le moine Augustin, en Angleterre, trouve un appui dans la piété de Berthe, femme d'Ethelbert, et que saint Boniface emploie à la conversion de l'Allemagne le zèle de sainte Liobe, de sainte Thècle, de sainte Walburge, etc.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
. VIII. Du rôle que le christianisme fait jouer à la femme
dans le gouvernement des empires, dans la lutte contre les hérésies,
dans l'œuvre de la conversion des barbares et du salut temporel des peuples.(suite)
Et la femme n'est pas seulement l'instrument du salut spirituel des peuples, elle l'est aussi de leur salut temporel. Nous rappelions tout à l'heure le généreux dévouement de Placidie, conjurant, ou du moins retardant la ruine d'un grand empire; mais, sans aller chercher si loin nos exemples, qui a sauvé notre Gaule et notre France elle-même dans leurs plus grands périls? Deux fois la patrie, frappée d'épouvantables désastres, s'est crue arriver à sa dernière heure : deux fois elle a trouvé dans une femme et dans une vierge le salut dont elle désespérait.
— Du sein de cette mer de barbares qui se précipitent sur l'Occident, comme des vagues poussées par des vagues, le fléau de Dieu s'élance; il brûle, il détruit, il saccage. Les Gaules sont dévastées, et Paris va l'être; tout s'abîme dans la consternation. Alors une pauvre bergère, une sainte fille consacrée au Seigneur, élève ses mains au ciel; elle prie, et Paris est délivré;
— plus tard, la Gaule s'est transformée, l'empire de sainte Geneviève est devenu le royaume de saint Louis, et il a grandi sous l'aile de l'Église; mais voici que des revers déplorables ont introduit l'étranger au cœur du pays. La France va devenir anglaise, si Dieu ne lui envoie un sauveur; il en suscite un, et c'est encore une bergère, encore une simple et pieuse fille qui sait prier. Inspirée par la foi qui nourrit son patriotisme, pleine d'une confiance inébranlable dans ses Voix et dans sa mission, c'est avec l'épée toujours pure de sainte Catherine, c'est avec sa blanche bannière, ornée des noms de Jésus et de Marie, que Jeanne chasse les Anglais et reconquiert la France. Héroïque jeune fille! il ne lui manquait plus, après le miracle de Reims, que d'expier par un martyre le triomphe magique de ses armes ! Dieu lui a donné cette gloire, et la patrie reconnaissante a inscrit en tête de son martyrologe le nom immortel de la Pucelle d'Orléans.
La femme aussi avait grandi de Geneviève à Jeanne-d'Arc, non qu'elle surpassât ni qu'elle pût surpasser ses modèles, toujours admirables, que le christianisme des premiers siècles avait offerts à son admiration, mais elle avait pris rang dans les nouvelles sociétés, elle y avait étendu son influence et son empire. Après l'établissement des états chrétiens, ce ne sont plus seulement des saintes, des femmes d'élite, de grandes âmes ou de grandes vertus qui commandent le respect du monde : c'est le sexe tout entier qui reçoit ses hommages; un moment arrive où l'on dirait que la femme est devenue la reine de la chrétienté.
Les croisades surtout travaillèrent à sa puissance…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
. VIII. De la part qu'elle prend aux croisades, et du rang que lui assignent le moyen âge et la chevalerie.
Les croisades surtout travaillèrent à sa puissance. On sait quel fut son rôle dans ces grandes entreprises, et comment elle en seconda l'inspiration. Excitant dans les cœurs un enthousiasme qu'elle partageait, tantôt elle prêchait la guerre sainte 1 et poussait les chevaliers à la conquête du sacré tombeau; tantôt, à la manière de ces femmes germaines dont parle Tacite, elle gourmandait les déserteurs et les forçait de retourner au combat 2 ; souvent elle s'enrôlait elle-même sous la bannière des croisés pour affronter avec eux les fatigues et les périls.
Des armées de femmes et d'enfants partirent, dans la première croisade; les autres expéditions entraînèrent des princesses et des reines qui ne voulurent pas quitter leurs époux 1. On voyait parmi les guerriers, des femmes armées de lances et montées sur des chevaux, fières de visage et plus hardies que des amazones, entrer dans la mêlée et disputer la victoire; on en voyait qui délivraient, avec des bâtons et des haches, les prisonniers faite par les infidèles 2, ou qui comblaient de leurs corps les fossés des villes assiégées 3. Une femme osa défendre la ville de Jérusalem contre Saladin 4. La nouveauté de ces spectacles surprenait fort les musulmans; mais ce qui les étonnait bien davantage, c'était la condescendance des chrétiens pour un sexe à leurs yeux frivole : ces hommes de la polygamie croyaient rêver, quand ils entendaient saint Louis, traitant de la reddition de Damiette, réserver le consentement de la reine, et déclarer que celle-ci étant sa dame, il ne pouvait rien faire sans son aveu 5.
Tel était cependant l'esprit de la chevalerie, de cette noble institution, née en grande partie sous l'influence du christianisme, et que les croisades développèrent. Chose merveilleuse ! au milieu des mœurs généralement si dures du moyen âge, la civilisation pousse une fleur précoce que la femme fait éclore et dont elle recueille le fruit. Les pèlerins armés se vouent à la défense des faibles, et la femme est au premier rang de ceux qu'ils protègent. Bientôt la protection accordée à la vierge et à la veuve devient exclusive, des ordres sont fondés, qui n'ont plus d'autre objet que de défendre envers et contre tous, non-seulement l'honneur et les biens, mais la louange et la renommée de toutes les dames ou demoiselles. L'homme se fait le fidèle de la femme. C'est elle qui l'inspire, et c'est elle qu'il sert. Elle est l'âme de sa vie héroïque; elle le voit combattre pour elle et sous ses yeux, dans des tournois dont il lui rapporte la gloire. Mon Dieu et ma dame! c'est le cri du chevalier.
Tandis que les chevaliers combattent pour elle, les troubadours la chantent; elle inspire la poésie aussi bien que la valeur, et partout les littératures modernes produiront des chefs-d'œuvre que cette nouvelle muse aura dictés. En attendant, troubadours et poètes fondent en son honneur un culte d'amour et de tendresse ; ils font brûler pour elle le doux encens de la galanterie. Heureux l'objet de tant d'hommages, si ce culte, toujours innocent, n'eût point fait tort à celui du ciel, si cet amour toujours pur et respectueux, si cette galanterie toujours honnête et discrète n'eût porté aucune atteinte à la sévérité des principes chrétiens. Mais la femme s'enivra de sa gloire : comme ces antiques Aurinie qu'adorait la superstition germanique, elle se laissa diviniser; elle souffrit qu'on la comparât, qu'on la préférât à Dieu lui-même, qu'on dressât, pour ainsi dire, son autel contre celui du Très-Haut 1. Elle en fut punie ; car un culte sacrilège est aussi un culte impur, et les passions les plus grossières étouffèrent l'amour dont il semblait l'expression.
Malgré ces abus…
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1. Trente ans après la mort de saint Louis, quand Boniface VIII voulut soulever encore une fois le monde chrétien contre les infidèles, les femmes de Gênes répondirent seules à son appel : elles offraient généreusement leurs biens, leurs bijoux et jusqu'à leurs personnes pour le service de Dieu. — 2. On raconte qu'Adèle, comtesse de Blois, fit honte à son mari d'avoir déserté la guerre sainte, et le força de reprendre la route de Jérusalem. — 1. Sans parler d'Éléonore de Guienne, femme de Louis VII, et de Bérengère de Navarre, femme de Richard Cœur-de-Lion, on se rappelle la digne épouse de saint Louis, Marguerite de Provence, et la conduite héroïque qu'elle tint à Damiette; on sait aussi qu'elle était accompagnée, dans celle expédition, des comtesses d'Artois et de Poitiers. — 2. Ce fut ainsi que le comte de Poitiers, frère du roi, fut délivré, après la malheureuse journée de la Massoure. — 3. Au siège de Ptolémaïs, une femme travaillait avec d'autres à combler un fossé. Percée d'une flèche, elle demanda, comme une grâce, à son mari, qu'il la jetât dans le fossé, afin que sa mort ne fût pas inutile au succès. — 4. C'était une femme nommée Marguerite, sœur d'un pauvre moine; abandonnée sur la route, elle revint en Europe, armée d'un casque et d'une fronde. — La Clorinde du Tasse n'est pas une fiction ; seulement Clorinde devait être chrétienne. — 5. Longtemps après saint Louis, les rois mêlaient à leurs ordonnances le nom de la reine leur compaigne — 1. Voir l'heureux développement que l'érudition de M. Roux donne à cette idée, dans son travail déjà cité sur le Rôle des femmes dans la poésie.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
. VIII. De la part qu'elle prend aux croisades, et du rang que lui assignent le moyen âge et la chevalerie.(suite)
Malgré ces abus, l'esprit chevaleresque a puissamment servi la civilisation et la femme, il a poli les mœurs, exalté les sentiments, élevé la condition du sexe. La galanterie même, ce délicat et léger mensonge de l'amour 2, la galanterie, sous un nom frivole, a popularisé des égards aussi précieux que nouveaux : elle a répandu, et elle continue de répandre sur les relations sociales un charme de courtoisie, un parfum de grâce et d'urbanité, qui suffiraient à distinguer notre société de toutes les sociétés anciennes. La femme, aujourd'hui, reçoit des hommages plus mesurés; mais on peut dire qu'elle n'y a rien perdu puisqu'elle conserve un culte raisonnable d'amour et de respect.
Encore mêlée quelquefois, avec honneur, aux grands événements politiques, c'est le plus souvent par une influence secrète qu'elle agit sur la société. Non-seulement elle exerce une douce autorité sur la famille, mais elle règne sur nos salons, elle inspire et cultive nos arts, elle donne ou plutôt elle a donné à notre littérature et à nos théâtres des types jusqu'alors inconnus de pureté, de sensibilité, de noblesse, de grandeur dans la passion, et d'héroïsme dans le dévouement.
Mais à quoi bon parler…
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2. C’est Montesquieu qui a dit: La galanterie est le délicat, le léger, le perpétuel mensonge de l'amour. (Esprit des Lois, l. XXVIII, ch. XXI.)
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