L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Est-il bien vrai que Dieu soit ainsi tout entier en chaque partie de l'univers ? On peut l'affirmer des choses morales, pourquoi pas de lui ? La justice est ici ce qu'elle est là, sans diminution ni augmentation. La vertu est à Rome ce qu'elle est à Paris. L'amour maternel est pour le cœur d'une Française ce qu'il est pour l'Indienne sauvage. Partout la bonté, la majesté, la force, la douceur se présentent à l'esprit de l'homme sous les mêmes traits ; parce que, répétons-le, les choses morales sont en tout lieu tout ce qu'elles sont par nature. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi de Dieu qui est la justice même, la bonté même, la sainteté même, la subsistance infinie de toutes les vertus ?
Déclarons-le donc avec l'apôtre saint Paul : Il n'est pas loin de chacun de nous, car c'est en lui que nous vivons, que nous nous mouvons et que nous sommes (Act. XVII, 27, 28.). Et quelle consolation pour une âme, si cette âme se sent le besoin d'autre chose que de ces riens, grands et petits, dont on s'occupe en ce bas monde ! Quelle joie pour moi lorsque le soir, fatigué des hommes et de moi-même, je retrouve dans ma chambre solitaire Celui qui m'a créé et à qui je puis parler ! Quel soulagement pour mon cœur d'homme lorsque, subitement atteint par le glaive de la douleur morale qui blesse incessamment tous les pauvres humains, je ferme les yeux pour mieux voir au dedans de moi-même le Dieu qui se tient tout près de ma blessure et veut écouter ma plainte !
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Quelle force au moment de la tentation, si j'ai le bonheur de penser que Dieu me voit ! Et surtout, quelle source intarissable d'oraison et de sainte conversation dans cette immuable présence de Celui qui s'est fait appeler le vivant et le voyant (Gen. XXIV, 62.) ! Que les hommes fassent de moi ce que bon leur semblera ; qu'ils me privent de la douce conversation d'une mère ; qu'ils m'arrachent aux salutaires entretiens d'un père vénéré ; qu'ils m'enlèvent mes proches, mes amis, tous mes semblables, et qu'ils m'ensevelissent tout vivant dans l'horrible solitude d'un cachot impénétrable ! Ils auront beau faire ; si je ne veux pas être seul, je ne serai pas seul. Car là je trouverai à qui parler ; là je retrouverai mon père, mon père qui est au ciel, mais qui est aussi dans la prison où gémit son enfant et sur le lit de douleur où il souffre.
Où irai-je, s'écrie le Prophète-Roi, où irai-je pour être loin de votre esprit qui entend tout ? Comment pourrai-je me soustraire aux regards de votre face ? Si je monte au ciel, vous êtes là ; si je descends dans les enfers, je vous y vois présent. Si, dès l'aurore, je me hâte de prendre des ailes pour m'en aller habiter les extrémités de la terre, ce sera votre main qui me guidera dans ce voyage, et votre droite me soutiendra dans ce vol audacieux. Alors je me suis dit : Peut-être les ténèbres me cacheront-elles assez pour que vous ne me voyiez plus ; peut-être la nuit sera-t-elle la seule lumière témoin de mes délices coupables ? Mais non ! Les ténèbres ne sont pas ténèbres pour vous, et la nuit est pour vos yeux aussi lumineuse que le jour. Pour vous, telles sont les ténèbres, telle est la lumière. Vous possédez et vous scrutez le secret de mes reins. Dès le sein de ma mère, vous vous êtes emparé de moi... Vos yeux ont vu tout ce quil y a en moi d'imparfait, et tous nous sommes inscrits dans le livre de votre science éternelle (Ps. CXXXIII, 7-17.).
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Le voilà le secret de mon oraison ! C'est la paternelle opiniâtreté avec laquelle mon Dieu est partout où je suis, afin que partout je puisse lui parler. Mais hélas ! s'il est vrai qu'on ressemble à ce que l'on adore, bien juste est l'image que je trouve dans le prophète Isaïe, lequel nous compare indirectement à des taupes aveugles (Is. II, 20.). La taupe a pour séjour les entrailles de la terre, et là elle ne voit rien. Qu'y verrait-elle en effet ? Notre âme, elle aussi, est plongée dans le terrestre ; et, au fond de cette prison qu'elle se fait à elle même, elle ne voit pas son Dieu. Dès lors, la solitude lui pèse, et une heure passée sans qu'il y ait là quelque créature humaine est un tourment pour elle. Mais ceux dont les yeux se sont ouverts à la vérité vivent d'une autre vie. Ils ont pour confident Celui qui sait tout et qui nous aime, et ils peuvent dire avec saint Bernard : Je ne suis jamais moins seul que lorsque je suis seul (De vita sol. C. 4.).
Que dire maintenant de la présence de Notre-Seigneur Jésus-Christ au très saint Sacrement ? A la sainte Eucharistie s'applique tout entière cette parole par laquelle nous commencions : la proximité rend la présence plus sensible, mais la distance ne la rend pas impossible. Jésus-Christ sous les espèces du pain n'est pas partout comme l'essence divine. Souvent il n'est que notre voisin, notre concitoyen ; et il y a plus ou moins loin de nos demeures à ce tabernacle béni où il est accessible et le jour et la nuit. Mais, on vient de le répéter, la distance ne rend pas la présence impossible.
Quand un père et une mère voient leurs nombreux enfants rangés autour de leur table comme de jeunes oliviers, ils veillent à ce que ceux qui sont à l'extrémité soient aussi bien partagés que les aînés placés plus près du centre. L'œil et le cœur d'une mère sont assez prompts et assez aimants pour franchir la distance, et aller, en quelque sorte, partager la place de chacun dos enfants. Aussi la conversation et les joies de famille ne souffrent-elles nullement de cette séparation de quelques pas.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Ainsi en est-il, grâce à Dieu, de Jésus-Chiist au tabernacle. Sa très sainte humanité, comme nous l'enseigne saint Thomas, atteint par son activité divine tous les temps et tous les lieux comme si elle était toujours et partout présente (Sum. Theol. p. III q. XLIX, a. 1, ad 1.).
Elle est douée d'une subtilité et d'une puissance telles qu'aucun obstacle ne lui est infranchissable. Comme, après sa résurrection, cet Homme-Dieu revenait à ses apôtres sans que les portes dussent s'ouvrir, ainsi dans le très saint Sacrement son œil divin et l'oreille de son cœur percent les murs et franchissent les distances. De sorte que (goûtez cette vérité, âme chrétienne), du fond de votre demeure, vous pouvez sans illusion et sans fiction vous tourner vers le lieu où vous savez que se trouve Jésus-Christ, comme autrefois Daniel se tournait vers Jérusalem. Il vous entendra, croyez-le bien, et votre entretien, quoique fait à distance, n'en sera pas moins réel.
Cependant, j'en conviens, plus son voisinage est proche, plus la conversation avec lui devient facile. Personne n'a jamais nié que saint Jean, quand il reposa sur la poitrine du Maître, n'ait été plus favorisé que ses frères dans l'apostolat.
C'est pourquoi tous les saints, et en particulier saint Alphonse, ont enseigné que le lieu le plus favorable à l'oraison est une église où se trouve le très saint Sacrement. Durant la vie mortelle du Sauveur, les malades pour obtenir leur guérison devaient souvent s'approcher de lui et toucher ses vêtements. Ainsi maintenant encore le fidèle qui voulant lui parler aura le bon esprit d'aller le chercher en sa propre maison, y trouvera pour l'ordinaire plus d'intimité et plus de grâces. Là, non loin de l'autel, les yeux fixés sur le tabernacle, il pourra tout à son aise lui causer cœur à cœur. Là, il n'aura rien à envier aux heureux contemporains, qui autrefois dans la Judée purent le voir, le suivre et l'entendre. Du reste, contemporains, nous le sommes nous aussi, puisqu'il est avec nous jusqu'à la consommation des siècles.
Le démon avait donc tout intérêt de nous en priver ! ..Cependant : https://messe.forumactif.org/t568-avec-dieu-toujours#9235
D'ailleurs, c'est un châtiment que l'on s'est attiré.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Ne résistons pas au plaisir de citer, sur le sujet qui nous occupe, une page que saint Alphonse a écrite dans son incomparable livre des Visites au très saint Sacrement.
« Adorer l'Hôte divin du tabernacle, c'est, après la réception des sacrements, la première de toutes les dévotions, la plus agréable à Dieu et la plus utile à nos âmes.
« Mettez-vous donc, âme pieuse, à pratiquer cette dévotion ; renoncez aux vains entretiens avec les hommes ; et, fidèle désormais à vous rendre chaque jour dans une église, passez-y quelque temps, au moins une demi-heure ou un quart d'heure, en présence du Dieu de l'Eucharistie. Goûtez et voyez combien le Seigneur est bon (Ps. XXXIII, 9.). Oui, faites cette expérience et vous verrez quels grands avantages il vous en reviendra.
« Ah ! sachez-le, ce temps que vous passez à vous tenir avec amour devant le très saint Sacrement sera le temps le mieux employé de toute votre vie, et celui qui vous réjouira le plus à la mort et durant toute l'éternité.
« Sachez encore que vous gagnerez peut-être plus dans un quart d'heure d'oraison en face du tabernacle que dans tous les autres exercices spirituels de la journée. Sans doute, Dieu nous exauce en quelque lieu que nous le priions, suivant sa promesse : Demandez et vous recevrez (Joan. XVI, 24.). Mais, dit un grand serviteur de Dieu, c'est envers ceux qui le visitent dans son Sacrement que Jésus se montre le plus prodigue de ses grâces. Le bienheureux Henri Suson disait également que les prières des fidèles sont bien mieux accueillies par Jésus-Christ dans le tabernacle que partout ailleurs. Pour parler de beaucoup d'âmes saintes, où donc, si ce n'est au pied du saint Sacrement, ont-elles pris leurs plus belles résolutions ? Et vous-même, qui sait si vous ne prendrez pas un jour, en face du tabernacle, le parti de vous donner tout à Dieu.
« Je veux ici, du moins par reconnaissance pour mon Jésus au saint Sacrement, manifester une chose qui me concerne. Grâce à cette pieuse pratique de la visite au saint Sacrement, quoique accomplie avec tant de froideur et d'imperfection, je me trouve maintenant hors du monde, où j'ai, pour mon malheur, vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Bienheureux seriez-vous, si vous pouviez, plus tôt que moi, rompre avec le monde et vous donner tout entier à ce bon Maître, qui s'est donné tout entier à vous ! Oui, bien-heureux, je le répète, non seulement durant l'éternité, mais encore pendant votre vie.
« Croyez-moi, tout est folie dans le monde. Festins, spectacles, réunions, divertissements, voilà les biens que le monde procure. Mais quels biens, hélas ! puisqu'on n'y trouve que fiel amer et épines cruelles ! Croyez sur parole celui qui en a fait l'expérience et qui ne cesse de la déplorer. Au contraire, persuadez-vous bien de ceci : quand une âme se tient un tant soit peu recueillie en présence du très saint Sacrement, Jésus-Christ sait la consoler bien mieux que le monde ne peut le faire avec tous ses festins et toutes ses réjouissances. Pour celui qui a la foi et un peu de dévotion, quel pur et suave bonheur de se trouver devant le tabernacle, et de s'entretenir familièrement avec Jésus-Christ, qui demeure là tout exprès pour écouter et exaucer nos prières ! Quel bonheur de demander pardon des déplaisirs que nous lui avons causés, de lui exposer nos besoins, comme on le fait avec un ami en qui on a la plus entière confiance, de solliciter ses grâces, son amour, son paradis ! Et, par-dessus tout, quelle céleste félicité de s'épancher en actes d'amour envers ce Dieu, qui demeurant là, sur nos autels, prie son Père Éternel pour nous et brûle d'amour pour nos âmes ! Oui, c'est par amour qu'il consent à rester ainsi caché sous les voiles eucharistiques, méconnu et méprisé de tant d'ingrats. Mais pourquoi parler davantage ? Goûtez et voyez. » (S. Alph. Visites au S. Sacrement, inlrod., § I.)
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
S'il en est ainsi de Jésus-Christ près de nous dans le tabernacle, que dire de Jésus-Christ en nous par la sainte communion ? Notre-Seigneur, en quelque sorte jaloux de son Père et de l'avantage qu'il a d'être uni à nous dans le fond même de notre être, a voulu lui aussi s'identifier avec notre âme. Il a donc, dans sa divine sagesse, trouvé le moyen de pousser jusqu'aux dernières limites la proximité de sa divine présence, et d'ajouter au plaisir d'être près de nous celui d'être en nous. Assurément, si l'oraison est une conversation, son moment privilégié entre tons est celui de la communion. Comment en effet se taire quand on a en soi, tout vivant, celui qui est mort pour nous et qui un jour nous jugera ? Pour garder le silence en ces moments sacrés, il faudrait être tout à la fois aveugle, muet et sourd. Hélas ! c'est souvent notre cas : L'œil de notre foi n'est pas assez vif pour reconnaître dans notre âme celui qui s'y trouve ; nous n'entendons pas ce qu'il nous dit ; nous n'avons pas le talent de lui parler. L'oraison nous guérit de ces trois infirmités à la fois ; et peu à peu, à force de nous entretenir avec l'hôte de notre âme, le sentiment de sa présence nous envahit pour ne plus nous quitter.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Que penser maintenant de la présence de la très sainte Vierge ? Jusqu'à quel point est-elle réelle ? Question bien intéressante assurément, car ayant sans cesse à causer à cette bonne Mère, nous tenons à savoir si elle nous entend et comment elle nous entend.
Pour être bien compris sur ce point, avec la permission du lecteur recourons familièrement à une comparaison. Nous connaissons tous ce que l'on appelle la chambre obscure. Le spectateur curieux qui s'y enferme ne voit rien directement. Mais indirectement et au moyen d'un miroir il voit tout. La lumière du soleil, se mettant au service de sa curiosité, apporte à ses regards une foule d'hommes et d'objets divers, dont les moindres mouvements se produisent devant lui.
Image grossière du privilège accordé aux saints qui voient Dieu, notamment à la très sainte Vierge Marie. L'essence divine est comme un miroir, comme un véhicule sacré par lequel arrivent de la terre jusqu'aux bienheureux habitants du ciel le cri de notre prière et le spectacle de nos mains suppliantes. Pourquoi nous en étonner ? Si l'air qui nous entoure a la merveilleuse vertu de nous transmettre les sons et la lumière, comment la nature divine, qui est infiniment simple et vivante, ne pourrait-elle pas produire aux yeux de ceux qui la contemplent l'existence et la vie des personnes et des choses ?
Sans nous attarder dans ces explications, disons de suite que la très sainte Vierge, parce qu'elle voit Dieu plus parfaitement que toute autre créature, connaît aussi, mieux que personne, les hommes voyageant ici-bas vers leur éternité. Peut-il en être autrement ? Le Dieu qui nous l'a donnée pour mère, pouvait-il la condamner à l'impossibilité d'entendre ou de voir ses enfants ? Non ! non ! La distance du ciel à la terre n'empêche pas Marie d'être présente à nous et de nous avoir présents à elle.
Parmi nous, plus un homme a l'œil perçant et l'ouïe fine, plus il triomphe de l'éloignement pour arriver à la présence. L'écho suffit parfois pour nous apporter la parole humaine de bien loin. Comment croire que Dieu ne puisse pas faire résonner au plus haut des cieux l'Ave Maria, que nous récitons sur la terre ; et que la Reine du ciel n'ait pas le sens et le cœur assez grands pour suivre de l'œil et de la pensée tout ce qui se passe ici-bas, sur cette terre où elle est née, où elle a souffert et où le sang de son Fils a coulé ? Encore une fois, Dieu y a pourvu ; et l'oraison, quand elle s'applique à la sainte Vierge, a toute la réalité du colloque engagé entre la mère et l'enfant qui se regardent et jouissent d'être ensemble.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Les anges et les saints, puisqu'ils voient Dieu, entendent, eux aussi, ce que nous leur disons. Sous ce rapport-là comme sous tous les autres, Marie les surpasse indéfiniment. Mais leur clairvoyance et leur fraternelle attention n'en sont pas moins capables de saisir sans peine tout ce que nous leur adressons du fond de notre lointaine vallée. Il existe, outre le monde visible qui frappe nos sens, tout un autre monde supérieur, et c'est avec ce monde divin que s'entretient la conversation appelée oraison.
Nous nous sommes étendus sur ce point fondamental, parce que, ne l'oublions jamais, la foi en la présence des invisibles est le fondement de toute oraison véritable.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
CHAPITRE VII
LA LUMIÈRE DE LA FOI DANS L'ORAISON.
Qu'on nous permette une expression surprenante de familiarité, mais aussi vraie que surprenante. Faire oraison, c'est parler à ses parents.
Nous avons deux familles : une terrestre et une céleste. La première est composée de notre père, de notre mère, de nos frères, de nos sœurs. Dans la seconde nous avons aussi un père ; c'est celui à qui nous adressons tous les jours ces paroles : Notre Père qui êtes aux deux. Ce Père a un Fils qui est notre frère, dont saint Paul a dit : Il est le premier-né entre beaucoup de frères (Rom. VIII, 29.). Enfin au ciel nous avons aussi une mère. C'est celle que Jésus-Christ désignait à saint Jean par ce mot : Voilà votre Mère (Joan. XIX, 27.) !
Tels sont les parents à qui l'on parle quand on fait oraison. Ce bonheur est le mien, quand, me recueillant en moi-môme et me sentant en la présence de Dieu, je lui ouvre mon cœur avec tous ses secrets ; ou bien, lorsque, non loin du tabernacle, je m'entretiens seul à seul avec Jésus-Christ ; ou enfin, quand j'ai le bonheur de parler à la sainte Vierge, comme si de mes yeux je la voyais à mes côtés.
Mais, dira-t-on, pour converser avec cette céleste famille, il faudrait la voir. On ne parle pas à des absents, et on ne jouit de la présence que par la vue.
C'est une erreur, une erreur profonde, qui ne contribue pas peu à rendre l'oraison difficile. Beaucoup de personnes s'imaginent que quiconque se livre à ce saint exercice peut et doit tout d'abord se procurer une demi-vision de l'invisible, être saisi de la présence de Dieu comme on le serait d'une apparition, se sentir près de Jésus-Christ à peu près comme saint Jean pendant la Cène, et voir la sainte Vierge un peu comme l'a vue Bernadette. Avec une pareille méthode, l'oraison est impossible, parce que les efforts tentés pour se mettre en rapports sensibles avec l'insensible énervent l'esprit sans aboutir à rien.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Saint Paul nous dit : Si quelqu'un veut s'approcher de Dieu, il faut qu'il croie (Hebr. XI, 6.). Cela signifie que pour entamer conversation avec le ciel, il faut commencer par l'acte de foi. Voulez-vous, dans le secret d'une cellule solitaire, entrer subitement en communication avec la sainte Trinité elle-même, et vous écrier comme Jacob : Vraiment Dieu est en ce lieu et je ne le savais pas (Gen. XXVIII, 16.). Ne cherchez pas une sorte de vision des trois Personnes, comme quelques saints l'ont eue, une ou deux fois durant leur vie ; mais contentez-vous de cette parole : Mon Dieu, je crois ! je crois à votre sainte présence en ce lieu, et à la réalité de l'entretien que je vais avoir avec vous.
Que cette parole : Je crois ! soit également adressée à Jésus-Christ quand c'est lui que vous avez choisi pour interlocuteur divin, ou à la sainte Vierge, si l'entretien doit avoir lieu avec cette céleste Mère.
Et pourquoi recourir ainsi à la foi, toujours à la foi ? Pour une raison profonde qu'il faut expliquer ici.
L'âme humaine peut avoir trois sortes de lumières : celle du miracle, celle de la science et celle de la foi. La première fut donnée à saint Paul quand il vit de ses yeux Jésus-Christ sur le chemin de Damas. La deuxième fut départie aux philosophes païens qui connurent par la raison l'existence d'un Dieu. La troisième éclaira saint Pierre quand il déclara au Sauveur : Vous êtes le Christ, fils du Dieu vivant (Matth. XVI, 16.).
Or, il y a cette différence entre ces trois lumières, que celle du miracle, précisément parce qu'elle est miraculeuse, ne peut pas être le pain quotidien de notre esprit ; et que celle de la science ne nous impressionne pas, tandis que la lumière de la foi envahit peu à peu toute notre âme.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Qu'on en tente, si l'on veut, l'expérience ; que l'on conseille à deux hommes de s'occuper activement de la présence réelle de Jésus-Christ au très saint Sacrement. Que l'un s'y applique en savant ; que durant des semaines et des mois il étudie les docteurs pour s'amasser sur ce point un trésor de science, mais sans exercer sa foi ; que l'autre au contraire, sans dédaigner la doctrine, retourne souvent auprès du tabernacle, et que là il répète fréquemment la prière de l'aveugle de Jéricho : Je crois, Seigneur ; mais aidez mon incrédulité (Marc IX. 23.). Après avoir ainsi diversement travaillé, qu'ils reviennent, et qu'on les interroge.
Le premier sera réduit à répondre : J'en sais plus, mais je n'y pense pas davantage. Sur la vie eucharistique de Jésus-Christ parmi nous, je pourrais écrire un volume, et cependant je n'en suis ni pénétré ni saisi. Ma lumière est comme éteinte dans un coin de mon intelligence. Elle m'a rendu savant, mais elle ne me fait pas vivre.
L'autre au contraire sera en droit de s'exprimer de la sorte : Grâce aux actes de foi que si souvent j'ai répandus en présence de mon Dieu dans mes visites silencieuses au saint Sacrement, je sens que Jésus-Christ n'est plus pour moi un absent. Ma science sans doute ne s'est pas dèvoloppée, mais mon âme a trouvé un trésor bien plus précieux : un je ne sais quoi s'est formé en moi, et je puis affirmer que j'ai trouvé Jésus-Christ. Jusqu'ici il était près de moi, mais je n'étais pas près de lui ; je le possédais sans le posséder ; je ressemblais à l'homme qui dort, et qui dormant ne pense pas. Maintenant ma foi s'est réveillée. Quoique je ne voie pas mon Dieu, je jouis de sa présence, et ce seul mot : Je crois ! est devenu pour moi lumineux comme une vision.
C'est qu'en effet, comme le soutient saint Augustin, l'intelligence est la récompense de la foi (Epistola CXXXVII, 15.) ; non pas de la foi qui dort, mais de celle qui veille et qui répète sans cesse : Je crois, mon Dieu, je crois ! A force de croire ainsi, on arrive à une sorte d'intuition surnaturelle des êtres invisibles, et dès lors il devient facile de s'entretenir avec eux.
Voilà pourquoi toute oraison solide et vraie commence par la foi en la présence de celui avec qui l'on veut converser.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Essayez de cette méthode, ô vous qui avez la noble prétention de parler à votre Dieu. Répétez-lui, en l'abordant, que vous croyez fermement qu'il est là, tout vivant et prêt à vous entendre. Imitez ce saint religieux qui ne rentrait jamais dans sa cellule sans y faire une génuflexion devant la sainte Trinité qu'il croyait là présente. Imitez ce vertueux prêtre qui chaque fois qu'il faisait une génuflexion devant le saint Sacrement, y joignait intérieurement un acte de foi vive et ardente. Imitez cette pieuse fille qui ne commençait jamais son chapelet sans répéter à la sainte Vierge : ma Mère, je crois fermement qu'en disant Je vous salue Marie, je dirai la vérité et que vous m'écouterez ! Imitez enfin tous les justes, dont saint Paul fait cet éloge : Ils ont vécu de la foi (Heb. X, 38 ; cf. it. XI, 3-31 passim.) ; et la lumière qui les a nourris vous nourrira de même.
Seulement veillez à ce que cet exercice de la foi soit tranquille, fort et simple. N'y introduisez ni agitation ni empressement ; n'exigez pas que cette foi devienne subitement ardente et éclatante. Laissez la lumière se développer peu à peu dans votre âme comme celle de l'aurore. Pour qu'elle se développe ainsi, faites vigoureusement vos actes ; chaque fois que vous croirez, croyez de tout votre cœur, mais simplement, sans raisonner, sans hésiter, sans vouloir ôter le bandeau qui vous couvre les yeux, aimant au contraire à ne pas voir, parce que bientôt vous verrez davantage.
Résumons tout par un mot : Quiconque tentera de se livrer à l'oraison mentale en commençant chaque fois par croire fermement qu'il parle à Dieu, ne tardera pas à sentir qu'il réussit ; et le succès l'encouragera à persévérer dans cette voie qui conduit au ciel.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
CHAPITRE VIII
ENSEMBLE DES CONDITIONS DE l'ORAISON.Pour plus de clarté et de précision, attachons-nous dans ce chapitre à résumer l'ensemble des conditions de l'oraison.
Les Jansénistes ont attribué à la religion un caractère affreux : ils ont fait de Dieu un implacable maître, de Jésus-Christ un Sauveur avare de son sang, de la sainte Vierge un personnage presque indifférent, de la confession une torture, de la communion une faveur inabordable, de la prière une industrie douteuse, du salut une entreprise subordonnée au fatalisme ; tout cela pour dégoûter les âmes et les condamner au mal par la privation du bien.
Sans vouloir établir aucune comparaison injurieuse, je redirai néanmoins que plusieurs auteurs, écrivant sur l'oraison, l'ont également dénaturée et rendue presque impraticable. Ils en ont fait une opération sèche et exclusive de l'esprit, une sorte de lecture raisonnée, durant laquelle l'intelligence, et elle seule, produit son fruit : quelques réflexions et rien de plus.
Ce travail intellectuel tout solitaire n'est pas l'oraison, pas plus que la taciturnité n'est la conversation.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Faire oraison, c'est s'entretenir en famille. Rappelons que nous avons deux familles : celle de la terre et celle du ciel. Dans celle-ci notre Dieu est notre père, le Fils de Dieu est notre frère premier-né, la Mère de Dieu est notre mère, les serviteurs de Dieu sont nos frères. Cette famille est vivante ; toujours et partout nous pouvons lui parler. Dieu est près de nous et en nous ; Jésus-Christ, du haut du ciel et du fond du tabernacle, nous entend et nous suit ; la sainte Vierge ne perd pas une seule des paroles du dernier de ses enfants. Notre conversation est dans le ciel (Phili. III, 20.), s'écrie l'apôtre saint Paul, et cette conversation c'est l'oraison.
Elle est basée sur la foi, sur la pure et simple foi. Ici déjà l'on commence à difformer l'oraison : on se figure que, pour causer à cette famille invisible, il faut voir ou au moins percevoir ; que l'on ne peut guère, par exemple, s'entretenir avec le saint Sacrement sans être pénétré de la présence de Jésus-Christ. Erreur ! Souvent, plus vous voudrez sentir, moins vous pourrez parler. Contentez-vous de croire, mais croyez fermement ; avant de lier conversation, dites, avec autant de tranquillité que de force : Jésus Christ, je crois ! je crois à votre présence et à la réalité de votre entretien. A force de croire ainsi vous finirez par avoir comme l'intuition de l'invisible, et la présence de vos divins interlocuteurs vous deviendra aussi claire que celle d'une personne placée près de vous, mais cachée derrière un voile.
Le ton propre à l'oraison est la familiarité. Comment en serait-il autrement puisqu'on est en famille ? Entre parents il serait ridicule de faire des phrases et de l'émotion à tout propos. Que penseraient un père et une mère si leurs enfants, s'asseyant à leur table, ne disaient pas un mot avant de s'être échauffé le sang afin de pouvoir parler avec des larmes dans les yeux ? Ainsi Dieu notre Père, Jésus-Christ son Fils et notre Mère Marie gémissent quand ils constatant que nous rendons nos rapports avec eux quasi impossibles, à force de vouloir y mettre des formes et de l'extraordinaire. Tranquillement, pacifiquement, bonnement, converser avec Dieu sur le ton d'un ami s'entretenant avec son ami ; voilà l'oraison.
Ce qu'il y a de plus touchant, c'est que cet entretien est essentiellement personnel, intime. Tout homme peut faire oraison, mais chacun doit conformer la sienne à son état de conscience, à sa position, à ses sentiments actuels.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Sur le Calvaire plusieurs personnages ont parlé à Jésus-Christ, mais chacun à sa manière. Sa Mère lui a parlé en mère. Elle lui a dit : Jésus, vous êtes mon Fils comme vous êtes le Fils de Dieu. M'unissant à votre adorable Père et à vous, je consens à votre mort pour le salut du monde. A côté d'elle Madeleine a aussi parlé, mais en Madeleine. Elle n a pas pris le langage de l'innocence, mais celui de la pénitence : c'était le sien. Jean était le disciple bien-aimé ; il a fait l'oraison du disciple bien-aimé. Le Larron était larron ; il a parlé en larron converti. Tant il est vrai que tous peuvent s'adresser au Sauveur, pourvu que chacun reste soi et sincère.
D'après cela, demanderez-vous, le pécheur peut faire oraison comme le juste ? — Eh ! pourquoi pas ? Où avez-vous vu dans l'Évangile que le coupable ne pouvait pas parler à Jésus-Christ ? Où avez-vous lu qu'au moment où le pharisien Simon fit remarquer à Jésus combien Madeleine était pécheresse, le Maîlre lui répondit : Tu as raison : qu'elle se retire ?
Mais vous insistez en soutenant avoir lu dans les auteurs que la disposition nécessaire à l'oraison est la pureté du coeur. S'agit-il ici de la pureté acquise ? Le prétendre serait tomber dans la plus grossière des erreurs. Comment ! pour parler à Jésus-Christ ou à sa sainte Mère, il faudrait être innocent ? De quelle façon concilier une pareille doctrine avec l'Évangile, où nous voyons notre bon Maître appeler les pécheurs de préférence aux justes ; avec la raison qui nous dit que puisqu'on parle à Dieu pour devenir pur, il n'est pas requis qu'on soit pur avant de lui parler ; avec l'expérience qui, nous montrant le péché dans tous les hommes, rendrait par le fait l'oraison impossible si elle exigeait l'innocence ?
Qu'il faille pour causer à Dieu la pureté du cœur au moins en désir, en désir commencé, je le comprends. Qu'une âme ne puisse pas s'entretenir avec le ciel si elle est absolument et complètement terrestre, n'ayant pour elle que le péché sans le premier désir, sans même la pensée d'en sortir, soit ! Mais qu'on ne prétende pas que le pauvre pécheur, parce qu'il est pécheur, ne peut point, avec Madeleine, se jeter aux pieds de Jésus-Christ et lui offrir le langage du cœur.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Ce qui est vrai c'est que l'oraison, secrète parole de l'âme humaine retournant à son Dieu, convient à tout le monde ; pourvu que personne ne se travestisse, et qu'on parle en pécheur si on est pécheur, en innocent si on est innocent, en âme triste si on est triste, en âme tentée si on est tenté, toujours et partout selon la vérité et l'actualité.
On conçoit, d'après cela, que l'oraison ait pour caractère un complet abandon ; l'abandon d'un cœur qui se verse sans calcul et sans feinte dans le cœur de Dieu.
Toutefois, malgré cette liberté d'allure, nos entretiens avec le ciel doivent, pour l'ordinaire, se dérouler avec une certaine régularité. Il serait malséant et peu prudent d'y mettre le décousu qu'ont les conversations humaines, quand elles ne se rattachent à aucun objet précis et sérieux. Un tel sans-gêne nous ferait nécessairement tomber dans le vague, d'autant plus que, très peu habitués par nature aux entretiens célestes, nous retournons de nous-mêmes aux distractions, comme la pierre retourne à son centre quand rien ne la retient.
Il y a donc un ordre à suivre dans l'oraison. Quel est cet ordre ? C'est ce que nous voulons traiter maintenant.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
CHAPITRE IX
L'ORDRE À METTRE DANS L'ORAISON.Ce titre semble contredire nos précédentes observations. L'oraison, on le sait donc, est l'entretien filial du chrétien avec son Père qui est au ciel. Cet entretien, puisqu'il est filial, a pour caractère essentiel la simplicité, l'abandon, le sans-gêne, la familiarité, l'intimité. Vous imaginez-vous un fils usant de mille cérémonies pour parler à son père ou à sa mère ? La conversation en ce cas deviendrait si compliquée qu'elle serait impossible. Il en est de môme de l'oraison. Quiconque parlant à Dieu voudrait faire des phrases, sentirait à l'instant que la chose ne va pas. Vite il cesserait do causer, ou bien il changerait de ton.
Puisqu'il en est ainsi, puisque l'oraison est de sa nature aisée, abandonnée, pourquoi ce titre si peu attrayant : De l'ordre à mettre dans l'oraison ? Met-on de l'ordre là où il doit y avoir de l'abandon ? Pour les causeries de famille organise-t-on d'abord un plan ? L'oraison parle à un Père ; a-t-elle donc besoin de tant de rhétorique ?
Nous répondons à cette difficulté par un touchant détail de la vie de famille. Quand un enfant encore tout jeune doit souhaiter à ses parents la fête ou la bonne année, on lui fait apprendre par cœur lui compliment. Le pauvre petit, s'il était réduit à ses propres ressources, ne trouverait rien à servir. Il rougirait et finirait par pleurer. Ce n'est pas que son cœur soit muet ; mais il n'a ni la raison assez formée, ni la langue assez habile pour soutenir une conversation proprement dite, surtout si cette conversation contient un monologue. On lui fait donc réciter un compliment ; lequel est devenu le sien, on le voit bien à la joie avec laquelle il le débite. Aussi les parents, loin de s'en offenser, trouvent le procédé charmant.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Or, l'apôtre saint Pierre nous donne, à nous chrétiens, le nom d'enfants encore tout petits : Comme des enfants nouvellement nés, nous dit-il, désirez le lait spirituel et pur (Pet. II, 2.). Saint Paul de même nous appelle pauvres petits (I Cor. III, 1.) ; et le livre des Proverbes assure que la Sagesse incréée trouve ses disciples parmi les petits et les humbles (Prov. XI, 2.) ; enfln Notre-Seigneur, après avoir répété à ses apôtres qu'ils doivent devenir petits, leur donne ce nom : Filioli, mes petits enfants (Joan, XIII, 33.).
D'où l'on doit conclure que, réduits à nous-mêmes et sans guide, nous ne saurions guère mener une conversation quand l'interlocuteur est Dieu. L'aisance de la familiarité n'y suffirait pas. Il nous faut des points de repère ; sans quoi nous nous perdrions inévitablement dans le vague. De là notre leçon commençant par ces mots : De l'ordre à mettre dans l'oraison.
Quel est cet ordre ? Celui que nous indiquent la nature même et la logique innée en nous.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Expliquons-nous par une comparaison. Vous demandez à un prêtre, aussi charitable que respectable, un entretien sur une question des plus graves ; sur le choix d'un état de vie propre à assurer votre salut. Il s'y prête volontiers et vous vous rendez chez lui.
Naturellement et avant tout vous le saluez. Ainsi faut-il faire en commençant l'oraison. On aborde Dieu en se mettant en sa présence ; et, en l'abordant, on le salue par quelque acte intérieur d'adoration.
Après avoir offert au prêtre le témoignage de votre respect, vous traitez la question ; vous lui dites que vous voulez vous sauver, que par conséquent vous désirez suivre votre vocation quelle qu'elle soit, et vous le priez de vous donner ses conseils. Il vous répond ; vous discutez, et vous finissez par conclure.
Ainsi se passent les choses dans la première partie de l'oraison. Cette première partie a reçu plusieurs noms. On l'appelle méditation, considération, réflexion. Quel que soit le nom, la chose est toujours la même. Elle consiste on certaines réflexions que l'on se fait à soi-même ou que l'on fait à Dieu sur certains sujets se rapportant au salut : sur le ciel, sur l'enfer, sur la vie, sur la mort, sur Jésus-Christ, et sur ses divins mystères.
Mais quand vous avez, avec le prêtre charitable, discuté et éclairci la question de votre vocation, vous vous gardez bien de le quitter tout brusquement sans rien ajouter. La nature veut qu'après la discussion vienne l'expression d'un sentiment quelconque. Ou bien vous remerciez votre charitable conseiller ; ou bien vous avez quelques mots d'admiration pour la belle vocation qu'on vient de découvrir en vous ; ou bien vous vous en déclarez indigne. Enfiin, sous une forme ou sous une autre, le cœur parle après que l'esprit a réfléchi. De même dans l'oraison. Lorsque, par exemple, vous vous serez entretenu avec Jésus-Christ de ses souffrances et de son amour, naturellement, nécessairement, vous lui donnerez ce mot du cœur : Je vous remercie ! Je vous demande pardon ! Je vous aime ! C'est la seconde partie. Ce sont les affetions, les actes.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Est-ce tout ? Non. Lorsque vous avez remercié votre pasteur éclairé, vous lui promettez, surtout si la vocation est une vocation choisie, de la suivre fidèlement et d'en remplir tous les devoirs. Telle est aussi la troisième partie de l'oraison, que l'on appelle la résolution, la promesse. Après avoir parlé à Jésus-Christ de sa douloureuse Passion, après lui avoir dit merci, il est naturel que vous ajoutiez : Seigneur, je vous promets d'être votre serviteur plus fidèle que je ne l'ai été jusqu'aujourd'hui.
Ce n'est pas tout encore. Avant de quitter ce bon prêtre, et immédiatement après lui avoir promis la fidélité à votre vocation, vous implorez son secours. Vous le priez de vous aider de ses conseils, de vous prêter ses bons offices et de se souvenir de vous devant Dieu. C'est aussi ce qu'il faut faire à la fin de l'oraison : « Jésus, doit-on dire, je viens de contempler votre sainte Passion ! vous à qui j'ai exprimé la reconnaissance de mon cœur ! vous à qui j'ai promis le dévouement et l'amour, permettez que maintenant je vous invoque, et que la prière, l'humble prière vienne clore mon entretien, car sans la grâce pas de vertu, et sans la prière pas de grâce ! » Vous vous répandez ainsi en humbles supplications jusqu'à la fin de votre entretien. Après quoi, vous saluez Dieu avec respect, et vous allez à vos occupations pour l'amour de lui.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Voilà l'oraison, et l'ordre qu'il faut y suivre pour l'ordinaire. C'est la conversation raisonnable d'un enfant sérieux qui traite d'affaires sérieuses avec son père. Il commence par les témoignages de respect ; il aborde ce qu'on appelle la méditation durant laquelle se traite une question relative au salut ; cette question traitée, il en vient à l'affection ou à l'acte, c'est-à-dire à la parole du cœur ; puis arrive la résolution ou la promesse ; enfin le tout se termine par la prière, effusion d'une âme se répandant devant Dieu et lui exprimant ses peines, ses besoins, ses désirs, ses craintes et ses espérances.
A l'oraison ainsi comprise s'applique ce mot de l'Écriture : La conversation avec la Sagesse n'engendre pas l'ennui (Sap. VIII, 16.). Quand une âme s'est habituée à cette méthode si simple, si juste, si raisonnable, elle n'a plus peur de cette terrible demi-heure, de ce redoutable quart d'heure d'oraison qu'il faut donner à Dieu. Elle sait quoi dire et quoi faire. Petit à petit ce qu'elle dit comme ce qu'elle fait lui devient savoureux ; et l'oraison est pour elle ce qu'elle a été pour tous les saints : L'arbre de vie (Prov. III, 8.).
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
GHAPITRE X
LES PARTIES ESSENTIELLES DE l'ORAISON.Remarquez, je vous prie, le titre de ce chapitre. Il annonce les parties essentielles de l'oraison. C'est vous dire que nous nous occuperons, non pas de l'ordre artificiel que l'on peut mettre dans ce saint exercice, mais des éléments qui se retrouvent nécessairement dans toute oraison vraie et complète.
Par ordre artificiel (veuillez prendre ce mot dans un sens respectueux) j'entends ici ce que plus haut nous avons appelé méthode. C'est un certain agencement de choses destiné à conserver à l'oraison sa nature et ses qualités. Telle est par exemple l'habitude de commencer, comme le veut saint Ignace, par certains préludes, ou de terminer, comme le veut saint François de Sales, par un bouquet spirituel.
Encore une fois, nous ne parlerons pas de ces points de détail. Souverainement respectables, ils n'entrent cependant pas dans notre plan, puisque nous ne voulons nous occuper que de ce qui est propre à toute oraison, quelle que soit la méthode dans laquelle on l'encadre. De là, notre titre ainsi formulé : Parties essentielles de l'oraison.
Ces parties nous sont indiquées par la nature même de l'âme humaine, et par sa manière de procéder quand elle aborde un sujet sérieux et intéressant avec quelqu'un.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
En ce cas, c'est le sujet lui-même que, de concert avec son interlocuteur, elle examine tout d'abord. Dans un conseil de guerre c'est de l'armée que l'on parle ; on s'entretient entre magistrats de la justice et du droit, entre marchands du négoce, entre savants de la science. Par conséquent, quand l'entretien a lieu entre Dieu et l'homme, ce sont les choses divines, les choses du salut qui en forment le thème ; et c'est nécessairement par là que la conversation commence.
Je veux, par exemple, faire mon oraison avec Jésus-Christ, mon divin Rédempteur. Tout naturellement je l'entretiendrai de quelque particularité se rapportant à mon salut : de ce que ce bon Maître a souffert pour moi, de sa cruelle agonie, de sa flagellation, de sa mort ; ou bien du jugement qu'il me fera subir un jour ; ou de l'enfer dont il m'a délivré ; ou du ciel qu'il m'a gagné ; ou enfin de quelqu'autre objet analogue.
Cette application de l'entretien à un sujet choisi est la première partie essentielle de l'oraison. Cette première partie n'est autre que la bonne pensée de l'esprit. C'est une opération de l'âme qui, s'emparant d'une vérité de foi, s'y arrête, la considère et en parle à Dieu.
Mais quand on s'est occupé avec quelqu'un d'un sujet intéressant, la nature veut qu'on dise un mot du cœur. Ce mot du cœur est la deuxième partie essentielle.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Expliquons-nous. Si, rencontrant un homme qui autrefois vous a sauvé la vie, vous lui rappeliez cet épisode touchant, certes il vous serait impossible de le quitter sans lui exprimer vos sentiments, celui de la reconnaissance surtout. Ainsi en est-il de nos entretiens avec Dieu. Ils sont tous de leur nature émouvants et propres à réveiller le cœur, qu'il y soit question des bienfaits du Seigneur, de l'amour de Jésus-Christ pour nous, des jugements de Dieu, des fins dernières de l'homme, toujours ils appellent l'expression d'un sentiment quelconque. Impossible, par exemple, de parler sérieusement à Jésus-Christ de l'enfer sans que l'âme ait à pousser un cri, celui du repentir, ou celui de la crainte ou quelque autre de ce genre. C'est ce que nous avons appelé le mot du cœur ; les auteurs lui donnent le nom d'acte ou d'affection.
Ce n'est pas tout : quand le cœur a parlé, il est naturel que la volonté fasse une promesse. Si, par exemple, mon esprit a eu pour bonne pensée le souvenir de Jésus-Christ en croix, et si mon cœur a dit merci à ce Dieu crucifié pour mon amour, la logique de l'âme demande que j'ajoute : Seigneur Jésus, vous à qui je dois tout, je vous promets de ne plus vous offenser ! C'est ce que l'on appelle la résolution, et cette résolution est la troisième des quatre parties essentielles de l'oraison.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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Re: L'ORAISON MENTALE à la portée de tous - Par le T. R. P. DESURMONT - 1909.
Après qu'on a promis, il est naturel d'implorer la grâce de Dieu. Car l'homme est si infidèle et si faible que ses promesses, sans le secours du ciel, n'aboutissent jamais qu'à de lamentables trahisons. De là, dans l'oraison, une quatrième partie qui s'appelle la prière.
Ainsi : la bonne pensée de l'esprit, le mot du cœur, la promesse de la bonne volonté et la prière de la pauvreté : tels sont les quatre éléments invariables de toute vraie et solide oraison.
Seigneur Jésus, je vous crois présent dans la Sainte Eucharistie ! c'est la bonne pensée de ma foi. — Je vous adore et je vous remercie ! c'est la bonne parole de mon cœur. — Je veux vous aimer et vous servir ! c'est la promesse de ma volonté. — Mais aidez-moi vous-même à remplir cette promesse ! c'est la prière de mon indigence.
Comment s'acquitter avec succès et avec fruit de chacun de ces quatre grands devoirs ? Question intéressante que nous allons éclaircir de notre mieux.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
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