Vie de la Soeur Bourgeoys. (Table) COMPLET.

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Message  Louis Lun 27 Aoû 2012, 6:22 am

II. M. de Maisonneuve avait refusé leurs services,
en leur faisant cependant des promesses pour l'avenir.


Quelque désir qu'éprouvât M. de Maisonneuve de favoriser leur pieux dessein, il fut contraint de leur représenter que sa simple commission de gouverneur ne lui permettait pas de leur donner cette satisfaction : un établissement de cette nature ne pouvant être accepté que par la compagnie de Montréal, de laquelle il tenait lui-même ses pouvoirs. Que d'ailleurs, dans l'état où serait le pays pendant plusieurs années, une maison de leur ordre ne pourrait être d'aucun avantage, la colonie devant être établie auparavant, et le pays peuplé.

Néanmoins elles ne laissèrent pas de le presser encore, surtout sa sœur, qui employa pour le fléchir les plus vives instances ; mais tout fut inutile. Cependant, pour adoucir la peine que leur causait son refus, il finit par leur donner des promesses pour l'avenir, et accepta de leur part, comme un gage de leur parole mutuelle, une image de la très-sainte Vierge, autour de laquelle sa sœur écrivit en lettres d'or les paroles suivantes, qui étaient sans doute de sa façon :


Sainte Mère de DIEU, pure Vierge au cœur loyal,
Gardez-nous une place en votre Montréal (1).


Depuis cette année 1641, M. de Maisonneuve ayant été obligé de repasser plusieurs fois en France pour les affaires de la colonie, ces religieuses, qu'il ne manquait pas de visiter dans ces occasions, s'empressaient, en le revoyant, de lui réitérer leurs instances et de lui rappeler à lui-même ses promesses, mais toujours avec aussi peu de succès. La situation de Villemarie, qui était alors une vraie boucherie, par les guerres cruelles et continuelles qu'on y avait à soutenir contre les Iroquois, ne permettait pas en effet de donner suite à ce dessein, quoique les religieuses de Troyes nourrissent toujours dans leur cœur les mêmes espérances. Elles ne se doutaient pas alors que cette fondation si désirée était réservée à la sœur Marguerite, ni que toutes leurs instances auprès de M. de Maisonneuve, et tous leurs projets à cet égard, étaient un simple moyen ménagé par la divine Providence pour donner occasion à l'exécution de ses desseins sur cette fille de grâce. Voici comment DIEU daigna enfin les manifester.
__________________________________________________

(1) Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys. — Lettre de la sœur à M. Tronson.Vie de la sœur. 1818, p. 46-47.

A suivre : III. Les religieuses de la congrégation proposent à la sœur
Bourgeoys….

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Message  Louis Mar 28 Aoû 2012, 6:24 am

III. Les religieuses de la congrégation proposent à la sœur Bourgeoys
de se joindre à elles lorsqu'elles iraient à Villemarie.


Après la faveur que la sœur Marguerite avait reçue le jour du saint Rosaire de l'année 1640, étant ensuite entrée dans la congrégation externe, comme nous l'avons rapporté, elle avait appris par ses compagnes qu'on venait de faire en Canada un nouvel établissement qui serait consacré à la Mère de DIEU, et où les religieuses de la congrégation espéraient d'aller exercer leur zèle (1).

Peu après, pendant que, par le conseil de son directeur, elle faisait pour son entrée en religion les démarches dont nous avons parlé, l'une des congréganistes externes, qui avait un grand désir de passer en Canada, vint la trouver, et lui dit d'un air très-assuré , et avec des paroles pleines de force, qu'elle ne devait pas embrasser la vie religieuse , mais qu'il fallait qu'elles allassent l'une et l'autre s'employer au service de DIEU dans la colonie de Villemarie. Là-dessus, elle lui allègue tous les motifs qu'elle juge être les plus propres à la toucher, et qui sans doute lui étaient inspirés de DIEU. Elle lui fait les instances les plus vives et les plus pressantes, et agit enfin si efficacement sur son esprit et sur son cœur, qu'elle l'oblige d'aller trouver la supérieure de leur congrégation, et de lui faire connaître à fond ses dispositions et toutes ses pensées (1).

C'était la sœur Louise de Sainte-Marie, la propre sœur de M. de Maisonneuve. Elle dirigeait la congrégation externe avec tant de bénédiction, que l'ayant trouvée composée de trente filles seulement lorsqu'elle en prit la conduite, elle y en laissa plus de quatre cents, qui n'aspiraient la plupart qu'à la vertu solide et à la plus liante piété (2).

Comme elle connaissait mieux que personne le caractère et la générosité de la sœur Marguerite, elle fut ravie de l'ouverture qu'elle lui fit alors, et ne doutant pas qu'elle ne fût appelée de DIEU à travailler dans une telle mission, qui demanderait des âmes d'un grand courage et d'une vertu à toute épreuve, elle jugea qu'elle pourrait avec beaucoup d'avantages se joindre aux religieuses de la congrégation, lorsqu'elles partiraient pour Villemarie.

La communauté, entrant à son tour dans les vues de la sœur Louise de Sainte-Marie, fit enfin cette proposition à la sœur Marguerite, qui l'accepta de grand cœur. « Ces bonnes religieuses, dit-elle, me demandèrent si je voulais être de la partie quand elles iraient à Montréal ; je leur promis qu'oui (1), et que je serais de la bande (2). »

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(1) Lettre de la sœur Bourgeoys à M. Tronson.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1652 à 1653.
(2) La conduite de la Providence dans l’établissement, etc. , p. 186-198.
(1) Ecrits autographes de la sœur Bourgeois.
(2) Lettre de la sœur à M. Tronson.

A suivre : IV. M. de Maisonneuve repasse en France et…

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Message  Louis Mer 29 Aoû 2012, 6:09 am

IV. M. de Maisonneuve repasse en France
et se rend à Troyes pour visiter sa famille en 1653.


Cependant les attaques continuelles des Iroquois, qui harcelaient la petite colonie de Villemarie, depuis surtout qu'ils avaient détruit ou dispersé près de trente mille Hurons, obligèrent M. de Maisonneuve à repasser en France (3). Il représenta à M. Olier et aux autres membres de la compagnie la nécessité de lever une nouvelle recrue d'hommes forts et courageux, en état de conserver la colonie, alors obligée de rester renfermée dans l'intérieur du fort (4) ; car elle ne comptait plus que dix-sept hommes capables de se défendre contre ces barbares (5). Il ajouta même que s'il ne pouvait emmener avec lui au moins cent soldats, son avis était qu'on abandonnât entièrement le dessein de Villemarie, qui ne pourrait subsister plus longtemps sans ce secours.

Tous les associés, persuadés que DIEU voulait se servir d'eux pour conserver une œuvre qu'ils n'avaient entreprise que par ses ordres, entrèrent dans les vues de M. de Maisonneuve pour la maintenir (6) ; et quoiqu'ils fussent alors réduits au petit nombre de neuf ou dix, ils réunirent un fonds de 75,000 livres qu'ils employèrent à lever une recrue de cent huit hommes d'élite, forts et vigoureux, et presque tous habiles à travailler de divers métiers (1). Cette recrue était prête à passer en Canada au printemps de l'année 1653, lorsque, avant de s'embarquer avec elle, M. de Maisonneuve se rendit à Troyes pour visiter sa famille et ses amis.

____________________________________________________

(3) Ecrits autographes de la sœur Bourgeois.
(4) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1649 à 1650.
(5) Ecrits autographes de la sœur Bourgeois.
(6) Histoire du Montréal de 1652 à 1653.
(1) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph, par la sœur Morin.


A suivre : v. Songe remarquable de la sœur Bourgeoys qui la dispose…

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Message  Louis Jeu 30 Aoû 2012, 6:35 am

V. Songe remarquable de la sœur Bourgeoys
qui la dispose à connaître sa vocation pour Villemarie.


Quelques jours avant qu'il arrivât dans cette ville, la sœur Marguerite eut un songe qui la frappa beaucoup, et qui était un moyen dont la Providence voulait se servir pour faire connaître ses desseins sur elle. DIEU, qui peut manifester sa volonté d'une infinité de manières, s'est servi quelquefois pour cela du langage mystérieux des songes, comme le prouvent les vies de plusieurs saints personnages, et même les histoires de l'Ancien et du Nouveau Testament.

Chacun connaît le songe de saint Paul, qui fut l'occasion de son voyage et de sa prédication dans la Macédoine, lorsque, voyant dans son sommeil un homme qui apparemment était vêtu à la manière de cette province, il l'entendit qui lui faisait cette prière : « Passez en Macédoine, et venez nous secourir. » Ce qui lui donna à comprendre, ajoute l'écrivain sacré, que DIEU l'appelait en effet à prêcher l'Évangile dans cette province (1).

On voit aussi dans la vie de saint François Xavier que DIEU se servit d'un semblable moyen pour lui faire connaître sa vocation à évangéliser les Indes (2).

La sœur Marguerite, appelée à travailler pour la gloire de DIEU à Villemarie, sans le savoir encore, crut donc voir pendant son sommeil un homme grave et vénérable, dont l'habit simple et de couleur brune, qui paraissait être moitié ecclésiastique et moitié laïque, ressemblait assez à celui que prenaient alors les prêtres lorsqu'ils allaient à la campagne (3). Les traits du visage de cet homme, qui lui était entièrement inconnu, demeurèrent cependant vivement empreints dans son imagination, et elle sentit intérieurement qu'elle aurait par la suite avec lui des rapports très-particuliers, que DIEU ferait naître pour sa gloire. Ce songe l'ayant beaucoup frappée, elle le rapporta le lendemain à quelques personnes de confiance, sans connaître encore ce qu'il signifiait (4), comme il arrive quelquefois dans les songes divins, selon la remarque de Benoît XIV (5).

Mais deux ou trois jours après elle en reçut enfin l'explication.

_______________________________________________________
(1) Actes des Apôtres chap. XVI, V. 9 et10.
(2) Vitæ S. Xaveriià Tursellino, lib. I, cap. 8.
(3) Vie de la soeur, par Ransonet, p. 29.
(4) Vie de la soeur, 1818, p. 49.
(5) De servorum beatificatione, etc., lib. III, cap. L I, II. 6, etc.

A suivre : VI. Les religieuses de la congrégation pressent de nouveau M. de Maisonneuve, et lui parlent de la sœur Bourgeoys.

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Message  Louis Ven 31 Aoû 2012, 8:29 am

VI. Les religieuses de la congrégation pressent de nouveau
M. de Maisonneuve, et lui parlent de la sœur Bourgeoys.


M. de Maisonneuve, étant arrivé à Troyes, se rendit au parloir de la congrégation pour y voir sa sœur et saluer les autres religieuses. Elles lui rappelèrent de nouveau ses promesses et le pressèrent d'emmener quelques-unes d'elles avec lui. Mais il n'y avait à Villemarie ni logement convenable pour recevoir des religieuses cloîtrées, ni même alors d'occupations relatives à la fin de l'institut, la colonie ne faisant que de naître, et ayant d'ailleurs été beaucoup retardée par les guerres continuelles des Iroquois.

Néanmoins, la sœur Louise de Sainte-Marie insista auprès de son frère, et ce fut sans doute pour le rendre plus facile à emmener des religieuses cloîtrées, qu'elle s'empressa de lui parler de la sœur Marguerite, préfète de sa congrégation externe. Elle lui raconta sa vie extraordinaire, lui fit connaître tout ce que depuis longtemps elle nourrissait de projets dans son esprit pour le salut des jeunes filles (1 ) ; enfin elle n'omit rien pour lui représenter les avantages inappréciables qu'on pourrait retirer d'une fille de ce caractère dans un pareil établissement.

En entendant ce récit, M, de Maisonneuve conçut aussitôt le désir de la connaître, et pria sa sœur de la faire appeler. Là-dessus on envoie chercher la sœur Marguerite, comme pour venir prendre part à une conversation qui ne pouvait manquer de lui être agréable, et qui en effet devait, sans qu'on s'en doutât encore, l'intéresser plus que personne de la compagnie.

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(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, ibid.
A suivre : VII. La sœur Bourgeoys raconte le songe…

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Message  Louis Sam 01 Sep 2012, 6:35 am

VII. La sœur Bourgeoys raconte le songe qu'elle a eu.
M. de Maisonneuve lui offre de la conduire à Villemarie.


A peine est-elle entrée dans le parloir, que, jetant les yeux sur M. de Maisonneuve, elle demeure frappée d'un profond étonnement, en reconnaissant dans cet étranger celui qu'elle a vu en songe; et, dans le saisissement soudain qu'elle éprouve, elle ne peut s'empêcher de s'écrier tout haut : « Voici mon prêtre, voici celui que j'ai vu dans mon sommeil (1). » Car c'était pour la première fois qu'elle voyait M. de Maisonneuve, comme elle-même nous l'apprend (2), quoique alors elle fût logée chez Mme de Chuly, sœur de ce gentilhomme (3). Après une exclamation si singulière et si peu attendue, il était naturel qu'on lui demandât de faire à la compagnie le récit de ce songe. Elle le raconta sur-le-champ ; et ce fut d'abord pour toutes les religieuses un agréable sujet de récréation. Mais bientôt la chose devint plus sérieuse.

M. de Maisonneuve n'avait pas plutôt vu et entendu parler la sœur Marguerite, que, pénétré d'estime et de confiance pour elle, il avait désiré de l'emmener à Montréal, et de faire tout ce qui serait en son pouvoir pour procurer à la colonie naissante un si riche trésor de grâces et de vertus (4). Il lui demanda donc si elle serait disposée à passer à Villemarie, pour y faire les écoles et y instruire chrétiennement les enfants.

Elle qui, de son côté, s'était sentie remplie de respect et d'estime pour M. de Maisonneuve dès qu'elle l'avait vu, répondit sans hésiter (1) que, si ses supérieurs ecclésiastiques l'approuvaient, elle était prête à partir, et qu'elle irait avec bonheur se consacrer au service des enfants et à la gloire de Dieu dans cette nouvelle colonie.

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(1) Vie de la sœur, par M. Ransonet, p. 29-30. — Vie de la même, 1818, p.50.
(2) Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(3) Annales de l'Hôtel-Dieu, par la sœur Morin.
(4) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, ibid.
(1) Vie de la sœur , 1818, p.50.
A suivre : VIII. M. de Maisonneuve refuse les services de la congrégation…

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Message  Louis Dim 02 Sep 2012, 6:24 am

VIII. M. de Maisonneuve refuse les services de la
congrégation ainsi que ceux de la sœur Crolo.


Les religieuses de la congrégation, surprises de ce dénouement, ne manquèrent pas alors de réitérer pour elles-mêmes leurs instances ; mais ce fut sans aucun succès. M. de Maisonneuve les assura qu'il ne pouvait pas conduire des religieuses à Villemarie. La compagnie de Montréal voulait en effet n'y admettre pour les écoles que des filles séculières et non cloîtrées, qui pussent se transporter partout où le bien du prochain réclamerait leurs services.

Dès lors ces religieuses craignirent d'être déçues pour toujours de leurs premières espérances, et commencèrent à penser que la sœur Marguerite, qu'elles avaient ainsi mise en avant pour déterminer et hâter leur départ , pourrait bien, comme un autre Jacob, leur ravir la bénédiction qu'elles avaient cru d'abord leur être réservée à elles-mêmes. C'est pourquoi, touchées d'une sainte jalousie, elles lui dirent qu'elle devait leur être fidèle : lui donnant ainsi à entendre qu'ayant été invitée par les religieuses de la congrégation à les suivre en Canada, elle ne devait y aller que dans leur compagnie. A quoi elle répondit agréablement : qu'elle avait bien promis d'être de la partie si elles allaient dans ce pays, mais qu'elle n'avait pas promis, si elles tardaient trop, de ne pas y aller sans elles (1).

Cependant une des compagnes de la sœur Marguerite dans la congrégation externe, Mlle Crolo, la même apparemment qui l'avait si vivement sollicitée de s'ouvrir à la sœur Louise de Sainte-Marie, eut le désir de l'accompagner, et pria M. de Maisonneuve de lui permettre d'aller la seconder, à Villemarie, dans l'exercice de son zèle. La sœur Marguerite, qui l'avait sans doute informée de tout, désirait aussi de son côté que cette chère sœur pût se joindre à elle. Mais M. de Maisonneuve, jugeant que, dans l'état présent de la colonie, une seule maîtresse suffirait aisément pendant plusieurs années à l'instruction des jeunes filles, refusa d'accepter les services de Mlle Crolo (2).

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(1) Vie de la sœur , 1818, p.50.
(2) Ibid., p. 50-51.— Vie par M. Ransonet. p.31.— Ecrits autographes de la sœur.Lettre à M. Tronson.
A suivre : IX. M. Jendret, consulté par M. de Maisonneuve, juge que DIEU appelle la sœur à travailler en Canada.

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Message  Louis Lun 03 Sep 2012, 6:27 am

IX. M. Jendret, consulté par M. de Maisonneuve,
juge que DIEU appelle la sœur à travailler en Canada.


Comme il était sur le point de quitter la ville de Troyes, afin de donner ses ordres pour l'embarquement, il voulut, avant de partir, avoir une entrevue avec M. Jendret, pour savoir son sentiment définitif sur le voyage de la sœur Marguerite.

M. Jendret, convaincu depuis longtemps que DIEU avait sur elle quelque dessein particulier, était singulièrement frappé du songe qu'elle avait eu récemment, et de la circonstance si étonnante de son entrevue avec M. de Maisonneuve ; il jugea donc que ce songe était un moyen ménagé par la Providence pour donner des preuves manifestes de sa volonté.

Il connaissait en effet la haute vertu et les belles qualités de ce gentilhomme, qui, à la prudence, à la capacité et à la valeur d'un gouverneur de place accompli, joignait le zèle et la ferveur d'un missionnaire et d'un apôtre ; et il ne douta pas que ce ne fût réellement lui-même que DIEU avait montré à la sœur dans son sommeil, sous un habit moitié ecclésiastique et moitié laïque, comme l'attestait d'ailleurs l'identité des traits de visage qu'elle avait reconnus avec étonnement dans M. de Maisonneuve.

Il répondit donc à ce dernier que, quant à lui, il donnerait volontiers les mains au départ de la sœur Marguerite, étant convaincu par la connaissance qu'il avait de toute sa vie, que le dessein de ce voyage venait de DIEU (1).

Là-dessus, M. de Maisonneuve prend congé de ses amis et de ses parents, et part pour Paris, afin de donner à sa recrue les ordres nécessaires et de pourvoir à tous les préparatifs du voyage.

___________________________________________________

(1) Vie de la sœur, par M. Ransonet, p. 30-31-32. — Vie de la sœur, 1818, p.51.

A SUIVRE : x. M. Jendret répond à la sœur de partir sans crainte…

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Message  Louis Mar 04 Sep 2012, 6:16 am

X. M. Jendret répond à la sœur de partir sans crainte.
M. Profit et le grand vicaire de Troyes lui font la même réponse.


Le refus que M. de Maisonneuve venait de faire de Mlle Crolo effraya la sœur Marguerite. Elle pensa que la prudence chrétienne et même la décence ne lui permettaient pas d'aller seule avec ce gentilhomme et avec une recrue de soldats, dans un pays où elle ne connaissait personne. Elle exposa donc ses craintes à M. Jendret. Quoique celui-ci eût déjà pris son parti sur la réponse qu'il devait lui faire, il lui dit qu'il y penserait encore devant DIEU pendant trois jours, et, au bout de ce terme, il lui déclara qu'elle devait partir sans crainte pour le Canada. Il ajouta que peut-être DIEU voulait effectuer par ce moyen, à Montréal, la formation de la communauté qu'ils avaient essayé d'établir à Troyes, pour honorer la vie de la très-sainte Vierge sur la terre, et qui n'avait pas réussi (1).

« Je répondis à cela, dit la sœur, que j'étais seule pour partir, et que toute seule je ne serais pas une communauté. A quoi il répliqua que mon bon ange, le sien et moi, serions trois. Je crois que ce bon père avait déjà connaissance de l'image envoyée par les religieuses de la congrégation, et dont alors je ne savais encore rien moi-même. Je lui demandai comment il se ferait que j'allasse seule en Canada; qu'on m'avait refusé une compagne, et que je serais sans autre conduite que celle d'un gentilhomme que je n'avais jamais vu (avant notre rencontre à Troyes). Il me dit de me mettre entre les mains de M. de Maisonneuve, comme entre celles d'un des premiers chevaliers de la Reine des anges, et d'aller avec confiance à Villemarie (1).

Cependant je n'avais pas consulté M. Profit, à qui j'allais me confesser quand je ne pouvais m'adresser à M. Jendret au Faubourg, à cause de son éloignement. Après m'avoir donc répondu de la sorte, il m'envoya à M. Profit, qui me demanda aussi trois jours pour y penser. Au bout de ce temps, M. Profit me dit d'aller en Canada. Ensuite on m'envoye au grand vicaire de Troyes, qui me fait la même réponse que les autres, chacun ayant pris trois jours pour y penser. Notre évêque (M. François Malier de Houssay) était absent, sans quoi j'aurais eu encore son avis (2). »

______________________________________________________

(1) Lettre de la sœur à M. Tronson.Ecrits autographes de la sœur.
(1) Écrits autographes de la sœur. Annales de l’Hôtel-Dieu, par la sœur Morin. Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec (par la mère Juchereau), in-12, p. 128.
(2) Écrits autographes de la soeur Bourgeoys.

A suivre : XI. La très-sainte Vierge apparaît à la sœur Bourgeoys et lui ordonne de partir.

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Message  Louis Mer 05 Sep 2012, 6:16 am

XI. La très-sainte Vierge apparaît à la sœur Bourgeoys et lui ordonne de partir.


Toutes ces réponses étaient sans doute un puissant motif pour déterminer la sœur Marguerite à s'abandonner à la Providence. Mais le dessein d'un tel voyage dans une fille de trente-trois ans, la perspective où elle était alors de se trouver seule dans la traversée, au milieu d'une troupe de soldats, la pensée de n'avoir à Villemarie aucune compagne qui partageât avec elle l'éducation des enfants, et d'y être exposée chaque jour au danger d'être prise et brûlée par les Iroquois ; toutes ces considérations étaient bien propres à lui inspirer quelque sentiment de crainte ; et la prudence semblait l'autoriser à désirer que DIEU lui donnât quelque marque plus incontestable de sa volonté. Il ne la priva point de ce signe manifeste, quoiqu'elle ne le demandât pas; ou plutôt il voulut que la très-sainte Vierge, à la gloire de laquelle elle était résolue de sacrifier sa vie en allant lui former de fidèles servantes en Canada, l'assurât, de sa propre bouche, que ce dessein était vraiment son ouvrage, et qu'elle serait elle-même sa gardienne et sa sauvegarde au milieu de tant de périls.

Comme la sœur était dans sa chambre, occupée alors de tout autre chose que de son voyage, « un matin, étant bien éveillée, dit-elle, je vois devant moi une grande dame, vêtue d'une robe comme de serge blanche, qui me dit : Va, je ne t'abandonnerai point: et je connus que c'était la sainte Vierge, quoique je ne visse point son visage ; ce qui me rassura pour ce voyage et me donna beaucoup de courage; et même je ne trouvai plus rien de difficile, quoique pourtant je craignisse les illusions (1). » Après cette faveur, la sœur Marguerite se trouva donc toute résolue à partir.

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(1) Lettre de la sœur à M. Tronson.Ecrits autographes de la sœur. Bourgeoys.Vie de la sœur, par M. Ransonet, p. 33. — Vie de la sœur, 1818, p.51.
A suivre : XII. La sœur Bourgeoys ne veut porter en Canada…

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Message  Louis Jeu 06 Sep 2012, 7:04 am

XII. La sœur Bourgeoys ne veut porter en Canada ni provisions ni argent.
Sagesse d’un tel dépouillement.


Son dessein était cependant très-secret, et, à l'exception des religieuses de la congrégation, de Mlle Crolo, et des ecclésiastiques qu'elle avait consultés, personne à Troyes n'en avait connaissance, pas même Mme de Chuly, la propre sœur de M. de Maisonneuve, chez laquelle elle demeurait. Sur ces entrefaites, M. de Maisonneuve écrit à cette dame pour l'inviter d'aller lui dire adieu à Paris avant son départ de cette ville, et la prie d'amener la sœur Marguerite avec elle.

Le départ de la sœur dans la compagnie de cette pieuse veuve ne fit naître aucun soupçon sur la résolution où elle était d'aller en Canada; et ce qui devait contribuer encore à éloigner la pensée d'un pareil dessein, c'est que la sœur ne prit avec elle pour ce voyage qu'un petit paquet de linge qu'elle pouvait porter sous son bras. Mais un pareil dépouillement n'eut pas pour but de cacher aux personnes de sa connaissance le vrai motif de son voyage. Il lui fut inspiré par sa sagesse et sa grande confiance en DIEU.

Malgré toutes les assurances qu'il lui avait données jusque alors de sa volonté, et malgré l'apparition dont la très-sainte Vierge venait de l'honorer tout récemment, apparition de la réalité de laquelle elle pouvait être assurée par le changement qu'elle avait opéré dans son âme en dissipant toutes ses inquiétudes précédentes, toutefois la sœur Marguerite, par un effet de sa rare sagesse, craignait encore les illusions ; sachant que, dans la vie présente, DIEU conduit ses enfants par les règles communes de la foi, et non par les voies extraordinaires. « Après cette apparition, dit-elle, comme je craignais les illusions, je pensai que si cela était de DIEU, je n'avais que faire de rien porter pour mon voyage. Je dis en moi-même : Si c'est la volonté de DIEU que j'aille à Villemarie, je n'ai besoin d'aucune chose; et je partis sans denier ni maille, n'ayant qu'un petit paquet que je pouvais porter sous mon bras (1). »

_____________________________________________________

(2) Lettre de la sœur à M. Tronson.Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys. ( Note de Louis : je n’ai aucun correspondance dans le paragraphe ci haut.)
(1) Lettre de la sœur à M. Tronson.Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys.

A suivre : XIII. La sœur Bourgeoys pratiqua ce dépouillement jusqu'à la fin de sa vie.


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Message  Louis Ven 07 Sep 2012, 2:47 pm

XIII. La sœur Bourgeoys pratiqua ce dépouillement jusqu'à la fin de sa vie.


On ne saurait assez admirer l'héroïsme d'une si parfaite confiance en DIEU, qui n'a peut-être d'autre exemple que celui même des hommes apostoliques, de l'esprit desquels cette sainte fille se montrait ainsi animée. Au lieu de faire des provisions d'argent et de hardes, si nécessaires alors dans un pays qui ne fournissait rien encore, et où il fallait apporter d'Europe les choses les plus indispensables à la vie, elle se dépouille au contraire de tout ce qu'elle a, et distribue même aux pauvres le peu d'argent qu'elle possède, ne voulant avoir pour tout bien que son immense confiance en DIEU.

Au reste, ce parfait dégagement ne fut pas en elle un effet passager de zèle et de ferveur, il persévéra toujours le même jusqu'à la fin de sa vie, comme la suite le montrera.

Rappelant elle-même, déjà parvenue à une extrême vieillesse, cette circonstance de son départ, elle ajoutait : « Je n'apportai pas un denier pour mon voyage : et depuis qu'il plut à la très-sainte Vierge de me toucher le cœur à la vue de son image, le jour du Saint-Rosaire 1640, j'ai toujours été conduite par ce chemin de perfection, quoique je n'y aie pas profité. Mais, dans toutes les rencontres qui se sont présentées, j'ai toujours promis à DIEU de faire mon possible pour y avancer avec le secours de sa grâce (1). »

_________________________________________________

(1) Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys.
A suivre : XIV. La sœur Bourgeoys part pour Paris. Efforts qu'on fait pour la dissuader d'aller en Canada.

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Message  Louis Sam 08 Sep 2012, 7:12 am

XIV. La sœur Bourgeoys part pour Paris.
Efforts qu'on fait pour la dissuader d'aller en Canada.


Dans ces saintes dispositions, la sœur Marguerite partit donc avec Mme de Chuly par la voiture publique qui faisait le voyage de Troyes à Paris. « J'étais allée assurer les places, dit-elle, et mon oncle, M. Cossard, fut notre conducteur, étant parti dans cette voiture (2). » C'était au commencement du mois de février 1653.

Dès qu'on fut en chemin, la sœur, qui jusque-là avait gardé le secret sur le vrai motif de son voyage, ne fit plus de difficulté d'en parler ouvertement, et de déclarer qu'elle n'allait à Paris que pour prendre la route du Canada, où elle devait passer avec M. de Maisonneuve.

Comme elle parlait de ce voyage avec un certain air d'aisance et de satisfaction, son oncle, aussi bien que Mme de Chuly, crut que ce n'était que par enjouement, pour égayer la compagnie.

Ils ne furent persuadés de la réalité de son dessein que lorsque, arrivée à Paris, elle pria son oncle d'aller avec elle chez un notaire, où elle avait, disait-elle, quelques affaires à régler (1). Il s'y rendit d'abord par complaisance; mais il fut bien étonné lorsqu'elle lui déclara qu'elle voulait faire entre ses mains, et en faveur de son frère et de sa sœur, du soin desquels il était chargé, un acte d'abandon de toutes les prétentions qu'elle pouvait avoir dans la succession de son père et de sa mère.

Surpris d'une telle résolution, et affligé au delà de tout ce qu'on peut dire, M. Cossard, interdit et déconcerté, garde d'abord le silence, et tient ses yeux tristement fixés sur sa nièce, espérant qu'elle changerait d'avis. Voyant enfin qu'elle persistait, il fait tout ce qu'il peut pour ébranler son courage ; il lui allègue l'affection qu'elle doit à ses proches, ce qu'elle se doit à elle-même, la témérité et l'extravagance qu'il croit voir dans un pareil dessein. Tout fut inutile, la sœur Marguerite demeura inébranlable dans sa résolution, et l'acte fut écrit et signé (1).

Il paraît que Mme de Chuly n'approuvait pas davantage son dessein, et que…

_____________________________________________________

(2) Ibid.
(1) Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys.Vie de la sœur, 1818, p.52-53.
(1) Vie de la sœur Bourgeoys, par M. Ransonet, p. 34-35.

A suivre…

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Message  Louis Dim 09 Sep 2012, 6:45 am

XIV. La sœur Bourgeoys part pour Paris.
Efforts qu'on fait pour la dissuader d'aller en Canada.
(suite)



Il paraît que Mmede Chuly n'approuvait pas davantage son dessein, et que ce fut par la crainte qu'elle n'y eût mis obstacle avant son départ de Troyes, que la sœur ne lui ordonna connaissance que durant le voyage. Du moins celle-ci, parlant des assauts qu'elle eut à soutenir à Paris, ajoute : « Mon oncle et cette dame furent obligés de s'en retourner à Troyes, et par leur départ je fus hors de peine de ce côté- là (2).»

M. Cossard, qui n'avait pu venir à bout de l'ébranler par lui-même, crut toutefois qu'il y réussirait mieux en faisant intervenir ses autres parents et les amis de sa famille ; et on peut présumer que Mme de Chuly, de son côté, mit tout en mouvement pour l'arrêter. Le motif du voyage de la sœur Marguerite étant donc devenu public à Troyes, presque toutes les personnes de sa connaissance le désapprouvèrent, et bientôt elle se vit accablée d'une multitude de lettres capables d'ébranler son courage, si elle n'eût été invariablement résolue à n'écouter que la voix de DIEU (3).

Mais ce ne fut pas la dernière épreuve qu'elle eut à essuyer pendant son séjour à Paris.

_____________________________________________________

(2) Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(3) Vie de la sœur, par M. Ransonet, p. 36. — Vie de la sœur, 1818, p.54.
A suivre : XV. A Paris, Mlle de Bellevue, pour mettre obstacle au départ de la sœur, lui fait offrir d'être reçue carmélite.


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Message  Louis Lun 10 Sep 2012, 6:20 am

XV. A Paris, Mlle de Bellevue, pour mettre obstacle
au départ de la sœur, lui fait offrir d'être reçue carmélite.


En attendant son départ de cette ville, elle était logée chez une personne de qualité appelée Mlle de Bellevue. Cette demoiselle n'eut pas plutôt connu la sœur Marguerite, que, frappée de sa simplicité, de sa douceur et de ses autres rares vertus, elle ne put s'empêcher de lui porter un intérêt vif et sincère. Ayant appris qu'elle allait en Canada avec M. de Maisonneuve pour y faire l'école aux petites filles, elle en fut affligée, craignant qu'elle n'eût bientôt à se repentir d'avoir pris un parti qui lui semblait être si téméraire et si incertain. Comme elle sut qu'elle avait eu autrefois le désir d'entrer chez les carmélites de Troyes, elle pensa que par le moyen de son frère, qui était provincial des carmes de la province de Paris (1), elle pourrait aisément lui faire offrir l'entrée de quelque monastère de cet ordre, et ne négligea rien pour y réussir (2).

Cependant M. de Maisonneuve, obligé de partir de Paris, chargea la sœur Marguerite de diverses commissions, et spécialement du transport de toutes ses bardes à Nantes, où l'on était convenu de se réunir pour le départ (3). Il lui recommanda de s'y rendre quelque temps avant l'embarquement, et lui donna une lettre de recommandation pour M. Lecoq, propriétaire du navire qui devait transporter la recrue en Canada, et chez qui elle devait loger en attendant que lui-même arrivât dans cette ville (1). La sœur, ayant donc terminé ses affaires, arrêta sa place dans la voiture publique d'Orléans, pour se rendre de là à Nantes (2).

Mais c'était au jour même où elle devait quitter Paris, que l'attendait l'épreuve dont nous avons parlé. Mlle de Bellevue, qui cherchait à mettre obstacle à son départ, obtint que son frère lui fit offrir, si elle consentait à être carmélite, de la recevoir dans tel monastère de cet ordre qu'elle voudrait choisir (3). Comme la sœur avait déjà postulé à Troyes, par le conseil de M. Jendret, pour entrer dans cette religion, et qu'elle n'avait cessé depuis de l'avoir en singulière estime, à cause de la vie austère et surtout du dévouement à Marie dont on y fait profession, ces offres du provincial la jetèrent dans une étrange perplexité. En les refusant, elle craignait de s'opposer peut-être à la volonté de DIEU; et comme le moment du départ de la voiture approchait, elle prit le parti de perdre ses arrhes, afin de pouvoir consulter quelqu'un là-dessus, et de s'en rapporter à son avis (4).

______________________________________________________

(1) Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(2) Vie de la sœur Bourgeoys, 1818, p.54.
(3) Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(1) Vie de la sœur Bourgeoys, 1818, p.54.
(2) Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(3) Lettre de la sœur à M. Tronson.
(4) Ibid.
A suivre : XVI. La sœur Bourgeoys s'adresse à un Père jésuite, qui la confirme dans sa vocation pour le Canada.


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Message  Louis Lun 10 Sep 2012, 8:24 pm

XVI. La sœur Bourgeoys s'adresse à un Père jésuite,
qui la confirme dans sa vocation pour le Canada.


Dans les dispositions où elle était alors, si celui à qui elle devait s'adresser lui eût conseillé d'entrer chez les carmélites, il est naturel de penser qu'elle eût renoncé au dessein de son voyage, qui peut-être eût été rompu pour toujours ; et à ne considérer les choses que selon les règles ordinaires de la prudence, il semble qu'on ne pouvait guère lui donner un autre conseil.

Mais la vocation de la sœur Marguerite était étroitement liée avec le dessein de DIEU sur la nouvelle chrétienté de Villemarie, où, comme nous l'avons fait observer, il voulait répandre l'esprit de la sainte famille par trois nouvelles communautés, dont une, spécialement destinée à retracer la vie de la très-sainte Vierge, devait être instituée par la sœur elle-même. Il ne permit donc pas que son dessein fut traversé, ni que cette sainte fille, qui cherchait à connaître sa volonté avec tant de pureté d'intention, fût exposée à la méconnaître dans cette circonstance.

Pour la lui manifester clairement, il lui inspira la pensée d'aller s'adresser aux RR. PP. Jésuites de la rue Saint-Antoine ; et, sans le savoir, elle se présenta à l'un de ces Pères qui connaissait le Canada (1). C'était l'ange que DIEU lui avait destiné pour lui rendre le calme par une réponse nette et précise. Ce Père, à peine informé des merveilles de sa vocation, la confirma dans le dessein de continuer son voyage, et l'assura de la manière la plus expresse qu'elle faisait en cela la volonté de DIEU. Remplie alors de confiance et la paix succédant dans son esprit et dans soi cœur au trouble qui l'avait quelque temps agitée elle va remercier les personnes qui lui avaient fait des propositions si bienveillantes, et, sans différer davantage, elle arrête sa place pour partir le lendemain (1).

On ne saurait méconnaître ici la sagesse de la divine Providence…

________________________________________________________________

(1) Lettre de la sœur Bourgeoys à M. Tronson
(1) Vie de la sœur Bourgeoys, 1818, p.55-56.

A suivre…

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Message  Louis Mer 12 Sep 2012, 6:06 am

XVI. La sœur Bourgeoys s'adresse à un Père jésuite,
qui la confirme dans sa vocation pour le Canada.
(suite)


On ne saurait méconnaître ici la sagesse de la divine Providence dans le moyen qu'elle inspira à cette sainte fille pour être fixée dans sa vocation. La sœur avait déjà entendu parler du séminaire de Saint-Sulpice, établi depuis plus de douze ans à Paris. Ses liaisons avec M. de Maisonneuve ne lui avaient pas laissé ignorer que M. Olier, supérieur de ce séminaire, était alors le directeur et le mobile de la compagnie de Montréal (2).

Ayant été chargée de faire elle-même, avec les fonds fournis par le séminaire, diverses emplettes à Paris pour l'embarquement (3), on ne peut pas douter qu'elle n'eût entendu parler de M. de Bretonvilliers, curé de Saint-Sulpice, qui désirait ardemment de passer lui-même en Canada, et qui était déjà, par ses largesses, le principal soutien de l'œuvre de Villemarie (4).

Cependant, dans cette circonstance où il s'agissait pour la sœur Marguerite de se déterminer sur son avenir, au lieu d'avoir recours à quelques-uns des ecclésiastiques de Saint-Sulpice, elle est poussée intérieurement à s'adresser aux RR. PP. Jésuites; et c'est un religieux de cette compagnie qui la confirme dans sa vocation.

Nouveau trait de la sagesse avec laquelle DIEU veillait sur le dessein des trois communautés, afin d'en être reconnu l'auteur, et d'empêcher que dans la suite on ne put l'attribuer aux hommes (*).


(*) Ce fut aussi la conduite de la Providence dans la vocation de M. de la Dauversière, destiné à instituer pour le même dessein la Congrégation des sœurs de Saint-Joseph. On verra en effet, dans l' Histoire de la colonie de Villemarie, que les RR. PP. Jésuites, alors les seuls directeurs de sa conscience, l'assurèrent, après avoir examiné longtemps sa vocation, qu'elle était vraiment l'ouvrage de DIEU, et firent même les premières démarches pour qu'il pût obtenir la propriété de l'île de Montréal (1), condition préalable à l'exécution d'une vocation si extraordinaire.

(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson. Archives des Hospitaliers de la Flèche.
___________________________________________________________

(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1649 à 1650.
(3) Annales de l’Hôtel-Dieu, par la sœur Morin.
(4) Mémoires sur M. de Bretonvilliers, par M. de Bourbon, p. 17 — Extraits de la Vie du même, composée par M. Baudrand, p. 148.
A suivre : XVII. Voyage de Paris à Orléans...

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Message  Louis Jeu 13 Sep 2012, 6:28 am

XVII. Voyage de Paris à Orléans. Humiliations que la sœur y reçoit.


Le lendemain du jour où la sœur Marguerite avait ainsi été fixée dans sa généreuse résolution, elle partit pour Orléans : « Ayant, dit-elle, quinze écus blancs pour mener toutes les hardes de M. de Maisonneuve, et quelques autres emplettes que j'avais eu à faire par commission (1). »

Dans la voiture publique qui la conduisait, elle n'était connue de personne, et comme elle s'était présentée seule avec son petit paquet, et sous le costume le plus simple que portaient alors les personnes dévotes de la classe commune, on la regarda d'abord comme une fille sans conséquence, et bientôt comme une personne suspecte qu'on ne devait recevoir qu'avec peine clans une honnête compagnie (1). Aussi de Paris à Nantes eut-elle à essuyer les plus dures humiliations, ainsi qu'elle-même nous l'apprend.

« Au voyage d'Orléans, écrit-elle, en une hôtellerie où il n'y avait que des hommes logés, la dame de la maison, qui était fort âgée, refusa de me recevoir; et comme tous ces hommes me disaient plusieurs paroles fâcheuses, je ne pouvais m'écarter du cocher. Mais il se trouva un monsieur habillé de noir, qui prit mon parti ; et cette femme me permit de passer la nuit sur son lit, où je me couchai tout habillée.

« En un autre gîte on refusa aussi de me loger. Il y avait cependant encore quelques chambres et trois lits pour des personnes qui pouvaient payer ; je m'offris à payer et à passer la nuit auprès du feu, mais cela ne me fut pas accordé. Cependant un charretier ayant prié de me loger, disant qu'il était de mon pays et qu'il paierait tout, on me conduit dans une chambre éloignée. Je ferme la porte, et la barricade de tout ce que je puis trouver, et, tout habillée, je me mets sur un lit. Quelque temps après, on frappe à la porte, on tâche de l'ouvrir, on appelle. Après toutes ces importunités, je m'approche de la porte pour voir si elle était bien fermée ; et je parlai à cet homme comme si j'eusse été une personne de grande considération, lui disant que je ferais mes plaintes, et que je saurais bien le trouver. Enfin il se retira; mais j'entendis bien du bruit autour de ma chambre. Le lendemain matin je levai la tapisserie, et alors une porte ouverte qui se trouvait là, et un tas d'hommes qui dormaient couchés sur la place après avoir fait débauche, m'avertirent (du danger dont DIEU m'avait préservée durant cette nuit). On disait que depuis la guerre, tous ces gens étaient méchants et furieux (1) »

_____________________________________________________

(1) Lettre de la sœur Bourgeoys à M. Tronson
(1) Vie de la sœur Bourgeoys, 1818, p. 56.
(1) Ecrits autographes de la sœur Bourgeoys.
A suivre : XVIII. Voyage d'Orléans à Nantes…


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Message  Louis Ven 14 Sep 2012, 6:04 am

XVIII. Voyage d'Orléans à Nantes.
Saintes industries de la sœur. Nouvelles humiliations qu'elle reçoit.


Échappée à ce péril, la sœur Bourgeoys partit de grand matin, et s'embarqua sur la Loire, pour se rendre d'Orléans à Nantes. Il se trouvait dans le bateau douze ou treize passagers, parmi lesquels il n'y avait qu'une seule femme et son enfant ; et toutefois la sœur eut la pieuse adresse d'engager toute cette compagnie d'hommes à sanctifier le voyage par plusieurs pratiques de dévotion. Chaque jour on disait le chapelet, on récitait l'office de la très-sainte Vierge, et on faisait encore une lecture de piété. Il arriva même qu'un jour de samedi la sœur obtint du maître du bateau de forcer la route et de marcher la nuit, pour qu'on s'arrêtât dans un endroit où l'on pût entendre la sainte messe (1).

Lorsqu'on fut arrivé à Saumur, on mit pied à terre afin de coucher dans cette ville. Une nouvelle humiliation y attendait la sœur Bourgeoys. Comme on la vit débarquer avec une troupe d'hommes, c'en fut assez pour faire naître des soupçons sur sa vertu; et malgré les bons exemples qu'elle avait donnés pendant toute la route, elle fut exposée à un affront semblable à celui qu'elle avait essuyé deux fois dans le voyage de Paris à Orléans. On refusa de la loger à l'hôtellerie, sans que ceux de sa compagnie parussent prendre beaucoup de part à son humiliation, comme il arrive ordinairement aux gens de bien méprisés. Elle accepta ce nouveau refus avec reconnaissance envers la bonté divine, s'estimant heureuse de participer encore dans cette occasion aux humiliations que la très-sainte Vierge avait reçues elle-même à Bethléem.

Cependant un particulier de la ville, honnête et charitable, touché de son maintien grave et modeste, lui offrit le couvert, qu'elle ne crut pas devoir refuser dans cette nécessité où la mettait la divine Providence. Le lendemain il fut aisé de remarquer combien DIEU se plaisait à bénir l'humilité de sa servante ; car l'affront qu'elle avait reçu la veille en présence de toute la compagnie, ne diminua rien de l'estime de tous les passagers pour elle, ni de l'autorité que sa vertu lui donnait sur eux; en sorte qu'on continua le voyage aussi saintement qu'on l'avait commencé; et après quelques jours on arriva enfin à Nantes (1).

_____________________________________________________

(1) Vie de la sœur, par M. Ransonet, p. 39. — Vie de la sœur, 1818. p. 57.
(1) Vie de la sœur, 1818. p. 57.
A suivre : XIX. Humiliations que la sœur reçoit à Nantes.


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Message  Louis Sam 15 Sep 2012, 6:15 am

XIX. Humiliations que la sœur reçoit à Nantes.


Parmi les passagers qui étaient descendus sur la Loire avec la sœur Bourgeoys, il y avait un jeune homme destiné pour le Canada, qui allait attendre à Nantes M. de Maisonneuve pour s'engager à son service. En débarquant dans cette ville, ce jeune homme, plein d'estime pour la sœur, voulut absolument se charger de son paquet, ce qu'elle ne lui permit qu'à regret, et par pure complaisance; et ce fut encore pour elle un nouveau sujet d'humiliation. Accompagnée du jeune homme, elle demande la maison de M. Lecoq, négociant à Nantes : c'était l'adresse que M. de Maisonneuve lui avait donnée. Ce négociant était peu connu dans la ville sous le nom de M. Lecoq : on l'y nommait ordinairement M. de la Beaussonnière (2) (*).

Elle allait donc à l'aventure de côté et d'autre en s'informant de la demeure de M. Lecoq, que personne ne savait lui indiquer. Enfin l'ayant rencontré lui-même dans une rue sans le connaître, et s'étant adressée à lui :

« C'est moi-même, » lui répondit-il ; et il ajouta aussitôt :

« Ne seriez-vous pas la personne au sujet de laquelle je viens de recevoir une lettre de M. de Maisonneuve, qui me prie de la recevoir chez moi comme je le recevrais lui-même?

— C'est moi, Monsieur, » répondit-elle à son tour, en lui remettant une lettre de recommandation dont M. de Maisonneuve l'avait chargée.

Sur-le-champ M. Lecoq lui indique sa maison et l'invite à l'y devancer, en attendant qu'il ait terminé quelques affaires pour lesquelles il était sorti (1).

Elle s'y rendit, et c'était là que l'attendait l'humiliation dont nous avons parlé. La femme de M. Lecoq, la voyant suivie du jeune homme qui portait son paquet, en conçut une idée très-défavorable, et refusa absolument de la recevoir. Sans être déconcertée par un procédé si peu attendu, la sœur Bourgeoys se retire dans une église voisine. C'était celle des Dominicains, où l'on faisait en ce moment une procession en l'honneur du saint Rosaire. Elle assiste dévotement à la cérémonie, et retourne ensuite chez Mme Lecoq, de qui elle reçoit un nouvel affront ; car elle ne craignit pas cette fois de lui reprocher en face d'être accompagnée du jeune homme qui portait son paquet; et comme la sœur ne pouvait lui montrer la lettre de recommandation de M. de Maisonneuve, qu'elle avait laissée entre les mains de M. Lecoq, cette bonne dame persistait à lui refuser l'entrée de sa maison, lorsque enfin son mari arriva.

Alors, après des excuses proportionnées à l'affront qu'elle se reprochait d'avoir fait à la sœur, elle s'empressa de lui faire le meilleur accueil qu'elle put (1); et comme on ne tarda pas à reconnaître la vertu et le mérite de la sœur, on s'efforça de la traiter dans cette maison avec tous les égards possibles.

(*) Dans les actes d'engagement pour Villemarie, passés en 1653, par Lafousse, notaire à la Flèche, M. Lecoq est qualifié: Maître Charles Lecoq, sieur de la Beaussonnière.

_________________________________________________________
(2) Vie de la sœur, par M. Ransonet, p. 39.
(1) Vie de la sœur Bourgeoys, 1818. p. 57-58.
(1) Vie de la sœur Bourgeoys, 1818. p. 58-59.
A suivre : XX. A Nantes on cherche à inspirer à la sœur des doutes sur sa vocation pour le Canada.


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Message  Louis Dim 16 Sep 2012, 6:39 am

XX. A Nantes on cherche à inspirer à la sœur
des doutes sur sa vocation pour le Canada.


Mais dans le séjour qu'elle fit à Nantes, elle fut bientôt en proie à de nouvelles inquiétudes sur sa vocation, et les plus vives peut-être qu'elle eût jamais éprouvées. On eût dit que l'ennemi de tout bien, prévoyant les fruits abondants de salut qu'elle devait produire, voulût faire un dernier effort pour l'empêcher de partir. En attendant le jour de l'embarquement, elle s'était adressée pour la confession à un religieux carme, par un effet de l'affection particulière qu'elle portait à l'ordre du Carmel, sans prévoir que ce choix de sa part dût être pour elle l'occasion de nouveaux troubles. Sur ces entrefaites, le provincial des Carmes de la province de Paris, dont elle avait refusé les offres, lui écrivit une lettre pour l'assurer de nouveau qu'il la ferait recevoir dans tel couvent de son ordre qu'elle souhaiterait. « Ce bon religieux, ajoute-t-elle, me pressait fort là-dessus (1). »

La sœur Bourgeoys, qui ne se conduisait que par obéissance, crut qu'avant de répondre au provincial pour le prier d'agréer son refus, elle devait informer son confesseur de cette réponse. Elle fit donc part à ce dernier de la lettre du provincial ; et cette ouverture la mit dans la nécessité de lui faire connaître aussi les démarches qu'elle avait faites à Troyes, par l'avis de son directeur, pour être reçue parmi les Carmélites ; le refus qu'elle avait éprouvé de leur part ; les offres si bienveillantes qu'elle venait de refuser elle-même à Paris ; et d'ajouter enfin qu'elle était sur le point de s'embarquer avec M. de Maisonneuve pour aller faire l'école aux petites filles de Villemarie. Son confesseur, à ce récit, jugea qu'elle ferait beaucoup mieux de demeurer en France et de suivre sa première vocation ; et il semblait que la prudence ordinaire, d'après laquelle il devait se conduire dans cette occasion, ne lui permettait pas de porter un autre jugement sur sa pénitente. « Il me fit scrupule, dit-elle elle-même, de n'être point carmélite, en ayant l'occasion (1). »

Ce bon religieux lui commanda donc d'écrire à Paris (2) ; et pour lui obéir, elle écrivit en effet deux lettres, l'une probablement au provincial lui-même, et l'autre sans doute à Mlle de Bellevue. Nous ignorons ce qu'elles contenaient; la sœur Bourgeoys fait remarquer cependant que, ces lettres étant restées sans réponse, elle tomba alors dans les inquiétudes les plus vives sur le parti qu'elle devait prendre (3) ; et cette circonstance autorise à penser qu'elle avait exposé dans sa réponse les signes extraordinaires de sa vocation pour le Canada, et qu'elle priait le provincial des Carmes de juger lui-même devant DIEU si elle devait la suivre ou y renoncer.

_____________________________________________________________

(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys
(1) Lettre de la sœur Bourgeoys à M. Tronson.
(2) Vie de la sœur, par M. Ransonet, p. 40.
(3) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys
A suivre : XXI. Désolation de la sœur Bourgeoys. DIEU …

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Message  Louis Dim 16 Sep 2012, 11:59 am

XXI. Désolation de la sœur Bourgeoys.
DIEU lui rend le calme en la fixant sur sa vocation.


Dans le même temps M. de Maisonneuve, qui était arrivé à Nantes, reçut de son côté une lettre anonyme dans laquelle on semblait vouloir alarmer la délicatesse de sa conscience. On lui donnait à entendre que cette fille ayant une vocation marquée pour être carmélite, il ne pouvait pas contrarier les desseins de DIEU sur elle en la transportant ainsi au delà des mers, et que, puisque la Providence lui offrait l'entrée de cet ordre, il était de son devoir de ne pas s'opposer à ce qu'elle y fût reçue (1).

Cette lettre que M. de Maisonneuve montra à la sœur Bourgeoys (2), les craintes qu'inspirait à celle-ci son nouveau confesseur de résister à la volonté de DIEU en quittant la France, enfin le silence qu'on semblait affecter à son égard après les deux lettres qu'elle avait écrites ; toutes ces considérations jettent la sœur Bourgeoys dans une désolation intérieure qu'il serait difficile d'exprimer.

Tout éplorée, elle entre dans la première église qui se présente devant elle; c'était celle des Capucins, où le saint Sacrement était exposé. Là, prosternée, elle répand son cœur avec une grande abondance de larmes en la présence de NOTRE-SEIGNEUR , et lui proteste de nouveau que son unique désir est de connaître et d'accomplir en tout sa sainte volonté, aux dépens même de sa vie. DIEU, qui l'avait permis cette rude épreuve que pour purifier de plus en plus la générosité et le dévouement de sa servante, ne différa pas de l'exaucer. Car à l'instant même, le cœur inondé d'une joie toute céleste, et l'esprit éclairé d'une vive lumière, elle connaît sans ambiguïté le dessein de DIEU sur elle, et se trouve toute résolue de persévérer jusqu'à la mort dans le dessein de servir DIEU à Villemarie (1).

« En un moment, écrit-elle, toutes mes peines furent changées ; je reçus là une très-forte impression et une très-grande assurance qu'il fallait faire le voyage, et je revins de l'église avec une entière conviction que DIEU voulait que j'allasse en Canada (2). »


__________________________________________________

(1) Vie de la sœur Bourgeoys, par M. Ransonet, p. 42. — Vie de la même, 1818. p. 60.
(2) Lettre de la sœur Bourgeoys à M. Tronson.
(1) Vie de la sœur Bourgeoys, par M. Ransonet, p. 40-41. — Vie de la même, 1818. p. 59.
(2) Lettre de la sœur Bourgeoys à M. Tronson. Écrits autographes de la sœur.
A suivre : XXII. M de Maisonneuve donne ordre pour le départ…

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Message  Louis Lun 17 Sep 2012, 6:00 am

XXII. M. de Maisonneuve donne ordre pour le départ.
Attentions de M. Lecoq pour la sœur.


Quant à M. de Maisonneuve, dont on avait essayé de surprendre la religion et la délicatesse, il n'était pas homme à se laisser intimider par de vaines terreurs, ni par les remontrances de personnes qui n'osaient pas se faire connaître. Après toutes les précautions qu'on avait prises à Troyes pour s'assurer de la volonté de DIEU à cet égard, il lui suffisait de connaître les dispositions de la sœur Bourgeoys elle-même ; et ayant appris de sa propre bouche qu'elle était plus résolue que jamais de suivre sa vocation pour Villemarie, il mit tout en œuvre pour presser l'embarquement.

Malgré les troubles et les inquiétudes de conscience auxquels la sœur Bourgeoys avait été en proie pendant son séjour à Nantes, elle avait su gagner l'estime et l'affection de la famille de M. Lecoq par sa douceur, sa charité et son empressement à rendre dans cette maison toutes sortes de bons offices ; en sorte qu'on ne la voyait partir qu'à regret. Par égard et par reconnaissance pour elle, non-seulement M. Lecoq ne voulut rien recevoir pour le passage ni pour la pension de la sœur Bourgeoys, mais encore il eut l'attention de lui procurer les commodités ordinaires du voyage, dont elle s'occupait bien peu elle-même. Dans ce dessein, il fit embarquer un lit complet qu'il lui donna ; et sachant qu'elle s'était interdit l'usage du vin, il voulut y suppléer par une provision d'eau douce, dont le défaut fait beaucoup souffrir en mer (1).

La recrue de M. de Maisonneuve, choisie avec beaucoup de soins, principalement dans les provinces de Maine et d'Anjou (2), se composait de 108 hommes, tous gens de cœur et en état de défendre la colonie contre les barbares (3). Comme ce secours était absolument nécessaire à sa conservation et même à celle de Québec, la compagnie de Montréal employa à cette dépense une somme très-considérable, que la sœur Morin, religieuse de Saint-Joseph, suppose avoir été donnée en grande partie par le séminaire, de Saint-Sulpice. Elle ajoute : « Ma sœur Bourgeoys, qui avait fait les achats et les provisions nécessaires à cette recrue, m'a dit que la dépense avait monté à 75,000 livres (4). » La compagnie s'engagea encore à payer annuellement à chacun de ces hommes les gages dont on était convenu avec eux, et leur fit même des avances pour faciliter leur établissement dans le pays (1). Enfin, le 20 juin 1653, tous s'embarquèrent dans la rade de Saint-Nazaire, sur le vaisseau appelé le Saint-Nicolas de Nantes, sous la conduite du capitaine Pierre Le Besson (2).

____________________________________________________

(1) Vie de la sœur Bourgeoys, par M. Ransonet, p. 42-43. — Vie de la même, 1818. p.60-61.
(2) Actes de Lafousse, notaire à Laflèche, 1653.
(3) Histoire du Montréal, par Dollier de Casson.
(4) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph.
(1) Archives du séminaire de Villemarie, engagements de 1653.
(2) lbid. Actes de Belliotte, notaire à Saint-Nazaire , 20 juin 1653.
A suivre : Chapitre III. TRAVERSÉE DE LA SŒUR BOURGEOYS EN CANADA…


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Message  Louis Lun 17 Sep 2012, 2:57 pm

CHAPITRE III

TRAVERSÉE DE LA SŒUR BOURGEOYS EN CANADA.
SES OCCUPATIONS PENDANT LES QUATRES PREMIÈRES ANNÉES
DE SON SÉJOUR À VILLEMARIE.



I. Accidents divers que la sœur éprouve dès le commencement de la navigation.

La sœur Bourgeoys avait pensé qu'elle serait seule de son sexe sur le navire ; elle fut agréablement surprise d'y trouver plusieurs vertueuses compagnes, destinées pour Villemarie. « M. de la Dauversière, dit-elle, envoya pour l'embarquement la femme Milot, Marie du Mans, une autre femme avec son mari et quelques filles (3). »

Toutefois cette satisfaction fut tempérée par divers accidents qui donnèrent à la sœur l'occasion d'acquérir bien des mérites dans le cours de ce voyage. « M. Lecoq, maître du navire, rapporte-t-elle, fit mettre plusieurs barriques d'eau pour mon usage, et même plus qu'il n'en aurait fait embarquer pour une seule personne, à cause que je ne buvais point de vin (1). » Cette précaution était excessive à l'égard de la sœur Bourgeoys, accoutumée à ne boire jamais qu'une fois le jour, dans une très-petite tasse de cuir, qu'elle portait toujours avec elle, et en une quantité qui n'était jamais suffisante pour la désaltérer.

Toutefois elle ne profita pas de cette attention de M. Lecoq. « Quand le navire fut hors de la vue du port, dit-elle, l'eau me fut refusée, et il fallut boire du breuvage des matelots. » Pendant toute la traversée, on ne lui servit en effet qu'une eau croupie et corrompue, dont, au reste, elle se montra toujours très-contente, à cause de son grand esprit de pénitence et de mortification (2). Un accident qui l'affligea davantage peu de jours après rembarquement, fut la perte d'un paquet précieux qui lui était confié.

Mme de Chuly, sœur de M. de Maisonneuve, avait eu soin de faire pour son frère une très-riche provision de linge fin et de dentelles de prix, dont les hommes de sa condition usaient alors ; la sœur Bourgeoys pendant la traversée en ayant formé un paquet, il arriva que ce paquet tomba par hasard dans la mer, et que, malgré tous les mouvements qu'elle se donna pour le recouvrer, il fut perdu sans retour. Ne connaissant point encore le caractère généreux et élevé de M. de Maisonneuve, et ne doutant pas qu'en homme du monde il ne fût très-sensible à cette perte, que l'on ne pouvait réparer en Canada, elle va, triste et toute tremblante, lui en faire l'aveu. Mais elle fut aussi agréablement surprise qu'édifiée de la manière dont M. de Maisonneuve reçut cette nouvelle : il ne fit que rire en l'apprenant, et dit à la sœur qu'il était bien aise de cette perte, puisque lui et elle étaient débarrassés par là du soin importun de ces ornements de vanité (1).


____________________________________________________________

(3) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.
(1) Ibid.
(2) Vie de la sœur Bourgeoys, 1818. p.61.
(1) Annales de l’Hôtel-Dieu Saint-Joseph, par la sœur Morin.
A suivre : II. La recrue pour Montréal est obligée de relâcher à Saint-Nazaire.

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Message  Louis Mar 18 Sep 2012, 6:30 am

II. La recrue pour Montréal est obligée de relâcher à Saint-Nazaire.


Un autre accident plus sérieux ne tarda pas à alarmer toute la recrue. En partant de Saint-Nazaire, à peine avait-on levé l'ancre, qu'on s'était aperçu que le navire était pourri et faisait eau de toutes parts. Comme cependant on était fort en bras, ayant, outre l'équipage ordinaire, 108 hommes pour Montréal, on espéra qu'on pourrait étancher le vaisseau. Mais inutilement. Quoique les gens fussent à la pompe jour et nuit, ils ne pouvaient en venir à bout, et enfin l'eau commençait à gagner et à endommager les provisions; en sorte qu'après avoir fait trois cent cinquante lieues en mer, on fut contraint de revenir à terre et de relâcher à Saint-Nazaire d'où l'on était parti. (2)

« En approchant de terre, dit la sœur Bourgeoys, nous périssions sans le secours que, par la grâce de DIEU, nous reçûmes des habitants de ce lieu-là. J'étais fort en peine de nous voir dans ce danger, car nous étions près de 120 passagers sans prêtre, et nos 108 soldats étaient mal préparés pour mourir, aussi bien que tout le reste. M. de Maisonneuve fît mettre tous ses soldats dans une île d'où l'on ne pouvait s'échapper, car autrement il n'en serait pas demeuré un seul. Il y en eut même qui se jetèrent à la nage pour se sauver, car ils étaient comme des furieux et croyaient qu'on les menait à la perdition. Il fallut bien du temps pour trouver et préparer un autre navire, et pourvoir aux autres besoins ; en sorte que l'on ne fit voile que le « jour de sainte Marguerite, 20 juillet, après avoir entendu la sainte messe à l'église (1). »

________________________________________________

(2) Vie de la sœur Bourgeoys, 1818. p.62-63.
(1) Écrits autographes de la sœur Bourgeoys.

à suivre : III. La maladie se met sur le vaisseau…

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