De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
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De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
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Bonjour,
Le texte suivant, de J. Ch. Dabas, paru en 9 articles, est extrait d’un recueil religieux, philosophique, scientifique et littéraire, sous la direction de M. l’abbé Gerbet, vicaire-général de Meaux, 1846-1847. Il s’intitule L’Université catholique, tome XXI et XXIII.
Nous éditerons ce fil pour y déposer les liens dès leur parution.
Bonne lecture à tous.
Bien à vous.
Bonjour,
Le texte suivant, de J. Ch. Dabas, paru en 9 articles, est extrait d’un recueil religieux, philosophique, scientifique et littéraire, sous la direction de M. l’abbé Gerbet, vicaire-général de Meaux, 1846-1847. Il s’intitule L’Université catholique, tome XXI et XXIII.
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Bonne lecture à tous.
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.Philosophie catholique._ _ _ _ _ _ _DE LA DÉCHÉANCE DE LA FEMME,ET DE SARÉHABILITATION PAR LE CHRISTIANISME.Magnificat anima mea Dominum...
Quia respexit humilitatem ancillæ suæ...
Luc, I, 46-48.Première Partie. — Déchéance.
Ier: a) Introduction.— b) Dignité primitive de la femme. — c) Sa déchéance attestée par le souvenir des peuples et par la tradition d'injures dont l'antiquité poursuit jusqu'à son nom. — d) Sa condition dans l'ancien Orient, et particulièrement chez les Hébreux.
IIe : a) Des divers degrés d'abaissement par lesquels a passé la femme antique. — b) Sa condition chez les Égyptiens, chez les Assyriens, dans la Perse, dans l'Inde, dans la Chine et chez les peuplades barbares de la Scythie, de la Libye et de la Thrace.
IIIe: Condition de la femme grecque dans les temps héroïques et dans les temps historiques ; des Athéniennes, des Lacédémoniennes.
IVe: Condition de la femme romaine avant et après l'affaiblissement de l'ancienne discipline.
Ve: Condition de la femme chez les Gaulois, chez les Germains.Non est servus neque liber : non est masculus,
neque femina. Omnes enim vos unum estis in Christo Jesu.
Epist. B. Pauli ad Galat., c. III, 28.Seconde Partie. — Réhabilitation.
VIe: a) Réhabilitation. — b) Exemples tirés de la vie de Jésus-Christ. — c) Deux grands symboles de la dignité de la femme. — d) Principes nouveaux.
VIIe: a) Les premières femmes chrétiennes : vierges, épouses, veuves, diaconesses. — b) Vie de charité et d'apostolat couronnée par le martyre.
VIIIe: a) Application des principes chrétiens à la condition civile et politique de la femme. — b) Du rôle que le christianisme fait jouer à la femme dans le gouvernement des empires, dans la lutte contre les hérésies, dans l'œuvre de la conversion des barbares et du salut temporel des peuples. —c) De la part qu'elle prend aux croisades, et du rang que lui assignent le moyen âge et la chevalerie. — d) La véritable gloire de la femme est dans son action religieuse et dans la pratique de la charité.
IXe et dernier article: a) Femmes chrétiennes du 17e siècle.— b) Femmes chrétiennes de nos jours. — c) La femme chez les peuples Infidèles, schismatiques et protestants. — d) Comment elle est traitée par la philosophie du 18e siècle et par les différents systèmes socialistes. —e) Espoir du catholicisme et de l'avenir.
Dernière édition par Louis le Ven 07 Avr 2017, 1:47 pm, édité 28 fois
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Date d'inscription : 26/01/2009
Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
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PREMIER ARTICLE.
INTRODUCTION
Quand Jésus-Christ, trahi par Judas et renié par saint Pierre, expira sur la croix pour la rédemption du genre humain, ce furent des femmes qui donnèrent à ses fidèles l'exemple de la piété et du dévouement. Déjà, la veille de la Passion, une femme avait répandu ses parfums sur la tête du Maître, aux yeux des disciples scandalisés.
Au moment du sacrifice, qui trouvons-nous au pied de l'arbre que le Fils de l'homme arrose de son sang, en face des bourreaux qui insultent à son agonie ? une femme ; près d'elle un seul disciple, le bien-aimé du Christ, mais plusieurs autres femmes, d'autres Maries, qui ont suivi Jésus en Galilée pour le servir.
Et lorsque Joseph d'Arimathie, après avoir enseveli le corps du divin Sauveur, a roulé une grande pierre auprès du sépulcre et s'en est allé, Marie Madeleine et l'autre Marie sont là 1 assises auprès du tombeau; ce sont elles et les autres saintes femmes qui achètent des parfums pour embaumer Jésus; ce sont elles qui, retournant au sépulcre avant le lever du soleil, apprennent les premières la bonne nouvelle de la résurrection, et sont chargées par l'ange de l'annoncer aux disciples.
Même spectacle aujourd'hui : dans ces temps de révolte contre le ciel, où Jésus-Christ, trahi par plus d'un Judas et renié par d'autres disciples, s'est vu de nouveau crucifié, au milieu des blasphèmes, par les incrédules et les impies, qui est resté surtout fidèle? Marie.
Qui s'est tenu le plus près de l'autel du sacrifice? Marie.
Qui a répandu le plus généreusement sur les pieds de Jésus les parfums et les larmes de la prière? Marie.
Et lorsqu'on dépit des nouveaux juifs, qui croyaient avoir scellé pour jamais la pierre du nouveau sépulcre, il s'est trouvé qu'un jour cette pierre était levée, qui avait précédé le lever du soleil pour recueillir la bonne nouvelle de cette autre résurrection ? qui a couru avec le plus de diligence et de joie pour l'annoncer? Marie, toujours Marie. Maintenant encore, dans nos églises rouvertes, à peine comptons-nous quelques hommes qui osent prier; nous n'y pouvons compter les femmes qui ont suivi Jésus pour le servir, et qui le consolent par leur pieuse assistance du délaissement auquel nous le condamnons.
Pourquoi cette différence? d'où vient cette sympathie qui lie si particulièrement la femme au christianisme? L'incrédulité croit l'expliquer par un mot dédaigneux : faiblesse. La raison l'explique par deux sentiments profonds, celui de l'amour et celui de la reconnaissance. La femme sait mieux aimer que nous, et elle doit plus que nous à Jésus-Christ. Voilà pourquoi, sans qu'elle s'en rende bien compte, l'instinct de la reconnaissance conspire en elle avec l'amour pour augmenter sa fidélité.
Quand je dis que la femme doit plus que nous à la religion chrétienne, je m'explique : je n'entends pas assurément parler de la rédemption spirituelle, commune à tous les enfants d'Adam. Sous ce rapport, notre dette à tous est égale; mais au-dessous de la rédemption spirituelle il en est une autre, la rédemption temporelle ou terrestre, conquête de l'Évangile à laquelle les filles d'Ève ont le plus gagné. Si la femme, dans nos sociétés modernes, est considérée comme la compagne et, en un certain sens, comme l'égale de l'homme; si elle se voit estimée, respectée, honorée par l'homme en sa triple qualité de vierge, d'épouse et de mère ; si, dépouillée même de tous ces titres et flétrie par une vie coupable, elle peut encore par le repentir recouvrer notre estime, et quelquefois prétendre à notre admiration, qu'elle le sache bien, c'est à Jésus-Christ qu'elle en doit rendre grâces, car c'est Jésus-Christ qui l'a relevée du mépris où elle était tombée pour la rétablir dans sa dignité originelle et dans son ancien droit.
Il suffit, pour s'en convaincre, de se placer sur le Calvaire et de jeter un regard en arrière et en avant de la croix. On découvre de là deux mondes, dont un des plus frappants contrastes est dans la double figure sous laquelle la femme s'y présente et dans la différence du rang qu'elle y tient. Ce sont comme les deux faces d'une médaille qui porterait ces deux légendes, d'un côté : DÉCHÉANCE , et de l'autre : RÉHABILITATION. De ces deux faces examinons d'abord celle qui se présente à nous la première : c'est le revers, et nous allons dire pourquoi.
La femme n'avait pas été faite pour le rôle humiliant auquel nous la voyons réduite dans l'ancien monde…
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1. Matth. ch. XXVII, 60, 61.
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
PREMIÈRE PARTIE. — DÉCHÉANCE.
Mulieri (Dominus Deus) dicit : Multiplicabo ærumnas tuas...,
et sub viri potestate eris, et ipse dominabitur tui. Gen., c. III, 16.
et sub viri potestate eris, et ipse dominabitur tui. Gen., c. III, 16.
Dignité primitive de la femme.
La femme n'avait pas été faite pour le rôle humiliant auquel nous la voyons réduite dans l'ancien monde. Son droit est écrit aux premières pages de la Genèse, là où il est dit que Dieu créant l'homme à son image, le créa mâle et femelle 1, et forma la femme d'une des côtes d'Adam, afin qu'il eût un aide semblable à lui 2. Adam l'y proclame, lorsqu'à la vue de cet autre lui-même, il s'écrie en présence de Dieu : « Voilà maintenant l'os de mes os et la chair de ma chair. Celle-ci s'appellera d'un nom qui marque l'homme, parce qu'elle a été prise de l'homme; c'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et ils seront deux dans une seule chair 3. »
L'égalité d'origine et de destinée, l'union parfaite et indissoluble, voilà ce qui est établi tout d'abord par l'œuvre de la création. L'homme qui fournit la matière à l'ouvrier, l'homme qui donne son nom à la femme, parait bien avoir par là quelque titre à la primauté; mais cette primauté ne constitue pas un droit d'empire : la femme est véritablement la compagne, et on peut dire l'égale de son époux.
Quelle révolution morale a donc pu changer ces rapports et abolir, entre l'homme et la femme, cette charte d'égalité naturelle? l'ennemi de toute égalité et la source de toute servitude, le péché. Adam a péché, mais il a péché à la sollicitation d'Ève, et la voix de notre premier père s'est élevée pour accuser sa compagne 4. Alors Dieu a dit à la femme : « Vous serez sous la puissance de votre mari, » et il vous dominera 5. »
Dès ce moment tout change, et, preuve étonnante de la vérité des Écritures…
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1. Gen., ch. I, 27. — 2. Ibid., ch. II, 18, 20, 22. — 3. Ibid., 23 , 24. — 4. Ibid., ch. III, 12. — 5. Ibid., 16.
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Sa déchéance attestée par le souvenir des peuples et par la tradition d'injures dont l'antiquité poursuit jusqu'à son nom.
Dès ce moment tout change, et, preuve étonnante de la vérité des Écritures, non-seulement la prédiction s'accomplit avec une fidélité terrible, mais la femme, déchue et courbée sous la tyrannie de l'homme, restera dans cet état d'infériorité et de servitude jusqu'au jour où, brisant la tête du serpent 1, suivant la promesse du Dieu qui la condamne, elle enfantera son libérateur.
En même temps, et comme pour justifier l'oppression dont elle devient la victime, les hommes se transmettront dans leurs fables le souvenir altéré de son histoire. Ils auront bientôt oublié son origine qui l'avait faite leur égale ; mais ils se souviendront de sa faute qui l'a perdue en les perdant, et la parole accusatrice du premier homme, répétée d'âge en âge par ses fils, retentira comme une voix de malédiction à travers toute l'antiquité.
Qui ne sait l'histoire de l'Ève mythologique, de cette Pandore, beauté fatale, création à part du génie de la vengeance, que tous les dieux et toutes les déesses ornent, pour le malheur de l'homme, de leurs dons les plus séduisants ! La Bible nous apprend qu'avant de former la femme, Dieu se dit à lui-même : « II n'est pas bon que l'homme soit seul 2 ; » et encore, qu'après avoir béni le premier couple, il vit que toutes les choses qu'il venait de faire étaient très-bonnes 3.
Au contraire, Hésiode nous dit qu'en forgeant Pandore, Vulcain, au lieu d'un bien, fabriqua un beau mal 4 ; qu'Épiméthée, en la recevant, reçut le mal, et le vit après l'avoir reçu 5. Enfin, après avoir représenté cette beauté soulevant le couvercle d'un grand vase d'où se répandent tous les maux, et au fond duquel reste la seule espérance 6, le même poète nous dit encore :
« C'est d'elle que vient la race des femmes au sein fécond; d'elle qu'est sortie cette engeance pernicieuse, grand fléau pour les mortels.....Semblables aux frelons nuisibles, que les abeilles nourrissent dans leurs ruches bien couvertes, et qui, tandis que ces actives ouvrières travaillent tout le jour, du matin jusqu'au soir, à construire leurs blanches alvéoles, s'enferment oisifs au fond des ruches pour dévorer les fruits d'un travail étranger, les femmes, ces complices de tout mal, ont été données aux hommes, par le Maître de la foudre, comme le plus funeste des présents 7. »
Il serait long de suivre, dans la poésie grecque seulement, la tradition des injures dont la femme est l'objet…
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Sa déchéance attestée par le souvenir des peuples et par la tradition d'injures dont l'antiquité poursuit jusqu'à son nom.(suite)
Il serait long de suivre, dans la poésie grecque seulement, la tradition des injures dont la femme est l'objet, depuis Homère, qui la personnifie dans Hélène, pour imputer à sa légèreté coupable tous les désordres de la guerre de Troie, jusqu'aux poètes comiques, qui la poursuivent avec acharnement de leurs sarcasmes les plus acérés.
Je dis jusqu'aux poètes comiques, et ce n'est pas sans raison ; car la scène comique elle-même, dans ses continuelles diatribes contre les femmes, laisse entrevoir encore, à travers la bouffonnerie qui en tempère l'aigreur et en diminue la gravité, un fond de malédictions sérieuses, renouvelées d'Hésiode et des vieux poètes, un souvenir à demi effacé, et comme un écho affaibli de l'antique plainte d'Adam.
Pour ne parler ici que de la tragédie, qui ne se rappelle les déclamations d'Euripide, de ce philosophe misogyne, que sa fureur contre le sexe emporta si souvent jusqu'à mettre sa raison hors des gonds?
Qui ne se souvient, par exemple, du vœu bizarre qu'il exprime dans son Hippolyte, de voir la race humaine se perpétuer sans le secours des femmes, en sorte que chacun pût devenir père sans introduire cette peste dans son logis 1. Et Eschyle, le grave Eschyle lui-même, dans sa tragédie des Sept contre Thèbes, ne s'est-il pas brutalement écrié par la bouche d'Étéocle : « O femmes, créatures insupportables, sexe haï des sages, avec lequel on ne devrait jamais habiter, premier fléau d'une famille et d'un état 2 ? »
De la tragédie, ces invectives passèrent chez tous les poètes comiques, dont les sentences résumaient avec la sagesse de leur temps celle des âges passés. Un poète qu'on a compris dans leurs rangs 3, Simonide l'iambographe, auteur d'une satire plus grave encore que malicieuse, où il conclut, comme Hésiode, que la femme est un présent de la colère des dieux, déclare qu'en la créant, Dieu lui a fait une âme à part et de matières diverses empruntées aux divers animaux 4.
Pour prendre un dernier exemple hors de la Grèce, la mythologie rabbinique enseignait que Dieu, prévoyant la ruine dans laquelle la femme devait entraîner l'homme, ne voulut pas d'abord la créer, et ne la créa en effet que sur la demande expresse d'Adam ; qu'en
la formant enfin, il prit toutes les précautions possibles pour la rendre bonne, et ne réussit cependant qu'à en faire un être plein de défauts.
On comprend le but dans lequel nous avons recueilli ces témoignages, qu'il serait facile de multiplier à l'infini; c'est pour faire découler de l'opinion qu'ils constatent, comme une conséquence de son principe, le fait général de la dégradation et de l'asservissement de la femme, non-seulement dans l'antiquité, mais encore chez les peuples modernes qui ne marchent pas à la lumière de l'Évangile.
Ouvrons, en effet, l'histoire du monde : qu'y lisons-nous? c'est que la femme, partout où le christianisme ne l'a pas relevée de sa déchéance, est l'esclave, la servante, ou tout au moins la sujette opprimée de l'homme ; que non-seulement elle est son esclave, sa servante, ou sa sujette opprimée, mais qu'elle mérite de l'être et justifie par son infériorité morale l'infériorité sociale et dômes» tique dans laquelle on la retient.
Faut-il parler de l'Orient ?...
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Sa condition dans l'ancien Orient, et particulièrement chez les Hébreux.
Faut-il parler de l'Orient ? c'est là surtout, près de son berceau, près du théâtre de sa faute, que la femme, dégradée par tous les vices, languit dans la plus dure et dans la plus flétrissante des servitudes. Victime de la tyrannie d'un maître et jouet de ses passions brutales, instrument de volupté, marchandise dont l'avarice trafique, elle ne vaut le plus souvent que par le profit qu'elle donne ou par le plaisir qu'elle procure. C'est une chose utile ou agréable, dont on calcule le prix. Que si la volupté, en la parant avec complaisance, la passion, en l'entourant d'hommages adulateurs, semblent l'élever parfois à la dignité de personne, ou même en faire une sorte de divinité, c'est l'esclave qui voit à ses pieds un maître capricieux, toujours prêt à se relever pour le battre; c'est l'idole qu'un adorateur fanatique encense, en attendant qu'il la brise.
L'Orient, il est vrai, présente une exception frappante ; mais cette exception confirme la règle, car c'est le peuple de Dieu qui la fournit. Si le respect de la femme devait se retrouver quelque part dans l'antiquité, n'était-ce pas chez le peuple qui gardait, avec la loi de Dieu, le souvenir exact de l'origine du premier couple humain et la promesse de la rédemption par le fils de Marie? Il se retrouve en effet, et à un degré surprenant, dans l'histoire et dans la législation du peuple hébreu.
Là, point de tyrannie ni de violences légitimes contre la femme; point de séquestration arbitraire, point d'avilissement calculé, point de trafics honteux. La femme n'y apparaît pas comme naturellement esclave, et lors même que les circonstances l'ont réduite à l'état servile, sa personne est encore hautement protégée par la loi.
Vierge, la fille d'Israël n'est ni recluse dans un Parthénon, ni même voilée devant les hommes; elle va, le visage découvert, comme Rébecca ou Rachel, faire paître les troupeaux ou puiser l'eau à la fontaine 1. Libre par le droit et captive par les mœurs, suivant l'expression de Montesquieu, elle ne peut ni être livrée ni se livrer, comme les filles des gentils, à la débauche et à la prostitution. « Il n'y aura pas de consacrée entre les filles d'Israël, » est-il dit au Lévitique et dans le Deutéronome 2. Sa virginité est non-seulement défendue contre les abus de l'autorité paternelle, mais garantie par les peines les plus graves contre les entreprises de la force 3 et de la séduction 4.
L'âge du mariage arrive-t-il pour elle ? elle se voit recherchée pour sa beauté ou pour sa vertu, non pour sa fortune; car chez les Hébreux la dot est inconnue, ou plutôt la femme est dotée par le mari. Pour la naissance, il n'est pas rare que l'épouse soit prise dans une condition inférieure et même parmi les esclaves. Les seuls empêchements que présente la loi sont relatifs à la parenté 5, fondés sur l'esprit de famille et la considération des mœurs domestiques, profitables par conséquent à la femme, puisque les mœurs domestiques sont pour sa faiblesse une des plus fortes garanties de son honneur et de ses droits.
Quant à la liberté du mariage, la jeune fille est quelquefois donnée sans son aveu, comme Lia et Rachel 6 (et chez quel peuple n'en est-il pas ainsi?), d'ordinaire son consentement est formellement requis et réservé. Lorsque le serviteur d'Abraham vient solliciter pour le fils de son maître la main de Rébecca, les parents se disent entre eux : « Appelons la jeune fille et sachons sa volonté» »
La jeune fille présente, ils lui demandent : …
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1. Université Catholique, t. III, p. 179. — 2. Lév., ch. XIX, 29. — Deut., ch. XXIII, 17. — 3. Deut., ch. XXII, 25, 28, 29. — 4 Exod.,ch.. XXII, 16, 17. — 5. Lév., ch. XVIII.. — La loi de Moïse prohibe le mariage non-seulement entre ascendants et descendants, entre frère et sœur, entre beau-père et belle-fille, entre beau-fils et belle-mère, mais entre neveu et tante, entre beau-frère et belle-soeur : elle ne permet point du moins d'épouser les deux sœurs à la fois. — 6. « Notre père ne nous a-t-il pas traitées comme des étrangères? ne nous a-t-il pas vendues? (Gen„ ch. XXXI, 15)
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Sa condition dans l'ancien Orient, et particulièrement chez les Hébreux.
(suite)
La jeune fille présente, ils lui demandent : «Voulez-vous aller avec cet homme? » et elle répond : « J'y consens 1. » C'est alors qu'elle s'achemine, épouse volontaire, vers la maison de celui qui veut être son époux : elle y entre en abaissant son voile, pour signifier qu'elle lui appartient désormais comme une compagne, non comme une captive; car le reste de sa vie ne s'écoulera pas dans l'ombre d'un gynécée. Toujours libre et respectée, souvent honorée comme Sara, souvent chérie comme cette Rébecca, dont l'amour tempéra pour Isaac la douleur que la mort de sa mère lui avait causée 2, elle sera, s'il plaît à Dieu, la vigne abondante qui étend ses rameaux sur les flancs de la maison de l'époux 3, la femme forte en qui le cœur de son mari met toute sa confiance 4, et que ses enfants proclament très-heureuse 5 ».
Le mariage, en effet, n'est-il pas sacré, ratifié dans le ciel et béni de Dieu? n'a-t-il pas été dit aux maris : « Vivez heureux avec la femme que vous avez prise dans votre jeunesse. Qu'elle vous soit comme une biche très-chère, comme un faon très-agréable,.... et que son amour soit toujours votre joie 6. »
De tels commandements ne sont pas sans influence sur les mœurs et la vie domestique d'un peuple ; mais ce n'est pas encore là tout.
A côté de la loi qui prescrit, il y a la loi qui interdit et condamne. La dignité du lien conjugal, et par conséquent le bonheur de l'épouse, sont protégés par les prohibitions les plus graves contre tout ce qui pourrait y porter atteinte : peine de mort infligée à l'homme comme à la femme adultère 7; punition sévère de tous les délits qui attaquent l'honnêteté du mariage et sa fécondité 8; anathème fulminant contre tout amour opposé à la nature 9; condamnation expresse de toute fornication, de toute impudicité, et même de tout désir mauvais, car la loi de Dieu atteint jusqu'au désir 10.
Est-ce tout? non. D'autres garanties sont encore données à la femme par le législateur hébreu : il a prévu jusqu'aux soupçons, jusqu'aux accusations injustes dont elle pourrait être l'objet et la victime. Si l'époux répand contre sa jeune et nouvelle épouse des bruits déshonorants, il est jugé par les anciens qui le punissent, en cas de calomnie, d'avoir voulu flétrir la réputation d'une vierge d'Israël 1. S'il s'agit d'un soupçon d'infidélité qui soit entré dans l'esprit du mari, l'épreuve des eaux amères fait trembler la coupable, mais aussi fait triompher l'innocente 2. Si c'est une accusation formelle d'adultère, l'accusée n'est ni jugée ni punie par son mari, mais par les tribunaux 3.
Nous avons parlé de l'épouse et nous n'avons rien dit de la mère: c'est que personne n'ignore de quelle vénération et de quel amour elle est environnée chez les Hébreux. Le Dieu qui fait de la femme stérile une mère joyeuse et fière de ses fils 4, le Dieu qui met dans son cœur la vive tendresse de Rachel pleurant ses enfants, et refusant de te consoler, parce qu’ils ne sont plus 5, ce Dieu a voulu aussi que la mère fût honorée à l'égal du père 6. On sait la piété filiale d'Isaac envers Sara, les égards de Salomon pour sa mère Bethsabée 7; qu'on se rappelle encore la mère du jeune Tobie, et le rôle si touchant qu'elle joue dans cette touchante histoire 8. Tobie n'est point ingrat envers la vieille Anne : attaché à elle jusqu'à la mort, il attend, pour sortir de Ninive, qu'il lui ait fermé les yeux, et qu'il l'ait ensevelie dans un même sépulcre à côté de son vénérable époux 9.
Parlerons-nous enfin de la veuve, si respectée elle-même quand elle vivait chastement dans la crainte du Seigneur? il suffira de nommer Judith ou Noëmi. D'ailleurs, bien qu'il fût plus glorieux à la femme veuve de demeurer fidèle à la mémoire de son premier mari, la loi ne lui refusait pas la liberté de se remarier : elle pouvait souvent le faire avec honneur, comme Abigaïl 10, ou comme la fille de Raguel 1. Il y a plus : c'est que, dans certains cas, le législateur avait pourvu au sort de la veuve, en ordonnant au frère ou au plus proche parent du premier mari de l'épouser, pour faire revivre le nom du défunt 2.
A toutes ces considérations ajoutez que…
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1. Gen., ch. XXIV, 57, 58. — 2. Ibid. , 67. — 3. Psalm. CXXVII , 3. — 4. Prov., ch. XXXI, 11. — 5. lbid., 28. — 6. Ibid., ch. v, 18, 19. — 7. Lév.., ch. xx, 10. — Deut., ch. XXII , 22. — 8. Lév., ch. xx, 18. — Gen., ch. XXXVIII, 9, 10. — 9. Lév., ch. XVIII, 22, 23, 24; ch. XX, 15, 16, 23. — Deut., XXIII, 18. — 10. Exode, ch. xx, 17. — Deut.., ch. v, 21. — 1. Deut., XXII, 13, 19. — Le calomniateur est alors condamné au fouet, à l'amende envers le père de la fille, et à la perte de son droit de répudiation. —2. Nomb.., ch. v. — 3. Deut., ch. XXII, 18, 22. — 4. Psalm., CXII, 8.— 5. Jérém., XXXI, 15.— 6. Deut.,ch. v, 16. — Exode, xx, 12. — Lév.., XIX, 3. — 7. Rois, liv. III, ch. XI, , 17, 19, 20. — 8. Tob., ch. v, 23 ; ch. XI, 5, 6, 10, 11. — 9. Ibid. , ch. XIV, 12, 14. — 10. Rois, liv. 1, ch. xxv.— 1. Tob., ch. VI, VII. — Sara, fille de Raguel, avait eu sept maris avant d'épouser Tobie. — 2. Deut., ch. xxv, 5, 6, 7, 9. — C'est ainsi que Booz épouse Ruth, veuve de Mahalon. Ruth, ch. IV, 5,6, 10.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Sa condition dans l'ancien Orient, et particulièrement chez les Hébreux.(suite)
A toutes ces considérations ajoutez que la femme, mariée dans sa tribu, pouvait demeurer donataire de tous les biens de son époux, de même que la fille pouvait être appelée à recueillir la succession des biens de son père 3 .
Telles étaient les garanties, tels étaient les privilèges de la femme libre; mais la femme esclave elle-même (car les Hébreux avaient admis l'esclavage en l'adoucissant), la femme esclave n'était pas abandonnée à la merci de son maître ni privée de toute consolation. Non-seulement sa vie 4, et jusqu'à un certain point son corps5, son honneur 6, étaient en sûreté sous la garde de la loi ; mais, d'une part, si elle avait été vendue, sa servitude, loin d'être perpétuelle; ne pouvait durer plus de six ans, et la septième année amenait nécessairement la manumission 7 ; encore l'esclave avait-elle la faculté de se racheter plus tôt à prix d'argent.
D'une autre part, lorsqu’elle entrait jeune dans la maison du maître, c'était avec l'espoir d'y devenir épouse ou tout au moins femme du second rang, soit que le maître la prît pour lui-même, soit qu'il la fît épouser à l'un de ses fils.
« Si elle déplaît au maître à qui elle a été donnée, est-il dit au chapitre XXI de l'Exode, il la laissera aller; mais l'ayant ainsi méprisée, il n'aura pas le droit de la vendre à un peuple étranger. — Que s'il la fait épouser à son fils, il la traitera comme l'on traite d'ordinaire les filles libres. — Mais, s'il fait épouser à son fils une autre femme, il donnera à la fille ce qui est dû pour son mariage, et des vêtements, et il ne lui refusera pas le prix qui est dû à sa virginité. — Que s'il ne fait pas ces trois choses, elle sortira libre, sans qu'il en puisse tirer d'argent 8. »
Le premier et le troisième de ces quatre versets ne font allusion à aucune violence que l'esclave aurait eue à subir, mais à un état de concubinat avoué, de mariage inférieur, tel que celui d'Agar, et qui n'avait rien alors d'illégitime ni de déshonorant.
Un autre cas avait été prévu encore, celui où le mari esclave d'une femme esclave viendrait à recouvrer sa liberté : alors sa femme sortait avec lui de la maison du maitre 1, à moins que le maître ne lui eût fait épouser cette femme dans la maison, auquel cas elle demeurait esclave elle et ses enfants 2.
Les mêmes principes d'humanité et de justice adoucissaient les rigueurs du droit de la guerre. Il est inutile de rappeler ici qu'au milieu des plus terribles scènes de carnage les femmes étaient généralement épargnées, et que les vierges l'étaient toujours 3; mais quand le butin avait été partagé entre les soldats, que le Seigneur avait eu sa part 4, et que chaque vainqueur emmenait sa captive, là encore le législateur intervenait pour protéger la faiblesse contre l'outrage.
« Si parmi les prisonnières de guerre, disait-il, vous voyez une femme qui soit belle, que vous conceviez pour elle de l'affection et que vous vouliez l'épouser, — vous la ferez entrer dans votre maison, où elle se rasera les cheveux et se coupera les ongles ; elle quittera la robe avec laquelle elle a été prise, et, se tenant assise en votre maison, elle pleurera son père et sa mère un mois durant; après cela, vous la prendrez pour vous, et elle sera votre femme. — Que si, dans la suite du temps, elle ne vous plaît pas, vous la renverrez libre, et vous ne pourrez pas la vendre pour de l'argent, ni l'opprimer par votre puissance, parce que vous l'avez humiliée 5. »
Il s'en faut, on le voit, que la captive soit abandonnée à l'insolence et à la brutalité du vainqueur ; aussi sage que clémente, la loi, en imposant au soldat l'obligation de contraindre sa passion, lui donne le temps de la calmer, en même temps qu'elle ménage la douleur de sa prisonnière. Au bout d'un mois, il doit l'épouser, s'il n'a pas changé de sentiment; et dans le cas où il la renverrait plus tard, il serait puni par la perte de ses droits de l'inconstance de ses désirs 1.
Voilà, je crois, assez de preuves du respect…
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3. Nomb., ch. . XXVII. — 4. Exode, XXI, 20. — 5. Si le maître crevait un œil ou faisait sortir une dent à son esclave, l'esclave était mis en liberté. Exode, XXI, 26, 27. — 6. L'adultère commis avec une esclave était puni par le fouet, Lév., ch. XIX , 20. — 7. Deut., ch. xv, 12, 13, 14. — 8. Exode, XXI, 8, 9, 10, 11. — 1. Exode, ch. XXI, 3. — 2. lbid., 4. — 3. Les femmes Madianites furent, il est vrai, comprises dans l'extermination de leur peuple, mais les filles, au nombre de trente-deux mille, furent réservées par les vainqueurs; et c'était là un châtiment extraordinaire, Nomb.., ch. XXXI. — Deut., ch. XV. — 4. La moitié des filles Madianites fut réservée pour la part du Seigneur. — Nombres, ch. XXXI. — 5. Deut., ch. XXI, 11,12, 13, 14. — 1. Voyez les Lettres de quelques Juifs, 3e part., lett. III, § 4.
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Sa condition dans l'ancien Orient, et particulièrement chez les Hébreux.(suite)
Voilà, je crois, assez de preuves du respect que les Juifs avaient conservé pour la femme. On trouverait difficilement chez aucun autre peuple de l'antiquité autant d'égards et autant de ménagements. Combien la thèse que nous développons n'en sera-t-elle pas mieux établie, s'il est prouvé maintenant que chez les Juifs eux-mêmes la femme est pourtant déchue et dépouillée d'une partie de ses droits; que chez les Juifs eux-mêmes s'accomplit, avec une certaine rigueur, cette loi de domination qui devait peser sur toutes les filles d'Ève, en expiation du premier péché? Or, c'est là une chose que les faits démontrent surabondamment.
Il en est un d'abord qui témoigne d'une partialité bien marquée pour l'homme dans la loi : c'est que la femme, si elle n'est pas exclue, comme ailleurs, de la succession paternelle, ne peut y avoir droit qu'à défaut d'héritier mâle 2 ; s'il existe des fils, ils sont tout, et elle n'est rien. Il faut donc qu'on la marie, qu'on la nourrisse, ou qu'on la vende, à moins qu'elle ne soit consacrée au service du tabernacle. Le père a ce droit sur ses filles : il peut, d'après la loi de Moïse, ou les vendre, et alors, si elles ont les compensations de l'esclavage, elles en ont aussi les charges, les humiliations, les conditions toujours plus ou moins dégradantes; ou les consacrer au Seigneur, et alors elles sont vouées de force à une éternelle virginité. Ce dernier sort n'est peut-être pas celui qu'elles redoutent le moins : car, malgré le respect que la loi professe pour la vierge d'Israël, on estime peu celle qui l'est toujours. Sauf quelques hommages payés à la virginité 3, et que jamais peuple n'a manqué de lui rendre, le célibat, chez les Juifs, est sans honneur, et presque ignominieux. Qu'on se rappelle la fille de Jephté pleurant sa virginité sur la montagne 4
C'est qu'il fallait le christianisme pour relever le prix de cette précieuse et angélique vertu. La virginité et la chasteté, deux grands titres d'honneur pour la femme chrétienne, sont appréciées par nous avec une délicatesse dont on n'avait pas alors l'idée : et voilà pourquoi nous ne voyons pas sans étonnement, nous chrétiens, Loth, le lévite d'Éphraïm, et l'hôte du lévite 1, offrir d’eux-mêmes à des passions brutales, pour éviter, il est vrai, des excès plus monstrueux, les uns leurs filles vierges, et l'autre sa propre femme. De tels faits nous en apprennent beaucoup sur ce qui manquait alors à l'autre sexe en estime et en dignité.
Deux autres lois le feront encore mieux comprendre : nous voulons parler de la polygamie et de la répudiation…
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2. Si l'on dit que c'est surtout dans l'intérêt de la population, alors l'union domestique se trouve sacrifiée à la propagation de l'espèce. — 3. Deut., XXIII, 1. — 4. Ibid., XVII, 17. — 1. Voyez les Lettres de quelques Juifs, 3e part., lett. III, § 4.
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Louis- Admin
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Sa condition dans l'ancien Orient, et particulièrement chez les Hébreux.
(suite)
Deux autres lois le feront encore mieux comprendre : nous voulons parler de la polygamie et de la répudiation.
C'est là que devient plus manifeste l'abolition, ou du moins la suspension du droit primitif.
Le mariage n'est plus un ni indissoluble. Un nouveau mariage, institué sous les patriarches et confirmé par Moïse, qui l'adopte dans un esprit de tolérance plus encore que dans un intérêt politique 2, vient substituer à l'union parfaite des corps et des âmes une union moins parfaite, plus corporelle et moins spirituelle, dont les liens, déjà lâches pour l'homme, non pour la femme, peuvent encore être brisés par lui et par lui seul.
Sans doute il ne s'agit pas de cette polygamie voluptueuse et intempérante qui, en d'autres contrées de l'Orient, détruit entièrement l'union des âmes, en même temps qu'elle énerve les corps et qu'elle tarit les sources de la population : ici point de sérails, point d'eunuques 3; les rois mêmes ne peuvent avoir un grand nombre de femmes 4; et, soumis aux conséquences de l'impureté lévitique 5, obligé au même devoir envers ses différentes femmes, dont les droits respectifs sont réglés avec égalité, le mari ne doit pas être tenté de pousser jusqu'à la licence la permission que la loi lui donne avec tant de restrictions 6.
Il n'en est pas moins vrai que l'unité du mariage est rompue au détriment de l'épouse, et que plusieurs femmes, plusieurs affections, plusieurs familles, se partagent un seul cœur et une seule maison 7. La femme y perd jusqu'au sentiment d'une délicate jalousie; et voilà comment nous voyons, avec quelque étonnement encore, Sara, Lia, Rachel, moins affligées d'un partage humiliant que d'une stérilité déshonorante, donner elles-mêmes des concubines à leurs époux.
Enfin, la répudiation…
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2. Nomb., ch.XXVII. — 3. Le pontife ne pouvait prendre qu'une vierge pour femme. Lév., ch. XXI, 13. — 4. Jug., ch. XI, 38. — 5. Lév., XVIII, 19; xx, 18. — 6. Voyez les Lettres de quelques Juifs, 3e part., liv. VIII.
7. Voyez M. de Bonald, du Divorce, ch. VI.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
Sa condition dans l'ancien Orient, et particulièrement chez les Hébreux.(suite)
Enfin, la répudiation dissout cette société conjugale que la polygamie ébranle, et la répudiation, comme nous venons de le dire, est le privilège exclusif du mari : car c'est là son caractère, dit Montesquieu, de se faire par la volonté et à l'avantage d'une des parties, indépendamment de la volonté et de l'avantage de l'autre 1. La répudiation est une loi dure, qui confère à l'homme un droit despotique sur la femme, puisqu'elle lui permet d'enlever à celle-ci, par un simple caprice, non-seulement ses droits d'épouse, mais encore sa place et son existence dans la société.
Non que la loi de Moïse ait prétendu autoriser ni justifier le caprice : elle suppose chez le mari quelque motif raisonnable pour renvoyer sa femme; elle veut, pour lui donner le temps de réfléchir à un acte si grave, qu'il mette entre les mains de l'épouse renvoyée un écrit de répudiation 2; elle lui interdit, pour empêcher qu'on ne se fasse un jeu de cette licence., de reprendre jamais la femme qu'il aura répudiée, si elle a connu un second époux 3; elle limite enfin, par des exceptions nombreuses, l'usage d'une concession faite à regret à la dureté de cœur d'un peuple trop charnel (propter duritiam cordis); mais il n'en est pas moins vrai que le législateur laisse le mari seul juge du motif qui le détermine : « Si le mari, dit-il, prend sa femme en aversion pour quelque défaut qu'il lui trouve......4. » Assurément l'homme inconstant ou libertin ne sera pas en peine pour trouver à la sienne plus d'un défaut.
Aussi la loi de Moïse, tolérable tant qu'une certaine retenue de mœurs en empêcha le fréquent usage, devient-elle la source de mille abus, quand la corruption s'en empara 5. Le mal avait déjà fait de grands progrès, quand, reprochant, après Esdras, à l'infidèle Juda ses alliances avec les filles étrangères et idolâtres, le prophète Malachie lui rappelait d'une manière si vive la sainteté du contrat de mariage, l'origine divine de la compagne de l'homme et le véritable esprit de la loi :
« Le Seigneur a été témoin de l'union contractée entre vous et la compagne de votre jeunesse, que vous avez méprisée, quoiqu'elle fût votre associée et l'épouse de votre alliance. — N'est-ce pas le même et unique Dieu qui l'a faite? N'est-elle pas le reste du souffle dont il vous a animé? Et que demande-t-il, cet auteur unique de votre être et du sien, sinon une race d'enfants de Dieu? Gardez donc celle qui est votre souffle, et ne méprisez pas la compagne de votre jeunesse. Vous direz peut-être : le Seigneur d'Israël a dit : lorsque vous aurez conçu de l'aversion pour votre femme, renvoyez-la; mais moi je vous réponds : le Seigneur des armées a dit : que l'iniquité de celui qui agira de la sorte couvrira tous ses vêtements. Gardez donc celle qui est votre souffle, et ne la méprisez pas 1. »
Rien ne prouverait mieux que ces éloquentes paroles le tort que la répudiation faisait à la femme.
Ajoutez que la femme répudiée, si elle avait la liberté d'accepter un autre époux, ne le pouvait pas faire sans être souillée et abominable devant le Seigneur 2; encore l'historien Josèphe 3 nous apprend-il qu'il lui fallait, pour se remarier, obtenir la permission du mari qui la répudiait.
Qu'en résulta-t-il ? c'est que l'abus de la répudiation finit par affranchir la femme d'une aussi dure contrainte; le désordre l'émancipa. Et quelle émancipation ! ce fut le partage même de l'abus, la réciprocité d'un droit funeste, le divorce, enfin. La femme y gagnait-elle? je le demande. La Samaritaine répondra comme elle répondit à Jésus. La malheureuse avait eu cinq maris, et elle confessait naïvement qu'elle n'avait pas de mari 4.
Mais qu'est-ce que ces légères transgressions de la loi primitive en comparaison des égarements monstrueux qui déshonorent le reste de l'Orient? Que ce joug est léger pour la femme, en comparaison du joug que font peser sur elle les coutumes et les législations des autres peuples ! Un coup d'œil jeté sur leur histoire va nous révéler un monde aussi différent d'Israël que la terre maudite ressemblait peu à la terre des bénédictions.J.-CH. DABAS._____________________________________________________________________
1. Esprit des Lois, liv. XVI, ch. 15. — 2. Deut.., XXIV. — 3. Ibid.,3,4. — 4. Ibid., XXIV, 1. — 5. Voir ce que dit à ce sujet M. de Bonald, du Divorce, liv. VI. — 1. Malach.., ch. II, 14, 15, 16. — 2. Deut., XXIV, 4. —3. Liv. xv, ch. II, cité par M. de Bonald. — 4. Jean, ch. IV, 17, 18.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
DEUXIÈME ARTICLE.II. Des divers degrés d'abaissement par lesquels a passé la femme antique.
Le droit romain avait une expression énergique pour signifier la perte de la liberté et des autres privilèges du citoyen : c'était l'expression diminutio capitis. Celui qu'on dégradait ainsi était appelé capitis minor, capite deminutus, parce que son existence en était pour ainsi dire diminuée.
On appliquerait justement ces mots à l'état de déchéance et de dégradation sociale dans lequel le péché avait placé la femme avant la venue de Jésus-Christ ; car c'était aussi une diminution d’existence que la femme subissait alors dans sa liberté, dans sa considération, dans son honneur, dans tous ses anciens droits. Mais de même qu'il y avait des degrés dans ce que les Romains appelaient diminutio capitis, et que ces degrés étaient marqués par trois termes : minima, media, maxima, il faut admettre aussi des degrés, et, si l'on veut, trois degrés semblables dans l'abaissement de la femme chez les différents peuples de l'antiquité.
Chez les Hébreux, nous avons vu ce qu'on pourrait appeler la diminutio minime, c'est-à-dire le premier degré de la déchéance : la femme assujettie à l'homme et soumise à sa domination, mais non pas asservie à ses caprices ni opprimée par sa tyrannie ; la femme dépouillée d'une partie de sa dignité et frustrée de quelques privilèges, mais non pas méprisée, flétrie, déshonorée. Par un contraste frappant avec le peuple de Dieu, les autres peuples de l'Orient vont nous la montrer placée au dernier degré de cette échelle descendante : diminutio maxima.
Dans le reste de l'Orient, en effet, nous ne trouvons plus seulement la polygamie et la répudiation restreintes dans d'étroites limites ; le droit de cession plutôt que de vente accordé aux pères sur leurs enfants avec mesure et réserve; une servitude plus voisine de la domesticité que de l'esclavage, et bornée encore dans un court espace de temps ; nous y trouvons la polygamie sans frein, protégée par l'eunuchisme; la répudiation et le divorce, affranchis de toute règle ; la vente des femmes sans condition ; l'esclavage sans limites; la prostitution non-seulement légitime, mais obligée, consacrée par les lois religieuses ; l'inceste légal à tous les degrés; la promiscuité imitée des brutes; mille coutumes qui font frémir la nature; puis, comme une conséquence infaillible, l'abjection de la femme écrasée sous un dur despotisme et victime bien souvent d'atroces cruautés.
Quel est le peuple de l'Orient qui ne présente quelques parties au moins de ce triste tableau?...
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
II. Sa condition chez les Égyptiens, chez les Assyriens, dans la Perse,
dans l'Inde, dans la Chine et chez les peuplades barbares de la Scythie, de la Libye et de la Thrace.
Quel est le peuple de l'Orient qui ne présente quelques parties au moins de ce triste tableau? Citera-t-on l'Égypte? l'Égypte, sans doute, n'égala pas les vices de l'Asie ; mais quelle dégradation encore, et que la femme fut loin d'y obtenir le respect dont les Hébreux l'entouraient !
Nous n'avons pas à prouver que la polygamie régnait en Égypte. Lorsqu'Hérodote remarque que « les Égyptiens de la partie marécageuse n'ont qu'une femme chacun comme les Grecs 1, » il n'entend parler que de la partie de ce pays qui est en rapport avec les Grecs ; encore peut-on supposer que, pour cette partie même, il veut indiquer l'usage plutôt que la loi. Il est du moins certain que l'historien constate ici une exception, comme il en constata une autre, en remarquant que les prêtres égyptiens n'ont qu'une seule femme ; et si ce n'était pas assez de ce témoignage, nous pourrions invoquer celui de Diodore de Sicile, lequel nous assure qu'en Égypte les particuliers (et non pas seulement les rois) épousent autant de femmes qu'il leur plaît 2.
Nous ne rappellerons pas non plus que la répudiation sans règle y faisait partie du droit commun : elle se retrouve chez tous les peuples de l'antiquité païenne. Mais en Égypte la religion légitimait aussi l'inceste. « Si les Égyptiens ont épousé leurs sœurs, dit Montesquieu, dans son Esprit des Lois, ce fut un délire de la religion égyptienne, qui consacra ces mariages en l'honneur d'Isis.....
Qui le dirait, que les idées religieuses ont fait souvent tomber les hommes dans ces égarements? » Montesquieu a tort de s'en étonner : les idées religieuses produisent leurs fruits, bons ou mauvais, suivant la qualité de l'arbre qui les porte; et voilà pourquoi Moïse parlait au nom du vrai Dieu, lorsqu'il défendait aux Hébreux ces unions abominables :
« Je suis l'Éternel votre Dieu. Vous ne ferez point ce qui se fait au pays d'Égypte où vous avez habité, ni ce qui se fait au pays de Chanaan où je vous mène. Vous n'imiterez point les mœurs de ces peuples; mais vous garderez mes statuts et mes ordonnances. Je suis l'Éternel votre Dieu. Que nul ne s'approche de celle qui est sa parente. Je suis l'Eternel 1. »
De la violation de ces lois saintes devait résulter pour l'Égypte la perte des mœurs domestiques ; et la conséquence était d'autant plus inévitable qu'au lieu de travailler par d'autres moyens à les préserver, la religion égyptienne semblait s'appliquer en tout à les corrompre. Pour ne point parler des coutumes du temple de Thèbes 2 et des infamies du nome mendésien 3, les fêtes d'Adonis et d'Isis n'enseignaient-elles pas l'oubli de toute pudeur? Ne sait-on pas le rôle que jouaient les femmes dans ces processions indécentes connues sous le nom de phallephories 4 ? Aussi qu'était devenu chez elles le respect du lien conjugal? on n'a qu'à lire l'anecdote racontée sur le roi Phéron 5. Et pourtant l'infidélité des femmes était châtiée en Égypte de la manière la plus cruelle ; car, à la différence des Hébreux qui punissaient d'un égal supplice l'homme et la femme adultères, le législateur égyptien n'infligeait que le châtiment des verges à l'homme, et voulait que la femme eût le nez coupé 6.
La condition vulgaire du sexe répondait à cette première injustice de la loi…
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1. Hérod., l. II, c. 92. — 2. Diod., l. I, § 80. — Larcher concilie comme nous les deux témoignages. — 1. Lévit., ch. XVIII. — 2. Hérod., l. 1, ch. 182. — Strab., l.. XVII, p. 117, C. — Le même usage existait à Babylone et à Patare, en Lycie. (Hér., l. .1, ch. 181, 182.) — 3. Hérod., l. II, ch. 25. — 4. Ibid. — 5. Ibid., ch. 3. — 6. Lettres de quelques Juifs, t. III , p. 294.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
II. Sa condition chez les Égyptiens, chez les Assyriens, dans la Perse,
dans l'Inde, dans la Chine et chez les peuplades barbares de la Scythie, de la Libye et de la Thrace.(suite)
La condition vulgaire du sexe répondait à cette première injustice de la loi : c'était l'oppression de la faiblesse par la force, et il n'est pas inutile de le démontrer, puisqu'on a mal compris certains textes qui l'établissent.
« Chez ce peuple, nous dit Hérodote, les femmes vont sur la place et s'occupent du commerce, tandis que les hommes, enfermés dans leurs maisons, travaillent à la toile 1. »
Qu'est-ce à dire? les femmes d'Égypte avaient-elles donc une supériorité sur leurs maris? Montesquieu s'y est laissé tromper; car voici la réflexion que ce passage lui inspire : « Il est contre la raison et contre la nature que les femmes soient maîtresses dans la maison, comme cela était établi chez les Égyptiens 2. »
Mais Hérodote ne dit pas que les femmes fussent maîtresses : il dit seulement qu'elles avaient la charge des affaires, parce que les hommes aimaient à s'en débarrasser et à vivre plus mollement. Aussi notre historien ajoute-t-il qu'en Égypte les filles seules sont obligées de nourrir leurs parents 3, loi unique et lâche dont les Grecs s'indignaient justement, comme le prouvent quelques vers fort connus de l'Œdipe à Colone 4. Ce que j'y vois de plus clair, c'est que la femme égyptienne était traitée en esclave, et quelquefois en bête de somme, bien loin d'être maîtresse et reine dans la maison.
Voilà pour l'Égypte. Veut-on connaître maintenant le droit de l'Assyrie?...
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1. Hérod., l. II, ch. 25. — 2. Esprit des Lois l. VII , ch. 17. — 3. Hérod., l.. II, ch. 25. — 4. Œdipe à Colone, v. 378-386.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
II. Sa condition chez les Égyptiens, chez les Assyriens, dans la Perse,
dans l'Inde, dans la Chine et chez les peuplades barbares de la Scythie, de la Libye et de la Thrace.(suite)
Veut-on connaître maintenant le droit de l'Assyrie? Un grand nom, celui de la magnifique Sémiramis, pourrait faire illusion sur l'état réel du pays; mais qu'on veuille bien y prendre garde : un nom ne prouve rien; une exception brillante ne détruit pas une généralité. Voici donc le droit de l'Assyrie.
Dans la Babylonie existait autrefois une coutume, pratiquée aussi par les Venètes d'Illyrie, suivant laquelle les plus belles femmes étaient vendues au profit des plus laides. Tous les ans, dans chaque bourgade, ceux qui avaient des filles nubiles les amenaient sur une place où un crieur public les mettait à l'enchère, et, les faisant lever l'une après l'autre, les vendaient au plus offrant. L'acheteur épousait sa marchandise, et le produit de la vente constituait une dot aux plus laides dont les jeunes gens du peuple s'accommodaient 5.
« Cette loi si sage, ajoute Hérodote, n'existe plus aujourd'hui. Depuis que Babylone a perdu ses biens, il n'y a personne parmi le peuple qui, se voyant dans l'indigence, ne prostitue ses filles pour de l'argent 6. »
Et il ajoute encore qu'ils aiment mieux les livrer ainsi que de les vendre à des étrangers, qui leur feraient subir de plus mauvais traitements 1.
Mais une chose bien autrement intime, c'est que la prostitution, à Babylone, n'était pas seulement nourrie par la misère, mais commandée encore par la religion. Une loi, loi honteuse, dit cette fois Hérodote, forçait toute femme née dans le pays à se rendre, une fois au moins dans sa vie, au temple de Vénus Mylitta pour s'y abandonner à un étranger 2. Qu'on ne se récrie point, comme Voltaire, contre l'invraisemblance d'un tel récit. Hérodote a vu, de ses yeux vu, ce qu'il raconte, et ce que d'ailleurs Jérémie racontait plus d'un siècle avant lui 3, ce que Strabon raconte après lui, presque dans les mêmes termes 4. Il a vu ces malheureuses assises dans le temple, ou dans la pièce de terre qui en dépendait (τεμίυος ),attendre, la couronne de ficelle sur la tête, qu'un étranger, le premier venu, jetât une somme d'argent sur leurs genoux, et si modique que fût la somme, l'historien rapporte qu'elle ne pouvait être refusée, parce que c'était un argent sacré 5. Il était sacré en effet, puisque ce prix de la prostitution était offert à la déesse.
Et la coutume n'en était pas si particulière à Babylone qu'elle ne se rencontrât en mille autres lieux, dans l'Ile de Chypre, en Lydie, en Phénicie 6, au pied du Liban, et jusqu'en Afrique, dans la colonie phénicienne de Sicca Veneria 7. Telle était l'universalité de cet abominable usage que le législateur hébreu en fut réduit à le proscrire expressément : « Vous n'offrirez pas, dit-il. dans la maison du Seigneur, la récompense de la prostituée ni le prix du chien, quelque vœu que vous ayez fait, parce que l'un et l'autre est abominable devant le Seigneur 8. »
On ne concevrait pas la nécessité d'une telle défense sans les monstrueux égarements dont toutes les nations environnantes donnaient l'exemple au peuple de Dieu 1.
Quant aux conséquences de ces aberrations morales, on les devine assez; nous ne citerons qu'un fait :
Sous le règne du Mage, et pendant que les Sept Perses s'élevaient contre lui, les Babyloniens voulant profiter de l'occasion pour secouer le joug, se mirent en disposition de soutenir un siège. Que firent-ils des femmes ? afin de ménager leurs provisions, ils les étranglèrent. Chaque homme ne se réserva que sa mère et celle qu'il aimait le plus de toute sa maison 2. Après la guerre, il fallut, dit-on, que Darius envoyât 50,000 femmes dans la ville pour la repeupler 3.
C'est quelque chose encore que les Assyriens gardassent ce respect pour leurs mères ; il est vrai qu'en revanche ils les déshonoraient par des mariages incestueux.
La même loi existait en Perse…
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5. Hérod., l. .I, ch. 196. — 6. Ibid.
1. « Presque tous les peuples, à l'exception des Égyptiens et des Grecs, dit encore » Hérodote (1. II, ch. 64), ont commerce avec les femmes dans les lieux sacrés. Ils s'imaginent qu'il en est des hommes comme de tous les animaux. On voit, disent-ils, les bêtes et les différentes espèces d'oiseaux s'accoupler dans les temples et dans les autres lieux consacrés. Si donc cette action était désagréable aux dieux, les bêtes elles-mêmes ne la commettraient pas. Telles sont les raisons dont ils s'autorisent, mais je ne puis les approuver. » — Témoignage doublement curieux et par les dégradantes idées qu'il révèle, et par la naïve désapprobation du calme historien. — 2. Hérod., 1. III, ch. 120. — 3. Ibid., ch. 127.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
II. Sa condition chez les Égyptiens, chez les Assyriens, dans la Perse,
dans l'Inde, dans la Chine et chez les peuplades barbares de la Scythie, de la Libye et de la Thrace.(suite)
La même loi existait en Perse : les fils y épousaient leurs mères sans scrupule, et même par esprit de religion. Pour ce qui est des mœurs générales de cet autre peuple, les retracer nous paraîtrait inutile, car elles sont assez connues. C'est là que la polygamie déploie ses magnificences ; là que la femme, objet de luxe 4 , se voit emprisonnée dans des sérails, sous l'œil vigilant des eunuques ; là que la corruption enfante chaque jour des intrigues et des complots. Artarxercès voit ses cinquante enfants conspirer contre lui ; et pourquoi ? parce qu'il n'a pas voulu céder à l'aîné l'une de ses concubines. Montesquieu, il est vrai, n'admet pas cette cause, suivant lui trop invraisemblable; mais il entrevoit là du moins « quelqu'une de ces intrigues de sérail, si communes dans ces lieux où l'artifice, la méchanceté, la ruse, règnent dans le silence et se couvrent d'une épaisse nuit 5. »
Nous croyons en avoir dit assez pour faire connaître l'état général de l'Orient sous le rapport de la condition des femmes…
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4. Montesquieu , Esprit des Lois, 1. VII , ch. 9. — 5. L'artifice et la ruse sont, en effet, les armes familières des esclaves persanes, et quelquefois de leurs maîtres. Qui ne sait l'histoire de l'usurpation du faux Smerdis, si étrangement dévoilée par PHÉDIME, cette femme de Cambyse, qui, bien que fille d'un seigneur, avait passé en toute propriété au Mage avec les antres concubines du roi, et longtemps après le jour de cette dévolution, alors très-naturelle, ne connaissait pas encore le nouveau maître auquel elle appartenait?
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
II. Sa condition chez les Égyptiens, chez les Assyriens, dans la Perse,
dans l'Inde, dans la Chine et chez les peuplades barbares de la Scythie, de la Libye et de la Thrace.(suite)
Nous croyons en avoir dit assez pour faire connaître l'état général de l'Orient sous le rapport de la condition des femmes. La Phénicie, la Syrie, la Lydie nous offriraient, comme les citations l'ont prouvé, les mêmes spectacles de misère et de dégradation. Pour l'Inde et la Chine, nul doute que si l'antiquité les eût assez connues, elle nous eût fourni sur ces contrées des témoignages aussi désolants. Ce que nous savons de leur état actuel peut nous donner une idée de leur passé. Or que voyons-nous actuellement dans l'Inde? la polygamie la plus étendue 1, la corruption la plus effrénée 2, l'avilissement et la dépendance absolue des femmes; par suite, leur exclusion de tous les biens de l'époux, et, à sa mort, nulle autre ressource que la servitude, la prostitution, ou le bûcher 3.
Le mépris du sexe y est posé en principe par la loi elle-même : « La femme, dit la loi de Manou, est protégée par son père dans l'enfance, par son mari dans la jeunesse, et dans la vieillesse par son fils. Jamais elle n'est propre à l'état d'indépendance. La fougue indomptable du tempérament, l'inconstance du caractère, l'absence de toute affection permanente, et la perversité naturelle, qui distinguent les femmes, ne manqueront jamais, malgré toutes les précautions imaginables, de les détacher en peu de temps de leurs maris 4 »
Si les mœurs des femmes sont moins mauvaises dans la Chine, leur sort n'y est guère plus heureux 5. Victimes de toutes les tyrannies, de celle des usages et de celle des hommes, quand elles échappent au despotisme de leurs parents, qui, maîtres absolus de leur enfance, ont le droit de les noyer 1, de les vendre, ou de les élever pour la prostitution 2, c'est pour tomber sous le joug d'un époux qu'elles n'ont pas choisi, mais qu'on leur impose. Dès lors, sévèrement clôturées, jalousement gardées, comme en Perse 3, elles vivent dans l'isolement ou parmi les concubines de leurs maris 4, étrangères à toutes les choses du dehors, uniquement occupées de leurs parures et de soins frivoles 5, heureuses encore si, pour comble de mépris, elles n'ont pas été mariées à des eunuques 6. Quant aux traitements qu'elles sont exposées à subir, il suffira d'un exemple : Le paysan chinois, dit Malte-Brun, attache son âne et sa femme à la même charrue.
Si maintenant, interrogeant les coutumes des peuples moins civilisés, on croyait y trouver plus d'innocence et de bonheur, on se tromperait étrangement.
Chez les Massagèles, ce n'est plus seulement la polygamie, c'est la communauté des femmes, c'est la promiscuité qui est en honneur 7 ; même usage chez les peuples nomades de la Libye 8. Chez certaines peuplades de la Thrace, où la prostitution des filles 9 et la pluralité des femmes sont communes, les veuves, comme dans l'Inde, se disputent la triste gloire d'être immolées sur les tombeaux de leurs maris 10. Il n'est pas jusqu'aux Péoniens des environs du mont Pangée qui ne pratiquent au moins la polygamie 11 ; elle arrive, avec tout son cortège d'abus, jusqu'à la porte de la Grèce et de la civilisation européenne.
Nous allons voir si c'était cette civilisation brillante, mais toujours païenne, de la Grèce et de Rome, qui pouvait relever la femme de si bas pour la replacer au rang élevé qu'elle occupe aujourd'hui.J.-CH. DABAS.
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1. Les brahmanes épousent jusqu'à vingt et trente femmes. Quelquefois ce sont les femmes qui ont plusieurs maris. Voir Montesquieu, Esprit des Lois, I. XVI, ch. 4, 5. — 2. Montesquieu, Esprit des Lois, 1. XVI, ch. 10. — 3. Ce n'est que du 4 décembre 1829 qu'une ordonnance a été rendue par le gouvernement-général de l'Inde anglaise pour l'abolition de ces sacrifices. On avait pris la même mesure dans l'Inde française quelques années auparavant. Mais, en 1803, le gouvernement du Bengale ayant voulu connaître le nombre de femmes qu'un préjugé barbare conduisait sur le bûcher de leurs maris, trouva qu'il n'était pas moindre de 30,000 par an. Voir de Maistre, Éclaircissements sur les sacrifices; extraits des papiers anglais. — 4. Lois de Manou, fils de Brahma ; — passage cité par de Maistre, ibid.. — 5. Voir ce qu'en dit M. de Guignes, dans ses Voyages à Péking, Manille, etc., de 1784 à 1801; t. II, p. 202. — 1. Voyages à Péking, etc., t. II, p. 165. — 2. Ibid., p. 292, 294. — 3. Ibid., p. 283, 296, passim. — 4. Ibid., p. 281,283, 284. — Certains empereurs chinois ont eu jusqu'à 10,000 femmes. — 5. Ibid., p. 282. — 6. Ibid., p. 296. — Au Tonquin, dit Dampierre, les mandarins civils et militaires, qui sont tous eunuques, ne peuvent se passer de femmes, et ils se marient. La loi qui leur permet le mariage ne peut être fondée que sur la considération qu'on y a pour de pareilles gens, d'une part, et, de l'autre, sur le mépris qu'on y a pour les femmes. » Montesquieu, Esprit des Lois, 1. xv, ch. 18. —7. Hérod., l. 1, ch. 216. — Strab., l.. XI, p. 780. D. — Théopompe racontait la même chose des Tyrrhéniens. (Athénée, 1. XII, p. 517.) — 8. Hérod., 1. III, ch. 168 et 172 ; ch. 180. — Voir aussi les réflexions de Montesquieu sur les mœurs des peuplades nomades, Esprit des Lois, 1. XVIII, ch. 13. — 9. Hérod., l.. v, ch. 6. —10. Ibid., ch. 5. — 11. Ibid., ch. 16.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
TROISIÈME ARTICLE.
.III. Condition de la femme grecque dans les temps héroïques et dans les temps historiques ; des Athéniennes, des Lacédémoniennes.
Commençons par confesser que la condition de la femme, dans la Grèce et surtout dans Rome, est moins déplorable qu'en Orient, la Judée seule exceptée. L'Europe n'a jamais été aussi favorable que l'Asie à la corruption et au despotisme; le ciel y est moins pesant, la terre moins brûlante, les âmes moins engagées dans les liens de la matière; on y respire enfin comme un air de liberté.
Qu'on ne s'étonne donc pas de ne plus trouver dans la Grèce et dans Rome la polygamie illimitée de l'Orient, ni même la polygamie limitée des Hébreux. La polygamie arrive, comme nous le disions, jusqu'à la porte de la Grèce, mais c'est pour y expirer, parce que la nature l'y repousse. Avec elle tombent ces geôles barbares où la volupté rive les fers de la servitude ; avec elle disparaissent non pas les vices de l'Asie, mais ses excès les plus monstrueux. La promiscuité est proscrite par les lois, quoique rêvée encore sous le nom de communauté par des philosophes tels que Platon 1; les mariages incestueux sont généralement interdits et même considérés avec horreur, quoique permis encore à certains degrés par les législateurs d'Athènes et de Lacédémone 2; la prostitution cesse d'être forcée, quoique les infamies religieuses des temples de Vénus rappellent trop les honteuses coutumes consacrées par le culte de Mylitta 1. Enfin, la vente des filles libres devient plus rare ; si la loi romaine concède ce droit excessif à l'autorité paternelle, la loi de Solon le lui retire, hors le cas exceptionnel d'un scandale domestique causé par le dérèglement des mœurs; mais il faut dire qu'alors le frère a sur ses sœurs le même droit que le père sur ses filles 2, fait grave qui prouverait déjà l'infériorité domestique de la femme chez les Athéniens.
Et en effet, bien que l'esclavage oriental ne soit plus la condition ordinaire de la femme grecque, il ne faut pas croire qu'il soit remplacé pour elle par un régime d'émancipation. Toujours ravalée dans l'estime des hommes 3, toujours déshonorée par une corruption dont elle est complice et surtout victime, poursuivie plus qu'ailleurs peut-être par le sarcasme et par l'injure, la femme grecque vit ou plutôt languit dans un état mitoyen entre la liberté et la servitude, plus près de la servitude que de la liberté.
Remonterons-nous, pour constater le fait, aux temps héroïques de la Grèce? Que lit-on à la première page de leur histoire? que le rapt est l'exploit ordinaire des plus vaillants mortels et des demi-dieux. Bien différents de nos chevaliers chrétiens qui se sont fait une gloire de protéger l'honneur et la faiblesse du sexe, les Hercule et les Thésée, ces chevaliers du moyen fige antique, ces premiers pourfendeurs de monstres et de géants, s'illustrent par le nombre de femmes qu'ils enlèvent à leurs familles ou à leurs maris. Brigands plus redoutables que ceux qu'ils terrassent, ils poursuivent leurs conquêtes jusque dans les enfers, et ne respectent pas même la couche de Pluton. C'est là de la fable, me direz-vous ? — c'est là de l'histoire. Hérodote ne nous rappelle-t-il pas, dès ses premières lignes, que si les Phéniciens enlevèrent Io à l'Argolide, et les Troyens Hélène à Sparte, les Grecs ravirent Europe à la Phénicie et Médée à la Colchide? Dans ces faits qu'il rapproche, pour y chercher la…
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1. Voir la République de Platon et les Harangueuses d'Aristophane. — 2. On épousait sa sœur de père à Athènes, et sa sœur utérine à Lacédémone (Mont., Esp. des Lois, l. V, ch. V. — Lettres de quelques Juifs, t. III, lett. IX, § 8 ).
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.III. Condition de la femme grecque dans les temps héroïques et dans les temps historiques ; des Athéniennes, des Lacédémoniennes.(suite)
Dans ces faits qu'il rapproche, pour y chercher la cause des anciennes inimitiés de la Grèce et de l'Orient, l'habile historien nous montre un accident fréquent de la vie héroïque 1, un effet ordinaire de ses concupiscences et de sa brutalité.
Il est vrai que l'Europe s'arme contre l'Asie pour punir un de ces outrages; mais qu'on ne s'y trompe pas : la liberté de la femme et l'honneur du mari sont dans cette lutte les dernières choses que l'on songe à venger. Ce qu'on poursuit, c'est le dommage essuyé par l'homme, moins dans son honneur que dans ses intérêts matériels; c'est le tort fait au propriétaire par le vol de la femme et des trésors 2. La femme et les trésors, ces deux biens sont inséparables dans Homère. Hector veut-il désarmer les Grecs et les Troyens? il propose que Pâris et Ménélas combattent seuls pour Hélène et ses richesses 3. Et en effet, après la guerre, Hélène passera de Pâris à Ménélas, comme elle avait passé de Ménélas à Pâris, et le légitime possesseur sera rentré dans tous ses biens.
Ce n'est pas une exagération de dire que, dans ces temps, le mari possède la femme comme une propriété :
Ou bien elle a été proposée, disputée, mise en quelque sorte au…
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
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Ou bien elle a été proposée, disputée, mise en quelque sorte au concours 1, et l'heureux compétiteur qui l'obtient, disons mieux, qui la gagne, se souviendra qu'elle a été le prix de ses talents, de son adresse ou de sa force.
Ou bien, enfin, elle a été achetée, réellement achetée à son père au prix d'une certaine somme d'argent, peut-être de quelques paires de bœufs. C'est ainsi que Laërte avait offert vingt taureaux de cette sage Euryclée, qu'il honora toujours comme une chaste épouse 2; c'est ainsi qu'Hector avait donné beaucoup à Eétion pour obtenir Andromaque. Vulcain lui-même (car ce commerce se pratiquait aussi chez les dieux) avait payé fort cher la belle Vénus ; et nous voyons dans l'Odyssée que, lorsqu'il la surprit en adultère, il jura de ne la point relâcher de ses filets que Jupiter ne lui eût rendu tous ses présents 3.
Placée dans de telles conditions, quel sort peut espérer la femme ? vierge, épouse, ou mère, à quelle liberté, à quel respect, à quel amour peut-elle prétendre? Je sais que parmi les femmes de ces anciens temps de la Grèce on trouve encore, la poésie l'atteste, de nobles figures, de beaux caractères. Faut-il nommer Iphigénie, ce type de la fille aimée autant qu'aimante; Pénélope, ce modèle des femmes chastes et fidèles; Andromaque, cet idéal de la mère tendre et dévouée? J'admets que ce ne sont pas là seulement des imaginations de poètes, que ces créations vivantes du génie ont emprunté quelque chose à la réalité; je l'admets. Eh bien, je ne voudrais pas d'autres exemples pour prouver dans quel état d'infériorité les mœurs grecques retenaient la femme et jusqu'à la fille, jusqu'à l'épouse, jusqu'à la mère des rois.
Sans doute l'Iphigénie d'Euripide, bien que moralement inférieure à celle de notre théâtre…
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III. Condition de la femme grecque dans les temps héroïques et dans les temps historiques ; des Athéniennes, des Lacédémoniennes.
(suite)
Ou bien elle a été proposée, disputée, mise en quelque sorte au concours 1, et l'heureux compétiteur qui l'obtient, disons mieux, qui la gagne, se souviendra qu'elle a été le prix de ses talents, de son adresse ou de sa force.
Ou bien, enfin, elle a été achetée, réellement achetée à son père au prix d'une certaine somme d'argent, peut-être de quelques paires de bœufs. C'est ainsi que Laërte avait offert vingt taureaux de cette sage Euryclée, qu'il honora toujours comme une chaste épouse 2; c'est ainsi qu'Hector avait donné beaucoup à Eétion pour obtenir Andromaque. Vulcain lui-même (car ce commerce se pratiquait aussi chez les dieux) avait payé fort cher la belle Vénus ; et nous voyons dans l'Odyssée que, lorsqu'il la surprit en adultère, il jura de ne la point relâcher de ses filets que Jupiter ne lui eût rendu tous ses présents 3.
Placée dans de telles conditions, quel sort peut espérer la femme ? vierge, épouse, ou mère, à quelle liberté, à quel respect, à quel amour peut-elle prétendre? Je sais que parmi les femmes de ces anciens temps de la Grèce on trouve encore, la poésie l'atteste, de nobles figures, de beaux caractères. Faut-il nommer Iphigénie, ce type de la fille aimée autant qu'aimante; Pénélope, ce modèle des femmes chastes et fidèles; Andromaque, cet idéal de la mère tendre et dévouée? J'admets que ce ne sont pas là seulement des imaginations de poètes, que ces créations vivantes du génie ont emprunté quelque chose à la réalité; je l'admets. Eh bien, je ne voudrais pas d'autres exemples pour prouver dans quel état d'infériorité les mœurs grecques retenaient la femme et jusqu'à la fille, jusqu'à l'épouse, jusqu'à la mère des rois.
Sans doute l'Iphigénie d'Euripide, bien que moralement inférieure à celle de notre théâtre…
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.III. Condition de la femme grecque dans les temps héroïques et dans les temps historiques ; des Athéniennes, des Lacédémoniennes.(suite)
Sans doute l'Iphigénie d'Euripide, bien que moralement inférieure à celle de notre théâtre, est encore admirable de piété filiale et d'héroïque vertu ; sans doute, en la sacrifiant, Agamemnon détourne la tête et verse des larmes 1 ; mais enfin le sacrifice s'accomplit, et la victime est résignée plutôt que volontaire. « Ma vie est votre bien 2, » pourrait-elle dire à son père avec plus de raison que l'Iphigénie française. Qu'est-elle, en effet, elle et ses sœurs martyres, les Cassandre, les Polyxène, qu'une esclave sublime, dévouée déjà par la volonté d'un autre avant de se dévouer elle-même par un mouvement généreux de sa propre volonté 3?
Pénélope, sans approcher de la femme chrétienne, donne assurément un grand exemple de chasteté et de dévouement conjugal; mais n'est-il pas vrai d'abord que, si sa vertu reçoit tant d'hommages, c'est parce qu'elle est rare et qu'elle cause de l'étonnement? Voyez ensuite à quelle triste vie sa fidélité même la condamne : emprisonnée dans l'appartement supérieur de son palais, ne se défendant que par la ruse contre les prétendants qui l'assiègent ; soumise enfin à Télémaque, son fils et son maître, qui lui recommande le silence et la renvoie assez rudement au travail dit gynécée 4.
Andromaque est bien attendrissante et comme épouse et comme mère; mais entendez Hector, un moment ébranlé par ses larmes, puis raffermi et devenu sourd à ses prières, lui dire de retourner à sa toile, à ses fuseaux, et d'aller ordonner la tâche de ses esclaves, au lieu de l'entretenir de guerre et de combats 5. Malgré toute sa tendresse maternelle, la même Andromaque survivra à son Astyanax, après avoir survécu à son Hector, et c'est celle que le fils d'Achille doit léguer un jour à son esclave Hélénus.
Si, maintenant, détachant nos yeux de ces belles images, qui nous montrent la femme élevée par sa vertu au-dessus de sa condition et presque de sa nature…
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1. Eur., Iphig., v. 1528-1529. Édit. Boiss. — 2. Iphig. de Racine, acte IV, sc. IV. — 3. Pour être plus spontané et plus libre dans son principe, le sacrifice d'Antigone n'en est pas moins forcé dans son accomplissement. L'arrêt de Créon, tout odieux qu'il est, s'exécute aux yeux d'un peuple entier, sans qu'une voix s'élève, hormis celle d'Hémon, contre une si abominable tyrannie (Voir l'Antigone de Sophocle). Quant au sacrifice de Macarie, dans les Héraclides, il a le rare mérite d'être tout à fait volontaire, ainsi que la mort d'Evadné, dans les Suppliantes, et celle d'Alceste, dans la pièce de ce nom. — 4. « Retournez à votre demeure, reprenez vos travaux accoutumés, la toile et le fuseau, puis commandez à vos femmes de hâter leur ouvrage : le soin de la parole appartient à tous les hommes et surtout à moi ; c'est à moi que la puissance est donnée dans ce palais. » (Odyss.., ch. 1, 357-360.) — 5. Iliade,ch. VI, 490-493.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
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Si, maintenant, détachant nos yeux de ces belles images, qui nous montrent la femme élevée par sa vertu au-dessus de sa condition et presque de sa nature, j'entends de sa nature déchue, nous voulons les reporter vers le spectacle de ses égarements et de ses crimes, que d'exemples instructifs dans l'histoire des Phèdre, des Clytemnestre, des Médée !
Deux faits en ressortent avec une grande évidence : c'est d'abord qu'en droit, tandis que la femme, esclave domestique, est obligée, sous peine de flétrissure ou de mort, à garder la foi conjugale, l'époux, affranchi de toute gêne, reste libre de la trahir et de la violer. La femme ne doit pas même s'en plaindre, et si elle le fait, on lui répondra comme Oreste à Clytemnestre : « N'accuse pas l'homme qui fatigue, toi qui es assise dans la maison. Le travail de l'époux nourrit la femme oisive au foyer 1. »
C'est ensuite, que n'ayant rien à prétendre de la loi, l'épouse esclave et trahie s'émancipe souvent par le crime, qu'elle se venge souvent de ses humiliations par l'adultère et par de hardis attentats. Phèdre nourrit une passion coupable et se tue ; Médée, dans sa furieuse jalousie, empoisonné sa rivale et ose égorger ses enfants ; Clytemnestre enfin se souille avec Égisthe et frappe Agamemnon.
Mais alors, et c'est encore une preuve bien frappante de sa dégradation, que reste-t-il à la femme de ses droits même les plus sacrés, les plus imprescriptibles? que lui reste-t-il, par exemple, des droits du sang et des titres de la mère? tout est effacé, tout absolument par les crimes de l'épouse. Dans nos mœurs et nos idées chrétiennes, l'épouse coupable, et même homicide, conservera quelque droit au respect de ses enfants. Là il n'y a plus rien, rien que la haine et la soif de la vengeance. La tendre Electre a des emportements exécrables contre sa mère 2 ;
Oreste, conduit par les dieux, accomplit sur Clytemnestre un pieux parricide ; et quand, accusé par les furies, mais défendu par Apollon et absous par Pallas, il s'entend reprocher d'avoir répandu un pareil sang, le meurtrier répond que ce sang n'était pas le sien 3. Que veut-il dire ? Apollon l'explique en développant pour lui ce singulier moyen de défense : suivant le céleste avocat, qui ne met pas la mort d'une femme en balance avec celle d'un héros, Jupiter donne la préférence au père sur la mère, parce que le père est l'unique auteur de la vie, et que la mère en est seulement la nourrice; parce qu'on ne peut venir au monde sans père et qu'on le pourrait sans mère, témoin Pallas 1; d'où il suit que la mère n'a pas droit au même respect. Argument étrange, mais sérieux, puisé dans les idées physiologiques du temps, docilement reçu par le public d'Athènes, puisque, après Eschyle, Euripide le reproduit dans son Oreste 2; argument enfin qui prouve assez combien la notion de la dignité de la femme et des droits de la mère se trouvait alors obscurcie.
Mais ne cherchons plus nos exemples dans ces grandes conceptions de l'épopée et du drame antique…
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1. Esch., Choéph.., 906-908. Édit. Boiss. — 2. Voir l'Électre de Sophocle. — 3. Esch.. Eum., v. 598. Édit. Boiss. — 1. Id., ibid., v. 649-658. — 2. Eurip., Oreste, v. 541-2-3.
III. Condition de la femme grecque dans les temps héroïques et dans les temps historiques ; des Athéniennes, des Lacédémoniennes.
(suite)
Si, maintenant, détachant nos yeux de ces belles images, qui nous montrent la femme élevée par sa vertu au-dessus de sa condition et presque de sa nature, j'entends de sa nature déchue, nous voulons les reporter vers le spectacle de ses égarements et de ses crimes, que d'exemples instructifs dans l'histoire des Phèdre, des Clytemnestre, des Médée !
Deux faits en ressortent avec une grande évidence : c'est d'abord qu'en droit, tandis que la femme, esclave domestique, est obligée, sous peine de flétrissure ou de mort, à garder la foi conjugale, l'époux, affranchi de toute gêne, reste libre de la trahir et de la violer. La femme ne doit pas même s'en plaindre, et si elle le fait, on lui répondra comme Oreste à Clytemnestre : « N'accuse pas l'homme qui fatigue, toi qui es assise dans la maison. Le travail de l'époux nourrit la femme oisive au foyer 1. »
C'est ensuite, que n'ayant rien à prétendre de la loi, l'épouse esclave et trahie s'émancipe souvent par le crime, qu'elle se venge souvent de ses humiliations par l'adultère et par de hardis attentats. Phèdre nourrit une passion coupable et se tue ; Médée, dans sa furieuse jalousie, empoisonné sa rivale et ose égorger ses enfants ; Clytemnestre enfin se souille avec Égisthe et frappe Agamemnon.
Mais alors, et c'est encore une preuve bien frappante de sa dégradation, que reste-t-il à la femme de ses droits même les plus sacrés, les plus imprescriptibles? que lui reste-t-il, par exemple, des droits du sang et des titres de la mère? tout est effacé, tout absolument par les crimes de l'épouse. Dans nos mœurs et nos idées chrétiennes, l'épouse coupable, et même homicide, conservera quelque droit au respect de ses enfants. Là il n'y a plus rien, rien que la haine et la soif de la vengeance. La tendre Electre a des emportements exécrables contre sa mère 2 ;
Oreste, conduit par les dieux, accomplit sur Clytemnestre un pieux parricide ; et quand, accusé par les furies, mais défendu par Apollon et absous par Pallas, il s'entend reprocher d'avoir répandu un pareil sang, le meurtrier répond que ce sang n'était pas le sien 3. Que veut-il dire ? Apollon l'explique en développant pour lui ce singulier moyen de défense : suivant le céleste avocat, qui ne met pas la mort d'une femme en balance avec celle d'un héros, Jupiter donne la préférence au père sur la mère, parce que le père est l'unique auteur de la vie, et que la mère en est seulement la nourrice; parce qu'on ne peut venir au monde sans père et qu'on le pourrait sans mère, témoin Pallas 1; d'où il suit que la mère n'a pas droit au même respect. Argument étrange, mais sérieux, puisé dans les idées physiologiques du temps, docilement reçu par le public d'Athènes, puisque, après Eschyle, Euripide le reproduit dans son Oreste 2; argument enfin qui prouve assez combien la notion de la dignité de la femme et des droits de la mère se trouvait alors obscurcie.
Mais ne cherchons plus nos exemples dans ces grandes conceptions de l'épopée et du drame antique…
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1. Esch., Choéph.., 906-908. Édit. Boiss. — 2. Voir l'Électre de Sophocle. — 3. Esch.. Eum., v. 598. Édit. Boiss. — 1. Id., ibid., v. 649-658. — 2. Eurip., Oreste, v. 541-2-3.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.III. Condition de la femme grecque dans les temps héroïques et dans les temps historiques ; des Athéniennes, des Lacédémoniennes.(suite)
Mais ne cherchons plus nos exemples dans ces grandes conceptions de l'épopée et du drame antique. Au lieu d'entrevoir la figure de la femme à travers ces rêves de la poésie, qui permettent pourtant de la deviner, tâchons de la surprendre elle-même, au jour de l'histoire, dans la réalité de sa vie sociale et domestique.
Quand nous parlons d'histoire, nous n'entendons pas ici les annales publiques de la Grèce; la femme y occupe trop peu de place, et la nullité du rôle qu'elle y joue atteste déjà son peu de valeur. C'est à l'époque la plus florissante de la liberté athénienne que Périclès disait aux veuves des guerriers morts pour la patrie : « Votre gloire à vous, ô femmes, c'est qu'on ne parle jamais de vous, ni pour vous louer ni pour vous blâmer 3. »
Fidèles à ce conseil, ou plutôt à cette loi, les femmes d'Athènes s'arrangent du rôle passif qu'on leur fait, et ne s'appliquent qu'à se faire oublier. Renfermées dans leur gynécée, au milieu de leurs esclaves qu'elles gouvernent, et de leurs enfants qu'elles nourrissent, elles ne paraissent guère en public que les jours de fête, pour assister aux spectacles et aux assemblées religieuses 4. S'il leur arrive, les autres jours, de mettre le pied hors de la maison, elles se hâtent d'y rentrer, et rendent compte de leur absence 5. Encore leur fallait-il autrefois solliciter la permission de leur mari, et pour ne sortir que la nuit, dans une voiture, avec un voile, à la lueur d'un flambeau [up]6[/sup] . Point de vie extérieure pour elles, point de réunions où elles soient appelées à faire briller leurs talents.
De talents, elle n'en ont pas d'autres que de savoir coudre et filer; c'est là que se réduit, avec un peu de lecture et d'écriture 1, toute leur science et toute leur éducation. Il est vrai qu'il est des femmes affranchies d'une aussi déplorable nullité; mais elles portent le nom d'Hétères ou de courtisanes. A elles la liberté et la culture de l'esprit ; à elles l'éclat et l'influence ; elles ont une valeur et quelquefois une action politique ; elles vivent entourées d'une cour brillante de jeunes gens et de vieillards, de poètes et d'orateurs, de philosophes et de magistrats 2. Mais fussent-elles Aspasie, l'amie et le conseil de Périclès, avec les privilèges de leur condition, elles en recueillent aussi le mépris ; les autres femmes ne sont que dédaignées.
Qui osera dire, cependant, que le sort de ces dernières soit plus digne d'envie? Il pourrait l'être, si les joies de la vie intérieure et domestique étaient assez grandes pour les consoler du dehors; mais non-seulement les femmes athéniennes n'ont aucun ascendant sur leurs époux, elles ne peuvent même prétendre à leur affection ni à leurs égards délicats. L'esprit et le cœur des maris appartiennent aux courtisanes, ou plutôt les courtisanes elles-mêmes n'en ont que la surface; le fond reste attaché à de plus honteuses amours, car il faut bien faire allusion à ces liaisons scandaleuses dont les plus grands hommes de la Grèce ont donné l'exemple, que la poésie s'est plu à célébrer, et dont la philosophie elle-même n'a pas assez rougi. Loin de moi la pensée de calomnier Socrate, mais enfin Socrate, s'il était pur de ces vices infâmes, n'avait pas honte d'en affecter les formes et d'en prendre le langage 3. La pratique en était alors si universelle, qu'elle passait pour vertu : « Dans les villes grecques, a dit Montesquieu, l'amour n'avait qu'une forme que l'on n'ose dire 4. » Et Plutarque, dans son Traité sur l'Amour, où il développe si longuement ce triste sujet : « Quant au véritable amour, dit-il, les femmes n'y ont aucune part 5. »
Ainsi la beauté de la femme, ce dernier prestige…
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3. Thucydid., 1. II , n. 45. — 4. Voy. d'Anach., t. II, ch. xx. — 5. Id., ibid. — Voyez aussi, dans les Harangueuses, l'interrogatoire qne Blepyrus fait subir à sa femme Praxagora. (Harang., v. 542 et suiv.) — 6. Id., ibid. — Plut, in Solon.— 1. Voy. d'Anach. , t. II, ch. xx. — 2. ld.,ibid. — 3. Voy. les Dialog. de Platon , et particulièrement le Banquet. — 4. Esp. des Lois, liv. VII , chap. IX. — 5. Plut., Œuv. mor., Traité de l'Amour.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.III. Condition de la femme grecque dans les temps héroïques et dans les temps historiques ; des Athéniennes, des Lacédémoniennes.(suite)
Ainsi la beauté de la femme, ce dernier prestige, sa beauté est sans puissance pour lui rendre quelque chose de son empire aboli. L'amour existe et il n'est point pour elle; elle n'en a que les dédains et que les rebuts.
Si sa vertu du moins lui méritait quelque respect ! Mais on croit peu à sa vertu, ou, si on y croit, c'est comme à un effet de la crainte; elle est suspecte, car elle est épiée au dedans, surveillée au dehors, mise enfin, qui le croirait? sous la garde d'une police publique. Nous n'exagérons point : il y avait à Athènes un magistrat particulier, chargé de veiller sur la conduite extérieure des femmes, et qui, pour une négligence de toilette ou pour un tort de coquetterie, les punissait d'une grosse amende en faisant afficher leur condamnation sur une tablette publiquement exposée 1.
Qu'était-ce si elles tombaient dans de véritables égarements? alors il n'y avait plus de justice pour elles. Nous avons, nous, une sorte de pudeur et d'équité naturelles qui nous impose des ménagements et des règles, même en faveur de la femme la plus coupable. Chez les Athéniens, tout était permis contre celle qui avait eu le malheur de faillir; les lois l'excluaient pour toujours des cérémonies religieuses, et si elle osait y paraître, le peuple avait le droit de la frapper, de déchirer ses vêtements, de l'insulter de toutes manières, la mort seule exceptée 2.
Il va sans dire que la femme adultère était sur-le-champ répudiée par son mari; mais la femme vertueuse, nous dira-t-on, n'avait-elle pas aussi, de son côté, le droit de répudier un mari indigne ? Distinguons : la répudiation fut dans l'origine le droit absolu, exclusif de l'homme, en Grèce comme en Orient, et chez tous les peuples de l'antiquité. Plus tard, il est vrai, Solon introduisit la réciprocité de ce droit, ou le divorce, conséquence, dit M. de Bonald, du principe démocratique des Athéniens 3.
Or le divorce, il faut en convenir, malgré tous les désordres moraux qu'il entraîne, établit du moins entre l'homme et la femme une sorte d'égalité civile; il assure à la femme, comme à l'homme, un recours devant les tribunaux contre les souffrances d'une union mal assortie.
Voilà le droit, oui; mais le fait y répond-il? Dans un état social où la femme est à demi esclave, un pareil droit ne sera jamais pour elle qu'une fiction; elle n'osera pas en user, ou si elle l'ose, elle ne le pourra pas. On sait l'histoire de la femme d'Alcibiade…
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1. Voy. d'Anach. , ch. XX. — Pollux, l. VIII, ch. IX, § 112. — 2. Id., ibid.. — Demosth. in Nœer. — Æschin. in Timarch..— 3. M. de Bonald, Du Divorce, ch. VII.
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Re: De la déchéance de la femme, et de sa réhabilitation par le christianisme.
.III. Condition de la femme grecque dans les temps héroïques et dans les temps historiques ; des Athéniennes, des Lacédémoniennes.(suite)
On sait l'histoire de la femme d'Alcibiade qui, fatiguée des désordres de son mari, voulut un jour présenter son placet aux magistrats : Alcibiade survint, la prit par le bras, et, traversant la place aux applaudissements du peuple, la ramena triomphalement dans sa maison 1.
Euripide, qui dans une telle question n'est pas suspect, nous fait le même aveu par la bouche de sa Médée : « De tous les êtres vivants et doués de raison, fait-il dire à cette héroïne, nous sommes les plus malheureux, nous autres femmes; il nous faut d'abord, au prix de sommes énormes, acheter un mari 2, maître absolu de notre personne ( Note de Louis : voir le grec au bas )...Encore avons-nous de grandes chances pour qu'il se rencontre mauvais; et s'il est mauvais, que faire ? le divorce n'est pas honnête pour les femmes, il ne leur est pas possible d'abdiquer leur mari... Que nous reste-t-il donc, que de mourir 3 ? »
Une condition aussi dure et aussi servile ne pouvait manquer d'enfanter des vices propres à en assurer le maintien, les femmes d'Athènes n'y échappèrent pas, et la comédie grecque en fait foi. Consultez Aristophane, cet historien familier du peuple athénien, ce confident intime de sa vie privée; pénétrez avec lui dans l'intérieur de chaque maison pour y surprendre les secrets du foyer domestique; que voyez-vous?
Nous savons trop ce que la comédie comporte de mensonge pour prendre au pied de la lettre toutes les exagérations qu'il lui plaît d'entasser; nous n'en croirons donc pas, sans examen, le témoignage accusateur que les femmes y portent contre elles-mêmes, en paroles et en actions; elles y font trop bon marché de leur honneur; elles y confessent avec trop d'impudence et d'effronterie les turpitudes de leur conduite. Ce serait abuser de leur étrange franchise que de les condamner sur de tels aveux.
Oui, mais nous savons également ce que la comédie…
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1. Andoc. in Alcib. — Plut. in Alcib.. — 2. Il est bon de dire que l'usage avait changé d'Homère à Euripide : du temps d'Homère, le mari achetait sa femme ; du temps d'Euripide , c'était la femme qui s'achetait un mari, ou, comme il est dit, un maître. — 3. Eur., Med. , V. 233-246. Édit. Boiss.
Note de Louis :
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