L'Abjuration du Cimetière SAINT - OUEN (complet)

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Message  Louis Sam 14 Avr 2012, 2:39 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre premier : Le problème historique de l’abjuration de Jeanne d’Arc.

(suite)

IV. Que faut-il entendre par abjuration en cause de foi ?
Dans les pages de la présente Étude, le mot « abjuration » reviendra bien souvent. Cependant, le fait historique à propos duquel nous nous efforcerons de faire la lumière et qui est ainsi nommé, n'est pas une abjuration quelconque : c'est une abjuration très spéciale, d'ordre religieux sans doute, mais aussi d'ordre canonique et judiciaire, dont la nature et les conditions sont déterminées par les lois de l'Église, l'abjuration dite en cause de foi. Il importe donc, pour prévenir toute méprise et dissiper toute équivoque, toute obscurité, de montrer en quelles acceptions diverses le mot abjuration peut être pris, et en quel sens précis il convient d'entendre le fait spécial d'abjuration rapporté dans l'histoire de la Pucelle.

Le mot adjuration se prend en plusieurs acceptions différentes, les unes larges et générales, les autres strictes et spéciales.

Prise en son acception générale, on entend par abjuration toute rétractation, toute révocation, toute renonciation visant des idées, des personnes, des choses qu'on abandonne, quels que soient l'ordre et le milieu auquel ces idées, ces personnes, ces choses se rattachent.

Prise dans une acception un peu plus restreinte, on entend par abjuration une rétractation, une révocation, une renonciation visant des idées, des croyances, des pratiques d'ordre politique, religieux, intellectuel et moral.

Ainsi entendu, le mot abjuration est encore susceptible de trois sens différents.

Il y a l'abjuration appliquée à tout ordre de choses, intellectuel, religieux ou moral, quel qu'il soit : ainsi, l'on dira d'un musulman, qui aura quitté sa religion pour embrasser le bouddhisme, qu'il a abjuré la foi de ses pères.


Il y a ensuite l'abjuration appliquée aux idées et aux croyances chrétiennes, et ici se rencontre l'abjuration en matière d'hérésie ou de pratiques suspectes d'hérésie.

Sur ce terrain encore, nous sommes obligés de distinguer deux sortes d'abjuration ; l'une, qui se produit toutes les fois qu'un chrétien hérétique ou schismatique renonce à ses erreurs pour rentrer dans le giron du catholicisme; l'autre, d'ordre judiciaire, que l'Église, par l'organe des juges qui la représentent, exige des accusés coupables ou suspects en cause de foi.

Nous emprunterons la définition de la première de ces abjurations au canoniste Ferraris…

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Message  ROBERT. Sam 14 Avr 2012, 3:25 pm

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Excellent Louis ! Continuez votre bon travail.
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Message  Louis Dim 15 Avr 2012, 6:40 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre premier : Le problème historique de l’abjuration de Jeanne d’Arc.

(suite)

IV. Que faut-il entendre par abjuration en cause de foi ?
Nous emprunterons la définition de la première de ces abjurations au canoniste Ferraris, et celle de la seconde au Directorium Inquisitorium du dominicain Nicolas Eymeric.

« L'abjuration dans le premier sens, dit Ferraris en sa Prompta Bibliotheca canonica (t. I, p. 20, Romæ, in-8°, 1784) est la détestation solennelle de toute hérésie, détestation accompagnée de l'affirmation de la foi catholique. — Abjuratio est solemnis hæresum detestatio, cum assertione catholicæ veritatis. »

On peut la définir encore : une rétractation extérieure, devant des témoins autorisés, d'erreurs contraires à la foi ou à l'unité catholique, apostasie, schisme, hérésie.

Toutes les fois qu'un protestant, anglican, calviniste ou luthérien, embrasse la foi catholique, il n'est admis à prendre rang parmi ses nouveaux coreligionnaires qu'après avoir fait une abjuration de ce genre.

L'abjuration en cause de foi est soumise à des conditions plus étroites. Il faut y voir d'abord une rétractation extérieure devant des témoins autorisés, les juges ecclésiastiques par exemple, et une détestation solennelle de toute hérésie avec l'affirmation de la vérité catholique; mais on y joint de plus l'engagement de persévérer dans la foi de l'Église, sous peine des châtiments édictés par le Droit; le tout sous la foi du serment. — Abjuratio est solemnis...., comme ci-dessus, et cum obligatione juramento et poena munita permanendi in fide Christiana. (Director. Inquisitorurn, pp. 487-497, D.)

De cette définition, il est facile de déduire les caractères distinctifs de l'abjuration en cause de foi…

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Message  Louis Dim 15 Avr 2012, 11:43 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre premier : Le problème historique de l’abjuration de Jeanne d’Arc.

(suite)

IV. Que faut-il entendre par abjuration en cause de foi ?
De cette définition, il est facile de déduire les caractères distinctifs de l'abjuration en cause de foi. Pour y être soumis, il faut d'abord être accusé formellement d'hérésie ou de pratiques démoniaques, ou suspect en matière de foi, et traduit à la barre d'un tribunal inquisitorial ou ecclésiastique.

C'est aux juges qu'il appartient de déterminer s'il y a lieu d'imposer l'abjuration à l'accusé, et en quels termes elle doit être formulée.

C'est en présence des juges ou de leurs délégués, et des .officiers du tribunal, que l'accusé doit prononcer et souscrire l'abjuration.

Enfin, il doit faire serment de ne plus retourner à ses erreurs passées; on ne lui laisse pas ignorer que, s'il avait ce malheur, une sentence inexorable de condamnation serait l'issue inévitable du procès de relaps qui serait aussitôt ouvert. Livré à la justice séculière, il mourrait dans les flammes du bûcher.

C'est en ce dernier sens qu'il faut entendre l'abjuration que l'Évêque de Beauvais prétend avoir obtenue de la Pucelle. Reste à savoir s'il dit vrai et si l'abjuration de Saint-Ouen, telle qu'elle s'est produite, remplit, à tous les points de vue, les conditions essentielles d'une abjuration canonique en cause de foi. Demandons aux textes des deux Procès quelles réponses doivent être faites à ces importantes questions.

A suivre : Chapitre II – L'ABJURATION DE LA PUCELLE ET LE PLAN DE L'EVEQUE DE BEAUVAIS.

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Message  Louis Dim 15 Avr 2012, 4:33 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre II

L'ABJURATION DE LA PUCELLE ET LE PLAN DE L'EVEQUE DE BEAUVAIS.
L'abjuration de la Pucelle au cimetière Saint-Ouen n'est pas un fait survenu fortuitement; les documents les plus sûrs établissent qu'elle était partie intégrante du plan concerté entre le cardinal de Winchester et l'Évêque de Beauvais. Non seulement ces hauts personnages tenaient à ce qu'une abjuration canonique en cause de foi se produisît, mais ils étaient résolus à se contenter, au besoin, d'une abjuration apparente quelconque, assurés qu'ils étaient de la faire passer pour l'abjuration désirée. En conséquence, ils s'efforcèrent d'abord de provoquer une abjuration telle qu'ils la voulaient; l'événement n'ayant pas répondu à leur attente, la cédule d'abjuration signée de Jeanne ne pouvant servir leurs desseins, ils ne reculèrent pas devant un faux et ils substituèrent au formulaire que la Pucelle avait prononcé et signé un formulaire rédigé pour les besoins de la cause, qu'ils insérèrent au Procès. Les pages qui suivent vont fournir la preuve inattaquable de ces diverses propositions, quelque surprenantes quelles paraissent.

I.

Du but poursuivi par l'Évêque de Beauvais.


L'Évêque de Beauvais, instrument docile des Anglais, poursuivait un double but; il tenait à pouvoir rendre :

Une sentence infamante condamnant Jeanne à la mort du bûcher ;

Une sentence formulée de telle sorte, qu'une flétrissure et un déshonneur manifestes dussent en rejaillir sur la personne même du roi de France.

Or, à ce double point vue, une abjuration arrachée à la Pucelle devait servir merveilleusement l'Évêque de Beauvais. D'une part, l'honneur de la Maison de France se trouverait terni par cette abjuration ; d'autre part, la Pucelle ne pourrait plus échapper au bûcher.

Que les Anglais, et par suite Cauchon, leur instrument, voulussent que la Pucelle fût condamnée par sentence infamante à être brûlée, cela résulte tout à la fois de l'ensemble et des particularités du Procès. Entre autres faits qui mettent cette volonté en évidence, nous nous bornerons à rappeler le suivant.

Dans les premiers jours d'avril 1431, Jeanne, épuisée par les souffrances physiques et morales de sa captivité, était tombée malade assez grièvement. Aussitôt les Anglais de s'alarmer et de craindre que leur victime ne leur échappât et ne mourût. Mais laissons la parole à l'un des témoins du Procès de réhabilitation, Guillaume Delachambre, maître ès arts et en médecine, qui avait figuré au Procès eu qualité d'assesseur et qui fut chargé de soigner la malade 1 :

« Mandé, racontait-il, par le cardinal d'Angleterre et le comte de Warwick, je comparus devant eux avec Guillaume Desjardins, maître en médecine, et quelques autres médecins. Alors le comte de Warwick nous dit que Jeanne, à ce qu'on lui avait rapporté, était tombée malade, et qu'il nous avait mandés afin que nous y pensions ; car, pour rien au monde, le roi ne voudrait qu'elle mourût de sa mort naturelle : il l'avait eue cher et cher il l'avait achetée ; il entendait qu'elle ne mourût autrement que par arrêt de justice, et qu'elle fût brûlée. A nous de la visiter et de faire le nécessaire pour qu'elle guérît. » (J. QUICHERAT, Procès, t. III, p. 51.)

Qu'on remarque ce langage si peu déguisé : « Pour rien au monde, le roi ne voudrait qu'elle mourût de sa mort naturelle. Il l'a eue cher et cher il l'a achetée. Il entend qu'elle ne meure que par arrêt de justice et qu'elle soit brûlée. »

Les Anglais, et par suite l'Évêque de Beauvais, le juge de leur choix…


_________________________________________________________

1. « Deponit ipse loquens quod cardinalis Angliæ et cornes de Warwic miserunt eumdem loquentem quæsitum ; coram quibus ipse loquens, cum magistro Guillelmo Desjardins, magistro in medicina, et aliis medicis comparuit. Et tunc ipse comes de Warwic dixit eisdem quod ipsa Johanna fuerat infirma, ut sibi fuerat relatum, et quod eos mandaverat ut de ea cogitarent, quia pro nullo vex volebat quod sua morte naturali moreretur ; rex enim earn habebat caram, et care emerat, nec volebat quod obiret, nisi cum justitia, et quod esset combusta; et quod taliter facerent, et cum sollicitudine visitarent earn, quod sanaretur. »


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Message  Louis Lun 16 Avr 2012, 7:01 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre II

L'ABJURATION DE LA PUCELLE ET LE PLAN DE L'EVEQUE DE BEAUVAIS.


(suite)

I.

Du but poursuivi par l'Évêque de Beauvais.
Les Anglais, et par suite l'Évêque de Beauvais, le juge de leur choix, voulaient de plus que de la condamnation et du supplice de la Pucelle, une flétrissure et un déshonneur rejaillissent sur le roi qui lui était redevable de sa couronne et de son royaume. Le langage tenu par le prédicateur de Saint-Ouen, dont on trouvera plus bas le texte, ne laisse aucun doute sur ce point. Aussi, l'évêque du Mans, Martin Berruier, dans le Mémoire qu'il remit aux juges de la réhabilitation, ne veut pas d'autre preuve pour établir cette proposition : « Les prétendus juges de la Pucelle la condamnèrent dans le but de justifier, par cette condamnation, l'accusation flétrissante portée contre notre glorieux roi très chrétien, à savoir de s'être servi, dans ses campagnes, pour le recouvrement de son royaume et pour son sacre, de l'aide d'une femme coupable d'hérésie et des autres crimes horribles relatés dans la sentence de sa condamnation 1. »

Dans le questionnaire de l'Enquête ordonnée par le cardinal d'Estouteville en mai 1452, on lisait un article (le XXVIe) ainsi conçu :

« Toutes ces choses, les Anglais les ont attentées contre Jeanne ou les ont fait attenter, parce que... ils se proposaient de montrer le roi très chrétien déshonoré, pour avoir usé du secours d'une femme condamnée de la sorte. »

Dix-sept témoins furent interrogés sur cet article. De ces dix-sept témoins, qui tous avaient assisté au procès de condamnation, douze répondirent affirmativement, à savoir que telle était la créance accréditée; cinq seulement dirent qu'ils n'en savaient rien. Aucun ne formula de réponse négative. (J. QUICHERAT, Procès, t. II, pp. 317-377.)


_________________________________________________________

1. « Eo fine, pætensi judices Puellam condemnarunt, ut grandem hanc maculam in gloriam domini nostri regis christianissimi ponerent, quod in bellis suis, in sua coronatione, in recuperatione regni sui, ministerio usus sit hujus fœminse quae erat... hæretica et aliis pessimis criminibus, in sententia contra earn lata expressis, infecta. » (J. QUICHERAT, Procès..,, t. III, p. 316.)


A suivre : II. Comment une abjuration de la Pucelle servait les desseins de l’Evêque de Beauvais .

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Message  Louis Lun 16 Avr 2012, 1:41 pm

L'ABJURATION

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Chapitre II

L'ABJURATION DE LA PUCELLE ET LE PLAN DE L'EVEQUE DE BEAUVAIS.


(suite)

II.

Comment une abjuration de la Pucelle servait
les desseins de l’Evêque de Beauvais
.
Que l'abjuration de la Pucelle, si on l'obtenait, dût fournir aux juges un moyen puissant : en premier lieu, de flétrir le roi de France; — en second lieu, de préparer la condamnation irrévocable de l'accusée et sa mort sur un bûcher, cela résulte des considérations que voici.

Si les juges n'avaient point réussi à obtenir de Jeanne une abjuration quelconque, ils l'eussent sans doute condamnée comme coupable de sortilèges, de divinations, d'invocation des démons, d'hérésie et de tous les crimes qu'ils énumèrent dans la sentence du 30 mai ; toutefois, ils auraient eu contre eux, au regard de l'opinion publique, ce fait que l'accusée avait opposé jusqu'à la fin à leurs accusations et à leurs intimidations des dénégations absolues, et qu'ils n'avaient pu lui arracher un semblant même d'aveu. Logiquement, Charles VII eût bénéficié de cet échec des juges de la Pucelle, et l'honneur de la Maison de France en eût bénéficié de même.

Avec l'abjuration de la Pucelle, il en allait tout autrement. En ce cas, l'accusée avouait en justice et reconnaissait publiquement qu'elle s'était rendue coupable de sortilèges et d'hérésie, ou paraissait l'avoir avoué; par cela même, le blason du roi de France recevait une flétrissure qu'aucune explication ne pouvait atténuer. Il restait établi que le compétiteur de Henri d'Angleterre avait accepté l'aide d'une hérétique, d'une sorcière, et qu'il devait son royaume, non au secours du Ciel, mais à l'intervention et à la puissance de l'enfer. Qu'on lise plus bas l'apostrophe de maître G. Erard à la Pucelle et au prince pour qui elle avait combattu 1.

D'autre part, cette même abjuration servait à merveille la cause et les visées des Anglais : en même temps qu'elle donnait, pour le présent, satisfaction à leurs ressentiments de vaincus, elle ranimait leur confiance en l'avenir. Ils ne doutaient pas que la délivrance d'Orléans et le succès des campagnes de la Loire et de Reims ne fussent dus à la foi des loyaux Français en la mission divine de Jeanne d'Arc. Mais qu'adviendrait-il de cette foi si la Pucelle elle-même reconnaissait hautement que sa prétendue mission n'était qu'une invention mensongère, les révélations et les apparitions dont elle se vantait, qu'une imposture? Par l'effet de ce seul aveu, les prétentions de Charles VII à la possession légitime du royaume seraient gravement compromises. Par contre-coup, les prétentions de Henri VI d'Angleterre en paraîtraient mieux fondées et ses droits s'affirmeraient avec un surcroît de vigueur.

Encore que, en abjurant, la Pucelle n'eut plus à craindre pour le présent une sentence capitale, le péril n'était nullement conjuré pour l'avenir. Il suffisait que l'Evêque de Beauvais se ménageât, en la sentence d'absolution, le moyen de garder la condamnée en son pouvoir, et qu'il fit surgir en temps utile un cas apparent ou réel de relaps. Aussitôt un nouveau procès s'instruisait, rapide, foudroyant, et, en quelques heures cette fois, la prisonnière, déclarée relapse, était livrée sans rémission au bras séculier.

Or, tel paraît avoir été le dessein formé par l'Évêque de Beauvais et ses affidés…


________________________________________________________

1. Aussi, les deux lettres du roi d'Angleterre aux princes chrétiens d'Europe, aux Prélats et seigneurs de France et aux cardinaux, ne manquent pas d'insister sur le fait de l'abjuration. (Procès, t. I, pp. 485 et suiv.)


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Message  Louis Lun 16 Avr 2012, 8:11 pm

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DE

JEANNE D'ARC

Chapitre II

L'ABJURATION DE LA PUCELLE ET LE PLAN DE L'EVEQUE DE BEAUVAIS.


(suite)

II.

Comment une abjuration de la Pucelle servait
les desseins de l’Evêque de Beauvais
.

Or, tel paraît avoir été le dessein formé par l'Évêque de Beauvais et ses affidés, à propos de l'abjuration de Jeanne. Cette induction est motivée par les faits suivants :

1. — Après l'abjuration, quoiqu'on eût promis à l'accusée de la conduire en prison ecclésiastique, l'Évêque de Beauvais ordonna qu'on la remît entre les mains des Anglais. « Or ça, demanda Jeanne; entre vous gens d'église, menez-moi en vos prisons, et que je ne soye plus en la main de ces Anglais. » Sur quoi, Mgr de Beauvais répondit : « Menez-la où vous l'avez prise. — Pour quoi fut remmenée au château d'où elle était partie. » Ainsi a déposé, à la première Enquête de la réhabilitation, le principal notaire du Procès, Guillaume Manchon, prêtre de Rouen, qui fut témoin de la scène. ( Procès, t. II, p. 14 1.) Jeanne resta donc, après l'abjuration, entre les mains de ses mortels ennemis.

2. — Que l'Évêque Cauchon et ses conseillers aient arrêté le moyen qui leur permettrait d'ouvrir un procès de relaps et de livrer cette fois, sans remise possible, Jeanne au bûcher, cela résulte de cette déposition de Jean Fave, maître des requêtes du roi : « Après le prêche de Saint-Ouen, racontait-il, le comte de Warwick se plaignait à l'Évêque de Beauvais et aux docteurs de ce qui venait de se passer. « Les affaires vont mal pour le roi, disait-il; Jeanne en réchappe. » A quoi l'un des docteurs répondit : « Seigneur, n'ayez cure; nous la rattraperons bien. » (Procès, t. II, p. 376.)

3. — L'incident qui permit au juge d'ouvrir la cause de relaps, à savoir la reprise de l'habit d'homme, fut évidemment provoqué, sinon directement par l'Évêque-juge, du moins par les Anglais, avec l'assentiment des grands seigneurs qui menaient tout.

Pour cet incident, qu'il serait trop long de raconter ici. nous renvoyons à notre Histoire complète de Jeanne d'Arc2, t. III, pp. 406-420. On y en trouvera l'exposé et les preuves.

Pierre Cauchon ne manqua pas l'occasion de montrer au comte de Warwick que lui, Évêque, tenait fidèlement la promesse qu'il lui avait faite de « rattraper l'accusée ». Le jour où Jeanne eût repris l'habit d'homme, le prélat se rendit au château pour constater la reprise. Au sortir de la prison, « il rencontre le comte de Warwick avec plusieurs Anglais, et, tout joyeux, il lui dit : Elle est prise1. » Jeanne relapse et hérétique, il dit publiquement au même comte de Warwick, en riant : « Farewell, Farewell, c'est fait, faites bon visage », c'est-à-dire : soyez satisfait. (Procès, t. Il, p. 8. Déposition en français de Fr. Martin Ladvenu, dominicain.)

4. — Enfin, le procès de relaps fut mené avec une rapidité sans égale. La cause de chute avait duré plus de quatre mois. La cause de rechute fut expédiée en moins de trois jours. Le 28 mai, Cauchon constatait le fait de la reprise de l'habit viril. Le 30 mai, vers midi, Jeanne d'Arc montait sur le bûcher; le même jour, ses cendres et ce qui restait de ses os étaient jetés dans la Seine.


___________________________________________________


1. Nous prévenons le lecteur, une fois pour toutes, que l'ouvrage à chaque instant cité dans cette Étude sous cette rubrique : Procès, n'est autre que l'ouvrage publié par Jules Quicherat au nom de la Société de l'Histoire de France, sous ce titre : PROCES DE CONDAMNATION ET DE REHABILITATION DE JEANNE D'ARC, 5 vol. in-8°, Paris, MDCCCXLI.

2. « Post resumptionem dicti habitus, vidit (Fr. Isambard) et au-divit dictum Episcopum cum aliis Anglicis exultantem et dicentem palam omnibus domino de Warwick et aliis : Capta est. ». (Procès, t. II, p. 305. Déposition de Fr. Isambard de la Pierre, dominicain.)

A suivre : III. Intérêt personnel de l'Évêque de Beauvais à ce qu'il y eût abjuration.

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Message  Louis Mar 17 Avr 2012, 6:53 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC
Chapitre II

L'ABJURATION DE LA PUCELLE ET LE PLAN DE L'EVEQUE DE BEAUVAIS.


(suite)

III.

Intérêt personnel de l'Évêque de Beauvais
à ce qu'il y eût abjuration
.

Indiquons, pour ne rien omettre d'essentiel, une raison d'intérêt personnel, suffisante à elle seule pour que l'abjuration de Jeanne fît partie intégrante du plan de l'Evêque de Beauvais : cette raison regarde l'intérêt qu'avait Cauchon à jouer, aux yeux du public, le rôle de juge miséricordieux, et à se rendre de cette manière excusable aux yeux de ceux qui pourraient l'accuser de cruauté et d'inhumanité. Pour cela, il fallait que les événements l'amenassent à porter deux sentences successives, l'une excluant l'abandon au bras séculier, l'autre l'impliquant. Une seule chose pouvait lui permettre d'en user de la sorte : l'abjuration de la Pucelle ou un semblant d'abjuration. L'abjuration, en lui donnant le droit d'épargner à Jeanne le bûcher, le mettait à couvert du reproche de cruauté et d'inhumanité. Le relaps se produisant, le public, qui ignorait par quels moyens il avait été provoqué, ne pouvait davantage faire un grief au juge de livrer la relapse au bras séculier, le droit public de l'époque écartant toute grâce et requérant la mort de la condamnée.

Pierre Cauchon ne manqua pas d'afficher ces apparences de juge miséricordieux, le jour du prêche de Saint-Ouen. Un chapelain du monarque anglais lui reprochant de trahir ce prince en acceptant l'abjuration de la Pucelle, l'Évêque lui répondit : « Vous en avez menti. J'agis selon ma conscience; juge en matière de foi, je dois chercher plutôt le salut de l'accusée que sa mort. » (Procès, t. II, pp. 332, 338; t. III, pp. 90, 147, 156. Dépositions des témoins Dudésert, Bouchier, Marie, Manchon et Massieu.)

Tous les assistants ne s'y trompèrent pas. Au témoignage de l'Évêque de Noyon, Jean de Mailly, plusieurs s'écrièrent : « Comédie que tout cela ! » (Procès, t. III, p. 55.)

La sollicitude de l'Évêque de Beauvais pour le « salut de l'accusée » ne l'embarrassa pas longtemps. Cinq jours s'étaient à peine écoulés, qu'il livrait aux Anglais leur victime. A la parodie de l'abjuration succédait la plus cruelle des tragédies.

A suivre : Chapitre III – LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.

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Message  Louis Mar 17 Avr 2012, 9:48 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.
Nous traiterons quatre points en ce chapitre. Nous rappellerons :

1° Les précautions prises par l'Évêque de Beauvais pour amener Jeanne d'Arc à abjurer;
2° Le récit du Procès officiel ;
3° Les révélations des témoins de la réhabilitation.
4° Nous terminerons par une brève reconstitution de la scène de l'abjuration.

I.
Préparation de l'abjuration.

Qu'il y ait eu concert préalable entre l'Évêque de Beauvais et quelques-uns des assesseurs en qui il avait le plus de confiance, la conduite de Cauchon et le rôle que jouèrent, le jour de l'abjuration, Jean Beaupère, Nicolas Loiseleur, Guillaume Erard et Laurent Calot, secrétaire du roi d'Angleterre, le mettent en pleine lumière.

P. Cauchon désirait l'abjuration et s'y attendait jusqu'à un certain point. Ce qui le prouve c'est, premièrement, que nous le voyons porter sur lui, au cimetière Saint-Ouen, le texte de deux sentences préparées par ses soins, l'une de condamnation, l'autre d'absolution. « Erant compositæ duæ sententiæ, déposait le prêtre et notaire G. Manchon; una abjurationis et una con¬demnations, quas habebat penes se Episcopus. » (Procès, t. III, p. 146.)

C'est, secondement, la latitude qu'il laissa à G. Erard pour agir sur la Pucelle, la presser, la menacer, l'effrayer, la tourmenter, jusqu'à ce que le résultat espéré fût atteint. Si l'Évêque n'eût pas eu à cœur d'arracher l'abjuration, il eût coupé court à toutes ces instances, il n'eût pas laissé un long intervalle de temps s'écouler entre le moment où il suspendait la lecture de la sentence et celui où il la reprit. De là les reproches des Anglais, leurs invectives, les pierres qu'ils jetèrent contre l'estrade et l'accusation signalée plus haut de trahir le roi, lancée à la face de l'Evêque. (Procès, t. II, pp. 21, 376. Dépositions de maître J. Beaupère et de Jean Fave.)

Rappelons les divers rôles remplis, en cette préparation de l'abjuration, par les affîdés de l'Évêque-juge….


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Message  Louis Mar 17 Avr 2012, 6:44 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

I.

Préparation de l'abjuration. .

Rappelons les divers rôles remplis, en cette préparation de l'abjuration, par les affîdés de l'Évêque-juge.

Maître Jean Beaupère. — Le matin du jour fixé pour le prêche de Saint-Ouen et le prononcé de la sentence, le docteur de ce nom vint seul trouver l'accusée « par congié », c'est-à-dire assurément par délégation expresse, « et il advertit icelle — c'est lui-même qui parle — qu'elle serait tantôt menée à l'échafaud pour être prêchée, en lui disant que si elle était bonne chrétienne, elle dirait audit échafaud qu'elle mettait tous ses faits et dits en l'ordonnance de notre mère sainte Église et en espécial des juges ecclésiastiques. Laquelle répondit que ainsi ferait-elle. » (Procès, t. II, pp. 20, 21. Déposition en français dudit J. Beaupère.)

En parlant comme il venait de le faire, maître Beaupère avait en vue l'abjuration qu'on allait exiger de la prisonnière ; mais il se garda bien d'en prononcer le nom, et, naturellement, Jeanne ne comprit rien.

Maître Nicolas Loiseleur. — On sait quel rôle odieux ce prêtre joua durant le cours du procès , abusant de son titre de confesseur de l'accusée pour la trahir, mentant impudemment pour lui arracher des aveux compromettants, et lui donnant, sous prétexte d'intérêt, des conseils qui ne pouvaient que la mener à sa perte. Le jour du prêche de Saint-Ouen, au moment où la Pucelle franchissait le seuil de la porte du cimetière, Loiseleur, qui la guettait, s'approche et, s'autorisant de sa mission de conseiller, « assistante sibi pro consilio Nicolao Loyseleur », il se mit à lui dire : « Johanna, credatis mini, quia si vos velitis, eritis salvata. Accipiatis vestrum habitum, et faciatis omnia quae vobis ordinabuntur; alioquin estis in periculo mortis. Et si vos faciatis ea quae vobis dico, vos eritis salvata, et habebitis multum bonum et non habebitis malum, sed eritis tradita Ecclesiae 1. » (Procès, t. III, p. 146. Déposition de G. Manchon, témoin de la scène.)

Comme maître Jean Beaupère, Loiseleur avait reçu de l'Évêque de Beauvais la mission de préparer le terrain de l'abjuration. Il ne s'en tint pas à cette première ouverture. Pendant que Pierre Cauchon lisait sa longue sentence de condamnation avec une lenteur calculée, Loiseleur insistait auprès de la Pucelle, la pressant de faire ce qu'on lui disait, « et de prendre l'habit de femme 1. » (Ibid.)

On aura remarqué combien le fidèle assesseur de Cauchon appuie sur cette reprise de l'habit de femme. L'abjuration devait porter, en effet, ouvertement sur ce point, et c'est à la suite de la reprise de l'habit d'homme que le tribunal déclara Jeanne relapse et la livra au bûcher2.

Guillaume Erard et Laurent Calot. — On va voir dans les pages ci-après la part que ces deux personnages prirent au dénouement de l'abjuration, et quels genres de service ils rendirent à l'Évêque-juge.

______________________________________________________

1. En français : « Jeanne, croyez-moi; si vous voulez, vous serez sauvée. Prenez votre habit (de femme) et faites tout ce qui vous sera ordonné ; autrement, vous êtes en péril de mort. Et si vous faites ce que je vous dis, vous serez sauvée, et il vous adviendra grand-bien, et vous n'aurez point de mal, et vous serez remise entre les mains de l'Eglise. »

1. « Et dum ipse episcopus sententiam condemnationis proferret et legeret, ipse Loyseleur dicebat Johanna quod faceret illud quod sibi dixerat, et quod acciperet habitum muliebrem. »

2. « Johanna judicata fuit relapsa quia resumpsit habitum virilem. » (Procès, t. II, p. 304. Déposition de Fr. Isambard de la Pierre. Frère Martin Ladvenu, Pierre Cusquel et plusieurs autres témoins disent la même chose. Ibid., pp. 306, 308, etc.)

Pour être exact jusqu'au bout, nous devons ajouter que l'Evêque de Beauvais donna pour deuxième motif à l'ouverture du Procès de rechute, le fait de l'affirmation par la Pucelle, au lendemain de Saint-Ouen, de la vérité de ses apparitions et révélations. Nous en parlerons plus loin

A suivre : II. Le Prêche de Guillaume Erard, d'après le Procès officiel.


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Message  Louis Mer 18 Avr 2012, 8:00 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


II.

Le Prêche de Guillaume Erard, d'après le Procès officiel.

Le 23 mai, après une dernière admonition adressée à la Pucelle en présence des juges, de deux prélats et de sept assesseurs, l'Évêque de Beauvais avait conclu en la cause et désigné le lendemain pour le prononcé de la sentence.

Ce jour-là, 24 mai, jeudi après la Pentecôte, on voyait deux estrades dressées dans le cimetière de l'abbaye Saint-Ouen, derrière la grande église de ce nom. Sur l'une de ces estrades, devaient prendre place les juges du procès, les évêques, abbés, docteurs et maîtres invités. Sur l'autre, devait monter l'accusée, et, avec elle, le prédicateur désigné et les officiers du tribunal.

Le matin du 24 mai, à l'heure dite, on vit arriver sur une charrette l'accusée qui, descendant à la porte du cimetière, fut accostée, comme nous l'avons vu, par Nicolas Loiseleur, puis conduite à l'estrade qui lui était réservée, estrade où montèrent avec elle les notaires Manchon et Colles, l'huissier J. Massieu et le prédicateur Guillaume Erard. Sur l'estrade d'honneur parurent les deux juges, Pierre Cauchon et le vice-inquisiteur Jean Lemaître, et à côté d'eux prirent place, d'abord le cardinal de Winchester, grand-oncle du petit roi, les Évêques de Thérouanne, de Noyon et de Norwich, puis de nombreux abbés, chanoines, docteurs, assesseurs, dont le procès-verbal cite les noms, et beaucoup d'autres personnages, « quam pluribus aliis », qui ne sont pas nommés. Inutile d'ajouter que le nombre des spectateurs était en rapport avec celui des prélats et ecclésiastiques, et avec l'intérêt poignant du drame qui allait se jouer.

Le texte officiel du Procès est très bref sur les circonstances de ce drame : il n'en rapporte guère que celles qui peuvent se retourner contre Jeanne, et parmi celles-là, il en est plus d'une que l'impartiale critique ne saurait accepter.

C'est chose heureuse que les témoins du Procès de réhabilitation aient été moins laconiques, et plus véridiques tout ensemble, que les rédacteurs du Procès officiel, Cauchon et Thomas de Courcelles. Si le silence de ces derniers sur la manière dont l'abjuration fut arrachée à la Pucelle ne nous condamne pas à une ignorance sans remède, si nous possédons sur ce point les détails les plus circonstanciés, c'est aux témoins des Enquêtes de Rouen que nous en sommes redevables.

Notons d'abord les points principaux du récit officiel : …

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Message  Louis Mer 18 Avr 2012, 12:12 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN


(suite)

II.

Le Prêche de Guillaume Erard, d'après le Procès officiel.

Notons d'abord les points principaux du récit officiel :

Le prédicateur prit pour texte ces paroles de saint Jean : « Le sarment ne saurait de lui-même porter du fruit s'il ne demeure attaché à la vigne. » La Pucelle s'étant séparée « de l'unité de notre sainte mère l'Église par de nombreuses erreurs et des crimes graves, elle avait scandalisé grandement le peuple chrétien. »

C'est là, par à peu près, tout ce que le texte du Procès nous apprend du sermon de maître Erard. Il est plus explicite sur le dialogue qui se produisit, le sermon fini, entre le prédicateur et l'accusée, quoiqu'il ait soin de passer sous silence des circonstances capitales.

« Jeanne, dit alors Erard, voici Messeigneurs les juges qui vous ont sommée et requise plusieurs fois que vous voulussiez soumettre tous vos faits et dits à notre mère sainte Église; car en vos dits et faits il y a plusieurs choses, lesquelles, comme il semble aux clercs, ne sont bonnes ni à dire ni à soutenir.

« A cela Jeanne dit : « Je vous répondrai. »

En effet, sur la question de la soumission à l'Église, elle dit :

« De toutes les choses que j'ai dites et faites, « qu'on les envoie à Rome devers notre Saint Père le Pape : c'est à lui, après Dieu, que je m'en rapporte. Quant aux dits et faits que j'ai faits, je les ai faits de par Dieu. »

« Elle dit encore que de ces faits et dits elle ne chargeait personne, ni son roi, ni un autre; et s'il y avait quelque faute, il fallait s'en prendre à elle et non à un autre.

« Interrogée si elle voulait révoquer tous ceux de ses dits et faits qui étaient réprouvés par les clercs,-elle répondit :

« Je m'en rapporte à Dieu et à notre Saint Père le Pape. »

« On lui dit que cela ne suffisait pas, et qu'il ne pouvait se faire qu'on allât quérir notre Saint Père le Pape si loin; que les Ordinaires aussi étaient juges, chacun en leur diocèse, et à cause de cela il était nécessaire qu'elle s'en rapportât à notre sainte mère l'Église, et qu'elle tînt ce que les clercs et gens versés en ces matières disaient et avaient déterminé de ses dits et faits.

« Et de cela elle fut admonestée par nous jusqu'à trois « fois », ajoute l'Évêque de Beauvais.

Et par trois fois, l'accusée fit la même réponse.

« Ladite femme refusant de dire autre chose, nous, Évêque, avons commencé à prononcer notre sentence définitive. Nous l'avions lue en grande partie, lorsque Jeanne se mit à élever la voix et à dire qu'elle voulait tenir tout ce que l'Église ordonnerait et que nous, juges, voudrions dire et sentencier, ajoutant qu'elle obéirait en tout à ce que nous ordonnerions. » (Procès, t. I. pp. 444-446.)

Avec une déclaration relative aux révélations de la Pucelle, que nous examinerons plus bas, voilà tout ce que le texte officiel nous apprend des circonstances qui amenèrent l'abjuration de l'accusée. Avec une déclaration relative aux révélations de la Pucelle, que nous examinerons plus bas, voilà tout ce que le texte officiel nous apprend des circonstances qui amenèrent l'abjuration de l'accusée. En somme, il n'en dit absolument rien. Heureusement, les témoins rouennais du procès de réhabilitation nous révéleront ce que l'Evêque de Beauvais, si cela eût dépendu de lui, nous eût laissé ignorer à jamais.

A suivre : III. Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

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Message  Louis Mer 18 Avr 2012, 3:57 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

Les témoins auxquels nous sommes redevables des révélations les plus importantes sur le drame de Saint-Ouen sont : l'exécuteur du commandement des juges, en d'autres termes l'huissier du Procès, Jean Massieu, les notaires-greffiers Guillaume Manchon, Guillaume Colles et Nicolas Taquel, le docteur-médecin Guillaume Delachambre, le chevalier bourguignon Aimond de Macy. De ces témoins, trois, G. Manchon, G. Colles et Massieu, se tinrent, tout le temps du « preschement », sur l'estrade auprès de Jeanne (Procès, t. III, p. 197); les autres étaient tout à côté de l'estrade même, en sorte qu'ils purent tout voir et entendre.

Les révélations de ces témoins portent, entre autres choses, sur les violences, les menaces, les promesses, la fraude, la terreur mises en œuvre par les affidés de l'Évêque de Beauvais pour arracher à la Pucelle l'abjuration désirée.

Violences, menaces, terreur. — La première explosion de violence que nous signalent les Enquêtes de Rouen se produisit lorsque le prédicateur, emporté par ses sentiments antifrançais, apostropha la Maison de France et reprocha à l'accusée de l'avoir enveloppée dans son déshonneur.

Guillaume Manchon dépose, dès la première Enquête, « que, au preschement fait à Saint-Ouen par maître Guillaume Erard, entre autres paroles fut dit et proféré par ledit Erard ce qui s'ensuit : « Ha, noble Maison de France, qui as toujours été protectrice de la foi, as-tu été ainsi abusée d'adhérer à une hérétique et schismatique! C'est grant pitié. » (Procès, t. II, p. 15.)

L'huissier du Procès, Jean Massieu, est encore plus explicite. « Vers le milieu du sermon, dit-il, après avoir moult blâmé ladite Jeanne, maître Guillaume Erard commença à s'écrier à haulte voix, disant :

« Ha, France, « tu es bien abusée ! Tu as toujours été la chambre (Maison) très chrétienne ; et Charles, qui se dit roi et de toi gouverneur, s'est adhéré comme hérétique et schismatique (tel est-il,) aux paroles et faits d'une femme inutile, diffamée et pleine de tout déshonneur; et non pas lui seulement, mais tout le clergié de son obéissance, par lequel elle a été examinée et non reprise. » (Ibid., pp. 16-17.)

Massieu ajoute que maître Erard « repliqua deux ou trois fois icelles paroles ». Puis, s'adressant à Jeanne et la désignant du doigt, il lui dit :

« C'est à toi, Jehanne, que je parle; et je te dis que ton roi est hérétique et schismatique. »

Et la jeune fille de lui lancer cette généreuse réplique :

« Par ma foi, Messire, révérence gardée, je vous ose bien dire et jurer que mon roi est le plus noble chrétien de tous les chrétiens, et qui mieux aime la foi et l'Église, et n'est point tel que vous dictes. » (Ibid.)

Le dominicain Isambard de la Pierre et Jean Moreau, bourgeois de Rouen, citent quelques-unes des aménités que ledit prédicateur fit entendre à la Pucelle. D'après Frère Isambard, maître Erard dit que, seule, la France n'avait jamais eu autrefois de monstre. « Et voici maintenant la monstruosité la plus horrible : le personnage qui se dit roi de France se sert d'une femme schismatique, hérétique, sorcière, pour recouvrer son royaume. » (Ibid., p. 353.)

Au rapport de Jean Moreau, le prédicateur « adressait à Jeanne les reproches les plus injurieux. Il l'accusait d'avoir outragé la majesté royale, d'avoir outragé Dieu et la foi catholique. Il ajoutait qu'elle avait sur plusieurs points erré dans la foi, et que si elle ne donnait satisfaction, elle serait brûlée vive. » (Procès, t. III, p. 194.)

Une seconde preuve de la violence de maître G. Erard et de la terreur qu'il inspira à l'accusée nous est rapportée encore par Jean Massieu….


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Message  Louis Jeu 19 Avr 2012, 7:58 am

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DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

Une seconde preuve de la violence de maître G. Erard et de la terreur qu'il inspira à l'accusée nous est rapportée encore par Jean Massieu.

Pendant que l'Évêque de Beauvais lisait à haute voix la première partie de la sentence, G. Erard insistait auprès de Jeanne afin de la décider à abjurer. D'abord, à ce que nous apprend le chevalier de Macy, il prit un ton doucereux : « Jeanne, lui dit-il, nous avons grand pitié de vous. Il faut que vous révoquiez vos dits, ou nous vous abandonnerons à la justice séculière. » (Procès, t. III, pp. 122-123. Déposition du chevalier de Macy.)

« La jeune fille répond qu'elle n'a rien fait de mal; qu'elle croit aux douze articles du Symbole et aux dix préceptes du Décalogue. Elle ajoute qu'elle s'en remet à la Cour romaine, et qu'elle veut croire ce que croit la sainte Église. — Ipsa autem responderat quod se referebat Curiæ romanæ, et volebat credere in omnibus in quibus sancta Ecclesia credebat. »

Maître Erard n'en insiste que davantage. Prenant une cédule d'abjuration qui était préparée d'avance, — c'est maintenant Jean Massieu qui parle 1, — il la lit, puis la présente à la Pucelle, en disant :

« Tu vas abjurer et signer cette cédule. »

La Pucelle répond qu'elle ignore ce que c'est que d'abjurer, qu'elle ne sait pas davantage signer, que sur ce, elle demande conseil….

_______________________________________________

1. « Ipse Erard tenebat quamdam schedulam abjurationis et dixit Johannæ : Tu adjurabis et signabis istam schedulam. » (Procès, t. II, pp. 17, 331. Déposition de J. Massieu.)

Sur ce sujet, voir les diverses dépositions de J. Massieu et de G. Manchon, Procès, tt. II et III. Elles se complètent et s'éclairent lés unes les autres.

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Message  Louis Jeu 19 Avr 2012, 3:29 pm

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Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

La Pucelle répond qu'elle ignore ce que c'est que d'abjurer, qu'elle ne sait pas davantage signer, que sur ce, elle demande conseil.

Alors, maître Erard dit à Massieu de la conseiller sur cela. Massieu s'efforce de faire entendre à Jeanne le danger qu'elle court. Il lui conseille de s'en rapporter à l'Église universelle si elle doit abjurer ou non. Jeanne le fait et dit à Erard :

« Que cette cédule soit examinée par l'Église et les clercs entre les mains desquels je dois être remise. S'ils sont d'avis que je doive signer et faire ce qu'on me demande, je signerai volontiers. Je m'en rapporte à l'Église universelle si je dois signer ou non. »

« — Point du tout, réplique Erard : tu abjureras présentement ou tu seras brûlée aujourd'hui même 1.

« Et il défend à Massieu de parler davantage à l'accusée et de lui donner aucun conseil. » (Procès, t. II, pp. 17, 331.)

Et Jeanne, saisie de terreur, de s'écrier : « Plutôt signer que d'être brûlée! » (Procès, t. III, p. 157.)

Notez que la jeune fille apercevait devant elle, à quelques pas, le bourreau, auprès de sa charrette, attendant qu'on lui livrât la victime. (Procès, t. III, p. 147. Déposition de G. Manchon.)

On le voit, le ton doucereux avait fait place, chez Guillaume Erard, à celui de la menace et de la violence.

Promesses, dol et fraude.


________________________________________________________

1. « Illico dictus Erard respondit quod ipsa Johanna non haberet ampliorem dilationem, et quod, nisi ipsa tunc abjuraret dictam schedulam, præsentialiter cremaretur ». (Loco citato.)

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Message  Louis Jeu 19 Avr 2012, 6:03 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

Promesses, dol et fraude. — Nous avons déjà rappelé le langage tenu à Jeanne par Nicolas Loiseleur, avant le sermon d'Erard. Le sermon fini, Loiseleur vient à la rescousse du prédicateur pour décider la Pucelle à abjurer. Lui cherche, non à terrifier, mais à séduire 2 : il met en œuvre les promesses.

« Pendant que l'Évêque de Beauvais lit la sentence, » Loiseleur s'approche de l'accusée et, renouvelant les promesses qu'il lui avait déjà fait entendre, il la presse « de faire ce qu'il lui avait dit et de reprendre l'habit de femme. » (Procès, t. III, p. 146. Déposition de G. Manchon.)

Est-ce Loiseleur, est-ce maître Erard, est-ce Nicolas Midi, lequel intervint également, à ce que nous apprend maître J. Beaupère (Procès, t. II, p. 21), qui firent, au nom du tribunal, à l'accusée, les promesses qu'elle rappelait, le 28 mai, en sa prison et qu'on se garda bien de tenir?

Peu importe ; car il n'est pas douteux que ce ne soit un ou deux de ces personnages, sinon les trois. Ce qui est tout aussi certain, c'est qu'on lui fit, au nom du tribunal, — les promesses suivantes, si elle consentait à ce qu'on lui demandait :

Elle serait remise aux mains de l'Église ;
Elle aurait une femme avec elle ;
Elle irait à la messe ;
Elle recevrait son Sauveur;
On la mettrait hors des fers.

Ipsi judices sibi promiserant quod esset in manibus et carceribus Ecclesiæ, — et quod secum haberet unam mulierem (PROCÈS, t. III, p. 149), — quod iret ad missam, — reciperet corpus Christi, — et poneretur extra compedes ferreas (PROCÈS, t. 1, p. 455).

Il y a une sixième promesse propre à maître Erard…


______________________________________________________

2. C'est le mot dont se sert Jeanne elle-même : «. Vos habeatis multam pœnam pro me seducendo. » (Procès, t. III, page 123. Déposition du chevalier A. de Macy.)


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Message  Louis Ven 20 Avr 2012, 7:00 am

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LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

Il y a une sixième promesse propre à maître Erard et qui, selon maître Guillaume Delachambre, témoin de la scène, aurait triomphé des dernières hésitations de l'accusée. Erard lui promit que si elle consentait à ce qu'on lui demandait, elle sortirait de prison et recouvrerait la liberté.

Écoutons maître Delachambre :

« J'ai bonne souvenance, déposait-il, de l'abjuration que fit Jeanne. Elle s'y refusa longtemps. A la fin, maître Guillaume Erard l'y décida en lui disant que, si elle faisait ce qui lui était conseillé, elle serait délivrée de prison . Sous cette condition, et non pour d'autres motifs, elle se décida.

« Bene recordatur de abjuratione quam fecit ipsa Johanna, licet multum distulerit ad earn faciendam : ad quam tamen faciendum ipse magister Guillelmus Erard earn induxit, eidem dicendo quod faceret quod sibi consulebatur, et quod ipsa esset a carceribus liberata. Et sub hac conditione et non alias hoc fecit. » (Procès, t. Ill, p. 52.)

Pas n'est besoin d'ajouter que maître Erard et Loiseleur savaient à quoi s'en tenir sur le caractère mensonger et dolosif de ces promesses. Ils promettaient ce que l'Évêque de Beauvais était décidé à ne jamais accorder; ils n'ignoraient pas ces sentiments de l'Évêque-juge, et ils n'en insistaient pas moins pour convaincre Jeanne de leur sincérité à eux, quand ils la trompaient sciemment.

Telles étaient néanmoins ces promesses que l'accusée ne pouvait les entendre avec indifférence. L'impression qu'elle en avait ressentie n'était combattue que par une terreur d'une nature particulière, terreur causée par l'inconnu, que la jeune fille voyait, pareil à un gouffre, se creuser sous ses pas. On la pressait avec la dernière violence pour qu'elle abjurât; et elle ne savait pas ce que c'était. On la tourmentait, afin qu'elle signât la cédule dont Erard lui avait donné lecture, — fuit multum oppressa de se revocando (Procès, t. III, p. 123) ; oppressa ut signaret (Ibid, 157); et elle ne comprenait rien au contenu d'une partie de la cédule. D'explication, de lumière, elle ne pouvait en attendre de personne. Comment se diriger au milieu de ces ténèbres? L'acte qu'on requérait d'elle de façon si pressante ne cachait-il pas quelque piège dont elle ne pouvait se rendre compte? A aucun prix pourtant Jeanne n'eût voulu se prêter à une chose impliquant une offense, même légère, de Dieu. Soudain un rayon de lumière pénètre en son âme. Puisqu'on en veut peut-être à son innocence et qu'on pourrait abuser de son ingénuité, elle fera ses réserves. Elle purifiera ses intentions et protestera contre toute chose capable de l'induire à mal. Elle déclarera que si, en ce qu'on lui demande, il y avait, sans qu'elle s'en aperçût, une offense de Dieu, elle n'y consentait en aucune manière. Effectivement, en son for intérieur d'abord, puis à haute voix devant maître Erard et les officiers du tribunal « elle dit EN L'EURE — nous le savons par la minute française du Procès — en l'eure (c'est à savoir au moment même de se déterminer), qu'elle entendait ne rien révoquer, SI CE N'ETAIT POURVU QUE CELA PLUT A DIEU. — Dixit quod ipsa non intendebat aliquid revocare, NISI PROVISO QUOD PLACERET DEO. » (Procès, t, I, p. 458.)

Cependant le temps s'écoulait. L'Évêque de Beauvais allait peut-être reprendre la lecture de la sentence…


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Message  Louis Ven 20 Avr 2012, 12:39 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

III.

Révélations des témoins du procès de réhabilitation.

Cependant le temps s'écoulait. L'Évêque de Beauvais allait peut-être reprendre la lecture de la sentence.

Les spectateurs ne regardaient plus du côté de l'estrade des juges : les yeux fixés sur l'échafaud de l'accusée, ils suivaient avec un intérêt croissant les péripéties de ce drame inattendu. Ils voyaient bien qu'il était question du moyen d'arracher sa victime au bourreau. Les uns s'en réjouissaient; d'autres, les Anglais surtout, en étaient indignés et proféraient des menaces; des pierres furent même lancées contre l'estrade. Sollicitée par un grand nombre d'assistants de signer le formulaire qu'on lui présentait, suppliée par la foule « de ne pas se faire mourir » (Procès, t. III, p. 55), rassurée du côté de la conscience, Jeanne, enfin, se détermine.

« Elle joint les mains et, élevant la voix, elle dit qu'elle se soumet au jugement de l'Église, et elle supplie saint Michel de la diriger et de la conseiller. — Junctis manibus, dixit alta voce quod se submittebat judi cio Ecclesiæ, deprecando sanctum Michaelem quod earn dirigeret et consuleret. » (Procès, t. II, p. 323. Déposition du curé Pierre Bouchier.)

Aussitôt maître Erard prend acte du consentement. Il fait lire la cédule d'abjuration par J. Massieu, et la Pucelle la redit après lui, article par article (Procès, t. III, p. 197. Déposition du notaire-greffier Nicolas Taquel); « ce qui dura l'espace d'un Pater noster » (Procès, t. III, p. 132). Et « en ce faisant, Jeanne souriait.— Dicit (Manchon) quod subridebat. » (Ibid.,p. 147.) Après cela, « d'une plume que lui bailla » J. Massieu, elle fit une croix au bas du formulaire qu'elle venait de prononcer. (Procès, t. II, p. 17. Déposition de J. Massieu.)

Malgré le mécontentement et les murmures des Anglais, qui criaient à la trahison, malgré le tumulte qui se produisit en ce moment, — illa hora fuit magnus tumultus populorum adstantium, et fuerunt projecti multi lapides (Procès, t. III, p. 157), — malgré les pierres qui furent lancées, les juges reçurent sans difficulté l'abjuration de la Pucelle. Ravi d'en être arrivé à ses fins, l'Evêque de Beauvais prit une seconde sentence que, en homme sûr de son fait, il avait eu soin de préparer et de porter sur lui, et il la lut, cette fois, jusqu'au bout. Cette sentence, dite d'absolution, relevait l'abjurante de l'excommunication, mais la condamnait, malgré sa jeunesse, au maximum de la peine fixée par la procédure inquisitoriale, c'est-à-dire « à la prison perpétuelle, au pain de douleur et à l'eau d'angoisse ». (Procès, t. I, pp. 450-452.)

Quand tout fut fini, au moment de quitter le théâtre du drame, Jeanne interpelle les officiers du tribunal et leur dit : « Or ça, entre vous gens d'Église, menez-moi en vos prisons et que je ne sois plus en la main de ces Anglais. » La condamnée réclamait simplement l'accomplissement d'une des promesses qui lui avaient été faites au nom du tribunal par Erard et Loiseleur. L'Evêque de Beauvais dit à Massieu : « Menez-la où vous l'avez prise. Pour quoy, ajoute le digne prêtre Guillaume Manchon, la Pucelle fut remmenée au chasteau duquel elle était partie » et mise de nouveau entre les mains des Anglais. (Procès, t. II p. 14.)

A suivre : IV. Brève reconstitution de la scène de l'abjuration.

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Message  Louis Ven 20 Avr 2012, 5:03 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre III

LE PRÊCHE DU CIMETIÈRE SAINT-OUEN.


(suite)

IV.

Brève reconstitution de la scène de l'abjuration.

Avant de passer au chapitre suivant, il ne sera pas inutile de résumer les incidents caractéristiques de la scène de l'abjuration; nous embrasserons ainsi d'un coup d'œil le drame tout entier :

1° Dans sa prédication, G. Erard outrage, et l'accusée, et la Maison de France.

2° La cédule d'abjuration est préparée d'avance et G. Erard la porte sur lui.

3° Après la prédication, avant le prononcé de la sentence, Jeanne, sommée de se rétracter, renouvelle à plusieurs reprises son appel au jugement du Souverain Pontife et déclare soumettre tous ses faits et dits à la Cour romaine et à la détermination de l'Église universelle.
Le juge décline cet appel, sous le prétexte qu'on ne peut aller chercher le Pape à Rome.

4° Devant le refus de Jeanne de se rétracter, P. Cauchon commence la lecture de la sentence.

5° Pendant cette lecture, efforts redoublés de G. Erard, de Nicolas Loiseleur et de Nicolas Midi pour amener la Pucelle à abjurer. Exhibition par maître Erard de la cédule d'abjuration.

6° Jeanne répond qu'elle ne comprend pas ce que c'est que d'abjurer. Elle ne comprend pas davantage le contenu de la cédule qu'on lui présente.

Erard semble charger Massieu de la « conseiller sur cela » ; mais à peine Massieu a-t-il commencé à parler à Jeanne, que maître Erard lui ordonne de se taire et de ne plus adresser la parole à l'accusée. (Procès, t. II, pp. 17,331.)

7º Instances, menaces, promesses employées pour décider Jeanne à signer ladite cédule. Elle s'y refuse longtemps. « Magno tempore recusavit illam schedulam abjurationis signare. » (Procès, t. III, p. 164. Déposition de G. Colles, un des notaires du Procès.)

8º Enfin, pressée de toutes parts, — compulsa (Colles), oppressa (de Macy), — elle dit à quelle condition elle abjure (Procès, t. I, p. 458), « elle signe et elle fait une croix. » (Ibid.,. t. III, p. 164.)

9º Fureur des Anglais qui, s'attendant à ce que la Pucelle fût brûlée, et sachant les ordres donnés à P. Cauchon, ne comprennent rien à sa patience, à l'interruption de sa lecture, à ce long entr'acte; finalement, ils lui reprochent sa trahison et lancent des pierres contre le tribunal. (Procès, t. II, p. 157.)

Comme conclusion, relevons la satisfaction manifestée par Nicolas Loiseleur lorsque la Pucelle eut abjuré et signé la cédule. « Jehanne, lui dit-il, vous avez fait une bonne journée, si à Dieu plaist, et avez sauvé votre âme. » (Procès, t. II, p. 14. Déposition en français de G. Manchon.)

Les choses, en effet, avaient tourné comme l'avait espéré et comme le désirait l'Évêque de Beauvais. Il n'y avait plus qu'à préparer le procès de relaps : or, le Prélat savait bien par quels moyens il serait provoqué à coup sur et rendu inévitable.

A suivre : CHAPITRE IV. DES DEUX CÉDULES DE L'ABJURATJON, LA VRAIE ET LA FAUSSE. — FAUSSETÉ DE LA CÉDULE QU'ON LIT AU
PROCÈS.


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Message  Louis Sam 21 Avr 2012, 7:43 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre IV

DES DEUX CÉDULES DE L'ABJURATJON, LA VRAIE ET LA FAUSSE.
— FAUSSETÉ DE LA CÉDULE QU'ON LIT AU PROCÈS.

Il est donc avéré — le précédent chapitre en contient la preuve — que la Pucelle, au cimetière de Saint-Ouen, prononça et signa une cédule d'abjuration dont la lecture dura le temps d'un Pater noster. Cette cédule, maître Erard l'avait apportée toute prête; il la remit à Jean Massieu, l'huissier du tribunal. Massieu, au moment voulu, la lut à voix haute. Jeanne la redit après lui, article par article, puis la signa en faisant une croix.

Tels sont les faits; reste à en déterminer le vrai sens.

Une question se pose tout d'abord :

La cédule, que la Pucelle a prononcée et signée, contenait-elle le texte d'une abjuration canonique en cause de foi; ou bien ne contenait-elle qu'un texte insignifiant n'ayant rien de commun avec une abjuration canonique véritable et, par suite, en tant que cédule d'abjuration, n'en avait-elle que le nom?

La réponse qu'une étude approfondie des documents fait à cette question est celle-ci :

La cédule dont il s'agit, la cédule exhibée par maître Erard, ne contenait le texte d'aucune abjuration canonique formelle en cause de foi; l'abjuration de la Pucelle, en réalité, ne fut qu'une abjuration apparente, une abjuration n'ayant de cet acte judiciaire que le nom.

De là cette conséquence de la plus haute gravité.

La cédule insérée au Procès, dont le texte constate l'aveu fait par la Pucelle, sous la foi du serment, d'erreurs contre la foi et de crimes nombreux qu'elle abjure en présence du tribunal, renie et déteste, est une cédule fausse, rédigée frauduleusement par ordre des juges, à l'effet de flétrir la Pucelle; une cédule qui a été substituée à la cédule vraie pour être insérée dans l'instrument officiel du Procès. Des affirmations de ce genre ne devant pas être acceptées sur parole, nous allons en apporter la preuve irréfutable.

A suivre : I. La formule d'abjuration qu'on lit au Procès est-elle bien celle que Jeanne prononça et signa ?

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Message  Louis Sam 21 Avr 2012, 3:31 pm

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DE

JEANNE D'ARC

Chapitre IV

DES DEUX CÉDULES DE L'ABJURATJON, LA VRAIE ET LA FAUSSE.
— FAUSSETÉ DE LA CÉDULE QU'ON LIT AU PROCÈS.


(suite)

I.

La formule d'abjuration qu'on lit au Procès est-elle bien celle que Jeanne prononça et signa ?

Au point du récit officiel où nous nous sommes arrêté, l’Évêque de Beauvais exposait comment, la Pucelle ayant manifesté l'intention de se soumettre à la détermination de l'Église, il avait suspendu la lecture de la sentence. Le récit se poursuit en ces termes :

« Alors, en présence des juges et maîtres susnommés, et de la multitude du clergé et du peuple, la Pucelle fit et proféra une rétractation et une abjuration dans la forme d'une cédule dont on lui donna en ce moment lecture, cédule rédigée en français, qu'elle-même prononça, et qu'elle signa dans la forme qui suit 1 :

« Toute personne qui a erré et mespris en la foy chrestienne, et depuis, par la grâce de Dieu est retournée en lumière de vérité et à l'union de notre mère saincte Eglise, se doit moult bien garder que l'ennemi d'enfer ne la reboute et fasse recheoir en erreur et en damnation. Pour ceste cause, je JEHANE, communément appelée la Pucelle, misérable pécheresse, après ce que j'ai cogneu (connu) les las (lacs, filets) de erreur ouquel je estaie tenue, et que, par la grâce de Dieu, sui retournée à nostre mère saincte Eglise, afin que on voie que non pas fainctement, mais de bon cuer et de bonne volonté sui retournée à icelle, je confesse que j'ay très griefment péchié, en faignant mençongeusement avoir eu révélations et apparitions de par Dieu, par les anges et saincte Catherine et saincte Marguerite, en séduisant les autres, en créant (croyant) folement et légèrement, en faisant supersticieuses divinaisons (divinations), en blasphémant Dieu, ses Sains et ses Sainctes: en portant habit dissolu, difforme et deshonneste contre la décence de nature, et cheveux rougnez (coupés) en ront en guise de homme, contre toute honnesteté du sexe de femme; en portant aussi armeures par grant présumpcion; en désirant crueusement cruellement) effusion de sang humain; en disant que toutes ces choses j'ay fait par le commandement de Dieu, des angelz et des Sainctes dessusdictes, et que sur ces choses j'ay bien fait et n'ay point mespris: en mesprisant Dieu et ses sacrements, en faisant sédicions et ydolatrant, par aourer (en adorant les) mauvais esperis, et en invoquant iceulx. Confesse aussi que j'ay été scismatique et par plusieurs manières ay erré en la foy. Lesquels crimes et erreurs, de bon cuer et sans ficcion, je, de la grâce de Nostre Seigneur, retournée à voye de vérité, par la saincte doctrine et par le bon conseil de vous et des docteurs et maistres que m'avez envoyez, abjure, déteste, renie, et de tout y renonce et m'en dépars. Et sur toutes ces choses devant dictes me soubmetz à la correccion, disposicion, amendement et totale déterminacion de nostre mère saincte Eglise et de vostre bonne justice. Aussi je vous jure et prometz à Monseigneur saint Pierre, prince des apostres, à nostre saint père le Pape de Rome, son vicaire, et à ses successeurs, et à vous, mes seigneurs, révérend père en Dieu, Monseigneur l'évesque de Beauvais, et religieuse personne frère Jehan Le Maistre, vicaire de Monseigneur l'Inquisiteur de la foy, comme à mes juges, que jamais, par quelque euhortement (suasion) ou autre manière, ne retourneray aux erreurs devant diz, desquelz il a pleu à Nostre Seigneur moy délivrer et oster ; mais à tousjours demourray en l'union de nostre mère saincte Eglise, et en l'obéissance de nostre saint père le Pape de Rome. Et cecy je dis, afferme et jure par Dieu le Tout-Puissant, et par ces sains Evangiles. Et en signe de ce, j'ay signé ceste cédule de mon signe. »

Ainsi signée :

« Jehanne +. »

Cette formule d'abjuration remplit, dans l'Édition du Procès (t. I, pp. 447, 448), quarante-cinq lignes de petit texte…

____________________________________________________________

1. « Tune, præsentibus prænominatis , et in conspectu copiosæ multitudinis, fecit (ipsa Johanna) et protulit revocationem et abjurationem secundum formam cujusdam schedulæ sibi tum lectæ, verbis gallicis confectæ, quam ipsamet etiam pronuntiavit, atque ipsam schedulam propria manu signavit, sub forma quæ sequitur. « (Procès, t. I, pp. 446, 447.)

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Message  Louis Sam 21 Avr 2012, 6:10 pm

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I.

La formule d'abjuration qu'on lit au Procès est-elle bien celle que Jeanne prononça et signa ?

Cette formule d'abjuration remplit, dans l'Édition du Procès (t. I, pp. 447, 448), quarante-cinq lignes de petit texte, équivalant à soixante lignes de texte ordinaire, c'est-à-dire deux pages environ du format in-8º. P. Cauchon affirme que ce texte est celui qui fut lu à l'accusée, qu'elle prononça et qu'elle signa. Est-ce bien vrai?

Assurément, l'Évêque de Beauvais avait grand intérêt à ce que cela fût vrai, et, si ce n'était pas vrai, à ce que le public le crût tout de même. Que voyons-nous, en effet, dans ladite formule d'abjuration?

Nous y voyons la Pucelle « confesser avoir feint nensongèrement avoir eu des révélations et apparitions de par Dieu;

« Avoir séduit les autres, en faisant superstitieuses divinations ;

« Avoir adoré les mauvais esprits, en invoquant iceux;

« Avoir été schismatique et, par plusieurs manières, avoir erré en la foy. Lesquels crimes et erreurs elle abjure, déteste, renie, et de tout y renonce et s'en départ. »

Une pièce pareille, portant la signature même de Jeanne, servait admirablement l'Évêque de Beauvais, ainsi que ses maîtres et patrons les Anglais.

Elle servait l'Évêque de Beauvais, car il devenait sûr d'atteindre le double but qu'il s'était proposé, à savoir :

1° De prononcer contre la Pucelle une sentence infamante, préparatoire de la sentence de relaps, non moins infamante, qui la condamnerait au bûcher;

2º De faire rejaillir de cette sentence un déshonneur et une flétrissure manifestes sur la maison de France et Charles VII, son représentant.

Ladite pièce servait non moins merveilleusement les Anglais, car si la foi des loyaux Français en la mission divine de la Pucelle et si la réalité de cette mission réduisaient à néant les droits que le monarque anglais prétendait avoir à la couronne et au royaume de France, ces mêmes droits reprenaient vigueur du moment que la prétendue mission divine de Jeanne n'était, de son propre aveu, qu'une invention mensongère, ses apparitions et révélations qu'une imposture.

Malheureusement pour l'Évêque de Beauvais…

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Message  Louis Dim 22 Avr 2012, 6:46 am

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(suite)

I.

La formule d'abjuration qu'on lit au Procès est-elle bien celle que Jeanne prononça et signa ?

Malheureusement pour l'Évêque de Beauvais, son témoignage est le seul qu'on puisse alléguer en faveur de la pièce qu'il avait si grand intérêt à produire, et son témoignage est trop suspect pour qu'on puisse l'admettre.

Ce témoignage est le seul, disons-nous, qu'on puisse invoquer. En effet, pas un des greffiers, huissiers, assesseurs du Procès entendus en l'Enquête de la réhabilitation ne confirme, soit directement, soit indirectement, l'authenticité de ladite pièce; leurs dépositions, on le verra tout à l'heure, lui sont ouvertement contraires.

Ce témoignage provient, ajoutons-nous, d'une source trop suspecte pour être admis de confiance; de trop puissantes raisons s'y opposent.

Une de ces raisons se trouve dans les procédés coupables dont a constamment usé l'Évêque de Beauvais, modifiant, altérant, falsifiant le texte officiel, surtout les réponses de Jeanne, toutes les fois qu'il avait intérêt à le faire. Ainsi, par exemple : …

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Message  Louis Dim 22 Avr 2012, 12:16 pm

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I.

La formule d'abjuration qu'on lit au Procès est-elle bien celle que Jeanne prononça et signa ?

Ainsi, par exemple : …

C'est chose prouvée qu'il a supprimé les Informations préalables sur les mœurs et la jeunesse de la Pucelle, lesquelles auraient dû figurer dès les premières pages du Procès. Il les a supprimées, parce qu'elles étaient trop favorables à la prévenue.

C'est chose prouvée que, outre le procès-verbal officiel des réponses de Jeanne pendant le Procès d'office, P. Cauchon faisait rédiger clandestinement, par des clercs anglais, un procès-verbal mensonger dans lequel lesdits clercs écrivaient à leur façon les dits et faits de la Pucelle, passant sous silence tout ce qui pouvait la justifier. (Procès, t. III, pp. 135, 136.)

C'est chose prouvée que l'Évêque susnommé, dans la rédaction du procès-verbal officiel même, abusait de son autorité au point d'obliger les notaires-greffiers à rapporter les choses autrement qu'elles n'étaient, tantôt par altération, tantôt par omission. (Procès, t. II, pp. 12, 13.) Il le faisait non seulement en dehors des séances, mais au cours même de ces séances : à ce point que, un jour, en plein interrogatoire, devant ses nombreux assesseurs, il défendit au notaire de mentionner dans le procès-verbal la soumission de la Pucelle à l'Eglise. Ce qui arracha à la jeune Lorraine ce cri de protestation : « Vous écrivez ce qui est contre moi, et vous ne voulez pas écrire ce qui est pour moi. » (Procès, t. II, pp. 349, 350.)

C'est chose prouvée, enfin, que le traducteur du Procès français en latin, le Docteur de Paris, Thomas de Courcelles, profita de cette occasion pour altérer, par suppression ou par retouches, le texte véritable lorsqu'il eut intérêt à le faire. Ainsi, par exemple, ledit Courcelles avait été, au Procès, l'un des trois assesseurs qui opinèrent qu'il fallait mettre Jeanne à la torture ; c'est attesté dans la minute française. Courcelles tint à ce que la postérité ne le sut pas : en conséquence, il supprima dans le Procès en latin le compte rendu de la délibération. (Procès, t. I, pp. 402-404.)

Nous verrons plus bas le Docteur de Paris, par la simple suppression d'un mot, changer en un texte qui ne signifie rien une phrase qui justifie admirablement la Pucelle.

Qui est-ce qui voudrait, devant de semblables procédés, qu'on crût P. Cauchon sur parole, dans une question aussi grave que l'authenticité du formulaire inséré au Procès?

Mais nous avons mieux que cette fin de non-recevoir. Des textes positifs, irréfragables, établissent que, dans le cas présent, la parole de l'Évêque-Juge ne mérite aucune créance et que la cédule du Procès est une fausse cédule.

A suivre : II . Preuves de la fausseté du formulaire inséré au Procès.

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