Aperçus de philosophie thomiste. (COMPLET)

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Message  Louis Sam 25 Fév 2012, 6:58 am

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
Oui; — mais comment réaliser cet acte ? L'homme le porte-t-il en lui-même, du seul fait qu'il existe? ou, au contraire, est-il, dans sa nature, sinon une opposition directe et foncière, du moins des difficultés ou des obstacles qui peuvent en empêcher ou en troubler la réalisation ?

J'entends non pas seulement la réalisation idéale et parfaite, qui pourra n'être jamais que l'apanage ou le privilège d'une élite, — comme, sans doute, plusieurs pourraient en faire l'objection — ; mais même cette réalisation rudimentaire, ou initiale, et imparfaite, qui doit pouvoir convenir à tout être humain pris en particulier.

Dès là, en effet, que nous affirmons, — et nous avons vu que l'étude même de notre nature nous y contraignait, — que la fin dernière ou suprême de l'homme est dans cet acte de la sagesse sur l'ordre des choses en ce qu'il a de dernier ou de suprême et de plus profond, c'est-à-dire voyant tout l'ordre des choses en dépendance de la Cause dernière et suprême, qui est Dieu, — il faut bien, sous peine d'accuser d'insuffisance notre nature elle-même, que chaque individu humain puisse réaliser cet acte, bien que tous n'aient pas dans leur nature individuelle de le réaliser avec la même perfection.

Et nous voici en présence de la question la plus passionnante et aussi la plus actuelle dans cette science de l'Ethique abordée par nous. C'est la question de la discipline morale. Faut-il à l'être humain, comme tel, une discipline? Cette discipline, comment devons-nous la concevoir, l'ordonner?

Très intentionnellement j'ai dit que cette question était la plus passionnante et aussi la plus actuelle. Elle est, sans doute, depuis toujours; et toujours elle a été d'une importance extrême. Mais c'est elle qui se trouve à l'origine même de ce qu'on appelle les temps nouveaux, l'ère nouvelle, entendant ces mots dans leur acception laïque et au sens où l'ère nouvelle date des temps de la Révolution.

Le père de ces temps nouveaux…

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Message  Louis Sam 25 Fév 2012, 2:59 pm

ÉTHIQUE, ÉCONOMIQUE, POLITIQUE

II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
Le père de ces temps nouveaux a fait, de la question que nous abordons en ce moment, le point central, j'allais dire le tout de son étrange vie d'apôtre. Oui vraiment il n'est pas téméraire d'affirmer que Jean-Jacques Rousseau tient tout entier dans cette question de la discipline morale, ou, comme il dirait lui-même, en fixant un de ses aspects essentiels, l'éducation. Et c'est elle, cette question de l'éducation ou de la discipline à établir pour l'être humain comme tel, posée et résolue clans le sens où l'avait posée et résolue Jean-Jacques Rousseau, qui commande tout dans la société laïque du monde entier à l'heure actuelle.

Or, personne n'ignore comment cette question fut posée et résolue par l'auteur de l'Émile. Il s'en est expliqué nettement lui-même, en essayant de se justifier contre les critiques ou les condamnations dont il était l'objet. C'est donc par lui-même que nous sommes fixés de la manière la plus certaine et la plus authentique sur le sens de sa pensée. — Dans sa réponse à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, qui avait publié un mandement contre l'Émile, à la date du 20 août 1762, il déclarait expressément :

« Le principe fondamental de toute morale, sur lequel j'ai raisonné dans tous mes écrits, et que j'ai développé dans ce dernier avec toute la clarté dont j'étais capable, est que l'homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l'ordre ; qu'il n'y a point de perversité originelle dans le cœur humain ; et que les premiers mouvements de la nature sont toujours droits;... et j'ai fait voir comment, par l'altération successive de leur bonté originelle, les hommes deviennent enfin ce qu'ils sont ».


Or, ce qui altère ainsi l'homme, et, de bon qu'il était naturellement ou en naissant, le fait devenir ce que nous le voyons, c'est précisément la discipline à laquelle on le soumet; c'est l'éducation qu'on lui donne; ce sont les gouvernements eux-mêmes qui font les maux auxquels on prétend remédier par eux. Il est impossible d'avoir jamais ni de bonnes lois ni des gouvernements équitables ; il faut chercher le vrai moyen de prévenir, sans gouvernements et sans lois, tous ces maux dont on se plaint.

On a voulu conclure de là que pour l'auteur de l'Émile

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Message  Louis Dim 26 Fév 2012, 6:08 am

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
On a voulu conclure de là que pour l'auteur de l'Émile il fallait rejeter toute discipline morale et toute éducation, et laisser l'homme à lui-même, à lui seul. La proposition n'est vraie qu'à moitié, ou en un sens.

L'auteur de l'Émile ne rejette pas toute éducation ou toute discipline; puisque, au contraire, il a pour unique but d'en proposer une nouvelle, qui sera, d'après lui, le remède à tout mal parmi les hommes.

Ce qu'il rejette, c'est ce qu'il appelle l'éducation positive, qui était l'unique éducation donnée jusqu'à lui ; notamment l'éducation telle qu'on la donne dans les milieux de l'Église catholique.

Et ce qu'il propose, c'est ce qu'il appelle l'éducation négative, qui « ne donne pas les vertus, mais prévient les vices » ; qui « n'apprend pas la vérité, mais préserve de l'erreur » ; — qui « dispose l'enfant à tout ce qui peut le mener au vrai quand il est en état de l'entendre, et au bien quand il est en état de l'aimer » ; — sans le mettre jamais auparavant en présence d'une vérité (qui d'ailleurs est si difficile à marquer) et d'un bien (qui est toujours très relatif, puisqu'il dépend de l'épanouissement du sujet lui-même).

Nous reviendrons sur cette éducation à la Rousseau. Arrêtons-nous, pour l'heure, sur ce qu'il appelle lui-même son principe fondamental : …

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Message  ROBERT. Dim 26 Fév 2012, 10:06 am

Spoiler:
Ratzinger, l'hérétique et le moderno, parfait émule d'Émile, comme tous ces psycho-psychi et autres pseudo-neurasthénique à la Freud, Kant, Hegel, Jung, Husserl, etc..
.
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Message  Louis Dim 26 Fév 2012, 4:26 pm

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
Nous reviendrons sur cette éducation à la Rousseau. Arrêtons-nous, pour l'heure, sur ce qu'il appelle lui-même son principe fondamental : — que « l'homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l'ordre »; qu' « il n'y a point de perversité originelle dans le cœur humain » ; que « les premiers mouvements de la nature sont toujours droits ».

Ces affirmations de l'auteur de l'Émile étaient un des points — le premier et, en un sens, le plus essentiel — que l'archevêque de Paris lui reprochait et condamnait dans son livre.

Et, pour le condamner, l'archevêque en appelait au dogme catholique du péché originel.

C'était porter la question sur le terrain de la foi et de la théologie. L'archevêque en avait le droit et le devoir, puisqu’il adressait son mandement, non pas à l'auteur lui-même, mais à ses fidèles de l'Église catholique. D'ailleurs Jean-Jacques Rousseau, dans sa réponse, essaye de se justifier, même de ce point de vue, se déclarant, comme protestant, sensible à un argument de cette nature. Hâtons-nous d'ajouter qu'il se montra assez piètre théologien. Par contre, du point de vue philosophique, sa réponse était loin d'être à dédaigner; bien qu'elle ne lui donnât pas le droit de conclure dans le sens du principe formulé par lui.

Je voudrais, d'un mot, sur ce terrain même de la philosophie, où nous entendons, pour le moment, délibérément nous renfermer, montrer le point de départ de toute l'erreur qui empoisonne, depuis, le genre humain dans son concept laïque et dans sa pratique de la discipline morale ou de l'éducation, en vue du perfectionnement dernier de l'être humain.

L'explication que nous allons donner, Rousseau l'a entrevue; il l'a formulée en partie, dans cette réponse à l'archevêque de Paris; et les termes dont il use m'ont fait tressaillir, quand je les ai lus : tant ils étaient à propos et de nature à porter la pleine lumière en cette grave question d'où tout dépend pour l'homme.

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Message  Louis Lun 27 Fév 2012, 6:14 am

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
L'explication que nous allons donner, Rousseau l'a entrevue; il l'a formulée en partie, dans cette réponse à l'archevêque de Paris; et les termes dont il use m'ont fait tressaillir, quand je les ai lus : tant ils étaient à propos et de nature à porter la pleine lumière en cette grave question d'où tout dépend pour l'homme.

« L'homme, déclare-t-il, n'est pas un être simple; il est composé de deux substances. Cela prouvé, l'amour de soi n'est pas une passion simple; mais elle a deux principes, savoir l'être intelligent et l'être sensitif, dont le bien-être n'est pas le même. L'appétit des sens tend à celui du corps, et l'amour de l'ordre à celui de l'âme. Ce dernier amour, développé et rendu actif, porte le nom de conscience ».

Il faut le reconnaître, ces prémisses étaient toutes de lumière. — Elles sont la traduction quasi littérale d'une réponse de saint Thomas, dans sa Somme Théologique, 1-2, q. 71, art. 2, ad 3, qui n'est, elle-même, que la mise en relief d'un point de doctrine de philosophie aristotélicienne.

Comment donc d'un si bon principe Rousseau a-t-il pu tirer une conclusion si pernicieuse, qui devait, en effet, tout perdre?
Il en a conclu que l'homme…

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Message  Louis Lun 27 Fév 2012, 12:04 pm

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)

Comment donc d'un si bon principe Rousseau a-t-il pu tirer une conclusion si pernicieuse, qui devait, en effet, tout perdre?

Il en a conclu que l'homme était naturellement bon, aimant la justice et l'ordre ; — que cependant il pouvait être altéré dans cette bonté naturelle, en raison de la double substance qui était en lui; — et qu'il l'était par l'éducation ou la discipline, qui voulait lui donner trop tôt, et du dehors, la vérité et la vertu; — alors qu'il fallait, au contraire, commencer par le perfectionner dans son corps, dans ses sens, dans ses organes, et lui laisser, en quelque sorte, à lui-même, de venir à la vérité et à la vertu, auxquelles il viendrait, en effet, de lui-même, et tout naturellement à l'âge voulu, pourvu qu'on le laissât ainsi à lui-même, sans les lui imposer du dehors ou par l'éducation.

La conclusion à tirer, au contraire, saint Thomas l'avait formulée et mise en pleine lumière, expliquant, du reste, le fait douloureux, constaté par l'expérience, que malgré tous les secours de nature, d'éducation et de grâce, c'est la plus grande partie des hommes qui va au vice et non à la vertu ; d'où il semblerait que le vice est conforme à la nature et que la vertu lui est contraire, puisque partout ailleurs, dans les êtres qui nous entourent, ce qui est conforme à la nature est dans le plus grand nombre, et ce qui lui est opposé ou contraire est l'exception et a quelque chose de monstrueux.

C'est que précisément, chez nous, et chez nous seuls…

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Message  Louis Mar 28 Fév 2012, 5:46 am

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
C'est que précisément, chez nous, et chez nous seuls, se trouvent comme deux natures opposées dans notre unique nature humaine : l'une, allant aux choses corporelles ; l'autre, aux choses spirituelles. Or, la première est celle qui entre tout d'abord en jeu ; l'autre ne venant en exercice que vers l'âge de 7 ans ; — et, de plus, la première demeure toujours eu contact immédiat avec les réalités sensibles dont elle a l'intuition, tandis que l'autre ne peut jamais saisir, naturellement, les êtres spirituels et surtout l'Être souverain, que par voie de raisonnement. — Comme, de par ailleurs, tous sont aisément à l'aise dans les choses du début, tandis que pour atteindre les choses de la fin il faut poursuivre son effort jusque-là, ce qui n'est le propre que des meilleurs, il s'ensuit que beaucoup, le très grand nombre même, s'arrêtent aux choses des sens.

Si donc nous voulons obtenir un moindre mal, dans cet ordre, il faudra que les meilleurs se mettent au service du grand nombre, et que, par une discipline adaptée, ils les conduisent, si possible, jusqu'au terme, qui est le repos de l'âme dans les choses spirituelles, et non dans les choses corporelles.

Cela sera vrai pour la généralité des êtres humains, même adultes. Combien plus pour l'enfant! Ici, sans exception, il faudra que l'on s'occupe de cet enfant, au physique et au moral, plus encore au moral qu'au physique, et qu'on l'entoure de toutes les sauvegardes pour l'amener à dompter ou à dominer ses sens, afin d'établir en lui la règne de la raison dans le domaine de la vérité et de la vertu.

Le plus grand service à lui rendre sera de lui faire prendre comme des commencements de bonnes habitudes morales, avant même qu'il ait l'usage de la raison ou qu'il soit lui-même un agent moral responsable; qu'on sème dans son esprit, par mode de leçons apprises, bien que non encore comprises, tous les germes de vérité qui écloront ensuite, d'eux-mêmes, en lui, à mesure que sa raison pourra en prendre conscience.

D'un mot, l'être humain, surtout à son début…

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Message  Louis Mar 28 Fév 2012, 1:04 pm

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D'un mot, l'être humain, surtout à son début, doit être enseigné et formé. Avant qu'il soit à même de comprendre, il faut qu'il soit considéré comme devant apprendre.

Et voilà tout l'abîme qui sépare le monde nouveau Rousseauien, du monde ancien humain et classique.

Aristote avait dit, en parlant de tout disciple : Il faut d'abord qu'il croie.

L'homme est un être social et disciplinable. Tout seul et livré à lui-même, il suivra ses sens, et son esprit restera comme enseveli dans la chair. Prétendre tout mieux sauvegarder, en attendant, pour lui livrer la vérité et la vertu, qu'il puisse tout comprendre et tout aimer, dans cet ordre, de lui-même, sans qu'on l'y amène positivement, par une discipline adaptée, c'est vouer le genre humain aux pires déceptions.

L'expérience est là. Si l'homme civilisé était méchant, l'homme élevé à la Rousseau a donné sa mesure, depuis la Révolution, et la donne tous les jours, dans le genre humain devenu ingouvernable.

Ainsi, en pleine clarté, nous le voyons. À la question posée, s'il faut une discipline, pour l'individu humain, dans son agir moral, en vue de sa perfection à réaliser, la réponse ne saurait être douteuse. Et non seulement il faut une discipline; cette discipline existe depuis toujours parmi les hommes.

Elle est, on peut le dire, traditionnelle dans le genre humain. Elle consiste à traiter l'individu humain, non point comme un être qui va de lui-même à ce qui est sa perfection, qu'il n'y a, pour ainsi dire, qu'à favoriser dans son épanouissement de nature : s'occupant, d'abord, et exclusivement, de son épanouissement physique; et remettant à bien plus tard, à un âge relativement avancé, tout ce qui serait d'ordre proprement moral ou intellectuel ou surtout religieux, à prendre même la religion selon qu'elle relève de la seule raison philosophique.

Une telle conception de la discipline, telle qu'a voulu l'inaugurer Jean-Jacques Rousseau, ne répond pas aux véritables exigences de la nature humaine…

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Message  Louis Mer 29 Fév 2012, 6:10 am

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
Une telle conception de la discipline, telle qu'a voulu l'inaugurer Jean-Jacques Rousseau, ne répond pas aux véritables exigences de la nature humaine.

Même sans recourir aux données de la foi touchant les ruines causées dans notre nature par le péché originel, à ne considérer cette nature qu'en elle-même et selon ses données essentielles, si nous n'avons pas à parler de perversité originelle, il demeure, comme nul ne saurait le nier, et Rousseau, nous l'avons entendu, le proclame lui-même, que la nature humaine porte en elle une dualité dont nous disons qu'elle exige, de toute nécessité, les soins les plus attentifs, les plus vigilants, les plus prévenants, pour que l'individu humain ne risque pas, à chaque instant, de tout compromettre et de tout perdre, dans l'ordre de sa perfection à acquérir ou de sa fin à atteindre, en versant dans ce qu'il y a de sensible, en lui, au préjudice de ce qu'il doit y avoir de raisonnable. En tout individu humain, mais surtout dans l'enfant, le côté ou la partie sensible tend à tout absorber à son profit; alors qu'il faut que cette partie demeure toujours subordonnée et ordonnée en fonction de la partie rationnelle. Elle n'est ainsi ordonnée que parmi les meilleurs.

Ces privilégiés, dans la mesure même où ils auront pu faire régner l'ordre en eux-mêmes, se devront et devront aux autres de veiller à ce que ceux qui vivront dans le rayonnement de leur action ne se laissent pas emporter aux entraînements de la partie sensible. Ils devront veiller sur eux, notamment au début de leur vie morale et dès leur plus tendre enfance, pour prévenir et empêcher l'usurpation des sens, pliant les sens et les habituant à céder à la raison ou à ne s'épanouir que dans le sens de la raison, sinon vue, du moins crue en ceux qui leur sont supérieurs d'âge, de condition, d'autorité.

Il en est ainsi pour les habitudes ou les commencements d'habitudes à acquérir dans l'ordre moral…


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Message  Louis Mer 29 Fév 2012, 5:46 pm

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II. LA DISCIPLINE MORALE (suite)
Il en est ainsi pour les habitudes ou les commencements d'habitudes à acquérir dans l'ordre moral, en ce qui touche aux premières manifestations de la partie sensible.

Combien plus faudra-t-il qu'il en soit ainsi pour le premier acte de contemplation ou de sagesse, quand l'individu humain devra produire cet acte, à l'âge même où la raison s'éveille et où doit se faire l'orientation de l'être humain vers sa fin dernière, vers ce qui commandera toute sa vie ! N'est-il pas de toute évidence que jamais l'être humain ne sera trop aidé dans ce premier choix? Que penser, dès lors, de la théorie de Rousseau voulant qu'on s'abstienne de jamais prononcer, devant l'enfant, une parole ayant trait aux choses de Dieu ou pouvant évoquer une vérité quelconque se rapportant aux réalités suprasensibles? C'est là un des points auxquels il tient le plus dans l'énoncé de son éducation négative. Aussi bien est-ce un des points les plus pernicieux parmi tous les points de doctrine que nous devons au funeste sophiste. Il ne devrait rien falloir de plus pour détourner toute raison saine d'un tel système d'éducation et la fixer dans le choix de la vraie discipline morale qui fut toujours celle du genre humain.
A suivre : III. L’ÉDUCATION MORALE


Dernière édition par Louis le Jeu 01 Mar 2012, 6:46 am, édité 1 fois (Raison : corriger le chiffre romain dans le « A suivre ».)

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Message  Louis Jeu 01 Mar 2012, 6:43 am

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III. L’ÉDUCATION MORALE
L'ordre des choses qui constituent l'univers au milieu duquel nous sommes nous-mêmes et dont nous formons l'une des trois grandes parties essentielles, vu à la lumière de la saine raison, nous a dicté cette première règle de l'agir moral humain, que l'individu humain ne peut trouver sa fin dernière ou sa perfection suprême que dans l'acte de la sagesse, c'est-à-dire dans l'acte de sa raison se reposant dans la contemplation de l'ordre des choses —vu dans ses causes les plus profondes ou en dépendance de la cause première et suprême qui est Dieu.

Cet acte de sagesse, parce qu'il est la fin dernière de l'homme, commandera tout dans le domaine de son agir moral. L'acte de l'individu humain ne sera bon que dans la mesure où il s'harmonisera avec cet acte de la sagesse; s'il s'y opposait, ou s'il manquait d'harmonie avec lui, à quelque titre que ce pût être, il serait mauvais.

D'autre part, nous l'avons vu dans notre dernière conférence, cet acte de la sagesse n'est pas de soi inné dans l'individu humain. L'individu humain, quand il vient au monde, n'a rien de cet acte de la sagesse. La faculté même ou les facultés destinées à le produire, si elles existent en lui radicalement, s'y trouvent en sommeil. Elles ne s'éveilleront qu'après un laps de temps plus ou moins long, mais qui comprend d'ordinaire un nombre déterminé d'années. Jusque-là, l'individu humain ne vivra que d'une vie végétative ou sensitive. Encore est-il que cette double vie, chez lui, qui devra se continuer toujours, même quand sa raison sera sortie de son sommeil, peut influer grandement, sur la vie de la raison quand elle s'éveillera, pour faciliter ou non, à cette dernière, son acte suprême de la sagesse, qui devra, tout de suite, cependant, se produire. Car ce sera à se fixer une fin, sa fin dernière, que devra consister le premier acte conscient de la raison à son éveil.

N'est-il pas de toute évidence que, la nature de l'être humain étant celle que nous venons de dire, il faut que l'individu humain, dès son apparition parmi les hommes — et, en quelque manière, avant même sa venue, par la préparation de ceux qui doivent l'amener au monde, — se trouve entouré de précautions et de sauvegardes qui écartent de lui, le plus qu'il sera possible, tout ce qui pourrait compromettre l'épanouissement parfait de sa raison; et de sages dispositions qui facilitent, au contraire, de la manière la plus appropriée et la plus excellente, cet épanouissement parfait?

C'est toute l'économie de la discipline...


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Message  Louis Jeu 01 Mar 2012, 12:47 pm

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III. L’ÉDUCATION MORALE (suite)
C'est toute l'économie de la discipline.

Le premier aspect de cette discipline, et le plus important, sera celui de l'éducation.

Il va faire l'objet de notre présente étude.

Que devons-nous entendre par l'éducation au sens formel de ce mot? et que comprend l'éducation ainsi entendue?

L'éducation, au sens strict de ce mot, n'est pas autre chose que la formation morale de l'individu humain. Elle comprend tout ce qui est du domaine de la vertu.

Quand nous parlons de la formation morale de l'individu humain, nous la distinguons de sa formation intellectuelle, que nous considérerons plus tard. Et quand nous parlons du domaine de la vertu, au sens pur et simple, nous le distinguons aussi du domaine de la science.

Qu'est-ce donc qui appartiendra à la formation morale de l'individu humain, et qu'est-ce qui constituera le domaine de la vertu où l'éducation aura pour office de l'établir?

Parler de morale et de vertu, c'est parler de choses qui tiennent essentiellement à la partie affective de l'être humain. Et donc parler de formation morale ou d'exercice à la vertu, pour l'être humain, c'est parler de ce qui habitue l'être humain à régler tous ses mouvements affectifs et ce qui en dépend dans ses actes, même ceux d'apparence insignifiante ou secondaire, en fonction de l'acte suprême de la sagesse qui doit tout commander chez lui.

Or, dans l'individu humain…

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Message  Louis Ven 02 Mar 2012, 6:29 am

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III. L’ÉDUCATION MORALE (suite)
Or, dans l'individu humain nous trouvons une double partie affective : la partie affective sensible; et la partie affective intellectuelle, qui n'est autre que la volonté. Cette dernière n'existera mise en acte ou en fonction, qu'après l'éveil de la raison dans l'individu humain. Jusque-là, il n'y a, dans l'enfant, que la partie affective sensible. Mais, dans l'enfant, cette partie affective sensible, bien qu'elle soit la seule en acte, ne doit pourtant pas être traitée comme si elle était isolée en lui. Elle doit être traitée, même dans l'enfant, en fonction de la partie affective intellectuelle, qui sommeille encore, mais qui est cependant en lui et qui fait que l'enfant, à la différence du petit animal, est une personne humaine, non un simple animal. Il ne faudra donc pas que les mouvements affectifs sensibles soient laissés à eux-mêmes, comme ils le sont dans l'animal sans raison.

Il faut que ceux à qui incombe le soin de l'éducation de l'enfant, le portent en quelque sorte dans le sein de leur raison, la formule est de saint Thomas (2-2, q. 10, a. 12), et qu'ils dirigent ses mouvements affectifs sensibles selon que ces mouvements doivent être ceux d'une personne humaine et non ceux d'un animal sans raison. Tout cela qui regarde l'ensemble des passions ou des mouvements delà partie affective sensible devra être ordonné pour assurer l'empire de la raison et faciliter son règne quand elle s'éveillera. Avec un soin jaloux, on devra surveiller les moindres manifestations d'amour, de désir, de joie, de haine, de dégoût, de tristesse; d'audace, de crainte, de désespérance, de colère; de toutes leurs ramifications ou dépendances : non pour le ruiner ou le compromettre ; mais pour le régler et l'harmoniser selon qu'il convient à la perfection de l'être humain, même à cet âge.

Et il se trouve précisément que parmi les vertus morales, il en est deux — la tempérance et la force — qui ont leur siège dans la partie affective sensible ; et dont le rôle ou l'objet est d'établir et de fixer cette harmonie entre l'appétit concupiscible ou de convoitise et l'appétit irascible, et la partie affective supérieure qu'est la volonté. L'enfant lui-même ne peut pas établir cette harmonie, puisqu'il n'a pas l'usage de sa raison ; et, à ce titre, les vertus de force et de tempérance ne peuvent pas, au sens propre, se trouver en lui ; mais ceux dont la raison veille sur lui peuvent et doivent suppléer à celle de l'enfant et habituer en quelque manière ou commencer d'habituer les facultés affectives sensibles de l'enfant à se plier à la partie affective supérieure.

II faut déposer ou cultiver les germes de vertu de tempérance et de force dans le cœur de l'enfant, pour que ces germes s'épanouissent ensuite en fruits de raison, que rien ne pourra ni gâter ni corrompre. À plus forte raison, dès que l'enfant s'éveille au sens moral, il faudra que ceux dont la raison est plus forte, dont la vie morale est plus exercée, plus affermie, en raison même de l'âge, de l'expérience, de la pratique de ces vertus, soient attentifs à ce que l'enfant, dans tous ses actes, désormais conscients, n'ait rien que de conforme à l'esprit et à la norme de ces vertus de force et de tempérance, avec toutes leurs annexes.

Dans l'ordre de la tempérance et des vertus…

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Message  Louis Ven 02 Mar 2012, 1:16 pm

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III. L’ÉDUCATION MORALE (suite)
Dans l'ordre de la tempérance et des vertus qui se rattachent à elle, viendra d'abord la formation de l'enfant, de l'adolescent, du jeune homme, de l'être humain comme tel, en ce qui touche à ces mouvements affectifs sensibles se manifestant dans les mouvements, les gestes, les paroles, la voix, la tenue, l'attitude, le maintien. Et l'expérience apprend combien toutes ces manifestations ont à être surveillées dans l'enfant, pour les modeler selon que la raison le demande, même à cet âge, et à mesure que l'enfant, petit garçon ou petite fille, se développe ensuite et grandit.

La surveillance et l'ordination des mouvements affectifs dans ces premières manifestations n'est pourtant qu'un commencement dans cette grande œuvre de l'éducation et de la formation morale. Elle s'impose à un titre nouveau, quand il s'agit de manifestations plus importantes encore : tels, par exemple, dans l'enfant, les mouvements de colère et la tendance immédiate à frapper, à se venger, à dominer en tout. Quels soins ne faudra-t-il pas pour l'initier à la clémence, à la mansuétude, à la douceur, à l'humilité !

Mais, nous l'avons dit, ces vertus ne sont encore que des approches, par rapport à la tempérance. La tempérance elle-même portera directement sur la modération, conformément à ce que la raison exige, des mouvements affectifs sensibles qui ont pour objet les plaisirs intéressant plus particulièrement le sens du toucher dans les actes nécessaires à la conservation de la vie corporelle. Ces plaisirs sont ceux de la table et du mariage. L'attrait aux choses de la table ne sera pas le même dans l'enfant et l'être humain vivant de sa pleine vie humaine. Mais, sous forme de gourmandise, et même d'avidité indue, quelle pente irrésistible et universelle ne constaterait-on pas dans l'enfant lui-même ! Quant aux choses du mariage, à mesure que l'enfant grandira, comme il faudra veiller sur les premières manifestations des mouvements affectifs et de tout ce qui s'y rattache !

A la vigilance qui aura pour objet la tempérance et les vertus qui en dépendent, devra se joindre…

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Message  Louis Sam 03 Mar 2012, 6:46 am

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III. L’ÉDUCATION MORALE (suite)
A la vigilance qui aura pour objet la tempérance et les vertus qui en dépendent, devra se joindre ensuite la vigilance qui aura pour objet les mouvements de la partie affective sensible et leurs manifestations dans l'ordre de la vertu de force et de ses dépendances. Bien que moins fréquentes et moins universelles ou impétueuses, ces manifestations jouent un grand rôle déjà dans la vie de l'enfant. L'enfant est, d'ordinaire, le contraire de la persévérance, de la constance. Il faudra veiller à la sauvegarde de ces vertus, à leur éclosion, à leur perfectionnement. Veiller aussi à développer les beaux germes de magnanimité et de magnificence, qui prépareront, pour plus tard, des âmes vraiment grandes, se portant comme d'elles-mêmes, à tout ce qui est grand, beau, magnifique, dans la pratique de la vertu.

Que dire du soin à préparer des âmes fortes, qu'aucun péril, aucun sacrifice, non pas même celui de la vie, si le bien commun demande ce sacrifice, ne découragera jamais ; et qui sauront, en cas de lutte extrême pour la défense de ce bien commun, tenir jusqu'au bout, faudrait-il continuer cet effort héroïque pendant des mois et des années? En toute vérité, ou serions-nous aujourd'hui, et qu'en serait-il de nous, si notre pays de France n'avait compté de ces âmes fortes par légions innombrables?

Former l'âme de l'enfant dans le sens de ces premières vertus de tempérance et de force, n'est encore qu'un acheminement, une préparation, ou si l'on le veut, un commencement, dans ce noble travail de sa formation morale et de son application à l'exercice, à la pratique de la vertu.

Une autre vertu s'impose encore…

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Message  Louis Sam 03 Mar 2012, 12:32 pm

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Une autre vertu s'impose encore, la plus grande, la plus noble, la plus essentielle, dans l'ordre de la vie humaine, à considérer cette vie du seul point de vue de la raison.
C'est la vertu de justice.

Il n'en est pas dont le nom soit plus universellement évoqué et proclamé parmi les êtres humains. Et c'est elle, en effet, qui rend possible d'abord et qui perfectionne ensuite, dans tous les ordres de leurs rapports entre eux, la vie de société parmi les humains. Sans la justice, aucune société humaine ne serait possible. L'homme serait à l'homme pire que la bêle sauvage la plus nuisible ; car, s'il est injuste, il a le triste privilège de mettre au service de son injustice toutes les ressources de sa raison dévoyée : peior est bestia.

Mais la justice, est-elle donc chose naturelle à l'homme et qui ne lui coûte aucun effort, ou qu'il pratiquera toujours de lui-même et comme nécessairement, si on le laisse à lui-même, — comme le prétend Rousseau ?

La justice a pour objet l'être ou le bien d'autrui, — à ne jamais léser, ou à rétablir dans son intégrité, si, de notre part, une atteinte quelconque y avait été portée indûment.

L'être et le bien d'autrui !...


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Message  Louis Dim 04 Mar 2012, 7:19 am

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L'être et le bien d'autrui ! Ah ! si nous n'étions pas avec lui en contact de tous les jours et de tous les instants ; ou si son bien était aussi le nôtre : rien ne serait plus facile que d'en assurer le respect et la sauvegarde. — Mais, dans ce contact de tous les jours, de tous les instants, et quand il s'agit des biens de ce monde, des biens sensibles ou temporels, dont la nature est de ne pouvoir être possédés par l'un qu'à la condition que les autres en seront exclus, ces biens, que notre vie humaine, pour son épanouissement parfait, demande en quelque sorte et exige; — comment justifier, parmi les hommes, le fait de leur distribution si inégale? comment assurer le respect de cette distribution? — Que! sens de la justice ne faudra-t-il pas, dans l'être humain, quel qu'il soit, pour que la répartition soit faite équitablement quand il faut qu'elle se fasse, et pour la maintenir, la sauvegarder quand elle existe?

Justice commutative ; justice distributive; justice légale ou générale, n'ayant en vue que le bien commun et l'intérêt général. Quel champ d'action pour la pratique de la vertu; et que ne faudra-t-il pas de vigilance ou de maîtrise en ceux qui doivent y préparer, y habituer en toutes choses l'âme de l'enfant, de l'adolescent, du jeune homme, de l'être humain?

Pourtant, ce n'est pas tout!...

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Message  Louis Dim 04 Mar 2012, 11:52 am

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Pourtant, ce n'est pas tout! Cette vertu de justice n'est que la justice au sens strict, qui acquitte en toute rigueur une raison de dette rigoureuse.

La perfection des rapports des hommes entre eux demande qu'on aille à acquitter ce que l'on pourrait appeler les dettes de pure honnêteté sociale. Pour être moins rigoureusement dues, elles n'en sont pas moins dignes de louange. Et ici viennent les admirables vertus de gratitude, de vérité, d'amitié, de générosité ou de libéralité, d'une importance qu'on ne saurait assez reconnaître dans la formation morale de l'individu humain.

Un autre aspect, plus important encore, est celui des dépendances de la vertu de justice, où la dette est trop grande pour qu'elle puisse être jamais acquittée. Ces autres vertus sont commandées par le respect et les égards que motive toute raison d'excellence parmi les hommes : dignité, fonction, vertu, talent, situation, fortune, naissance. Et on a la vertu d'observance, directement opposée aux sottes prétentions et aux basses jalousies du nivellement démocratique.

Le respect dû à l'autorité constituée amène le service tou¬jours si noble d'une obéissance qui sait voir Dieu en tout supérieur légitime.

Pour reconnaître le bienfait de la vie, de l'éducation, de l'instruction, de la société humaine, se présente la vertu de piété qui réunit dans un même culte la patrie et les parents : vertu si belle qu'elle touche déjà même par son nom à la vertu divine de la religion. C'est, en effet, par la religion, que l'homme rend à Dieu, auteur de toutes choses, ce qui lui est dû en raison de son excellence et de ce que nous tenons de Lui. Par elle, l'homme atteint au plus haut sommet de sa vie morale, dans l'ordre naturel. Et, au cours de la vie présente, ce sommet constitue sa perfection dernière. C'est là, pour lui, présentement, l'acte de sagesse et de contemplation qui lui permet de réaliser sa fin en ce qu'elle a de plus excellent.

Dès lors, ne faudra-t-il pas qu'au premier moment où l'âme de l'enfant s'éveille, on lui parle de Dieu, de son père et de sa mère, de sa patrie, de ses semblables : même à ne considérer que le seul point de vue de l'éducation, sans considérer encore ce qui sera sa formation intellectuelle? Faudra-t-il attendre qu'il les découvre, par sa seule raison, alors que son égoïsme renfermé le portera à ne plus voir en eux que des ennemis, des trouble-fêtes, des gêneurs qui l'empêchent de jouir au gré de ses passions?

Le seul énoncé du programme de vie morale…


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Message  Louis Lun 05 Mar 2012, 7:14 am

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III. L’ÉDUCATION MORALE (suite)

Le seul énoncé du programme de vie morale qui doit être celui de tout individu humain, et qu'il doit commencer à réaliser, selon le degré de perfection qui sera possible pour lui, dès le premier instant de son éveil moral, n'est-il pas la condamnation absolue du système d'éducation négative inauguré par Rousseau ?

Pense-t-on qu'il y aura toujours trop de secours pour l'enfant à l'effet de l'amener à ordonner sa vie selon que le demande la dignité royale de sa nature?

N'est-il pas manifeste que l'éducation la plus attentive et la plus prévenante ne sera jamais trop à recommander et à promouvoir, surtout de la part des parents, chargés par la nature elle-même, nous le dirons bientôt, de former, dans le sens de la perfection morale, l'âme de leur enfant?

Nous trouvons, dans la plus belle page de notre histoire, un magnifique exemple de ce que doit être, même au degré le plus infime de la hiérarchie sociale, le rôle et la méthode de la vraie éducation. Aux juges qui l'interrogeaient, Jeanne d'Arc, humble fille des champs, répondait qu'elle ne savait ni A ni B, ce qui revenait à affirmer qu'elle n'avait reçu aucune formation littéraire. Mais, dans l'ordre de l'éducation morale, elle savait quelque chose ! Et ce qu'elle savait, elle disait l'avoir appris de sa mère. C'était le Pater, l'Ave et le Credo. Il n'en avait point fallu davantage pour faire de cette enfant l'héroïne de pureté, de loyauté, de générosité, d'amour de ses semblables, de ses parents, de sa Patrie, de Dieu, qui laisse dans une sorte de stupeur toute raison humaine amenée à contempler le spectacle de sa vie.

A suivre : IV. LA CULTURE

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Message  Louis Lun 05 Mar 2012, 1:56 pm

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IV. LA CULTURE
La formation morale de l'individu humain est ordonnée à le mettre à même de produire l'acte de sagesse ou de contemplation qui doit constituer sa fin dernière ; à tout le moins, elle a pour but d'écarter les obstacles qui empêcheraient cet acte. Mais en marquant, à grands traits, dans notre dernière étude, les cadres essentiels de cette formation morale, ou l'économie des vertus qui en sont l'objet, nous avons vu que cette économie avait pour couronnement — dans l'ordre de la philosophie — cet acte même de la sagesse. Dès son premier acte conscient, l'individu humain est tenu de le faire, sous peine de manquer à son devoir le plus sacré. Toutefois, il n'est tenu de le faire que sous la forme ou avec le degré de perfection dont il est capable dans les conditions qui sont les siennes, quand il arrive ainsi à l'éveil du sens moral.

Cet acte de la sagesse, impliquant l'hommage rendu à la Cause suprême de tout ce qui est, devra se continuer durant tout le cours de la vie de l'individu humain. Et si le mode initial, quelque imparfait qu'il soit, peut suffire quand les conditions de l'individu humain ne lui permettent pas de le réaliser d'une manière plus parfaite, l'ordre demande qu'à mesure que ces conditions de l'individu humain pourront se perfectionner, son acte de sagesse devienne aussi de plus en plus parfait. — C'est, nous aurons à le dire, par toutes les ressources de la société et de la culture, que ces conditions de l'individu humain, et, par suite, son acte de sagesse, pourront se perfectionner. Là viendra le rôle, essentiel entre tous, de la formation intellectuelle, ou des sciences et des arts, dans le perfectionnement de l'être humain.

Mais, avant de considérer ce grand sujet en lui-même…

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Message  Louis Mar 06 Mar 2012, 7:59 am

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IV. LA CULTURE (suite)
Mais, avant de considérer ce grand sujet en lui-même, une question se pose à nous, qui doit compléter ce que nous avons dit jusqu'ici et préparer ou justifier tout ce que nous aurons à dire dans la suite de notre étude morale.

Nous avons parlé de la fin dernière de l'être humain. Nous avons dit qu'elle consistait dans l'acte de sagesse. Et pour préparer ou faciliter cet acte, nous en avons appelé à toute l'économie des vertus morales, ayant du reste, elle-même, à son sommet cet acte de la sagesse que nous disons être la perfection dernière de l'individu humain.

Mais alors, si nous supposons un individu humain qui produise cet acte au premier moment de son éveil moral; et nous avons dit qu'il faut que tous le produisent, dans la mesure où ils le peuvent; — si nous supposons que l'individu humain continue, durant tout le cours de sa vie, à réaliser cet acte comme ses conditions de vie le lui permettent; — et il faut que tout être humain en agisse ainsi, — dirons-nous de ces individus humains qu'ils ont atteint leur fin dernière, leur perfection suprême, leur bonheur? Ils auront, il est vrai, et, nous le supposons, à chaque instant de leur vie, en toutes choses, selon qu'ils le devaient ou qu'il leur était possible, pratiqué la vertu, réalisé, dans la perfection qui pouvait être la leur, toute cette merveilleuse économie des vertus morales que nous retracions, la dernière fois, à la lumière de la seule raison. Mais, pouvons-nous, devons-nous dire qu'ils ont atteint leur fin suprême?

Il le semblerait; et nombreux sont les moralistes qui l'affirment. Ils se donnent même comme les moralistes les plus parfaits. Ce sont les moralistes de la vertu, par opposition aux moralistes de l'intérêt, ou du plaisir, et du bonheur.

Quelle sera, ici, la réponse de la raison?...

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Message  Louis Mar 06 Mar 2012, 12:40 pm

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IV. LA CULTURE (suite)

Si nous voulions n'écouter que son représentant le plus attitré, Aristote, la réponse de la raison ne laisserait pas que d'être malaisée. Un mot, cependant, a été dit par lui, qui peut nous mettre sur le chemin de la vraie solution, bien que cette solution n'ait pas été expressément formulée par le philosophe grec.

Aristote a dit, quelque part, que la félicité ou le bonheur était la récompense de la vertu.

Cette parole peut s'entendre dans un double sens. Elle peut signifier que l'homme vertueux trouve son bonheur dans la pratique même de la vertu; et que ce bonheur est sa récompense. Et la parole ainsi entendue a un sens très vrai. Si les moralistes de la vertu ne veulent dire que cela, leur morale est digne d'éloges. Nous la ferons nôtre entièrement. Mais la parole d'Aristote pourrait être prise en ce sens que la vertu est à elle-même toute sa récompense, toute sa félicité; et que l'homme vertueux le sera d'autant plus qu'il n'attendra rien en dehors de sa vertu.

Encore est-il que, même prise en ce sens, elle peut avoir une double signification : elle peut signifier que sur cette terre, ou dans la vie telle que nous la menons maintenant, le bonheur parfait de l'homme consiste dans la vertu; ou que, d'une façon absolue, la pratique de la vertu est la fin dernière de l'homme, sa perfection suprême et définitive.

Entendue dans ce dernier sens, qui semble bien être celui des purs parmi les moralistes de la vertu, la proposition est absolument insoutenable; elle est un défi à la saine raison. Il s'ensuivrait, en effet, que le devoir, pour l'homme, serait le dernier mot de tout; et que tout serait dit, pour lui, quand il aurait fait ce qu'il doit faire, au sens moral de ces mots. Il s'ensuivrait, dès lors, ou bien qu'en accomplissant son devoir il ne mériterait pas, ni ne démériterait en ne l'accomplissant pas; ou bien qu'il serait indifférent, en morale, que le mérite ait sa récompense et que le démérite ait son châtiment. Dans le premier cas, c'est la destruction même de la moralité de l'acte humain ; et, dans le second cas, c'est la destruction de la moralité dans l'ordre des choses ou dans l'univers, c'est-à-dire en Dieu, principe de cet univers.

Il est essentiel à l'agent moral humain de mériter ou de démériter, s'il n'a pas la somme de biens qui sont requis pour la perfection pure et simple ou absolue (et non pas seulement morale) de sa nature. Et il est essentiel à l'agent moral souverain de récompenser le mérite et de punir le démérite.

D'autre part…

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Message  Louis Mer 07 Mar 2012, 6:42 am

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IV. LA CULTURE (suite)
D'autre part, nous voyons que l'agent moral humain ne trouve pas, dans cette vie, la récompense de sa vertu, au sens que nous venons de dire. Il ne trouve pas ici le bonheur parfait ou la perfection pure et simple de sa nature : toutes sortes de misères l'accompagnent, qui ont leur couronnement dans la mort, la plus grande de toutes, puisque, à parler des biens de cette vie, elle les enlève tous avec la vie elle-même. Et l'homme non vertueux ne reçoit pas, non plus, selon ses démérites : car souvent c'est à lui que semblent aller de préférence les biens de ce monde ou de la vie présente.

Dès lors, la question très nette se pose, que la raison elle-même doit pouvoir, en un sens, résoudre : ne faut-il pas, de toute nécessité, qu'il y ait une autre vie, un autre monde, un état d'avenir de l'être humain, dans son âme et dans son corps, où l'être humain trouvera sa perfection dernière, suprême, définitive; son bonheur au sens pur et simple de ce mot?

Oui, assurément, il le faut! Même du seul point de vue de la raison, et à ne parler que dans la ligne de la fin naturelle de l'être humain, il faut que cela soit ! Si cela n'était pas, la vertu ne serait qu'un vain mot. Et nous n'aurions pas le droit de parler de morale parmi les humains. C'en serait fait de tout.

Il faut que cela soit !...

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Message  Louis Mer 07 Mar 2012, 12:24 pm

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IV. LA CULTURE (suite)
Il faut que cela soit ! Mais, soit pour justifier cette conclusion souveraine ; soit pour entrevoir ce que pourrait être cet avenir; soit pour préciser et connaître, selon qu'il est possible ici-bas, l'ordre des choses qui commande tout; et, par suite, pour pouvoir établir une morale; pour que ceux qui doivent former l'enfant ou l'individu humain à son début, ou dans ses états d'imperfection, le puissent; pour qu'ils puissent être à même de perfectionner cet individu humain, à mesure qu'il se développera et qu'il devra se justifier à lui-même la règle de son agir moral; pour que l'être humain puisse vraiment agir en fonction de sa fin comme il le doit : de quelle lumière ne faudra-t-il pas que soit éclairé le genre humain? Quelle ne devra pas être la perfection de sa science, au sens le plus haut, le plus compréhensif, le plus profond et le plus étendu de ce mot?

Encore est-il qu'ici même un principe souverain commandera tout dans la recherche de la science ou de la transmission de cette science parmi les êtres humains.

Et ce principe est toujours le même, celui que nous avons fixé dès notre premier pas dans l'étude de l'agir moral humain ; — savoir que tout doit se faire, dans cet agir moral humain, en fonction de la fin dernière et suprême de l'individu humain, en fonction de cet acte de sagesse, qui nous est apparu, dès le début de notre étude, comme la fin dernière et suprême que nous disons, et dont nous venons, tout à l'heure encore, de préciser les conditions essentielles.

La science! Les sciences! Les lettres, les arts, tout ce qui constitue l'objet de la culture ou de la formation intellectuelle parmi les êtres humains, tout cela doit avoir sa raison, une raison qui le motive, qui le justifie, qui le légitime, qui l'exige, qui le règle aussi et le gouverne.

Et n'allons pas croire que de rechercher cette raison et de la faire briller devant le regard de nos intelligences soit chose superflue et vaine.

J'allais dire que rien n'est plus utile en ce moment…

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