L'INFAILLIBILITÉ

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Message  Monique Sam 01 Oct 2016, 9:15 am

CHAP. XXXVII.


LES PROTESTANTS NE PEUVENT QUE PROTESTER CONTRE EUX.



Comment peuvent-ils échapper au raisonnement ? Pourquoi fûtes-vous pendant quinze cents ans de l'Église ? dès lors, pourquoi vous en séparer ? Lui fîtes-vous faire un progrès? Alors vous croyez à l'esprit humain et non point à l'Esprit saint? dès lors pourquoi parler d'Église? vous sortez de son enceinte et descendez dans le siècle.

Si l'Église pendant quinze cents ans fut vraie, mais après ce temps a failli, elle n'est donc pas l'Institution de Jésus-Christ ? elle est de l'homme, et vous raisonnez comme les impies. Ou bien , si elle fut , durant ce temps, la véritable Église, elle l'est encore aujourd'hui.

Pour vous constituer en véritable Église, il faut procéder de Jésus-Christ ; et pour partir de Jésus-Christ , il faut rentrer dans la tradition qui, pendant quinze siècles, vous en sépare. Mais, si l'Église est sa tradition véritable, si elle est infaillible enfin, encore la même conclusion. N'est-elle point infaillible, ne sort-elle point de Jésus-Christ par une circulation non interrompue de ses pouvoirs, alors comment êtes-vous infaillibles aujourd'hui? comment vous arrive la vérité? comment vous constituez-vous l'Église et, à travers quinze siècles, touchez-vous Jésus-Christ ?

Vous ne pouvez être l'Église sans qu'il y ait eu avant vous une Église véritable de laquelle vous descendiez : dès lors pourquoi sortir de la véritable Église ? Vous ne pouvez enseigner , c'est-à-dire être infaillibles , sans qu'il y ait eu une tradition infaillible qui vous ai conservé le vrai : dès lors pourquoi ne la plus suivre (1) ?

— C'est nous qui la sommes. — Est-ce cette Tradition qui le dit, ou est-ce vous ? Et , si ceux qui ont été quinze cents ans la Tradition infaillible disent non ? — Mais nous fûmes, nous, cette tradition. — Avez-vous dix-huit cents ans ? vous ne parlez que depuis Luther. — Luther est la continuation de l'Église. — Est-ce l'Église, ou bien Luther qui le prétend ? L'Église qui vivait au moment où parut Luther , a-t-elle dit : Je meurs et m'accomplis en lui? Luther est-il le dernier Pape, et depuis, la chrétienté n'en a-t-elle plus? Ou, si le Pape est lui-même une erreur, s'il ne doit plus y avoir de Chef visible dans l'Église, pourquoi, à partir de Jésus-Christ et de Pierre , y en a-t-il pendant quinze cents ans dans l'Église ?

En définitive, vous protestez ; vous vous séparez de quelque chose d'existant avant vous, dont il faut nécessairement tirer toute origine, toute légitimité. Mais comme , en même temps , vous protestez contre cette légitimité, la vôtre que devient-elle? Comme, en même temps, vous séparez votre tige de cette infaillibilité, la vôtre d'où sort-elle? Le fait d'où vous tirez la vie vous donne en même temps la mort.

Raisonnement, je le sais, qu'on ne peut adresser ni aux insensés, ni au siècle, qui agit en ceci comme les insensés, puisqu'il méprise la sagesse universelle pour s'en tenir à son esprit ; mais qu'on peut vous adresser, ô Protestants, puisque vous voulez vous rattacher à la raison, et à Jésus-Christ, qui est toute raison.

Il n'y a donc là ni la raison ni le raisonnement. (Au reste, l'Église se fonde, non sur la raison, mais sur la déraison des hommes. L'autorité, la plus forte chose du monde, a pour fondement la faiblesse; et ce fondement est admirablement sûr , dit Pascal , car rien n'est plus sûr que ceci : la faiblesse du peuple. « Ce qui est fondé sur la raison , comme l'estime de la sagesse, est bien mal fondé, » ajoute ce grand homme. )

Où est la base du protestantisme ? le ramener à son principe l'anéantit. Sa base, je la cherche avec lui. Quant à sa racine, elle est éternellement vivante dans la présomption du moi, l'impatience du joug chez l'homme, l'insubordination de la foule. Mais, pourquoi tant de durée? Tout édifice demeure plus longtemps à bas que debout. Il coûte peu de garder une ruine.

1. Saint François de Sales dit à Théodore de Bèze: «Peut-on se « sauver dans l'ancienne Église? — Oui,» répondit Th. de Bèze. Comment répondre non, sans damner les Apôtres et les saints jus qu'en 1500? Si l'on se sauve dans l'Église, je maintiens le dilemme... revenez dans l'Église.


A suivre...CHAP. XXXVIII. ORIGINE DE LA RÉFORMATION
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Message  Monique Dim 02 Oct 2016, 9:25 am

CHAP. XXXVIII.


ORIGINE DE LA RÉFORMATION.



Il fallait une réforme dans les mœurs et non dans les idées, qui elles-mêmes réclamaient d'autres mœurs. Les Réformateurs ont donné jour à une nouvelle éruption de l'esprit de l'homme, et, par là, remis en question la Civilisation moderne. Dans l'homme, la révolte est toujours prête; ils saisirent le prétexte au moment où il se montrait.

Les idées chrétiennes s'étaient répandues et constituées parmi les hommes. Ce qui restait de barbare dans leurs mœurs sautait alors à tous les yeux. Il n'y avait pas de réforme à faire dans les idées, qui étaient vraies, mais dans les mœurs, qui, liées de plus près au cœur, s'en vont toujours les dernières. Ils voulurent réformer les idées (1), et, de méprise en méprise, poussèrent l'Europe en un chaos tel que, depuis trois cents ans, ni les mœurs ni les idées ne sont fixées; et l'on discute encore surtout, au grand ébahissement de notre âge. Les gouvernements, ne pouvant plus eux-mêmes dire où était la vérité, perdirent, dans ce conflit de leur principe et de leurs propres lois, toute autorité sur les peuples; et l'Église, à qui l'on dénia publiquement la possession du vrai, perdit de son empire sur les hommes, qui préférèrent de tout temps leur sens propre à l'obéissance et à la vérité.

Après le miracle de Jésus-Christ venu pour sauver les hommes, il n'en est pas de plus grand sur la terre que celui de l'Église , achevant cet ouvrage au moyen de l'homme imparfait (1) . Et il n'est pas d'institution contre laquelle les fils des hommes aient enfanté plus de reproches! Ce n'est point à la louange de leur cœur. Quoi ! vous étiez barbares , et vous demandez compte à l'Église de ce qu'elle vous a civilisés; même du temps qu'elle y a mis ! L'Église avait devant elle plus que tous les travaux des conquérants. Ils soumirent des peuples, il fallut soumettre les âmes ; ils leur imposèrent des lois, il fallut leur donner des mœurs. C'est l'homme que l'Église a eu devant elle : et c'est par l'homme qu'il a fallu le dompter! Il nous faudrait plus de science et de réflexion qu'il n'en existe aujourd'hui pour découvrir l'immensité du prodige. « Image du royaume de Dieu sur la terre , dit un Apologiste , l'Église s'adresse à des pécheurs ; elle vit sur un monde corrompu , elle ne peut donc agir entièrement hors du cercle du mal. Ce ne furent pas seulement les Grecs polis et les Romains civilisés, mais des peuplades féroces qui entrèrent dans son sein. Ses prêtres et ses évêques ne descendaient pas du Ciel. Il faut qu'elle les choisisse au milieu des hommes tels que la société les lui offre. Alors même, elle fait des prodiges; elle fait jaillir les plus grands noms , les plus grandes lumières qui aient étonné le monde. Si , dans sa longue existence , elle n'a pas toujours brillé du même éclat, du moins nous savons que, comme Institution divine, jamais elle n'a failli. Et comment révoquer en doute toute possibilité de décadence dans le ministère, quand le fait du protestantisme en est la preuve vivante ? »

Mais de si beaux esprits étudient aujourd'hui l'histoire! Que coûtent les choses à la pensée? La vérité n'est-elle pas faite pour triompher partout? Tout ici-bas ne devait-il pas marcher comme par enchantement?... Eh! que n'ont-ils tenu en mains les affaires ? Je frissonne aujourd'hui quand j'entends parler du Passé. Et le mal! et l'homme! et cette terrible volonté à gouverner et à guérir, tout ce pour quoi l'Église est sur la terre, le travail de ce monde enfin! Où trouver la véritable expérience ? Je demande des juges ; je ne vois que des imaginations qui chancellent sur tous les chemins de l'orgueil. Nous voudrions à l'Église la baguette d'or qui transforme les cœurs, et nous lui refusons les nôtres. Pauvres contradictions ! Certes , les hommes ont montré peu de génie sur la question de la vérité, mais moins encore d'esprit sur la question de la pratique... «Qu'ont-ils vu, ces rares génies?» leur disait Bossuet. Ajoutez-y : qu'ont-ils saisi et qu'ont- ils fait (1) ? Dieu envoie des Apôtres aux nations pour leur porter la vérité, et des Rois pour leur assurer la justice. Mais les hommes ont l'habitude de compter pour rien ce qui leur vient de Dieu, l'existence, la Grâce, la conscience, tout don parfait!

Que furent eux-mêmes les Réformateurs ? A ceux qui découvraient des taches , non dans l'Église , mais sur elle , on pouvait dire : qu'ils connaissaient bien , à la vérité, une partie de la misère de l'homme, puisqu'ils la voyaient où elle a le plus d'apparence ; mais qu'ils n'en connaissaient pas le fond , puisqu'ils ne voyaient point que cette misère serait immense , irrémédiable , si tant d'hommes choisis , tant d'hommes organisés ne travaillaient à la guérir... qu'enfin, elle est si effectivement immense, que ceux qui s'en sont le plus dépouillés en ce monde en portent des traces si visibles ! Voilà ce qu'on aurait pu dire aux Réformateurs , s'ils avaient été des Saints. Mais, si la paille qui était dans l'œil de l'Église leur a sauté aux yeux, la poutre logée dans le leur a crevé ceux des autres. Prenez-les sur la logique, prenez-les sur la Foi, prenez-les sur les mœurs, ou sur la politique , vous arrivez sur une ruine : car enfin, qu'ont-ils apporté dans les États? Les malheureuses pensées contre lesquelles tous les gouvernements de l'Europe, sa Foi, ses mœurs et ses institutions, ont eu depuis lors à combattre ; pensées qui les prennent aujourd'hui de front et les renversent... Car l'homme moderne, réduit à demander, en cette heure , quelle vérité abritera encore sa famille et sa tête , se voit forcé lui-même d'examiner et d'exprimer son sentiment.

1. Et ce fut une réformation , au lieu d'une réforme.
1. De l'homme, il est vrai, mais qui a reçu les pouvoirs de Dieu.
1. L'homme ne voit pas qu'on a tout fait pour lui. Si un esprit de sens et de mesure entreprenait une histoire de la faiblesse de l'esprit humain, le livre lui serait plus profitable que tout ce qu'on écrit sur ses progrès indéfinis.



A suivre...CHAP. XXXIX. L'ÉGLISE VIT ET S'AVANCE AVEC NOUS.
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Message  Monique Lun 03 Oct 2016, 11:25 am

CHAP. XXXIX.


L'ÉGLISE VIT ET S'AVANCE AVEC NOUS.



L'Église ne se fonde point sur l'Écriture , puisqu'elle est antérieure à la publication du Nouveau Testament... Ce que l'Église annonce, elle le tient de la bouche du Sauveur; et, comme il l'envoie munie de ses pouvoirs pour enseigner, l'Église est elle-même une Écriture, mais une Écriture vivante (1). Voilà le fait, voilà ce qu'il faut savoir.

Que l'Église soit antérieure au Nouveau Testament, c'est ce qu'un des premiers génies littéraires de l'Allemagne protestante a lui-même aperçu, et l'on peut dire à l'œil nu : « Toute la religion de Jésus-Christ, dit Lessing dans ses dernières œuvres, était déjà crue et pratiquée ; cependant aucun des Évangélistes n'avait encore écrit (2). L'Oraison dominicale était récitée avant que S. Mathieu l'eût mise sur le papier. Il en est ainsi de la formule du Baptême; les auteurs sacrés n'en avaient pas fait mention , qu'elle était usitée parmi les fidèles. Si, sur ces points, les premiers chrétiens ne durent pas attendre les écrits des Apôtres, pourquoi auraient-ils été dans cette obligation sur d'autres? Les Évangélistes n'ont jamais prétendu avoir consigné par écrit toutes les actions, ni toutes les paroles de Jésus-Christ... »

On adressait dernièrement la mème observation à ceux qui veulent fonder toute la Foi sur l'Écriture : « Le Christianisme primitif a existé avant la lecture du Nouveau Testament; il s'est fondé et propagé sans les Écritures. Ce n'est que plusieurs années après la mort de Jésus qu'apparaît l'Évangile de S. Mathieu. Les autres Évangiles et les écrits des Apôtres se succèdent à des intervalles divers ; ce n'est qu'après soixante-dix ans que le livre des Écritures est achevé. Or, ce temps est précisément celui qui correspond à l'établissement du Christianisme, à l'enseignement primitif. Pendant ce temps, comment les chrétiens se faisaient-ils? Puisque les Écritures n'existaient pas, ou n'étaient pas connues, c'était donc par l'enseignement oral. Les Écritures sont venues après, pour fixer, jusqu'à un certain point, l'enseignement de Jésus-Christ, plutôt que pour le donner intégralement. Cela est d'autant plus certain que nous ne voyons pas que Jésus-Christ ait ordonné à ses Apôtres de rien écrire. Ils n'ont écrit que par circonstance, pour répondre à des difficultés du moment, n'entendant point formuler un corps de doctrine, ni présenter la doctrine entière de Jésus-Christ, séparés eux-mêmes par les temps et les lieux, n'ayant pu se concerter, pour ne rien omettre d'essentiel. Aussi, leur livre présente ce singulier phénomène, d'être composé comme de fragments épars, n'ayant d'autre lien d'unité que celui de cette vérité qui les anime tous. Si, à l'origine, l'Écriture n'était point l'essence du Christianisme, elle ne l'est pas davantage aujourd'hui. C'est un Livre inspiré, un trésor précieux que conserve et où puise l'Église, mais qui ne saurait contenir toute la Doctrine du Maître, et n'est point fait pour la transmettre d'une manière vivante , surtout par sa nature de lettre morte , et qui ne peut s'interpréter de lui-même (1). »

Et c'est sur ce livre que Jésus n'a point commandé , sur ce livre écrit dans de semblables conditions , bien qu'il soit un trésor , que l'on fonde la Foi qui doit transformer tous les hommes ! C'est à ces pages détachées , que les Apôtres eux-mêmes appellent incomplètes, que l'on confierait le salut du genre humain ! Jésus-Christ a parlé d'une Église, et non d'un Livre... Au reste, il y a un fait péremptoire: le Sauveur dit à ses disciples : « J'ai BEAUCOUP de choses a vous dire que vous ne pouvez comprendre. « Quand l'Esprit que je vous enverrai sera venu, il vous « enseignera TOUTE vérité. » Donc , il manque au Nouveau Testament beaucoup de choses que Jésus aurait à nous dire, et nous devons attendre ceux qui , par le pouvoir du Saint-Esprit, nous enseigneront toute Vérité... Pâlir sur l'Écriture, et ne la savoir lire !

Et qu'il est triste, toutefois, de préférer un texte mort qui nous laisse, à une Église qui vit et marche avec nous! La doctrine de Jésus-Christ pourrait entrer dans la lettre qui tue, et elle ne pourrait entrer dans la parole qui vivifie, dans cette Parole chargée de la porter aux nations ? Platon ne pensait pas au Protestantisme quand il prononça contre l'Écriture ses jugements immortels. Comment la sainte Écriture s'adressera-t-elle aux langues et aux peuples divers ? Quel nouveau Dieu leur transmettra des traductions où le sens divin renaisse dans sa rectitude? Enfin, qui osera l'enseigner sans frémir de la crainte de la fausser ?

Lorsque Jésus-Christ eut prêché sa parole, dit un Allemand déjà cité, et qu'elle fut reçue par ses disciples, elle devint foi, possession humaine; et quand il fut remonté vers son Père, elle n'existait plus au monde que dans cette Foi. Aussi fut-elle confiée à Pierre. Or, dès que la parole divine fut devenue Foi humaine, elle dut participer aux conditions intellectuelles de l'humanité. Il fallut l'apprendre, il fallut l'enseigner ; elle fut perçue, conservée et transmise. Déjà, dans le choix et la disposition des matières de l'Évangile, se retrace le génie propre de chacun des historiens sacrés. Et lorsque les Apôtres traverseront les mers , et lorsqu'ils seront séparés, et aux extrémités du monde !.. Il s'élèvera des difficultés; la doctrine sera soumise en divers lieux à l'exercice de l'intelligence humaine ; elle sera analysée, reçue par des divisions logiques, coordonnée, comparée, puis ramenée à certains points fondamentaux et mise en relief dans ses bases. Ainsi élaborée , la doctrine se montrera sous ses diverses faces, immuable toujours quant à l'essence, mais non quant à l'expression et aux développements qu'exigent les lieux et les besoins des esprits. La civilisation parcourra ses phases, il faudra suivre la conscience et la pensée dans leur cours.

Or, lorsque l'Église définit la doctrine primitive contre les hérésies, il faut bien qu'elle ajoute des paroles à celles de l'Écritures ; il faut bien qu'elle remplace l'expression apostolique par une autre plus propre à exclure l'erreur qu'elle doit repousser. L'hérésie se produira sous mille faces : l'Église doit se porter devant chacune, opposer à la nouveauté d'expression une terminologie nouvelle.

C'est ainsi que , traversant les erreurs les unes après les autres, les travaux de l'Église nous font entrer toujours plus avant dans la sainte Écriture. Et ici, comment le Protestantisme peut-il dire : Vous abandonnez le livre saint pour ne prêcher que la doctrine de l'Église ? Si la pensée a pénétré plus avant dans l'Évangile, on le doit, en définitive, à ces attaques de l'erreur. Que l'on compare seulement, dit Mœlher, dont je ne fais que paraphraser ici les données pleines de sens, les auteurs des derniers temps avec les ouvrages antérieurs au Concile de Trente, on verra que, dans la connaissance du Christianisme, nous sommes à un degré plus haut qu'avant la Réforme. Les dogmes remis en question ont été placés sous un plus grand jour. Enfin, lorsque l'erreur a semé la division, quel moyen de discerner la doctrine et de revenir à l'unité sans cette Église qui suit nos âmes , sans ce tribunal infaillible qui peut à tout instant leur faire voir la vérité? L'Église pourvoit à nos besoins.

L'Église a-t-elle donc changé ? Elle n'a ni vieilli ni changé; elle nous a suivis pas à pas. Elle a eu ses accroissements, soit pour remplir les vides qui s'opéraient en nous-mêmes, soit pour étendre ses racines à mesure qu'elle doublait le sol en notre âme. « Il faut, dit S. Vincent de Lérins, que ce soit un vrai accroissement et non un changement de Foi ; car c'est un grand bien que chaque chose s'augmente et s'agrandisse en elle-même. Il faut que l'intelligence, la science et la sagesse croissent de siècle en siècle, mais en chaque genre seulement, en un même sens et en une même doctrine. La religion des âmes imite l'ordre du progrès des corps, qui, en acquérant leur perfection par le succès des années, demeurent toujours les mêmes. C'est ainsi qu'il faut que la doctrine chrétienne s'affermisse et s'étende par le temps, et que par l'âge elle croisse en hauteur. »

Les sectaires, qui n'ont point compris la marche que la vérité accomplit autour de notre âme pour l'éclairer, se jettent dans toutes les extrémités. Pressés par ce besoin du merveilleux qui fait le fond de l'âme humaine, ils rapportent à l'Écriture leurs propres rêves, les croient des dogmes et veulent nous les enseigner. Les illuminés pullulèrent dès que la lumière de la Foi se retira des esprits. Quand le jour se retire, on voit les lampes s'allumer. Dans cette nuit, l'imagination cherche à se faire une lumière. Il faut la vie, l'avenir, de merveilleuses espérances à l'homme, créé pour l'immortalité. C'est parce qu'il s'est privé des promesses de l'Infini, qu'il vit si agité de nos jours.

Ce siècle a manqué la question de l'Église : partout il veut y suppléer. Les hommes s'assemblent, se concertent, mais ne se réunissent plus. Ils travaillent, ils veulent donner la Vérité à la terre. C'est comme s'ils la voulaient remuer.

1. « Le Pontife romain est la règle vivante en matière de Foi. » Voir le R. P. Matthœucci, consult. de la Sac. Congrégation.

2. S. Pierre prêche la Foi à Jérusalem , à Césarée , à Antioche , à Rome, etc., et les saints Évangiles n'étaient point écrits.
S. Paul avait prêché au nom de l'Église à Corinthe, à Éphèse, à Antioche, à Thessalouique, etc., avant d'écrire ses Épîtres. S. Luc , son disciple , dit lui-même qu'il écrit son Évangile « afin que l'on y reconnaisse les vérités dont ils ont été instruits par la prédication. » S. Jean écrivit son Évangile dans un âge avancé : il avait fondé les églises d'Asie, et prêché pendant un grand nombre d'années avant de donner , par l'inspiration du Saint-Esprit , son immortel écrit. On ne vit pas les successeurs des Apôtres répandre des copies manuscrites (déjà si multipliées) de l'Évangile, ni les traduire dans les diverses langues; mais on les vit porter eux-mêmes la Parole aux diverses nations... Ils savaient donc que la Parole, et non le sens perçu dans le livre, portait la vérité.

1. J'ai connu assez tôt l'excellente conférence de Divonne, conduite par M. l'abbé Mermillod et par M. l'abbé Martin, pour me procurer l'avantage de reproduire ce passage. Elle en renferme plusieurs du plus vif intérêt.


A suivre...CHAP. XL. L'ÉGLISE PRÉSERVE LA TRADITION ET L'ÉCRITURE.
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Message  Monique Mar 04 Oct 2016, 10:22 am

CHAP. XL.


L'ÉGLISE PRÉSERVE LA TRADITION ET L'ÉCRITURE.



La Tradition, c'est la parole de Dieu conservée vivante dans le sein de l'Église : à l'état de transmission de faits, dans la bouche des fidèles qui la rapportent; à l'état d'article de Foi, dans la bouche de l'Église qui l'établit. Enfin, elle est la constante croyance et la Foi transmise de cette sainte Église. Le concile de Trente la nomme universus Ecclesiœ sensus. (Sess. XIII, c. 2.) De là, saint Augustin disait : « Je ne croirais « pas à l'Écriture Sainte, si je n'y étais déterminé par « l'autorité de l'Église ; » ce qui veut dire, par l'autorité de Jésus-Christ. L'Église se met-elle au-dessus de ce qu'a dit Jésus-Christ? Nullement. L'Église nous apprend si c'est bien S. Mathieu, S. Marc, S. Luc, ou S. Jean qui ont écrit ou non ce livre; elle nous apprend si tel sens est ou non celui de l'Évangile, et, dès lors, à nous soumettre à l'Évangile.

Dès l'origine on disputa sur les Livres saints , et les sectes se formèrent. On discutait. Quoi? on opposait des raisonnements à des raisonnements. Où était la vérité? Où résidait la certitude ? Dans la Foi constante, dans l'universelle Tradition. Réponse juste. Mais où résident la Foi constante et l'universelle Tradition? Comment le déterminer sans fonder soi-même une secte de plus? A quelle marque avérée reconnaître la Foi constante et l'universelle Tradition, si, auprès de l'Écriture , comme auprès de la Tradition , n'existe ce critérium péremptoire , visible à tous les yeux , le pouvoir donné par Jésus à l'Église, l'Infaillibilité?

Sans ce Pouvoir, comment, au sein des hommes, déterminer avec certitude la vérité de Foi? Sans la Promesse, l'Église peut tout au plus dire aux sectaires: Voilà mon sentiment à moi , le sens que je trouve dans l'Écriture. Et certes, ce serait humainement le sens le plus probable, le sens le plus sage; mais encore, comment sera-t-il tenu pour tel chez les hommes? Comment pourrait-il refuser toute place au doute ou convaincre péremptoirement d'erreur? Enfin, de même que toute connaissance humaine , comment n'en subirait- il pas la loi , qui est de se transformer et de s'étendre chaque fois qu'on l'étudie d'une manière plus approfondie? chacun n'a-t-il pas droit d'entamer cette étude plus approfondie ? Et , à supposer que la vérité existât réellement en l'une de ces sectes, à quoi la reconnaître elle-même; et quel pouvoir aura-t-elle sur les autres sectes pour s'en faire obéir? La vérité sera donc ce qu'elle fut dans l'antiquité, perdue au milieu de l'erreur , et accessible à quelques hommes d'exception , incapables eux-mêmes d'être compris de la foule? Où sera l'avantage de la seconde Révélation ?

Les faits tiennent notre langage. Les sectes cédèrent à des sectes nouvelles ; elles se succédèrent comme les siècles , et , comme les siècles , disparurent laissant l'Église debout. A leur naissance , toutes ces sectes reconnurent successivement qu'en condamnant les sectes qui les précédaient, l'Église avait agi dans la vérité; qu'elle en avait été l'infaillible interprète. Toutes ainsi sont venues successivement déposer de la vérité de l'Église (1). Elles n'ont commencé à la trouver fausse que sur un point, celui qui l'empêchait de les admettre. Unique point de dissidence ; pour le reste, tout va bien. Mais voilà que la secte ultérieure trouve fort juste que l'Église ait repoussé sa devancière... Et ainsi jusqu'à la fin...

L'histoire des dissidences n'est, de la sorte, qu'un éternel aveu des faits. « L'histoire de l'Église, remarque « Pascal , doit proprement être appelée l'histoire de la « vérité. » Et c'est pourquoi on la retrouve tout au long côtoyée par l'erreur. Suivant les règles de la critique historique, c'est l'accord dans la variété des témoins qui fait foi ; dès qu'ils ont un intérêt opposé au fait , on cesse de les entendre. Or, les sectes ne peuvent prendre possession du Christianisme originel que dans l'union avec l'Église. Tant qu'il s'agit de prendre naissance dans l'Église ou ses Écritures, on se tait. Si jusque-là les sectes se sont appuyées sur l'Église , c'est qu'à leurs yeux elle était vraie : elles sont ici toutes d'accord. Mais si, à partir de là, elles se sont séparées d'Elle, c'est que leurs intérêts lui devenaient opposés... Quand il s'agit d'écarter la pensée d'autrui, toutes consentent à l'Église ; quand leur système est en jeu, alors elles la répudient. La vérité n'en demande pas davantage.

Enfin les hérésies nous démontrent l'existence de l'Église. Elles l'attaquent depuis le commencement, elles prouvent qu'elle existe dès le commencement ! Qu'affirment effectivement les hérésies de tous les siècles ? qu'Elle était dans tous les siècles la citadelle de la vérité, puisqu'elles se présentaient de tous côtés pour l'investir. Les Ariens ne sont venus nier la divinité de Jésus-Christ que parce qu'elle était reconnue de l'Église. Les Nestoriens ne sont venus nier en Jésus-Christ l'une des deux natures , que parce que l'Église reconnaissait les deux natures; etc., etc. Aussi, de cette éternelle agression contre les dogmes de l'Église , on vit bientôt sortir des ruisseaux de lumière, un océan de vérité.

Les objections tombent une à une devant les consciences libres. Nous franchissons les galeries obscures creusées par les raisonnements, et nous pénétrons vers le jour.

1. « L'Arien reçoit avec joie les décisions portées contre les Gnostiques; le Pélasgien et le Nestorien, celles portées contre l'Arianisme ; les Luthériens, les Calvinistes donnent leur assentiment aux condamnations portées contre les Pélasgiens ; enfin les Jansénistes, à celles que l'Église a portées contre toutes les hérésies. »


A suivre...CHAP. XLI. DANS L'ÉGLISE, JÉSUS-CHRIST CONSERVE L'ÉCRITURE, LA TRADITION ET LES PÈRES.
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Message  Monique Jeu 06 Oct 2016, 9:36 am

CHAP. XLI.


DANS L'ÉGLISE, JÉSUS-CHRIST CONSERVE L'ÉCRITURE, LA TRADITION ET LES PÈRES.



Si l'Église n'est fondée directement ni sur l'Écriture, ni sur les Pères, ni sur la Tradition, elle n'en reçoit pas moins de l'Écriture, des Pères et de la Tradition, le plus grand tribut de lumières et un témoignage complet. L'Église ne repose pas sur la raison, et cependant elle en reçoit toute une clarté et un hommage éclatant. Ainsi le Fleuve, qui descend de sa source, recueille ses affluents, pressés d'entrer dans ses eaux et d'en prendre le cours. Ainsi le Roi, qui tient le sceptre de ses ancêtres, n'en reçoit pas moins le libre hommage de ses peuples et le concours des alliés de la Couronne.

Les Églises réformées ne peuvent même se déclarer fondées sur l'Écriture, la Tradition ou les Pères, sans montrer imprudemment le mensonge de leur origine. Vous sentez que la Révélation divine se résout, en définitive, en une question d'Enseignement : les hommes doivent être instruits, instruits avec certitude. Il ne s'agit de nier ni l'Écriture, ni la Tradition, ni les Pères, mais de savoir où ils sont, de bien entendre ce qu'ils disent. Toute la question se résolvant en une question d'enseignement, il faut qu'un tel enseignement repose sur un fondement plus qu'humain, ou tout jusqu'ici est perdu...

Par son Institution, Jésus-Christ a voulu précisément conserver dans leur auguste pureté, dans toute la vertu de leur origine, l'Écriture, la Tradition et les Pères. L'Église ne leur est point une étrangère, mais une compatriote immortelle. Loin d'étouffer l'Écriture, la Tradition et les Pères, l'Église en est précisément l'âme et la sauvegarde : ils existent, ils éclosent, ils opèrent et se perpétuent en elle. Ils sont dans sa pensée, dans l'accent de sa voix ; ils retrouvent la vie sur ses lèvres, et leur éclat est comme un rayon de sa gloire.

Ainsi couronnée de la Lumière, assise sur la Vérité dans les régions inaccessibles aux nuages, et voyant fuir au-dessous d'elle le fleuve de l'erreur, règne l'épouse de Jésus-Christ ! Douce comme l'espérance, ses yeux sont tendrement fixés sur l'homme ; elle a pour lui la parole de l'ange et le sourire de l'immortalité ! Ses pieds , comme les rayons du soleil, descendent partout sur la terre, pour le chercher, tandis que sa main bénie lui ouvre la porte du Ciel... Les Écritures l'annoncent, la Tradition la désigne, les Pères l'acclament de leurs augustes voix, et, avec la foule des justes, se précipitent joyeux dans son sein. « Je vis la sainte Cité, dit « S. Jean , la nouvelle Jérusalem qui venait de Dieu, « et descendait du Ciel, ornée comme une épouse « qui s'est parée pour son époux. Et j'entendis une « voix forte qui venait du Trône et qui disait : Voici « LE TABERNACLE DE DIEU PARMI LES HOMMES : ET IL « HABITERA AVEC EUX. Ils seront son peuple; et « Dieu lui-même demeurera avec eux, sera leur Dieu.

C'est parce que l'Église est divine, qu'elle est constamment attaquée par l'erreur ; c'est parce qu'elle est pleine de merveilles , que les hommes viennent la dépouiller. Ne pouvant lui ravir ni l'Infaillibilité, confiée par Jésus à Pierre , ni les divins Pouvoirs , conférés à tous les Apôtres , ni les dons de l'Esprit-Saint, promis au Corps entier, les hérésies ont voulu lui dérober l'Écriture. Elles lui disputent l'Écriture, à elle qui a fixé le texte et le sens des Écritures; la Tradition, à elle qui est la racine et l'arbre de la Tradition ; les Pères, à elle qui les a tous possédés ! Elles ont voulu lui dire : Tes lumières, comme les nôtres, viennent de l'Écriture; et tes dogmes aussi ont pour appui la Tradition. Mais voilà qu'en passant par leurs mains, l'Écriture n'a produit que des doctrines monstrueuses ; et que la Tradition , loin de leur maintenir des dogmes , s'est rompue à leurs yeux, ne laissant à chacune qu'un tronçon dans les doigts.

Avec leurs docteurs, où sont -elles? Elles passent : et leur nom même ne leur peut servir. A tout instant elles s'assemblent pour se définir; à tout instant un nom nouveau les consterne en leur rappelant leur néant. Elles passent ; et, dans l'impuissance de s'atteindre elles-mêmes, elles jettent un soupir en perdant de vue Celle que Jésus-Christ a envoyée, comme il fut envoyé par son Père. Qui peut troubler le cours des lois éternelles ? Le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, et l'Église, du Saint-Esprit...

Pénétrez dans la région des hérésies ; d'heure en heure, c'est une hérésie qui s'élève ou une hérésie qui s'affaisse ; on croit entendre le bruit à peine interrompu de l'avalanche dans les gorges des Alpes. Cependant, à la même heure, dans l'univers entier, l'Église fait entendre distinctement une même parole, et prolonge l'enseignement d'une doctrine éternelle. L'unité, preuve du vrai, l'universalité, preuve du vrai, la sainteté, preuve du vrai, déposent en même temps sur son front leur triple diadème. Il faut bien l'avouer, aujourd'hui que le monde atteint six mille ans, l'Église offre un spectacle inouï dans le monde ! Depuis la première heure jusqu'à celle où nous sommes, de Pierre à Pie IX, elle est identique à elle-même et identique à la vérité ! identique dans sa racine, dans sa structure, dans sa parole, dans son amour pour les hommes. Ah l elle est une, elle est catholique, elle est Apostolique, elle est de Dieu, et ni ma mère ni ma raison ne m'ont trompé en m'apprenant à reconnaître ici-bas la vérité !

Aucune science, d'ailleurs, n'est sortie des énormes travaux de toutes ces hérésies. Elles le voient maintenant; elles n'ont su attaquer la Foi que par une action négative. Enfin elles n'ont su s'arrêter dans leur marche qu'elles n'aient épuisé le cercle des Dogmes, qu'elles nient successivement. Par quoi pourraient-elles remplacer ce réservoir immense de notre civilisation moderne, cette science première, incomparable, d'où sont sortis à la fois les sciences morales, le droit, les mœurs, nos idées , la conscience moderne ; cette science de l'Ange, qui nous élève incommensurablement au-dessus de l'antiquité, la Théologie ?


A suivre...CHAP. XLII. SCIENCE APPORTÉE PAR l'ÉGLISE ; CONCOURS DE LA MÉTAPHYSIQUE ET DU BON SENS, DANS LA THÉOLOGIE.
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Message  Monique Ven 07 Oct 2016, 9:31 am

CHAP. XLII.


SCIENCE APPORTÉE PAR l'ÉGLISE ; CONCOURS DE LA MÉTAPHYSIQUE ET DU BON SENS, DANS LA THÉOLOGIE.


S'il y a quelque chose de solide au monde, ce sont les deux pôles de l'esprit, la métaphysique et le bon sens. La première tire ses solutions du nécessaire, de l'Infini ; le second, de la pratique générale. C'est le bon sens qui dit : reconnaissez l'arbre à ses fruits ; et la haute métaphysique : soyez un comme au Ciel nous sommes un. Réunis, les deux faits constituent éminemment le génie ; un seul suffit quelquefois , car jamais l'un ne subsiste entièrement privé de l'autre. La métaphysique donne le bon sens à celui qui le désire, et le bon sens, la métaphysique à celui qui la veut chercher. De là, quand l'une s'éloigne, l'autre ne tarde pas à s'affaiblir. Sans la lumière d'en haut, le bon sens ne s'élève pas au-dessus de l'expérience vulgaire; il n'arrive point à la sagesse, à la pure raison. Sans le bon sens, la métaphysique apparaît comme ces astres éloignés qui n'envoient aucune chaleur à la terre. La métaphysique découvre à la morale sa racine dans l'Infini, et la morale donne ses fruits précieux à la métaphysique. Ce sont les deux faces des choses, la lumière pour tous les esprits. La morale est le côté visible du bien, la métaphysique en est la vue divine. De même que pour le bon sens, la morale qui ne fait point tomber sur elle le rayon de la métaphysique, voit pâlir son autorité dans l'esprit méfiant des hommes ; et la métaphysique qui ne répand point de conséquences morales , est une étoile qui s'est perdue.

Ainsi peuvent disparaître les pôles de la pensée. Quand le bon sens se prive des hautes notions métaphysiques, comme dans les civilisations de troisième ordre, il incline vers la terre et maintient les hommes dans un état grossier. On perd de vue la liaison précieuse entre les idées supérieures et la pratique journalière; on ne voit que l'utile. Les peuples s'engourdissent dans l'atmosphère de ce matérialisme ; puis se courbent sous le despotisme ou s'effacent dans la conquête. Quand la métaphysique se prive du bon sens , comme dans le Bas-Empire (ou dans les têtes hégéliennes de nos jours), elle s'exile peu à peu de la pensée des hommes, elle perd la trace faite par les consciences. Le penseur suit des abstractions , vraies peut-être pour lui , mais qui ne peuvent plus prendre pied dans la langue, y rencontrer la morale et les idées saines des hommes. Seul, on s'égare ; le fil qui nous rattache à la pratique se brise, on passe dans des régions vaincs, en quelque sorte privées d'air. Au sein du vide, la vue s'obscurcit bientôt, et les peuples , heurtant à tous les angles de l'erreur, vont tomber au même point que les premiers. Il faut de la pensée, il faut de la vertu pour tenir l'homme debout. Toutes les fois que l'esprit humain a pris son essor par le sentier exclusif, soit de la métaphysique , soit de la pure expérience, son char a versé d'un côté ou de l'autre. C'est l'histoire des hommes, ce fut celle de l'Antiquité. Aucune philosophie ne put y conclure l'union divine de la pratique et de l'Idée, ni dès lors fonder la morale.

Or, l'Église a apporté une science qui, pour la première fois en ce monde, a réuni la plus haute métaphysique au plus parfait bon sens, l'idée la plus élevée à la pratique la plus sûre , c'est la Théologie. Elle seule est allée si loin dans l'Etre, qu'elle a élevé notre sentiment de l'Infini jusqu'à l'amour, et si avant dans l'homme qu'elle en a conduit la marche jusqu'à la perfection du saint. Profondeur inouïe ! simplicité surnaturelle ! c'est la Théologie, c'est la science apportée par l'Église qui a réuni les deux pôles dans cette perfection, dans ce miracle de la terre qu'on nomme la sainteté ! Mais les esprits ne sont déjà plus assez grands pour le voir . . . Quelle secte, quelle philosophie a prétendu publiquement don des saints au monde? Imaginez des législateurs ou des rois se réunissant pour procéder à une canonisation ou pour fonder une théologie ! La moindre tentative en ces choses provoquerait le ridicule universel (1).

Trouvez une métaphysique à la fois plus profonde et plus expérimentale ; trouvez une pratique à la fois plus hardie et plus sainte que cet acte qui, entrant dans l'Infini comme dans une source , en fait descendre les dons sur nous par le canal des sacrements ; que cette puissance de la prière qui , pénétrant Dieu jusqu'au cœur, en fait passer la vie , sous le nom de Grâce , dans l'acte privé de l'homme, au point que l'homme a pu s'entendre dire ces paroles : Estote perfecti sicut Pater! Pater ! Devant ce mot qui nous découvrit Dieu pour jamais, que sont les pâles notions que la métaphysique des siècles nous a données sur l'Etre? Pensées de l'homme, philosophie, où êtes-vous ? Que sont ces abstractions mathématiques de substance, de cause et de loi, quand nous ne pouvons ni saisir la substance, ni sortir de l'effet, ni parler à la loi? Que sont ces abstractions devant nous , qui pouvons posséder Dieu jusqu'au ravissement, par l'amour; jusqu'à lui ouvrir la main , par la prière? Quelle révélation l quel monde arrivé dans l'attraction de l'homme!

Et cette relation avec l'Infini ne reste point dans un rêve ; elle est le thermomètre des civilisations de la terre. L'élévation en est proportionnelle à cette con naissance, j'ose dire à cette possession de l'Infini. Sous le nom de justice, de vérité et de beauté, Dieu est le grand élément qui coule dans leurs veines. Les peuples qui n'ont rien connu de Dieu, sont restés sauvages. Ceux qui n'en ont connu que la puissance, sont demeurés barbares. Ceux qui n'en ont connu que l'intelligence, n'ont été que policés. Ceux-là seuls qui l'ont connu comme amour, Deus charitas est, ont rencontré la charité et toutes les poésies de la vertu au milieu de leurs mœurs. L'antiquité n'a eu qu'un philosophe, Platon, qui ait parlé du premier des deux problèmes, et qu'un sage, Socrate, qui ait nommé le second, aux yeux surpris de leurs contemporains.

1. Question bien simple : qui a donné la Théologie au monde? qui lui a donné les saints?



A suivre...CHAP. XLIII. DES THÉOLOGIENS COMME ÉCOLE.
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Message  Monique Sam 08 Oct 2016, 10:58 am

CHAP. XLIII.


DES THÉOLOGIENS COMME ÉCOLE.



Or, philosophiquement, qu'est-ce que l'Église, si non la plus étonnante, mais je dois dire la seule École de théologiens qu'il y ait eu sur la terre !

Quelle est l'école où les philosophes, au lieu de venir successivement pour combattre les principes de leurs prédécesseurs, arrivent pour les affirmer, pour s'unir de cœur, de génie et de Foi, dans la même pensée? Pourquoi les philosophes ne se succèdent-ils que pour se contredire, et les théologiens que pour se confirmer? C'est la question que je me fais. Là, quelques hommes sortant l'un après l'autre des ténèbres une lampe à la main, soufflent sur celle de leurs devanciers, se hâtent de placer la leur et rentrent dans la nuit. Ici, un astre qui monte sur l'horizon, les peuples se réveillent, le génie et les saints se pressent, et les générations se lèvent pour le mieux voir. Ici, la beauté, le grand jour, comme dans les œuvres de Dieu ; là, une lueur qui paraît, et rentre à tout instant dans l'ombre. Mon âme doit-elle ainsi vaciller dans ses espérances (1) ?

Encore une fois, quelle est l'école dont le principe, au lieu d'être remis en question au premier point de vue qui s'élève, s'avance et brille avec l'éclat d'un phare jusqu'au fond de l'avenir? école qui fonde une ontologie dont les axiomes n'ont jamais pu franchir les bornes ; école qui fonde les lois qui donnèrent le jour à l'Europe moderne; école qui fonde les mœurs, et introduit le bien, à tous les degrés, dans l'universalité des âmes ; école enfin qui institue une Civilisation inconnue à la terre, et nourrit la conscience publique par l'esprit de justice et de vérité qu'elle n'a cessé de verser à flot dans son sein. On se plaît à de frêles questions, à chercher, par exemple, l'influence de la littérature sur la Société, celle de tel ou tel art, de telle ou telle science. A-t-on cherché l'influence de la Théologie?.. Mais on ne cherche pas l'influence de Dieu sur le monde. La Théologie a créé le monde moderne. Tout cela se voit dans un mot : qui crée la conscience crée l'homme. La mesure de la pensée et la mesure des sentiments sont là; et cette mesure, c'est notre civilisation...

Mais ne parlons que de l'influence personnelle des Théologiens. Des sommets d'où l'horizon se découvre, ne regardons que ces ruisseaux de la sagesse affluant de tous les côtés pour arroser les vertus sur la terre, maintenir partout les niveaux du sens commun et de la justice chez les hommes et les peuples les plus élevés. Où est la question qui, même publiquement, ne se décide en définitive par la conscience? et où est la conscience qui se décide contrairement aux suprêmes avis de la Théologie? Mais le monde ne voit point qui le mène. Se rend-on compte de cette multitude d'idées supérieures sur la justice et sur la conduite de Dieu, qui sont les règles ordinaires des esprits et les mobiles des âmes, et de cette somme incalculable de notions appliquées à toutes les positions de la vie, qui, par le canal de la confession, se versent à tout instant parmi nous, nourrissent la raison et maintiennent la limpidité des sources de l'esprit public? Cette action échappe par sa grandeur, comme la clarté au sein du jour. Souvent les hommes promulguent des lois et des institutions comme si elles provenaient d'eux. A leur durée, à leurs effets sur nous, ils pourraient reconnaître lorsqu'en effet elles en proviennent ! L'antiquité eût considéré nos théologiens comme des hommes divins ; elle les eût pris pour les Génies de la civilisation. Ce sont ceux-là que la Grèce eût appelés du nom de Sages ; ceux-là dont elle eût dit : « Ils sont de race divine ; leur vie est à la fois naïve  et sublime; ils célèbrent les Dieux avec une bouche d'or, et sont les plus simples des hommes ; ils causent comme des immortels ou comme de petits enfants.  Non-seulement ils agissent comme ces hauts réservoirs qui imbibent les plaines de fécondité ; mais individuellement, ils ont été la lumière et la sagesse de l'Occident. Ils ont donné à l'esprit humain, par saint Paul, saint Thomas, saint Augustin et saint Anselme, les colonnes de la métaphysique ; à la Société moderne, les bases et le but de sa législation; à l'âme, ses plus profonds investigateurs ; à la vie intérieure, ses plus prodigieux modèles ; à la chaire, ses plus grands orateurs ; aux États, dans les temps difficiles, les ministres les plus célèbres qu'ils aient eus, et à l'univers, la Papauté. «

Une chose renversait chez nous la Civilisation , la chute de la conscience privée ; une chose renverserait à la fois la conscience publique et la conscience privée, la disparition de la Théologie ; une chose ferait disparaître la Théologie, l'absence parmi nous de l'Église.

Cette absence, il est vrai, ferait écrouler le Pouvoir en même temps que les mœurs ; la Société s'en irait par les deux bouts. Si, en Europe, les Pouvoirs semblent tenir encore, c'est par ce reste de lien, ce faible lien qui les rattache secrètement au principe divin dont on s'éloigne , hélas! tous les jours. L'époque où ce lien ces sera, verra le droit se briser et l'Europe retomber dans la barbarie. Eh! pourquoi venez-vous gouverner les hommes, pourquoi leur imposer ainsi la justice et la paix? Les hommes ne possèdent donc point par eux-mêmes la justice et la paix , qu'il faille partout les leur donner? Il y a donc quelque chose en eux qui repousse cette justice , quelque chose en eux de mauvais? Prenons garde ! derrière la Théologie se tient la politique... C'est pourquoi les hommes d'Etat naquirent si près des théologiens. La question qui, là, ne sera pas comme un roc immobile, qui paraîtra chancelante, incertaine, ici roulera sur nous comme le bloc qui se détache du sommet et couvre tout de ses décombres. L'homme ne peut être scindé, sa destinée éternelle ne peut être retirée de sa direction temporelle, puisque celle-ci est le moyen. En remontant au Principe de l'Église, ce n'est pas l'Église seulement que l'on défend...

1. Eh! que me veut, à moi, cette pensée qui balbutie à peine ce qu'elle entend, lorsque je vois la Parole, comme une flamme sortie de Dieu, éclairant sur sa route toutes les fîmes jusqu'à moi, sans qu'aucun ventait pu l'éteindre?



A suivre...CHAP. XL1V. SUBLIME RÉALITÉ DE l'ÉGLISE.
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Message  Monique Dim 09 Oct 2016, 10:47 am

CHAP. XLVI.


 SUBLIME RÉALITÉ DE l'ÉGLISE.  



Mais déjà l'erreur, qui en tout occupe la plus grande place, se retire devant le jour. Rien ne voile notre sujet; saisissons l'idée de l'Église et comprenons tout ce qu'Elle est.

La vérité ne demande que peu de mots. L'Église est la sainte continuation de Jésus-Christ sur la terre, le Verbe en permanence parmi nous. Sinon elle perd ses caractères et n'a plus droit à l'obéissance des hommes : JE SERAI AVEC VOUS JUSQU'À LA FIN ; rien de plus clair. Et le chrétien s'écrie : J'obéis , mais je sais que mon obéissance est rationnelle, rationabile obsequium ! L'Église est la permanence du Verbe fait chair , sa constante incarnation chez les hommes, et Jésus le souverain prêtre... Il faut bien que le prêtre et Jésus-Christ ne soient qu'un (1) , pour qu'il descende , à la Consécration , dans le Sacrement de l'autel. Du vrai principe, nécessairement, découlent toutes les conséquences.

La vérité n'est qu'une logique bien faite. Ici l'Évangile et la métaphysique sont d'accord, et jusqu'à la pratique morale. Car le chrétien est tenu de considérer Jésus-Christ dans la personne du prêtre ; or, ce devoir, qui embrasse toute la hiérarchie, ne prend sa réalité que là. Enfin la question de l'Autorité, sans cette lumière, est insoluble : l'Église n'est plus qu'une ombre d'Église, l'homme ne cède qu'à une ombre d'autorité, et n'est lui-même qu'une ombre de liberté.

Jésus-Christ est donc présent sur la terre : dans le Très-Saint-Sacrement, par sa personne; dans l'Église, par sa Parole et ses Pouvoirs. Là s'accomplit la Promesse : Je serai avec vous jusqu'à la fin. Dieu fait des promesses positives , il est personnellement avec nous. Au reste, et vous l'avez senti, nul ne peut être infaillible si Jésus-Christ n'est pas là (1).

Le siècle manque de philosophie; il n'embrasse pas d'assez haut la noble idée du monde, la marche de cette Création. L'Église, c'est la vérité en permanence, et le salut toujours présent; c'est la voix de Dieu qu'on entend, et son Sang offert tous les jours sur l'autel. S'il fut nécessaire de rendre à l'homme la Grâce et la Vérité, ne l'est-il pas de les lui maintenir l'une et l'autre? La terre ne saurait être écartée un instant de sa distance du soleil. L'âme est toujours à la même distance de Dieu, dans la même situation devant l'Être. Il faut que Dieu reste sur la terre pour que l'homme continue d'obéir. Il faut qu'il demeure avec lui pour qu'il ne cesse d'être sauvé...

Plusieurs ne veulent point de cette présence parmi les hommes, point d'Infaillibilité, d'autorité certaine; ils préfèrent l'Écriture, le sens privé, l'examen libre, l'homme qui suit la voix du Ciel; d'autres, même, ne veulent pas de révélation. Pour eux, ni Église, ni Tradition, ni Écriture ; ils préfèrent la science, ses progrès, l'individu cherchant sa loi pour la donner à ses semblables; c'est en l'homme en un mot qu'ils mettent leur confiance... Pour nous, nous choyons, c'est-à-dire, tenons pour certain que l'humanité, créée libre, ne doit obéir qu'à Dieu...

Le Christianisme , comment le nier , est la doctrine la plus logique qu'il y ait eu sur la terre : la seule, au reste , qui aille au but après avoir donné le problème du monde. Incomparable dans la pensée, incomparable dans la pratique, incomparable dans les faits. D'où lui viendraient les reproches? On ne lui en fait pas chez les anges ; mais les hommes, jusqu'à la fin, ne lui par donneront pas de venir retrancher de leur cœur les désirs de l'orgueil et de la chair. Ils préféreront passer pour illogiques à leurs propres yeux (même auprès des esprits qui peuvent s'en apercevoir !) et rester maîtres de leur moi. On éblouit, on s'éblouit soi-même par quelque petite série logique (1) sous le nom de philosophie. Dans le problème, on arrive jusqu'ici ou jusque- là... Les maîtres sentent si bien, au fond, qu'ils ne sauraient tenir les deux extrémités de la chaîne, qu'ils s'arrêtent à la pensée, qu'ils n'exigent aucune pratique, qu'ils ne sortent jamais du rêve. Cependant il y a un but, une logique, une pratique à cette noble Création !

L'Église !.. Au moins, si Dieu a créé l'homme, je sais qu'il est parmi les hommes ! Au moins, s'il appelle les âmes à l'existence , il est là pour leur donner la Lumière et la Vie de l'éternelle Essence! Il les soutient, il leur apporte la nourriture ; il élève lui-même sa couvée pour l'Infini... La voilà , elle vit , cette création ! elle a un sens, je ne suis plus un rêve qui se borne à la pensée ; je me sens auprès de Celui dans lequel je me meus et je suis! Car, qui pourrait se dissimuler qu'il est tiré tout entier du néant? que même il ne saurait tenir jointes deux de ses molécules , ni ajouter une seconde à celles qui lui furent comptées?. Ne voyant point son être, ne sachant même ce qu'il est, ni comment il s'accroît, l'homme reste aussi incapable devant l'Infini qu'il l'était, au néant, devant la pure existence. Que tirera-t-il de plus de son sein , cet être environné de tous côtés par la douleur? Quoi ! parce que je vis, je crois appartenir à l'éternelle Vie ! Parce que je suis , je me crois propre à l'Infini , apte au Divin ! Ah ! c'est que j'ignore jusqu'au sens de la pensée , jusqu'aux paroles que je dis. Si un être pouvait de lui-même s'élever à l'Infini, c'est qu'il aurait en lui l'Infini, qu'il aurait de tout temps existé, qu'il serait l'Infini lui-même. Des philosophes ! des philosophes ! des hommes qui aient réfléchi aux lois de la Substance? Ils auraient saisi ce mot (ce mot le plus beau de la terre) , qui révèle la nature de l'Infini et le moyen offert à l'homme pour s'y unir à jamais, ce mot qui explique tout, la Sainteté! « Soyez Saints comme votre Père céleste; soyez un comme nous sommes Un ! » Je les connais, les philosophes , ceux dont l'amour, franchissant la nature, conduisit leur esprit jusqu'aux sources de l'Être ; je les connais , ce sont les Saints ! Ceux-là ne se bornent pas à signaler une Substance infinie ; ils l'appellent, ils l'adorent, et par une pratique ineffable, la touchent de leur cœur, se jettent dans son sein ! Ils ne se contentent pas de prononcer le doux nom de Dieu, ils lui apportent leur propre vie, ils s'y oublient dans l'ivresse de l'Infini... Voilà des philosophes! Et ce sont les enfants de l'Église.

Les ombres s'écartent, l'Église sort des nuages de la pensée. Considérons enfin sa marche, observons comment elle procède d'En-Haut, par une divine procession et une auguste Hiérarchie.

1. Soit pour les Sacrements, soit pour l'Autorité.
1. Comme Jésus-Christ, le prêtre dit : « Ma doctrine n'est pas ma doctrine, mais la doctrine de Celui qui m'a envoyé. » S. Jean, chap. VII.
1. Ils ont dit que l'esprit humain ne pouvait s'entenir à la Somme de saint Thomas. Mais leur humain esprit n'a pu atteindre encore une thèse, celle de la Grâce par exemple, de ce sublime esprit. Si l'on ne sentait la destinée des âmes engagée dans la question, ces théories feraient sourire. Quelques hommes qui se nomment philosophes, parce que sur leur pupille dilatée la moindre idée prend les proportions d'un système, le présentent à d'autres hommes qui se nomment penseurs, parce qu'ils ne sauraient penser par eux-mêmes. Assis au milieu de l'erreur, ils n'ont même pas su la rassembler, ni mettre le lien au faisceau. Des systèmes ! des systèmes ! mais des principes , jamais. C'est là ce qui les emprisonne. Par les principes , on remonte vers Dieu, ou l'on arrive sur le terrain de la pratique. Mais les systèmes nous ferment partout le passage. « Comparons le système, disait le plus illustre homme d'État de l'Allemagne, le prince de Metternich, au canon dans une embrasure et ne tirant que d'un côté : le principe , au canon sur son affût et tirant de tous les côtés. » Quittez les systèmes pour entrer dans la vérité.


FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE.

A suivre...CHAP. XLV. HIÉRARCHIE, OU GÉNÉRATION SPIRITUELLE.
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Message  Monique Lun 10 Oct 2016, 2:03 pm

TROIXIÈME PARTIE


CHAP. XLV.


HIÉRARCHIE, OU GÉNÉRATION SPIRITUELLE.



La Hiérarchie est une autorité sacrée : sacrée, parce qu'elle vient de Dieu (1). Rien n'est absolu ici-bas; rien n'y existe, rien n'y persiste par soi-même. Les faits y succèdent aux faits, les lois seules sont immuables ; les êtres y remplacent les êtres, les races seules persistent , aussi parce qu'elles viennent de Dieu.

La Hiérarchie est l'ordre de la génération spirituelle dans l'Église. Il faut partir de Dieu , il faut en recevoir la vie, qui circule de proche en proche jusqu'à nous. Nous l'avons reçue de nos pères; ils ont autorité (2) sur nous parce qu'ils sont nos auteurs. Et il existe ainsi plusieurs espèces d'autorités pour l'homme, parce qu'il existe plusieurs points d'où lui vient la conservation. D'où le Saint-Père aurait-il la vie de l'esprit, la vérité, s'il ne la tenait de Dieu; d'où les Évêques, aussi nos pères, s'ils ne la tenaient du Saint-Père; d'où les prêtres, plus près de nous, s'ils ne la recevaient des Évêques; d'où les fidèles, s'ils ne la recevaient d'eux à leur tour? Le Saint Père, par la promesse; les Évêques, par leur union au Saint-Père; les prêtres, par leur soumission aux Évêques; les fidèles, par leur obéissance aux pasteurs. Et, en cela, le Saint-Père ne fait rien par une opération particulière, pas plus qu'Adam , le premier père. Seulement, il reçoit du Créateur et non d'un autre ; il est le premier-né de la vérité. Il faut bien remonter à Dieu, prendre l'Infaillibilité à sa source; toute vie, comme tout pouvoir, vient de lui.

Loi nouvelle, et de là Église nouvelle. Melchisédech est appelé grand Prêtre, mais celui-ci est appelé saint-Père, parce que tout bien de Dieu nous vient par lui. « Il s'élève un Prêtre , dit S. Paul , selon l'ordre de Melchisédech , qui n'est point établi par la loi d'une succession charnelle , mais par la puissance d'une vie immortelle. Ainsi , la loi première est abolie. Notre Pontife a reçu un ministère d'autant plus élevé , qu'il est médiateur d'une alliance plus parfaite, établie sur de plus solides promesses. Si rien n'eût manqué à la première alliance , il n'eût pas été nécessaire d'en établir une seconde (1).

Enfin dans l'Église, comme dans Jésus-Christ , l'humain s'associe au divin ; il faut que la céleste mission se montre aux hommes par un signe sensible , c'est-à-dire par un sacrement. (Concile de Trente, Sess. XXIII.) Il faut que ce Pouvoir sacré soit corps et âme comme l'homme, qu'il s'offre au sens et à l'esprit : de là L'ORDINATION. Cela est philosophiquement vrai , cela est conforme au bon sens. D'ailleurs, n'est-ce pas à l'Église d'enfanter au Sacerdoce, de revêtir du pouvoir sacré de la doctrine et des sacrements ? A quoi les hommes reconnaîtraient-ils celui qui vient au nom de l'Église? et à quoi reconnaîtrait sa mission, celui qui doit exercer le Sacerdoce ?

Nécessité aux yeux des hommes, nécessité aux yeux du prêtre, et nécessité en soi, pour que le pouvoir soit transmis. Il y a donc une Ordination permanente , une génération spirituelle remontant par les siècles jusqu'au nouvel Adam. C'est une cascade de lumière. Le Sauveur envoie Pierre et les Apôtres ; ceux-ci envoient les Évêques et les prêtres qui , par une génération non interrompue, se perpétuent jusqu'à nous. Cette succession est la preuve même de l'identité de l'Église , le fil conducteur visible aux yeux : ainsi nos générations, qui s'enchaînent, nous rattachent évidemment au Créateur.
Voilà quant à l'origine, qui, pour tout en ce monde, est la même. Quant aux fins , ayant à rassembler les fidèles en un troupeau ( comme Jésus-Christ le dit expressément à Pierre ), il faut que les successeurs des Apôtres puisent eux-mêmes leur unité dans leur Chef. Et la génération des Pontifes n'est que la généalogie de l'Église.
Ces idées vont bientôt s'éclaircir.

Si ce lien n'eût rattaché le Corps du sommet à la base, la société des fidèles se fût divisée : l'Infaillibilité n'aurait pu suivre chaque partie, la souveraineté spirituelle eût disparu. Que le Souverain-Pontife cesse d'exercer son pouvoir dans l'institution des Évêques, ou qu'il perde le droit de les conduire dans l'unité, au sentier de Foi, l'Église s'évanouit sur la terre. Tout être disparaît avec son unité ; les parties restent, mais la vie n'y est plus. Pour l'établissement extérieur, comme pour la vie interne, tout provient de son Chef visible (1). Hors de lui, comment dire, un Dieu, une Foi, un baptême, un troupeau, UNUM OVILE ? le monde moral dans son Ordre, comme dans la transmission de sa vie, n'existe plus.

« Vous n'ignorez point ce qui est dû au Siège apostolique, D'OÙ DÉCOULENT L'ÉPISCOPAT ET TOUTE SON AUTORITÉ, » dit le Pape Innocent Ier aux Évêques d'Afrique.
« Les dons de Jésus-Christ ne sont parvenus aux évêques par Pierre, afin que de lui, comme de la tête,  les dons divins se répandissent dans tout le corps, » dit le Pape saint Léon dans ses Lettres.
« Afin de bâtir son Église, et d'en manifester l'Unité, « Dieu, de sa propre autorité, a placé la source de cette  autorité de telle sorte qu'ELLE COMMENÇA AVEC UN SEUL, » dit saint Cyprien dans son Traité de L'unité le de l'Église (2) .
Pierre, à qui il suffit d'obtenir son pardon, reçoit séparément les Clefs du royaume, POUR LES COMMUNIQUER AUX AUTRES, dit saint Optat.
Le Seigneur parle d'abord à Pierre, c'est-à-dire à un seul, afin DE POSER LE FONDEMENT DE L'UNITÉ SUR UN SEUL, nous dit saint Pacien.
Jésus-Christ a remis entre les mains de Pierre, parmi ses frères , l'autorité dans son Principe, dit saint Jean Chrysostome.
« Nos prédécesseurs ont déclaré : qu'ils agissaient  par l'autorité donnée à tous les Évêques en la personne de saint Pierre, parce que TOUT A ÉTÉ MIS PREMIÈREMENT DANS SAINT PIERRE, » dit Bossuet dans son Sermon sur l'Unité.

Ces Saints , ces puissants esprits , comprenaient la métaphysique ! Toute vie vient de Dieu , et par un moyen simple, unique, car c'est à l'unité qu'on reconnaît ses lois.

Cet arbre immense qu'on appelle l'Église, cet arbre divin qui prend sa sève en Jésus-Christ, où a-t-il sa racine, où étend-il ses branches ? Sa racine est le Saint-Père, qui est planté dans Jésus-Christ ; ses branches sont ce Clergé immense, couvrant le sol de ses rameaux ; et ses fruits sont les fidèles répandus sur toute la terre. Encore une fois, cet arbre porte des fruits, ses branches les produisent, et la racine envoie aux branches sa sève. Sont-ce les fruits qui produisent les branches, les branches qui produisent le tronc, le tronc qui produit la racine? Tout vient d'En-Haut, tout suit la loi, et à plus forte raison l'Église.

Enfin, c'est dans la communion à la sève, dans la communion des Saints, que nous participons aux mérites, et, nous-mêmes, produisons des fruits. Mais à quoi bon la sève dans l'arbre, si les branches sont mortes ou les rameaux ôtés au tronc? C'est ce qu'il importe d'étudier. Prenons d'abord les idées générales, celles que nous fournit le bon sens : qu'il prête ses ailes à l'esprit pour qu'il se dirige où il faut.

1. Hiérarchie, dans l'étymologie, autorité sacrée,...
2. Hiérarchie ou autorité, c'est la même chose; toute vie ne peut venir que de Dieu.
1. Épître de saint Paul aux Hébreux, chap. VIII.
1. Soit dit sans confondre les pouvoirs d'ordre avec ceux de haute Juridiction.
2. « Quand Notre-Seigneur, nous dit le même saint, ordonna qu'on payât le tribut pour lui et pour saint Pierre, il sembla qu'il paya pour tous. »



A suivre...CHAP. XLVI. L'INSTITUTION DU PAPE ET L'INSTITUTION DES ÉVÊSQUES.
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Message  Monique Mar 11 Oct 2016, 9:09 am

CHAP. XLVI.


 L'INSTITUTION DU PAPE ET L'INSTITUTION DES ÉVÊSQUES.



Qui dit Hiérarchie , dit transmission d'un pouvoir sacré du premier qui le reçoit à tous ceux qui le suivent; qui dit génération dit transmission de la vie du père à ceux qui seront ses enfants ; et c'est ainsi que nous avons un très-saint Père.

Dieu constitua l'Église en parlant à Pierre ; puis , pour instituer l'Apostolat, parlant aux autres, il ajoute : ALLEZ, ENSEIGNEZ LES NATIONS. Pierre, que ferait-il sans organes; les organes, que feraient-ils sans la tête? Les évêques aussi sont donc d'institution divine. Jésus-Christ les institue dans la personne de ses apôtres ; mais c'est en parlant à Pierre, et les évêques ne sont tels que Pierre leur parlant. Ici la sainte différence des deux institutions : il dit à l'un : SUR TOI JE BÂTIRAI MON ÉGLISE ; et, l'Église bâtie sur lui, il dit aux autres, qui en sont membres : ALLEZ, ENSEIGNEZ LES NATIONS. Quelle est la mission de Pierre? de soutenir l'Église. Quelle est la mission des Apôtres? d'en porter la lumière aux nations. Rien de plus clair dans le monde : l'un, le fondement, la vérité, Sur loi je bâtirai; les autres, ses vivants organes, Allez et enseignez.

Les Évêques sont d'institution divine, en ce qui leur appartient, comme le Pape en ce qui le regarde. Si Dieu institue le Pape en la personne de Pierre , il institue les Évêques dans la personne des Apôtres. Car précisément pour dire que les Évêques sont d'institution divine, il faut distinguer la seconde institution de la première , puisque dans celle-ci , parlant à un seul, Jésus ne s'adressait point encore à eux : Sur toi je bâtirai mon Église ; pais mes brebis. Vous, maintenant qu'elle est bâtie , Allez, enseignez les nations. Les Évêques prennent leur titre incontinent après saint Pierre. La primauté que Jésus donne à Pierre au milieu des Apôtres (de même que les promesses qu'il lui fait) est celle qui s'attache au Pape au milieu des Évêques. Et qu'est-ce que la primauté dans l'ordre de la vérité, sinon l'Infaillibilité ?

Le Système papal et le Système épiscopal, tous deux, on le voit, d'institution divine, n'ont pas été créés l'un et l'autre pour qu'il y ait lutte de l'un contre l'autre, mais, complément par Hiérarchie de l'un par l'autre. Ces deux Systèmes précieux constituent le Corps de l'Église (1). Ainsi des lois du monde; toutes sortent ensemble de la volonté de Dieu , et toutes , loin de se heurter, se complètent en un parfait accord. Elles-mêmes, aussi, pour être soumises au Créateur, sont soumises les unes aux autres par une hiérarchie parfaite, au sein d'une harmonie magnifique. Les Évêques ne sauraient pas plus se considérer comme indépendants ou au-dessus du Pape , en ce qu'ils sont d'institution divine , que les diverses lois du monde ne sauraient, parce qu'elles viennent de Dieu, s'écarter de la loi première qui les conduit dans l'unité.

Le Pape, que sera-t-il sans les évêques? une tête sans ses membres; les évêques, que seront-ils sans le Pape? des membres privés de la tête. Ils ont été nommés Église (sur toi je bâtirai mon ÉGLISE), ils n'existent que constitués, ils ne le sont que sur saint Pierre. Que si les évêques s'appuyaient sur eux-mêmes parce qu'ils sont les plus nombreux, les plus savants, ils perdraient foi en la Promesse, se mettraient en état de schisme, Pierre instituerait de nouveaux évêques pour remplacer ceux qui, dès lors, se tiendraient séparés, et en recomposerait le concile autour de lui. De même quand, par la mort, le Pape disparaît, les princes de l'Église, par l'assistance du Saint-Esprit, découvrent de nouveau le Pape, dans lequel ils viennent de nouveau se constituer. Remarquez-le, les cardinaux ne sacrent point le Pape, ils le demandent au Saint-Esprit et le nomment. S'ils le nomment, c'est qu'il existe... Alors, c'est par le fait de Dieu !

N'oublions pas la différence. On sacre les évêques, on ordonne les prêtres; pierre à pierre l'Église se construit sur Pierre, en procédant de lui ; et Pierre ne procède point d'elle (1).

Cela est vrai de logique et de fait, vrai. Il vient périodiquement un jour où, successivement enlevés par la mort, tous nos Évêques ont été remplacés. Tous n'ont-ils pas été Institués par celui à qui Jésus-Christ dit : Pasce Oves, confirma Fratres ? Tous n'en ont-ils pas tiré personnellement leur pouvoir ? En ce moment, ce pouvoir qui vient du Saint-Père peut-il être au-dessus de lui, exister sans lui ou réagir contre lui (2)? S'il est, il n'est que le pouvoir du Pape même, et disparaît s'il s'en sépare ou s'y oppose. Ah ! ce n'est point en vain qu'on le nomme le Père !

Isolés ou réunis, les Évêques ne subsistent qu'en lui. Mais faut-il donc tout prouver à la manière des géomètres?

1. Le corps, ou l'organisme, dans lequel entrent les fidèles. Le mot système, également, est pris ici dans le sens que lui donne la physiologie.
1. L'Église se forme par en haut. La former par en bas, c'est renverser la raison, à la manière du dix-huitième siècle, qui, dans l'échelle entière, depuis la religion jusqu'à l'histoire naturelle, procédait de l'effet à la cause...
2. « Un concile même œcuménique, dit le savant Thomassin, doit être convoqué et confirmé par le Pape, conséquemment, ne peut tourner contre le Pape l'autorité qu'il a de lui. » Dissert, in conc, 1607.



A suivre...CHAP. XLVII. C'EST PAR LE PAPE QUE L'lNFAILLIBILlTÉ EST DANS l'ÉGLISE.
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Message  Monique Mer 12 Oct 2016, 10:54 am

CHAP. XLVII.


C'EST PAR LE PAPE QUE L' lNFAILLIBILlTÉ EST DANS l'ÉGLISE.



La vérité se retrouve dans la raison ou dans les faits. Quant au fait qui enchaîne l'Église actuelle à Jésus-Christ, le voici encore une fois. Après avoir livré à ses disciples la source de la Grâce dans l'institution de la Cène, Jésus leur dit : « Comme mon Père m'a envoyé, « ainsi je vous envoie, et je serai avec vous jusqu'à la consommation des siècles. » Mais pour fonder la souveraineté spirituelle au sein de cette Société visible, il dit à Pierre : « Sur toi je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. » De même, les corps ne résistent à la dissolution que dans l'unité de l'organisation et de la vie.

Tous les corps se forment par une même loi ; à un centre d'agrégation vitale se rattachent les organes, et la physiologie accomplit la loi de l'embryogénie. Ce ne sont pas les membres qui d'eux-mêmes, et en se réunissant, constituent la vie, car de la sorte ils l'auraient eux-mêmes avant d'être (1) ; mais la vie, qui vient de Dieu, est donnée, et les organes se forment en la recevant. Comment expliquer la présence de la première molécule, sinon par l'antériorité de la cause qui l'appelle ? Puis chaque jour des parties se décomposent , c'est-à-dire se détachent de la vie et tombent ; chaque jours des parties se recomposent, c'est-à-dire prennent vie et les remplacent. La décomposition et la recomposition se poursuivent, parce que sans cesse l'organe succombe, et que sans cesse son principe le relève. Au sein de ce tourbillon, qui est à proprement parler notre corps, la vie seule est stable et une loi de Dieu. « Sur toi je bâtirai mon Église. »

De même, ce ne sont pas les parties qui, par une agglomération, produisent la vie de l'Église ; c'est la réunion à leur centre. Ce n'est pas l'assemblage qui produit l'Infaillibilité ; mais c'est celui à qui Jésus-Christ l'a confiée, qui la donne à l'Église assemblée (1). « Les dons de Jésus-Christ, dit Bossuet, ne parviennent  aux Évêques que par Pierre. » Il manque treize Évêques au Concile de Florence, disait-on; donc il n'est pas œcuménique. « Ce n'est pas le nombre, répondit le « Concile de Latran, qui constitue l'œcuménicité. » Jésus-Christ est la source, le Saint-Père le canal, et l'assemblée des Évêques forme le bassin où viennent s'abreuver les troupeaux accompagnés de leurs pasteurs. Qu'importe que l'assemblée soit nombreuse , que l'abreuvoir soit plus petit ou plus grand, pourvu que l'eau vienne de la source par le canal du Saint-Père. « Sur toi je bâtirai mon Église. »

Sans le Pape, des fidèles réunis ne constituent point l'Église ; par une raison simple : c'est que, réunis sans le Pape, ils ne seraient point les fidèles. Sans le Pape, un concile réuni ne constitue point l'Église ; par une raison simple : c'est que, réuni sans le Pape, ce ne serait point le concile. C'est le dix-huitième siècle, aussi brillant en matière de religion qu'en matière de politique et de science , qui attribuait l'Infaillibilité au concile ou à l'ensemble des fidèles, comme, lorsqu'il s'agit des Rois, il attribue la souveraineté au peuple ! Dès lors, se saisissant d'une abstraction , on demanda si le concile n'était pas supérieur au Pape ? Par le nombre, certainement. Il fallait demander si l'Église n'était pas supérieure au concile ? Logomachie (1) ! « Sur toi je bâtirai mon Église. »

Les abstractions ne valent rien dans les faits. On a donc demandé si l'Infaillibilité ne devait pas être particulièrement attribuée au concile, plutôt qu'au Pape. Et pourquoi, dans cette auguste recherche , tout d'abord oublier le canal qui vient de Dieu, pour se tourner du côté de ceux qui sont réunis (2), comme si l'Infaillibilité devait sortir de leur sagesse ! Leur sagesse vient au contraire d'une science conduite par l'Infaillibilité. Une lumière qui semblait plus humaine, donnait donc plus de confiance que celle qui paraît purement divine?.. Tout est là, remarquez-le.

Une imprudence écarte ici le voile qui couvrait notre peu de Foi. Cette impertinente question, qui charmait le siècle dernier, tombe à la première question pratique. S'il se formait deux conciles , comme on l'a quelquefois vu, à quoi reconnaître le vrai concile? Le savez-vous? A la présence du Saint-Père. « Il n'y a que le Pape, dit saint Thomas, qui puisse assembler un concile; on ne peut en appeler du Pape au concile, « mais, du concile au Pape. » (Ire P. , q. 36; 2e P., q. 1.) Sans le Pape, plus de concile. Il lui apporte donc l'élément cherché. Il est la clef de la voûte.

Et quand le concile se retire, où se constituerait l'Infaillibilité ici-bas? qui l'interpréterait, et qui l'appliquerait? C'est par le Pape que l'Infaillibilité entre dans l'Église, non par l'Église, que l'Infaillibilité pénètre dans le Pape (1). Au reste, c'est par le Pape que se forme l'Église, puisqu'elle se bâtit sur lui. Sinon l'Église précéderait le Pape ; or, le Pape a précédé l'Église. « Sur toi je bâtirai mon Église. »

Le Pape ne sera, si vous le voulez, ni le plus profond en Théologie, ni le plus savant sur l'Écriture, ni le plus fort en droit canon, ni le plus érudit sur les statuts des conciles, le plus instruit sur les lois ecclésiastiques, le plus grand philosophe du concile, mais simplement celui que la Promesse de Jésus-Christ, pour le salut des hommes, y met à l'abri de l'erreur. Au sein de ces augustes Assemblées, où furent prises les décisions les plus graves , les plus prudentes et les plus élevées ; où furent décrétées les institutions les plus sages pour la conduite de l'Église , les plus importantes pour la paix des âmes et pour le salut du monde ; dans ces saintes discussions, le Pape n'apportera, n'inventera peut-être rien ; mais, en présence des trésors de la pensée accumulés sous ses regards, c'est lui qui trouve, qui trouve et décide la Foi. « Sur toi je bâtirai mon Église. »

Ce ne sont là encore que les raisons ostensibles, sorties , à première vue , de la logique et des Textes. A mesure que nous les observerons de plus près , nous verrons se lever le voile qui les enveloppe. Pour nous, du moins , il en fut ainsi la première fois que nous pénétrâmes dans ces saintes Lois.

1. La vie préexiste aux organes, comme le montre l'embryogénie. A son appel, par la génération, ils viennent se constituer; et quand elle se retire, ils s'en vont. Les matérialistes voulaient considérer la vie comme la résultante des organes; alors, d'où résultaient les organes? et d'où la mort survenait-elle dans les organes réunis? Pourquoi se désassemblaient-ils? pourquoi s'étaient-ils assemblés? O science! Mais partout le matérialisme, en excluant la raison, éteignit la pensée. Il procédait de l'effet à la cause...

1. Autre chose est l'Église remplaçant un Pape par son mouvement propre de recomposition, parti de l'impulsion première; autre chose est le Pape constituant l'Église par sa présence. D'ailleurs, ce mouvement de recomposition, qui est celui de sa conservation, sort du Pape lui-même, qui a choisi les Cardinaux invoquant le Saint-Esprit pour le trouver lui-même dans son successeur.

1. Vous remarquerez que le concile de Bâle (17e œcuménique) n'est considéré comme œcuménique que jusqu'à la 26e session. Pourquoi? Parce que dans cette 26e, il est question du Souverain Pontife, au-dessus duquel on plaçait le concile œcuménique. Tous les conciles œcuméniques ont un tableau spécial dans la bibliothèque du Vatican, à l'exception de ce concile et de celui de Constance, écarté pour la même raison...

2. Pascal ne s'en est pas caché : « Que l'infaillibilité soit dans un seul, cela étonne, dit-il naïvement; mais qu'elle soit dans tous, cela semble tout naturel. » — Il faut que cela soit naturel! Pascal établira plus loin que le moindre fait dans la nature offre un mystère au-dessus de la nature...

1. Je raisonne sur l'abstraction qu'ils ont créée; car il ne peut y avoir d'Église sans le Pape. Le dix-huitième siècle a voulu tout toucher, tout marquer de son ignorance.



A suivre...CHAP. XLVIII. C'EST PAR LE CONCILE QUE L'ÉGLISE EST PRÉSENTE AU PAPE.
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Message  Monique Jeu 13 Oct 2016, 11:38 am

CHAP. XLVIII.


C'EST PAR LE CONCILE QUE L'ÉGLISE EST PRÉSENTE AU PAPE.



En histoire, comme en politique, comme en philosophie, comme en tout, l'erreur vient de ce qu'on ne veut pas dépendre immédiatement de Dieu.

On imagine toujours quelque chose d'intermédiaire, et ce quelque chose est nous-même, la réunion des raisons les plus élevées, le concile, l'homme enfin. Depuis les Anges, depuis Adam, on veut se devoir quelque chose, on veut se devoir tout. Et pourquoi le corps des Évêques ? sinon parce qu'ils sont les plus nombreux ; parce que, sans se l'avouer, on n'aurait pas confiance pleine en l'Infaillibilité promise. Si elle est le fait de Dieu, qu'importe un homme ou six cents ! On présume, on suppose, on n'ose dire qu'un Pape se pourrait tromper ; qu'une multitude de saints évêques offrent une toute autre garantie. Assurément. Et qu'est-ce que cela? sinon le doute sur le fait même de l'Église!.. Pour le monde, pour soi, pour la bonne morale, on veut une assemblée, ses controverses profondes, la réunion des lumières ; il faut s'en rapporter à la sagesse de tous. Qu'est-ce que cela? sinon, au fond, s'en rapporter à la raison...

L'opinion qui place le concile au-dessus du Pape n'est, qu'elle le sache ou qu'elle l'ignore, que le système occulte de la raison générale (1). M. de Lamennais, si justement blâmé dès le début, n'a fait que mener au jour l'idée régnante de son temps. Les hommes de cette hardiesse ne sont mus que par leur époque. Cette idée, laissée en lui par le dix-huitième siècle, l'a fidèlement conduit, comme toute notre génération, du reste, à la doctrine de la souveraineté du peuple. Dès que l'on cherche dans le nombre, il faut aller au plus nombreux. Il y a une logique à la surface des esprits, par laquelle ils expédient leurs plus beaux raisonnements ; mais une logique au fond d'eux-mêmes, qui les emporte sans qu'ils le sentent, comme le globe emporte ses habitants.

On veut que ce soit par l'épiscopat, par l'Église, que l'Infaillibilité se trouve dans le Pape ; alors l'Église l'avait en elle et avant lui... Elle ne demandait qu'un secrétaire pour les arrêts. Le Pape, il est vrai, puise des lumières dans l'Église (1), mais, l'Infaillibilité en Jésus-Christ. Ah! pourquoi, dans cette pauvre distinction entre le concile et le Pape, certaine époque fut-elle portée à dire que le Pape est tenu de se conformer au concile, plutôt que la concile au Pape, sinon parce que le concile offrait humainement les garanties?

Cependant le concile se retrouve dans le Pape par trois raisons : d'abord parce que, dans le cas d'un concile, le Pape ne prononce qu'ayant ouï et introduit en sa pensée l'opinion du concile ; ensuite, parce que c'est lui qui interprète cette opinion et arrête comme président le prononcé et la formule ; enfin, parce qu'il exerce cette fonction même en l'absence du concile, qu'il re présente, devant maintenir vivante, et sans intermittence, l'Infaillibilité. Mais la raison qui se passe de toute autre, c'est que Jésus-Christ a remis au Saint-Père ce que vous donnez au concile... Les fidèles, les prêtres, les Évêques, le Pontife ne forment qu'un arbre sacré, dont le tronc est d'autant plus vigoureux qu'il pousse une plus forte racine dans Jésus-Christ : Je suis la vigne et vous êtes les branches. — « Je suis lié en communion, dit saint Jérôme, à la chaire de Pierre, sachant que l'Église est bâtie sur cette PIERRE (1) . »

Quand on a demandé si l'Infaillibilité ne provenait point des lumières réunies du Concile, on a oublié ce dont on parlait; oublié que l'Infaillibilité, comme toute loi , est un miracle ; que si les sages ou les saints la produisaient , Jésus-Christ ne l'eût pas expressément promise dans le Saint-Esprit, remettant la Foi à saint Pierre, après avoir prié pour lui. On a même un peu oublié la raison ; car en toute assemblée il faut un président du même ordre pour clore les débats ; il faut une rédaction qui fixe le sens et devienne une loi. Ici il s'agit de la vérité, et il faut une bouche infaillible pour prononcer infailliblement les arrêts d'un concile infaillible.

Sinon , le concile serait vainement infaillible , et retomberait dans la situation de l'Écriture et de la Tradition, qu'il faut toutes deux interpréter. Présent , il faut le formuler; absent, il faut l'interpréter et le maintenir. Ici encore, il faut se tourner du côté de Jésus-Christ, et avoir un Pape infaillible. Que, maintenant, le Saint-Père s'entoure de toutes les lumières de l'Église avant d'invoquer le Saint-Esprit sur ce qui a été cru de tous et partout , c'est son propre devoir, c'est celui du Roi, qui consulte ses ministres, bien qu'il n'en tire pas ses pouvoirs ; qui se fait éclairer de tous points par son conseil, bien qu'il prononce par l'autorité qui vient de Dieu , par cette Grâce d'État dont il s'efforce de se rendre digne, en implorant le secours d'En-Haut.

Soyons logiques : si Jésus a bâti l'Église sur Pierre, il ne l'a pas bâtie sur elle-même !

De plus, il était nécessaire qu'elle fût bâtie sur Pierre, puisqu'il l'a fait. Bientôt nous sentirons pourquoi... Et, prenez garde ! si le Pape n'est infaillible que par l'adjonction du saint concile, comme le Pape, dans cette abstraction, n'est qu'un évêque de plus, vous constitueriez l'Église infaillible parce qu'elle serait la réunion des lumières les plus respectables et les plus saintes. Le Pape , sans doute , est éclairé par le concile , mais infaillible par Jésus-Christ : Omnis potestas a Deo (1).

Vous voudriez une garantie? Prenez garde; vous déplacerez la souveraineté et glisserez, comme le siècle , dans la raison générale, vous ou ceux qui vous entendront.


1. « Que le Concile soit au-dessus du Pape, s'écrie Puffendorf, c'est une proposition qui doit entraîner sans peine l'Évêque œcuménique adoptent ce sentiment, c'est ce qui ne doit pas sembler médiocrement absurde. » — Les protestants nous donnent ces avertissements !
1. Ici, par l'Église, nous entendons le Corps des pasteurs.

1. Et S. Jérôme semble rappeler le tour de l'expression de Jésus-Christ : Cathedrœ Petri communione consocior. super illam Petram aedificalam Ecclesiam scio. (Ep. ad Damas.) Mais voici ce qu'on veut objecter à saint Jérôme, à Innocent Ier, à saint Léon, à saint Optât, à saint Cyprien, à saint Chrysostome et à Bossuet, cités plus haut : Si tout vient à l'Église par le Saint-Père, que devient-elle au moment où meurt le Saint-Père?
Une inquiétude sur l'Église ! toujours assistée du Saint-Esprit, dès lors toujours infaillible! Dieu n'est donc plus là? Elle n'est donc pas soutenue à tous les instants d'une manière surnaturelle ? L'impulsion donnée par le Pape qui meurt n'expire que dans le Pape qui survit. Le Roi est mort, vive le Roi ! La Foi et les canons ne meurent point en lui. Le coup de rame est donné, la barque ne s'arrête pas. Et l'Église ne saisit point un interrègne pour promulguer des décisions. Objection de pure théorie ! Vous demandez ce que devient l'Église quand le Pape est mort ? Demandez ce que devient l'Église quand le Pape dort, quand il s'évanouit, quand il tombe malade ? Prenez-vous-en à Jésus-Christ, qui bâtit l'Église sur Pierre, et dites que l'Église s'écroule au moment où meurt le Saint-Père !

2. Quand le Pape ne préside pas lui-même le concile, le Pape le confirme, adoptant les formules, sanctionnant les décrets. C'est donc lui qui formule et décrète...
1. Nous parlons d'Infaillibilité dans la Foi, et non d'impeccabilité, ni d'infaillibilité personnelle.



A suivre...CHAP. XLIX. C'EST À PIERRE QUE JÉSUS DIT :  PAIS MES AGNEAUX, PAIS MES BREBIS.
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Message  Monique Ven 14 Oct 2016, 10:07 am

CHAP. XLIX.


 C'EST À PIERRE QUE JÉSUS DIT :  PAIS MES AGNEAUX, PAIS MES BREBIS.


La question est bientôt résolue. Vous voulez une garantie ? Eh bien, vous n'avez pas la Foi... Une garantie pour celui que Jésus met à sa place , pour celui qu'il nomme Pierre, pour ce qui fait toute notre garantie!

Et quand nous disons que Jésus le met à sa place , c'est que Jésus lui a par trois fois répété : Pais mes agneaux , pais mes brebis. Je ne sais réellement si on a lu assez attentivement l'Évangile , et remarqué à quel point l'institution définitive de l'Église, au moment où Jésus va quitter la terre , confirme la Parole qu'il donna à saint Pierre le jour où il lui promit de l'établir sur lui. Mettons les deux faits en regard, la promesse et l'institution. Nous n'avons suivi jusqu'à présent que la logique ; suivons maintenant pas à pas l'Évangile. Jésus interroge ses disciples :

« Que disent les hommes touchant le Fils de l'homme? Ils lui répondirent : Les uns disent que vous êtes Jean-Baptiste , les autres Élie , les autres Jérémie , ou l'un des prophètes. Jésus leur dit : Et vous autres, qui dites-vous que je suis? Simon dit : VOUS-ÈTES LE CHRIST, LE FILS DU DIEU VIVANT ! Et Jésus lui répondit : « Tu es heureux, Simon, fils de Jona, parce que ce n'est ni la chair, ni le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père, qui est dans les Cieux. Et je te dis, moi (les paroles sont sacramentelles), QUE TU ES PIERRE, ET SUR CETTE PIERRE JE BÂTIRAI MON ÉGLISE, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre, elle. Et je te  donnerai les Clefs du royaume des Cieux, et tout ce  que TU LIERAS  sur la terre sera lié dans le Ciel, et tout ce que TU DÉLIERAS  sur la terre sera délié dans les Cieux. »

TU ES... je TE donnerai... TU lieras... TU délieras... toujours TU. Pouvoir effrayant... Un homme tiendra les Clefs du royaume du Ciel ! Un homme liera et déliera les consciences, et ce qu'il aura ainsi lié et délié le sera dans le Ciel! Comment le pourra cet homme, s'il n'est expressément, fondamentalement, infaillible? Et comment le pourra ce simple prêtre , qui liera et déliera dans le Ciel , sans recourir à un concile , uniquement parce que Pierre l'envoie comme il a été lui-même envoyé? Le Ciel se démettrait-il de ses pouvoirs sans se démettre de ses lumières ?... Ah! j'ai besoin de me rappeler que c'est bien en parlant à Pierre , en lui disant :

Je TE donnerai... TU lieras... TU délieras... délieras, que Jésus donna à Pierre un tel pouvoir ! J'ai besoin de me rappeler que c'est bien Pierre qui , à la demande solennelle de Jésus-Christ , fut celui qui se hâta de répondre : Vous êtes le Christ , le Fils du Dieu vivant! Oui , j'ai besoin de me rappeler que, déjà visité par cette grâce à laquelle il sut le premier obéir, c'est Pierre qui a donné cette première étincelle, ce premier signe visible d'Infaillibilité qu'il y ait eu sur la terre : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ! (Car il lui fut aussitôt répondu : Heureux fils de Jona! ce n'est ni la chair, ni le sang qui te l'ont révélé, mais mon Père...) Il me faut tout cela écrit devant moi, exprimé dans des Paroles aussi formelles, aussi clairement répétées, et en de telles occasions, pour croire qu'un tel pouvoir ait été donné à l'homme ! Mais puisqu'il a été donné, je le crois , mon Dieu , je le crois !

C'était là la Promesse : Je bâtirai, TE  donnerai, TU lieras , TU délieras. Le Sauveur s'en fût tenu là, que les hommes pouvaient considérer le fait comme établi , du moment où Jésus rentrerait dans le Ciel. Mais il achève d'instruire les hommes; le mystère de la Rédemption s'accomplit sur la croix ; dès lors tout s'opère dans le fait, parce que tout est opéré dans l'Infini ; il va quitter la terre et donner à ses Apôtres ses dernières instructions et ses derniers pouvoirs.

Après qu'ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre, car le nom de Pierre lui resta : « Simon, fils de Jean , « m'aimez-vous plus que ceux-ci (1) ? — Oui , Seigneur, répondit-il , vous savez que je vous aime. — Jésus lui « dit : Pais mes agneaux ! Il lui dit une seconde fois : « Simon , fils de Jean , m'aimez-vous ? Pierre lui répondit : Oui , Seigneur, vous savez que je vous aime. « — Jésus lui dit : Pais mes agneaux ! Il lui dit pour « la troisième fois : Simon , fils de Jean, m'aimez-vous ? « Pierre fut contristé de ce qu'il lui demandait pour la « troisième fois m'aimez-vous, et il lui dit : Seigneur, « vous connaissez toutes choses, vous savez que je vous « aime. — Jésus lui dit : Pais mes Brebis (1) ! » Et il lui annonce de quelle manière il doit mourir.

Il a d'abord les agneaux, il lui donne maintenant les brebis : parce qu'il retrouve en lui la même Foi que le jour où il lui dit : vous êtes le Fils du Dieu vivant , et parce que ce même Pierre , qui lui a déclaré sa foi , lui confirme maintenant à trois reprises son amour ! (Interrogatur amor et imperatur labor, remarque ici S. Augustin.) Voilà pourquoi il fera paître les agneaux , et ceux qui donneront le jour aux agneaux, qui les engendreront en Jésus-Christ. Investiture solennelle ! Vous voyez ces paroles par trois fois ramenées : Pais mes agneaux , pais mes Brebis...

La volonté de Jésus-Christ sur la Primauté de Pierre, se manifeste d'une manière authentique. Souvent il prie pour ses Apôtres, et toujours sa prière est la même ; on voit que le point important est de les conduire à l'unité et de les ramener en lui. Qu'on se souvienne aussi de la veille de la Passion, lorsque, pendant le repas de la Pâque, Jésus-Christ adresse tout à coup cette parole à Pierre : Simon, Simon, voilà  que Satan a désiré de vous cribler tous comme du froment ; mais j'ai prié pour toi, afin que ta Foi ne  défaille point. Lors donc que tu seras transformé (1) « affermis tes Frères... » O saint Pierre! Cribraret vos.. oravimo te.. non deficiat fides tua., et tu confirmas ! Tous seront criblés ! Jésus a prié pour un seul ! pour garantir la Foi d'un seul ! et qu'elle serve à affermir celle de tes Frères... Si quelqu'un trouve le moyen de rapporter au singulier ce que Jésus dit au pluriel, ou au pluriel ce qu'il affirme au singulier ; si pour toi signifie pour vous tous, surtout lorsqu'on les a déjà nommés, que faisons-nous de la grammaire?

Enfin, conduisant ses Apôtres sur la montagne d'où il doit monter au Ciel ; rattachant ceux qu'il a chargés d'enseigner sa doctrine à Celui qu'il a chargé de la conserver ; les réunissant alors dans sa Parole, comme il les a réunis dans sa pensée et dans son cœur, il leur confirme pour la dernière fois leur mission. « S'approchant, il leur parla, disant : Tout pouvoir m'a été « donné dans le Ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du « Père, du Fils, du Saint-Esprit; leur enseignant à « garder tout ce que je vous ai confié ; voilà que je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles (1). » Quelle garantie! quelle plénitude et quelle logique ! Chaque parole est une doctrine, chaque mot décèle un mystère... Et puis, il semble que les Apôtres n'oseraient point encore agir; que Jésus, pour les asseoir dans ses propres pouvoirs et leur imprimer une impulsion définitive, ait besoin de leur rappeler que ces pouvoirs sont bien en lui : « Tout pouvoir m'a été donné, allez donc... » Quelle doctrine dans ce donc qui forme la conséquence ! Tout pouvoir est en moi, faites donc! Si le pouvoir est en Lui, il est en eux ! Jésus ne pouvant parler que selon sa logique, ce donc qui paraît au dehors a ses racines dans sa pensée : étant avec vous jusqu'à la fin, vous ne pouvez faillir, ni dans l'enseignement, ni dans les pouvoirs. Encore une fois, quelle puissance! Dieu en eux, Dieu avec eux ! Comment se refuser à un pareil apostolat? Avions-nous raison de le dire, l'Église ne peut se refuser à l'Infaillibilité, et elle ne peut la refuser à la terre. Si l'homme se confie à la vérité, il faut, pour cette seule raison, que l'Église ne puisse faillir.

Mais quel langage , les paroles d'un Dieu ! des paroles que les temps vont accomplir, dont pas une ne pourra s'effacer, dont il a lui-même dit : Cœlum et terra transibunt, Verba aulem aiea non praecteribunt ! paroles qui doivent se vérifier et s'accomplir telles qu'il les a prononcées... Si donc je veux connaître le plan même de l'Église, toute sa constitution, comment en Elle les pouvoirs sont mis et transmis, enfin sa sainte Hiérarchie, rien de cela ne saurait être mieux appris que de la bouche de son divin Fondateur. Nous venons d'examiner comment il parle à Pierre, examinons coment il parle à tous les Apôtres.

Ces questions n'ont pas seulement le pouvoir d'intéresser au plus haut point la pensée, elles la transportent aux sources mêmes du Christianisme.

1. Me plus his (S. Jean, xxi, 15); Jésus lui dit : Plus que ceux ci! parce que, ainsi que nous venons de le voir, il lui a été donné plus qu'à ceux-ci. Ce dialogue divin, remarque Dom Pitra, présente dans le texte grec une délicatesse, nous dirions presque un atticisme, qui n'a pas échappé au génie suave et fin d'Origène. M'aimez-vous? dit le Sauveur, et il emploie la plus forte expression des Grecs. Le disciple repentant répond modestement par l'expression la plus faible . — M'aimez-vous ardemment ?, reprend le Maître, qui semble vouloir autre chose. L'humble apôtre n'ose rien dire de plus — Jésus insiste par le terme le plus faible, comme pour s'assurer qu'au moins, dans cette mesure, il en est ainsi : Simon, fils de Jona, m'aimez-vous? Il lui fut dur, dit Origéne, d'entendre à cette troisième fois le terme d'un moindre amour. (Dom Pitra, Patrologie.)

1. Notre-Seigneur ne demanda pas à S. Pierre : Es-tu savant ou éloquent? pour lui dire : Pais mes brebis ; mais, M'aimes-tu ? (Lett. de S. François de Sales à l'Arch. de Bourges.)

1. Conrersus, changé, transformé, mis à la place de Jésus- Christ; ou bien tourné vers le vrai, par opposition à l'homme que sa Chute a tourné vers l'erreur. Que le mot conrersus .se rapporte au vrai ou à Jésus-Christ, c'est la même chose. — Ses Frères, les Apôtres, prédécesseurs des Évêques.

1. Ainsi finit l'évangile selon S. Mathieu, ch. XXVIII, dernier verset.


A suivre...CHAP. L. CE QUE JÉSUS DIT A PIERRE, CE QU'IL DIT A TOUS LES APÔTRES.
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Message  Monique Sam 15 Oct 2016, 8:37 am

CHAP. L.


 CE QUE JÉSUS DIT A PIERRE, CE QU'IL DIT A TOUS LES APÔTRES


L'Écriture est si sainte que Dieu lui donna son Église pour la définir. Mais ici ce sont les expressions mêmes de Jésus-Christ. La parole de Dieu n'a rien de celle de l'homme. La parole de l'homme est multiple, incomplète, successive, elle a les caractères de son esprit; la Parole de Dieu est simple , identique, absolue, elle a les caractères de la Raison éternelle. Toute-puissante, elle dit ou fait tout dans un mot, et l'homme ne saurait dire qu'une partie dans de nombreux discours. L'une enfin est humaine, et l'autre créatrice (1). Comme les lois, elle est une en contenant tout ; il ne faut pas y voir une thèse, mais une loi du monde. Elle l'a elle-même dit : Verba autem mea non proeteribunt...

Toutes ces Paroles de Jésus-Christ vont donc s'accomplir dans le temps, toutes s'effectuer dans l'Église, telles qu'il les a prononcées. Il faut que ce qu'il dit à Pierre seul, pour Pierre d'abord s'accomplisse ; et que ce qu'il dit aux Apôtres ensemble, s'accomplisse également pour les Apôtres ensemble (1) ; que chaque chose et le tout subsistent conjointement. Car, ce n'est pas une partie de ces Paroles, ou de ces lois, c'est le tout qui doit s'accomplir, et l'accomplissement de chaque point, s'ordonner dans l'accomplissement de l'ensemble. Ce que Jésus-Christ dit à Pierre doit entièrement s'accorder avec ce qu'il dit aux Apôtres, et ce qu'il dit aux Apôtres, harmonieusement rentrer dans ce qu'il dit à Pierre, pour ne former qu'un plan divin. Or, Jésus dit à l'Apôtre choisi parmi les autres pour être la pierre de l'édifice : « Je te dis, moi, que tu es pierre, que sur cette pierre je bâtirai mon Église. Je te donnerai les clefs de mon Royaume... Tout ce que tu lieras et délieras sur la terre, sera lié et délié dans le Ciel... J'ai prié pour toi, afin que ta Foi ne défaille point... Dès lors, affermis tes frères : pais les agneaux et les Brebis. » — Il dit aux Apôtres ensemble : « Comme mon Père m'a envoyé, ainsi je vous envoie... Recevez le Saint-Esprit et allez dans tout l'univers, enseignant les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit, leur faisant garder mes commandements... Voilà que Je suis  avec vous jusqu'à la fin des siècles. » La base en S. Pierre; et, comme il ne saurait agir seul, la mission aux Apôtres. L'axe d'abord, puis tout son cercle de rotation !

D 'abord , celui sur qui l'on fonde , en qui Dieu dépose le principe et renferme tout ce qu'il doit contenir : Sur cette pierre je bâtirai ; à toi je donnerai les clefs ; ta Foi ne faillira pas, et tu affermiras tes frères. Ensuite, ceux qui sont bâtis sur lui, qui se fondent sur le principe et en reçoivent les conséquences : Ainsi, je vous envoie; recevez le Saint-Esprit ; allez dans tout l'univers, baptisant les nations. D'abord, les pouvoirs dans un ; puis, pour que le bienfait se répande, leur extension aux autres ; d'abord attribués , ensuite distribués. Le don fait à la vie afflue sur tous les membres.

C'est de stricte métaphysique. On construit l'Église, et, l'Église construite , les parties deviennent Église , tout participe de la nature de celui en qui elle est construite ; mais pourvu qu'elle soit construite, pourvu qu'elle repose en lui, sur le pouvoir des Clefs. Si elle n'est plus construite, elle n'est plus Église, elle ne saurait prendre part aux Promesses faites d'abord à un seul, ensuite étendues à plusieurs unis à un seul, pour constituer l'Église. L'Unité est vivante. Ainsi d'un édifice : la construction faite, il n'y a plus de matériaux, mais un mur ; détruite, il n'y a plus que des pierres. Ainsi d'un être : s'il se dissout, ses éléments rentrent dans la nature. L'organe détaché par l'anatomie perd les caractères et les fonctions dont il jouit dans la vie.

Jésus-Christ commence par le premier, s'écrie Bossuet , et dans ce Pouvoir il développe le tout, afin d'apprendre que l'Autorité spirituelle, premièrement établie dans la personne d'un seul, ne s'est répandue qu'à la condition d'être toujours ramenée au principe de son Unité.

Pierre est donc la tête, l'axe : caput, vertex, pour se servir de l'expression des Conciles ; en lui, il a d'abord toute l'Église. Car, il le faut bien voir, Dieu a pu faire d'abord toutes les promesses à un seul , et il ne saurait refaire de même toutes les promesses qu'à l'Église elle-même : c'est contre Elle, seulement, que les portes de l'enfer ne prévaudront pas (1) ! Car ce qui nous frappe ici, c'est que Jésus-Christ n'a point parlé aux Apôtres séparés de Pierre , et qu'il a parlé à Pierre séparément des Apôtres ; que toutes les promesses faites aux Apôtres, parmi lesquels Pierre est compris, ne peuvent détruire celles qu'il a faites d'abord à Pierre ; que celui-ci n'en demeure pas moins , ainsi qu'il est déjà nommé , la Pierre de l'édifice, le Pasteur du troupeau ; qu'il n'en possède pas moins, selon l'expression de Leibnitz, le plein pouvoir des Clefs, la pleine puissance de lier et de délier, qui de lui s'étend aux Apôtres.

Je sais que Jésus leur a dit à tous : Allez, enseignez les nations ; mais je sais que c'est après avoir mis la doctrine à l'abri dans la Foi de Pierre ! Je sais qu'il leur a dit à tous : Ce que vous aurez lié ou délié sur la terre le sera dans le Ciel ; mais je sais que c'est après avoir remis à Pierre ces Clefs de son royaume ! Je sais que les mêmes Paroles adressées à Pierre avant tous les autres, l'ont été ensuite aux Apôtres y compris Pierre ; mais il faut bien qu'il y ait accord dans les promesses et transmission des mêmes pouvoirs, pour les étendre à l'unité du Corps entier ! Et Bossuet me fait sentir que tous ces pouvoirs , par cela qu'ils ont été explicitement donnés à un seul , se trouvent en lui par plénitude, et que, par cela qu'ils ont été étendus à plusieurs, se trouvent en eux par limitation et partage. Enfin, je vois que les promesses faites aux Apôtres sont toutes communes à Pierre, mais que les promesses faites à Pierre ne sont point communes aux Apôtres ; que Dieu n'étend ces promesses que pour les pouvoirs dont les Apôtres, envoyés par tout l'univers, seront tenus de se servir, tandis que les pouvoirs réservés à Pierre sont ceux précisément qui se rapportent au fondement et au gouvernement de l'Église : Tu es Petrus.. Super hanc petram.. Tibi Claves.. Oravi pro Te.. Firma fratres.. Tua non deficiat ! Jésus eut donc raison de parler de la sorte, puisqu'il était dans la raison, dans cette noble loi de cause, tirée de sa Substance éternelle !

Certes, Pierre n'est pas tout, mais il a d'abord le tout, afin de le conserver vivant dans l'ensemble, afin de recomposer cet ensemble, c'est à-dire de le maintenir. Ce n'est qu'après avoir donné les promesses à Pierre que Jésus dit à l'ensemble, qui est l'Église : Allez et enseignez ; tout ce que vous délierez ; voilà que je suis avec vous. Ici Jésus n'ajoute pas, il ne transmet rien de plus : il étend, il accomplit. Pierre liera et déliera, quodcumque ligaveris , quodcumque solveris ; puis les Apôtres, bâtis et confirmés en Celui qui doit lier et délier, lieront et délieront, quaecumque alligaveritis, quaecumque solveris. Dès lors, chaque Apôtre muni ici des pouvoirs de Pierre, les emporte dans sa juridiction, y exerce le ministère de l'Église, y est juge de la Foi : mais seulement parce qu'il est bâti sur Pierre, nourri par celui qui pait les brebis, confirmé dans la Foi qui ne faillira pas. Dès lors , des Apôtres à leur chef, ni séparation, ni partage ; comme nos membres, s'ils se séparent, ils se dissolvent, s'ils se partagent, ils ne sont plus. Partout où s'étendent les membres du Corps vivant, ils portent avec eux le pouvoir de Pierre pour lier, délier et enseigner la doctrine ; s'ils s'en détachent, il ne leur en reste pas, ou mieux, ils sont comme s'ils n'en avaient pas.

Mais, alors, les pouvoirs demeurent intacts en Pierre pour se perpétuer ! la vie reste entière dans le centre pour animer les membres jusqu'à la fin ! Peut-il en être autrement? L'Église est une unité : séparez-vous, dira S. Pierre , vous n'êtes plus. Et par là même, ni vous non plus , lui répondraient les membres... Le voyez-vous ! Jésus eut-il raison de faire d'abord toutes les Promesses à un seul , pour que , chacun s'en écartant, l'Église et les Promesses néanmoins subsistassent (1) ? Que des parties se séparent, que des fragments entiers se détachent, l'Église reste pleine et entière, dans l'intégrité de la vie et la réalité des pouvoirs. Ce qui tombe, ce qui se brise, ne lui enlève rien (2).

Certainement S. Pierre, ou le saint Père, comme le laisserait croire Bossuet, ne tient pas seul immédiatement son autorité de Dieu ; certainement les Apôtres , ou les Évêques, ne restent pas les simples délégués de S. Pierre, et ils sont de droit divin comme lui; certainement, enfin, les Évêques, ou les Apôtres, sont juges aussi dans les questions de Foi , et peuvent établir des lois dans le cercle de leur juridiction : mais ils n'agissent comme Évêques , ou Apôtres, qu'unis et soumis à S. Pierre; ils ne subsistent comme Évêques que saisis dans l'Édifice, qui est bâti sur Pierre. Ils exercent même le ministère de juges de la Foi (3) jusque dans le concile ; mais, lorsqu'ils y sont appelés, ou lors que leurs jugements y sont confirmés par Pierre. Que, hors de Pierre , ils érigent une Autorité , décident une question, émettent une loi; autorité, loi, question de Foi non avenues. Et c'est là ce qui a pu tromper. Leurs lois et leurs décisions sur la Foi ne subsistent que dans le consentement virtuel de Pierre : ce ne sont donc que les lois et les décisions de Pierre. De quels pouvoirs jouissent nos saints Évêques? Des pouvoirs de Pierre, s'ils sont un avec lui.

Oui, l'Édifice est un et bien construit. Mais si un tel emploi est confié aux soins de l'homme, si ceux auxquels Dieu a parlé restent hommes, la première pierre peut s'ébranler, le vaste ensemble se détacher et tout aller en ruine. Que le Pasteur se puisse égarer, et il entraîne le troupeau ; que les Brebis se puissent écarter du Pasteur, et le troupeau se disperse. Ainsi : — que le Chef défaille dans sa Foi , — ou que les Apôtres ne soient plus dans la Foi du Chef, tout s'écroule et suit la marche inévitable ici-bas. Mais, voici que rien de cela ne saurait avoir lieu. Jésus lui-même a prononcé la loi : Ta Foi ne faillira pas ; lui-même assure tout contre la ruine : Les portes de l'enfer ne prévaudront pas ; lui-même a choisi la Pierre, placé sur elle les Apôtres, promis à tous le Saint-Esprit, et, ce qui me ravit le plus, fixé sa présence parmi eux jusqu'à la consommation... L'Église existera! Lui-même a dit : « Les Brebis écouteront la voix du Pasteur, et il n'y aura qu'un seul troupeau et un seul Pasteur ! »

Comme la mission de Notre-Seigneur est claire, complète, fidèlement exprimée ! Il accomplit l'œuvre de son Père ; il envoie comme il a été lui-même envoyé ; il transmet sa Parole en même temps que ses Pouvoirs ; il les confie à celui qui, en les serrant contre son cœur, les retiendra dans l'unité; enfin, il prie pour que tous les hommes, sans exception, entrent dans cette unité, qui fait la sainteté et la vie de Dieu même au sein de l'Infini : « Mon Père, je vous ai glorifié sur la terre;  j'ai achevé l'œuvre que vous m'avez donnée à faire, « j'ai manifesté votre Nom aux hommes. Ils ont su maintenant que tout ce que vous m'avez donné vientde Vous; ils ont connu véritablement que je suis sorti de Vous; ils ont cru que Vous m'avez envoyé. Moi je prie pour eux, pour ceux que vous m'avez donnés parce qu'ils sont à Vous, que tout ce qui est à Moi est à Vous, et tout ce qui est a Vous est à Moi. Père Saint! conservez pour votre Nom ceux que Vous m'avez donnés, afin qu'ils soient Un comme Nous ! Sanctifiez-les dans la vérité. Comme vous m'avez envoyé dans le monde, moi je les ai envoyés. Je ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux qui, par leurs paroles, croiront en moi, afin que tous ils soient UN comme Vous, mon Père, en moi, et moi en Vous. Mon Père,  qu'ils soient de même un en Nous! Je suis en eux « ET VOUS EN MOI, AFIN QU'lLS SOIENT CONSOMMÉS DANS L'UNITÉ (1). Mon Père, je désire que là où je suis, ceux que Vous m'avez donnés soient aussi avec moi, afin qu'ils contemplent la Gloire... J'ai d'autres brebis qui ne sont point de cette bergerie ; il faut aussi que je les amène , et il y aura un seul troupeau et un seul Pasteur. »

A quoi servira le Pasteur, si les Brebis assemblées peuvent trouver leur chemin ? Et sera-t-il Pasteur, si les Brebis le conduisent ? Mais jetons les yeux sur le troupeau, qui est formé, sur la beauté de l'Édifice, qui est bâti. Et, auparavant, voyons ce que signifiait le nom de PIERRE, dans la bouche de Jésus-Christ.


1. Verba practica; id est verba quœ producunt realiter quod significant. Par exemple : Hoc est Corpus meum.
1. Lettres de son Em. Mgr le cardinal Litta; passim.

1. Déjà je vois le plan du divin Édifice. Car « je n'ai qu'à mettre à la place de Pierre, dit admirablement le cardinal Litta, son successeur qui est le Pape, à la place du collège apostolique uni à Pierre, le corps des Évêques de l'Église, soit dispersés, soit en concile, mais toujours unis au Pape, et je retrouve le même plan, le même dessein du gouvernement, de la Hiérarchie, du ministère et de l'enseignement de l'Église. Et si, avec ces vues, je lis l'histoire de l'Église dans les monuments ecclésiastiques, j'éprouve cette satisfaction, si douce pour le cœur du chrétien, de voir s'accomplir l'œuvre de Dieu, se vérifier sa promesse, ne pas manquer une seule de ses Paroles. Je rencontrerai des schismes, des hérésies, les persécutions prédites; mais je vois l'Église rejeter de son sein leurs erreurs et rester inébranlable sur la Pierre où elle est bâtie. Toujours le successeur de Pierre à sa tête; toujours la Foi de Pierre qui ne défaillira jamais ; toujours les autres pasteurs unis à Pierre ; tout le troupeau ne faisant qu'une bergerie sous un seul Pasteur. »

1. « L'oeil ne peut dire à la main : Je n'ai pas besoin de vous; ni les pieds le dire à la tête ; mais, au contraire, les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont les plus nécessaires. Vous êtes le Corps de Jésus-Christ et les membres les uns des autres. » (S. Paul aux Corinth., chap. XII.)

2. Sinon , le schisme grec et le Protestantisme , ces deux séparations effrayantes, eussent emporté chaque fois une moitié de l'Église .

3. Les Évêques, comme tels, sont nés juges de la Foi; mais ils passent de la puissance à l'acte par le pouvoir de Pierre. Ce sont des généraux qui reçoivent un commandement. — C'est là qu'on fait la confusion.

1. L'humanité doit être ramenée à l'unité en Jésus-Christ, pour entrer avec lui dans l'éternelle UNITÉ DE DIEU.



A suivre...CHAP. LI. POURQUOI JÉSUS DONNE A SIMON LE NOM DE PIERRE.
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Message  Monique Lun 17 Oct 2016, 10:15 am

CHAP. LI.


 POURQUOI JÉSUS DONNE A SIMON LE NOM DE PIERRE.



Ces mots de Notre-Seigneur : Tu es Pierre! ont une valeur qu'on oublie, un sens dont peut-être on ne se doute point. Il faut se rappeler que Notre-Seigneur est lui-même appelé Pierre par les prophètes ; que dans ces mots : Tu es Pierre, il dit simplement au premier des Apôtres : Tu es moi-même, voilà pourquoi l'Église se bâtira sur toi. Puisque tu sais, puisque tu crois que je suis le Christ, le Fils du Dieu vivant, je te dis, moi, que maintenant tu es la Pierre, que sur toi je bâtirai mon Église...

Et l'Église comprend si bien la portée de ce mot, qu'avec sa simplicité sublime, elle en a déposé tout le sens dans une réponse du Catéchisme : « Jésus-Christ « est le Chef invisible de l'Église, et N. Saint Père le « Pape en est le Chef visible. » Qui dit le chef, dit le chef ; et qui le dit visible, dit qu'il opère à la place de celui qui est invisible ; sinon chef visible n'a point de sens, ni chef invisible non plus.

On ne développe pas une idée si claire ; il suffit de lavoir briller au sein de la tradition. Mais, d'abord, il faut se rappeler que, dans l'Ancien Testament, les personnages importants recevaient un nom qui exprimait leur mission ou annonçait leur destinée. Ainsi, Adam signifiait formé de terre ; Ève, mère des vivants; Hénoch , dévoué ; Mathusael , rassasié de jours ; Noé , cessation; Japhet, que Dieu dilatera; Melchisedech , roi de justice; Abram, père élevé, lorsque Dieu l'appela Abraham, ou père de multitudes ; Jacob, le supplanteur, et Job, le gémissant. Jean, qui fut aussi un nom révélé, signifie le pieux, et Jésus, le sauveur (1).

Or, « dès la première réunion des Disciples, remarque Wilberforce, Notre-Seigneur annonce qu'il imposerait à Simon un nouveau nom (S. Jean, I, 42); et il réalisa sa Promesse lorsque le collège des Apôtres fut constitué (S. Marc, III, 16). C'est ainsi que Jacob et Abraham , remarque ce savant auteur, reçurent de Dieu ces noms qui indiquaient leurs missions. Déjà, cette première distinction, conférée par Jésus à Simon, le désigne comme devant occuper dans la Nouvelle Alliance, une place analogue à celle qu'avait Abraham dans l'Ancienne. Il y a plus : ce nom est fort remarquable. Daniel avait vu , dans Notre-Seigneur , cette pierre détachée d'En-Haut et qui devait remplir la terre : il était la pierre d'angle , la pierre choisie et précieuse. Notre-Seigneur étant le Roc sur lequel l'Église est fondée, et donnant le nom de roc à l'un de ses disciples , impliquait la délégation particulière de ses propres fonctions. »

C'est ce qu'exprime formellement Origène : « Notre-Seigneur dit que Simon serait Pierre d'un nom emprunté au Roc, c'est-à-dire au Christ. Et, de même que du mot sagesse un homme est appelé sage , de même de la pierre il sera appelé Pierre. » Tertullien offre la même explication du nom de Pierre, comme étant tiré de la qualité du Roc, qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ; et il cite le cas analogue d'Abraham , dont Dieu changea le nom en changeant sa destinée , « et petra et lapis Christus. » « Je te bâtirai sur moi, s'écrie S. Augustin, et non pas moi sur toi. Le Roc ne reçoit pas son nom de Pierre, mais Pierre , du Roc : de même que le Christ ne reçoit pas son nom des chrétiens, mais les chrétiens du Christ. Ce fut la volonté de Dieu , dit toujours ce grand saint , de faire de Pierre , à qui il remit ses BREBIS, UN AUTRE LUI-MÊME, un avec lui : afin qu'il pût les lui confier... » « De même que celui qui est la Lumière appela ses Apôtres la Lumière du monde , ainsi, à Simon, qui croyait au Roc, le Christ donnera  le nom de Pierre ; et , par une métaphore tirée de la pierre , il lui dit : Je bâtirai mon Église sur toi. » « Le Christ est le Roc, dit S. Ambroise, il ne refusera pas à son Apôtre la grâce de ce nom : il veut qu'il se nomme aussi Pierre, parce qu'il en a la persistance, la solidité dans la Foi.» « Notre-Seigneur peut rendre un homme pécheur aussi solide que le Roc, » s'écrie S. Jean Chrysostome. Et, recueillant cette tradition sacrée , le Pape S. Léon dit : « Je suis le Roc indestructible : je suis la pierre angulaire : je suis l'unique fondation : on ne saurait en mettre une autre. Mais vous êtes aussi un Roc , parce que vous êtes consolidés par mon excellence , en sorte que ce qui m'est en propre , vous est commun par PARTICIPATION. »

Il est nommé « le Roc de l'Église », par Jésus Christ , et de là, par S. Hilaire, par S. Grégoire de Nazianze , par S. Ambroise , par S. Augustin ; « le Roc sur lequel l'Église est bâtie», par Tertullien, par Origène , par S. Cyprien; « le Roc solide », « le Roc que les portes de l'enfer ne détruisent pas , » « le second fondement après Jésus-Christ », par Zénon, par S. Augustin, par S. Léon, Théodoret, Maxime; « le Roc et la base de la Foi orthodoxe » , par le concile de Chalcédoine.... Mais à quoi bon demander à l'érudition cette royale aumône ? l'idée est de trop haute origine pour en avoir besoin !

Pourquoi Simon a-t-il reçu le nom de Pierre ? Parce que c'était le nom de Jésus-Christ. Ne perdons plus le sens divin de ces Paroles : Tu es Pierre, c'est-à-dire : Tu es à ma place, tu es moi-même; sur toi, dès lors, je bâtis mon Église !


I. Il en fut même aussi des villes importantes par leur mission. Bethléem, où Jésus vient au monde, signifie la maison du Pain... Nazareth, où il passe sa jeunesse, veut dire sanctifiée; et Jerusalem, ou il ressuscite, vision de Paix !


A suivre...CHAP. LII. L'ÉGLISE, BATIE SUR DIEU COMME LE MONDE.
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Message  Monique Mer 19 Oct 2016, 1:46 pm

CHAP. LII.


 L'ÉGLISE, BATIE SUR DIEU COMME LE MONDE.



Voilà l'Église, comme le monde, ramenée à l'unité, c'est-à-dire à sa loi, c'est-à-dire à Dieu. Car toute existence repose ici-bas sur sa loi, et l'unité en est le signe et le divin caractère. Enfin, si tout repose sur sa loi, la loi repose elle-même sur Dieu, dont elle est la volonté efficiente au sein des êtres.

On n'a jamais assez réfléchi à la nature bien positive de la loi.

Une unité de puissance produit tous les phénomènes de l'univers, et les traces de l'unité y sont les traces de Dieu. Dans cet océan des phénomènes, nous ne voyons d'autre chemin que l'unité (1), d'autre lumière que la loi. La loi nous explique les faits. Mais la loi elle-même est-elle le fait définitif et absolu ? Si la loi explique ici-bas les faits, à son tour, elle a besoin d'être expliquée; car elle n'existe point par elle-même : elle n'est point l'Infini. Mais, si elle n'est point l'Infini , elle est de l'Infini. Sous les êtres se trouvent les lois, et sous les lois se trouve Dieu. Les faits sont les phénomènes des lois, et les lois, en quelque sorte, les phénomènes de l'Infini. Les lois ne sont déjà plus les êtres, mais les volontés créatrices elles-mêmes (2) : les faits s'arrêtent là. Il n'y a pas la moindre raison pour que les globes soient attirés, ou pour que deux molécules restent liées. Sous le nom d'affinité , Dieu est entre chacune d'elles pour les unir, comme en chacune d'elles pour les créer. Les lois ne sont que ses Volontés vivantes.

C'est une habitude vulgaire d'appeler les faits positifs, parce qu'on les voit, et les lois abstractions, parce qu'on ne les voit pas. Les faits pourraient ne pas être, et les lois, qui régissent les faits, sont essentielles et immuables. La Loi seule est bien positive, si l'on tient à cette expression, la Loi, manifestation de la pensée de Dieu , et de sa volonté dans le temps et l'espace , où nous vivons.

Or, Dieu impose ses Lois à la nature, et il les propose à l'homme. C'est pour cela que les lois, dans l'ordre moral, sont des Croyances. Et l'Église, qui renferme ces Croyances, n'est que l'ensemble des lois qui constituent le Monde moral et le ramènent à l'unité : à l'unité, preuve du vrai, à l'unité, source de l'être, et forme de tout ce qui est beau. Toutes parties furent faites avec harmonie pour rentrer dans leur unité, et toutes choses déposées dans l'unité pour venir se ranger sous l'action de leur Créateur. « Tout, dit S. Cyprien, sort de l'unité, qui commence elle-même dans un seul : il n'y a qu'un Chef, qu'une origine, qu'une Église mère. » « Enfin, au-dessus de tout ce qui est un, ajoute S. Bernard, se tient encore l'unité de « la Trinité divine. »

Et quelle crainte avons-nous d'arriver de la sorte jusque dans l'unité, dans la Loi même, de reposer sur Dieu ! Car, en définitive, toute notre question sur l'Infaillibilité est là ; et Dieu qui l'établit sur un homme, n'a pas besoin de lui adjoindre d'autres hommes pour la lui garantir... Nous ne voulons pas croire que l'Église ne subsiste que sur Dieu , et nous croyons bien que le monde ne subsiste que sur Lui ! Nous ne voulons pas croire à l'Infaillibilité pure, parce qu'elle est un miracle, et nous croyons bien au miracle de l'affinité, qui maintient les corps ; au miracle de l'attraction, qui maintient les mondes ! Qu'on ne se fasse pas illusion, toute loi n'est qu'un miracle perpétuel. Celui-là serait-il affaibli parce qu'il nous a été promis, et que Jésus a prié son Père de le maintenir?

Un Dieu, une Loi, une Église, une Promesse, une Infaillibilité. « On en choisit un seul, dit S. Jérôme, afin qu'un seul Chef établi, il n'y ait pas occasion au schisme (1). » Nous le disions des Apôtres : ils ont été nommés Église, ils n'existent donc que constitués, ils ne le sont que sur S. Pierre. L'unité n'est point un objet qu'on ajoute ou qu'on ôte, c'est être ou ne pas être. Mais c'est ce que l'on ne sent point sans la raison. L'unité est la négation de la dissolution dans l'être, c'est l'être même ou non détruit. C'est S. Thomas, c'est la métaphysique qui l'explique : « L'Être composé, dit-il, N'A PAS D'EXISTENCE  tant que ses parties sont divisées. » Appliquons cela à l'Église. « Il faut, ajoute-t-il, que les parties soient réunies pour le constituer, pour LE FAIRE EXIXTER. Une substance quelconque ne conserve son être qu'en conservant son unité. » (Som., quest. XI, art. 1.)

L'Église trouve son être où elle trouve son unité, c'est-à-dire sur la Pierre, c'est à-dire dans son Pasteur. Quand on ne peut suivre la pensée , il faut demeurer dans la Foi... Que devient ici l'abstraction qui, détachant le concile du Pape , voit le Pape au-dessous du concile ? D'abord , placer ainsi la Souveraineté dans le concile, c'est dissoudre l'Église et le dogme de son unité. Ne pouvant se convoquer de lui-même, ne s'assemblant qu'à de longs intervalles , enfin composé de plusieurs, le concile n'est pas une souveraineté une et permanente : donc il ne constitue pas la permanence et l'unité dans l'Église.

Je le comprends ; vous pensez toujours rencontrer dans le concile la meilleure interprétation des Écritures et de la Tradition ; mais, précisément, vous inclinez du côté des protestants, et non du côté de la Foi ! L'interprétation vous inquiète. Encore une fois, contestez-vous à Dieu le pouvoir de faire une loi? Eh bien ! contentez-vous de ce qu'il vous a dit. Sans doute, c'est aux membres du concile de reproduire l'Écriture et la Tradition , de recueillir les lumières, et même de montrer la Foi, si on la leur demande; mais, au Saint-Père de prononcer (1) ! La science sortira du concile, mais l'Infaillibilité, de Jésus-Christ par le Saint-Père. Les augustes prérogatives , vous le sentez, ne proviennent pas d'une juxtaposition d'intelligences, mais de la Promesse , mais de celui à qui elle est faite (2). Et je ne sors point de là , car tout repose sur la Promesse ! — D'ailleurs, le concile est uni au Pape et ne fait qu'un avec lui ; le reste est une abstraction.

On ne fait pas assez attention au texte : Sur Toi Je bâtirai mon Église, ET les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Et pourquoi? A cause de lui, sur qui elle est bâtie, et pour qui Jésus a prié (1) . Ces paroles ne me font point entendre que ce soit à cause de ceux auxquels il ajoute : Allez, enseignez les nations. Certes ! ils emporteront aussi une lumière infaillible, mais parce qu'ils l'auront allumée au flambeau placé par Jésus dans les mains de Pierre ; ils emporteront aussi les pouvoirs divins, mais parce qu'ils resteront liés, par cette chaîne magnétique de l'unité, à celui qui reçut les Clefs... Dieu ne peut-il fonder une Loi? faut-il que les hommes s'en mêlent?

Tous les esprits élevés, ou d'une grande foi, se sont mis dans l'unité. Tout ce qui remonte à l'Être , soit par l'esprit, soit par le cœur, a senti le besoin de reposer immédiatement sur Dieu, de vivre dans le mot de saint Paul : Non longe ab unoquoque. Ceux qui n'éprouvent point ce besoin logique demeurent dans le vague des opinions qu'ils rencontrent. Je conçois que l'idée d'un concile remplisse mieux certains esprits ; mais celui qui peut suivre la pensée dans son vol , et même la percevoir d'autant mieux qu'elle arrive dans la lumière , ne recourt pas à ces moyens. Il faut croire que Dieu peut transmettre à Pierre la foi qui ne faillira pas. Si de saints docteurs se rassemblent dans cette très-louable intention , je suis plein du plus grand respect pour l'Église , je la crois la plus grande autorité de la terre; mais d'où lui viendra la soumission profonde, filiale et sans borne, l'amour du fidèle, de mon cœur, pour Notre-Seigneur Jésus-Christ (1) ? J'aime, ah ! j'aime la vérité ; mais plus encore Celui qui est la vérité et la vie.

1. L'unité, c'est l'être, disait Aristote. Dans le monde moral, cette unité résulte de la direction des volontés ramenées à leur loi , qui est leur fin, leur perfection. Si la formation du monde physique n'est que la soumission successive des éléments du chaos aux lois de l'Ordre qui le constitue dans sa perfection , la formation du monde moral n'est que la soumission progressive du chaos des volontés humaines aux lois de l'Ordre qui le constitue dans la vérité.

2. Déjà, dans l'ordre physique, les lois sont positivement divines ; comment, dans l'ordre moral, ne le seraient-elles pas?
1. Unus eligitur, ut Capite constituto, schismatis tolleretur occasio. S. Jérôme.
1 . Précédant le jugement du Saint-Père , la Foi même sortira du Concile, mais, si le Saint-Père l'a reconnue et confirmée. — Là est toujours la distinction.

2. On sait que plus on avance, plus les conciles deviennent rares, plus l'Église, dès lors, témoigne qu'elle peut s'en passer.
1. « Le successeur de Pierre, dit S. Augustin, est lui-même la pierre que ne peuvent vaincre les portes orgueilleuses de l'enfer. - Ipse est petra quant non vincunt superbae inferorum portae. S. August... cont. Donat.

1. Nous ne rapporterons pas ici les remarquables expressions dont le Souverain Pontife a été qualifié à toutes les époques, par les Pères, par les Conciles et les Saints, comme par exemple : le saint Évêque de l'Église catholique , le Chef de l'Église du monde , le Souverain Pontife des évêques, le Souverain prêtre, Pierre par la Puissance, le Christ par l'onction, la Bouche, des Apôtres, l'Église racine, etc.; ces expressions, dis-je, dont S. François de Sales a pu faire un tableau, nous ne les rapporterons pas ici, où la vérité est visible et la démonstration hors d'atteinte. Mais nous rappellerons l'observation faite à ce propos par le génie : « Examinez l'un après l'autre les grands docteurs de l'Église : à mesure que le principe de sainteté a dominé « chez eux, vous les trouverez plus pénétrés des droits du Saint-Siège, « plus attentifs à les défendre. C'est qu'il n'a contre lui que l'orgueil, « qu'immole la sainteté. » Du Pape.
La vérité ne se montre jamais par hasard. Pour la découvrir, il faut se tenir constamment près d'elle; et l'on n'habite ainsi près d'elle que par un pur et profond amour. On connaît l'arbre au fruit ; ainsi de la vertu, et ainsi de la vérité !




A suivre...CHAP. LIII. LES DÉFINITIONS DES CONCILES.
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Message  Monique Jeu 20 Oct 2016, 4:21 pm

CHAP. LIII.


LES DÉFINITIONS DES CONCILES. 



Il semble que l'Évangile se soit assez clairement expliqué. Il semble aussi que la métaphysique , établissant que tout pouvoir, comme toute vie, vient de Dieu, et que tout être composé n'existe que dans son unité , nous ait assez visiblement indiqué les mêmes conclusions. Cependant, si, pour connaître avec certitude la volonté de Jésus-Christ dans la constitution de son Église, Jésus-Christ ne suffit point à nos faibles esprits , consultons cette Église elle-même. Supposons que celle qui est la permanente incarnation du Verbe , la continuation de Jésus-Christ sur la terre, que l'Église, avec laquelle il sera jusqu'à la fin , puisse tenir un autre langage , et voyons comment Elle l'exprime dans ses conciles. Puisque ce sont les conciles qui sont infaillibles, tout ce que les conciles auront décidé sera vérité de Foi, et tout ce qui s'y opposera, hérésie. Après leur décision , plus de dispute , tout chrétien se soumet. L'Église, il est vrai , toujours en paix dans sa croyance, attend d'être attaquée pour prononcer et se défendre. Mais, comme il s'agit de la question dogmatique la plus importante, que de sa solution dépend la solution des autres; comme il s'agit du fondement de l'Église , l'erreur a dû la forcer à se déclarer sur ce point (1) .

Et, en effet, dans son avant-dernier concile œcuménique, dans ce concile de Florence, qui même a pour nous l'avantage de rappeler le sentiment des conciles et des canons antérieurs , la question s'offre tout entière : « NOUS DÉFINISSONS que le Saint-Siège possède la Primauté sur tout l'univers; que le même Pontife Romain , successeur du bienheureux Pierre , prince des Apôtres, est le vrai Vicaire de Jésus-Christ, le Chef de toute l'Église , le Père , le Docteur de tous les chrétiens , et qu'il a reçu de Jésus-Christ , dans la personne de Pierre , une pleine puissance « pour paître , régir et gouverner l'Église entière, « comme, au reste, le portent les actes des conciles œcuméniques et les sacrés canons (1). » — Si le Pontife romain a la pleine puissance sur toute l'Église, il l'a sur les Évêques assemblés en concile, sinon sa puissance ne serait ni pleine, ni sur toute l'Église (2) ».

Deux siècles auparavant, le IIe concile de Lyon nous en offre une occasion frappante. Avant d'admettre les Grecs dans la communion de l'Église , ce concile leur en fait souscrire et jurer la profession de foi, que voici : « La sainte Église romaine possède une primauté et une souveraineté PLEINE et SUPRÊME sur toute l'Église Catholique : souveraineté qu'elle a reçue de Jésus-Christ même, avec la plénitude de la Puissance dans  le bienheureux Pierre , prince et tête des Apôtres , dont le Pontife romain est le successeur. Tenue pour cela de défendre la vérité de Foi , toutes les questions qui naissent de la Foi doivent être décidées par son Autorité. Toutes les Églises lui sont soumises, les évêques lui doivent obéissance. Car la plénitude de sa Puissance est telle que, quelques soient les privilèges qu'elle ait accordés , dans sa sollicitude, aux autres Églises, particulièrement aux Églises patriarcales , sa prérogative reste entière tant dans les conciles généraux que dans  les autres (1). » — Ce même concile employa cette formule énergique : Primatum in omnem omnino ecclesiam.

Veut-on consulter à la fois l'Orient et l'Occident? « Au temps de l'empereur Justin et de S. Hormisdas, déclare Bossuet, les Églises orientales souscrivirent un formulaire que leur envoya ce Pape. Cette profession dictée par le pape Hormisdas fut reçue de tous les Évêques d'Orient et des patriarches de Constantinople : ce qui fut pour les Évêques d'Occident le sujet d'une grande joie dans le Seigneur, puisqu'il est certain que ce formulaire a été approuvé de toute l'Église catholique. De plus, cette profession faite par tous les Évêques au saint pape Hormisdas , à S. Agapet et à Nicolas Ier, fut faite dans les mêmes termes au pape Adrien II, dans le VIIIe concile œcuménique. Quel chrétien pourrait donc rejeter cette profession répandue partout, propagée dans tous les temps, et consacrée par un Concile œcuménique (2) ?» « Que tout catholique , ajoute un autre écrivain, apprenne donc , en lisant ici cet acte solennel des Évêques du monde, la doctrine qu'il doit professer sur l'autorité du Saint-Siège : « Le premier fondement du « salut, la Règle de la droite Foi est de ne point déroger « à la parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église.
La vérité de cette Parole est prouvée par le fait même, puisque la Foi a toujours été conservée pure, sans aucune tache, dans le Siège Apostolique. C'est pourquoi, souscrivant à tous les décrets du Siège Apostolique et le suivant en tout, j'espère mériter toujours de demeurer dans la communion du Saint-Père , « qui est la communion du Siège Apostolique, dans lequel réside l'entière, la vraie solidité de la Foi (1) . — Puisqu'il n'est pas un seul moment, ajoute Bossuet, où tout chrétien ne doive croire que l'entière et la vraie solidité de la Foi réside dans le Saint-Siège, il est impossible à ce Siège d'errer un seul moment. » Aussi a-t-il condamné, comme hérétique, cette proposition : L'Église romaine peut errer (1).

Ici je ne fais pas un pas de plus. Si vous me dites : Les conciles ont-ils tous établi une doctrine identique ? je répondrai : Vous condamnez donc les conciles? Les conciles sont un dans leur doctrine ou ne sont pas dans la vérité... « Le dernier concile, dit S. Thomas, ne fait pas un autre symbole que le premier, mais développe ce que contient implicitement le premier. » « Le symbole du concile de Nicée, dit le R. P. Dom Guéranger, constata la Foi, mais il ne fit que répéter ce qu'avait cru explicitement jusqu'alors toute l'Église (1). »

Cherchez-vous seulement une autre forme à la même pensée? Très-peu de temps auparavant, le quatrième concile de Latran vous la présente : « Constat solim romanum Pontificem tanquam super omnia Concilia habentem Auctoritatem , Potestatem habere. » Le concile œcuménique de Ferrare vous offre à peu près la même formule : « Definimus Summum Pontificem in totam Ecclesiam , non tantum honoris , sed et jure divino, Primatum habere (2) . » Au reste, le Droit canon, dans divers capitules, notamment au chapitre de Episcopo, établit la même pensée : Sola romana Ecclesia valet judicare de omnibus sud Auctoritate ; de eâ vero nulli permittitur judicare. » C'est exactement ce que le saint Pape Adrien écrivait à Charlemagne, lui rappelant cette antique prérogative de la Papauté , à laquelle , dit-il, il appartient de juger de toutes les Églises, sans qu'il soit permis de juger de son jugement : Quae « de omnibus ecclesiis fas habeat judicandi, neque unquam liceat de ejus judicare judîcio (1). » [/i]« Juge de toute l'Église , dit avec les mêmes termes S. Gélase,[i] le Siège de Pierre n'est lui-même soumis au jugement d'aucune Église. »

Désire-t-on remonter tout à fait aux premiers siècles, pour observer aussi dans quels termes on s'exprimait? Le concile de Sinuasse, tenu en 303, répond au Pape Marcellin , qui s'humiliait devant le concile : Nemo unquam judicavit supremum Ponlificem , quoniam Prima Sedes non judicatur à quodam. Le concile de Nicée, tenu en 325 (et que les Protestants acceptent comme nous), déclare au canon 6 que « le Siège de Rome a toujours eu la Primauté de juridiction sur toutes les Églises. »

Mais veut-on remonter à la source même? Le premier concile, assurément, fut tenu par Pierre avec les Apôtres. Il ne s'agit ici ni des évêques, leurs successeurs, ni du Pape, remplaçant Pierre, mais de ceux à qui Jésus-Christ a lui-même parlé ; de ceux qu'il a envoyés, de celui sur qui il a bâti. Un différend s'élève entre eux sur ce que Pierre avait donné la Parole de Dieu aux Gentils. « Les Apôtres, dit le texte, apprirent que les Gentils mêmes avaient reçu la parole de Dieu, et, dès que Pierre fut arrivé à Jérusalem, les circoncis disputaient contre lui. » Aussitôt Pierre, leur déclarant les visions et les avertissements personnels que Dieu lui a envoyés (remarquez-le, c'est la première fois ! ), termine par ces mots admirables dans la jeunesse et la naïveté de ses Pouvoirs : « Et qui étais-je, moi, pour m'opposer à Dieu (1) ? » Le texte ajoute : « Ces paroles prononcées, tous se turent et glorifièrent Dieu. »

N'est-ce point encore là le premier concile ? Un différend naît parmi les Apôtres, au sujet des cérémonies l'égales de la loi mosaïque : « Un grand débat, dit le texte, s'étant élevé entre Paul, Barnabé et eux, on convint de monter à Jérusalem. Les Apôtres donc et les prêtres s'assemblèrent pour juger la question. Après un grand débat, Pierre se leva et leur dit : Vous savez qu'il y a longtemps que Dieu M'A ÉLU PARMI VOUS , etc. » (Act. des Ap., chap. XV, v. 1, 13.) Alors il tranche lui-même la question , qui dès ce moment fut décidée. Le texte ajoute : « Or, toute la multitude se tut. » Nous sommes bien dans l'origine ; tous avaient entendu Jésus-Christ ; tous savaient ce qu'ils avaient à faire en ce cas : or, Pierre se lève le premier, Pierre décide le premier, et, lui-même, clôt le débat en présence des Apôtres (1). La Primauté effective de Pierre ne se montre-t-elle pas d'une manière plus que suffisante en ce fait qu'il apparaît comme exerçant constamment ce privilège pendant la vie de Jésus-Christ et pendant celle des Apôtres ? Pierre est toujours nommé le premier et comme Chef des autres , et c'est dans la barque de Pierre que Notre-Seigneur veut entrer. Dans l'Évangile de S. Matthieu, chap. X, on lit : Duodecim autem apostolorum nomina sunt hœc : Primiis Simon, qui DICITUR PETRUS. Même remarque au chapitre XVII ; idem, Évangile selon S. Luc, chap. VIII ; idem, Évangile selon S. Jean, chap. XXI. « Jésus se manifesta ainsi : à Simon-Pierre, etc. ; » idem, Actes des apôtres, chap. I, v. 13 ; idem, v. 15; idem, chap. II; idem, chap. III; idem, chap. V ; idem, chap. VIII, etc. — Nommé constamment le Premier, placé à la tête des Apôtres dans ce qui concerne l'administration et le gouvernement de l'Église naissante, Pierre le premier propose un choix à faire d'un douzième Apôtre à la place de Judas : « Il était compté parmi nous, dit-il, et il avait reçu sa part de ce ministère. » — Pierre parle le premier le jour de la Pentecôte : « Que chacun de vous, dit-il, soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit. » — Pierre parle le premier dans la guérison du boiteux, « le prend par la main droite et le fait marcher, disant : Au nom de Jésus-Christ, levez-vous et marchez ! » — Après la conversion des cinq premiers mille Juifs, Anne, le grand-prêtre Caïphe, et tous ceux qui étaient de la race sacerdotale, s'assemblèrent dans Jérusalem, et, faisant comparaître les Apôtres devant eux, ils les interrogèrent : « Pierre, rempli de l'esprit-saint (voyez ce texte ! ) , leur dit : Princes du peuple et vous anciens, écoutez ! » C'est alors qu'il déclare avoir guéri et converti par le nom de Jésus-Christ crucifié, ajoutant : « C'est cette Pierre qui a été rejetée par vous, architectes, qui est devenue la pierre d'angle (1) ; il n'est de salut en aucune autre. » Nous devons revenir sur ce point.

En présence des actes mêmes de S. Pierre et de la primitive Église, que dis-je? en présence de Jésus-Christ, qui parle d'après son Père, des Conciles, qui parlent d'après Jésus-Christ, que quelqu'un vienne dire avec les dissidents qu'il n'existe en S. Pierre qu'une primauté d'honneur! que S. Pierre ne remplace Jésus-Christ dans l'Église que d'une manière honorifique! Reconnaît-on chez nous la primauté d'honneur à qui n'a pas la Primauté réelle? Trouvez ici-bas une primauté d'honneur où n'existe pas la Puissance, la Primauté de juridiction? Vit-on jamais un Prince détrôné à moitié ? Un Prince privé du pouvoir est captif ou proscrit. Quel roi a conservé son trône par le seul droit d'une primauté d'honneur? Enfin, est-ce l'honneur que Jésus-Christ est venu constituer , pourvoir d'un Chef, d'une unité et d'un centre? Et comme cette primauté est sur la Pierre, dans les Clefs , pour le Pasteur , est-ce uniquement pour l'honneur que la Pierre porte l'édifice, que la Clef ouvre le ciel , que le Pasteur conduit le troupeau ? Et quand les Conciles nous disent : la pleine-Puissance pour régir, la Primauté et souveraineté suprême, nous parlent-ils de primauté d'honneur? Quand ils s'écrient : Primatum non tantum honoris sed JURE DIVINO , laissent-ils un doute sur cet honneur? Est-ce honorifiquement que, dans leur langue sacrée, le Saint-Père est nommé le Souverain-Pontife, le Vicaire du Christ? honorifiquement, qu'ils le déclarent le Père, le docteur des chrétiens ? honorifiquement, qu'il doit, en pleine puissance, Paître, Régir et Gouverner l'Église entière, et que , quels que soient les pouvoirs cédés, sa Prérogative reste intacte dans les conciles? Est-ce honorifiquement, enfin, qu'il est le centre visible de l'unité, qu'il constitue le Corps même de l'Église? Et ne suis-je, moi, comme le Protestant, que le membre d'un corps mystique, dans lequel je ne conserve qu'une mystique volonté? Ne suis-je, une fois encore, qu'une ombre de liberté, obéissant à une ombre d'autorité, qui soutient une ombre d'Église, bâtie sur l'ombre de S. Pierre ?

La vérité connue, les questions deviennent faciles. Qu'est-ce donc maintenant qu'un Concile supérieur au Pape, un Concile séparé du Pape, un appel au futur Concile ?
[/i]



1. « Jamais l'Église n'a cherché à écrire ses dogmes ; toujours on l'y a forcée. Les véritables auteurs du concile de Trente furent les deux grands novateurs du seizième siècle. » Le principe générateur.

1. Collect. Conc. Lab. Tom. XIII , col. 515; 1438. « Cette souveraineté pleine et suprême comprend deux choses : l'autorité qui décide infailliblement les questions de Foi, conservant ainsi l'unité de doctrine ; et la puissance de gouvernement, qui s'étend à tout le reste. » La Relig. dans ses rapp. avec l'ord. polit.
2. Le Cardinal Litta, lettre XVI.

1. 2e concile de Lyon, tenu en 1272 (œcuménique). Tome XI. Conc. col. 966. Il y a un fait péremptoire, comme tout ce qui précède. Le concile de Constance est reconnu comme œcuménique, à l'exception du 23e décret. Et pourquoi ? Ce 23e décret énonce : que le concile universel tient son autorité de Jésus-Christ immédiatement, que dès lors les Papes s'y soumettent. Or, s'il ne la tient pas de Jésus-Christ immédiatement, c'est donc du Pape. Aussi, pas plus que le concile de Bâle, le concile de Constance ne possède son tableau spécial au Vatican. Le fait a de quoi surprendre, comme le remarque Bossuet.
2. Defens. eccles. Gallie. p. 3. lib X, cap. VIII.

1. Tom. IV. Concil. col. 1446.
2. Pétri Osmae propos, a Sixto IX damnata.

1. Le Concile de Trente, lorsqu'il parle du Pape, ne manque pas d'employer ces expressions : Pro Supremâ Potestate sibi in Ecclesia traditâ... Suae Supremae sedis Auctoritate... Ut Salva semper Auctoritas Sedis Apostolicae sit!... etc.

2. Le décret que nous citons est le dernier des cinq décrets spéciaux adoptés par le concile œcuménique de Ferrare. Comprend-on bien ces mots : NOM TANTEM HONORIS SED ET JURE DIVINO ? Le Droit divin transmet un droit divin, et non pas seulement un honneur. Le Ciel ne concède pas d'honneur à la terre.
Dans ce Concile on adopta même un ordre hiérarchique en faveur de quelques patriarches , mais la suprématie du Pape préalablement établie. Ils venaient dans l'ordre suivant : Le patriarche de Constantinople, celui d'Alexandrie, celui d'Antioche et celui de Jérusalem. Antérieurement, dans le Concile de Chalcédoine, le quatrième par rang d'œcuménicité . on proposa d'établir un ordre nouveau de hiérarchie relativement à quelques patriarcats. Ni l'Église , dans la suite , ni les Pères mêmes du Concile ne voulurent adopter de pareilles propositions, de crainte de porter quelque atteinte à la Suprématie romaine sous laquelle, dit le concile, devait se ranger toute autre primauté.

1. Adriani papae ad Carolum Magnum, Epistol. 34; même pensée formulée dans sa lettre 40. — M. Guizot (IIist.de la Civilis.) nous proteste qu'en 798, Charlemagne exerçait la Souveraineté spirituelle... Mais, voilà que dans ses lettres à Charlemagne, le Pape Adrien avertit ce Prince qu'il puise ses pouvoirs spirituels à Rome, et comme délégué du Saint-Siège ! et que, de son côté, dans tous les actes de son administration religieuse , Charlemagne reconnaît cette délégation!.. S'il eût exercé de lui-même une semblable Souveraineté, Charlemagne eût été dans le schisme, il eût fondé le czarisme. — Notre siècle est toujours aussi fort en politique qu'en Droit canon !

1. Ce trait rappelle involontairement celui de la Sibylle de Cumes répondant à Énée: « Lorsque le Dieu me presse, puis-je ne pas répondre ? »

1. Rien n'est plus clair dans l'histoire ecclésiastique que la suprématie du Pape sur le concile. « Dès le 4e et le 5e siècle on voit les conciles se soumettre au Pape, et aux ordres donnés à ses légats ; on les voit demander au Saint-Siège de confirmer leurs décisions , ainsi qu'on en trouve déjà la trace d'abord dans le concile de Nicée , ensuite dans celui d'Éphèse, où Nestorius fut condamné.» (Hardoin , Tillemont). « Au concile de Chalcédoine (nous ne sommes qu'en 451), le concile le plus nombreux qui se soit assemblé, et qui, suivants. Léon, fut célébré avec le consentement du Saint-Siège (Hardoin, 11, 088), un des Légats du Pape écartant Paschasinus, explique que c'est parce qu'il a osé convoquer un synode sans l'autorité du Saint-Siège Apostolique. » « Ce concile écrivant à S. Léon, lui dit, après avoir cité le grand nombre des évêques présents : « sur lesquels néanmoins Vous présidez comme la tête sur les membres , par ceux qui remplissent Votre place. » « Le concile le priant de confirmer ce qu'il a fait (Hardoin, 11, 657, 558), ajoute : « Nous vous prions de glorifier notre décision de Votre Sentence. » « On sait, au reste, que le sixième Canon du concile de Nicée commence par ces mots : « L'Église de Rome a toujours la Primauté » (Hardoin, 11, 638); et tout le monde se rappelle l'exclamation des évêques du concile après avoir entendu la lettre de S. Léon : « Pierre a parlé par la bouche de Léon ! » Et n'est-ce pas toujours cette même Assemblée des Évêques d'Orient qui, en condamnant Dioscore, s'exprime ainsi : « Indépendamment de ces choses, il poussa la folie jusqu'à attaquer Celui qui a reçu de N. Seigneur la garde de la Vigne, c'est-à-dire Votre Sainteté. » « Enfin le concile de Constantinople (680), qui semble venu pour compléter l'œuvre du précédent, en condamnant les Monothélites, répond ainsi à la lettre si remarquable du Pape Agathon : « Nous reconnaissons volontiers ce qui Vous est dû comme occupant le Premier Siège de l'Église, et siégeant sur le Roc de la Foi. Nous reconnaissons que Votre lettre a été dictée par le Chef suprême des Apôtres. » (Hardoin, III, 1437.)

1. Daniel avait vu dans Jésus-Christ cette pierre détachée d'en Haut et qui devait remplir la terre. Quand le Sauveur donne à Simon le nom de Pierre, nous le savons, non-seulement il change son nom, mais il le remplace par un nom impliquant une délégation venant de lui.

2. « Décidez, écrit saint Jérôme au pape saint Damase, et je ne » craindrai pas de dire qu'il y a trois hypostases. » « Et pourquoi ? « s'écrie S. Augustin : parce que le successeur du Prince des Apôtres « est la pierre que les portes de l'enfer ne peuvent vaincre. Ce qu'il dit , « ce n'est pas lui qui le dit, mais Dieu même, qui a mis dans la Chaire d'unité la doctrine de vérité. Ceux donc qui sont séparés de cette « pierre, sont sans aucun doute hors de l'Église ; car Jésus-Christ a « dit : Sur cette pierre je bâtirai mon Église. » — S August. De unit. Eccles., cap. XIX.




A suivre...CHAP. LIV. LE CONCILE SÉPARÉ DU PAPE.
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Message  Monique Ven 21 Oct 2016, 9:02 am

CHAP. LIV.


LE CONCILE SÉPARÉ DU PAPE.



Le concile séparé du Pape n'est pas un concile, puis qu'il est séparé de celui qui le rend concile. Le concile séparé du Pape est un concile décapité ou non formé (1). Vous voulez un corps vivant, il n'y a là que des membres. Je chercherai celui sur qui est bâtie l'Église, et je saurai où est le concile, aussi bien que l'Église.

Pour demander, comme on l'a fait, si le concile est supérieur au Pape, il faut séparer le concile du Pape. Or, il n'est pas de concile séparé du Pape ; la demande est donc nulle. Loin d'exister séparé du Pape, le concile se joint au Pape pour trouver l'existence.

Et, pour finir de tourner dans cette abstraction, l'Infaillibilité n'appartient pas plus au concile séparé du Pape, c'est-à-dire considéré comme une réunion d'Évêques, qu'elle n'appartient aux fidèles considérés aussi en eux-mêmes , c'est-à-dire comme membres privés de l'Église. Partie intégrante d'un corps vivant, ce n'est que par son union à la vie, à la racine de l'Église, que l'individu, comme le concile, est sauvegardé de l'erreur. L'Église, ce sont les membres de Jésus-Christ, ceux conséquemment qui sont liés à Jésus-Christ, ou à celui qu'il a mis publiquement à sa place. Il faut le troupeau établi, il faut l'Église bâtie. Or, ce concile, c'est l'Évêque réuni à l'Évêque ; il ne prend corps que dans l'unité de Pierre. Ce concile, ce sont les membres de l'Église, ils ne trouvent la vie que dans la tête elle-même. Aussi, ne reçoit-il le nom auguste de Concile que lors qu'il désigne une réunion d'Évêques convoquée et conduite par le Saint-Père ou ses légats. Alors le Concile, vrai Concile, puisqu'il possède le Pape, possède l'Infaillibilité.

— Nous sommes toujours dans les suppositions soulevées par la pensée qui ne conçoit point l'unité. — Le concile séparé du Pape, c'est l'Évêque uni à l'Évêque, et même il n'en a pas tous les pouvoirs. Car l'Évêque à sa place , fixé dans la racine de Pierre , existe dans toute sa force. Mais ce concile, n'étant point encore à la sienne, attend S. Pierre pour prendre vie dans ses Pouvoirs Souverains. Voilà ce qui nous trompe. On confond toujours dans l'Évêque, le caractère ineffaçable, le pouvoir de ministère et de juridiction qu'il exerce au cercle de sa compétence , avec les Pouvoirs de Haute Juridiction dans la Souveraineté de l'Église, qui nécessairement disparaissent s'ils se posent en s'opposant Pierre. Le pouvoir de Juridiction, d'ailleurs, est celui du supérieur envers ses inférieurs ; il descend comme la vie, il ne remonte pas (1). Le pouvoir de juridiction des Évêques , comme celui par lequel ils sont juges de la Foi, d'abord expire devant Pierre, puisque ici c'est le Pouvoir de Pierre qui reprend et s'exerce, en suite s'évanouit hors de Pierre, ou de son consente ment, puisque ce pouvoir chez les Évêques ne subsiste d'ailleurs et n'a de réalité qu'en lui. Vous le savez, aucune promesse aux Apôtres séparés de Pierre ; et toutes les promesses, suivant Bossuet, premièrement établies dans la personne de Pierre.

En légitime concile, les Évêques sont les vases d'élection de la Foi, dont Pierre est la pierre de touche ; en conciliabule, ils s'enlèveraient eux-mêmes, non leurs caractères sacrés, mais les pouvoirs qu'ils possédaient, soumis et identifiés à Pierre. Ce seraient les Apôtres avant les Promesses (1). Certes, l'Infaillibilité existe bien dans la réunion : mais, pas dans la réunion entre eux, puisque c'est dans la réunion à Pierre. Je crois l'Église une, et non faite de morceaux ; ou, la voilà soumise aux événements et aux hommes. Dans une plante, je crois à la racine, à la tige et aux feuilles ; je crois que dans la racine est le principe de la tige et des feuilles : l'idée ne me vient pas que la tige et les branches constituent la racine. Chaque chose a son don ; comme celui de la racine est de puiser à la source même.

Ceux qui par la pensée séparent le concile du Pape, ne peuvent opposer au Pape qu'un concile déraciné, ou non encore constitué, un concile dont l'autorité est celle de saints docteurs assemblés , mais attendant d'être constitués en un auguste Corps. Et pour preuve qu'il ne saurait être autre chose, c'est que, tout vénérable qu'il est dans chacun de ses membres, s'il ne se réunit au Pape , s'il ne se fixe en lui , s'il n'en reçoit la sanction , il se constitue en état de schisme. Considérez autrement le rapport du concile avec l'Église, l'idée d'unité est détruite. La raison de l'autorité, c'est qu'il faut recevoir la vie de l'auteur. Omnis potestas a Deo. Tout est relatif, tout est néant ici-bas; de plus, tout est déchu.

Aussi le fidèle, comme le concile, a-t-il pour l'Église un respect et une soumission sans borne. La pensée d'opérer un schisme les remplit d'épouvante. Le concile, comme le fidèle , voit dans le Pape le Père qui leur transmet le don de Dieu : de là cette qualification admirable. Que le concile se réunisse sans sa Foi, sans son Père, il réunira sans doute les plus vastes lumières (et sera, si vous le voulez, cette raison générale vainement cherchée hors de l'Église) ; mais il ne constituera pas l'Infaillibilité , qui vient de Dieu. Cependant, direz- vous, la réunion de ce concile au Pape la constitue ; non, c'est la réunion du Pape à ce concile...

Enfin , c'est la pratique qui manque à toute cette théorie. Car, puisqu'on veut absolument séparer, quand ce concile séparé se trouvera en opposition avec le Saint-Père , comment saurai-je , moi , qui du concile ou du Saint-Père va me transmettre l'enseignement de l'Église ? Comment le saurais-je, s'il n'y a pas une marque ici-bas pour m'indiquer de quel côté est l'Église, et où se trouve la bouche qui en articule la Foi ? Eh bien ! le Saint-Père est cette marque : ubi Petrus, ibi Ecclesia ; le Saint-Père est cette Foi : ta Foi ne faillira pas. Voici le Pape, voilà l'Église. Sans le Pape, où prendrai-je l'Église ? Sans cette Infaillibilité pratique, toujours visible, que je puis toujours consulter, combien d'esprits, tout en croyant suivre l'Église, se laisseraient aller à leurs opinions, aux idées faibles des coteries ou des époques? Sans cette Infaillibilité pratique, que de schismes couvés, prêts à éclore, auraient définitivement reçu le jour?

Votre concile peut promulguer les meilleures lois, prononcer les arrêts de la plus grande sagesse , et ceux-là même que consultera le Saint-Père , ou qu'il prononcera; mais, non point ceux de la Sagesse-Souveraine, si le Pape ne vient y donner sa sanction. Il peut offrir au Saint -Père les plus grandes lumières, le témoignage de la tradition, toute la science antérieure des canons : car le Saint-Père , comme le sage , aime à tout recueillir , à donner audience aux faits , au bon sens , à toute science venue du dehors sur les Écritures , afin de tout présenter à l'Esprit-Saint qui parle en lui et qui juge, car l'Esprit seul peut juger, qui confirme et décide, car l'Esprit seul peut décider. Et , de ce que l'autorité du Pape est souveraine, il ne s'ensuit point qu'elle soit au-dessus des lois , puisque sa souveraineté dans la vérité consiste, tout au contraire, à y être souverainement et infailliblement soumis. Le Pape est bien tenu d'obéir le premier aux décisions qu'il a lui-même sanctionnées ; il ne peut rester maître de la loi après l'avoir proclamée. Il est bien le premier chrétien (1) !

« Ces hommes qui ne cessent d'en appeler aux canons, s'écrie de Maistre, ne nous disent pas que par canons ils entendent ceux qui leur plaisent. Toute cette dispute fait pitié. Demandez au Pape s'il entend gouverner sans règle et se jouer des canons, vous lui ferez horreur. Demandez à tous les Évêques du monde catholique, s'ils entendent que des circonstances extraordinaires ne puissent légitimer des dérogations, des exceptions, et que la souveraineté dans l'Église ait perdu le droit inhérent à toute Puissance de produire de nouvelles lois, à mesure que de nouveaux besoins les demandent ! Ils croiront que vous plaisantez. Que veulent dire certains théologiens avec leurs canons'? Et que veut dire en particulier Bossuet, avec sa grande restriction, qu'il nous déclare à demi-voix, comme un mystère délicat du gouvernement ecclésiastique : « La plénitude de la puissance apostolique réside dans la chaire de S. Pierre, mais l'exercice en doit être réglé par les canons? » Quand est-ce que les Papes ont prétendu le contraire ? Lorsqu'on est arrivé , en fait de gouvernement, à ce point de perfection qui n'admet plus que les fautes inséparables de la nature humaine, il faut savoir s'arrêter » ; et ne pas chercher dans de vaines suppositions des semences éternelles de défiance et de révolte. Si le Pape n'a le droit dans aucun cas d'abroger ou de modifier un de ses décrets : et s'il y a dans l'Église une puissance qui ait le droit de juger si le Pape a bien jugé, QUELLE EST CETTE PUISSANCE?... Si les Évêques réunis sans le Pape peuvent s'appeler l'Église, et s'attribuer une autre puissance que celle de certifier la personne du Pape, dans les moments infiniment rares où elle pourrait être douteuse, il n'y a plus d'unité, et l'Église visible disparaît. Malgré les artifices infinis d'une savante et catholique condescendance, remercions Bossuet d'avoir dit dans ce même discours que  la puissance du Pape estime Puissance suprême ; que l'Église est fondée sur son Autorité ; que les Évêques ne sont tous qu'une même chaire avec la Chaire unique, où S. Pierre est assis; que la marque la plus évidente de l'assistance que le Saint-Esprit donne à cette Mère des Églises, c'est de la rendre si juste et si modérée, que jamais elle n'ait mis les excès parmi les dogmes. » (Sermon sur l'unité de l'Église.) Dans un sens, la loi pourrait être dite au-dessus du Roi , comme le Concile au-dessus du Pape ; c'est-à-dire, que ni le Roi ni le Souverain-Pontife ne peuvent revenir contre ce qui a été fait par eux-mêmes en Parlement et en Concile. Ce qui, loin d'affaiblir la Monarchie, la complète au contraire, et la porte à son plus haut degré de perfection , en excluant toute idée accessoire d'arbitraire ou de versatilité (1).»

Parole de Notre-Seigneur-Jésus-Christ, le Pape le représente et le continue plus particulièrement sur la terre.

Organes de cette parole divine, les Évêques représentent et continuent plus particulièrement les Apôtres, apôtres dès qu'ils sont un avec Lui, sur qui ils ont été fondés. Au reste, c'est de là qu'ils tirent leur nom : eux, Alloetoaoi, envoyés, et lui, HETPA, pierre, ou fondement. Jésus-Christ a prié pour que la Foi de celui-ci ne vînt pas à défaillir, et, au moment de les quitter, pour que les autres restassent un afin d'être en Lui, comme il est en son Père et son Père en Lui (1).  L'individu ne se complète par la Société que parce que la Société elle-même ne se complète que par Dieu. Si elle rompt cette racine, si bien nommée l'Autorité, elle se détache de la vie comme le tronc que l'on sépare de la tête, et comme lui retourne en dissolution. Tout concile qui en appelle au futur Pape se décapite ; tout concile, au reste, qui en appelle au futur concile, perdant la Foi en la promesse de Jésus-Christ, prouve qu'il n'est point concile. C'est là précisément l'erreur dans laquelle peut être entraîné le concile qui croit avoir une existence assez indépendante du Pape pour vivre par lui-même ou réagir.

Nous avons tous plié sous l'époque , et le libéralisme a fait plus de conquêtes qu'il ne le pense. Ce fut le propre du siècle dernier de prendre en bas l'Autorité. L'Église est la société des fidèles soumis à leurs légitimes pasteurs. Ce siècle, qu'en voulut-il déduire? Parce qu'on dit l'Église infaillible , pensa-t-il que c'était l'ensemble de ses membres (1) ? Nous dira-t-il , lorsqu'il s'agit de ce qu'elle enseigne, qu'il s'agit de ceux qu'elle renferme? L'Église est infaillible, mais dans ce quelle nous enseigne. Tel est le catéchisme. Oui, l'Église est infaillible; mais, où réside l'Église? Sur toi je bâtirai mon Église. Sur lui dès lors elle repose... Le mot est vieux : Ubi Petrus, Ibi Ecclesia. Assurément le Pape ne saurait aller seul et sans Église, puisque le Pape est pour l'Église, et non l'Église pour le Pape ; l'Infaillibilité pour le salut des fidèles, et non pour l'utilité personnelle de celui qui est dit le Serviteur des serviteurs de Dieu. Les Promesses ne laissent pas de place à ces pauvres suppositions.

Je m'empare de votre abstraction ; le monde est à sa fin, tous les fidèles descendent dans la tombe, le Pape seul est debout, l'Église subsisterait encore ! Car elle a commencé par un seul, et elle finira par un seul , et le Pape est Jésus-Christ sur la terre. Sur toi, je bâtirai. Je bâtirai, pour exprimer que ce n'est point quand il est présent parmi nous, mais quand il sera au Ciel, que tout reposera sur Pierre.

I. Saint Irénée l'appelle : TRUNCATUM concilium; un autre Père : ORPHANUM capite.
1. « Jus jurisdictionis est jus regendi subditos. » — Jus canonicum. «- Le successeur de S. Pierre , dit Mgr le cardinal Gousset , a, de droit divin, juridiction sur tous les autres Évêques de la chrétienté. » Théolog. de l'Ordre, art. 1000.

« Je vois que les auteurs français qui soutiennent la déclaration de 1682, en tirent la conséquence que le Pape peut être contraint, jugé et même déposé par le concile (Voy. le Diet. de Fleury). Mais ceux qui disent que le Pape est tenu d'obéir aux décrets d'un concile qu'il n'aurait pas approuvés , ou que le concile général est supérieur au Pape, ne s'aperçoivent pas que leurs propositions sont contradictoires dans les termes. Je leur demanderai si le Pape fait partie du concile. Peuvent-ils appeler concile général l'union des Évêques, considérés à part, faisant abstraction du Pape, les opposant même au Pape? On ne peut pas prouver que les Évêques assemblés ont l'autorité d'obliger le Pape à obéir à leurs décrets, ou celle de le juger lui-même , en disant qu'il n'est pas de plus grande autorité que celle d'un concile , parce que les Évêques assemblés ne forment ce concile que par leur union avec le Pape. Ou ne le peut non plus prouver en s'appuyant sur les promesses que Jésus-Christ a faites au collège des Apôtres, parce que d'abord ces promesses ont été laites au collège des Apôtres unis à S. Pierre; parce que ensuite ces promesses, faites au collège des Apôtres, ne détruisent pas celles faites à Pierre seul, toujours le chef, le pasteur de tout le troupeau. Enfin, pour prouver ce droit des Évêques réunis sur le Pape , il faudrait l'établir par le fait. Serait-il possible que, depuis dix-huit siècles que l'Église est fondée, on ne pût trouver un acte qui le prouvât? Mais ce qui achève de rendre insoutenable la maxime de Fleury, c'est qu'on peut prouver le contraire, à savoir que le Pape conserve toute son autorité sur les Évêques assemblés en concile. Qu'est-ce que le concile et son autorité? ni plus ni moins que le collège des Apôtres et son autorité. Or, dans ce collège. Pierre reste le protecteur de tout le troupeau, y compris les Apôtres assemblés. Donc son successeur, qui est le Pape, reste dans le concile le chef et le pasteur de toute l'Église , y compris les Évêques assemblés. Les promesses faites aux Apôtres sont communes à Pierre et ne détruisent pas celles faites d'abord à Pierre seul. Pasce ores; S. Bernard, tous les Pères et les interprètes, me disent que par ces mots Pierre est devenu Pasteur des pasteurs, et que les Apôtres font partie de son troupeau. » (Après les témoignages tirés du sens propre et littéral de l'Évangile , le vénérable auteur donne ceux qui sont tirés du langage unanime des conciles généraux). Le card. Litta, lett. XV et XVI.

I. « Quoiqu'il soit vrai de dire que personne n'est plus oblige que le Pape d'être l'exécuteur des saints canons ; cependant, par rapport à la discipline, son autorité n'est jamais liée de manière qu'il ne puisse modifier les lois, selon les circonstances, quand la nécessité l'exige : Ajouter au dictionnaire Utilitate vel necessitate, dit le Concile de Bâle, moderari, dispensareque possit. etc. Enfin, comme la puissance de lier et de délier accordée à Pierre, a été donnée sans restriction , Bossuet dit qu'il n'y a rien que le Pape ne puisse faire par rapport aux lois ecclésiastiques si la nécessité l'exige. Declar., cap. XX. » Le cardinal Litta, lettre XIV.

1. D'abord, il existe fort peu d'anciens canons disciplinaires qui ne soient aujourd'hui tombés en désuétude. Ensuite , nos Évêques eux-mêmes ne gouvernent-ils leurs diocèses que d'après les anciens canons? Suivent-ils, par exemple, les anciens canons pénitentiaux et ceux pour l'excommunication?.. Tous le savent bien, autres mœurs . autre discipline.

2. « Si des abus étaient une raison de contester une autorité légitime, qui ne voit pas qu'il faudrait en même temps nier et l'autorité du Pape et l'autorité des Évêques, et l'autorité ordinaire et l'autorité déléguée, et toute autorité : laquelle, par la faiblesse ou la malice des hommes, se trouve sujette à beaucoup d'abus? »[i] Bellarmin, Vindlc. sanct. Pont. cont. Febron[/i]. De quel côté est le bon sens?

1. De Maistre, Des canons en général, de l'appel à leur autorité, chap. III.

1. Il est vrai que la première des deux prières de Jésus-Christ a passé au rang des lois, qu'elle a été nécessairement exaucée, puisque Pierre a été immédiatement chargé de confirmer ses Frères dans la Foi : mission qu'il ne peut remplir qu'autant qu'il ne peut errer dans la Foi...

1. Hélas ! pourquoi porter l'orgueil dans le bien ? Pourquoi vouloir que les chrétiens ressemblent un peu à des sectaires? Voyez, diront les dissidents, lorsqu'ils se réunissent, ils deviennent infaillibles! Mais quand tout vient ostensiblement de Dieu , ou n'a plus rien à dire. Or. il est ostensible qu'un homme ne peut avoir de lui-même la vérité... La Foi pure à la Promesse efface ce qui pourrait sembler humain. C'est un diamant qu'il ne faut pas ternir.



A suivre...CHAP. LV. L'APPEL AU FUTUR CONCILE.
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Message  Monique Sam 22 Oct 2016, 10:12 am

CHAP. LV.


L'APPEL AU FUTUR CONCILE.



Je l'accorde, le concile, tel que vous l'entendez, recueillera l'Écriture et la Tradition; mais l'Église se fonde sur l'Écriture , la Tradition , et avant tout sur Jésus-Christ...

Souvent on refuse de se rendre à la pensée pure , mais il faut bien se rendre au bon sens , et puis aux faits. Souvent on avance une proposition sur un point, sans prévoir le contre-coup sur les autres. A la manière dont vous le voudriez, si c'est du concile que provient l'infaillibilité, c'est par le foyer incomparable de ses lumières , par l'immense poids de la sagesse de ses membres (1); et, dans ce cas, le Pape n'est qu'un simple Prélat, surtout le Pape qui s'oppose. Qu'on l'emporte sur lui, plus de concile, puisqu'on se trouve séparé de Pierre; que ce soit lui qui l'emporte, conflit, majorité qui s'élève, protestation unanime. Aussi, dans ce cas, a-t-on tenté d'en appeler du Pape au futur concile! Dès lors, intermittence dans le Pouvoir, dans la vie de l'Église, suspension dans l'Infaillibilité... Soyons logiques, ou d'autres le seront pour nous.

Un appel au futur concile ! Sachons d'abord que l’Église n'y a jamais consenti. L'appel au futur concile a été frappé par les bulles de Pie II et de Jules II. Faites attention : l'Église ne peut souffrir qu'on en appelle du Pape au futur concile sans s'abolir, sans manquer à sa propre foi en Celui qui est avec elle jusqu'à la fin... De même, en appeler du Pape mal informé au Pape mieux informé, c'est au fond nier le Pape et en appeler au futur concile. Nier le Pape, puisqu'en matière de Foi, il pourrait être mal informé! Mais dans le futur concile, qui dira si le Pape est mieux informé, du moment où celui qui est pour confirmer ses Frères, a besoin d'être confirmé? Quand vous pensez en appeler du Pape à un concile, qui vous garantit alors ce concile ? Dans quel cercle vicieux, hélas! allez-vous tourner? C'est donc nier le concile. Le fait est clair, l'appel de concile à concile, ou l'appel au futur concile, est une condamnation du présent concile. Il a erré avec le Pape qui le confirme, il n'a pas l'Infaillibilité, puisqu'il faut recourir au suivant. Quel sera donc le vrai concile ? Le dernier ; car chacun, successivement , réformera le précédent. L'Église ne saurait tenir aucune décision pour infaillible, puisqu'on ignorerait toujours celle du futur concile, et qu'on pourrait en appeler du Pape mal informé au Pape qui le serait mieux. L'appel au futur concile, ou au Pape mieux informé, abolit du même coup la Papauté, le Concile et cette Infaillibilité qu'on ne saurait jamais tenir.

Mais, ici , sur l'appel au futur concile , il n'y a qu'un mot à dire : le concile n'étant infaillible que par le Pape, ce serait donc en appeler de l'Infaillibilité à l'infaillibilité. Cette question n'est qu'un corollaire de la question fondamentale. Le Pape étant celui à qui Jésus transmet, pour confirmer ses Frères, la Foi qui ne faillira pas, l'appel du Pape au futur concile, ou au Pape mieux informé, serait l'appel à la rébellion, un acte schismatique, hérétique pour peu qu'on l'érigé en système.

La question est donc close ici. Et j'en profite pour présenter l'expédient proposé par ceux que la Foi ne cessera pas de combattre. Car, entre ces deux points de vue : que les évêques du concile sont au-dessus du Pape, ou que le Pape reste au-dessus des évêques du concile , les conclusions ne sauraient être identiques ! Pour présenter la première, nous laisserons parler un illustre Prélat. Puis, rentrant dans la pratique, nous indiquerons la seconde.

Un des nobles défenseurs de la Foi en ce siècle, un esprit plein de savoir et d'éloquence, Mgr d'Hermopolis, sentit très-bien qu'il fallait reculer devant les conséquences hérétiques qu'entraîne l'idée de la supériorité des évêques du concile sur le Pape. Il espéra en transformer la nature par la proposition suivante : « Faisons, « dit-il, une Supposition. Un concile général est très-régulièrement assemblé sous un Pape TRÈS-légitime. « Un différend s'élève entre les Évêques présents et le « Pape : de QUEL COTÉ est la plus grande autorité ? « Du côté du Pape, diront les uns ; du côté des Évêques, « diront les autres. Ne pourrait-on pas dire plutôt que, « dans ce cas, ce sont ici DEUX Autorités qui SE BALANCENT ; que la décision demeure en SUSPENS « jusqu'au moment de leur accord ; que c'est une suite de la nature des gouvernements mixtes ; et que dans les « États où la puissance législative est PARTAGÉE « entre le Roi et les corps politiques, la loi ne résulte « que de leur concert ?» — Autrement dit : l'Église avec un Pape très-légitime (dans leur point de vue, un Pape l'est donc plus ou moins!) et un concile très-régulier, l'Église , dis-je, reste néanmoins privée, pendant que les deux pouvoirs se balancent, de l'Autorité suffisante pour prononcer en matière de Foi ; privée du pouvoir que Jésus-Christ lui a donné pour éviter et pour combattre l'hérésie... Autrement dit encore : dans la diversité des sentiments qui nous partagent, pour tout concilier, le Pape avec les partisans de la déclaration de 1682, ne pourrait-on pas convenir qu'il est un moment où l'Église, avec un Pape et un concile réguliers, est dépourvue de l'Autorité nécessaire pour décider ce qui est vérité de Foi ? ne pourrait-on, en un mot, convenir d'une hérésie (1). Quel résultat, et pour une SUPPOSITION ! Pourquoi doter l'Église des avantages qui sont la suite des gouvernements mixtes ? Pourquoi lui souhaiter la position d'un Roi, attendant que ceux qui ont partagé son Pouvoir, se décident à être d'accord avec lui ? Quel amour du libéralisme ! D'où cette tendresse pour des principes de politique qui se montrèrent partout si favorables à la Foi? et cette ardeur à former l’Église sur un plan dont les Sociétés modernes ont retiré tant de fruits ? S. Thomas! Gerson! vous qui vous empressâtes de déclarer l'Église une Monarchie, son gouvernement, un Gouvernement royal, où êtes-vous? Deux Autorités égales dans l'Église, où est la notion de l'unité de l'Église ? Et jusqu'à ce que ces deux Autorités se soient mises d'accord, où est l'Église elle-même? Plus d'unité, dès lors plus de souveraineté, ce qui détruit la notion de l'Église. Enfin comme, d'après la Supposition, les deux Autorités qui restent en suspens peuvent y rester effectivement, de même, aussi, que dans le gouvernement mixte, sera-ce le Roi qui dissoudra l'assemblée, ou l'assemblée, forte de la majorité, qui déposera le Roi? Mais, ici, les Évêques ne pouvant pas plus déposer le Pape, que le Pape déposséder les Évêques de tous leurs pouvoirs, que faut-il faire ? Demeurer encore en suspens? Noble situation !

Telle la supposition; tel maintenant le fait. Il fut permis d'entrer dans l'hypothèse, il le sera d'entrer dans la pratique , et de dire à ceux qui , de prime abord, ne vont pas au fond de la Foi :
Et quand bien même le concile séparé aurait une vie à part, indépendante (Dato, non concesso !), qui lui permettrait également d'agir, vous qui croyez Jésus-Christ, comment ne préférez-vous pas voir toutes les lumières des saints évêques assemblés en concile, toute cette sagesse sans pareille dans le monde, venir encore par derrière la Promesse intacte faite par Jésus-Christ à S. Pierre, la corroborer, puisque vous le voulez, et lui donner un corps de lumière tiré d'une visible connaissance des Écritures et de la Tradition ? Pour vous tranquilliser (puisque à la parole du Maître vous ne pouvez, comme Pierre, « marcher sur l'eau pour venir  à Jésus, »), vous avez toutes les promesses faites à Pierre, de plus, toutes les promesses faites aux Apôtres unis à Pierre. Pour vous, enfin, double fortune, double rempart dans l'Église (1). Supposez donc le concile un ouvrage avancé, si ce n'est point, toutefois, pour offrir la position à l'ennemi ! Autrement vous la démolissez, cette Église, vous la perdez de vue dans sa plus belle ordonnance, vous prenez pour l'Édifice un contre fort qui l'abrite contre le flot du dehors. Car si nos saints évêques viennent à se partager, à se quitter, à demeurer en suspens, tout est fini, plus rien derrière, qu'un Pape dans l'impuissance (toujours dans l'abstraction qui, séparant le concile du Pape, croit que le Pape quitte l'Infaillibilité avec le concile). En tout cas, vous voilà soumis aux inconvénients des Assemblées ; discutant, vous quittant, vous réunissant de nouveau, plaçant de graves questions en litige, cherchant la vérité, vous donnant en spectacle au monde, et, néanmoins, ne pouvant fixer un point sans l'organe, sans la confirmation de Pierre. Pourquoi vous exposer à toutes les vicissitudes des hommes et des législations de la terre, quand vous pouvez monter sur la barque de Pierre, et y tenir toute vérité élevée au-dessus des eaux? Pour cela que faut-il? la Foi... la Foi, pendant que le divin Maître semble endormi dans la barque assaillie par l'orage.

Quel parti pour des chrétiens que d'hésiter sur la Promesse pour recourir à leur science! Discuter entre soi; de nouveau laisser Dieu pour les Écritures! Et quelle responsabilité !..

Et ici, je vais très-loin; je suppose le concile corroborant le Saint-Père ; je le déclare utile , et souvent infiniment utile. Mais, ne faites pas un pas de plus, ne le supposez point nécessaire ! Pour que les conciles fussent nécessaires, il faudrait que Jésus-Christ eût dit à Pierre, J'ai prié pour que ta foi ne défaille pas, à la condition cependant que TU SERAS AFFERMI PAR TES FRÈRES; et non, POUR QUE TU AFFERMISSES TES FRÈRES ! suivant l'ordre donné à Pierre : Lors donc que tu seras transformé, que ta Foi ne faillira point, que tu seras la pierre de l’Église, que ton roc sera à la place du mien, tu affermiras tes Frères. Ne les supposez pas nécessaires, parce qu'il me suffirait d'ouvrir le livre de Théologie qui est dans toutes les mains , le traité de Son Em. Mgr le Cardinal Gousset, Archevêque de Reims, à la page 616, article De la nécessité des Conciles, et de lire : « Les Conciles généraux ne sont point nécessaires ». Si la tenue des conciles œcuménique était nécessaire à l’Église, elle l'eût été surtout « dans les premiers siècles : soit pour développer son « organisation native, soit pour fixer la liturgie et la « discipline, soit pour confondre tous ceux qui tentaient « alors de concilier les dogmes chrétiens avec les erreurs « païennes. Or, l'Église a fait toutes ces choses, surmonté tous ces obstacles, sans le secours d'aucun « Concile général. Néanmoins, quoique le Concile général ne soit point nécessaire, on convient qu'il est utile. »

Si les Conciles généraux ne sont point nécessaires, concluez vous-mêmes... Le Pape peut donc se dispenser de les réunir. S'il peut s'en dispenser, le Pape est donc infaillible. La pratique, aussi bien que l'enseignement, vous renvoie d'un seul mot cette thèse que les Conciles, que l'Évangile , que la raison et la Théologie viennent d'établir si invinciblement sous nos yeux. Surtout, ne parlons plus d'appel au futur concile, car le futur concile n'étant point nécessaire, ni dans ce cas légitime, pourrait ne jamais exister...

La vérité, pas plus que la vie, ne saurait être suspendue. Qu'il arrive des difficultés, que le Pape ne puisse convoquer le concile, qu'il y ait impossibilité physique de le réunir, ou, comme de fait, de le réunir à temps des quatre coins de la terre, l'Église se passera donc pour le moment d'Infaillibilité? Ou bien, dans ce cas, le Pape l'aurait-il au besoin ? S'il la possède au besoin, il la possède toujours... C'est la question pratique qu'enveloppait la question pure qu'on semblait mépriser. Bien que l'Église dans sa conduite, comme Jésus dans ses paroles, n'ait pas ici laissé de doute, c'est la question pratique, il faut en dire encore un mot.

1. Je sais ce que l'on dit ; je réponds à ce que l'on pense... D'ailleurs , je continue de raisonner dans l'abstraction qui supposa un concile sans le Pape, tandis que c'est le Pape qui constitue le concile. Personne ne doute de l'Infaillibilité du Concile réel , ou pourvu de son Chef. Nous ne combattons que le concile abstrait, tendant au conciliabule.
1. De la Relig. dans ses rapp. arec l'ordre civil et politique.

1. Il est évident qu'il ne saurait y avoir une assurance plus grande que celle qui est fondée sur Dieu , qu'une Promesse. ici, vaut tout autant que mille. Mais les discussions du Concile ne sont point perdues pour le monde, qui ne sait pas se contenter d'affirmations dogmatiques, et qui aime à les voir procéder visiblement de la science, «Les conciles généraux , dit S. E. Mgr le Cardinal Gousset , ne sont point nécessaires; néanmoins, pour étouffer l'hérésie, on convient qu'ils sont utiles. Une assemblée composée d'évêques , lors même qu'elle ne réunit pas tous les évêques , montre d'une manière plus sensible , ou plus solennelle, quelle est la croyance de tous les évêques.»
C'est à nous de soutenir la doctrine pure de la Promesse ! Après, laissons le siècle disputer s'il le veut sur les questions qui sont l'objet des délibérations. Pour lui, le double rempart! D'abord la Promesse intacte, puis le savoir du saint Concile ! D'abord la voix de Dieu, ensuite la voix des Pères, mais n'en formant qu'une au sein de l'auguste Assemblée ! Le concile vient concilier.



A suivre...CHAP. LVI. LA SOUVERAINETÉ, DANS l'ÉGLISE, NE SAURAIT ETRE MAINTENUE NI EXERCÉE PAR LES CONCILES.
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Message  Monique Dim 23 Oct 2016, 10:40 am

CHAP. LVI.


LA SOUVERAINETÉ, DANS l'ÉGLISE, NE SAURAIT ETRE MAINTENUE NI EXERCÉE PAR LES CONCILES.



Qu'est-ce, en définitive, que l'Infaillibilité? Le don transmis par Jésus à Pierre de ne pas faillir dans sa Foi. Apôtres de Jésus, restez unis à Pierre pour savoir quelle est sa Foi ; dès lors, formez excellemment cette Église contre laquelle les portes de l'enfer ne prévaudront point, et recueillez le bénéfice de toutes les Promesses du Sauveur.

La présence immédiate de Jésus-Christ dans l'Église, en la personne de Pierre et de ses coopérateurs, en fait la sainteté, la noblesse et la réalité. Puis, la transmission des pouvoirs et des grâces de Jésus-Christ fait la réalité , la noblesse et la sainteté de ses pasteurs et de ses membres. La question de l'Autorité , aussi bien que la question des Sacrements, est insoluble hors de là.

Il faut que tout pouvoir, comme toute vie, vienne de Dieu. C'est la raison métaphysique ; c'est-à-dire que le contraire n'a pas de sens. Et voici la raison logique : le chrétien, ainsi que nous l'avons remarqué, étant tenu de considérer Jésus-Christ dans la personne de son supérieur ecclésiastique , et ce devoir embrassant la hiérarchie, le Pape, chef des Apôtres par la primauté de Pierre, est bien réellement en possession de la souveraine Autorité de Jésus-Christ. Il donne un sens à ces paroles substantiellement entendues : Je ne vous laisserai point orphelins.

Après la raison métaphysique, après la raison logique, toutes deux mises en plein jour par l'Évangile, vient la raison de fait, ou de nécessité, qui ne saurait échapper à personne. La question a été supérieurement (et surtout historiquement) traitée dans le livre Du Pape. « Une souveraineté périodique ou intermittente, dit le comte de Maistre, est une contradiction dans les termes. La Souveraineté doit toujours vivre ; pour elle, aucune différence entre le sommeil et la mort. Les conciles étant des pouvoirs intermittents dans l'Église, et de plus extrêmement rares et accidentels, sans aucun retour périodique légal, le gouvernement de l'Église ne saurait leur appartenir. Au reste, les conciles ne décident de rien d'une manière définitive s'ils ne sont universels. Or, ces conciles entraînent de si grands in convénients, qu'il ne peut être entré dans les vues de la Providence de leur confier le gouvernement de son Église. Dans les premiers siècles de l'Église, les conciles étaient plus aisés à rassembler; mais depuis que l'univers policé a été agrandi par de hardis navigateurs, un concile universel est devenu une chimère. Néanmoins, de quelque manière que ces saintes assemblées se puissent constituer, il s'en faut de beaucoup que les Évangiles fournissent en faveur de leur autorité aucun passage comparable à celui qui établit l'Autorité et les prérogatives du Souverain-Pontife Les conciles œcuméniques sont les États généraux du christianisme rassemblés par l'Autorité du souverain (1). Ils ne peuvent être légitimes sans lui; le concile ne tire sa puissance que de son Chef. Leur validité, leur existence morale et législatrice dépendent du souverain qui les préside ; ils sont Co-législateurs jusqu'au moment où ils se séparent. A ce moment, la plénitude du pouvoir se réunit sur la tête du Souverain. Le Pape, pour dissoudre un concile comme concile, n'a qu'à sortir de la salle en disant : Je n'en suis plus. Dès lors, ce n'est plus qu'une assemblée, et un conciliabule s'il s'obstine. Une assemblée intermittente, surtout si elle est accidentelle et non périodique, est par la nature des choses partout et toujours inhabile à gouverner. Au reste, il n'y a eu que vingt-et-un conciles généraux dans toute la durée du Christianisme, ce qui assignerait un concile œcuménique à chaque époque de quatre-vingt-sept ans…(2). Certaines circonstances les rendent extrêmement utiles. Mais jamais le Souverain -Pontife ne se montre plus infaillible que sur la question de savoir si le concile est indispensable. « Car, dit un théologien, l'Infaillibilité consiste en ce que toutes les questions auxquelles le Pape se sent assisté d'assez de lumières pour les juger, il les juge ; quant aux autres, il les remet au concile... (3) »

Rien n'est plus clair, dans toute l'histoire ecclésiastique, que le Pouvoir monarchique du Souverain-Pontife. « Pierre, dit Bossuet, paraît le premier en toutes manières : le premier à confesser la foi ; le premier des Apôtres qui vit le Sauveur ressuscité des morts; le premier quand il fallut remplir le nombre des Apôtres ; le premier qui confirma la Foi par un miracle ; le premier à convertir les Juifs ; le premier à recevoir les Gentils ; le premier partout. La puissance donnée à plusieurs porte sa restriction dans son partage : au lieu que la Puissance donnée à un seul sur tous sans exception, emporte la plénitude... Jésus-Christ commence par le Premier, et dans ce pouvoir il développe le tout, afin que nous apprenions que l'Autorité spirituelle, premièrement établie en la personne d'un seul, ne s'est répandue qu'à la condition d'être toujours ramenée au Principe de son unité, et que tous ceux qui auront à l'exercer doivent se tenir indispensablement unis à cette unique Chaire , tant célébrée par les Pères et exaltée comme la Principauté principale, la source de l'unité, la Chaire unique. Par cette constitution, tout est fort dans l'Église, parce que tout y est divin, parce que tout y est uni. C'est pourquoi nos prédécesseurs ont dit qu'ils agissaient au Nom de Pierre, par l'Autorité donnée à tous les évéques en la personne de Pierre. Et ils l'ont dit lors même qu'ils agissaient par leur autorité subordonnée et ordinaire, parce que tout a été mis premièrement dans Pierre. » — Il suffit , on le voit, de faire rentrer la logique dans ses pensées , et d'y rétablir l'harmonie en y ramenant l'unité…

S. François de Sales, faisant le tableau des différents titres que les siècles ont donnés au Souverain Pontife, et parcourant ensuite les différentes images qui ont servi à représenter l'Église sous la plume des écrivains sacrés, s'écrie: « Est-ce une maison? elle est assise sur un rocher, qui est Pierre. Est-ce une famille? elle a un père qui est S. Pierre. Est-ce une barque? S. Pierre en est le patron. Sa réunion est-elle représentée par une pêche? S. Pierre se montre le premier, les disciples ne pèchent qu'après lui. La doctrine est-elle comparée aux filets d'un pêcheur? c'est Pierre qui les jette, Pierre qui les retire, Pierre qui présente les poissons à Jésus; les autres ne sont que ses aides. Enfin, est-ce un Royaume? Pierre en porte les clefs ; un bercail de brebis et d'agneaux? Pierre en est le berger. » C'est Pierre qui proclame la Foi : Vous êtes le Christ! c'est à Pierre que Jésus ordonne de marcher sur l'eau pour venir à lui ; Notre-Seigneur , sortant du tombeau, apparaît à Magdeleine et lui dit : Allez, dites à PIERRE, etc. Toutes les fois que des actes importants doivent être accomplis par les Apôtres, c'est Pierre qui se présente; comme du vivant de Jésus-Christ, c'est dans la barque de Pierre qu'il veut entrer. Quand Pierre et Jean guérissent le boiteux, c'est Pierre qui le prend par la main et le fait marcher (Act. des Ap. 4p., III, 7.) Quand les deux Apôtres rencontrent Simon le magicien, c'est Pierre qui prononce la sentence. (Idem, II, 14.) Quand Ananie et Saphire sont frappés de mort, c'est Pierre qui parle au nom des Apôtres, et condamne. Tous ceux qui voulaient profiter, disent les Actes, du pouvoir miraculeux , amenaient les malades dans les rues, afin que Pierre venant, son ombre les pût guérir. (Act. des Ap., V, 3.) Ce qui est évident, lorsqu'on lit les actes des premiers âges de l'Église, c'est que Pierre est toujours le Premier, protos, ainsi qu'il est formellement appelé par S. Matthieu ; et que , quand les Apôtres doivent agir collectivement, c'est Pierre qui est là opérant. Cette primauté est aussi manifeste dans les Actes que dans l'Évangile.

Prenons les actes intérieurs, les actes si importants du Gouvernement de l'Église. Il s'agit de compléter le nombre des Apôtres, c'est Pierre qui parle et imprime la direction aux autres : Pierre se lève et dit, etc. Puis, vient ce premier concile, où se révèle l'autorité de l'Esprit-Saint; c'est Pierre qui parle, et, le premier, après la discussion, la tranche en y entrant avec autorité par ces paroles : « Pourquoi avez-vous tenté Dieu? etc. » (Act. XV, 7.) Prenons les actes extérieurs. Lorsque l'Église entre dans l'Apostolat, lorsqu'elle jette pour la première fois ses filets dans le monde (le plus solennel événement, dit M. Mermillod), lorsqu'elle entreprend la première prédication sur la terre, qui accomplira cet acte si solennel, qui le premier parlera aux Juifs as semblés? C'est Pierre; il promulgue la Loi de grâce, et son discours convertit trois mille Juifs. Pierre a cette faveur, qui fera à jamais l'admiration des siècles! Enfin, quand l'Église va prêcher l'Évangile aux Gentils, c'est Pierre encore qui a l'auguste privilège de convertir le premier païen, et d'attacher ainsi à l'Église le cachet de l'universalité. Après sa conversion, S. Paul crut de voir se rendre à Jérusalem pour voir Pierre, comme il le dit, et passer quinze jours auprès de lui. « S. Paul, « s'écrie Bossuet , étant revenu du troisième Ciel , vint voir Pierre, afin qu'il demeurât établi pour les siècles futurs que , quelque docte , quelque saint que l'on soit, fut-on un autre S. Paul, il faut venir voir Pierre (1) . » Si la primauté de Pierre n'est pas visible dans tout le Nouveau-Testament, il n'y a pas un dogme qui le soit (2).

Ainsi , pour le Concile, le Pape peut seul le convoquer (par lui ou ses légats), le présider, le sanctionner, et, s'il y a lieu, le déclarer œcuménique ou infaillible. Quand les choses reprennent leur clarté, il est beau de voir à quel point on les a obscurcies! l'Église, le concile, tout, hors le Pape, semblait infaillible. Et, quand on arrive sur la question, on s'aperçoit que si l'Église et le concile possèdent l'Infaillibilité, ils le doivent à celui à qui la Foi et les Clefs ont été remises. « Car, s'écrie de Maistre, pourquoi les portes de l'Enfer ne prévaudront-elles pas contre elle? A cause de Pierre. Otez ce fondement , comment serait-elle infaillible, puisqu'elle n'existe plus? ll faut être, ce me semble, pour être quelque chose (1) . » C'était le concile dont il fallait établir l'Infaillibilité par sa jonction au Saint-Père, et c'est le Saint-Père dont on cherchait l'Infaillibilité dans son adjonction au concile ! En posant si bien les questions, on dut les résoudre de même... Qui sait combien ce défaut de logique peut nous causer de maux ! « Si le Pape, écrivait Leibnitz à Bossuet, peut décider infailliblement de l'œcuménicité d'un Concile, la question serait tranchée quant à celle du Concile de Trente : mais M. l'évêque de Meaux, lui-même, rejette l'infaillibilité papale. »

Avec nos susceptibilités modernes, lorsqu'il s'agit d'obéir, sous prétexte de combattre l'idée d'un Pape arbitraire, détruisant les canons, nous nous jouons arbitrairement du Pape, nous détruisons l'idée de l'Église. « Quand on nous parle, dit un auteur d'un saint caractère, de la puissance légitime des Évêques comme incompatible avec la monarchie des Pontifes romains, on présente l'Église comme s'étant détruite elle-même, comme n'ayant point su conserver cette forme monarchique de son gouvernement établie par Jésus-Christ, cette souveraineté immuable, visible, sans laquelle il ne peut y avoir d'Église. On voudrait conclure que si le Pape était un monarque, ce serait le seul évêque, évêque supérieur aux lois canoniques, et que les autres évêques ne seraient que ses lieutenants. Mais la Monarchie du Saint-Père est précisément fondée sur des raisons qui l'assujettissent en même temps à ses lois, que voici :
1° Dieu l'a chargé d'arrêter les abus, de punir les prévarications de ses coopérateurs dans l'Épiscopal . , de déposer les contumaces , ainsi que S. Bernard l'atteste : « Ne pouvez-vous pas, s'il y a lieu, fermer le Ciel à un Évêque , le déposer de l'épiscopat (1) ? » 2° Dieu l'a établi le protecteur universel des droits des autres évêques, ainsi que S. Athanase le rappelait au Pape Félix. 3° Il l'a établi le Chef et le Père de tous les Évêques, même réunis en concile : ce sont les noms mêmes que lui donne le concile de Chalcédoine (sans parler des autres conciles). 4° Le Pape institue et autorise la règle de la vraie Foi, et, comme le dit S. Thomas : « C'est à lui qu'il appartient de publier le Symbole. » Il est le seul avec lequel il faille être d'accord, si l'on veut être avec Jésus-Christ, selon les paroles de S. Jérôme à S. Damase. 5° Enfin , le Pape a le caractère d'un vrai Monarque, parce que la conduite de tout le troupeau lui a été confiée. Si le Pape est un vrai Monarque, il est pourvu des moyens nécessaires à l'exercice de son autorité monarchique ; or, le plus nécessaire est celui qui ôte tout prétexte à ses sujets de refuser l'obéissance à ses décisions. Donc le Pape est infaillible (2). »

Si, dans l'Église, la souveraineté ne saurait être ni produite, ni soutenue, ni exercée par le concile, alors, direz-vous, pourquoi le concile?

1. « On a osé former un concile sans l'autorité du Saint-Siège , ce qui ne s'est jamais fait, et n'est point permis.» Lucentius, légat du Pape Saint-Léon.
2. Il n'y a eu en réalité, et admis par tous les canonistes, que 17, ou au plus 18 conciles œcuméniques, ce qui assignerait un concile œcuménique par siècle.
3. Perrone, Infaillibilité.

1. S. Paul parle « d'aller voir Pierre» , dit Victorinus, « car si les fondements de l'Église sont fondés sur Pierre, Paul, à qui toute chose avait été révélée, savait qu'il était obligé de voir Pierre à cause de l'Autorité qui lui avait été remise, et non pour apprendre quelque chose de lui ». (Com. in Gal.) « Il va voir Pierre à Jérusalem, dit Tertullien, pour remplir un devoir et satisfaire à l'obligation de leur Foi ». « Il devait désirer de voir Pierre, disent S. Ambroise et S. Hilaire , parce que c'était l'Apôtre à qui N. Seigneur avait délégué le soin de toutes les Églises, et non qu'il pût apprendre quelque chose de lui ». « Il n'alla pas pour apprendre, dit S. Jérôme, mais pour faire honneur au Premier des Apôtres ». « Il n'avait pas besoin de Pierre, dit S. Chrysostome, ni de son enseignement oral, pourtant il va le trouver comme son Supérieur». «S. Paul , dit Théodoret , n'avait pas besoin de lui demander des doctrines qu'il avait reçues de Dieu , mais il rend un honneur convenable au Chef». Etc., etc.

2. Voir l'excellente Conférence de Divonne, contre des protestants qui prétendaient que S. Pierre n'est premier que sur le papier, et parce qu'il faut qu'il y en ait un qui le soit! Publiée par M. l'abbé Mermillod et par M. l'abbé Martin.

1. Du Pape. Tome 1er. « On oublie qu'aucune promesse n'a été faite à l'Église séparée de son chef ; la raison seule le devinerait , puisque l'Église étant un corps moral, une société, elle n'existe que dans son unité, qui disparaît avec son Chef. Je crois comme Leibnitz : « Que Dieu a préservé jusqu'ici les conciles œcuméniques de toute erreur contraire à la doctrine ; » je crois de plus qu'il les en préservera toujours. Mais puisqu'il ne peut y avoir de concile sans Pape , que signifie la question s'il est au-dessus ou au-dessous du Pape? Et ne nous battons plus pour savoir si le concile est au-dessus ou au-dessous du Pape , dit Thomassin (dissert, de conc, chap. XIV); contentons- nous de savoir que le Pape, au milieu du concile, est au-dessus de lui- même , et que le concile décapité de son chef est au-dessous. » On peut dire néanmoins, dans un sens très-juste, que le concile universel est au-dessus du Pape, si l'on veut dire que le Pape et l'Épiscopat entier sont au-dessus du Pape, ou que le Pape seul ne peut revenir sur un dogme décidé par lui et par les évêques réunis par lui en concile. Mais , que des évêques séparés de lui et en contradiction avec lui soient au-dessus de lui , c'est une proposition à laquelle on fait tout l'honneur possible en la traitant seulement d'extravagante. Le Pape , pour dissoudre un concile comme concile , n'a qu'à sortir de la salle en disant : Je n'en suis plus. Dès lors, ce n'est plus qu'une assemblée, et un conciliabule s'il s'obstine. Autrement, supposez qu'au seizième siècle , l'Église orientale séparée se fût assemblée en concile à Constantinople ou à Smyrne pendant que nous étions assemblés à Trente , où aurait été l'Église ? Otez le Pape , il n'y a plus moyen de répondre. Et si les Indes, l'Afrique, l'Amérique avaient pris le même parti ? Enfin , considérons que le caractère œcuménique ne dérive point pour les conciles du nombre des évéques qui le composent; nous avons vu ce nombre diminuer jusqu'à quatre-vingt-quinze au concile de Rome, en 1512. Le nombre diffère extrêmement dans nos conciles généraux, preuve que le concile ne tire sa puissance que de son Chef. Si le concile avait une autorité propre et indépendante, le nombre ne pourrait être indifférent. » Idem; du Concile.

« Le seul sens de ces paroles, dit le cardinal Litta , est que le Pape est tenu d'obéir aux décrets approuvés et sanctionnés par lui-même dans les conciles généraux. Le Pape ne reste pas maître de la loi après l'avoir portée lui-même ; mais, bien que personne ne soit plus oblige que le Pape d'être l'exécuteur et le défenseur des saints canons, ce pendant, par rapport à la discipline, son autorité n'est jamais liée de manière qu'il ne puisse se dispenser de changer les lois quand la nécessité ou l'utilité l'exigent, comme l'exprime le concile de Bàle. Et enfin, comme la puissance de lier et de délier a été accordée sans restriction à Pierre, Bossuet ne fait pas difficulté de dire qu'il n'y a rien que le Pape ne puisse faire par rapport aux lois ecclésiastiques, si la nécessité l'exige. » Déf. de la Décl. Passim, et cap. xx.

1. De Consider. lib. III, c. vu. — Natalis Alexander, à propos d'Antim, évéque de Coustantinople, déposé par le Pape Agapet.
2. Triomphe du Saint-Siège , par Mgr Cappellari, plus tard Grégoire XVI. (Préface, pag. 134, et à la fin). On pourrait citer tant d'autorités; celle-ci porte sa signification.


A suivre…CHAP. LVII. POURQUOI LE CONCILE?
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Message  Monique Lun 24 Oct 2016, 12:12 pm

CHAP. LVII.


POURQUOI LE CONCILE?



Pourquoi le concile? Comme il ne saurait y avoir de concile sans le Pape, dites au moins : Pourquoi le Pape s'adjoint-il des évêques pour établir un concile ? Pourquoi? par une raison bien simple, parfaitement exprimée dans une locution vulgaire? c'est que le Pape n'a pas la science infuse. Jésus-Christ lui a promis que ce qu'il lierait et délierait sur la terre, le serait dans le Ciel, que sa Foi resterait à l'abri de l'erreur, que même il avait prié pour cela; mais il ne lui a pas promis, par exemple, qu'il saurait lire et écrire sans apprendre; qu'il connaîtrait la Tradition et l'Écriture sans qu'elles lui fussent présentes. L'autorité du Roi sur le département de la marine ou sur celui de la justice, ne lui confère ni la science du marin, ni celle du jurisconsulte. Lorsque les ministres qu'il a préposés sur ces points lui ont exposé les faits, c'est lui cependant qui décide, non par leur autorité, mais par la Grâce d'état que Dieu lui donne avec le Sceptre (1) ; bien que cette Grâce d'état soit d'un autre ordre que le don exceptionnellement fait à Pierre. Car toute autorité apporte sa Grâce d'état; et le père de famille, privé de science, choisit parfaitement ceux qui la donnent à ses fils.

Pourquoi le concile? Et, à mon tour, pourquoi le Pape, si c'est du concile que provient l'Infaillibilité, et si le Pape ne la possède que par son adjonction au concile ? Est-ce pour avoir un président (1) ? Mais dans ce cas, vous le savez, il le faudrait personnellement infaillible pour prononcer, interpréter et appliquer infailliblement les infaillibles arrêts du concile. Sinon, le voilà réduit lui-même au sens privé, en présence du texte des arrêts qu'on lui confie... Dans votre hypothèse, le Pape devient inutile. Il est infaillible ou inutile. Pouvez-vous réduire aux fonctions de président, ou de secrétaire perpétuel de concile, Celui qui a dans les mains le pouvoir exécutif d'un État de cette nature ; Celui qui est le centre visible de cette société visible ? Vous demandez : pourquoi le concile? et je demande : pourquoi le Pape dans une semblable théorie? Mais comme le Pape ne saurait sanctionner le concile sans être lui-même infaillible, et infaillible précisément toujours en dehors ou indépendamment du concile, je découvre parfaitement les saintes fonctions de tous les deux au sein du plan divin, et tout le vôtre disparaît…

Pourquoi le concile? Parce qu'il y a des questions de discipline sur lesquelles il faut entendre les Évêques des divers pays ; parce qu'il y a des besoins particuliers dans certaines églises, conséquemment des mesures particulières à prendre ; parce qu'il y a aussi des besoins généraux dans l'Église, sur l'opportunité desquels le Saint-Père veut connaître l'opinion générale ; parce qu'il est des cas spéciaux, des circonstances exceptionnelles où il croit se devoir à lui-même de faire expliquer ses Frères dans la Foi; parce que, au sein de cette suréminente Primauté, le Pape veut se soumettre aussi d'une manière suréminente aux premières conditions de la vérité : une incomparable humilité dans une incomparable défiance de son propre savoir... Il se défie de son savoir, non de son Infaillibilité (1)! Encore une fois, il ne possède pas l'universelle science, il ne saurait avoir présent tout ce que savent les Évêques qu'il réunit autour de lui. Ce qu'il sait, c'est que si, au milieu de l'auguste assemblée, la vérité est indécise, sa Foi sera la véritable ; ce qu'il sait, c'est que Jésus a dit à Pierre, que comme pierre de son Église, sa Foi ne faillirait pas. Et quand tous croiront saisir la lumière, c'est lui dont la lumière sera la vraie lumière; quand tous la posséderaient, quand tous, comme il arrive, seraient d'accord avec lui, qu'est-ce que cela prouverait? Que l'Église était partout dans la vérité, et n'avait besoin en ceci de recourir à Pierre, si ce n'est pour savoir qu'elle était dans la vérité... Mais, de la confusion naissent les exagérations. Infaillibilité personnelle , impeccabilité , Infaillibilité dans la Foi sont souvent confondues. Jésus-Christ ne dit point à Pierre que c'est lui-même, mais, que c'est sa Foi qui sera infaillible : Ta Foi ne faillira point.

L'Infaillibilité n'est point non plus l'impeccabilité (1) ; dans le Saint-Père, elle ne garantit ni la volonté, ni même l'intelligence. Elle ne rend nullement infaillibles les opinions particulières qu'il peut avoir, comme le prouverait le pape Honorius lui-même C'est le Pape, comme pape, qui est infaillible, et non sa personne sacrée. Sinon, il ne pourrait émettre une thèse qu'elle ne devînt un dogme, dire un mot qu'il ne fût infaillible, et dès lors vérité de Foi. — Voyez-le bien, ce n'est pas son esprit, c'est sa Foi qui est infaillible , suivant les expressions du Sauveur (2). Jésus ne lui dit point : c'est toi, ton esprit, ta mémoire ou ta volonté qui ne faillira pas , mais : TA FOI.

Ainsi l'Infaillibilité du Saint-Père, ainsi l'utilité des Conciles, et les bornes de leurs saintes prérogatives. La position du concile vis-à-vis du Saint-Père et du Saint-Père vis-à-vis du concile a toujours été parfaitement comprise. « Pierre, que le Sauveur avait choisi pour être le Premier, nous dit S. Cyprien, et sur lequel il avait bâti son Église , ne réclame point insolemment pour son Autorité lorsque Paul discute avec lui sur la circoncision; pas plus qu'il ne prend sur lui de dire d'une manière arrogante qu'il a la Primauté : mais il admet volontiers le conseil de la vérité; il accepte sans difficulté l'observation légitime que S. Paul lui présente. » Sans difficulté! effectivement, puisque l'Infaillibilité fait entrer ainsi la lumière en sa Foi.

De ce que le Pape est infaillible, il ne faut donc point non plus conclure que le concile soit inutile. «Quoique le Pape ait la promesse que sa Foi ne manquera pas, dit le cardinal Litta, il n'en est pas moins obligé d'employer tous les moyens convenables avant de prononcer son jugement. De tous ces moyens, aucun n'est préférable à un concile. Le concile est quelquefois d'une telle utilité, que le Pape doit tout faire pour en procurer la célébration.» Il ne suffit pas toujours, surtout quand l'hérésie prend de grandes racines , de déclarer ce qui est de Foi. Il faut encore le faire sentir aux hommes ; déduire savamment les conséquences aux yeux d'une foi surprise ou affaiblie ; enfin, exécuter des travaux qui incombent à la science d'un concile, auquel, du reste, l'Infaillibilité est promise, puisqu'il a le Pape pour Chef! Mais, ce qui devient utile pour des hérétiques, devrait-il l'être pour des chrétiens? Les conciles ne sont donc ni indispensables, ni inutiles. Et ce qui est nuisible, ce sont les idées exagérées qu'on s'en fait.

Les conciles provinciaux, soit que les évêques désirent se rendre compte des besoins et de l'état des esprits, soit qu'ils veuillent remédier à certains abus, sont dans une tout autre condition. Ils peuvent être d'une nécessité fréquente; tout le monde le comprend. Mais pour les conciles généraux, n'oublions plus nous-mêmes la maxime française, à savoir : que l'Infaillibilité du Saint-Père consiste d'abord en ce que toutes les questions dans lesquelles il se sent assisté d'assez de lumière pour les apercevoir et les juger, il les juge ; et que pour les autres, il fait appel au concile. Or. Le Pape n'étant jamais plus infaillible que lorsqu'il s'agit de décider s'il importe de convoquer un concile, je crois aussi que l'on doit peser les observations suivantes, adressées non point aux conciles, mais à ceux qui pensent qu'il faut absolument, ou à tout propos , les convoquer : « Bien que je ne pense nullement, dit le comte de Maistre, à contester l'éminente prérogative des conciles généraux, je ne reconnais pas moins les immenses inconvénients de ces assemblées, et l'abus qu'on en fit dans les premiers siècles pour condescendre aux désirs de quelques Princes. Les empereurs grecs, dans leur rage théologique, étaient toujours prêts à demander des conciles , et l'Église ne doit refuser à la souveraineté qui s'obstine, rien de ce qui ne fait naître que des inconvénients. Les Évêques, de leur côté, s'accoutumèrent à regarder ces assemblées comme un tribunal permanent, ouvert au zèle et au doute. S'ils avaient vu d'autres temps, réfléchi sur les dimensions du globe, prévu ce qui arriverait un jour dans le monde , ils auraient senti qu'un tribunal accidentel, d'une réunion difficile, et que le caprice d'un Prince peut empêcher, ne saurait avoir été choisi de Dieu pour régir son Église... » « Pourquoi tant de conciles? s'écrie le cardinal Orsi. Ne le demandez point à nous , ne le demandez point aux papes Damase , Célestin , Agathon , Adrien , Léon , qui ont foudroyé toutes les hérésies depuis Arius jusqu'à Eutychès, avec le consentement de l'Église, et qui n'ont jamais imaginé qu'il fût besoin de conciles pour les réprimer! Demandez-le aux empereurs grecs, qui ont voulu absolument des conciles, qui les ont convoqués, ont exigé l'assentiment des Papes, ont excité tout ce fracas dans l'Église... » « Je n'ai jamais vu, dit S. Grégoire de Nazianze, de concile rassemblé sans quelque danger et sans inconvénient. Si je dois dire la vérité, j'évite autant que je puis les assemblées de prêtres et d'Évêques ; je ne les ai pas toujours vues finir d'une manière heureuse et agréable » « Il ne faut point pousser trop loin les choses, ajoute le célèbre commentateur de ces textes, les conciles peuvent être utiles, je ne conteste nullement sur ce point. Je dis seulement qu'un corps représentatif intermittent, sur tout s'il est accidentel et non périodique, est, par la nature même des choses, partout et toujours inhabile à gouverner ; et que pendant ces sessions mêmes , il n'a d'existence et de légitimité que par son Chef. »

Que demandiez-vous des conciles? si le Saint-Père se retire, ils ne sont plus ; et si le Saint-Père ne les convoque, ils ne sont pas. Lorsqu'ils ne sont pas, comment feront-ils pour s'en plaindre, pour réclamer, pour blâmer le gouvernement du Saint-Père ? Quelle est donc cette portion indispensable, essentielle, de l'Autorité qu'on peut à volonté rendre à la vie ou au néant, et qui, pendant les trois premiers siècles de l'Église, n'a point paru? L'Infaillibilité, d'ailleurs, serait-elle comme une substance éparpillée dans l'Église, partout un peu et nulle part? L'essence de l'Église s'évanouirait quand se disperse le concile. S. Thomas, le plus grand des théologiens, parce qu'il en a été le plus grand métaphysicien, s'écrie : « Point d'unité d'Église sans unité de foi, et point d'unité de foi sans un Chef suprême. » Et c'est pourquoi, selon ce théologien, et selon tous, l'Église n'est ni une démocratie, NI UNE ARISTOCRATIE, mais une Monarchie.

Si le Pape n'était infaillible qu'en présence du concile, ah ! que les choses se passeraient bien autrement ! Quelles recommandations ne ferait pas au Saint-Père le concile qui se retire? Dans quelles perplexités ne verrait-on pas tous ces conciles confier à celui qui n'aurait que la primauté d'honneur, le trésor inestimable des vérités qui viendraient d'être momentanément mises en lumière? Quel concile, conséquemment , a pensé que le Saint-Père ne restât pas infaillible précisément sans lui, et indépendamment de lui (1) ? Quel Pape enfin, s'il n'est positivement infaillible, CONSERVERA, EXPLIQUERA, APPLIQUERA infailliblement les arrêts d'une source infaillible? Ne serait-il pas dans la situation du fidèle qui tient en mains les Écritures, du protestant qui les explique?.. Soulevez des questions qui tout à l'heure vous écraseront.

Il faut, dis-je, un Pape infaillible, ne fût-ce, premièrement, que pour interpréter et appliquer infailliblement les arrêts d'un concile infaillible, et secondement retirer le Pape de la situation d'un protestant en face de l'Écriture. Cela est si vrai que Pie IV, par sa bulle publiée en janvier 1565, défendit de publier des gloses et des interprétations du concile de Trente. Ce fut par suite de cette défense du Souverain-Pontife, que le Pape Clément VIII ordonna la suppression du Septième livre des Décrétales qui, cependant, avait été rédigé par une congrégation de Cardinaux et de Canonistes, dans l'intention de compléter le CORPUS JURIS. Toute l'objection contre le Protestantisme est ici : qui m'assure qu'au lieu de me donner le sens de l'Écriture, vous ne me donniez votre propre sens ? il me faut un organe infaillible pour me donner infailliblement le sens de l'infaillible Écriture. Le Protestantisme dirait donc à l'Église : hors de vos conciles vous retombez, et le Pape avec vous, dans la situation où nous sommes nous-mêmes , dans la nécessité d'interpréter par votre sens privé, soit l'Écriture, soit vos conciles... Mais Jésus-Christ a dit qu'il bâtissait son Église sur Pierre, et, à Pierre, que sa Foi ne faillirait pas : dès lors l'Église retourne à Pierre, à la Foi qui ne faillira pas, pour obtenir la vérité que renferme le vase de l'Écriture et du concile !

Si le Pape se trouve infaillible par le fait seul de l'existence des conciles, dont il faut confirmer et appliquer les arrêts, comme il l'est déjà par la Promesse de Jésus-Christ, l'Église conserve donc la permanence de son unité , de sa visibilité , de sa sainteté et de son Infaillibilité dans la permanence, l'unité, la visibilité, la sainteté et l'Infaillibilité de son Chef! Dans l'unité, nous trouvons tout, Jésus-Christ, le fait, la logique, le bon sens...

1. A cause de l'homme, qui n'a ni l'autorité ni le droit de commander à ses semblables , Dieu a dit dans l'Écriture : C'est moi qui fais les Rois. En même temps que l'autorité descend du Ciel, elle apporte la Grâce d'état pour gouverner. Ainsi , les peuples chrétiens croissent dans la liberté ; les autres ne sortent pas du despotisme.

1. D'autant plus que le Pape n'est pas seulement le Président, mais le Chef, mais le Juge des décisions du concile : point qui n'est pas suffisamment remarqué. Comme le montrent les faits , c'est par ses Légats, et rarement par lui-même, que le Souverain-Pontife préside le concile. Mais le Souverain-Pontife donne ou refuse sa sanction au concile, le confirme ou l'infirme : comme dans le concile de Bâle , par exemple, que le Saint-Père ne sanctionne que jusqu'à la 36e session, ou comme dans le concile de Constance, qu'il adopte, à l'exception du 23e décret. Et s'il présidait uniquement, il compterait les voix ; le 23e  décret du concile de Constance, comme la 25e session de celui de Bâle, seraient alors confirmés ! ! Il semble que le Saint-Père dise au concile : Parle, et je te dirai si c'est la vérité! Le Pape est donc toujours infaillible précisément en DEHORS ET INDÉPENDAMMENT du concile , et non parce qu'il serait englobé dans le concile , comme le croit la théorie . puisque en fait tout se passe autrement. On ne veut pas de la logique. Cependant il faut de la logique ou de la Foi ! — L'impossibilité de trouver une expression pour désigner les fonctions de celui qui juge les décisions du concile a fait user du mot de Président. « Le Pape SEUL CONFIRME, » dit le R. P. Mattheucci, de la Sac. Congr. des Rites.

1. L'enfant juge très-bien des actions, pour peu qu'il les connaisse. Le sens moral est chez lui parfaitement sûr, l'intelligence seule est insuffisante , et ce qu'il ne juge pas, c'est ce qui est hors de son expérience. — Veux-je comparer le Saint-Père au petit enfant? Homni soit qui mal y pens bien que le Ciel soit ouvert à ceux qui lui ressemblent! Mais de même, avec son infaillibilité dans la Foi, le Saint-Père ne saurait juger ce que son esprit ignore. Mieux on concevra la Raison, qui vient de Dieu , afin que l'enfant même puisse discerner le bien, et mieux on en concevra le rapport avec l'Infaillibilité, qui vient pareillement de Dieu, afin que son Pontife puisse discerner la Foi. L'Infaillibilité, aussi, est tout impersonnelle !
Le concile apporte les notions recueillies par la Chrétienté , et il remporte les décisions inspirées par le Saint-Esprit. Il a semblé à l'Esprit-Saint et à Nous, s'écrie Pierre.

1. Le Saint-Père ne saurait perdre l'inestimable fruit qui résulte pour lui, dans le Ciel, de sa peccabilité, de sa responsabilité sur la terre.

1. Mais les accusations contre Honorius et Libère, on le sait aujourd'hui, ne reposent que sur des falsifications, comme déjà l'entrevoyait le comte de Maistre , et comme depuis l'a prouvé M. l'abbé Constant, dans un savant ouvrage, intitulé : L'histoire et l'infaillibilité des Papes.

2. Bossuet a désiré marquer cette différence par un mot nouveau , disant : le Pape n'est point infaillible, il est indéfectible. Mais c'est un mol substitué à un mot. Que l'on dise en latin : non deficiat , d'où vient in-défectible, ou en français : ne faillira pas, d'où vient in-faillible, c'est le même fait qu'on exprime... Allons! plus la distinction sera parfaite, plus la force de la divine expression sera grande.

1. S. Grég. Naz. Epis. LV. Il faut se borner. Dans les modernes, je pourrais citer du R. P. Mattheucci, consult. de la Sac. Cong. des Rites, tout son chapitre intitulé : « Que les conciles généraux ne sont pas d'une nécessité absolue. » Autrement dit, ils sont d'une utilité relative.

1. Cette proposition ne doit point nous surprendre. Je la considérais comme évidente, lorsque, dernièrement, j'ai pu voir de quelle autorité elle était appuyée ! « Dieu ne permettra jamais, dit Grégoire XVI, « que le Pape s'écarte de la Foi. Sinon, il arriverait que , par sa Primauté, par le Pouvoir qu'il a pour le maintien de l'unité, et comme « le dit S. Thomas, de donner le point de Foi, il entraînât l'Église « avec lui. Donc, Dieu a dû accorder au Pape , comme tel, le privilège d'une Infaillibilité INDÉPENDANTE de l'Église, indépendante de cette Société ! Les novateurs ne peuvent rejeter ce point sans nier la nécessité du concours du Pape, sans se ranger parmi les schismatiques et les protestants, qui se font une Église séparée du Pape. » Triomphe du Saint-Siège, par Mgr Cappellari, plus tard Grégoire XVI. A force d'écarter les ombres , de franchir les nuages , nous arrivons à quelque chose d'absolu ! Il faut dans toute science arriver à ce point, autrement on n'a rien.



A suivre…CHAP. LVIII. RIEN N'EST SÉPARÉ DE PIERRE, NI L'ÉGLISE, NI LE CONCILE, NI LES POUVOIRS D'ORDRES, NI CEUX DE JURIDICTION ORDINAIRE.
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Message  Monique Mar 25 Oct 2016, 11:16 am

CHAP. LVIII.


RIEN N'EST SÉPARÉ DE PIERRE, NI L'ÉGLISE, NI LE CONCILE, NI LES POUVOIRS D'ORDRES, NI CEUX DE JURIDICTION ORDINAIRE.



Tout est si clair dans la Parole et dans le plan de Jésus-Christ ! D'après un plan garanti par des Promesses qui ne cesseront de s'accomplir, s'écrie le cardinal Litta , il ne devrait plus y exister d'hypothèses contradictoires, surtout parmi des fidèles. Mais l'Église est le plan de Dieu, et ce sont des hommes qui le décrivent. Ils le font ordinairement sans en comprendre l'ensemble ; ils en saisissent une partie , s'appuient sur une promesse, et puis en oublient une autre.

Il en est qui supposent que le successeur de Pierre pourra manquer dans la Foi, que ses décisions auront besoin d'être examinées : ceux-là oublient les promesses faites à Pierre.

Il en est qui supposent que l'enseignement des Évêques, soit dispersés, soit en concile uni à Pierre, différera de l'enseignement de Pierre : ceux-là oublient les promesses faites à Pierre, et aux Apôtres réunis à Pierre.

Il en est qui, considérant les promesses faites aux Apôtres réunis, en concluent la supériorité du concile sur Pierre : ceux-là oublient que Pierre, dans cette réunion, est déjà nommé leur Pasteur !

D'autres supposent divers patriarcats avec suprématie indépendante ; et d'autres, que la doctrine s'affaiblira un jour : ceux-là oublient les promesses qui regardent l'unité et la perpétuité de l'Église.

Enfin , il y en a qui rêvent des divisions, des disputes et le désaccord entre le Pape et le concile : ceux- là oublient toutes les promesses ensemble (1).

Quant à ceux qui invoquent une garantie, perdant de vue que, comme le monde, l'Infaillibilité repose immédiatement sur Dieu, ils oublient jusqu'à l'idée de cause et sacrifient la raison.

Lorsqu'on réfléchit que Jésus-Christ est la pierre angulaire annoncée par les Prophètes , et qu'il mit Pierre à sa place en l'appelant du même nom, il faut avoir l'esprit frappé pour concevoir l'Église ou le concile abstraction faite de cette pierre, leur assigner une existence indépendante de ce Chef, puis, les placer l'une et l'autre au-dessus ! Si une chose devait exister indépendamment de l'autre, ce serait la base, qui peut être sans l'édifice, non l'édifice, qui ne peut être sans la base.

Mais ici rien de semblable. Divisez-moi, je ne suis plus, s'écrie l'Église. « L'être composé n'a pas d'existence tant que ses parties sont divisées, » dit S. Thomas.

Nullement nécessaire , intermittent et composé de plusieurs, le concile n'est point la souveraineté permanente et une ; il ne constitue donc pas la permanence et l'unité dans l'Église. Au sein du Concile, pas plus que au sein de l'Église, les évêques ne sauraient, renversant la Parole , se mettre au-dessus de Pierre lorsqu'ils doivent être sur Pierre : SUR TOI, je bâtirai ! Mais il existe une dernière objection, dès lors pour l'unité un dernier triomphe.

On a toujours distingué dans les Évêques le pouvoir d'ordre et le pouvoir de juridiction : le pouvoir d'ordre les fait évêques, le pouvoir de juridiction , qu'ils tiennent de l'institution canonique, les fait évêques de telle église désignée. De même aussi, on a toujours distingué dans l'Église, ce pouvoir d'ordre chez les évêques, et le pouvoir de haute Juridiction chez le Saint-Père , d'où cette institution canonique découle. C'est le pouvoir d'ordre qui donne le caractère épiscopal , ou qui les constitue évêques , c'est le Pouvoir de Juridiction du Saint-Père qui les dispose dans l'unité, les fixe sur la pierre, les lie à l'Infaillibilité. L'un établit leur caractère, l'autre les accomplit dans leur fonction.

Et il le faut remarquer ici, des pouvoirs d'ordre indépendants, tels qu'on les supposerait aux évêques, réduiraient à néant le pouvoir de haute Juridiction : tandis que le pouvoir de haute Juridiction, tel qu'il existe dans le Saint-Père, laisse et fait subsister les pouvoirs d'ordre, tels qu'ils existent dans les évêques.

Mais bientôt nous allons comprendre comment ils restent munis de tous leurs pouvoirs sans être pour cela les maîtres du concile, ni les souverains du Pontife. Et ici nous sommes d'autant plus à l'aise , qu'on parle d'une indépendance que tous nos Évêques s'empressent de rejeter ! Tous , au sein de l'immortelle Catholicité , obéissent à celui qui tient la place de Jésus-Christ, avec un zèle , une joie , une unanimité que les Anges seuls pourraient suffisamment louer. Dans la pratique tout est romain (1); la pensée que nous écartons ne vit qu'en théorie.

Il en est des évêques dans la chrétienté , comme des évêques dans le concile : ils ne sauraient être séparés du Saint-Père. Son Pouvoir de haute Juridiction transmet la licéité et l'efficacité pratique à leurs pouvoirs d'ordre et à leurs pouvoirs de juridiction particulière. Si le Saint-Père, d'abord, ne possédait le Droit d'institution canonique, premier élément de sa haute Juridiction , et s'il ne pouvait, ensuite, en suspendre les effets lorsque de très-graves raisons l'exigent, des entreprises illégitimes, par exemple, on aurait le moyen de se passer du Saint-Père...

La haute Juridiction, comme un lien, rattache à Jésus-Christ tout le corps de l'Église : voilà pourquoi cette Juridiction est la source de la MISSION LÉGITIME.

Ce qui distingue le Pape des évêques, c'est le Pouvoir qu'il exerce sur toutes les églises : sa Juridiction est universelle; tandis que les évêques n'exercent ce pouvoir que sur leurs églises respectives : leur juridiction est particulière. Et ce qui distingue les évêques du Pape, c'est leur affectation à une église particulière, et la mission reçue du Pape dans ce but. Enfin ce qui distingue le Pape des évêques, c'est sa juridiction sur l'Église universelle et la mission reçue de Jésus-Christ lui-même. Mais ce qui caractérise la haute Juridiction du Saint-Père, ce n'est pas seulement l'universalité, c'est l'unité même et l'Infaillibilité, qui en sont l'âme et la raison d'être. On peut en appeler des Évêques au Saint-Père, on ne peut en appeler du Saint-Père aux Évêques. Le Pape a la Juridiction première, parce qu'il est la pierre donnée par Jésus-Christ, parce qu'il est celui à qui il dit de paître ses Brebis comme ses agneaux. Il la possède par cela qu'il est le Pape , et dès lors d'une manière absolue ; les évêques possèdent la leur parce qu'ils la tiennent du Pape, et dès lors d'une manière relative : puisque dans les cas rares d'hérésies ou de schisme, elle peut leur être enlevée avec un jugement.

La haute Juridiction est donc ce qui caractérise particulièrement le Saint-Père, les pouvoirs d'ordre, ce qui caractérise spécialement les Évêques ; le Pape enfin tient cette Juridiction de Jésus-Christ, et l'Évêque tient du Pape celle qu'il exerce sur son église. Or, il en est ainsi non-seulement pour fonder l'unité, et pour que tout pouvoir vienne réellement de Dieu ; mais aussi pour que celle unité ne soit point attaquée par les hommes. Si, dans ce sublime Corps, les organes ne se rattachaient constamment à leur centre, s'ils pouvaient s'en détacher, avoir une vie propre, les hommes parviendraient à les séparer tout à fait ; ils détruiraient ces organes et feraient une blessure à l'Église... Vulgairement, on confond ici comme ailleurs les fonctions et la vie. Les organes ont leur fonction propre, mais la vie est universelle.

Sans la haute Juridiction, le gouvernement de l'Église, et l'Église elle-même, échapperaient au Chef visible, l'édifice glisserait de la PIERRE sur laquelle Jésus-Christ l'a bâti. Sans la haute Juridiction, les gouvernements des nations pénétreraient dans l'interstice qui se ferait entre les évêques et le Saint-Siège, et ils les constitueraient leurs employés, comme on le fait en Russie. Aussi, les États ne peuvent éluder les refus du Saint-Père dans l'institution canonique, imposer des Pasteurs de leur choix, empreints de leurs idées passagères, de vues toujours momentanées et opposées aux vues éternelles. Sans la haute Juridiction, on tombe dans le Schisme. « On voudrait, écrivait Pie VII au cardinal Maury, introduire dans l'Église un usage au moyen duquel le pouvoir civil puisse insensiblement n'établir dans les sièges vacants que les sujets qu'il lui plaira choisir. Qui ne voit que c'est non-seulement nuire à la liberté de l'Église, mais encore ouvrir la porte au Schisme (1)? »

Si les Évêques, disséminés et enclavés comme ils le sont au milieu des nations les plus diverses et les plus éloignées, n'étaient retenus au Saint-Père par l'anneau d'or de la haute Juridiction, ils tomberaient précisément dans la situation que Dieu veut éviter à son Épouse sur la terre, lorsqu'il la revêt d'une Souveraineté temporelle ; avantage que Bonaparte appréciait si bien lorsqu'il expliquait à son entourage que le Pape ne devait habiter chez personne. Les inconvénients si graves dont Dieu voulut préserver le Saint-Siège, en lui donnant ici-bas une royauté, ne sauraient retomber sur l'Épiscopat. A quoi servirait l'indépendance du Saint-Père, si elle ne pouvait se communiquer à ses Frères, à ses Coopérateurs ? elle deviendrait une abstraction. Ce serait celle d'un roi qu'on laisse libre de commander, mais dont les ministres ne sont pas libres d'agir. Or, comme l'Évêque, « qui porte la lumière aux nations, » habite, lui-même, nécessairement chez quelqu'un, il ne faut pas qu'il en dépende et il importe qu'il continue de se relier , d'appartenir au Saint-Siège. Le sol, tout autour de l'Église, doit être frappé de neutralité comme un terrain sacré ; le sanctuaire a sa barrière.

Si les Évêques n'étaient pas dans un terrain neutre au milieu des nations, s'ils n'y pénétraient pas comme un prolongement de l'Église, comme les branches de l'arbre de Jésus-Christ, les États trouveraient le moyen de les détacher du tronc. Ce sont les rayons du soleil qui nous arrivent sans nous appartenir... Si après l'institution canonique, l'Évêque devenait son maître, s'il se détachait comme un fruit mûr de l'arbre du Saint-Siège, l'État le cueillerait pour lui. L'indépendance qu'on croirait obtenue du côté du Saint-Siège, se changerait en dépendance du côté des États; et ces libertés d'église gallicane seraient, comme on a fini par en convenir, des servitudes très -réelles. L'arbre à fruit qui dépasse l'enclos paternel et s'avance sur le chemin, sera cueilli par l'étranger...

1. Voir les Lettres du cardinal Litta ; principalement la XIe.

1. En France, on dit par dérision Ultra-montain , car le Saint-Père est au delà des monts ! Les principes s'arrêtent-ils aux montagnes? J'ai toujours été surpris de voir le jansénisme cheminer par son côté le plus lourd , surtout chez des hommes d'esprit. On connaît cette naïveté d'un prélat : A Rome je serais ultramontain. A Rome, en effet, il eût été au delà des monts... Mais le mot dit par dérision s'est trouvé dans la vérité. Que les ultramontains soient fiers si, pour eux, la vérité n'a pas de frontières, si leur foi reçoit un nom qui dit sa catholicité.
Après avoir rappelé l'admirable conduite de l'abbé Émery en 1809, le cardinal Consalvi ajoute : « Il était attaché aux principes gallicans, mais dans la pratique il en rejetait toujours les effets. » « Inconséquence, dit un écrivain, qui a peut-être sauvé la Foi dans la patrie de S. Louis! Sans doute il eût mieux valu redresser la logique. Mais les circonstances rendent parfois ce redressement difficile. Plus tard, ces circonstances disparaissant, l'accord entre la pratique et la théorie se rétablit. »

1. Bref du Pape Pie VII au cardinal Maury, 1810. — L'hérésie et le schisme visent au même but. Dans le schisme, on se sépare de l'Autorité ; dans l'hérésie, on se sépare de la vérité. Mais on ne se sépare de l'Autorité que pour se séparer de la vérité ; et l'on ne se sépare de la vérité que pour se mieux séparer de l'Autorité même...




A suivre...CHAP. LIX. CONCORDANCE, EN l'ÉGLISE, DES POUVOIRS D'ORDRE ET DU POUVOIR DE HAUTE JURIDICTION.
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Message  Monique Mer 26 Oct 2016, 11:20 am

CHAP. LIX.


CONCORDANCE, EN l'ÉGLISE, DES POUVOIRS D'ORDRE ET DU POUVOIR DE HAUTE JURIDICTION.



Admirons-nous assez cette constitution de l'Église, à la fois monarchique et municipale, c'est-à-dire dans l'axe de la perfection politique? Elle est municipale par ses fonctions épiscopales, par la richesse de sa variété ; elle est monarchique par sa vie divine, par la gloire de son unité : municipale dans ses Évêques et monarchique dans son Chef. Aucun État n'a su conduire à ce point sa propre perfection ; aucun n'a pu offrir, dans son unité, une variété, une abondance d'autonomie comparable à la variété, à l'abondance d'autonomie, je ne dis pas de l'Épiscopat, mais de tous les Ordres qui brillent comme des pierres sacrées sur le sein de l'Église. Le Pape appelle les Évêques ses Frères, ses coopérateurs, ils agissent chez eux , ils font l'application des lois aux consciences dont ils ont la garde : les Évêques appellent le Pape leur Père, leur Pontife souverain, ils contemplent en lui l'unité de leur Foi, leur doctrine infaillible. Dans notre corps, rien de plus divers que les organes, et rien de plus un que leur vie, que la manière dont ils obéissent à l'innervation cérébrale et convergent, par leurs fonctions, vers un seul but. La comparaison du grand Apôtre est sublime : et nous sommes les membres de Jésus-Christ ! ! L'Église n'a point détruit les églises, elles existent comme au temps de S. Paul : les églises n'ont point détruit l'Église, elle existe comme dans la Promesse du Christ. C'est ainsi qu'elle est le modèle des premiers États de la terre, où la province et la cité brillent au sein de l'unité monarchique.

Remarquons bien que l'autorité solidaire qu'ont reçue les Évêques, ne saurait même subsister en dehors de l'Autorité spéciale qu'a reçue le Saint-Père. Si les Évêques ne gouvernaient que par l'autorité qu'ils ont reçue solidairement, et non par celle qui les établit dans l'unité de la Juridiction première, cette autorité solidaire se trouverait divisée en parties égales entre tous ; il y aurait mathématiquement autant d'autorités que d'Évêques : chacun d'eux rentrerait à l'égard des autres dans l'indépendance absolue , et l'Église dans l'anarchie (1). Si , quant aux pouvoirs , les Évêques étaient égaux au Saint-Père , ils formeraient autant de Monarques dans l'Église. Si, en eux, tous les pouvoirs qu'ils exercent étaient originaires ; si , tout au moins , l'exercice n'en dépendait d'une délégation et d'une confirmation supérieure (comme l'a voulu Jésus-Christ en disant à Pierre de paître et ses agneaux et ses Brebis), ces pouvoirs resteraient à la fois indépendants les uns des autres et indépendants du centre ; de fait, il n'y aurait plus société, il n'y aurait plus Église. C'est à quoi les théoriciens n'ont point réfléchi. Qu'un homme ait seulement deux têtes ou deux langues pour s'exprimer, comment fera-t-il connaître ses vrais sentiments lorsque ces deux langues rendront des témoignages divers? Comment l'Église de Jésus-Christ, ayant une même doctrine, la pourrait-elle exprimer si, pour le faire, elle possède plusieurs volontés et plusieurs organes?

L'Évêque ne relevant que de ses pouvoirs originaires, dès lors indépendant du centre et de la volonté de l'Église, perd naturellement le droit de parler au nom de l'Église. Son caractère sera le même, puisqu'il peut être immédiatement remis en fonctions par son contact avec le centre; son savoir et sa piété lui conservent assurément une grande autorité ; mais celle de l'Église ne saurait émaner de lui; sa compétence comme juge de la Foi nécessairement lui échappe.

« Confirme tes frères dans la Foi, » dit le Sauveur à Pierre : il faut donc qu'ils soient confirmés dans la Foi pour en être les juges !

Les évêques, comme tels, sont nés juges de la Foi ; mais ils passent de la puissance à l'acte par la vertu du Saint-Père, qui les unit et les fond dans l'Église. Tout colonel peut commander un régiment, et cependant ne le commande que s'il en tient la mission du Roi : telle est la confusion faite, telle est la distinction à faire entre le caractère et la fonction. Le caractère rend propre à la fonction ; la fonction met en exercice les pouvoirs attachés au caractère. Il faut être colonel pour commander un régiment : il faut recevoir un régiment pour commander en colonel , toute humble et imparfaite qu'est ici la comparaison.

Si, hors de l'Autorité du Saint-Père, ou de son consentement virtuel, les évêques pouvaient, par cela que leur caractère est ineffaçable et leur pouvoir originaire, agir encore comme juges de la Foi, qui ne comprend que ceux qui s'écartent, qui se trompent, qui s'obstinent ou se séparent et passent dans l'hérésie, resteraient juges de la Foi ! Le Pape dans l'Église universelle, les évêques dans leurs diocèses respectifs, sont juges effectivement de la morale et de la Foi : seulement, les jugements et la conduite de ceux-ci « restent toujours « soumis au jugement du Pontife romain , qui peut , comme l'exprime avec candeur un saint Évêque, réformer Nos propres déclarations et réprouver Nos actions par son Autorité souveraine et infaillible. » On proclame, on admire l'unité dans le monde physique , et dans le monde moral on l'oublie. Il semble qu'on ne sente plus ici la nécessité d'une loi première pour tout mouvoir, pour tout fonder. Alors on n'y sent plus la raison !

Je ne m'explique point comment on peut échapper au fait, à la raison et à l'autorité... « Dans le gouvernement ecclésiastique, dit Mgr Capellari, depuis Grégoire XVI, de mémoire bénie, le pouvoir donné immédiatement de Dieu aux évêques n'exclut pas leur dépendance à l'égard du Gouvernement de l'Église. On conçoit facilement un pouvoir originaire, et cependant, de sa nature, subordonné dans son exercice à un pouvoir supérieur. On a toujours distingué le pouvoir d'ordre du Pouvoir de gouvernement, qui porte ordinairement le nom de Pouvoir de Juridiction. Qu'on lise Bolgeni, dans son livre l'Episcopato, il fait voir comment le droit de suffrage vient aux Évêques immédiatement de Dieu, tandis qu'ils reçoivent la juridiction particulière du Pape, chef de l'Église. Remontant de la manière la plus claire, avec l'érudition la plus vaste, aux temps apostoliques, il montre que depuis les Apôtres jusqu'aux Évêques, on a toujours demandé et reçu la juridiction particulière (1). »

Peu de réflexion engendre beaucoup d'objections. On disait également que si le Pape est infaillible, les Évêques ne sont plus juges de la Foi. Cependant ils le sont, et en diverses manières. — D'abord, et avant tout, dans le Concile, lorsqu'il est confirmé par le Pape et que leur jugement devient celui de l'Église. — Ensuite, et ordinairement, dans leur propre juridiction, lorsqu'ils y condamnent des erreurs ; jugements qui ne sauraient également être infirmés que par le Pape ou le Concile.

— De plus, dans une application à faire de la condamnation générale d'une erreur. Car souvent, après une condamnation semblable, il faut déterminer les divers points erronés, et de là fixer avec précision la doctrine de l'Église sur les divers points attaqués, ainsi que l'a fait le concile de Trente, relativement à la bulle de Léon X sur Luther et aux canons sur la justification. — Enfin, le Pape eût-il prévenu le jugement dés Évêques, ceux-ci sont encore juges de la Foi ; car on peut être juge de la Foi sans contrarier la Foi ni les jugements du Saint-Père. On peut juger sans réformer, les Évêques pouvant tous avoir des raisons diverses pour fonder un même jugement. Mais, comme nous l'avons montré, il y a autre chose à dire, c'est que le Pouvoir du Saint-Père rehausse les pouvoirs des Évêques et en assure et la validité et l'existence !

Ainsi le Pape est infaillible, et les Évêques restent juges de la Foi.

Rien ne se heurte dans le plan de Jésus-Christ : ni le concile avec S. Pierre , ni les pouvoirs d'ordre et de juridiction ordinaire avec celui de haute Juridiction. Un seul pouvait être le fondement; un seul, être l'unité ; un seul, être le Chef visible ; un seul, être la pierre à la place de Jésus-Christ ; un seul, recevoir d'abord tous les dons qui se communiquent. Un seul ne pouvait baptiser les nations ; un seul, distribuer à tous la lumière et la vie ; un seul, présider à la Tradition répandue sur la terre, et surveiller l'universalité des besoins. Pierre peut-il prendre la place des Apôtres? les Apôtres peuvent-ils prendre la place de Pierre ? Ou, viendraient-ils pour confirmer celui qui doit les confirmer?.. Seraient-ils là pour veiller sur leur Chef chaque fois qu'il doit agir?

Il est bien trop évident que Jésus-Christ a plutôt donné pour mission à ses Apôtres d'aller et d'enseigner sa doctrine aux nations, que de se rassembler autour de Pierre afin de la discuter et de la définir.

Je ne saurais blâmer personne ; mais si, réellement, l'on n'eût ressenti aucune méfiance; si l'on eût été bien secrètement convaincu de l'Infaillibilité du Saint-Père, on se fût moins préoccupé du concile ; on se fût sur tout moins préoccupé d'en appeler au futur concile, ou de le mettre au-dessus de Celui sans lequel il n'est ni au-dessus ni au-dessous. . . Cette méfiance en la Promesse se fit sentir, vous le savez, peu de temps après le Protestantisme. Ce n'était point le mal, mais c'en était l'impression lointaine. Le fléau était en Allemagne, et l'influence était en France. L'Europe moderne ne se fût pas de la sorte ébranlée, les grandes oscillations se fussent plutôt calmées si l'axe n'eût pas été déplacé. Ici l'imperceptible écartement produit plus loin une déviation sans limite (1).

Une bonne foi immense anime ceux qui ont affaire ici ; aujourd'hui ce n'est plus qu'une erreur de logique (2). On le voit, les abstractions, quelquefois bonnes dans les idées , ne valent rien dans les faits. Imaginant des conciles sans le Pape, on a pu, sur ce point, raisonner de toutes manières. On eût fait mieux de raisonner sur le Pape sans concile : car il est tenu , d'abord, d'agir à tout instant , ensuite, de prononcer souvent , sans le Concile ; tenu par Celui qui ordonne de paître ses brebis et non pas de les suivre. Seulement le Pape , dès qu'il le juge utile , rassemble précieusement les membres d'un concile , pour s'asseoir au milieu de ses Frères, et consulter avec solennité la Tradition et l'Écriture. Certes , l'Église est infaillible dans ses conciles; mais sur qui est bâtie l'Église, mais qui érige le concile , qui prononce et décide chez lui?

1. C'est bien à tous les Apôtres qu'il fut dit : Recevez le Saint-Esprit; mais il fut immédiatement ajouté : et les péchés seront remis, etc., pour mieux préciser les pouvoirs qu'ils reçoivent ici. Ces pouvoirs, dont ils se serviront séparément, ne les dispensent point d'être unis en celui que la même Parole leur a donné pour les paître et les affermir.

1. Triomphe da Saint-Siège. Préface.

1. « Une des grandes mesures de la Providence, qui contribuera le plus à disperser de leur foyer les idées de 1682, c'est la dispersion des prêtres français en Europe. S'ils y ont donné de grands exemples, autre but de la Providence , ils y ont entendu de si solides raisons contre une opinion spéciale à leur pays , qu'un très-grand nombre y a renoncé. » Disc, prélim. aux Lettres du card. Litta.

2. On sait que cette doctrine était celle des Parlements; et que ces idées, bien à tort imputées à l'Église gallicane, puisqu'elles devraient l'être à l'église janséniste, sont sorties, à la faveur de l'Édit de Louis XIV, de l'Assemblée du clergé de 1682 : où (pour employer les paroles de S. Ém. Mgr le cardinal Gousset) « trente-quatre Évêques « réunis par l'Ordre du Roi, ont eu la prétention de fixer les limites delà puissance de l'Église, et particulièrement de son Chef! La première chose que lit la Révolution , parfaitement au courant de ses affaires, fut de compléter la séparation entre le clergé et son Chef La Constitution civile du clergé tire les conséquences de la Déclaration du clergé.
Mais lisons : « La Déclaration du clergé de France de 1682, considérée en elle-même, est notoirement nulle et sans valeur aucune. » (Théologie dogmatique; de l'Église, 3e partie, chap. vu, article 2, édit. 1857.) Par son bref du 11 avril , le Pape Innocent XI manifesta son mécontentement aux Prélats qui l'avaient composée. « Il cassa , il annula et improuva, dit le cardinal Litta, tous les actes de l'assemblée. Son successeur, Alexandre VIII (le 4 août 1690), dans la consultation Inter multiplices, les improuva, les cassa, les annula de même. » Et, ce qui n'est pas moins à remarquer, les Papes refusèrent pendant onze ans les Bulles aux Prélats, nommés aux évêchés, qui avaient signé la Déclaration de l'assemblée. Innocent XI finit en ces termes la Lettre qu'il adressait aux Prélats signataires :
« Comment n'avez-vous pas seulement daigné parler pour les intérêts et l'honneur de Jésus-Christ? Qui a seulement proféré une parole qui ressentît l'ancienne liberté?.. En vertu de l'Autorité que Dieu tout-puissant m'a confiée , nous improuvons , cassons , annulons tout ce qui s'est fait dans votre assemblée, ainsi que tout ce qui s'en est suivi et tout ce qu'on pourra attenter désormais. Nous déclarons qu'on doit regarder tous ces actes comme nuls et sans effets, quoique, étant par eux-mêmes manifestement vicieux, nous n'eussions pas besoin d'en prononcer la nullité. »
En 1693, sous Innocent XII, il y eut un accommodement moyennant deux lettres, l'une écrite par les Prélats de la même assemblée , et l'autre par Louis XIV. — Dans la lettre des Prélats , on remarque ces expressions : « Qu'ils étaient affligés au delà de tout ce qu'on peut dire des actes de l'assemblée qui avaient déplu à Sa Sainteté et à ses prédécesseurs; que tout ce qui était censé y avoir été décrété touchant la puissance ecclésiastique et l'Autorité pontificale, ils le regardaient et voulaient qu'on le regardât comme non décrété. » — Dans la lettre de Louis XIV au Pontife, on lit : « Je suis bien aise de faire savoir à Votre Sainteté que j'ai donné les ordres nécessaires pour que les choses contenues dans mon Édit du 2 mars 1682 , touchant la Déclaration faite par le clergé de France, ne soient pas observées. »
Cette lettre du roi Louis XIV, dit le chancelier d'Aguesseau (I3e vol. de ses œuvres), fut le sceau de l'accommodement entre Rome et le clergé signataire de la Déclaration. Conformément à l'engagement qu'elle contenait , Sa Majesté ne fit plus observer l'Édit de mars 1682, lequel obligeait ceux qui voulaient parvenir aux grades de soutenir la Déclaration du clergé. » « Il est donc vrai de dire que les Prélats qui avaient publié la Déclaration, et Louis XIV , qui l'avait soutenue par son Édit, lui ont eux-mêmes ôté sa force. Et Bossuet, dans sa défense, l'abandonne lui-même : Abeat quô libuerit ! déclarant qu'il n'avait d'autre but que de soutenir la doctrine de l'école de Paris : sententia Parisiensium...
« Ainsi encore une fois, ajoute Mgr le cardinal Gousset, la déclaration de l'assemblée de 1682 est essentiellement nulle, sans aucune force obligatoire. Depuis, les Parlements n'ont pu donner à cet Édit une force qu'il n'avait pas, et que Louis XIV lui-même n'avait pu lui donner. » « Il est difficile, dit Benoît XIV, en parlant de la Défense de la Déclaration par Bossuet , de trouver un ouvrage aussi contraire à la doctrine reçue dans l'Église, touchant l'Infaillibilité  du Souverain-Pontife parlant ex cathedra. Si Clément XII s'est  abstenu de la condamner ouvertement , c'est par la double considération et des égards dus à un homme tel que Bossuet et de la crainte d'exciter de nouveaux troubles. » — C'est ainsi , seulement, qu'il est vrai de dire que la doctrine de la Déclaration de 1682 n'a été ni censurée, ni condamnée... Tout chrétien peut choisir entre la doctrine reçue dans toute l'Église et celle qu'on s'est abstenu de condamner ouvertement pour les deux raisons précédentes; choisir entre la logique et les puérilités d'une époque.
« La Déclaration de 1682, conclut le docte Cardinal que nous citons, est pour nous comme si elle n'avait jamais paru » : Quidquid decretum censiri potuit , pro non decreto habemus , ont dit eux-mêmes les auteurs.



A suivre...CHAP. LX. ADMIRABLE COEXISTENCE DES POUVOIRS D'ORDRE, DE JURIDICTION ET D'INFAILLIBILITÉ.
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Message  Monique Jeu 27 Oct 2016, 6:51 am

CHAP. LX.


ADMIRABLE COEXISTENCE DES POUVOIRS D'ORDRE, DE JURIDICTION ET D'INFAILLIBILITÉ.



La monarchie du Saint-Père, pour nous servir de l'expression de S. Thomas, de Gerson, et de l'école française; la monarchie du Saint-Père, avec son pouvoir de haute Juridiction , n'exclut ni l'institution di vine des évêques , ni leur juridiction propre , ni aucun des pouvoirs qui leur appartiennent.

Bien au contraire, le Pouvoir du Saint-Père élève ces pouvoirs à toute leur puissance; car il consiste à les conduire à leur fin , à les employer tous avec tout ce qu'ils sont, pour opérer dans l'Église l'œuvre sublime qu'il en attend. Le pouvoir d'un Général en chef n'exclut ni les pouvoirs, ni le savoir, ni les fonctions des officiers qui font mouvoir ses troupes dans leur vaste étendue. Il en retire , au contraire , un avantage d'autant meilleur, que ce savoir est plus complet, que ces fonctions sont plus élevées , plus puissantes , plus propres à remplir l'effet qu'il en doit espérer. Ainsi d'un Roi par rapport aux diverses autorités qu'il emploie pour administrer son royaume. La science profonde du juge , le talent supérieur du ministre, affaiblissent-ils le Pouvoir royal ? A plus forte raison dans l'Église , où les Évêques ne sont ni des vicaires , ni des lieutenants du Saint-Père , mais des Coopérateurs et des Frères , agissant en commun sous le pouvoir que Dieu a donné à l'un d'eux ( « car vous savez , mes Frères , que j'ai été choisi parmi vous » ) pour les paitre et les confirmer dans la Foi. L'Autorité du Pape et celle des Évêques vont à la même fin.

D'ailleurs, sans la Juridiction , à quoi bon l'Infaillibilité : le Pape ne pourrait nous en faire jouir. Fixé , lui , dans la Foi qui ne faillira pas, il serait privé du pou voir d'y fixer tous les autres. Et sans l'Infaillibilité, à quoi bon la Juridiction : le Pape ne saurait nous conduire. Il aurait le pouvoir sans en posséder la raison (1). Entre tous ces pouvoirs dans l'Église, l'harmonie est complète, admirable ; ils marchent à la même fin. Gardons-nous de toucher à ce qui est divinement bon ! Quelle difficulté y a-t-il de concevoir en même temps des pouvoirs originaires et néanmoins subordonnés dans leur exercice à un Pouvoir premier (2)? Déjà n'avons-nous pas observé les lois du monde , toutes également de Dieu , et toutes se subordonnant à celle qui les dirige et les retient dans l'unité? Faute d'avoir des idées assez grandes , assez nobles , on manque la conception de l'Église.

Devant la raison , comme dans le fait , les pouvoirs que Dieu donne aux Évêques ne leur enlèvent donc point leur dépendance du Centre de l'Église : sinon ils leur enlèveraient ce qui les y rattache. Les pouvoirs qui les constituent ce qu'ils sont n'excluent pas leur sou mission aux lois de la vie qui les conserve ce qu'ils sont. Ces pouvoirs donnés immédiatement de Dieu , n'excluent point leur dépendance de cet autre pouvoir aussi donné immédiatement de Dieu à celui qui , auparavant, fut choisi parmi eux pour les paître et les affermir. Ils peuvent exercer tous les pouvoirs d'ordre et de juridiction qui leur incombent, mais confirmés à leur place , ordonnés à leurs fonctions par le Pasteur, tranchons le mot, par Jésus-Christ, puisque le Pape est le Chef visible , c'est-à-dire revêtu de l'emploi du Chef invisible ! Ils sont dans tous les cas Évêques , leur caractère reste indélébile. Ainsi , dans l'horloge bien faite, telle roue a une fonction déterminée, un caractère ineffaçable qu'elle a reçu de l'horloger, et qu'elle aura toujours. Mais il faut, d'abord, que cette roue soit mise à sa place , ensuite, quelle reçoive le mouvement du grand ressort. Tel est effectivement l'exemple : si toutefois il est permis, pour le besoin de la pensée, de comparer les choses petites aux grandes , les simples aux sublimes.

Un point peut encore nous arrêter sur le seuil de la doctrine pure, catholique par excellence. Oubliant peu à peu la profonde unité du plan , aussi bien que la force des paroles de Jésus-Christ, nous nous mettons à rai sonner de nous-mêmes. Dans le secret , sans le vouloir, nous faisons comme une sorte de balance entre les deux espèces de pouvoirs. Nous pensons que les pouvoirs d 'ordre , ou de ministère, que les Évêques tiennent de Notre-Seigneur Jésus-Christ et qu'ils se transmettent eux-mêmes, sont, après tout, les pouvoirs importants : ils communiquent la Grâce, ils forment les chrétiens, ils pourvoient au salut, ils satisfont à la Foi. Au lieu que les pouvoirs particuliers du Saint-Père sont des pouvoirs de pure Juridiction : pour l'administration, pour l'ordonnance de l'Église , il faut que chaque Évêque reçoive la circonscription des âmes qu'il doit paître; c'est une affaire d'ordre extérieur, de distribution de ministère, enfin de Primauté d'honneur. L'épiscopat demande un centre et une autorité , parce qu'il de mande une unité. Mais, comment partir de là et se faire illusion au point de comparer les pouvoirs augustes, sanctifiants et tout divins que les Évêques, y compris l'Évêque de Rome, tiennent directement de Jésus-Christ, avec des pouvoirs ordinaires confiés à S. Pierre pour maintenir l'unité parmi les enfants de la Foi? Comment de ces pouvoirs , naturels à toute société sur la terre , déduire une Omnipotence spirituelle du Saint-Père sur des Évêques de droit divin comme lui , et en possession d'un caractère qu'il ne peut même leur ôter? Surtout, comment déclarer , dans le Saint-Père , une pareille Autorité irréformable , parfaitement  souveraine, parfaitement au-dessus de la leur en fait de discipline et de Foi? Certes, le Pape est le premier évêque; mais ils sont Évêques aussi !

Assurément. Mais pour être Évêque , la condition inévitable, c'est d'appartenir à l'Église, c'est de résider dans la Foi. Or, pour appartenir à l'Église, il faut bien être lié (1) à celui sur qui est bâtie l'Église; et pour ré sider dans la Foi , être réellement soumis à celui dont la Foi ne faillira pas. . . A-t-on vu si les Évêques ou si les prêtres peuvent d'eux-mêmes habiter dans la Foi , d'eux-mêmes demeurer dans l'Église? A ce compte, Luther serait encore dans l'Église ; jamais prêtre , jamais Évêque n'aurait pu sortir de la Foi. N'interrogeons que l'histoire. Presque toujours ce sont des prêtres, très-souvent ce sont des Évêques qui ont produit les plus funestes hérésies ; des Évêques en grand nombre qui s'en sont déclarés les plus ardents , les plus obstinés défenseurs; ce qui, d'après l'histoire, s'est vu des prêtres , des Évêques , et jamais du Saint-Père. . .

D'après la seule expérience, les Évêques et les prêtres ne possédant point, par devers eux, le pouvoir qui maintient dans la Foi, il faut bien qu'ils viennent se fixer dans celui qui a expressément reçu ce pouvoir ; se fixer dans celui que , pour cela même , Jésus-Christ a nommé d'après lui le roc , afin d' affermir ses Frères , et s'y fixer par les racines d'une invincible obéissance. En effet, il ne leur a pas été donné la Foi qui ne faillira pas, mais il leur a été donné d'enseigner cette Foi aux nations! Et remarquez bien, il ne s'agit pas de maintenir l'unité parmi les enfants de la Foi; mais de maintenir la Foi parmi ceux qui sont appelés à l'unité (2).

Ce n'est donc pas seulement pour établir l'Ordonnance visible qu'existe la haute Juridiction, mais pour établir la doctrine, l'Ordonnance invisible. Ce n'est donc pas pour la simple unité extérieure, mais pour l'unité intérieure et la réalité même de la Foi : unité qui est la subs tance et la force de l'autre. Aussi l'Infaillibilité est-elle une prérogative distincte et du Ministère et de la Juridiction ; l'Infaillibilité est un pouvoir radical, et le pivot précisément placé sous le pouvoir de Juridiction. Oui, pouvoirs de Ministère, pouvoirs de Juridiction, et pouvoir d'Infaillibilité : comptons bien les trésors de l'Église !...

Est-ce qu'une société comme l'Église peut exister et peut agir en dehors de l'Infaillibilité? Certainement, il lui faut un pouvoir comme à toute société possible, mais c'est un pouvoir dans la vérité... Jésus-Christ, image de l'Église , mit la base avant l'édifice : Je suis la voie, la vérité, dit il, et la vie. (La voie, c'est par lui qu'on arrive au Père ; la vérité, c'est lui dès lors qu'il faut connaître la vie, c'est par lui qu'elle arrive à tout.)

L'Infaillibilité est la racine de l'Église, la sève de la doctrine, la moelle de l'Épiscopat. On ne dit pas pour cela que le Saint-Père soit tout dans l'Église ; mais, qu'il est la condition de toute l'Église ; qu'il est la Pierre sur laquelle elle est bâtie, Celui qui paît les Brebis, Celui qui confirme ses Frères, le Docteur de tous les chrétiens, la Foi qui ne faillira pas ; rien de plus... Et, bien que par la Clef qu'il a en mains, il agisse encore dans tous les pouvoirs et dans tous les sacrements, puisqu'ils seraient illicites hors de lui, on ne prétend point cependant que le Saint-Père se trouve sous chaque pouvoir, sous chaque sacrement ; mais, qu'il se trouve sous toute l'Église qui dispose de ce pouvoir, qui administre ce sacrement!!. Et, ce que vous nommiez en Lui un pouvoir ordinaire, est tout simplement le pouvoir extraordinaire de maintenir la vérité chez les hommes ! ce que vous appeliez une autorité naturelle à toute société, est tout simplement l'autorité surnaturelle que Dieu prête exclusivement à l'Église pour la maintenir dans la Foi , c'est-à-dire pour la maintenir Église et nous conduire au salut !

Et Jésus-Christ serait sur la terre que les choses ne se passeraient pas autrement : il faudrait bien qu'il déléguât les pouvoirs sacrés aux Évêques, pour qu'ils pussent étendre l'Église à tout l'univers, et qu'il conservât néanmoins l'autorité de Juridiction en lui-même, qu'il demeurât le Chef visible, pour les maintenir dans la Foi et pour que l'on reconnût à leur obéissance, à leur étroite union, ceux dont il est la vigne et qui restent ses branches ! Enfin, s'il devenait nécessaire de fixer plus solidement un dogme dans leur esprit ou dans celui des fidèles, il faudrait bien qu'il s'y prît de quel que manière : soit en les rappelant autour de lui, soit en leur adressant ses décisions souveraines (1) Car, lorsque nous arrivons à la suprême comparaison, à savoir : « Jésus-Christ est le Chef invisible de l'Église, et Notre Saint-Père en est le Chef visible, » que disons-nous? sinon que le Chef visible remplit complétement pour nous les fonctions du Chef invisible? Autrement, à cette grande question : Quel est le Chef visible de l'Église ? nous ne répondrions que des mots...

Enfin, la Hiérarchie est reconstruite dans notre esprit comme elle est établie dans les faits. Voyons-en les effets sublimes.

1. « Le fait seul de S. Pierre , déclaré la Pierre fondamentale , prouve qu'il reçut l'Infaillibilité. Que Opstraet prouve, s'il le peut, que l'Infaillibilité ne résulte pas pour Pierre de sa qualité de fondement! » Triomphe du Saint-Siège ; De l'Infaillibilité du Pape, par Mgr Capellari, depuis Grégoire XVI.

2. « Ce Pouvoir, supérieur à tout, et par sa nature toute divine , et par la sainteté de ses fonctions, et par la fin spirituelle qu'il se propose, est communiqué à tous les Évêques, mais sans être divisé, pour assurer l'unité de l'Église par l'obéissance à son Chef visible. » Mgr l'arch. J. de Mosquera.

1. Çommunione consocior. S. Jérôme.
2. Car la première proposition inclinerait au protestantisme , en ce qu'elle supposerait que la Foi se maintient d'elle même en eux , et qu'il ne s'agit que de les organiser dans l'unité , comme le croient les Protestants avec leur église invisible, qui rencontre les saints tout faits.

1. Ainsi que cela s'est passé dernièrement encore et d'une manière touchante, lors de la proclamation du Dogme de l'Immaculée-Conception.
Le cardinal Brunelli, assisté des cardinaux Santucci et Caterini, présidait la congrégation des Évêques que H. S. P. Pie IX avait appelés. Il commença par déclarer : « Que le Saint-Père n'avait aucunement l'intention de convoquer un Concile, mais seulement d'entendre l'avis des Évêques présents sur le projet de rédaction de la Bulle. » Sur la fin du dernier Consistoire , le cardinal Brunelli demanda s'il restait encore quelque réflexion à émettre. Un membre de l'Épiscopat français proposa d'ajouter ces mots à la teneur du Décret : Annuentibus omnibus Episcopis... Un véritable cri de désapprobation s'éleva dans l'auguste assemblée ; il n'y eut qu'une voix pour repousser cette proposition. Le consistoire fut levé pendant que circulaient ces mots remplis de Foi : Petrus solus loguatur, Petrum solum sequamur.

Dans l'ouvrage publié à ce sujet par S. Ém. le cardinal Gousset , intitulé : La Croyance de l'Église sur l'Immaculée-Conception de la B. Vierge Marie, on peut lire ce qui suit : « C'est au Saint-Siège , c'est au Pape à juger de l'opportunité de la manifestation et de l'enseignement d'une vérité qui n'a pas encore été définie comme article de Foi : soit qu'il confirme par son Autorité la définition d'un concile, soit que, sans recourir à une assemblée conciliaire, il définisse et décrète la croyance sous peine d'anathème. C'est ainsi qu'on l'a toujours compris dans l'Église ; c'est ainsi qu'animé du même esprit que ses prédécesseurs, N. S. Père Pie IX l'a entendu dans son mémorable décret sur l'Immaculée-Conception. Il avait consulté , il est vrai , le Sacré-Collège et les Évêques de la chrétienté ; mais il s'était réservé de juger lui-même, et sur la vérité, et sur l'opportunité d'une définition solennelle , et sur la teneur du décret. En demandant leur avis aux Cardinaux et aux Évêques, il a fait un acte de cette haute sagesse qui distingue le Siège Apostolique; en décrétant le dogme, il a fait un acte de l'Autorité suprême qu'il tient de Dieu... Certainement les Évêques sont juges de la Foi , mais leur jugement est subordonné à celui du Vicaire de Jésus-Christ , du Successeur de Pierre , qui a reçu de Notre-Seigneur l'ordre de paître les agneaux et les brebis. »

Plus loin, son Éminence rend témoignage en ces termes à l'orthodoxie de ses collègues : « Tous les Évêques, de quelque nation qu'ils fussent, ont adhéré d'avance, sans restriction, sans réserve aucune. au décret qui SERAIT porté par le Souverain-Pontife sur l'Immaculée-Conception de la B. Vierge Marie. On peut d'ailleurs juger de leurs sentiments sur ce point par la correspondance de l'Épiscopat catholique, imprimée à Rome avec l'agrément de sa Sainteté et de tous les Prélats qui ont exprimé le désir d'une définition. Il n'en est aucun qui ait réclamé la CONVOCATION D'UN CONCILE, aucun qui ait cru un concile NÉCESSAIRE, malgré la très-grande importance de cette question, que le concile de Trente lui-même n'avait pas cru devoir définir. Et, à l'exception de quatre ou cinq au plus, qui semblaient faire dépendre leur adhésion du jugement de la majorité de leurs col lègues dans l'épiscopat, tous les Évêques, quel que fût leur sentiment tant sur la définibilité  que sur l'opportunité, déclaraient s'en rapporter à l'Autorité suprême du Successeur de S. Pierre, qu'ils regardent comme celui qui tient la place de Jésus-Christ, comme le Pere et le Docteur de tous les chrétiens : les décrets émanés de la Chaire Apostolique étant irréformables , infaillibles, obligatoires pour les fidèles comme pour les prêtres, pour les prêtres comme pour les Patriarches et les Cardinaux, » etc.

Dans cette faible exception semblait se rencontrer Mgr de Mosquera, archevêque de Bogota, par suite d'un passage mal interprété de sa lettre à S. S. Pie IX. Mais il faut voir avec quelle chaleur et quelle indignation l'accusation fut repoussée ! Voici le passage soupçonné : « Quoique le dernier de tous, j'ose prier votre Sainteté de proclamer du haut de la Chaire Apostolique, comme Chef à qui Dieu a donné l'Infaillibilité, et qui est uni par le consentement unanime au corps de l'Église dispersée, que Marie, Mère de Dieu, etc. » Il est évident, s'écrie la réclamation, a que Mgr de Mosquera n'a pas entendu dire, ne pouvait pas dire et n'a pas dit que le Pape a reçu le don de l'Infaillibilité comme Chef uni, par le consentement unanime, au corps de l'Église, et que, dans ces expressions - « Et qui est uni en parfaite unanimité de sentiment avec le corps, » etc., il parlait pertinemment des sentiments unanimes des Églises particulières, que la dévotion du Souverain Pontife désirait de connaître de plus en plus. Comment, en vérité, concevoir le Pape infaillible, ET FAIRE DÉPENDRE SON INFAILLIBILITÉ d'un certain consentement unanime du corps de l'Église ? Où Notre-Seigneur aurait-il mis une telle condition limitative à l'Infaillibilité promise à Pierre? »— Après avoir cité des lettres et des mandements admirables où Monseigneur avait placé cette vérité au-dessus de tous les doutes, on ajoute: « Et qui croira jamais que l'archevêque de Mosquera ravalait le Souverain Pontife au rôle d'un président de congrès dont l'Infaillibilité serait réduite à proclamer la décision d'une certaine majorité, après avoir constaté le nombre des voix? » (Apologie de Mgr J. de Mosquera, archev. de Bogota, adressée à S. Émin. le card. Gousset, par M. P. de Mosquera, avec l'assentiment de son Émin. Mgr Gousset et de Sa Grand. Mgr de Salinis.)




A suivre...CHAP. LXI. EFFETS SUBLIMES DE LA HIÉRARCHIE.
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Message  Monique Ven 28 Oct 2016, 7:23 am

CHAP. LXI.


EFFETS SUBLIMES DE LA HIÉRARCHIE.



Si tout pouvoir vient de Dieu , il faut que le canal qui transmet le pouvoir se maintienne. Telle est, nous l'avons vu, l'importance métaphysique, ou en soi, de la Hiérarchie, et la nécessité de l'indissoluble union entre les anneaux de la chaîne. Le fluide électrique se perd lorsque se rompt le fil conducteur. Les raisons métaphysiques sont les nécessités mêmes de l'être, et je n'ai rien trouvé de plus métaphysique en réalité que les choses sacrées et la constitution de l'Église. Alors donc que la Hiérarchie est rompue , ce qui vient après elle est mort. La branche séparée du tronc se dessèche. Rien de plus clair, de plus réel, de plus conforme à la nature, ou au principe de cette première nature qui est l'être en soi, et d'où découlent toute loi et toute vérité nécessaire.

Mais la Hiérarchie n'est pas seulement le moyen de transmission jusqu'à nous de la Vérité et du Pouvoir d'administrer les sacrements ; elle est aussi la condition de l'unité externe de l'Église. C'est parce qu'elle est la loi, qu'elle pourvoit à la forme ; ce qui fait la vie fait aussi la constitution extérieure. Trois choses sont nécessaires pour l'auguste unité de l'Église : 1° un centre commun; 2° un principe commun; 3° une autorité infaillible en celui qui fixe ce centre et ce principe communs.

Car si l'unité intrinsèque de la doctrine naît de sa vérité, de sa divinité, l'établissement de cette unité parmi les hommes ne saurait s'accomplir hors de ces trois points.

Si l'homme était UN, disait Hippocrate, il ne mourrait pas.  L'Église est une, précisément, de l'unité que rêvait Hippocrate. Car ici, ce n'est point l'unité dans le nombre, qui est l'unité collective, ni l'unité dans la variété, qui est l'universalité, mais bien l'unité dans l'essence, qui est l'identité : car c'est l'unité en soi de la pure lumière, l'unité même du vrai, l'unité même de Dieu. L'Église est une de l'identité ineffable de l'Infini, de la Perfection éternelle, qui est Dieu. « Dieu n'est qu'une très-simple infinie perfection, dit S. François de Sales, et cette très-uniquement souveraine perfection est un seul acte très-purement simple, lequel n'est autre chose que la propre essence divine (1)». A cause de cette identité si sainte, celle de la pure lumière, l'Église peut puiser sur tous les points de sa doctrine et y trouver partout la doctrine parfaite et la vérité pure ; ainsi, sur tous les points du globe, l'homme respire le même air et reçoit la même lumière. Voilà pourquoi cette unité pure , qui est celle de la Lumière, doit trouver ici-bas , pour s'y revêtir de l'unité visible : 1° ce centre commun, 2° ce principe commun, 3° cette autorité infaillible qui fixe ce centre et ce principe communs.... Quand l'homme considère le Corps de l'Église, il doit savoir que c'est un cep dont la racine est divine, dont la sève vient du Ciel.

Aussi l'hérésie a-t-elle été toujours impuissante, soit à former un corps, soit à se définir comme corps, soit enfin à établir une hiérarchie . Que se serait-elle transmis ? Elle ne naît donc jamais viable. Elle ne subsiste que par cette incessante destruction d'elle-même qui la fait incessamment reparaître sous un nom et un caractère nouveaux. Elle ne persiste qu'à changer. C'est un fleuve qui passe avec son flot de chaque jour; et c'est là ce qui trompe ceux qui ne jettent sur elle qu'un regard privé d'attention. Au fond l'hérésie s'aperçoit bien de sa nature, par ce fait, d'abord, qu'elle ne peut réussir à se définir comme Église, ensuite, qu'elle n'a pas la condition première d'une Société, l'autorité complète au faîte, avec des pouvoirs gradués qui la distribuent jusqu'à ses extrémités. Comme dans les corps, comme dans les globes, l'affinité s'étend du centre à la circonférence. Tout ce qui ne sort pas des mains de Dieu n'offre rien de semblable. Leibnitz a plus d'une fois déploré la situation des communions dissidentes.

C'est par ces trois liens : le centre commun, le principe commun, et l'infaillible autorité de celui qui est ce principe et ce centre, que les membres du CORPS de Jésus-Christ, suivant l'expression inspirée à S. Paul, sont rattachés ensemble, et doués dès lors d'une vie dont la source est dans l'Infini, dans l'union de ces trois Personnes divines, qui, selon la prière et le désir de Jésus , lui serviront de modèle : O mon Père , qu'ils soient un comme nous sommes un !

Nous l'avons remarqué, S. Paul en parlant de l'Église, éloigne immédiatement de nous l'idée d'une agglomération, en l'appelant à diverses reprises du nom de Corps. Et il sentait si bien toute la portée de l'expression, qu'il nommait les chrétiens les membres , la chair et les os de ce Corps du Sauveur, ajoutant aussitôt que « c'était là un grand mystère ». Cette idée d'une vie organique, c'est-à-dire d'une vie communiquée par le Verbe à l'Église, d'une vie qui se répand de Lui dans ses membres, rentre dans la pensée qu'exprimait souvent le Sauveur : « Je suis la vigne, et vous êtes les branches. »

Ce Corps auguste étant ainsi constitué par la Hiérarchie qui le relie à Dieu , la vie sacrée , la vie de Dieu , pénètre toutes ses fonctions. Rien n'est plus beau que la manière dont l'annonce S. Paul : « Le Seigneur, écrit-il tantôt aux Corinthiens, tantôt aux Éphésiens, a établi dans son Église , premièrement des Apôtres ; puis des Pasteurs et des Docteurs ; puis ceux qui ont le don de guérir, le don d'assister les affligés, le don de gouverner, etc., afin qu'ils travaillent tous aux fonctions de leur ministère , à l'édification du Corps de Jésus-Christ. Car nous ne sommes tous qu'un seul Corps en Jésus Christ, et c'est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses. Par là, il se fait une connexion de toutes les parties unies ensemble, avec une telle proportion qu'elles en reçoivent, au moyen des vaisseaux qui portent l'Esprit et la vie, l'accroissement et la perfection dans la charité.... Vous êtes comme un édifice bâti sur le fondement des Apôtres, dont Jésus-Christ est lui-même la Pierre d'angle. C'est sur lui que tout l'Édifice s'élève et s'accroît ; et c'est par lui que vous entrez dans la structure de cet Édifice et devenez le sanctuaire où Dieu réside. C'est pour cela même que j'ai reçu mon ministère, moi Paul ; c'est pour cela que je fléchis les genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ , de qui toute paternité découle dans le Ciel et sur la terre. Conservez donc l'unité d'un même esprit, car vous n'êtes qu'un Corps et qu'un esprit, de même que vous avez tous été appelés à une même espérance. Il n'y a qu'un Seigneur, qu'une Foi, qu'un baptême. »

« Le Sacrement de l'Ordre, ou de la Hiérarchie ecclésiastique, dit Leibnitz, insistant sur la réalité d'un pareil Sacrement, est celui par lequel le pouvoir divin est conféré, à des degrés distincts , aux hommes dont Dieu se sert pour dispenser la grâce des sacrements , instruire les hommes et les diriger dans l'Unité de la Foi, de l'obéissance et de la charité. Cette Hiérarchie des ministres de l'Église comprend depuis le degré préparatoire jusqu'au rang suprême du Souverain-Pontife, que nous devons tous regarder comme institué de Droit divin. Ainsi les prêtres sont ordonnés par l'Évêque ; mais l'ÉVÊQUE à qui est commis le soin de l'Église entière, auquel Dieu a donné l'Autorité de la Juridiction, et surtout l'usage des Clefs, a même le pouvoir de limiter le ministère du prêtre. » A moins de dérober la plume du saint Aréopagite, comment exposer ici l'Ordre magnifique et la sainte discipline de l'Église, discipline  

Non , je ne saurais dire cette Ordonnance , divine dans sa source, dans sa nature, dans ses pouvoirs et dans ses liens, qui établit l'union des fidèles avec les pasteurs, de tous les membres avec le Chef, au sein de ce Corps animé de Dieu même , terrible comme une armée rangée en bataille. Je sais seulement que tous ceux qui veulent prendre vie dans ces artères divines participent à l'être et à la vie de nature céleste de ce Corps, qui n'est appelé mystique que parce qu'il est réel dans l'Infini. Aussi bien, n'ai-je voulu donner de l'Église et de son Infaillibilité qu'une démonstration métaphysique, qu'une appréciation en quelque sorte humaine, prise de notre point de vue, sachant m'arrêter au seuil de l'auguste science. Je ne signalerai plus que deux ou trois points , qui s'échappent eux-mêmes du sujet. J'indiquerai d'un mot les effets extérieurs de la sainte Hiérarchie, puis les conditions temporelles d'existence de cette Église et de cette Hiérarchie sur la terre.

La nature, dans tous les corps organisés, en même temps qu'elle répare, élimine ce qui lui est inutile ou nuisible. Le prêtre, ou le fidèle, qui fait obstacle à l'unité, qui sort de l'enseignement de l'Église, est rejeté de son sein ou rappelé à la Foi. La nature organique rejette les corps morts. C'est une fonction naturelle à la Hiérarchie. L'hérésie ne l'a pu produire (1) . La Hiérarchie rend l'Église toute sainte et toute vivante. Sous l'impulsion du Saint-Esprit, constamment elle opère les trois grandes fonctions : innervation , circulation , élimination. C'est parce que le prêtre est enté comme une branche dans l'arbre de Jésus-Christ, qu'il porte exactement les mêmes fruits. Même racine, même sève, même soleil, mêmes fruits!

Et c'est parce que le moindre prêtre qui se détache de l'enseignement est aussitôt interdit par l'Évêque (comme, en pareil cas, l'Évêque le serait par le Saint-Père), que le simple curé, au sein de nos campagnes, est écouté comme l'Église ; que le simple curé possède l'autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et voilà ce que c'est qu'un prêtre ! C'est ainsi que, sur chaque point, l'Église est toute présente, comme l'âme sur tous les points du corps, comme Dieu , avec toute sa divinité, est présent sur tous les points de son Être. Cette double et sainte opération s'accomplit depuis dix-huit cents ans , à l'admiration du monde. Le CORPS qu'anime Jésus-Christ a pu seul remplir l'auguste fonction d'enseigner les nations dans l'unité de la doctrine, avec un pouvoir avéré et dans les vertus qu'elle inspire.

Voilà le prêtre ! voilà le fruit de la divine Hiérarchie ! Et que cette pensée, qui illumine le chrétien en transfigurant son Église, soit écrite en lettres d'or aux yeux de tous les hommes jaloux de leur dignité ! Par la divine Hiérarchie, l'homme n'obéit qu'à Dieu. Et c'est ainsi que l'homme est libre : que ses actes procèdent de sa volonté, sa volonté de sa conscience , sa conscience de la vérité. Et c'est ainsi que l'Église, s'interposant devant notre âme, vient empêcher l'État de l'étouffer, de la remplacer par la loi. Et l'Europe, la plus noble partie du monde , peut s'écrier : Je suis catholique , parce que je suis dans le bon sens, parce que je suis reliée à Dieu, et que par la Hiérarchie, je vis de la vie et de la loi de Dieu !

« Nations approchez-vous de Jésus-Christ, de la « PIERRE VIVANTE : et vous-mêmes, comme des pierres « vivantes , soyez édifiées sur lui pour former l'édifice « spirituel (1) ! »

Ah ! c'est bien moins pour rappeler à ces prêtres les vertus qu'ils doivent avoir , que pour les bénir de toutes les vertus qu'ils ont, que dans sa noble Encyclique du mois de mai dernier (1857), le Souverain Père leur adresse ces immortelles paroles : « Que les prêtres se distinguent par cette intégrité et cette gravité de mœurs, par cette innocence, par cette perpétuelle sainteté de vie qui convient si bien à ceux qui ont seuls reçu le pouvoir de consacrer la divine Hostie, d'accomplir le saint et redoutable Sacrifice. Que, pensant toujours sérieusement au ministère qu'ils ont reçu dans le Seigneur, qu'ayant toujours présents à l'esprit le pouvoir céleste et la dignité dont ils sont revêtus, ils brillent autant par l'éclat de toutes les vertus que par le mérite de la saine Doctrine; que, voués tout entiers aux choses divines et au salut des âmes, s'offrant eux-mêmes au Seigneur comme une hostie vivante, et portant toujours dans leur corps la mortification de Jésus, ils offrent dignement à Dieu, avec des mains et un cœur purs, l'Hostie de propitiation pour leur propre salut et pour celui du monde entier ! »

Pour moi, connaissant les hommes, l'infirmité des faits, la débilité de ce monde, je suis tous les jours plus surpris de voir des choses si belles sur la terre...

Mais je touche à la fin de ma tâche. J'ai étudié l'Infaillibilité dans la raison; je l'ai étudiée dans le fait, c'est-à-dire dans l'Église ; je l'ai étudiée dans sa racine, c'est-à-dire dans le sein où le Sauveur l'a déposée en quittant la terre. Ce sont nos propres divisions , bien que je ne les aie point cherchées, et que je sois entré dans la route qu'avait primitivement et spontanément suivie mon esprit (1). Ou, si l'on veut, dans la Première partie , on trouve la démonstration rationnelle; dans la Seconde, la preuve par le fait; dans la Troisième , la source d'où elle se répand sur la terre. Je n'offre en définitive qu'une pensée. D'ailleurs, je n'ai pas le droit d'enseigner. Je ne suis qu'un homme du monde, qui n'a pu certainement en dépouiller toute l'erreur , mais qui ne peut passer devant la vérité sans un frisson de joie.

Après avoir étudié l'Église en elle-même , dans ses conditions divines d'existence, il reste à dire un mot des conditions temporelles de sa Hiérarchie. De là nous ferons l'application de ces grandes vérités, que Jésus-Christ nous garantit , à la situation où se trouvent aujourd'hui les Sociétés modernes. Et ce sera la CONCLUSION.

1. S. François de Sales, de l'amour de Dieu, liv. II, ch. II : Qu'en Dieu il n'y a qu'un seul acte, qui est sa propre divinité.
1. Pour les atteindre, sait-elle où sont ses membres? Et pour les diriger, sait-elle où est la vérité?
1. Offertoire de l'Octave du Saint-Sacrement. Rituel de Paris.
1. Soit dit sans préjudice du blâme qui s'attache ici aux lacunes et aux autres défauts de l'auteur. Mais redoutant surtout les résultats artificiels, je n'ai rien commandé à mon esprit ; j'en ai tout reçu, au contraire : préférant, à ce que fait l'homme, ce qui se fait en lui...



A suivre...CHAP. LXII. ATTEINTE A LA HIÉRARCHIE, ATTEINTE A NOTRE CIVILISATION...
Monique
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