Les dogmes de Jansénius.

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Message  Louis Dim 11 Déc 2016, 6:37 am

16. Innocent X condamne les cinq propositions tirées du livre de Jansénius. La doctrine de cet hérésiarque se réduit à nier le libre arbitre de l'homme et à faire Dieu même auteur du péché, à l'exemple et à la suite de Hobbès, Spinosa, Luther, Calvin, Wiclef, Manès et Mahomet.

…le 31 mai 1653, le jugement d'Innocent X, qui censure et qualifie les cinq propositions suivantes : …

1° « Quelques commandements de Dieu sont impossibles à des hommes justes qui veulent les accomplir, et qui font à cet effet des efforts selon les forces présentes qu'ils ont, et la grâce qui les leur rendrait possibles leur manque. » Cette proposition, qui se trouve mot pour mot dans Jansénius, fut déclarée téméraire, impie, blasphématoire, frappée d'anathème et hérétique. En effet elle avait déjà été proscrite par le concile de Trente (sess. 6, ch. 11, can. 18).

2° « Dans l'état de nature tombée on ne résiste jamais à la grâce intérieure. » Cette proposition n'est pas mot pour mot dans l'ouvrage de Jansénius, mais la doctrine qu'elle contient y est en vingt endroits. Elle fut notée d'hérésie, et elle est contraire à plusieurs textes formels du Nouveau Testament.

3° « Dans l'état de nature tombée, pour mériter ou démériter, l'on n'a pas besoin d'une liberté exempte de nécessité ; il suffit d'avoir une liberté exempte de contrainte. » On lit en propres termes dans Jansénius : « Une œuvre est méritoire ou déméritoire lorsqu'on la fait sans contrainte, quoiqu'on ne la fasse pas sans nécessité » (1. 6, de Gratia Christi). Cette proposition fut déclarée hérétique ; elle l'est en effet, puisque le concile de Trente a décidé que le mouvement de la grâce même efficace n'impose point de nécessité à la volonté humaine.

4° « Les semi-pélagiens admettaient la grâce d'une nécessité prévenante pour toutes les bonnes œuvres, même pour le commencement de la foi ; mais ils étaient hérétiques en ce qu'ils pensaient que la volonté de l'homme pouvait s'y soumettre ou y résister. » La première partie de cette proposition est condamnée comme fausse et la seconde comme hérétique ; c'est une conséquence de la seconde proposition.

5° « C'est une erreur semi-pélagienne de dire que Jésus-Christ est mort et a répandu son sang pour tous les hommes. » Jansénius (de Gratia Christi, l. 3, c. 2) dit que les Pères, bien loin de penser que Jésus-Christ soit mort pour tous les hommes, ont regardé cette opinion comme une erreur contraire à la foi catholique ; que le sentiment de saint Augustin est que Jésus-Christ n'est mort que pour les prédestinés, et qu'il n'a pas plus prié son Père pour le salut des réprouvés que pour celui des démons. Cette proposition fut condamnée comme impie, blasphématoire et hérétique 1 .

Tout le système de Jansénius se réduit à ce point capital, savoir que, depuis la chute d'Adam, le plaisir est l'unique ressort qui remue le cœur de l'homme; que ce plaisir est inévitable quand il vient et invincible quand il est venu. Si ce plaisir vient du ciel ou de la grâce il porte l'homme à la vertu ; s'il vient de la nature ou de la concupiscence il détermine l'homme au vice, et la volonté se trouve nécessairement entraînée par celui des deux qui est actuellement le plus fort.

« Ces deux délectations, dit Jansénius, sont comme les deux bassins d'une balance ; l'un ne peut monter que l'autre ne descende. Ainsi l'homme fait invinciblement, quoique volontairement, le bien ou le mal, selon qu'il est dominé par la grâce ou par la cupidité ; il ne résiste donc jamais ni à l'une ni à l'autre. »

Un contemporain de Jansénius…
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1. Bergier, Dict.  théolog.,  art. JANSÉNIUS.

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Message  Louis Lun 12 Déc 2016, 6:28 am

16. Innocent X condamne les cinq propositions tirées du livre de Jansénius. La doctrine de cet hérésiarque se réduit à nier le libre arbitre de l'homme et à faire Dieu même auteur du péché, à l'exemple et à la suite de Hobbès, Spinosa, Luther, Calvin, Wiclef, Manès et Mahomet.

(suite)

Un contemporain de Jansénius, l'Anglais Thomas Hobbes, du nombre de ces écrivains qu'on s'est avisé de nommer philosophes, a soutenu que tout est nécessaire, et que par conséquent il n'y a point de liberté proprement dite ou de liberté d'élection. Nous appelons, dit-il, agents libres ceux qui agissent avec délibération ; mais la délibération n'exclut point la nécessité,car le choix était nécessaire, tout comme la délibération 1.

On lui opposait l'argument si connu que, si l'on ôte la liberté, il n'y a plus de crime, ni par conséquent de punition légitime. Hobbes répondit :

« Je nie la conséquence. La nature du crime consiste en ce qu'il procède de notre volonté et qu'il viole la loi. Le juge qui punit ne doit pas s'élever à une cause plus haute que la volonté du coupable. Quand je dis donc qu'une action est nécessaire, je n'entends pas qu'elle est faite en dépit de la volonté, mais parce que l'acte de la volonté ou la volition qui l'a produite était volontaire. Elle peut donc être volontaire, et par conséquent crime, quoique nécessaire. Dieu, en vertu de sa toute-puissance, a droit de punir quand même IL N'Y A POINT DE CRIME. »

« C'est précisément la doctrine des jansénistes, dit avec raison le comte de Maistre. Ils soutiennent que l'homme, pour être coupable, n'a pas besoin de cette liberté qui est opposée à la nécessité, mais seulement de celle qui est opposée à la coaction, de manière que tout homme qui agit volontairement est libre, et par conséquent coupable s'il agit mal, quand même il agit nécessairement. (C'est la proposition de Jansénius.)

« Un ecclésiastique anglais nous a donné une superbe définition du calvinisme. « C'est, dit-il, un système de religion qui offre à notre croyance des hommes esclaves de la nécessité, une doctrine inintelligible, une foi absurde, un Dieu impitoyable. » Le même portrait peut servir pour le jansénisme. Ce sont deux frères dont la ressemblance est si frappante que nul homme qui veut regarder ne saurait s'y tromper 2. »

Thomas Hobbes…
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1. De Maistre, de  l'Église gallicane, 1. I, c.  4. — 2. Ubi supra.

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Message  Louis Mar 13 Déc 2016, 6:40 am

16. Innocent X condamne les cinq propositions tirées du livre de Jansénius. La doctrine de cet hérésiarque se réduit à nier le libre arbitre de l'homme et à faire Dieu même auteur du péché, à l'exemple et à la suite de Hobbès, Spinosa, Luther, Calvin, Wiclef, Manès et Mahomet.

(suite)

Thomas Hobbes, né en 1588, mort en 1679, fit plusieurs voyages en France. Voici comment de Gérando résume ses doctrines.

« Les systèmes de Hobbes sont trop connus pour qu'il soit nécessaire d'en donner aujourd’hui une exposition détaillée. Ils se rapportent à une idée principale : c'est la doctrine de la force. Toute la philosophie de Hobbes est employée à légitimer la force, à la diviniser même, à justifier tout par la force seule. Ce ressort terrible régit seul le monde moral dans les diverses sphères qui le composent. Lui seul est le principe de la morale, l'âme de la conscience. La justice n'est que la puissance ; la loi n'est que la volonté du plus fort, le devoir que l'obéissance du faible. La Divinité elle-même peut justement punir, l'innocent ; une nécessité de fer gouverne ses ouvrages et même les déterminations des créatures raisonnables. La société commence par le droit de chacun sur toutes choses, et par conséquent par la guerre, qui est le choc de ces droits ; le pouvoir naît de la nécessité de la paix, qui ne peut s'obtenir qu'en soumettant ces droits à un seul arbitre.

Cependant Hobbes, en certaines occasions, contredit plutôt qu'il ne modifie ces doctrines, et se trouve forcé d'admettre des pactes et des lois naturelles. Comment n'aurait-il pas matérialisé l'intelligence humaine, puisqu'il matérialise la suprême intelligence ?  Aussi   n'a-t-il   pas échappé aux reproches d'athéisme.....Hobbes a été le vrai précurseur de Spinosa. Ce dernier lui a évidemment emprunté le germe de son système, quoique, averti par l'exemple des censures qui avaient pesé sur son prédécesseur, il ait cherché à mieux s'environner de précautions ou à s'envelopper de nuages 1. »

Ainsi donc Jansénius, Hobbes, Spinosa, Luther, Calvin, Wiclef, Manès, Mahomet, c'est tout un ; inspirés du même esprit, ils se donnent tous la main pour nier le libre arbitre de l'homme et faire Dieu auteur du péché, ou plutôt pour nier le Dieu véritable, le Dieu essentiellement libre, qui a créé l'homme à son image, et nous faire adorer à sa place, comme notre modèle, le premier des faux dieux, Satan, l'ange déchu, qui n'a plus de libre arbitre que pour le mal : tel est le type de l'homme janséniste.

Pour connaître à fond l'histoire humaine et l'Eglise de Dieu il ne faut jamais perdre de vue ce grand complot, cet ensemble des portes, puissances et conseils de l'enfer, qui s'efforcent de prévaloir contre l'Église et sa pierre fondamentale ; de prévaloir par la violence et la ruse, le canon et la sape, ennemis déclarés et faux frères. Mais la Parole même a dit : « Les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. »

La constitution dogmatique d'Innocent X…
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1. Biogr. univ., t. 20, art. HOBBES.

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Message  Louis Mer 14 Déc 2016, 6:58 am

17. La constitution d'Innocent est reçue sans opposition en France. Lettre mémorable que l'assemblée du clergé écrit au Pape.

La constitution dogmatique d'Innocent X contre les cinq propositions de Jansénius étant arrivée en France y fut reçue sans opposition par tout l'épiscopat. Trente évêques, qui se trouvaient à Paris, écrivirent, dès le 15 juillet 1653, une lettre d'acceptation au Pape, dans laquelle ils disent :

« Ce qu'il y a particulièrement de remarquable en cette rencontre, c'est que de même qu'Innocent Ier condamna autrefois l'hérésie de Pélage sur la relation qui lui fut envoyée par les évêques d'Afrique, de même Innocent X a condamné maintenant une hérésie tout à fait opposée à celle de Pélage sur la consultation que les évêques de France lui ont présentée.

« L'Église catholique de ce temps-là souscrivit, sans user de remise, à la condamnation de l'hérésie de Pélage, sur ce seul fondement qu'il faut conserver une communion inviolable avec la chaire de saint Pierre et que l'autorité souveraine y est attachée, laquelle reluisait dans l'épître décrétale qu'Innocent Ier écrivit aux évêques d'Afrique et dans celle que Zosime envoya ensuite à tous les évêques de la chrétienté.

« Car elle savait bien que les jugements rendus par les souverains Pontifes pour affermir la règle de la foi, sur la consultation des évêques (soit que leur avis y soit inséré ou qu'il ne le soit pas, comme ils le jugeront plus à propos), sont appuyés de l'autorité souveraine que Dieu leur a donnée sur toute l'Église, de cette autorité à laquelle tous les Chrétiens sont obligés, par le devoir que leur impose leur conscience, de soumettre leur raison.

« Et cette connaissance ne lui venait pas seulement de la promesse que Jésus-Christ a faite à saint Pierre, mais aussi de ce qu'avaient fait les Papes précédents, et des anathèmes que Damase avait fulminés quelque temps auparavant contre Apollinaire et contre Macédonius, quoiqu'ils n'eussent encore été condamnés par aucun concile œcuménique.

« Étant, comme nous sommes, dans les mêmes sentiments, et faisant profession de la même foi que les fidèles de ces premiers siècles, nous prendrons soin de faire publier dans nos Églises et dans nos diocèses la constitution que Votre Sainteté vient de faire, inspirée par le Saint-Esprit, et qui nous a été mise en main par l'illustrissime archevêque d'Athènes, son nonce...

« Cependant, après avoir félicité de cette divine et glorieuse victoire Innocent X, par la bouche duquel Pierre a parlé, comme autrefois le quatrième concile général le disait dans ses acclamations faites à Léon Ier, nous mettrons avec joie cette constitution dans les fastes sacrés de l'Église, de même qu'on y mettait anciennement les synodes œcuméniques 1 »

La bulle d'Innocent X, reçue unanimement en Sorbonne le 1er août 1653, fut reçue pareillement par tous les ordres religieux, par toutes les communautés et par toutes les universités du royaume. On eut avis d'Espagne qu'elle y avait trouvé partout une parfaite soumission. Elle fut de même publiée en Flandre et acceptée par le conseil de Brabant, par le clergé et par les universités; ce qui est d'autant plus remarquable qu'on avait fait, durant plusieurs années, dans ce pays-là, de grandes oppositions à la réception de la bulle d'Urbain VIII qui ne censurait qu'en général le livre de Jansénius.

Il est surtout un homme à qui la France doit une reconnaissance éternelle…
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1. Actes du clergé de France, t. 1.

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Message  Louis Jeu 15 Déc 2016, 7:02 am

18. Ce que saint Vincent de Paul écrit là-dessus à un de ses missionnaires.

Il est surtout un homme à qui la France doit une reconnaissance éternelle pour lui avoir inspiré cette répulsion unanime contre la nouvelle hérésie, un homme qui s'est conduit dans ces conjonctures en véritable Père de l'Église ; cet homme si connu, et qui cependant l'est encore si peu, c'est Vincent de Paul.

Dès 1651, répondant au même missionnaire qui l'avait consulté sur la Fréquente Communion d'Arnauld, il expose ainsi son jugement sur le livre de Jansénius. D'abord la reine, le cardinal Mazarin, le chancelier de France et le grand-pénitencier s'étaient déclarés contre le nouvel Augustin ; garder le silence dans ces occasions, c'est, selon un grand Pape, saint Célestin, donner des armes à l'erreur. La doctrine de Baïus, déjà flétrie par plusieurs Papes, est renouvelée par l'évêque d'Ypres ; les desseins de Jansénius et de Saint-Cyran doivent rendre naturellement leur doctrine suspecte; le dernier avait avoué à M. de Chavigny qu'ils s'étaient proposé de décréditer les Jésuites sur le dogme et sur l'administration des sacrements ; pour le croire Vincent n'avait pas besoin de ce témoignage, puisqu'il lui avait ouï tenir quantité de discours, et cela presque tous les jours, qui étaient conformes à cela.

Quant au fond même de la matière, la lecture assidue que Jansénius avait faite de saint Augustin ne prouve pas plus en faveur de ses sectateurs qu'elle ne prouverait en faveur de Calvin ; le concile de Trente entendait mieux saint Augustin que Jansénius et ses adhérents; en un mot, saint Augustin doit être expliqué par le concile, et non le concile par saint Augustin, parce que le premier est infaillible et que le second ne l'est pas.

Dans l'affaire présente il ne s'agit ni de Molina ni de la science moyenne, qui n'est pas article de foi; si cette doctrine est nouvelle, il n'en est pas ainsi de celle qui établit que Jésus-Christ est mort pour tout le monde; celle-ci est de saint Paul, de l'apôtre saint Jean, de saint Léon, du dernier concile général; l'opinion contraire a été condamnée dans le concile de Mayence et en plusieurs autres contre Gotescalch. Vincent raisonne de la même manière sur la possibilité d'observer les commandements de Dieu et sur la grâce suffisante. Il prouve l'une et l'autre par un grand nombre de textes.

A l'égard de la conduite qu'il veut qu'on tienne dans sa congrégation par rapport à ces matières, il n'approuve point que ses prêtres disputent, attaquent et défendent à cor et à cri ; mais il veut qu'ils parlent quand les circonstances l'exigent et que la crainte de se faire des ennemis ne les arrête pas.

« A Dieu ne plaise, dit-il, que ces faibles motifs, qui remplissent l'enfer, empêchent les missionnaires de défendre les intérêts de Dieu et de son Église ! »

C'est sur ce principe qu'il rejette bien loin le conseil, que le missionnaire consultant lui avait donné, de laisser chacun dans sa compagnie croire sur ces matières ce qu'il jugerait à propos.

« O mon Jésus! s'écrie-t-il, il n'est pas expédient que cela soit ainsi ; il faut que nous soyons tous unius labii, autrement nous nous déchirerions tous les uns les autres. Obéir en ce point, ce n'est point se soumettre à un supérieur, mais à Dieu et au sentiment des Papes, des conciles et des saints, et, si quelqu'un des nôtres n'y voulait pas déférer, il ferait bien de se retirer, et la compagnie de l'en prier. »

Quelque rigoureuses que paraissent ces dernières paroles, le saint n'en venait aux dernières extrémités qu'après avoir épuisé tous les moyens que fournissent la charité et la prudence. Il priait beaucoup, il faisait prier par les siens, et il ne prenait son dernier parti qu'après avoir consulté ceux que la capacité et l'expérience mettaient le plus en état de lui donner de bons avis. Il le fit surtout par rapport à un de ses prêtres qu'on n'avait pu faire revenir de ses mauvais sentiments; il ne le renvoya qu'après en avoir conféré avec quatre docteurs de Sorbonne, le coadjuteur de Paris, le cardinal Mazarin, le chancelier et le premier président, qui tous lui conseillèrent de le renvoyer.

Des remèdes si violents coûtaient à sa tendresse…

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Message  Louis Ven 16 Déc 2016, 7:05 am

19. Lettres mémorables du même saint à plusieurs évêques.    

Des remèdes si violents coûtaient à sa tendresse. Nuit et jour il souhaitait qu'une autorité supérieure réglât ce malheureux différend, qui déjà mettait en feu le clergé séculier et régulier. Son respect pour le vicaire de Jésus-Christ lui faisait croire que sa décision réunirait presque tous les esprits, et que la paix succéderait à un orage qui, presque à chaque instant, devenait plus impétueux. C'est dans cette vue qu'il mit tout en œuvre pour engager autant d'évêques qu'il lui serait possible à souscrire la lettre qui devait être envoyée au Pape. Il combla de louanges ceux qui s'y étaient prêtés d'eux-mêmes et il en invita d'autres à se joindre à eux. Il leur écrivit en février 1651 la lettre suivante :

« Les mauvais effets que produisent les opinions du temps ont fait résoudre un bon nombre de nos seigneurs les prélats du royaume d'écrire à notre Saint-Père le Pape pour le supplier de prononcer sur cette doctrine.

Les raisons particulières qui les y ont portés sont :

1° que par ce remède ils espèrent que plusieurs se rendront aux opinions communes, qui sans cela pourraient s'en écarter, comme il est arrivé de tous quand, on a vu la censure des deux chefs qui n'en font qu'un.

2° C'est que le mal pullule parce qu'il semble être toléré.

3° On pense à Rome que la plupart de nos seigneurs les évêques de France sont dans ces sentiments nouveaux, et il importe de faire voir qu'il y en a très-peu.

4° Enfin ceci est conforme au saint concile de Trente, qui veut que, s'il s'élève des opinions contraires aux choses qu'il a déterminées, on ait recours aux souverains Pontifes pour en ordonner. Et c'est ce qu'on veut faire, Monseigneur, ainsi que vous verrez dans la même lettre, laquelle je vous envoie, dans la confiance que vous aurez agréable de la signer après une quarantaine d'autres prélats qui l'ont signée, dont voici la liste, etc. »

Cette lettre du saint homme eut un heureux succès. Cependant l'évêque de Luçon ne fit point de réponse ; ceux d'Alet et de Pamiers en firent une où, pour arriver à la paix, ils proposaient une ouverture qui ne pouvait que redoubler la guerre. Le saint prêtre ne se rebuta point ; le 23 avril 1651 il écrivit une seconde fois à l'évêque de Luçon. Après lui avoir dit qu'il craint ou qu'il n'ait pas reçu sa lettre, ou qu'il n'ait été ébranlé par un mauvais écrit que les jansénistes avaient envoyé partout pour détourner les évêques de demander un jugement, il le conjure, au nom de Notre-Seigneur, de considérer que ce jugement est nécessaire pour arrêter l'étrange division qui se met dans les familles, dans les villes et dans les universités. « C'est, dit-il, un feu qui s'enflamme tous les jours, qui altère les esprits et qui menace l'Église d'une irréparable désolation s'il n'y est remédié promptement. »

Il se propose ensuite et il résout les difficultés qu'on pouvait lui faire…

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Message  Louis Sam 17 Déc 2016, 6:38 am

19. Lettres mémorables du même saint à plusieurs évêques.  

(suite)

Il se propose ensuite et il résout les difficultés qu'on pouvait lui faire. Il dit qu'on ne peut raisonnablement s'attendre à un concile : l'état des affaires présentes ne permet pas qu'on l'assemble; personne n'ignore combien il a fallu de temps pour convoquer celui de Trente ; ainsi ce remède est trop éloigné pour un mal si pressant. Puisque les autres voies manquent, il faut donc prendre celle de recourir au Saint-Siège; l'Église, toujours conduite par le Saint-Esprit, nous y convie elle-même; les saints ont écrit aux Papes contre les nouvelles doctrines qui se sont élevées de leur temps, et ils n'ont pas laissé d'assister comme juges aux conciles où elles ont été condamnées. Il ajoute que le Pape est déterminé à s'expliquer dès qu'il verra une lettre du roi et une autre d'une bonne partie des évêques de France; que déjà le roi a pris la résolution d'écrire; que soixante prélats ont signé la lettre pour Rome, et que le premier président a dit que, pourvu que la bulle ne paraisse pas être émanée de l'Inquisition, elle sera reçue et vérifiée au parlement.

« Mais, me dira quelqu'un, que gagnera-t-on quand le Pape aura prononcé, puisque ceux qui soutiennent ces nouveautés ne se soumettront pas? Cela peut être vrai de quelques-uns qui ont été de la cabale de feu M. de Saint-Cyran, lequel non-seulement n'avait pas disposition de se soumettre aux décisions du Pape, mais même ne croyait pas aux conciles : je le sais, Monseigneur, pour l'avoir fort pratiqué, et ceux-là se pourront obstiner comme lui, aveuglés de leur propre sens; mais pour les autres, qui ne les suivent que par l'attrait qu'ils ont aux choses nouvelles, ou par quelque liaison d'amitié ou de famille, ou parce qu'ils pensent bien faire, il y en aura peu qui ne s'en retirent plutôt que de se rebeller contre leur propre et légitime père. »

Ce qui autorisait le serviteur de Dieu à penser si favorablement de ses frères, c'est qu'en effet, comme il le dit lui-même, le livre des Deux Chefs, et le Catéchisme de la Grâce étaient tombés dans l'oubli aussitôt qu'ils eurent été censurés à Rome.

D'ailleurs la conformité du système de Jansénius avec celui des calvinistes devenait chaque jour plus sensible. Jean Labadie, si estimé de Hauranne et si zélé pour le sentiment de Port-Royal, venait de se faire huguenot à Montauban, le 16 octobre 1650, et, pour justifier son apostasie, il avait prouvé par un écrit public que, du jansénisme dont il avait fait profession, au calvinisme qu'il venait d'embrasser, il n'y a qu'un pas à faire.

Les ministres huguenots disaient hautement dans leurs prêches que la plupart des catholiques commençaient à se mettre de leur côté et que bientôt ils auraient le reste. Ces considérations donnaient lieu de croire que, le premier Siège venant à s'expliquer, ceux qui s'étaient laissé prévenir ouvriraient les yeux, ou du moins que ceux qui n'étaient pas encore gagnés à l'erreur seraient en garde contre la séduction.

« Cela étant, disait le saint prêtre…

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Message  Louis Dim 18 Déc 2016, 6:12 am

19. Lettres mémorables du même saint à plusieurs évêques.  

(suite)

«  Cela étant, disait le saint prêtre, que ne doit-on pas faire pour éteindre ce feu qui donne de l'avantage aux ennemis jurés de notre religion? Qui ne se jettera sur ce petit monstre qui commence à ravager l'Église et qui enfin la désolera si on ne l'étouffe en sa naissance? Quels reproches n'ont point à se faire les évêques qui, au temps de Calvin, ne s'opposèrent pas avec vigueur à une doctrine qui devait causer tant de guerres et de divisions ? »

Le saint exhorte l'évêque de Luçon à profiter de la faute qu'on fit alors. Il espère que les évêques de son temps, ayant plus de lumière que ceux du temps de Calvin, auront aussi plus de zèle. Il cite en particulier le saint évêque de Cahors, Alin de Solminihac, dont la mémoire est si chère à l'Église.

« Ce prélat, dit-il, m'écrivit dernièrement qu'on lui avait adressé un libelle diffamatoire contre la lettre des évêques ; qu'il y a reconnu l'esprit d'hérésie, qui, incapable de souffrir les justes réprimandes qu'on veut lui faire, se jette avec violence dans les calomnies; que, si quelque chose l'obligeait lui-même à se ménager, ce ne serait que pour se trouver au combat, dont le moment approche, et dont il espère qu'avec l'aide de Dieu les ennemis de la nouveauté sortiront  victorieux. Voilà, continue Vincent de Paul, les sentiments de ce bon prélat. On n'en attend pas d'autres de vous,  Monseigneur, qui annoncez et faites annoncer en votre diocèse les opinions communes de l'Église, et qui sans doute serez bien aise de requérir que notre Saint-Père fasse faire de même partout, pour réprimer ces opinions nouvelles qui symbolisent tant avec celles de Calvin. Il y va, certes, de la gloire de Dieu, du repos de l'Église, et j'ose dire de celui de l'État; ce que nous voyons plus clairement à Paris qu'on ne peut se l'imaginer ailleurs 1 etc. »

La veille même du jour où cette lettre partit pour Luçon les évêques d'Alet et de Pamiers en écrivirent une en commun à Vincent de Paul pour répondre à la sienne. On en voit l'esprit et la matière par la réponse suivante qu'y fit le saint prêtre : …
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1. Collet, 1. 5.

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Message  Louis Lun 19 Déc 2016, 6:55 am

19. Lettres mémorables du même saint à plusieurs évêques.

(suite)

La veille même du jour où cette lettre partit pour Luçon les évêques d'Alet et de Pamiers en écrivirent une en commun à Vincent de Paul pour répondre à la sienne. On en voit l'esprit et la matière par la réponse suivante qu'y fit le saint prêtre :

« Messeigneurs, j'ai reçu avec le respect que je dois à votre vertu et à votre dignité la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire sur la fin du mois de mai, pour réponse aux miennes sur le sujet des questions du temps, où je vois beaucoup de pensées dignes du rang que vous tenez dans l'Église, lesquelles semblent vous faire incliner à tenir le parti du silence dans les contentions présentes; mais je ne laisserai pas de prendre la liberté de vous représenter quelques raisons qui pourront peut-être vous porter à d'autres sentiments, et je vous supplie, Messeigneurs, prosterné en esprit à vos pieds, de l'avoir agréable.

« Et premièrement, sur ce que vous témoignez appréhender que le jugement qu'on désire de Sa Sainteté ne soit pas reçu avec la soumission et l'obéissance que tous les chrétiens doivent à la voix du souverain Pasteur, et que l'Esprit de Dieu ne trouve pas assez de docilité dans les cœurs pour y opérer une vraie réunion, je vous représenterais volontiers que quand les hérésies de Luther et de Calvin, par exemple, ont commencé à paraître, si l'on avait attendu à les condamner jusqu'à ce que leurs sectateurs eussent paru disposés à se soumettre et à se réunir, ces hérésies seraient encore du nombre des choses indifférentes à suivre ou à laisser, et elles auraient infecté plus de personnes qu'elles n'ont fait. Si donc ces opinions, dont nous voyons les effets pernicieux dans les consciences, sont de cette nature, nous attendrons en vain que ceux qui les sèment s'accordent avec les défenseurs de la doctrine de l'Église ; car c'est ce qu'il ne faut point espérer et ce qui ne sera jamais ; et de différer d'en obtenir la condamnation du Saint-Siège, c'est leur donner le temps de répandre leur venin, et c'est aussi dérober à plusieurs personnes de condition et de grande piété le mérite de l'obéissance qu'ils ont protesté de rendre aux décrets du Saint-Père aussitôt qu'ils les verront. Ils ne désirent que savoir la vérité, et, en attendant l'effet de ce désir, ils demeurent toujours de bonne foi dans ce parti, qu'ils grossissent et fortifient par ce moyen, s'y étant attachés par l'apparence du bien et de la réformation qu'ils prêchent, et qui est la peau de brebis dont les véritables loups se sont toujours couverts pour abuser et séduire les simples.

« Secondement, ce que vous dites, Messeigneurs, que la chaleur des deux partis à soutenir chacun son opinion laisse peu d'espérance d'une parfaite réunion, à laquelle néanmoins il faudrait butter, m'oblige de vous remontrer qu'il n'y a point de réunion à faire dans la diversité et contrariété de sentiments en matière de foi et de religion qu'en se rapportant à un tiers, qui ne peut être que le Pape au défaut des conciles, et que celui qui ne se veut point réunir en cette matière n'est point capable d'aucune réunion, laquelle, hors de là, n'est pas même à désirer; car les lois ne doivent jamais se réconcilier avec les crimes, non plus que le mensonge s'accorder avec la vérité.                                    

« Troisièmement, cette uniformité que vous désirez…

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Message  Louis Mar 20 Déc 2016, 6:58 am

19. Lettres mémorables du même saint à plusieurs évêques.

(suite)

« Troisièmement, cette uniformité que vous désirez entre les prélats serait bien à souhaiter, pourvu que ce fût sans préjudice de la foi; car il ne faut point d'union dans le mal et dans l'erreur; mais, quand cette réunion se devrait faire, ce serait à la moindre partie de revenir à la plus grande et aux membres de se réunir au chef ; qui est ce qu'on propose, y en ayant au moins de six parts cinq qui ont offert de s'en tenir à ce qu'en dira le Pape au défaut du concile, qui ne se peut assembler à cause des guerres ; et quand, après cela, il resterait de la division, et, si vous voulez, du schisme, il s'en faudrait prendre à ceux qui ne veulent pas de juge, ni se rendre à la pluralité des évêques, auxquels ils ne défèrent, non plus qu'au Pape.

« Et de là se forme une quatrième raison, qui sert de réponse à ce qu'il vous plaît de me dire, Messeigneurs, que l'un et l'autre parti croit que la raison et la vérité sont de son côté; ce que j'avoue. Mais vous savez bien que tous les hérétiques en ont dit autant, et que cela ne les a pourtant pas garantis de la condamnation et des anathèmes dont ils ont été frappés par les Papes et les conciles; on n'a point trouvé que la réunion avec eux fût un moyen de guérir le mal ; au contraire on y a appliqué le fer et le feu, et quelquefois trop tard, comme il pourrait arriver ici. Il est vrai qu'un parti accuse l'autre ; mais il y a cette différence que l'un demande des juges et que l'autre n'en veut point, ce qui est un mauvais signe. Il ne veut point de remède, dis-je, de la part du Pape, parce qu'il sait qu'il est possible, et fait semblant de demander celui du concile, parce qu'il le croit impossible en l'état présent des choses, et, s'il pensait qu'il fût possible, il le rejetterait comme il rejette l'autre. Et ce ne sera point, à mon avis, un sujet de risée aux libertins et aux hérétiques, non plus que de scandale aux bons, de voir les évêques divisés ; car, outre que le nombre de ceux qui n'auront pas voulu souscrire aux lettres écrites au Pape sur ce sujet sera très-petit, ce n'est pas chose extraordinaire, dans les anciens conciles, qu'ils n'aient pas été tous d'un même sentiment ; et c'est ce qui montre aussi le besoin qu'il y a que le Pape en connaisse, puisque, comme vicaire de Jésus-Christ, il est le chef de toute l'Église et par conséquent le supérieur des évêques.

« Cinquièmement, on ne voit point que la guerre, pour être allumée presque par toute la chrétienté, empêche que le Pape ne juge avec toutes les conditions et formalités nécessaires et prescrites par le concile de Trente, du choix desquelles il se rapporte pleinement à Sa Sainteté, laquelle plusieurs saints et anciens prélats ont ordinairement consultée et réclamée dans les doutes de la foi, même étant assemblés, comme on voit chez les saints Pères et dans les annales ecclésiastiques. Or, de prévoir qu'on n'acquiescera pas à son jugement, tant s'en faut que cela se doive présumer ou craindre que plutôt c'est un moyen de discerner par là les vrais enfants de l'Église d'avec les opiniâtres.

« Quant au remède que vous proposez, Messeigneurs…

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Message  Louis Mer 21 Déc 2016, 7:13 am

19. Lettres mémorables du même saint à plusieurs évêques.

(suite)

« Quant au remède que vous proposez, Messeigneurs, de défendre à l'un et à l'autre parti de dogmatiser, je vous supplie très-humblement de considérer qu'il a déjà été essayé inutilement et que cela n'a servi qu'à donner pied à l'erreur ; car, voyant qu'elle était traitée de pair avec la vérité, elle a pris ce temps pour se provigner, et on n'a que trop tardé à la déraciner, vu que cette doctrine n'est pas seulement dans la théorie, mais que, consistant aussi dans la pratique, les consciences ne peuvent plus supporter le trouble et l'inquiétude qui naissent de ce doute, lequel se forme dans le cœur de chacun, savoir si Jésus-Christ est mort pour lui, ou non, et autres semblables. Il s'est trouvé ici des personnes, lesquelles entendant que d'autres disaient à des moribonds, pour les consoler, qu'ils eussent confiance en la bonté de Notre-Seigneur, qui était mort pour eux, disaient aux malades qu'ils ne se fiassent pas à cela, parce que Notre-Seigneur n'était pas mort pour tous.

« Permettez-moi aussi, Messeigneurs, d'ajouter à ces considérations que ceux qui font profession de la nouveauté, voyant qu'on craint leurs menaces, les augmentent et se préparent à une forte rébellion ; ils se servent de votre silence pour un puissant argument en leur faveur, et même se vantent, par un imprimé qu'ils publient, que vous êtes de leur opinion, et, au contraire, ceux qui se tiennent dans la simplicité de l'ancienne créance s'affaiblissent et se découragent, voyant qu'ils ne sont pas universellement soutenus. Et ne seriez-vous pas un jour bien marris, Messeigneurs, que votre nom eût servi, quoique contre vos intentions, qui sont toutes saintes, à confirmer les uns dans leur opiniâtreté et à ébranler les autres dans leur créance ?

« De remettre la chose à un concile universel, quel moyen d'en convoquer un pendant ces guerres ? Il se passa environ quarante ans depuis que Luther et Calvin commencèrent à troubler l'Église jusqu'à la tenue du concile de Trente. Suivant cela il n'y a point de plus prompt remède que celui de recourir au Pape, auquel le concile de Trente même nous renvoie en sa dernière session, au chapitre dernier, dont je vous envoie un extrait.

« Derechef, Messeigneurs, il ne faut point craindre que le Pape ne soit pas obéi, comme il est bien juste, quand il aura prononcé ; car, outre que cette raison de craindre la désobéissance aurait lieu en toutes les hérésies, lesquelles, par conséquent, il faudrait laisser régner impunément, nous avons un exemple tout récent dans la fausse doctrine des deux prétendus chefs de l'Église, qui était sortie de la même boutique, laquelle ayant été condamnée par le Pape on a obéi à son jugement, et il ne se parle plus de cette nouvelle opinion.

« Certes, Messeigneurs, toutes ces raisons et plusieurs autres, que vous savez mieux que moi, qui voudrais les apprendre de vous, que je révère comme mes pères et les docteurs de l'Église, ont fait qu'il reste peu de prélats en France qui n'aient signé la lettre qui vous a été ci-devant proposée, ou bien une autre qui a été depuis dictée par un de ces mêmes prélats, que l'on a fort goûtée, et dont à cet effet je vous envoie la copie, parce qu'elle vous plaira peut-être davantage 1. »

Ces lettres de Vincent de Paul sont un monument historique de son génie et de son zèle, non plus seulement comme père des orphelins et des pauvres, mais comme père de l'Église. On voit en lui l'esprit, le cœur et l'âme de la France catholique ; c'est de lui que part la première impulsion qui fait agir le roi, la reine, les évêques. On voit maintenant pourquoi la Providence l'avait placé à la cour et à la tête du conseil de conscience ; c'était pour être l'ange tutélaire du royaume dans un des moments les plus périlleux.

Les défenseurs de Jansénius ne s'oubliaient pas ; ils ne craignaient rien tant que la décision du Pape. Désespérés de voir qu'un écrit en forme de lettre circulaire, qu'ils avaient envoyé aux évêques de France, n'eût pas empêché le grand nombre de signatures dont nous avons parlé, ils résolurent d'agir à Rome même, d'y multiplier les incidents, et de détourner, à quelque prix que ce fût, la foudre qui les menaçait. Ils avaient déjà dans cette ville un agent qui ne négligeait rien pour mettre à couvert la doctrine de Jansénius et de ses disciples. Dans la crainte qu'un homme seul ne pût conjurer l'orage ils lui envoyèrent du secours. Trois autres docteurs partirent pour se joindre à lui. Gorin de Saint-Amour, muni d'une lettre de dix évêques qui ne pensaient pas comme le reste de leurs collègues, était à la tête de la députation. Gorin de Saint-Amour était plein de zèle pour la doctrine de l'évêque d'Ypres ; il eût donné sa vie pour soutenir qu'elle était conforme à celle de saint Augustin. Cependant lui-même nous apprend qu'il n'avait pas lu le livre de Jansénius 1.

Vincent de Paul n'eut pas plus tôt été informé de la manœuvre des sectaires…
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1. Collet, Vie de S. Vincent de Paul l. 5. — 1. Journal de Saint-Amour, p. 116 et 418.

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Message  Louis Jeu 22 Déc 2016, 6:31 am

20. Son zèle pour faire condamner l'erreur; sa charité pour ramener les errants.

Vincent de Paul n'eut pas plus tôt été informé de la manœuvre des sectaires qu'il crut qu'on devait faire pour la vérité ce qu'ils faisaient pour l'erreur. Son avis fut donc qu'on envoyât à Rome quelques docteurs orthodoxes, qui y fissent sentir ce qu'on savait mieux à Paris que partout ailleurs, savoir, le danger que courait la foi et la nécessité d'un jugement qui, soutenu de l'autorité des évêques, fixât les doutes et réunît les esprits. Les docteurs Hallier, Joisel et Lagault s'offrirent à faire le voyage. Tous trois étaient de la maison de Sorbonne et très-liés avec saint Vincent de Paul. Celui-ci les fortifia dans leurs bons desseins; il les aida de sa bourse et de ses conseils ; il leur promit de ne les abandonner ni en France ni en Italie, et il donna ordre à ses prêtres établis à Rome d'avoir pour eux toutes les attentions possibles. Une correspondance très-active s'établit entre le saint homme et les trois députés, jusqu'à la conclusion de l'affaire et la publication de la bulle.

Alors, après avoir rendu grâces à Dieu de la protection qu'il venait de donner à son Église, Vincent de Paul ne pensa plus qu'aux moyens de procurer au rescrit apostolique l'obéissance qui lui était due.

Son premier soin fut d'empêcher que ceux qui avaient eu le dessus dans cette espèce de combat ne prissent avec leurs adversaires ces airs de triomphe qui conviennent mal aux défenseurs de la vérité et qu'un esprit aigri prend aisément pour des insultes.

Plein de zèle contre l'erreur, plein de charité pour ceux qui s'y étaient livrés, toute son attention fut de leur aplanir la voie du retour et de l'unité. Dans ce dessein il rendit visite à des supérieurs de communautés, à des docteurs en théologie et à différentes personnes de considération qui n'étaient rien moins que jansénistes; il les conjura par les plus pressants motifs de contribuer de tout leur pouvoir à la réunion des esprits. Il leur fit entendre que, pour y réussir, il fallait se contenir dans les bornes de la plus exacte modération; ne rien avancer ni dans les sermons, ni dans les entretiens familiers, qui pût tourner à la confusion de ceux qui jusqu'alors avaient soutenu le dogme proscrit ; les prévenir d'honneur et d'amitié dans une conjoncture humiliante pour eux, et gagner, par le plus respectueux ménagement, des personnes qu'on rebuterait par toute autre voie.

Le saint prêtre ne manqua pas de garder la conduite qu'il prescrivait aux autres. Ce fut dans ces sentiments qu'il s'en alla à Port-Royal faire une visite de civilité à ceux des disciples de Saint-Cyran qui s'y étaient choisi une retraite. Le bruit s'étant répandu qu'ils se soumettaient sans restriction, il les en félicita. Il passa plusieurs heures avec eux et leur donna des témoignages particuliers d'estime, d'affection et de confiance. Il alla voir ensuite quelques autres personnes de condition qui tenaient un rang considérable dans le parti ; tous promirent une soumission sincère au Siège apostolique. Les deux évêques d'Alet et de Pamiers reçurent la bulle d'Innocent X et la publièrent dans leurs diocèses, comme tous les évêques du royaume. En un mot, de ce petit nombre d'évêques que le jansénisme avait séduits, il n'y en eut pas un seul qui alors ne lui dit anathème 1.

Dans une occasion semblable saint Augustin disait : « Rome a parlé, la cause est finie; puisse aussi finir l'erreur ! » Les jansénistes se prétendaient disciples de saint Augustin; ils se montrèrent disciples, non pas précisément de l'Augustin d'Hippone, mais de l'Augustin flamand d'Ypres. Au public ils disaient tout haut : « Rome a parlé, la cause est finie ; » entre eux, dans leur correspondance, ils disaient tout bas : « Rome  a parlé, la cause n'est pas finie. » Les pélagiens étaient loin d'avoir, au même degré que les jansénistes, la finesse, la duplicité cauteleuse de leur père commun, le vieux serpent.

Quelques-uns cependant se montrèrent fidèles à la grande règle d'Augustin d'Hippone…
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1.  Collet, l. 5.

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Message  Louis Ven 23 Déc 2016, 6:45 am

21. Retour sincère de trois d'entre eux.    

Quelques-uns cependant se montrèrent fidèles à la grande règle d'Augustin d'Hippone; dès que Rome eut parlé la cause fut finie pour eux et ils mirent fin à leur erreur.

L'abbé Amable de Bourzéis avait été un des plus ardents défenseurs du jansénisme; il avait publié plusieurs écrits pour soutenir les cinq propositions, comme étant de Jansénius et de saint Augustin. Dès qu'il les vit condamnées par Innocent X il cessa de les défendre ; la conduite équivoque des autres jansénistes le détrompa totalement; il renonça de bonne foi à ses erreurs et rétracta, le 4 novembre 1661, tout ce qu'il avait écrit pour les soutenir. Il protesta, en signant le formulaire d'Alexandre VII, qu'il voudrait pouvoir effacer de son sang tout ce qu'il avait écrit, et qu'il aurait toute sa vie un souverain et inviolable respect pour les décisions du Saint-Père, « qui est, dit-il, le vicaire de Jésus-Christ sur la terre et le maître commun des chrétiens en la foi 1. »

L'autre exemple est du Père Thomassin, de l'Oratoire, recommandable par sa piété solide et par la candeur de son esprit autant que par l'étendue de son savoir et par la multitude de ses ouvrages pleins d'érudition. Ce savant homme étant encore jeune au temps où les disputes du jansénisme s'élevèrent, et n'ayant d'abord étudié saint Augustin que dans les livres de Jansénius et de ses disciples, donna, sans y penser, dans les erreurs qui ont été condamnées sous le nom des cinq propositions; mais, comme il était humble et de bonne foi, sitôt qu'il eut reconnu, par la lecture de saint Augustin même, combien Jansénius défigurait ce saint docteur, nul respect humain ne put l'empêcher d'en faire une confession aussi publique qu'il y était obligé. Il alla trouver exprès tous ceux à qui il pouvait avoir communiqué ses premiers sentiments et leur déclara comme il y avait entièrement renoncé, et l'on voit par ses ouvrages que depuis il a été aussi opposé au jansénisme qu'il y avait été attaché auparavant ; car il l'a toujours fortement combattu, tant sur le fait que sur le droit. A la fin du troisième volume de ses Dogmes théologiques il déclare qu'il n'a suivi les opinions de Jansénius qu'avant qu'elles fussent condamnées, et avant qu'il pût s'instruire par lui-même et former ses sentiments sur ceux des Pères, particulièrement de saint Augustin, des conciles et des scolastiques, en les lisant et les confrontant avec soin, ce qui demande beaucoup plus d'étude et plus de temps qu'un jeune théologien n'en peut avoir eu. Enfin il croit qu'un théologien doit faire gloire d'apprendre de l'Église et de profiter en étudiant, ce qu'il ne peut faire que par un louable changement, en apprenant ce qu'il ignorait et en renonçant à ce qu'il avait mal appris 1.

Le troisième exemple est d'un des consulteurs romains dans l'affaire de Jansénius, Luc Wadding, né en Irlande l'an 1588, mort à Rome, en 1657, avec la réputation d'un bon religieux et d'un savant du premier ordre. Entré dans l'ordre de Saint-François, il en devint l'historien et le biographe et a laissé un grand nombre d'ouvrages. Nommé consulteur dans l'examen des cinq propositions, il fut d'avis qu'on pouvait les soutenir ; mais, Innocent X ayant prononcé, il fit la déclaration suivante : « Si, avant cette décision, quelqu'un en a jugé autrement, sur quelques raisons ou quelque autorité de docteurs que ce puisse être, il est obligé présentement de captiver son esprit sous le joug de la foi, selon l'avis de l'Apôtre. Je déclare que c'est ce que je fais de tout mon cœur, condamnant et anathématisant toutes les propositions susdites, dans tous et chacun des sens dans lesquels Sa Sainteté a voulu les condamner, quoique, avant cette décision, j'aie cru qu'on les pouvait soutenir selon certains sens; de la manière que je l'ai expliqué dans les suffrages 2. »

Certainement, si tous les jansénistes avaient eu cette même droiture…
______________________________________________________

1. Biblioth. des auteurs jansén., t. I, p. 87. — 1. Dumas l.  l, p. 81,.édit. 1702. Trévoux. — 2. Id., p. 79.


Dernière édition par Louis le Sam 24 Déc 2016, 4:34 pm, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)

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Message  Louis Sam 24 Déc 2016, 5:51 am

22. Duplicité des jansénistes. Tant que les cinq propositions ne sont pas condamnées, ils les soutiennent comme véritables et contenues dans le livre de Jansénius. Après la condamnation ils soutiennent le contraire en public, mais toujours la même chose entre eux.

Certainement, si tous les jansénistes avaient eu cette même droiture, la cause était vraiment finie et l'erreur avec la cause.

Il s'en fallut de beaucoup. Le grand nombre, Arnauld à leur tête, ne se firent pas scrupule de mentir et à eux-mêmes et aux autres. Ainsi, tant que les cinq propositions n'eurent pas été condamnées à Rome, ils y reconnaissaient leur doctrine, la doctrine de Jansénius et d'Augustin.

A peine ces propositions furent-elles déférées en Sorbonne qu'Arnauld publia ses Considérations sur l'entreprise de M. Cornet, où il dit que l'écrit par lequel ses adversaires s'étaient eux-mêmes donné la hardiesse d'informer le Pape, pour le porter à la condamnation des plus saintes et des plus constantes maximes de la grâce, a été réfuté, et que ces propositions, qu'on taxait d'erreur et d'hérésie, ont été soutenues puissamment contre leurs accusations frivoles 1.

C'est pour soutenir ces propositions que les jansénistes envoient des députés à Rome. C'est parce que trois ou quatre consulteurs se montrent favorables à ces propositions jansénistes que les députés de ce parti les comblent d'éloges dans leur correspondance; et les députés, et les consulteurs, et le Pape les regardaient comme la substance de Jansénius.

Innocent X commence ainsi sa bulle :

« Comme à l'occasion d'un livre intitulé Augustin, de Cornélius Jansénius, évêque d'Ypres, entre autres opinions de cet auteur, il s'est élevé une contestation sur cinq d'entre elles... » Cette même bulle se termine par ces mots : « Nous n'entendons pas, toutefois, par cette déclaration et définition faite touchant les cinq propositions susdites, approuver en façon quelconque les autres opinions qui sont contenues dans le livre, ci-dessus-nommé, de Cornélius Jansénius. » Tout le monde croyait donc que les cinq propositions sont véritablement dans Jansénius et qu'elles sont l'âme de son livre, comme le dit Bossuet 2.

A peine sont-elles condamnées par le Pape que la foule des Jansénistes, Arnauld à leur tête, disent tout haut qu'elles sont hérétiques, mais que jamais ils ne les ont soutenues ; qu'elles ne sont aucunement dans Jansénius, que Jansénius dit même tout le contraire; qu'enfin ce sont des propositions forgées à plaisir et que le jansénisme n'est qu'un fantôme.

Voilà ce qu'ils disent et répètent avec Arnauld dans plusieurs pamphlets et Mémoires; voilà ce qu'ils disent tout haut au public, en proclamant la décision du Pape comme une règle de foi, comme un oracle du Ciel ; mais tout bas, dans leur correspondance secrète, ils parlent de cette même décision comme d'une censure extorquée, informe, inouïe, faite contre toute sorte d'équité et de règles : ou le Pape, n'entendant pas les termes de la matière dont il s'agit, s'est laissé prévenir, ne s'est conduit que par politique, a négligé toutes sortes de formes et les moyens les plus nécessaires pour découvrir la vérité; ou il n'a employé que des personnes ignorantes, suspectes, malintentionnées et ennemies de la sainte doctrine ; qu'enfin cette décision attire le mépris des personnes intelligentes, tant ils y voient de partialité, de passion et peu de justice 1.

Telles étaient, dès l'origine, la droiture et la sincérité des jansénistes ; aussi reprocheront-ils à leurs adversaires la duplicité et les restrictions mentales.

La bulle d'Innocent X eut…
_______________________________________________________

1. Dumas, p. 72. — 2. Lettre 52, au maréchal de Bellefonds, t. 37, p. 124, édit. de Versailles. — 1. Dumas, 47-53.

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Message  Louis Lun 26 Déc 2016, 7:50 am

23. Le Pape condamne l'explication janséniste.

La bulle d'Innocent X eut du moins ce bon effet que depuis lors il ne s'est presque trouvé personne, hors les calvinistes, qui ait ouvertement soutenu les cinq propositions, et que les jansénistes se retranchèrent à dire qu'elles n'étaient pas dans Jansénius ou qu'elles n'avaient pas été condamnées dans leur sens naturel.

Pour détruire ces subterfuges les évêques de France, assemblés à Paris le 9 mars 1654, au nombre de trente-neuf, nommèrent une commission de huit d'entre eux, parmi lesquels Pierre de Marca, archevêque de Toulouse, pour considérer les diverses interprétations et autres évasions que l'on avait inventées afin de rendre inutile la constitution pontificale. Dans dix séances consécutives on rechercha, on lut et on examina les textes de Jansénius qui se rapportent à chacune des cinq propositions. Les Mémoires produite par les jansénistes furent examinés avec un égal soin.

Enfin, l'affaire mise en délibération, il fut arrêté qu'on déclarerait, par voie de jugement donné sur les pièces produites de part et d'autre, que la constitution avait condamné les cinq propositions comme étant de Jansénius et au sens de Jansénius et que le Pape serait informé de ce jugement de l'assemblée par la lettre qu'elle écrirait à Sa Sainteté, et qu'il serait aussi écrit sur le même sujet aux autres évêques du royaume.

Innocent X adressa, le 29 septembre 1654, à l'assemblée générale du clergé de France, un bref par lequel, après avoir donné de grandes louanges au zèle et à la piété de ces évêques, il approuve et confirme ce qu'ils avaient décidé au sujet de sa bulle, déclarant lui-même que, par sa constitution du 31 mai 1653, il a condamné dans les cinq propositions la doctrine de Cornélius Jansénius, contenue dans son livre intitulé AUGUSTINUS. Dans ce même bref le Pape leur recommande, outre l'exécution de sa bulle, celle d'un décret qui porte condamnation de plusieurs écrits où l'on soutenait la doctrine de ce livre, entre autres des deux Apologies pour Jansénius, composées par Antoine Arnauld; de l'ouvrage intitulé de la Grâce victorieuse, par le sieur de la Lane, et de l'Écrit à trois colonnes, ou de la distinction des sens.

Ce bref fut lu et reçu avec applaudissement dans une assemblée du 20 mai 1655. La relation du clergé ajoute: « Ce jugement ecclésiastique, rendu par l'assemblée de 1654 et confirmé par le bref de Sa Sainteté, a été reçu avec respect dans tout le royaume, et la faculté de théologie de Paris, dont la réputation est si hautement établie par toute la chrétienté, l'a suivi en la censure qu'elle a donnée le dernier de janvier 1656. »

Cette censure est celle d'une lettre d'Antoine Arnauld…

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Message  Louis Mar 27 Déc 2016, 7:08 am

24. Arnauld la renouvelle dans sa lettre à un duc et pair. La faculté de théologie censure deux propositions de ces lettres.

Cette censure est celle d'une lettre d'Antoine Arnauld à un duc et pair. Le 24 février 1655 il en adressa une première à une personne de condition, où il rend compte d'une affaire arrivée au duc de Liancourt dans la paroisse de Saint-Sulpice, dont était curé le respectable Olier, fondateur du séminaire et ami de Vincent de Paul. Le confesseur de ce duc crut ne pouvoir point le recevoir au sacrement de Pénitence qu'il ne donnât des marques d'une soumission parfaite à la bulle d'Innocent X contre les cinq propositions, et qu'il ne rompît les liaisons qu'il avait avec les jansénistes, qui, au jugement du confesseur et du curé, n'avaient pas cette soumission.

Dans sa lettre Arnauld blâme la conduite du curé de Saint-Sulpice et du confesseur ; mais surtout il cherche à se justifier lui-même et à soutenir sa cause et celle de ses amis. Il parle au nom de tous, et dit « qu'ils sont bien éloignés d'être tombés dans quelque erreur, puisque, d'une part, ils condamnent sincèrement les cinq propositions censurées par le Pape, en quelque livre qu'on les puisse trouver, sans exception, et que, de l'autre, ils ne sont attachés à aucun auteur particulier qui forme des opinions nouvelles et qui parle de lui-même touchant la matière de la grâce, mais à la seule doctrine de saint Augustin, etc. »

On fit contre cette lettre divers écrits dans lesquels on prétendait que la déclaration faite par le sieur Arnauld de condamner les cinq propositions n'était pas suffisante ; que lui et ses amis, ayant soutenu en tant d'écrits la doctrine du livre de Jansénius que le Pape déclarait hérétique par sa bulle, étaient obligés, pour donner une preuve assurée de leur soumission :

1° de reconnaître de bonne foi qu'avant la condamnation ils avaient été dans l'erreur ;

2° de déclarer le livre de Jansénius bien condamné et de renoncer à sa doctrine exprimée par les cinq propositions ; qu'ils ne pouvaient se dispenser de faire une semblable déclaration, après que le clergé de France avait jugé, dans une assemblée solennelle, que l'intention du Pape était de condamner les cinq propositions comme extraites du livre de Jansénius et dans le sens enseigné pat cet auteur, et après que le Pape lui-même avait approuvé l'explication des évêques par son bref du 29 septembre 1654; qu'on avait droit de tenir pour suspecte la déclaration des jansénistes, jusqu'à ce qu'elle fût conforme à celle du Pape et des évêques.


Arnauld, pour répliquer à tous ces écrits contre sa première lettre…

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Message  Louis Mer 28 Déc 2016, 6:58 am

24. Arnauld la renouvelle dans sa lettre à un duc et pair. La faculté de théologie censure deux propositions de ces lettres.

(suite)

Arnauld, pour répliquer à tous ces écrits contre sa première lettre, en fit une autre à un duc et pair,datée de Port-Royal-des-Champs, le 10 juillet 1655. Un grand nombre de théologiens voyant que cette seconde lettre justifiait ouvertement le livre de Jansénius, condamné par deux Papes et par les évêques de France, et jugeant qu'elle renouvelait la première des cinq propositions, en firent leur plainte au docteur Guyart, Oratorien, alors syndic de la faculté de théologie, lequel, suivant l'obligation de sa charge, proposa une commission pour examiner la seconde lettre d'Arnauld. Le docteur Cornet et le Père Nicolaï, Dominicain, furent des huit commissaires. C'était au commencement de novembre 1655. Arnauld appela de la Sorbonne au parlement, qui ordonna de passer outre.

Les commissaires réduisirent à deux chefs les points qu'ils trouvaient à censurer dans la lettre d'Arnauld, l'un desquels ils appelèrent question de fait et l'autre question de droit. La première regarde ce que dit Arnauld, « que les cinq propositions condamnées dans la bulle du Pape n'ont été soutenues par personne; qu'elles ont été forgées par les partisans des sentiments contraires à ceux de saint Augustin ; qu'en les attribuant à Jansénius on impose des hérésies à un évêque catholique qui a été très-éloigné de les enseigner; qu'ayant lu avec soin le livre de Jansénius et n'y ayant point trouvé ces propositions le sieur Arnauld et ses amis ne peuvent déclarer contre leur conscience qu'elles s'y trouvent. »

La question de droit regarde principalement cette proposition de la lettre « que la grâce, sans laquelle on ne peut rien, a manqué à un juste en la personne de saint Pierre, en une occasion où l'on ne peut pas dire qu'il n'ait point péché. »

Le 29 janvier 1656, après de longs examens et délibérations, la Sorbonne, à la majorité de cent trente docteurs contre huit, déclara « que la première question ou proposition, qui est de fait, est téméraire, scandaleuse, injurieuse au Pape et aux évêques de France, et même qu'elle donne sujet de renouveler entièrement la doctrine de Jansénius, qui a été ci-devant condamnée, et que la seconde, qui regarde le droit, est téméraire, impie, blasphématoire, frappée d'anathème et hérétique. »

Arnauld fut rayé du nombre des docteurs pour n'avoir pas souscrit dans la quinzaine à la censure, que tous les docteurs et bacheliers furent obligés de signer pour prendre leurs degrés. Le 18 février suivant six évêques de la faculté signèrent la censure avec le doyen et plus de cent autres docteurs, du nombre desquels furent quatre amis du sieur Arnauld, qui l'avaient servi constamment jusqu'à la fin des assemblées, mais qui crurent enfin qu'ils devaient moins à l'amitié qu'à la vérité et à la religion.

La société de Sorbonne reçut la censure dans son assemblée du 24 mars, et il y fut conclu d'un consentement unanime que tous ceux qui ne souscriraient pas cette censure seraient privés de tous les droits de la société, qu'elle serait souscrite par ceux qui étaient à Paris avant l'assemblée de Pâques, et par ceux qui demeuraient en province avant l'assemblée de la Pentecôte, au moins par procuration expresse ; ce qui fut confirmé le 11 avril, à l'assemblée ordinaire de la semaine sainte, et s'exécuta depuis très-fidèlement 1.

La cause paraissait finie, elle ne l'était pas. Les jansénistes inventèrent…
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1. Dumas, 1. 2.

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Message  Louis Jeu 29 Déc 2016, 7:19 am

25. Nouvelle subtilité des jansénistes. Ils prétendent que l'Église n'est infaillible que sur les questions de droit, et non sur les faits dogmatiques, par exemple si telle proposition de tel livre est hérétique ou non. Syllogisme des jansénistes pour échapper à l'autorité de l'Église et au formulaire de soumission qu'elle prescrit.

La cause paraissait finie, elle ne l'était pas. Les jansénistes inventèrent un nouveau subterfuge touchant les questions de fait et les questions de droit ; ils posèrent en thèse générale que, sauf les faits immédiatement révélés de Dieu dans l'Écriture ou la tradition, l'Église peut se tromper à l'égard de tous les autres faits, notamment si les cinq propositions condamnées sont dans Jansénius, et qu'ainsi on n'est pas obligé de s'en rapporter là-dessus à elle.

Pour trancher cette nouvelle chicane l'assemblée du clergé de France, en 1656, composée de quarante évêques et de vingt-sept députés du second ordre, déclara que, si l'Église est faillible, ce n'est qu'à l'égard des questions de fait particulières et personnelles, sur quoi elle peut quelquefois être surprise, sans préjudice de la foi et de la discipline ; mais non pas à l'égard de certaines questions de fait, sur quoi elle ne saurait tomber dans l'erreur que cela ne lui ôtât l'autorité nécessaire pour décider souverainement des faits qui concernent la foi ou les mœurs générales de l'Église, comme, par exemple, que tel ou tel concile soit général et légitime, que tel soit le vrai sens de chacun des Pères sur tel ou tel dogme, ce qui s'appelle un fait dogmatique.

Le principe de l'assemblée est que, faire l'Église sujette à se tromper à l'égard de cette sorte de faits, c'est détruire la tradition qui est le fondement de la foi, parce que la tradition ne consiste que dans l'assemblage des faits dogmatiques, savoir, que tel et tel Père, dans chaque siècle, a eu tel sentiment, par exemple, sur la présence réelle.

Dans cette même assemblée on arrêta encore quelques articles qui étaient conçus en ces termes :

« L'assemblée reçoit avec respect le bref du Pape du 29 septembre 1654, qui lui est adressé, et déclare, conformément au bref susdit et à la délibération de l’assemblée de 1654, confirmée par ce bref,

que, dans les cinq propositions, la doctrine du livre de Jansénius, intitulé Augustinus, laquelle néanmoins n'est pas celle de saint Augustin, est condamnée par la constitution de Sa Sainteté du 31 mai 1653 ;

que, pour son exécution, l'assemblée renouvelle et confirme par son décret tout ce qui a été délibéré et résolu par les trois assemblées de 1653, 1654 et 1655, suivant le contenu des lettres qu'elles ont écrites tant à Sa Sainteté qu'aux prélats du royaume;

que les livres et les écrits qui ont été composés et publiés pour défendre ou favoriser les opinions condamnées demeureront prohibés sous les peines portées parla constitution ;

que les évêques qui négligeront de faire exécuter les ordres contenus dans la lettre de l'assemblée de 1655 (c'était de faire recevoir et souscrire la bulle d'Innocent X avec le bref par lequel il décidait le fait de Jansénius) ne seront point reçus dans les assemblées générales, provinciales ni particulières du clergé. »

Gondrin, archevêque de Sens…

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Message  Louis Ven 30 Déc 2016, 6:38 am

25. Nouvelle subtilité des jansénistes. Ils prétendent que l'Église n'est infaillible que sur les questions de droit, et non sur les faits dogmatiques, par exemple si telle proposition de tel livre est hérétique ou non. Syllogisme des jansénistes pour échapper à l'autorité de l'Église et au formulaire de soumission qu'elle prescrit.

(suite)

Gondrin, archevêque de Sens, qui, avant le bref d'Innocent X, n'avait pas voulu souscrire, sur la seule autorité du clergé de France, que le Pape avait condamné les cinq propositions comme étant de Jansénius, révoqua sa restriction dans l'assemblée de 1656 et se déclara complètement d'accord avec ses collègues pour le fait et pour le droit.

Le 2 septembre l'assemblée écrivit au Pape Alexandre VII pour lui rendre compte de ce qu'ils avaient fait et délibéré pour l'exécution de la constitution et du bref d'Innocent X. Le nouveau Pape, qui avait été un des principaux commissaires dans l'examen des cinq propositions à Rome, fit une nouvelle constitution, le 16 octobre 1656, où il confirme de point en point celle d'Innocent X, insérée dans la sienne.

Il appelle perturbateurs du repos public et enfants d'iniquité ceux qui ont l'assurance de soutenir, au grand scandale des fidèles, que ces propositions ne se trouvent point dans le livre de Jansénius, mais qu'elles ont été forgées à plaisir ou qu'elles n'ont pas été condamnées au sens de cet auteur.

Il assure, au contraire, comme témoin de tout ce qui s'était passé dans cette affaire, que le fait de Jansénius y avait été examiné du temps de son prédécesseur avec une telle exactitude qu'on ne pourrait pas en souhaiter une plus grande.

Enfin il définit que les cinq propositions ont été tirées du livre de Jansénius et condamnées dans le sens auquel cet auteur les a expliquées.

Cette constitution d'Alexandre VII ne fut présentée à l'assemblée du clergé que le 14 mars 1657, et la délibération fut remise au 17 mars suivant, afin d'y inviter les prélats qui n'étaient pas de l'assemblée et qui se trouvaient à Paris.

Voici ce que la délibération de ce jour porte, de l'avis de tous les prélats : …

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Message  Louis Sam 31 Déc 2016, 6:14 am

25. Nouvelle subtilité des jansénistes. Ils prétendent que l'Église n'est infaillible que sur les questions de droit, et non sur les faits dogmatiques, par exemple si telle proposition de tel livre est hérétique ou non. Syllogisme des jansénistes pour échapper à l'autorité de l'Église et au formulaire de soumission qu'elle prescrit.

(suite)

Voici ce que la délibération de ce jour porte, de l'avis de tous les prélats :

« 1° L'assemblée accepte et reçoit avec soumission cette constitution d'Alexandre VII, et veut qu'elle soit publiée et exécutée dans tous les diocèses par l'ordre des évêques, etc.

« 2° Et d'autant que la constitution ordonne que celle d'Innocent X sera observée suivant l'interprétation qu'en donne celle-ci, qui est que les cinq propositions sont de Jansénius et que leur doctrine est condamnée aux sens que cet auteur enseigne, l'assemblée déclare qu'il sera procédé suivant la rigueur de ces constitutions contre ceux qui soutiendront la doctrine condamnée.

« 3° L'assemblée ayant déjà résolu, dès le 1er septembre passé, pour une parfaite exécution des constitutions apostoliques, qu'il serait signé un formulaire de foi, il fut conclu que ce formulaire serait ajouté à la nouvelle constitution du Pape et que les prélats seraient exhortés à faire procéder dans un mois à cette souscription ;

« 4° qu'afin qu'il y ait uniformité dans ces souscriptions les prélats se serviraient de la formule suivante :

« Je me soumets sincèrement à la constitution du Pape Innocent X, du 31 mai 1653, selon son véritable sens, qui a été déterminé par la constitution de notre Saint-Père Alexandre VII, du 16 octobre 1656. Je reconnais que je suis obligé en conscience d'obéir à ces constitutions, et je condamne de cœur et de bouche la doctrine des cinq propositions de Cornélius Jansénius, contenue en son livre intitulé Augustinus, que ces deux Papes et les évêques ont condamnée, laquelle doctrine n'est point celle de saint Augustin, que Jansénius a mal expliquée, contre le vrai sens de ce saint docteur. »

Cette délibération du clergé n'eut pas sitôt son effet…

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Message  Louis Dim 01 Jan 2017, 11:58 am

25. Nouvelle subtilité des jansénistes. Ils prétendent que l'Église n'est infaillible que sur les questions de droit, et non sur les faits dogmatiques, par exemple si telle proposition de tel livre est hérétique ou non. Syllogisme des jansénistes pour échapper à l'autorité de l'Église et au formulaire de soumission qu'elle prescrit.

(suite)

Cette délibération du clergé n'eut pas sitôt son effet, l'exécution en ayant été différée jusqu'à rassemblée générale suivante, qui se tint en 1661. Ce fut alors que l'abbé de Bourzéis, un des chefs du jansénisme, fit la rétractation que nous avons vue et souscrivit sincèrement le formulaire de foi dressé par le clergé de France.

Arnauld et les autres jansénistes justifiaient leur résistance au Pape et aux évêques par ce syllogisme, qu'ils diversifiaient de mille manières :

On n'est obligé de se soumettre intérieurement à ce que le Pape prononce sur un point de fait que quand le contraire ne nous paraît pas tout évident;

Or le contraire de ce que le Pape a prononcé sur le fait de Jansénius, et de ce qui a été mis dans le formulaire de l'assemblée, me paraît évident à moi et à mes amis;

Donc nous ne sommes pas obligés de reconnaître, contre notre propre lumière, ce que le Pape a prononcé sur le fait 1.

Ce syllogisme repose sur cette maxime fondamentale d'Arnauld que chaque personne, et surtout un docteur, qui a quelque discernement de ce qui se passe dans son esprit, est le premier ou plutôt l'unique juge entre les hommes de ce qui lui paraît évident. C'est sur ce principe que chaque janséniste résistait effrontément à toute l'Église de Dieu, avec laquelle Jésus-Christ a promis d'être tous les jours jusqu'à la consommation des siècles et à laquelle il a promis l'Esprit de vérité pour demeurer avec elle éternellement.

Les professeurs catholiques de philosophie feront bien de citer ce syllogisme historique à leurs élèves, pour leur faire voir ce qu'il renferme de faux, d'équivoque et de funeste.

Parmi les souteneurs du syllogisme janséniste,…

_________________________________________

1. Dumas, l. 3, p. 222.

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Message  Louis Lun 02 Jan 2017, 7:02 am

.26. Ce syllogisme soutenu et diversifié par Pascal et Nicole dans les Lettres provinciales. Ce qu'il en est de ces Lettres.

Parmi les souteneurs du syllogisme janséniste, se distinguèrent Blaise Pascal et Pierre Nicole, le premier dans ses Lettres provinciales, sous le nom de Louis de Montalte, le second dans les notes de Guillaume Wendrok et dans les disquitions de Paul Irénée. Pour le style les Provinciales sont un fort élégant libelle, mais d'un plan assez monotone : c'est toujours un Jésuite sot qui dit des bêtises et qui a lu tout ce que son ordre a écrit. Madame de Grignan, au milieu même de l'effervescence contemporaine, disait déjà en bâillant : C'est toujours la même chose 1.

Quant au fond même de l'ouvrage Voltaire a dit sans détour : Il est vrai que tout le livre porte sur un fondement faux, ce qui est visible 2.

Aussi dès que les Lettres provinciales parurent Rome les condamna, et Louis XIV, de son côté, nomma pour l'examen de ce livre treize commissaires, archevêques, évêques, docteurs ou professeurs de théologie, qui donnèrent l'avis suivant :

« Nous, soussignés, après avoir diligemment examiné le livre qui a pour titre Lettres provinciales, etc. (avec les notes de Wendrok), certifions que les hérésies de Jansénius, condamnées par l'Église, y sont soutenues et défendues... ; certifions de plus que la médisance et l'insolence sont si naturelles à ces deux auteurs qu'à la réserve des jansénistes ils n'épargnent qui que ce soit, ni le Pape, ni les évêques, ni le roi, ni ses principaux ministres, ni la sacrée faculté de Paris, ni les ordres religieux, et qu'ainsi ce livre est digne des peines que les lois décernent contre les libelles diffamatoires et hérétiques. Fait à Paris, le 4 septembre 1660.

Signé Henri de Rennes, Hardouin de Rodez, François d'Amiens, Charles ; de Soissons, etc. »

Sur cet avis des commissaires le livre fut condamné au feu par arrêt du conseil d'État 3.

Certes, lorsque Voltaire s'accorde avec le Pape, le clergé de France et le conseil d'État pour juger qu'un livre est un libelle, il n'est plus permis d'en douter, et ceux qui obligent la jeunesse à étudier ce libelle sont évidemment les corrupteurs de la jeunesse.

Au fond les jansénistes pensent sur Pascal comme le Pape et Voltaire. Il eut à la fin les plus grands démêlés avec eux. Il prétendit qu'ils avaient varié dans leurs sentiments, ou du moins dans la manière de les exposer ; eux, de leur côté, firent de lui un portrait peu avantageux. Ils dirent « qu'on ne pouvait guère compter sur son témoignage, qu'il ne voyait que par les yeux d'autrui, qu'il était peu instruit des faits qu'il rapporte... ; qu'en écrivant les Provinciales il se fiait absolument sur la bonne foi de ceux qui lui fournissaient les passages qu'il citait sans les vérifier dans les originaux ; que souvent, sur des fondements faux ou incertains, il se faisait des systèmes d'imagination qui ne subsistaient que dans son esprit. »

C'est ce que les jansénistes nous apprennent eux-mêmes dans un écrit intitulé Lettre d'un ecclésiastique à un de ses amis 1.

Pascal était un bel esprit, grand mathématicien, bon physicien, mais très-ignorant en matière de théologie, et logicien si pitoyable qu'il se contredisait sans s'en apercevoir. Par exemple, dans ses premières lettres il regarde les thomistes comme ses grands adversaires sur les matières de la grâce ; il dit que « les thomistes se brouillent avec la raison, les molinistes avec la foi, et que les seuls jansénistes savent accorder la foi avec la raison. » Cependant, dans sa dernière lettre, il soutient que les jansénistes sont, sur la grâce, du sentiment des thomistes, et par conséquent brouillés comme eux avec la raison.

Les jansénistes généralement, Jansénius même par moments, …
_______________________________________________________________

1. Lettres de madame de Sévigné, lettre 753, du 21 décembre 1689. — 2. Siècle de Louis XIV, c. 37. —  3. Dumas, l. 3, p. 226. — 1. Dumas, l. 3, p. 18 et 82.


Dernière édition par Louis le Mar 03 Jan 2017, 12:48 pm, édité 1 fois (Raison : Balises.)

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Message  Louis Mar 03 Jan 2017, 7:09 am

27. Mensonge des jansénistes quand ils se disent disciples de saint Thomas. Opposition entre leur doctrine et la [s]ienne.

Les jansénistes généralement, Jansénius même par moments, se prétendent d'accord avec saint Thomas. A parler familièrement c'est un gros mensonge. Le principe fondamental du jansénisme est que, pour mériter et démériter dans l'état de la nature déchue, il n'est pas besoin que l'homme soit libre ou exempt de nécessité, mais il suffit qu'il soit libre ou exempt de contrainte.

Or voici ce que dit saint Thomas en propres termes :

« Quelques-uns ont pensé que la volonté de l'homme, pour élire quelque chose, est mue par la nécessité, mais sans contrainte. Cette opinion est hérétique, car elle détruit l'essence du mérite et du démérite dans les actions humaines. En effet il n'y a ni mérite ni démérite à agir par une telle nécessité qu'on ne puisse pas ne point agir. Il faut éloigner de la philosophie une telle opinion, parce que non-seulement elle est contraire à la foi, mais parce qu'elle renverse tous les principes de la philosophie morale ; car, s'il n'y a rien de libre en nous, mais que nous soyons nécessités à vouloir, il n'y a plus lieu à délibération, exhortation, commandement, défense, punition, louange ni blâme 1. »

Voilà comment saint Thomas s'accorde, plusieurs siècles d'avance, non pas précisément avec Jansénius, mais avec les Papes qui condamnent d'hérésie la proposition janséniste.

Avec qui Jansénius et les Jansénistes s'accordent, c'est avec Baïus, disant dans sa proposition 9 : « Ce qui se fait volontairement, quoique nécessairement, se fait librement; » et 66 : « La seule violence répugne à la liberté naturelle de l'homme; » et 67 : « L'homme pèche d'une manière damnable même dans ce qu'il fait nécessairement. »

Avec qui Jansénius et Baïus s'accordent, c'est avec Luther et Calvin, qui l'un et l'autre admettent que l'homme est libre dans ce sens qu'il agit volontairement, quoique nécessairement, mais sans contrainte 2.

Jansénius avance en propres termes, après Baïus, Luther et Calvin, que l'ignorance qui est en nous par nécessité, et non par volonté, c'est-à-dire qui est invincible, ne nous exempte pas de péché ; que c'est même là un dogme de foi, une tradition certaine des anciens, et qu'il n'y a que les Pélagiens qui puissent le nier 3.

Saint Thomas dit, au contraire, et répète :

« L'ignorance qui est cause de l'acte, si elle est involontaire, excuse de péché, parce qu'il est de l'essence du péché  d'être volontaire 1. »

Jansénius dit et répète…
_________________________________________________________________

1. « Quidam posuerunt quod voluntas hominis ex necessitate moveatur ad aliquid eligendum, nec tamen ponebant quod voluntas cogeretur... Hæc autem opinio est haeretica; tollit enim rationem meriti et demeriti in actibus humanis, etc. Inter q. disput., de Malo, q. 6. De Electione humana. — 2. Luther, de Servo Arbitrio. Calvin, Instit., l. 2, c. 2, § 7. — 3. L. 2,  de Statu naturæ lapsæ c. 2. — 1. 12. Q. 76, art. 2 et 3.

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Message  Louis Mer 04 Jan 2017, 6:36 am

27. Mensonge des jansénistes quand ils se disent disciples de saint Thomas. Opposition entre leur doctrine et la [s]ienne.

(suite)

Jansénius dit et répète, après Baïus, Luther et Calvin, que l'infidèle, de quelque côté qu'il se tourne, est dans une nécessité de pécher, et que penser différemment est une ineptie, un délire, une extravagance, une erreur, une impiété contraire à la religion chrétienne, à l'Écriture sainte et à la foi 2.

Saint Thomas, au contraire, examinant si toute action d'un infidèle est péché, conclut et prouve que toute action d'un infidèle n'est point péché, mais qu'il peut opérer quelque chose de bon, quoique ce ne soit pas méritoire pour la vie éternelle 3.

Jansénius dit et répète, avec Luther et Calvin, que Dieu ne veut pas le salut de tous les hommes, que Jésus-Christ n'est pas mort pour tous et qu'il ne donne pas des grâces suffisantes à chacun.

Saint Thomas établit tout le contraire en beaucoup d'endroits, notamment dans son commentaire sur cette parole de l'Épître aux Hébreux : Prenez garde que personne ne manque à la grâce de Dieu. « Car, dit-il, quoiqu'on n'ait pas la grâce par les mérites, autrement la grâce ne serait plus grâce, cependant il faut que l'homme fasse ce qui est en lui. Or Dieu, par sa volonté très-libérale, donne la grâce à quiconque s'y prépare. Il est dit au troisième chapitre de l'Apocalypse : Voici que je me tiens à la porte et que je frappe; si quelqu'un m'ouvre j'entrerai chez lui; et au deuxième chapitre de la première Épître à Timothée il est dit que Dieu veut sauver tous les hommes. C'est pourquoi la grâce de Dieu ne manque à personne; mais elle se communique à tous, autant qu'il est en elle, de même que le soleil ne manque pas aux yeux aveugles 4. »

Voilà ce qu'enseigne saint Thomas, et avec lui tous les docteurs de l'école. Cet accord gêne singulièrement Jansénius. Que fera-t-il pour s'en débarrasser ?

Nous avons vu Luther…
__________________________________________________________

2. L. 4, de Statu naturæ lapsæ, c. 17 et 18. — 3. 22. Q. 10, art. 4, — 4. In cap.  12  Epist. ad Hebr., lect. 3.

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Message  Louis Jeu 05 Jan 2017, 7:28 am

.28. Si les jansénistes invoquent tant saint Augustin, c'est pour abuser d'une de ses méprises. Impudence avec laquelle ils altèrent la sainte Écriture elle-même.    

Nous avons vu Luther commencer la guerre contre l'Eglise par une série de quatre-vingt-dix-neuf  thèses  ou  propositions dans lesquelles il abaisse la philosophie d'Aristote, la théologie des scolastiques, pour élever uniquement et excessivement l'autorité de saint Augustin.

Jansénius suit absolument la marche de Luther.

Dans son livre préliminaire il a un chapitre tout entier pour établir que les théologiens, depuis qu'ils suivent la philosophie d'Aristote et la méthode scolastique, c'est-à-dire depuis cinq siècles, se sont tellement égarés qu'ils ne connaissent plus ni la foi chrétienne, ni l'espérance, ni la cupidité, ni la charité, ni la nature, ni la grâce, ni le vice, ni la vertu, ni le mérite, ni la récompense, ni le libre ni le serf arbitre de l'homme, ni la crainte, ni l'amour, ni la prédestination, ni aucun de ses effets, ni la justice de Dieu, ni sa miséricorde, ni l'Ancien ni le Nouveau Testament, ni le péché, ni le supplice qu'il mérite. 1  

C'était dire équivalemment, avec Hauranne et Luther, que, depuis cinq siècles, il n'y avait plus d'Église. En même temps, et dans ce chapitre, et dans tout le livre préliminaire, et dans tout l'ouvrage intitulé Augustinus, Jansénius ne cesse d'élever saint Augustin au-dessus de tous les docteurs et de tous les Pères ; il ne veut écouter que lui seul et prétend lui soumettre en quelque sorte les Papes et l'Église entière.

Et pourquoi ?

Nous avons vu que, dans ses discussions avec les Pélagiens, surtout avec Julien d'Éclane, saint Augustin s'est mépris sur le sens littéral de ce mot de saint Paul : Omne autem quod non est ex fide peccatum est. Au lieu d'entendre : Tout ce qui n'est pas selon la conscience est péché, ce qui est évidemment et incontestablement le sens naturel et littéral, il entendait : Tout ce qui ne procède pas de la foi est péché ; d'où la conséquence : Donc toutes les actions des infidèles sont des péchés ; conséquence qu'il se voyait comme forcé d'admettre par suite de sa méprise, mais qui, cependant, lui répugnait visiblement.

Au chapitre 27 du livre de l'Esprit et de la Lettre il dit en propres termes que les infidèles, qu'il appelle impies, font quelquefois des actions qui non-seulement ne peuvent être blâmées, mais qui doivent être louées. Il ajoute que, comme le juste commet quelquefois des péchés véniels, aussi le plus impie fait quelquefois quelques bonnes œuvres. Ailleurs il dit que la charité est l'une divine, l'autre humaine ; que la charité humaine est l'une licite, l'autre illicite, et que la charité licite peut être dans les impies, c'est-à-dire dans les païens, les juifs et les hérétiques 1.

Luther lui-même reconnaît jusqu'à deux fois que l'interprétation des catholiques est juste…
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1. Liber poœrmialis, c. 28. — 1. Sermo 52 de tempore. Voir encore d'autres textes dans un ouvrage très-bien fait, Analyse du Jansénisme, 1721, sans nom de lieu ni d'auteur, l. 3, c. 9, § 2.

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