L'Abjuration du Cimetière SAINT - OUEN (complet)

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Message  Louis Mar 17 Avr 2012, 6:44 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

I.

Préparation de l'abjuration. .

Rappelons les divers rôles remplis, en cette préparation de l'abjuration, par les affîdés de l'Évêque-juge.

Maître Jean Beaupère. — Le matin du jour fixé pour le prêche de Saint-Ouen et le prononcé de la sentence, le docteur de ce nom vint seul trouver l'accusée « par congié », c'est-à-dire assurément par délégation expresse, « et il advertit icelle — c'est lui-même qui parle — qu'elle serait tantôt menée à l'échafaud pour être prêchée, en lui disant que si elle était bonne chrétienne, elle dirait audit échafaud qu'elle mettait tous ses faits et dits en l'ordonnance de notre mère sainte Église et en espécial des juges ecclésiastiques. Laquelle répondit que ainsi ferait-elle. » (Procès, t. II, pp. 20, 21. Déposition en français dudit J. Beaupère.)

En parlant comme il venait de le faire, maître Beaupère avait en vue l'abjuration qu'on allait exiger de la prisonnière ; mais il se garda bien d'en prononcer le nom, et, naturellement, Jeanne ne comprit rien.

Maître Nicolas Loiseleur. — On sait quel rôle odieux ce prêtre joua durant le cours du procès , abusant de son titre de confesseur de l'accusée pour la trahir, mentant impudemment pour lui arracher des aveux compromettants, et lui donnant, sous prétexte d'intérêt, des conseils qui ne pouvaient que la mener à sa perte. Le jour du prêche de Saint-Ouen, au moment où la Pucelle franchissait le seuil de la porte du cimetière, Loiseleur, qui la guettait, s'approche et, s'autorisant de sa mission de conseiller, « assistante sibi pro consilio Nicolao Loyseleur », il se mit à lui dire : « Johanna, credatis mini, quia si vos velitis, eritis salvata. Accipiatis vestrum habitum, et faciatis omnia quae vobis ordinabuntur; alioquin estis in periculo mortis. Et si vos faciatis ea quae vobis dico, vos eritis salvata, et habebitis multum bonum et non habebitis malum, sed eritis tradita Ecclesiae 1. » (Procès, t. III, p. 146. Déposition de G. Manchon, témoin de la scène.)

Comme maître Jean Beaupère, Loiseleur avait reçu de l'Évêque de Beauvais la mission de préparer le terrain de l'abjuration. Il ne s'en tint pas à cette première ouverture. Pendant que Pierre Cauchon lisait sa longue sentence de condamnation avec une lenteur calculée, Loiseleur insistait auprès de la Pucelle, la pressant de faire ce qu'on lui disait, « et de prendre l'habit de femme 1. » (Ibid.)

On aura remarqué combien le fidèle assesseur de Cauchon appuie sur cette reprise de l'habit de femme. L'abjuration devait porter, en effet, ouvertement sur ce point, et c'est à la suite de la reprise de l'habit d'homme que le tribunal déclara Jeanne relapse et la livra au bûcher2.

Guillaume Erard et Laurent Calot. — On va voir dans les pages ci-après la part que ces deux personnages prirent au dénouement de l'abjuration, et quels genres de service ils rendirent à l'Évêque-juge.

______________________________________________________

1. En français : « Jeanne, croyez-moi; si vous voulez, vous serez sauvée. Prenez votre habit (de femme) et faites tout ce qui vous sera ordonné ; autrement, vous êtes en péril de mort. Et si vous faites ce que je vous dis, vous serez sauvée, et il vous adviendra grand-bien, et vous n'aurez point de mal, et vous serez remise entre les mains de l'Eglise. »

1. « Et dum ipse episcopus sententiam condemnationis proferret et legeret, ipse Loyseleur dicebat Johanna quod faceret illud quod sibi dixerat, et quod acciperet habitum muliebrem. »

2. « Johanna judicata fuit relapsa quia resumpsit habitum virilem. » (Procès, t. II, p. 304. Déposition de Fr. Isambard de la Pierre. Frère Martin Ladvenu, Pierre Cusquel et plusieurs autres témoins disent la même chose. Ibid., pp. 306, 308, etc.)

Pour être exact jusqu'au bout, nous devons ajouter que l'Evêque de Beauvais donna pour deuxième motif à l'ouverture du Procès de rechute, le fait de l'affirmation par la Pucelle, au lendemain de Saint-Ouen, de la vérité de ses apparitions et révélations. Nous en parlerons plus loin

A suivre : II. Le Prêche de Guillaume Erard, d'après le Procès officiel.


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Message  Louis Mer 18 Avr 2012, 8:00 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


II.

Le Prêche de Guillaume Erard, d'après le Procès officiel.

Le 23 mai, après une dernière admonition adressée à la Pucelle en présence des juges, de deux prélats et de sept assesseurs, l'Évêque de Beauvais avait conclu en la cause et désigné le lendemain pour le prononcé de la sentence.

Ce jour-là, 24 mai, jeudi après la Pentecôte, on voyait deux estrades dressées dans le cimetière de l'abbaye Saint-Ouen, derrière la grande église de ce nom. Sur l'une de ces estrades, devaient prendre place les juges du procès, les évêques, abbés, docteurs et maîtres invités. Sur l'autre, devait monter l'accusée, et, avec elle, le prédicateur désigné et les officiers du tribunal.

Le matin du 24 mai, à l'heure dite, on vit arriver sur une charrette l'accusée qui, descendant à la porte du cimetière, fut accostée, comme nous l'avons vu, par Nicolas Loiseleur, puis conduite à l'estrade qui lui était réservée, estrade où montèrent avec elle les notaires Manchon et Colles, l'huissier J. Massieu et le prédicateur Guillaume Erard. Sur l'estrade d'honneur parurent les deux juges, Pierre Cauchon et le vice-inquisiteur Jean Lemaître, et à côté d'eux prirent place, d'abord le cardinal de Winchester, grand-oncle du petit roi, les Évêques de Thérouanne, de Noyon et de Norwich, puis de nombreux abbés, chanoines, docteurs, assesseurs, dont le procès-verbal cite les noms, et beaucoup d'autres personnages, « quam pluribus aliis », qui ne sont pas nommés. Inutile d'ajouter que le nombre des spectateurs était en rapport avec celui des prélats et ecclésiastiques, et avec l'intérêt poignant du drame qui allait se jouer.

Le texte officiel du Procès est très bref sur les circonstances de ce drame : il n'en rapporte guère que celles qui peuvent se retourner contre Jeanne, et parmi celles-là, il en est plus d'une que l'impartiale critique ne saurait accepter.

C'est chose heureuse que les témoins du Procès de réhabilitation aient été moins laconiques, et plus véridiques tout ensemble, que les rédacteurs du Procès officiel, Cauchon et Thomas de Courcelles. Si le silence de ces derniers sur la manière dont l'abjuration fut arrachée à la Pucelle ne nous condamne pas à une ignorance sans remède, si nous possédons sur ce point les détails les plus circonstanciés, c'est aux témoins des Enquêtes de Rouen que nous en sommes redevables.

Notons d'abord les points principaux du récit officiel : …

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Message  Louis Mer 18 Avr 2012, 12:12 pm

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DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN


(suite)

II.

Le Prêche de Guillaume Erard, d'après le Procès officiel.

Notons d'abord les points principaux du récit officiel :

Le prédicateur prit pour texte ces paroles de saint Jean : « Le sarment ne saurait de lui-même porter du fruit s'il ne demeure attaché à la vigne. » La Pucelle s'étant séparée « de l'unité de notre sainte mère l'Église par de nombreuses erreurs et des crimes graves, elle avait scandalisé grandement le peuple chrétien. »

C'est là, par à peu près, tout ce que le texte du Procès nous apprend du sermon de maître Erard. Il est plus explicite sur le dialogue qui se produisit, le sermon fini, entre le prédicateur et l'accusée, quoiqu'il ait soin de passer sous silence des circonstances capitales.

« Jeanne, dit alors Erard, voici Messeigneurs les juges qui vous ont sommée et requise plusieurs fois que vous voulussiez soumettre tous vos faits et dits à notre mère sainte Église; car en vos dits et faits il y a plusieurs choses, lesquelles, comme il semble aux clercs, ne sont bonnes ni à dire ni à soutenir.

« A cela Jeanne dit : « Je vous répondrai. »

En effet, sur la question de la soumission à l'Église, elle dit :

« De toutes les choses que j'ai dites et faites, « qu'on les envoie à Rome devers notre Saint Père le Pape : c'est à lui, après Dieu, que je m'en rapporte. Quant aux dits et faits que j'ai faits, je les ai faits de par Dieu. »

« Elle dit encore que de ces faits et dits elle ne chargeait personne, ni son roi, ni un autre; et s'il y avait quelque faute, il fallait s'en prendre à elle et non à un autre.

« Interrogée si elle voulait révoquer tous ceux de ses dits et faits qui étaient réprouvés par les clercs,-elle répondit :

« Je m'en rapporte à Dieu et à notre Saint Père le Pape. »

« On lui dit que cela ne suffisait pas, et qu'il ne pouvait se faire qu'on allât quérir notre Saint Père le Pape si loin; que les Ordinaires aussi étaient juges, chacun en leur diocèse, et à cause de cela il était nécessaire qu'elle s'en rapportât à notre sainte mère l'Église, et qu'elle tînt ce que les clercs et gens versés en ces matières disaient et avaient déterminé de ses dits et faits.

« Et de cela elle fut admonestée par nous jusqu'à trois « fois », ajoute l'Évêque de Beauvais.

Et par trois fois, l'accusée fit la même réponse.

« Ladite femme refusant de dire autre chose, nous, Évêque, avons commencé à prononcer notre sentence définitive. Nous l'avions lue en grande partie, lorsque Jeanne se mit à élever la voix et à dire qu'elle voulait tenir tout ce que l'Église ordonnerait et que nous, juges, voudrions dire et sentencier, ajoutant qu'elle obéirait en tout à ce que nous ordonnerions. » (Procès, t. I. pp. 444-446.)

Avec une déclaration relative aux révélations de la Pucelle, que nous examinerons plus bas, voilà tout ce que le texte officiel nous apprend des circonstances qui amenèrent l'abjuration de l'accusée. Avec une déclaration relative aux révélations de la Pucelle, que nous examinerons plus bas, voilà tout ce que le texte officiel nous apprend des circonstances qui amenèrent l'abjuration de l'accusée. En somme, il n'en dit absolument rien. Heureusement, les témoins rouennais du procès de réhabilitation nous révéleront ce que l'Evêque de Beauvais, si cela eût dépendu de lui, nous eût laissé ignorer à jamais.

A suivre : III. Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

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Message  Louis Mer 18 Avr 2012, 3:57 pm

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JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

Les témoins auxquels nous sommes redevables des révélations les plus importantes sur le drame de Saint-Ouen sont : l'exécuteur du commandement des juges, en d'autres termes l'huissier du Procès, Jean Massieu, les notaires-greffiers Guillaume Manchon, Guillaume Colles et Nicolas Taquel, le docteur-médecin Guillaume Delachambre, le chevalier bourguignon Aimond de Macy. De ces témoins, trois, G. Manchon, G. Colles et Massieu, se tinrent, tout le temps du « preschement », sur l'estrade auprès de Jeanne (Procès, t. III, p. 197); les autres étaient tout à côté de l'estrade même, en sorte qu'ils purent tout voir et entendre.

Les révélations de ces témoins portent, entre autres choses, sur les violences, les menaces, les promesses, la fraude, la terreur mises en œuvre par les affidés de l'Évêque de Beauvais pour arracher à la Pucelle l'abjuration désirée.

Violences, menaces, terreur. — La première explosion de violence que nous signalent les Enquêtes de Rouen se produisit lorsque le prédicateur, emporté par ses sentiments antifrançais, apostropha la Maison de France et reprocha à l'accusée de l'avoir enveloppée dans son déshonneur.

Guillaume Manchon dépose, dès la première Enquête, « que, au preschement fait à Saint-Ouen par maître Guillaume Erard, entre autres paroles fut dit et proféré par ledit Erard ce qui s'ensuit : « Ha, noble Maison de France, qui as toujours été protectrice de la foi, as-tu été ainsi abusée d'adhérer à une hérétique et schismatique! C'est grant pitié. » (Procès, t. II, p. 15.)

L'huissier du Procès, Jean Massieu, est encore plus explicite. « Vers le milieu du sermon, dit-il, après avoir moult blâmé ladite Jeanne, maître Guillaume Erard commença à s'écrier à haulte voix, disant :

« Ha, France, « tu es bien abusée ! Tu as toujours été la chambre (Maison) très chrétienne ; et Charles, qui se dit roi et de toi gouverneur, s'est adhéré comme hérétique et schismatique (tel est-il,) aux paroles et faits d'une femme inutile, diffamée et pleine de tout déshonneur; et non pas lui seulement, mais tout le clergié de son obéissance, par lequel elle a été examinée et non reprise. » (Ibid., pp. 16-17.)

Massieu ajoute que maître Erard « repliqua deux ou trois fois icelles paroles ». Puis, s'adressant à Jeanne et la désignant du doigt, il lui dit :

« C'est à toi, Jehanne, que je parle; et je te dis que ton roi est hérétique et schismatique. »

Et la jeune fille de lui lancer cette généreuse réplique :

« Par ma foi, Messire, révérence gardée, je vous ose bien dire et jurer que mon roi est le plus noble chrétien de tous les chrétiens, et qui mieux aime la foi et l'Église, et n'est point tel que vous dictes. » (Ibid.)

Le dominicain Isambard de la Pierre et Jean Moreau, bourgeois de Rouen, citent quelques-unes des aménités que ledit prédicateur fit entendre à la Pucelle. D'après Frère Isambard, maître Erard dit que, seule, la France n'avait jamais eu autrefois de monstre. « Et voici maintenant la monstruosité la plus horrible : le personnage qui se dit roi de France se sert d'une femme schismatique, hérétique, sorcière, pour recouvrer son royaume. » (Ibid., p. 353.)

Au rapport de Jean Moreau, le prédicateur « adressait à Jeanne les reproches les plus injurieux. Il l'accusait d'avoir outragé la majesté royale, d'avoir outragé Dieu et la foi catholique. Il ajoutait qu'elle avait sur plusieurs points erré dans la foi, et que si elle ne donnait satisfaction, elle serait brûlée vive. » (Procès, t. III, p. 194.)

Une seconde preuve de la violence de maître G. Erard et de la terreur qu'il inspira à l'accusée nous est rapportée encore par Jean Massieu….


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Message  Louis Jeu 19 Avr 2012, 7:58 am

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Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

Une seconde preuve de la violence de maître G. Erard et de la terreur qu'il inspira à l'accusée nous est rapportée encore par Jean Massieu.

Pendant que l'Évêque de Beauvais lisait à haute voix la première partie de la sentence, G. Erard insistait auprès de Jeanne afin de la décider à abjurer. D'abord, à ce que nous apprend le chevalier de Macy, il prit un ton doucereux : « Jeanne, lui dit-il, nous avons grand pitié de vous. Il faut que vous révoquiez vos dits, ou nous vous abandonnerons à la justice séculière. » (Procès, t. III, pp. 122-123. Déposition du chevalier de Macy.)

« La jeune fille répond qu'elle n'a rien fait de mal; qu'elle croit aux douze articles du Symbole et aux dix préceptes du Décalogue. Elle ajoute qu'elle s'en remet à la Cour romaine, et qu'elle veut croire ce que croit la sainte Église. — Ipsa autem responderat quod se referebat Curiæ romanæ, et volebat credere in omnibus in quibus sancta Ecclesia credebat. »

Maître Erard n'en insiste que davantage. Prenant une cédule d'abjuration qui était préparée d'avance, — c'est maintenant Jean Massieu qui parle 1, — il la lit, puis la présente à la Pucelle, en disant :

« Tu vas abjurer et signer cette cédule. »

La Pucelle répond qu'elle ignore ce que c'est que d'abjurer, qu'elle ne sait pas davantage signer, que sur ce, elle demande conseil….

_______________________________________________

1. « Ipse Erard tenebat quamdam schedulam abjurationis et dixit Johannæ : Tu adjurabis et signabis istam schedulam. » (Procès, t. II, pp. 17, 331. Déposition de J. Massieu.)

Sur ce sujet, voir les diverses dépositions de J. Massieu et de G. Manchon, Procès, tt. II et III. Elles se complètent et s'éclairent lés unes les autres.

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Message  Louis Jeu 19 Avr 2012, 3:29 pm

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(suite)

III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

La Pucelle répond qu'elle ignore ce que c'est que d'abjurer, qu'elle ne sait pas davantage signer, que sur ce, elle demande conseil.

Alors, maître Erard dit à Massieu de la conseiller sur cela. Massieu s'efforce de faire entendre à Jeanne le danger qu'elle court. Il lui conseille de s'en rapporter à l'Église universelle si elle doit abjurer ou non. Jeanne le fait et dit à Erard :

« Que cette cédule soit examinée par l'Église et les clercs entre les mains desquels je dois être remise. S'ils sont d'avis que je doive signer et faire ce qu'on me demande, je signerai volontiers. Je m'en rapporte à l'Église universelle si je dois signer ou non. »

« — Point du tout, réplique Erard : tu abjureras présentement ou tu seras brûlée aujourd'hui même 1.

« Et il défend à Massieu de parler davantage à l'accusée et de lui donner aucun conseil. » (Procès, t. II, pp. 17, 331.)

Et Jeanne, saisie de terreur, de s'écrier : « Plutôt signer que d'être brûlée! » (Procès, t. III, p. 157.)

Notez que la jeune fille apercevait devant elle, à quelques pas, le bourreau, auprès de sa charrette, attendant qu'on lui livrât la victime. (Procès, t. III, p. 147. Déposition de G. Manchon.)

On le voit, le ton doucereux avait fait place, chez Guillaume Erard, à celui de la menace et de la violence.

Promesses, dol et fraude.


________________________________________________________

1. « Illico dictus Erard respondit quod ipsa Johanna non haberet ampliorem dilationem, et quod, nisi ipsa tunc abjuraret dictam schedulam, præsentialiter cremaretur ». (Loco citato.)

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Message  Louis Jeu 19 Avr 2012, 6:03 pm

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(suite)

III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

Promesses, dol et fraude. — Nous avons déjà rappelé le langage tenu à Jeanne par Nicolas Loiseleur, avant le sermon d'Erard. Le sermon fini, Loiseleur vient à la rescousse du prédicateur pour décider la Pucelle à abjurer. Lui cherche, non à terrifier, mais à séduire 2 : il met en œuvre les promesses.

« Pendant que l'Évêque de Beauvais lit la sentence, » Loiseleur s'approche de l'accusée et, renouvelant les promesses qu'il lui avait déjà fait entendre, il la presse « de faire ce qu'il lui avait dit et de reprendre l'habit de femme. » (Procès, t. III, p. 146. Déposition de G. Manchon.)

Est-ce Loiseleur, est-ce maître Erard, est-ce Nicolas Midi, lequel intervint également, à ce que nous apprend maître J. Beaupère (Procès, t. II, p. 21), qui firent, au nom du tribunal, à l'accusée, les promesses qu'elle rappelait, le 28 mai, en sa prison et qu'on se garda bien de tenir?

Peu importe ; car il n'est pas douteux que ce ne soit un ou deux de ces personnages, sinon les trois. Ce qui est tout aussi certain, c'est qu'on lui fit, au nom du tribunal, — les promesses suivantes, si elle consentait à ce qu'on lui demandait :

Elle serait remise aux mains de l'Église ;
Elle aurait une femme avec elle ;
Elle irait à la messe ;
Elle recevrait son Sauveur;
On la mettrait hors des fers.

Ipsi judices sibi promiserant quod esset in manibus et carceribus Ecclesiæ, — et quod secum haberet unam mulierem (PROCÈS, t. III, p. 149), — quod iret ad missam, — reciperet corpus Christi, — et poneretur extra compedes ferreas (PROCÈS, t. 1, p. 455).

Il y a une sixième promesse propre à maître Erard…


______________________________________________________

2. C'est le mot dont se sert Jeanne elle-même : «. Vos habeatis multam pœnam pro me seducendo. » (Procès, t. III, page 123. Déposition du chevalier A. de Macy.)


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Message  Louis Ven 20 Avr 2012, 7:00 am

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III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

Il y a une sixième promesse propre à maître Erard et qui, selon maître Guillaume Delachambre, témoin de la scène, aurait triomphé des dernières hésitations de l'accusée. Erard lui promit que si elle consentait à ce qu'on lui demandait, elle sortirait de prison et recouvrerait la liberté.

Écoutons maître Delachambre :

« J'ai bonne souvenance, déposait-il, de l'abjuration que fit Jeanne. Elle s'y refusa longtemps. A la fin, maître Guillaume Erard l'y décida en lui disant que, si elle faisait ce qui lui était conseillé, elle serait délivrée de prison . Sous cette condition, et non pour d'autres motifs, elle se décida.

« Bene recordatur de abjuratione quam fecit ipsa Johanna, licet multum distulerit ad earn faciendam : ad quam tamen faciendum ipse magister Guillelmus Erard earn induxit, eidem dicendo quod faceret quod sibi consulebatur, et quod ipsa esset a carceribus liberata. Et sub hac conditione et non alias hoc fecit. » (Procès, t. Ill, p. 52.)

Pas n'est besoin d'ajouter que maître Erard et Loiseleur savaient à quoi s'en tenir sur le caractère mensonger et dolosif de ces promesses. Ils promettaient ce que l'Évêque de Beauvais était décidé à ne jamais accorder; ils n'ignoraient pas ces sentiments de l'Évêque-juge, et ils n'en insistaient pas moins pour convaincre Jeanne de leur sincérité à eux, quand ils la trompaient sciemment.

Telles étaient néanmoins ces promesses que l'accusée ne pouvait les entendre avec indifférence. L'impression qu'elle en avait ressentie n'était combattue que par une terreur d'une nature particulière, terreur causée par l'inconnu, que la jeune fille voyait, pareil à un gouffre, se creuser sous ses pas. On la pressait avec la dernière violence pour qu'elle abjurât; et elle ne savait pas ce que c'était. On la tourmentait, afin qu'elle signât la cédule dont Erard lui avait donné lecture, — fuit multum oppressa de se revocando (Procès, t. III, p. 123) ; oppressa ut signaret (Ibid, 157); et elle ne comprenait rien au contenu d'une partie de la cédule. D'explication, de lumière, elle ne pouvait en attendre de personne. Comment se diriger au milieu de ces ténèbres? L'acte qu'on requérait d'elle de façon si pressante ne cachait-il pas quelque piège dont elle ne pouvait se rendre compte? A aucun prix pourtant Jeanne n'eût voulu se prêter à une chose impliquant une offense, même légère, de Dieu. Soudain un rayon de lumière pénètre en son âme. Puisqu'on en veut peut-être à son innocence et qu'on pourrait abuser de son ingénuité, elle fera ses réserves. Elle purifiera ses intentions et protestera contre toute chose capable de l'induire à mal. Elle déclarera que si, en ce qu'on lui demande, il y avait, sans qu'elle s'en aperçût, une offense de Dieu, elle n'y consentait en aucune manière. Effectivement, en son for intérieur d'abord, puis à haute voix devant maître Erard et les officiers du tribunal « elle dit EN L'EURE — nous le savons par la minute française du Procès — en l'eure (c'est à savoir au moment même de se déterminer), qu'elle entendait ne rien révoquer, SI CE N'ETAIT POURVU QUE CELA PLUT A DIEU. — Dixit quod ipsa non intendebat aliquid revocare, NISI PROVISO QUOD PLACERET DEO. » (Procès, t, I, p. 458.)

Cependant le temps s'écoulait. L'Évêque de Beauvais allait peut-être reprendre la lecture de la sentence…


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Message  Louis Ven 20 Avr 2012, 12:39 pm

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III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

Cependant le temps s'écoulait. L'Évêque de Beauvais allait peut-être reprendre la lecture de la sentence.

Les spectateurs ne regardaient plus du côté de l'estrade des juges : les yeux fixés sur l'échafaud de l'accusée, ils suivaient avec un intérêt croissant les péripéties de ce drame inattendu. Ils voyaient bien qu'il était question du moyen d'arracher sa victime au bourreau. Les uns s'en réjouissaient; d'autres, les Anglais surtout, en étaient indignés et proféraient des menaces; des pierres furent même lancées contre l'estrade. Sollicitée par un grand nombre d'assistants de signer le formulaire qu'on lui présentait, suppliée par la foule « de ne pas se faire mourir » (Procès, t. III, p. 55), rassurée du côté de la conscience, Jeanne, enfin, se détermine.

« Elle joint les mains et, élevant la voix, elle dit qu'elle se soumet au jugement de l'Église, et elle supplie saint Michel de la diriger et de la conseiller. — Junctis manibus, dixit alta voce quod se submittebat judi cio Ecclesiæ, deprecando sanctum Michaelem quod earn dirigeret et consuleret. » (Procès, t. II, p. 323. Déposition du curé Pierre Bouchier.)

Aussitôt maître Erard prend acte du consentement. Il fait lire la cédule d'abjuration par J. Massieu, et la Pucelle la redit après lui, article par article (Procès, t. III, p. 197. Déposition du notaire-greffier Nicolas Taquel); « ce qui dura l'espace d'un Pater noster » (Procès, t. III, p. 132). Et « en ce faisant, Jeanne souriait.— Dicit (Manchon) quod subridebat. » (Ibid.,p. 147.) Après cela, « d'une plume que lui bailla » J. Massieu, elle fit une croix au bas du formulaire qu'elle venait de prononcer. (Procès, t. II, p. 17. Déposition de J. Massieu.)

Malgré le mécontentement et les murmures des Anglais, qui criaient à la trahison, malgré le tumulte qui se produisit en ce moment, — illa hora fuit magnus tumultus populorum adstantium, et fuerunt projecti multi lapides (Procès, t. III, p. 157), — malgré les pierres qui furent lancées, les juges reçurent sans difficulté l'abjuration de la Pucelle. Ravi d'en être arrivé à ses fins, l'Evêque de Beauvais prit une seconde sentence que, en homme sûr de son fait, il avait eu soin de préparer et de porter sur lui, et il la lut, cette fois, jusqu'au bout. Cette sentence, dite d'absolution, relevait l'abjurante de l'excommunication, mais la condamnait, malgré sa jeunesse, au maximum de la peine fixée par la procédure inquisitoriale, c'est-à-dire « à la prison perpétuelle, au pain de douleur et à l'eau d'angoisse ». (Procès, t. I, pp. 450-452.)

Quand tout fut fini, au moment de quitter le théâtre du drame, Jeanne interpelle les officiers du tribunal et leur dit : « Or ça, entre vous gens d'Église, menez-moi en vos prisons et que je ne sois plus en la main de ces Anglais. » La condamnée réclamait simplement l'accomplissement d'une des promesses qui lui avaient été faites au nom du tribunal par Erard et Loiseleur. L'Evêque de Beauvais dit à Massieu : « Menez-la où vous l'avez prise. Pour quoy, ajoute le digne prêtre Guillaume Manchon, la Pucelle fut remmenée au chasteau duquel elle était partie » et mise de nouveau entre les mains des Anglais. (Procès, t. II p. 14.)

A suivre : IV. Brève reconstitution de la scène de l'abjuration.

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Message  Louis Ven 20 Avr 2012, 5:03 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

IV.

Brève reconstitution de la scène de l'abjuration.

Avant de passer au chapitre suivant, il ne sera pas inutile de résumer les incidents caractéristiques de la scène de l'abjuration; nous embrasserons ainsi d'un coup d'œil le drame tout entier :

1° Dans sa prédication, G. Erard outrage, et l'accusée, et la Maison de France.

2° La cédule d'abjuration est préparée d'avance et G. Erard la porte sur lui.

3° Après la prédication, avant le prononcé de la sentence, Jeanne, sommée de se rétracter, renouvelle à plusieurs reprises son appel au jugement du Souverain Pontife et déclare soumettre tous ses faits et dits à la Cour romaine et à la détermination de l'Église universelle.
Le juge décline cet appel, sous le prétexte qu'on ne peut aller chercher le Pape à Rome.

4° Devant le refus de Jeanne de se rétracter, P. Cauchon commence la lecture de la sentence.

5° Pendant cette lecture, efforts redoublés de G. Erard, de Nicolas Loiseleur et de Nicolas Midi pour amener la Pucelle à abjurer. Exhibition par maître Erard de la cédule d'abjuration.

6° Jeanne répond qu'elle ne comprend pas ce que c'est que d'abjurer. Elle ne comprend pas davantage le contenu de la cédule qu'on lui présente.

Erard semble charger Massieu de la « conseiller sur cela » ; mais à peine Massieu a-t-il commencé à parler à Jeanne, que maître Erard lui ordonne de se taire et de ne plus adresser la parole à l'accusée. (Procès, t. II, pp. 17,331.)

7º Instances, menaces, promesses employées pour décider Jeanne à signer ladite cédule. Elle s'y refuse longtemps. « Magno tempore recusavit illam schedulam abjurationis signare. » (Procès, t. III, p. 164. Déposition de G. Colles, un des notaires du Procès.)

8º Enfin, pressée de toutes parts, — compulsa (Colles), oppressa (de Macy), — elle dit à quelle condition elle abjure (Procès, t. I, p. 458), « elle signe et elle fait une croix. » (Ibid.,. t. III, p. 164.)

9º Fureur des Anglais qui, s'attendant à ce que la Pucelle fût brûlée, et sachant les ordres donnés à P. Cauchon, ne comprennent rien à sa patience, à l'interruption de sa lecture, à ce long entr'acte; finalement, ils lui reprochent sa trahison et lancent des pierres contre le tribunal. (Procès, t. II, p. 157.)

Comme conclusion, relevons la satisfaction manifestée par Nicolas Loiseleur lorsque la Pucelle eut abjuré et signé la cédule. « Jehanne, lui dit-il, vous avez fait une bonne journée, si à Dieu plaist, et avez sauvé votre âme. » (Procès, t. II, p. 14. Déposition en français de G. Manchon.)

Les choses, en effet, avaient tourné comme l'avait espéré et comme le désirait l'Évêque de Beauvais. Il n'y avait plus qu'à préparer le procès de relaps : or, le Prélat savait bien par quels moyens il serait provoqué à coup sur et rendu inévitable.

A suivre : CHAPITRE IV. DES DEUX CÉDULES DE L'ABJURATJON, LA VRAIE ET LA FAUSSE. — FAUSSETÉ DE LA CÉDULE QU'ON LIT AU
PROCÈS.


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Message  Louis Sam 21 Avr 2012, 7:43 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre IV

DES DEUX CÉDULES DE L'ABJURATJON, LA VRAIE ET LA FAUSSE.
— FAUSSETÉ DE LA CÉDULE QU'ON LIT AU PROCÈS.

Il est donc avéré — le précédent chapitre en contient la preuve — que la Pucelle, au cimetière de Saint-Ouen, prononça et signa une cédule d'abjuration dont la lecture dura le temps d'un Pater noster. Cette cédule, maître Erard l'avait apportée toute prête; il la remit à Jean Massieu, l'huissier du tribunal. Massieu, au moment voulu, la lut à voix haute. Jeanne la redit après lui, article par article, puis la signa en faisant une croix.

Tels sont les faits; reste à en déterminer le vrai sens.

Une question se pose tout d'abord :

La cédule, que la Pucelle a prononcée et signée, contenait-elle le texte d'une abjuration canonique en cause de foi; ou bien ne contenait-elle qu'un texte insignifiant n'ayant rien de commun avec une abjuration canonique véritable et, par suite, en tant que cédule d'abjuration, n'en avait-elle que le nom?

La réponse qu'une étude approfondie des documents fait à cette question est celle-ci :

La cédule dont il s'agit, la cédule exhibée par maître Erard, ne contenait le texte d'aucune abjuration canonique formelle en cause de foi; l'abjuration de la Pucelle, en réalité, ne fut qu'une abjuration apparente, une abjuration n'ayant de cet acte judiciaire que le nom.

De là cette conséquence de la plus haute gravité.

La cédule insérée au Procès, dont le texte constate l'aveu fait par la Pucelle, sous la foi du serment, d'erreurs contre la foi et de crimes nombreux qu'elle abjure en présence du tribunal, renie et déteste, est une cédule fausse, rédigée frauduleusement par ordre des juges, à l'effet de flétrir la Pucelle; une cédule qui a été substituée à la cédule vraie pour être insérée dans l'instrument officiel du Procès. Des affirmations de ce genre ne devant pas être acceptées sur parole, nous allons en apporter la preuve irréfutable.

A suivre : I. La formule d'abjuration qu'on lit au Procès est-elle bien celle que Jeanne prononça et signa ?

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Message  Louis Sam 21 Avr 2012, 3:31 pm

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DE

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Chapitre IV

DES DEUX CÉDULES DE L'ABJURATJON, LA VRAIE ET LA FAUSSE.
— FAUSSETÉ DE LA CÉDULE QU'ON LIT AU PROCÈS.


(suite)

I.

La formule d'abjuration qu'on lit au Procès est-elle bien celle que Jeanne prononça et signa ?

Au point du récit officiel où nous nous sommes arrêté, l’Évêque de Beauvais exposait comment, la Pucelle ayant manifesté l'intention de se soumettre à la détermination de l'Église, il avait suspendu la lecture de la sentence. Le récit se poursuit en ces termes :

« Alors, en présence des juges et maîtres susnommés, et de la multitude du clergé et du peuple, la Pucelle fit et proféra une rétractation et une abjuration dans la forme d'une cédule dont on lui donna en ce moment lecture, cédule rédigée en français, qu'elle-même prononça, et qu'elle signa dans la forme qui suit 1 :

« Toute personne qui a erré et mespris en la foy chrestienne, et depuis, par la grâce de Dieu est retournée en lumière de vérité et à l'union de notre mère saincte Eglise, se doit moult bien garder que l'ennemi d'enfer ne la reboute et fasse recheoir en erreur et en damnation. Pour ceste cause, je JEHANE, communément appelée la Pucelle, misérable pécheresse, après ce que j'ai cogneu (connu) les las (lacs, filets) de erreur ouquel je estaie tenue, et que, par la grâce de Dieu, sui retournée à nostre mère saincte Eglise, afin que on voie que non pas fainctement, mais de bon cuer et de bonne volonté sui retournée à icelle, je confesse que j'ay très griefment péchié, en faignant mençongeusement avoir eu révélations et apparitions de par Dieu, par les anges et saincte Catherine et saincte Marguerite, en séduisant les autres, en créant (croyant) folement et légèrement, en faisant supersticieuses divinaisons (divinations), en blasphémant Dieu, ses Sains et ses Sainctes: en portant habit dissolu, difforme et deshonneste contre la décence de nature, et cheveux rougnez (coupés) en ront en guise de homme, contre toute honnesteté du sexe de femme; en portant aussi armeures par grant présumpcion; en désirant crueusement cruellement) effusion de sang humain; en disant que toutes ces choses j'ay fait par le commandement de Dieu, des angelz et des Sainctes dessusdictes, et que sur ces choses j'ay bien fait et n'ay point mespris: en mesprisant Dieu et ses sacrements, en faisant sédicions et ydolatrant, par aourer (en adorant les) mauvais esperis, et en invoquant iceulx. Confesse aussi que j'ay été scismatique et par plusieurs manières ay erré en la foy. Lesquels crimes et erreurs, de bon cuer et sans ficcion, je, de la grâce de Nostre Seigneur, retournée à voye de vérité, par la saincte doctrine et par le bon conseil de vous et des docteurs et maistres que m'avez envoyez, abjure, déteste, renie, et de tout y renonce et m'en dépars. Et sur toutes ces choses devant dictes me soubmetz à la correccion, disposicion, amendement et totale déterminacion de nostre mère saincte Eglise et de vostre bonne justice. Aussi je vous jure et prometz à Monseigneur saint Pierre, prince des apostres, à nostre saint père le Pape de Rome, son vicaire, et à ses successeurs, et à vous, mes seigneurs, révérend père en Dieu, Monseigneur l'évesque de Beauvais, et religieuse personne frère Jehan Le Maistre, vicaire de Monseigneur l'Inquisiteur de la foy, comme à mes juges, que jamais, par quelque euhortement (suasion) ou autre manière, ne retourneray aux erreurs devant diz, desquelz il a pleu à Nostre Seigneur moy délivrer et oster ; mais à tousjours demourray en l'union de nostre mère saincte Eglise, et en l'obéissance de nostre saint père le Pape de Rome. Et cecy je dis, afferme et jure par Dieu le Tout-Puissant, et par ces sains Evangiles. Et en signe de ce, j'ay signé ceste cédule de mon signe. »

Ainsi signée :

« Jehanne +. »

Cette formule d'abjuration remplit, dans l'Édition du Procès (t. I, pp. 447, 448), quarante-cinq lignes de petit texte…

____________________________________________________________

1. « Tune, præsentibus prænominatis , et in conspectu copiosæ multitudinis, fecit (ipsa Johanna) et protulit revocationem et abjurationem secundum formam cujusdam schedulæ sibi tum lectæ, verbis gallicis confectæ, quam ipsamet etiam pronuntiavit, atque ipsam schedulam propria manu signavit, sub forma quæ sequitur. « (Procès, t. I, pp. 446, 447.)

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Message  Louis Sam 21 Avr 2012, 6:10 pm

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(suite)

I.

La formule d'abjuration qu'on lit au Procès est-elle bien celle que Jeanne prononça et signa ?

Cette formule d'abjuration remplit, dans l'Édition du Procès (t. I, pp. 447, 448), quarante-cinq lignes de petit texte, équivalant à soixante lignes de texte ordinaire, c'est-à-dire deux pages environ du format in-8º. P. Cauchon affirme que ce texte est celui qui fut lu à l'accusée, qu'elle prononça et qu'elle signa. Est-ce bien vrai?

Assurément, l'Évêque de Beauvais avait grand intérêt à ce que cela fût vrai, et, si ce n'était pas vrai, à ce que le public le crût tout de même. Que voyons-nous, en effet, dans ladite formule d'abjuration?

Nous y voyons la Pucelle « confesser avoir feint nensongèrement avoir eu des révélations et apparitions de par Dieu;

« Avoir séduit les autres, en faisant superstitieuses divinations ;

« Avoir adoré les mauvais esprits, en invoquant iceux;

« Avoir été schismatique et, par plusieurs manières, avoir erré en la foy. Lesquels crimes et erreurs elle abjure, déteste, renie, et de tout y renonce et s'en départ. »

Une pièce pareille, portant la signature même de Jeanne, servait admirablement l'Évêque de Beauvais, ainsi que ses maîtres et patrons les Anglais.

Elle servait l'Évêque de Beauvais, car il devenait sûr d'atteindre le double but qu'il s'était proposé, à savoir :

1° De prononcer contre la Pucelle une sentence infamante, préparatoire de la sentence de relaps, non moins infamante, qui la condamnerait au bûcher;

2º De faire rejaillir de cette sentence un déshonneur et une flétrissure manifestes sur la maison de France et Charles VII, son représentant.

Ladite pièce servait non moins merveilleusement les Anglais, car si la foi des loyaux Français en la mission divine de la Pucelle et si la réalité de cette mission réduisaient à néant les droits que le monarque anglais prétendait avoir à la couronne et au royaume de France, ces mêmes droits reprenaient vigueur du moment que la prétendue mission divine de Jeanne n'était, de son propre aveu, qu'une invention mensongère, ses apparitions et révélations qu'une imposture.

Malheureusement pour l'Évêque de Beauvais…

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Message  Louis Dim 22 Avr 2012, 6:46 am

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I.

La formule d'abjuration qu'on lit au Procès est-elle bien celle que Jeanne prononça et signa ?

Malheureusement pour l'Évêque de Beauvais, son témoignage est le seul qu'on puisse alléguer en faveur de la pièce qu'il avait si grand intérêt à produire, et son témoignage est trop suspect pour qu'on puisse l'admettre.

Ce témoignage est le seul, disons-nous, qu'on puisse invoquer. En effet, pas un des greffiers, huissiers, assesseurs du Procès entendus en l'Enquête de la réhabilitation ne confirme, soit directement, soit indirectement, l'authenticité de ladite pièce; leurs dépositions, on le verra tout à l'heure, lui sont ouvertement contraires.

Ce témoignage provient, ajoutons-nous, d'une source trop suspecte pour être admis de confiance; de trop puissantes raisons s'y opposent.

Une de ces raisons se trouve dans les procédés coupables dont a constamment usé l'Évêque de Beauvais, modifiant, altérant, falsifiant le texte officiel, surtout les réponses de Jeanne, toutes les fois qu'il avait intérêt à le faire. Ainsi, par exemple : …

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Message  Louis Dim 22 Avr 2012, 12:16 pm

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I.

La formule d'abjuration qu'on lit au Procès est-elle bien celle que Jeanne prononça et signa ?

Ainsi, par exemple : …

C'est chose prouvée qu'il a supprimé les Informations préalables sur les mœurs et la jeunesse de la Pucelle, lesquelles auraient dû figurer dès les premières pages du Procès. Il les a supprimées, parce qu'elles étaient trop favorables à la prévenue.

C'est chose prouvée que, outre le procès-verbal officiel des réponses de Jeanne pendant le Procès d'office, P. Cauchon faisait rédiger clandestinement, par des clercs anglais, un procès-verbal mensonger dans lequel lesdits clercs écrivaient à leur façon les dits et faits de la Pucelle, passant sous silence tout ce qui pouvait la justifier. (Procès, t. III, pp. 135, 136.)

C'est chose prouvée que l'Évêque susnommé, dans la rédaction du procès-verbal officiel même, abusait de son autorité au point d'obliger les notaires-greffiers à rapporter les choses autrement qu'elles n'étaient, tantôt par altération, tantôt par omission. (Procès, t. II, pp. 12, 13.) Il le faisait non seulement en dehors des séances, mais au cours même de ces séances : à ce point que, un jour, en plein interrogatoire, devant ses nombreux assesseurs, il défendit au notaire de mentionner dans le procès-verbal la soumission de la Pucelle à l'Eglise. Ce qui arracha à la jeune Lorraine ce cri de protestation : « Vous écrivez ce qui est contre moi, et vous ne voulez pas écrire ce qui est pour moi. » (Procès, t. II, pp. 349, 350.)

C'est chose prouvée, enfin, que le traducteur du Procès français en latin, le Docteur de Paris, Thomas de Courcelles, profita de cette occasion pour altérer, par suppression ou par retouches, le texte véritable lorsqu'il eut intérêt à le faire. Ainsi, par exemple, ledit Courcelles avait été, au Procès, l'un des trois assesseurs qui opinèrent qu'il fallait mettre Jeanne à la torture ; c'est attesté dans la minute française. Courcelles tint à ce que la postérité ne le sut pas : en conséquence, il supprima dans le Procès en latin le compte rendu de la délibération. (Procès, t. I, pp. 402-404.)

Nous verrons plus bas le Docteur de Paris, par la simple suppression d'un mot, changer en un texte qui ne signifie rien une phrase qui justifie admirablement la Pucelle.

Qui est-ce qui voudrait, devant de semblables procédés, qu'on crût P. Cauchon sur parole, dans une question aussi grave que l'authenticité du formulaire inséré au Procès?

Mais nous avons mieux que cette fin de non-recevoir. Des textes positifs, irréfragables, établissent que, dans le cas présent, la parole de l'Évêque-Juge ne mérite aucune créance et que la cédule du Procès est une fausse cédule.

A suivre : II . Preuves de la fausseté du formulaire inséré au Procès.

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Message  Louis Dim 22 Avr 2012, 5:56 pm

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II.

Preuves de la fausseté du formulaire inséré au Procès.

La preuve de la fausseté de ce formulaire nous est donnée par cinq témoins des enquêtes de la réhabilitation : Jean Massieu, déjà nommé, maître Delachambre, Nicolas Taquel, l'un des notaires, Pierre Migiet et Jean Monnet, chanoine de Paris. Ce que nous apprennent ces témoins sur la vraie cédule montre que la cédule insérée au Procès en est absolument différente.

En effet, ces cinq témoins s'accordent à déposer que la cédule présentée par Erard à la Pucelle comptait six, sept, huit lignes au plus.

Or, la cédule du Procès, dont nous avons reproduit le texte plus haut, compte quarante-cinq lignes de petits caractères, équivalant à cinquante-cinq ou soixante en caractères ordinaires.

Impossible, par suite, de les confondre l'une avec l'autre.

Voici la teneur de chacune de ces cinq dépositions

Jean Massieu. — « Je sais bien, disait-il, que ladite cédule (de l'abjuration) contenait environ huit lignes, pas davantage — Bene scit (testis) quod illa schedula continebat circiter octo lineas, et non amplius. » (Procès, t III, p 156)

Maître G. Delachambre. — « Jeanne, dit-il, prononça une petite cédule contenant six ou sept lignes, sur une feuille de papier double, et j'étais si près, que je pouvais aisément voir les lignes et leur disposition. — (Legit Johanna) quamdam parvam schedulam continentem sex vel septem lineas, in volumine folii papyrei duplicati; et erat ipse loquens ita prope, quod verisimiliter poterat videre lineas et modum earumdem. » (Ibid., p. 52.)

Nicolas Taquel. — « J'étais à Saint-Ouen lors du premier preschement, mais je n'étais pas avec les autres notaires sur l'estrade; j'étais cependant assez proche pour pouvoir entendre ce qui se faisait et se disait. Je me souviens bien d'avoir vu ladite Jeanne lorsque la cédule d'abjuration lui fut lue, et celui qui la lut fut messire Jean Massieu; et elle contenait environ six lignes de grosse écriture. Et ladite Jeanne la redisait après Massieu. Et la cédule d'abjuration était en français et commençait : Je, Jehanne, etc. — Ipse fuit præsens in Sancto Audoeno, quando facta fuit prima prædicatio ; sed non fuit cum aliis notariis in ambone. Erat tamen satis prope, et in loco ubi poterat audire quae fiebant et dicebantur. Et bene recordatur quod vidit eamdem Johannam, quando schedula abjurationis fuit sibi lecta; et sibi legit earn dominus Johannes Massieu. ET ERAT QUASI SEX LINEARUM GROSSE LITTERÆ Et dicebat ipse Johanna post dictum Massieu. Et erat illa littera abjurationis in gallico, incipiens : JE, JEHANNE, etc. » (Procès, t. III, p. 197.)

Pierre Migiet, prieur. — « Quant au fait de l'abjuration, il dura à peu près ce que dure un Pater noster.Quantum ad factum abjurationis, durabat totidem vel circiter sicut Pater noster. » (Procès, t. III, p. 132.)

Enfin, l'ancien serviteur de maître Jean Beaupère, Jean…

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(suite)

II.

Preuves de la fausseté du formulaire inséré au Procès.

Enfin, l'ancien serviteur de maître Jean Beaupère, Jean Monnet, chanoine de Paris, déclare « avoir vu, lui aussi, la cédule de l'abjuration, et c'était, lui semble-t-il, une petite cédule comme de six ou sept lignes — Tunc vidit ipse loquens quamdam schedulam abjurationis, et eidem videtur quod erat una parva schedula, quasi sex vel septem linearum. » (Ibid., p 65 )

Différente par sa brièveté de la cédule qu'on lit au Procès, la cédule de sept ou huit lignes ne l'était pas moins quant au fond même et à la manière dont elle commençait. D'après Nicolas Taquel, la cédule redite par l'accusée commençait ainsi « Je, Jehanne, etc » (Procès, t III, p 197) La cédule du Procès commence par ces mots bien différents « Toute personne qui a erré » (Procès, t I, p 447 )

Finissons par cette déclaration capitale de J. Massieu, le personnage, redisons-le, qui reçut la cédule de la main d'Erard, qui la lut à Jeanne et la lui fit signer : « Je suis absolument sûr, dit-il, que la cédule prononcée par la Pucelle n'était pas celle dont il est fait mention au Procès; l'abjuration qui a été insérée au Procès diffère totalement de celle que moi, Massieu, ai lue, et que ladite Jeanne signa. — Et scit firmiter quod non erat illa (schedula) de qua in processu fit mentio; quia aliam ab illa quæ est inserta in processu legit ipse loquens, et signavit ipsa Johanna. » (Procès, t. III. p. 156.)

De cet ensemble de témoignages, il résulte d'abord que la cédule lue à Jeanne était totalement différente, et quant à la brièveté et quant au fond, de celle que nous avons reproduite plus haut; puis, que l'Évêque de Beauvais a commis ou ratifié, en tout cas inséré au Procès officiel un véritable faux.

A suivre : III. Fausseté du texte officiel de l'abjuration. — Preuve complémentaire.

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Message  Louis Lun 23 Avr 2012, 12:23 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre IV

DES DEUX CÉDULES DE L'ABJURATJON, LA VRAIE ET LA FAUSSE.
— FAUSSETÉ DE LA CÉDULE QU'ON LIT AU PROCÈS.


(suite)

III.

Fausseté du texte officiel de l'abjuration. — Preuve complémentaire.


Si l'on jugeait insuffisante la démonstration qui précède, nous y joindrions le fait suivant : il nous paraît de nature à la compléter, si besoin était, et à la rendre irréfutable.

Dans la délibération du 29 mai, la dernière du Procès entier et Tunique de la cause de rechute, l'Évêque de Beauvais commença par rappeler aux maîtres et docteurs présents la scène du cimetière Saint-Ouen, et la reprise par la Pucelle de l'habit d'homme ; puis il fit donner lecture, entre autres pièces, de la prétendue abjuration insérée au Procès; après quoi, les assesseurs furent priés d'émettre leur avis. (Procès, t. I, pp. 460-462.)

Le premier qui prit la parole fut Nicolas de Venderès, chanoine de Rouen : il opina que Jeanne devait être réputée et qu'elle était hérétique, et qu'il fallait la livrer au bras séculier.

Messire Gilles Duremort, abbé de la Sainte-Trinité de Fécamp, opina que Jeanne était relapse ; mais il ajouta « qu'il serait bon qu'on lût de nouveau devant elle la cédule d'abjuration qu'on venait d'entendre et qu'on la lui expliquât, en lui proposant la parole de Dieu. — Tamen bonum est quod schedula nuper lecta legatur iterum coram ipsa et sibi exponatur, proponendo ei verbum Dei. » (Procès, t. I, p. 463).

Sur quarante assesseurs qui opinèrent après l'abbé de Fécamp, trente-neuf déclarèrent se ranger à son avis, à savoir qu'il était bon que l'abjuration insérée au Procès fût lue à la Pucelle et lui fût expliquée.

Cette demande, l'abbé de Fécamp et les trente-neuf docteurs qui parlèrent après lui, la présentèrent en vain. L'Évêque de Beauvais n'en tint aucun compte, et Jeanne fut brûlée le lendemain, sans avoir jamais ouï un seul mot de la pièce qui servit de point de départ à sa condamnation.

Pour quel motif le Prélat refusa-t-il de donner satisfaction à ses assesseurs? Pour un seul…

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Message  Louis Lun 23 Avr 2012, 4:49 pm

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— FAUSSETÉ DE LA CÉDULE QU'ON LIT AU PROCÈS.


(suite)

III.

Fausseté du texte officiel de l'abjuration. — Preuve complémentaire.



Pour quel motif le Prélat refusa-t-il de donner satisfaction à ses assesseurs? Pour un seul : c'est que le texte de la prétendue abjuration était faux. Si Pierre Cauchon eût consenti à ce que lecture en fût donnée à l'accusée, il eût fallu que les choses se fissent juridiquement. La pièce aurait été lue en présence d'un certain nombre de docteurs, de l'Évêque lui-même, supposé qu'il eût cru devoir paraître, et l'un des notaires assermentés eût dressé le procès-verbal authentique des déclarations et des protestations de la Pucelle. Quelle n'eût pas été, en effet, la stupeur de la malheureuse jeune fille, en entendant cette lecture! Avec quelle indignation elle eût dénoncé la fausseté des aveux qu'on lui attribuait! et si Cauchon eût persisté à soutenir l'identité de ce formulaire avec celui que maître Erard lui avait présenté, dans quels sentiments de mépris et de révolte elle en eût appelé au témoignage de Erard lui-même, à ceux de Jean Massieu, des notaires du tribunal, G. Manchon, N. Taquel, G. Colles, et ces témoignages eussent été écrasants.

Devant cette révélation de l'iniquité de l'Évêque de Beauvais, le scandale éclatait, épouvantable en lui-même, incalculable dans ses conséquences. L'édifice du Procès, si laborieusement, si artificieusement échafaudé, s'écroulait sans retour. Un nouveau Procès devenait inévitable, et le premier soin de l'autorité ecclésiastique eût été de l'arracher à la direction du juge qui venait d'être convaincu publiquement de forfaiture.

Ces choses étaient trop graves pour être négligées, et P. Cauchon était trop habile, trop intéressé dans la cause, pour ne pas les prévoir et ne pas se précautionner en conséquence. Voilà pourquoi il se garda bien de déférer à la requête de l'abbé de Fécamp et des trente-neuf assesseurs qui se joignirent audit abbé. Jeanne ne connut jamais le texte d'abjuration qu'elle passa pour avoir prononcé. Elle fut brûlée vive, afin que l'iniquité de son juge ne fût pas démasquée.

A suivre : IV.

Comment s'est opérée la substitution de la cédule fausse à la cédule authentique.

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Message  Louis Mar 24 Avr 2012, 7:05 am

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— FAUSSETÉ DE LA CÉDULE QU'ON LIT AU PROCÈS.


(suite)

IV.

Comment s'est opérée la substitution de la cédule fausse à la cédule authentique.



En préparant le drame du cimetière Saint-Ouen, l'Évêque de Beauvais avait envisagé toutes les hypothèses et pris les mesures qu'elles commandaient. Parmi ces hypothèses se présentait en première ligne celle de l'impossibilité qu'il y avait à obtenir une abjuration telle que la voulait Pierre Cauchon, c'est-à-dire une abjuration dans laquelle l'accusée se reconnaîtrait coupable de tous les crimes que ses ennemis lui imputaient, se couvrant ainsi elle-même d'opprobre et s'assimilant à la plus impie, à la plus méprisable des aventurières. En prévision de ce cas, dès que les assesseurs eurent terminé leur délibération sur le cas de la Pucelle 1, antérieurement à la scène de Saint-Ouen, le Prélat fit rédiger deux formules, l'une telle qu'il la voulait pour instrumenter à son aise, longue, explicite, accablante de toute façon pour la Pucelle ; l'autre de quelques lignes seulement, à première vue insignifiante, et telle que l'accusée ne pût en être effarouchée. C'est cette dernière formule que, s'il le jugeait opportun, Erard présenterait à la jeune fille et qu'il lui ferait signer; mais c'est la longue et explicite formule qui devait dans tous les cas être insérée au Procès.

Toutefois, on ne l'y insérerait pas sans avoir essayé d'obtenir de Jeanne qu'elle signât les deux pièces, la pièce fausse et la pièce authentique. Comme il n'était pas possible de lui faire prononcer deux textes aussi différents, on se contenterait de la double signature; à la rigueur, cela suffirait pour atteindre le but proposé.

En effet, une fois les deux formules revêtues de la signature de Jeanne, les juges, entre les mains desquels elles devaient être remises, détruiraient la cédule d'Erard, puis présenteraient la fausse cédule aux notaires du Procès et aux assesseurs, comme étant la cédule authentique, et ils la feraient insérer à ce titre dans l'instrument officiel. En affirmant que Jeanne l'avait véritablement signée, ils n'énonceraient point une chose fausse; aux yeux de gens à qui l'Évêque de Beauvais et ses affidés inspiraient encore plus de crainte que de confiance, l'authenticité de la signature devait emporter l'authenticité de la pièce tout entière.

Tel était le plan arrêté : voici comment il fut mis à exécution....


_______________________________________________________

1. « La cédule de l'abjuration, dit le notaire-greffier G. Manchon, fut faite après que tous les assesseurs eurent fait connaître leur opinion et avant la scène de l'abjuration même. — Dixit (testis G. Manchon) quod non vidit illam litteram abjurationis fieri; sed fuit facta post conclusionem opinionum, et antequam accederent ad illum locum. » (Procès, t. III, p. 147. Déposition dudit G. Manchon.)

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IV.

Comment s'est opérée la substitution de la cédule fausse à la cédule authentique.

Tel était le plan arrêté : voici comment il fut mis à exécution.

On a vu précédemment, par la déposition de Jean Massieu, que Guillaume Erard n'exhiba la cédule d'abjuration et ne la présenta à la Pucelle qu'au bout d'un certain temps. De même que P. Cauchon était venu au « preschement » muni de deux sentences, Erard y était venu muni, lui aussi, des deux formulaires de l'abjuration. Mais il se garda bien d'exhiber au début l'un ou l'autre de ces formulaires. En homme prudent, il tâta d'abord le terrain. Quand il se fut convaincu qu'il devait renoncer absolument à obtenir de Jeanne une abjuration dans les termes de la formule qui devait figurer au Procès, il prit le parti de ne lui présenter que la formule de sept ou huit lignes.

Mais Erard n'était pas le seul en possession de la formule explicite; Nicolas de Venderès, chanoine de Rouen et chapelain de l'Évêque de Beauvais, la possédait également. Thomas de Courcelles nous apprend qu'il le vit, avant que Erard commençât son sermon, occupé à transcrire ladite formule. (Procès, t. III, p. 61.) Or, si le chapelain de P. Cauchon prenait cette peine, il ne la prenait pas sans dessein arrêté. La transcription qu'il exécuta ne sortit de ses mains que pour passer entre celles du personnage à qui elle était destinée, et qui n'était autre que messire Laurent Calot, secrétaire du roi d'Angleterre.

On le voit, ce personnage n'était pas le premier venu. Sa haute situation donnait à l'Évêque de Beauvais l'espoir que, dans le rôle dont il s'était chargé, il ne rencontrerait pas d'obstacles. De fait, Laurent Calot remplit ce rôle à merveille et P. Cauchon n'eut qu'à se louer de son intervention. Dès que Jeanne, après de longues hésitations, eut signé la formule des six ou huit lignes, Laurent Calot parut sur l'estrade et, « tirant de sa manche une petite cédule écrite, il la donna à la jeune fille afin qu'elle la signât. Jeanne lui dit qu'elle ne savait ni lire ni signer. Nonobstant cette réponse, Laurent Calot, le secrétaire, donna à ladite Jeanne ladite cédule et une plume pour signer; et, comme en riant (ou bien, comme pour se moquer), ladite Jeanne fit un rond, — fecit quoddam rotundum. » Calot ne se contenta pas de cela. « Il saisit la main de Jeanne et la plume, et il lui fit faire un signe dont le témoin n'a pas souvenance 1. » (Procès, t. III, p. 123. Déposition du chevalier Aimond de Macy.)

On comprend pourquoi Calot ne se contenta pas du rond que la Pucelle venait de tracer....


________________________________________________________

1. « Tunc quidam secretarius regis Angliæ tunc præsens, vocatus Laurentius Calot, extraxit e manica sua quamdam parvam schedulam scriptam, quam tradidit eidem Johannæ ad signandum ; et ipsa respondebat quod nesciebat nec legere, nec scribere. Non obstante hoc, ipse Laurentius Calot, secretarius, tradidit eidem Johannæ dictam schedulam et calamum ad signandum ; et, per modum derisionis, ipsa Johanna fecit quoddam rotundum. Et tunc ipse Laurentius Calot accepit manum ipsius Johannæ cum calamo, et fecit fieri eidem Johannæ quoddam signum de quo non recordatur loquens. » (Procès, t. III, p. 123.)


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IV.

Comment s'est opérée la substitution de la cédule fausse à la cédule authentique.

On comprend pourquoi Calot ne se contenta pas du rond que la Pucelle venait de tracer. Elle avait fait une croix au bas de la cédule d'Erard; il fallait aussi une croix au bas de la cédule de Calot, et il n'est pas douteux que le signe dont ne se souvient plus le témoin ne fût une croix. Le notaire-greffier Guillaume Colles le dit du signe que la Pucelle mit au bas de la cédule, sans spécifier s'il s'agit de la cédule de Massieu ou de celle de L. Calot 1. La croix figurait certainement sur les deux; à cette condition seulement, la pièce que fit signer le secrétaire du roi d'Angleterre remplissait le but des juges et avait une raison d'être.

Nous ne pensons pas qu'on songe à contester la véracité du témoin, auteur de cette déposition. Ce témoin était le chevalier Aimond de Macy, un des écuyers de Jean de Luxembourg, à l'époque du Procès de Rouen. On ne conçoit pas l'intérêt qu'il pouvait avoir à inventer en un sujet aussi grave, ni les avantages qu'il pouvait retirer d'un parjure, car il ne déposa que sous la foi du serment.

Jules Quicherat formule, il est vrai, un doute sur cette partie de la déposition dudit chevalier. « Notez, observe-t-il, que, suivant une autre déposition (celle de Jean Marcel, Procès, t. III, p. 90), Laurent Calot, loin d'être sur l'estrade, faisait tumulte dans la foule avec les Anglais. » (Aperçus nouveaux sur l'histoire de Jeanne d'Arc, p. 134.)

Lorsque le savant critique écrivait ces lignes, il n'avait pas sous les yeux la déposition à laquelle il renvoie, car le témoin Jean Marcel ne dit, ni que L. Calot n'était pas sur l'estrade, ni qu'il était dans la foule, faisant tumulte avec les Anglais. Voici son témoignage….


________________________________________________________

1 « Tandem compulsa, præ timore signavit et fecit quamdam crucem » (Procès, t III, p 164 Déposition dudit témoin )

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Message  Louis Mer 25 Avr 2012, 6:30 am

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…le témoin Jean Marcel … Voici son témoignage :

« J'entendis maître Laurent Calot et quelques autres dire à maître Cauchon qu'il tardait beaucoup trop à prononcer la sentence — Audivit ipse loquens quod magister Laurentius Calot et aliqui alii dixerunt magistro Petro Cauchon quod minis tardabat de proferendo suam sententiam. » (Loc cit supra )

N'y aurait-il pas lieu de penser que ledit Calot saisit ce moment pour approcher l'Évêque de Beauvais et recevoir ses dernières instructions avant le prononcé de la sentence? Dans ce cas, la déposition de J. Marcel confirmerait et compléterait, loin de la contredire, celle du chevalier de Macy.

La remarque de J Quicherat portant à faux, et le témoignage du chevalier ne pouvant être suspecté, il en résulte que, à un moment donné, deux cédules furent en présence, celle que tenait Jean Massieu et celle que Laurent Calot tira de sa manche , l'une de six ou huit lignes, celle d'Erard et de Massieu, que Jeanne prononça et signa, l'autre de cinquante à soixante lignes, celle que Jeanne ne connut jamais et qui fut insérée au Procès. Évidemment, le contenu des deux cédules différait totalement. S'il eût été le même, l'intervention du secrétaire anglais devenait inutile, s'il était différent, cette même intervention ne s'expliquait que dans le but d'amener la Pucelle à signer, sans qu'elle s'en doutât, le formulaire qui devait être inséré au Procès.

On représentera peut-être que, au dire du témoin de Macy, la cédule qu'exhiba Calot était « une petite cédule écrite, — parvam quamdam schedulam scriptam ». Comment une petite cédule aurait-elle contenu le texte de l'abjuration prétendue officielle? Nous répondons que d'autres témoins, dont nous avons cité ailleurs les dépositions, emploient aussi les mêmes expressions. « quamdam parvam schedulam », à propos de la cédule authentique, quoique le docteur Delachambre, qui la qualifie ainsi, ajoute que cette dernière consistait en une feuille de papier double, in volumine folii papyrei duplicati. (Procès, t. III, p. 52.) Or, si la cédule de Calot consistait elle aussi dans une feuille de papier double, c'est-à-dire de quatre pages, il n'était pas difficile d'y écrire un formulaire de deux ou trois pages au plus.

Quant au fait de la double signature…

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Message  Louis Mer 25 Avr 2012, 12:01 pm

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IV.

Comment s'est opérée la substitution de la cédule fausse à la cédule authentique.



Quant au fait de la double signature, il s'explique sans difficulté. Au moment où Jeanne fut requise par Calot de signer, elle était assez troublée pour ne lui opposer aucune résistance. D'autre part, Calot n'intervenant que d'accord avec maître G. Erard et l'Évêque-juge, Massieu, s'il prit garde à ce qu'il faisait, n'osa s'y opposer et feignit de ne s'apercevoir de rien.

Dès que le secrétaire du roi d'Angleterre eut fait signer à la Pucelle la cédule qu'il avait retirée de sa manche, qu'advint-il? Le témoin de Macy ne le dit pas, mais il est aisé de suppléer à son silence. Ou bien L. Calot laissa maître Erard se saisir de la précieuse cédule, ou bien il la reprit lui-même et la garda jusqu'au moment où il put la remettre aux grands personnages dont il était l'instrument. Dans l'un comme dans l'autre cas, la fausse cédule prit au Procès la place de la véritable ; de cette manière, la substitution complète et définitive ne laissa rien à désirer
.
Au demeurant, deux actes déloyaux se sont produits certainement à l'occasion de l'abjuration de la Pucelle : l'acte de Laurent Calot qui, intervenant sans qualité pour une besogne de trahison, se saisit de la main de la Pucelle et lui fait tracer une croix au bas de la fausse cédule; et l'acte de l'Évêque-juge, faisant insérer dans l'instrument officiel une pièce subreptice, ne reculant pas ainsi devant un faux en écriture publique, au risque d'être convaincu de forfaiture et cloué au pilori de l'histoire 1.

______________________________________________________

1 Pour prévenir toute équivoque et couper court à toute supposition, nous entendons ne faire retomber à aucun degré la responsabilité du faux et de son insertion au Procès sur les honnêtes ecclésiastiques qui remplirent les fonctions de Notaires-greffiers en la cause. Leur connivence et complicité n'étaient nullement indispensables. P Cauchon était trop intelligent pour la requérir, il était assez habile pour savoir, assez audacieux pour oser s'en passer.


A suivre : CHAPITRE V — DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR.

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Message  Louis Mer 25 Avr 2012, 4:29 pm

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Chapitre V

DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR.

Les documents produits dans le chapitre précédent nous ont appris ce qu'il faut penser de la cédule d'abjuration insérée au Procès ce n'est point celle que la Pucelle a prononcée au cimetière Saint-Ouen, et si elle l'a signée, elle ne l'a fait que parce qu'elle a été trompée La cédule authentique, celle que maître Erard avait apportée avec lui et qu'il remit à Massieu, était une cédule ne dépassant pas de sept à huit lignes Cette cédule, que Massieu rendit à Erard et que celui-ci remit aux juges, disparut depuis ce moment, personne ne l'a vue et n'a dit l'avoir vue Elle a donc été détruite Mais alors que pourrons-nous savoir de sa teneur?
Grâce aux Enquêtes de la réhabilitation, nous savons quelle en était la lettre, pour une bonne moitié, et quel était l'esprit de la partie dont la teneur littérale n'a pu être reconstituée.

I.

Ce que l'on peut savoir du contenu de la cédule authentique de l'abjuration.

Nombreux furent les témoins interrogés par les délégués du Saint-Siège sur l'abjuration de Saint-Ouen : on en compte environ trente-cinq. Ce sont leurs dépositions qui nous en ont fait connaître les incidents.

Parmi les dépositions les plus importantes, les plus précises, les plus circonstanciées, nous avons déjà signalé en première ligne celles de Jean Massieu, qui ne quitta pas la Pucelle pendant toute la scène, de Guillaume Manchon et de Guillaume Colles, notaires du Procès, qui se tinrent sur l'échafaud de Jeanne, de Nicolas Taquel, le troisième notaire, qui, lui, dut rester tout auprès, n'ayant pu y trouver place, du docteur Delachambre et du chevalier Aimond de Macy qui, eux aussi, sans être sur la même estrade que la Pucelle, en furent assez rapprochés pour tout voir et entendre.

Aux noms de ces témoins, on peut joindre ceux de l'Évêque de Noyon, Jean de Mailly, des Docteurs et assesseurs Jean Beaupère, Thomas de Courcelles, Migiet, prieur de Longueville-Giffard, de Jean Monnet, secrétaire de Jean Beaupère, et des assesseurs qui avaient leur place marquée sur l'estrade des juges tels les dominicains Isambard de la Pierre, et Martin Ladvenu. Les dépositions de tous ces témoins sont de la plus haute importance, parce qu'ils ne disent que ce qu'ils ont vu et entendu.

Il en est de même des dépositions du curé Pierre Bouchier et du bourgeois rouennais Jean Moreau On a vu plus haut ce que le premier nous apprend de la prière adressée à saint Michel par la Pucelle, au moment où elle se décida à prononcer et signer la cédule d'abjuration Le second nous a rapporté quelques-unes des aménités que maître Erard, en sa prédication, adressait à l'accusée.

Ce même Jean Moreau signale quelques-uns des bruits qui couraient dans la foule. « On y disait, et il s'en souvenait très bien…

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