LE PÈRE PRO, martyr, 1891-1927 ( Mexique )

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Message  Roger Boivin Ven 18 Sep 2009, 2:40 pm


Ses études de philosophie s'achevèrent en 1920. Que faire ? Rentrer au Mexique ?

Le pouvoir avait changé de mains, mais pour tomber en de plus méchantes.

Carranza, il est vrai, avait, au début de 1919, changé soudainement de tactique; les catholiques avaient repris espoir. Les prêtres pouvaient rentrer; l'un après l'autre les évêques étaient revenus d'exil. Dès le 27 décembre 1918, un journal annonçait que la liberté allait être accordée aux catholiques. Carranza avouait lui-même que les paragraphes de la constitution relatifs à la religion avaient dépassé la mesure.

Ce fut sans doute une des raisons de sa chute : il n'était plus l'homme de la Révolution.

Sa fin fut rapide, tragique.

Obregon donna la main à l'ancien gouverneur de l'État de Sonora, Calles, et déclara la guerre au président qui venait d'annoncer les élections. Carranza, mêlé à une bataille de rue, fut tué ainsi que son fils.

Durant l'été de 1920, Obrégon prépara les élections de l'automne. L'avenir était trop incertain pour ouvrir des collèges au Mexique.

Le P. Pro fut envoyé à Granada, Nicaragua, dans l'Amérique Centrale, où les Jésuites mexicains tenaient un externat. Cette année-là, il fut décidé d'y accepter des pensionnaires. Il fallait tout organiser, recevoir des élèves de tout âge qui n'avaient pas la moindre idée de la vie de pensionnat.

Pendant deux ans, le P. Pro fut leur surveillant; chez les moyens, puis chez les grands. La chaleur du climat est extrême en ce pays, surtout à certaines époques de l'année; l'entrain aux jeux en est ralenti : c'est déjà bien de se laisser vivre !

Le P. Pro essaye quand même de remuer son petit monde; il organise les sports, fait des tombolas dont les recettes sont appliquées à l'achat de nouveaux jeux. Puis, il donne l'exemple; à une heure, chaque jour, en plein soleil, il se met à jouer, à sauter pour stimuler les enfants. La délicatesse de son estomac eût demandé un autre régime.

Parfois, souffrant lui-même, dès qu'il voit un de ses confrères tirer de l'aile, il s'offre à le remplacer.

Les élèves avaient un dialecte spécial; le P. Pro l'apprit en peu de temps; le cœur des enfants se gagne facilement quand  il est objet de si délicates attentions. Aussi, le Père qui le remplaça dans dans sa charge disait que les élèves du P. Pro ne cessaient de parler de son zèle, de sa bonne humeur et de son esprit de sacrifice.



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Message  Roger Boivin Sam 19 Sep 2009, 6:02 pm


En 1922, il retourne en Espagne, sans passer par Mexico où vivent les siens.

Toutes les angoisses d'un avenir très sombre ne lui font pas perdre sa gaîté. Pendant la traversée, il aperçoit un pauvre Chinois qui avait l'air de bien souffrir; le malade faisait des contorsions qui ne laissaient aucun doute sur la réalité de son mal. Le P. Pro s'approche de lui. Avec l'aplomb d'un professionnel, il examine l'intérieur des paupières, tâte le pouls, jette un regard inquisiteur sur la langue. Puis, d'un air décidé, le médecin improvisé prescrit une forte dose d'huile de ricin. Celle-ci ne fit rien. Sans s'émouvoir, comme s'il s'attendait à une résistance aussi tenace, il ordonne une seconde dose. Rien. Il en prescrit une troisième.

Le lendemain, le Chinois se promenait sur le pont avec un sourire tout céleste et se déclarait parfaitement guéri. Il parlait à tout le monde du fameux médecin qu'il avait rencontré.


Le P. Pro passa deux ans en Espagne, près de Barcelone, à Sarria, au grand collège San Ignacio. Non loin de là  se trouve Manrèse; l'endroit est cher au coeur des enfants de saint Ignace; c'est là, en effet, que le fondateur de la Compagnie de Jésus fit pour la première fois ses fameux Exercices spirituels.

En 1924, le P. Pro eut le bonheur d'y faire sa retraite annuelle, pendant la Semaine sainte. Ses trois compagnons parlent de la ferveur avec laquelle il priait dans la « Santa Cueva ».

« Je n'oublierai jamais cette retraite-là, dit l'un d'eux. Le P. Pro savait cacher par la joie qu'il répandait autour de lui son esprit de mortification. Mais en retraite, nos chambres étaient voisines de la siennes, et chaque soir, nous l'entendions se flageller avec une vigueur extraordinaire. »

En septembre 1924, il était à Enghien ( Belgique ), dans la maison des Pères Jésuites français. Treize nations y étaient représentées. Le P. Pro pénétra vite dans tous les groupes; il se servait de toutes les langues à la fois. Les difficultés de la syntaxe ne l'embarrassaient pas; quand les mots manquaient, les gestes, les expressions de physionomie complétaient la pensée, qui d'ordinaire s'achevait par une plaisanterie charitable.

Là comme en Espagne, il devait se faire violence pour être gai : ses douleurs d'estomac allaient toujours s'augmentant; sa charité n'était pas sans mérite, mais on devine à quelle source il la puisait.

Au début de janvier 1925, le R. P. Raoul Plus donnait à Enghien une série de conférences sur le « don de soi à Dieu  et aux âmes ». On sait la belle manière dont le P. Plus a développé la doctrine du bon Dieu présent en nous par la grâce. Le P. Pro en fut vivement frappé; il revenait parfois discrètement sur cette pensée qu'il aimait.

Un confrère, qui savait de quelles insomnies il souffrait, s'étonnait de le voir toujours si serein et si reposé.

« Oh !... explique le P. Pro, on n'est jamais seul ! »

Souvent on le voyait à genoux à la chapelle, le regard fixé au tabernacle : c'est que le grand jour approchait où le désir de sa vie religieuse allait être comblé.



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Message  Roger Boivin Sam 19 Sep 2009, 8:18 pm


Les prémices


IL reçut la prêtrise, le 31 août 1925, des mains de Mgr Lecompte. Après la cérémonie, les ordinants rencontrèrent leurs parents. Le P. Pro eût aimé faire descendre sa première bénédiction sur le front de sa mère; il pleura. Mais secouant vite sa peine :

« Enfin, dit-il, nous sommes prêtres... Et cela suffit... »


Isolé des siens, mais très près de Dieu, son cœur répète durant tout le jour, une prière qui devait être magnifiquement exaucée. Il disait plus tard à un confrère :

« Le jour de mon ordination, j'ai demandé tout simplement à Notre-Seigneur d'être utile aux âmes. »


La grâce du sacerdoce travaille chaque jour un peu plus son âme; chaque messe le transforme; il ne se sent plus le même. Quelques mois après son ordination, il écrit à un Mexicain qui devait être promu au sacerdoce durant l'été de 1926. Celui à qui il s'adresse est un de ses confrères du noviciat, Benjamin C.


TRÈS CHER FRÈRE EN JÉSUS-CHRIST,

Hier, j'ai reçu votre carte postale où vous me donnez la très agréable nouvelle de votre prochaine promotion au sacerdoce. Merci à vous pour une si bonne nouvelle et merci à Dieu pour un bienfait si grand.

Mon cher petit Père C., si au lieu de griffonner une lettre, je pouvais causer familièrement avec vous durant une demi-heure, je vous dirais la grande consolation que j'éprouvai en apprenant la nouvelle officielle que vous allez monter à l'autel... J'ai l'habitude de bien plaisanter, mais aujourd'hui je veux vous parler en toute sincérité. Il y a près d'un an que j'ai le bonheur de monter à l'autel; la joie qu'on y ressent n'a rien de ce monde bas et rampant; c'est quelque chose de supérieur, de spirituel, de divin.

Débarrassez-vous pour toujours de votre ancien Benjamin. Car, même si vous ne le voulez pas, vous allez subir une transformation radicale. L'Esprit-Saint va se donner à vous d'une manière spéciale, le jour de votre ordination; il va détruire tout ce qui restait d'humain dans ce pauvre coeur de terre. Vous serez étonné vous-même de voir changé - in melius - cette pauvre nature qui nous joue de si vilains tours; et cela, non seulement dans les grandes lignes de votre nouvelle vie, mais dans les petits détails de votre vie quotidienne.

Est-ce la même volonté que j'avais ? ma manière de penser, de juger, de décider est-elle la même ? les idéals de sainteté que j'avais chéris durant les longues années de ma vie religieuse, sont-ils bien les mêmes ?...

Mon petit P. Benjamin, si vous croyez à la pauvre expérience d'un pauvre mineur, soyez sûr que vous ne serez plus demain ce que vous êtes aujourd'hui.

Il y a quelque chose en moi que jamais je n'avais ressenti auparavant et qui me fait concevoir les choses tout autrement; cela n'est point le fruit des études, ni de notre sainteté plus ou moins solide, ni de rien qui ait le sceau personnel et humain. Cela vient du caractère sacerdotal que l'Esprit-Saint imprime en notre âme.

C'est une participation plus étroite à la vie divine qui nous élève et nous déifie; c'est une force supérieure qui rend accessibles les désirs, les aspirations que jusque-là nous n'avions pu réaliser.

Pourtant, ce changement, je ne l'avais pas ressenti avant d'être en contact avec les âmes. Je mets de côté les fausses humilités pour vous ouvrir de part en part mon pauvre coeur de frère. D'une manière ou d'une autre, je fus durant ma théologie, près de six mois, occupé dans le ministère. Je puis vous assurer que Dieu Notre-Seigneur a daigné me prendre comme instrument pour faire du bien. Combien d'âmes j'ai laissées consolées, combien de peines j'ai fait disparaître, quel courage j'ai inspiré aux âmes pour les presser de suivre le chemin difficile de la vie ! Deux vocations presque perdues sont revenues à Dieu; un séminariste décidé à quitter la soutane suit avec un nouveau courage les desseins de la Providence.

Évidemment, ce n'est pas moi qui faisais tout cela : je n'ai qu'à regarder ma manière de procéder, mon tempérament, mes dispositions et mes études. Parfois, je voulais dire : noir, et je disais blanc, quand en fait c'était blanc qu'il fallait dire.

Pourrais-je me glorifier de mes dons humains, quand de toute évidence, vous voyez qu'ils n'auraient donné aucun résultat ?

Si j'ai fait du bien, c'est clair que je le dois à la grâce de mon sacerdoce, à l'Esprit-Saint qui me régissait, à quelque chose qui n'avait rien d'humain. Je n'avais pas ressenti ces choses avant mon ordination.

Voyez, je parle en chaire avec facilité et je donne des leçons à qui devrait m'en montrer; mais la langue parle de l'abondance du coeur et je suis accablé des grâces que le Seigneur m'a faites depuis l'heureux jour de mon ordination; je ne puis dire autre chose que ce que disait le Prophète :
De stercore erigens pauperem ut collocet eum cum principibus populi sui...

Vous allez recevoir la même grâce que celle dont je jouis; la consolation que j'ai ressentie en l'apprenant m'a invité à griffonner cette pauvre lettre, sans ordre ni plan, mais faite avec la meilleure volonté que vous puissiez imaginer.

Adieu ! Que le Seigneur vous bénisse ! Je ne vous ai jamais oublié un seul jour à la messe; mais sachez que je penserai à vous d'une manière spéciale à l'avenir pour remercier le bon dieu et pour que vous vous prépariez de votre mieux...

Votre frère dans le Cœur de Jésus,

Votre petit MIGUEL.
Le 27 mai 1926.
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Message  Roger Boivin Dim 20 Sep 2009, 2:08 pm


Durant le mois de septembre, les nouveaux prêtres allaient faire un peu de ministère. Le P. Pro, loin des siens, obtint la permission d'aller visiter ses amis, les travailleurs des mines. A Charleroi, il descendit avec eux au fond de la fosse; en remontant il refusa de passer à la douche, pour se mêler plus facilement aux mineurs qui retournaient chez eux.

En Belgique, les ouvriers voyagent dans les compartiments qui leurs sont réservés; beaucoup d'entre eux sont socialistes. Sans hésiter, le P. Pro s'installa parmi eux. La réception qu'on lui fit ne fut pas très engageante. Surpris de la présence de ce curé, les mineurs gardaient le silence.

Soudain un voyageur, occupé à manger, interpelle, pour l'intimider, cet importun compagnon.

- Monsieur le Curé, dit-il, vous savez où vous êtes tombé ?
- Mais... Où donc ?
- Nous sommes socialistes !
- Ah ! alors, ça tombe bien, reprend le Père imperturbable; moi aussi je suis socialiste.
- Comment, vous ?
- Oui... Seulement, fit-il, en se grattant le front, j'ai toujours eu une difficulté. Quand nous aurons tout l'argent des riches entre nos mains, comment nous y prendrons-nous pour le garder ?

L'ouvrier ne sait que répondre et, pour se tirer d'embarras, il dit au Père :

- Il y a aussi des communistes avec nous.
- Des communistes ? ah ! que je suis content. Car je suis même communiste ! Tenez; il est une heure. Vous mangez; eh bien ! moi aussi j'ai faim; ne voulez-vous pas partager avec moi ?

L'ouvrier déconcerté d'un tel aplomb regarde ses compagnons et se demande ce qu'il doit faire.

La conversation reprend :

- Vous n'avez pas peur de monter dans nos compartiments ?
- Peur ? Pourquoi ? Je suis toujours armé !

Les ouvriers se regardent de plus en plus intrigués par ce curé nouveau genre.

Le Père tire alors de sa poche un crucifix et le montrant :

- Voilà mes armes , dit-il; avec cela, je n'ai pas peur.

Et il leur expliqua l'amour de Jésus-Christ pour les ouvriers.

A la première station, un ouvrier descendit du train, acheta une tablette de chocolat et la partagea avec le Père. Avant de le quitter, tous lui donnèrent la main.


J'imagine que le soir, rentré dans sa chambrette d'étudiant, le nouveau prêtre commença de penser que le bon Dieu avait écouté la prière qu'il avait faite le jour de son ordination, quand il avait demandé d'être utile aux âmes.



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Message  Roger Boivin Dim 20 Sep 2009, 5:41 pm


Mais avant d'être mis en contact direct avec les âmes, il devait féconder son futur ministère par un genre de préparation que les plus ardents apôtres redoutent : la maladie et la séparation d'avec ses frères. L'épreuve dura quatre mois.

En novembre, ses crises d'estomac devenaient plus fréquentes : les médecins décidèrent une opération. Cela ne l'effraya point. Il disait à un groupe d'amis :

- Je suis prêt à mourir tout de suite.


Au P. Spirituel qui l'engageait à subir l'opération, il répondit :

- Je n'ai pas peur de la souffrance physique !
C'était une vielle amie...


Une opération réussit toujours; seulement, il y a les suites. Le P. Pro souffrit beaucoup; mais personne ne l'eût deviné; la Sœur qui le soignait avait toujours le fou rire, et les amis qui le visitaient passaient un moment d'agréable repos.

La seconde opération fut plus douloureuse; elle dut se faire sans l'usage du chloroforme.

Les douleurs qui suivirent furent terribles; chaque parcelle de nourriture brûlait l'estomac.

La guérison était loin d'être complète. En janvier, on parla d'une troisième opération. L'avenir n'était pas plus rose que le présent. Le Père ne se plaignit pas. Ses insomnies lui permirent de prier presque toute la nuit.


De son pays, rien n'arrivait que des nouvelles désolantes. Calles avait commencé la série de ses cruautés envers l'Église et les catholiques.

Puis le P. Pro était seul, gardant pour lui toutes ses angoisses. De sa famille, il savait que sa mère était bien souffrante. Il avait toujours été en relations très suivies avec elle; très instruite, elle écrivait souvent à son cher Miguel. A la veille de sa troisième opération, le P. Pro reçut d'elle ce petit billet :

« Je vieillis chaque jour; je crains bien que tu ne me retrouves plus ici-bas quand tu reviendras au Mexique; je crois que le bon Dieu me demande le sacrifice de ne jamais te voir à l'autel. »

Elle ne le revit pas; elle mourut le 8 février 1926, quelques jours après son adieu.

Le P. Pro était prêt à accepter l'épreuve; il l'offrit pour les âmes, les chères âmes pour lesquelles il avait prié le jour de son ordination.

Les malades sont naturellement égoïstes; parfois même les plus vertueux ne se reconnaissent plus. Il faut alors une vertu extraordinaire pour penser aux autres.

Le P. Pro ne pensait qu'à cela.

On conserve une prière qu'il composa en français durant son séjour à la clinique; elle est intitulée :



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Message  Roger Boivin Dim 20 Sep 2009, 7:50 pm


DES AMES


A la veille de ma troisième opération,
avant d'apprendre la mort de ma mère.



Seigneur, ôtez-moi tout, mais donnez-moi des âmes;
Otez-moi la santé, la fortune, l'honneur,
Mais donnez un essor aux dévorantes flammes
Que le zèle et l'amour allument dans mon cœur.


Envoyez-moi l'exil, l'abandon, la misère,
Que la main d'un ami ne sèche pas mes pleurs,
Privez-moi même encor des baisers de ma mère...
Mais donnez-moi, mon Dieu, les âmes des pécheurs !


Qu'en proie à la douleur, l'amitié m'abandonne,
Que jamais une voix ne réponde à ma voix;
Qu'en mon triste chemin, je ne trouve personne
Qui partage un instant le fardeau de ma croix;


Je ne me plaindrai pas si votre main de père
Par des maux plus cruels veut encor m'éprouver;
Je consens à n'avoir nul bonheur sur la terre...
Mais donnez-moi, mon Dieu, des âmes à sauver.


C'est la seule faveur qu'ici-bas je réclame,
Fallût-il de l'exil prolonger la rigueur;
Si je puis à ce prix sauver une seule âme,
Différez, j'y consens, mon éternel bonheur.


Oui... je voudrais sauver ces âmes que le monde
Dans le sentier du mal entraine chaque jour;
Je voudrais que ma voix, par la grâce féconde,
Pût gagner l'univers à votre saint amour.


Votre amour... mais c'est tout ! il tient lieu de richesses,
De gloire, de plaisirs, de patrie et d'honneur;
Ah ! lorsqu'on a goûté ses divines tendresses
Comment ne pas vouloir en embraser les coeurs ?


Jésus, donnez-moi part à cette soif ardente
Qui vous fit sur la croix appeler les pécheurs;
Donnez-moi de vos saints la parole brûlante
Et le zèle puissant et les tendres ardeurs.


Le zèle, c'est le feu que votre amour nous donne,
C'est le rayon divin qui part de votre Cœur,
C'est de ce Cœur blessé l'épineuse couronne
Qui montre qu'on l'achète au prix de la douleur.


Mais ma douleur à moi... qu'est-elle auprès d'une âme,
D'une âme qui coûta votre sang rédempteur ?
Que du moins votre amour et son ardente flamme
A mon offrande ici donnent quelque valeur.


Puisse mon faible cœur s'appuyant sur le vôtre,
Y brûler de ce feu qui ne s'éteint jamais,
Et sur ce Cœur sacré, devenant votre apôtre
De l'amour qui s'immole apprendre les secrets.


Charité de mon Dieu, dans ton sein je m'abîme,
Toi seule me suffis, ô Source de tout bien...
Et maintenant, Seigneur, frappez votre victime
Je vous ai tout donné, je ne réserve rien...



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Message  Roger Boivin Dim 20 Sep 2009, 8:51 pm


La troisième opération ne donna pas la guérison complète. Le manque d'appétit tenait le malade dans un état de grande faiblesse. On pensa que l'air de la Méditerranée le ramènerait plus rapidement à la santé. Il séjourna jusqu'au mois de juin en Provence, dans une maison tenue par des religieuses franciscaines.

Là, il dut se soigner; il trouvait le temps bien long. Un de ses confrères mexicain étudiant en Espagne lui avait demandé s'il n'avait pas besoin de quelque chose. Il répondit ( 20 avril 1926 ) :

« Ce qu'il me faut ?

« 1° De la patience; car après tant d'années que je me sers de la mienne, elle commence à s'user;

« 2° Du travail; car cette vie de paresseux n'est pas faite pour mon caractère et mon tempérament nerveux;

« 3° Une vieille chamelle; vous savez, là, une chamelle avec un creux dans le dos qui servirait de siège, pour aller faire mes visites aux hôpitaux, aux cliniques, aux sanatoriums, aux médecins, aux religieuses et aux infirmières;

« 4° L'esprit de foi ( au cas où il serait impossible d'avoir la chamelle ) pour absorber les mélanges de produits pharmaceutiques. Car moi, je ne crois qu'à un remède : l'huile de ricin. »

Il énumère ensuite toute la série des drogues qu'on lui fait prendre chaque jour et il conclut :

« Est-ce une vie, ça ? »


Cet apôtre ne peut rester inactif; quand ses forces lui permettent de marcher, il va par la ville en quête d'âmes à mener à Dieu. Le succès de ses tournées est manifeste; il l'explique en le mettant au compte de sa mère ; « C'est elle, dit-il, qui travaille au ciel avec moi à sauver des âmes. »

Il était en effet convaincu qu'elle jouissait déjà de la récompense due à ses vertus. Un jour, il dit brusquement, mais avec une grande conviction :

« Ma mère est au ciel. Ce matin, je voulais dire la messe pour le repos de son âme; mais je n'ai pu prier pour elle. Je suis sûr qu'elle est au ciel. »



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Message  Roger Boivin Dim 20 Sep 2009, 9:36 pm


Son zèle n'a peur de rien ni de personne. Il cause une fois toute une après-midi avec un antiquaire, s'intéresse à tous les bibelots pour pouvoir, vers le soir, lui parler un peu du bon Dieu. Un autre jour, une fausse indication l'amena chez un homme qu'on lui avait signalé comme mourant. Son hôte avait bonne envie de vivre. Il s'apprêtait même à frapper ce curé trop audacieux qui essayait, entre deux injures, de parler au cœur de son auditeur malveillant. Le P. Pro sortit en riant du guet-apens.


Il eut plus de succès auprès d'un jeune ouvrier dont on lui avait parlé comme d'un ennemi de tous les curés. Le jeune homme leur en voulait parce que, tout jeune séminariste, il avait été chassé injustement du petit séminaire. A force de douceur, de bonbons, de cigarettes, le P. Pro l'amène à raconter son histoire; il l'instruit et au bout d'un mois de travail, il lui fait faire sa première communion.


Il se donne avec amour quand il rencontre des âmes à sauver, surtout les âmes simples des pauvres gens. Un jour il passe près d'un gare où les ouvriers s'engouffrent pour attraper leur train. Il les regarde, les yeux tout grands, et dit à son compagnon en montrant ceux qui défilent en habit de travail :

« Voilà les âmes que j'aime ! »


Dans une longue lettre qu'il adresse à ses amis d'Espagne, il raconte la visite qu'il a faite dans de fameuses villas où l'on mène une vie de grand seigneur. Tout cela le laisse froid... Il achève sa lettre en disant :

« De la noblesse descendons à la plèbe des va-nu-pieds ! Là, je suis comme un roi...

« Je bénis Dieu de m'avoir donné la dignité du sacerdoce; quelle satisfaction pour mon âme : j'ai donné la paix à une famille désunie, la communion à un enfant de quatre-vingt-treize ans; j'ai confessé un vieil ouvrier italien, et entre deux coups de serpe et de râteau, parlé de catéchisme à un communiste ! »

Il signe : LE MINEUR.


Durant le mois de juin, il reçoit un ordre de son Provincial qui le rappelle à Mexico.

Sa santé est encore bien faible; mais l'espoir de travailler auprès des siens, au milieu des dangers, lui fait oublier son mal. Il reprend la route du nord de la France, en passant par Lourdes. Toute une nuit en chemin de fer. Le matin, il est à genoux devant la Vierge des miracles; il songe que dans quelques semaines il s'agenouillera devant la Vierge de Guadelupe avant le travail immense qu'il compte entreprendre pour ses frères persécutés.

Le soir, il écrit en prenant le train pour Paris :

« Je ne puis vous dire ce que ressent aujourd'hui ma pauvre âme; j'ai dit la messe, j'ai fait une heure de méditation devant notre bonne Mère. J'ai récité le rosaire. Maintenant, je me mets en route plein de consolation ! »

A la fin de juin, il s'embarquait pour le Mexique.



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Message  Roger Boivin Mar 22 Sep 2009, 1:59 pm


Dans la tourmente


LA situation des catholiques était à ce moment-là très mauvaise. Il faut voir dans quelles difficultés ils se trouvaient pour comprendre la tâche qu'allait assumer le P. Pro.


La présidence d'Obregon ( 1920-24 ) avait laissé quelque répit aux catholiques. Ce soldat, qui devait finir si tristement, ne voulait, semble-t-il, que deux choses : le pouvoir et l'argent. Pourvu que le reste ne fût pas une entrave, il le tolérait.

L'Association de la Jeunesse catholique mexicaine fit d'énormes progrès à partir de 1920. Les questions sociales occupaient les jeunes gens des cercles qui se multipliaient chaque jour. Les enfants s'enrôlaient par milliers dans la croisade eucharistique.

Cela allait bien; cela allait trop bien.

Le 12 mai 1921, à Morelia, des soldats du gouvernement entrent dans une église. Ils veulent faire sortir les fidèles qui y prient; quelques jeunes gens de l'A.C.J.M. sont massacrés. En novembre, on essaye de détruire à la dynamite l'église de Notre-Dame de Guadelupe.

Le premier acte du drame est commencé; la fameuse Constitution imaginée par Carranza, puis adoucie par lui, est appliquée à la lettre. Le nombre des prêtres diminue chaque jour.

En 1923, un incident prouve que la lutte se poursuit toujours.

Neuf ans plus tôt, en juillet 1914, les évêques avaient fait voeu d'ériger au centre même du Mexique une église nationale au Sacré-Coeur. Ils crurent en 1923 que le temps était venu d'exécuter leur projet. Ils choisir le mont Cubilite, sur lequel ils élevèrent provisoirement une statue au Christ. L'église devait se bâtir en des temps meilleurs. A la pose de la première pierre, le délégué papal, Mgr Filippi, présidait la cérémonie; on compta quatorze évêques présents et plus de soixante-dix mille personnes venues de tous les coins du pays.

L'élan avait été si général que les autorités, malgré leurs efforts, n'avaient pu empêcher la fête. La vengeance de l'échec fut sévère. Les évêques furent molestés, le délégué expulsé, beaucoup de prêtres écartés de leurs fonctions.

Mais les catholiques, mieux organisés que jamais, n'entendent pas tout subir en esclaves. Ils n'ont pas peur de s'afficher. A l'automne de 1924, ils décidèrent de tenir un grand congrès eucharistique  national en plein Mexico. La foi se réveille en bien des coeurs; l'enthousiasme gagne les plus mous. Les rues s'ornent comme pour le passage d'un roi. Au jour dit, les évêques sont dans la cathédrale; plusieurs centaines de milles citoyens prennent part à la fête. Les meilleurs orfèvres de la ville avaient pour la circonstance couvert des plus beau diamants un ostensoir haut de huit pieds. On l'avait appelé l'ostensoir de la « réparation nationale » ; on voulait en effet réparer publiquement les outrages faits à Jésus-Hostie durant les dix dernières années de terreur.

Obregon avait donné aux évêques les autorisations nécessaires; la femme du ministre des finances avait même mis des tentures aux fenêtres de sa maison, pour honorer la passage de l'Hostie. Mais, tout à coup, il change d'avis; pressé par les francs-maçons que toutes ces démonstrations de foi avaient rendus furieux, il fait l'indigné et crie aux catholiques qu'ils ont violé la Constitution.




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Message  Roger Boivin Mer 23 Sep 2009, 11:36 am


Mais son terme s'achevait, la Constitution de Queretaro stipulant que le président ne peut siéger que quatre ans.

Le 6 juillet 1924, eurent lieu les élections. L'élu fut Plutarcho Elias Calles, ancien gouverneur de l'État de Sonora.

Les dessous de l'affaire sont simples. Il y avait en présence deux candidats : Flores que le peuple voulait et Calles qu'Obregon s'était choisi. La lutte fut inégale : Calles avait pour lui les soldats du président sortant de charge et les armes fournies par ses amis américains.

Le nom de Calles, comme celui de Néron, passera à l'histoire. Néron avait la noblesse du sang à trahir; c'est le seul crime que Calles n'a pu commettre. Il s'est fait remarquer jadis dans un petit village, comme maître d'école ivrogne et cruel. Son audace et l'appui des méchants en quête d'un bourreau l'ont placé au premier rang, où il se maintient par la ruse et le sang versé.

Ce fou tout-puissant a bien commencé, comme Néron.

Après son élection, il fait un voyage en Europe où les autorités des grandes républiques ignorant ou feignant d'ignorer la vraie histoire du Mexique, le reçoivent avec tous les honneurs.

A son retour, il garde le silence durant deux mois. Les catholiques croient à une ère de paix.

Au début de 1925, il fallut se détromper.

Calles a un rêve. C'est de copier la Révolution française, en s'inspirant des beaux exemples de la Russie. Il veut à tout prix débarrasser son pays de la superstition religieuse.

Il ferme les écoles catholiques; les enfants restent sans maîtres; qu'importe ?

Les prêtre ne peuvent pratiquement pas exercer leur ministère.

C'est Calles lui-même qui se charge de tout réformer; dans un de ses premiers messages à la nation, il proclame qu'il « va éclairer comme un flambeau les coins les plus reculés des montagnes mexicaines ».

L'illumination commence pour de bon en 1926. Les prêtres étrangers n'ont qu'à passer la frontière. Les autres doivent reconnaître la Constitution athée de 1917. L'archevêque de Mexico proteste; le 4 février, on l'amène devant les tribunaux comme traître à la nation.




 




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Message  Roger Boivin Mer 23 Sep 2009, 11:50 am


Partout dans les couvents, dont on chasse les religieuses, des scènes sauvages, obsènes.

Dans le défilé organisé par l'État pour célébrer le carnaval, figure la propre fille de Calles, - laquelle, soit dit sans souiller la mémoire de son père, a fait ses études au couvent des Soeurs de Notre-Dame de la Paix.

Dans les rues de la capitale, on la proclame déesse du Mexique. On parodie les processions d'église; les soudards habillés en moines s'avancent avec des filles de rue, en lançant des propos grivois.

Les catholiques ne se laissent pas outrager sans rien dire. Ils protestent vivement. Calles reçoit en une fois des liasses de papier contenant deux millions de signatures. Les chevaliers de Colomb impriment des feuilles que les jeunes de l'Association catholique répandent.

Mais Calles ne veut rien entendre.

Le 5 mars 1926, il fait cette déclaration :

« Aussi longtemps que je serai président, la Constitution de 1917 restera en vigueur. »

Le 3 avril, il ajoute :

« Il nous faut entreprendre aujourd'hui une lutte terrible, une lutte contre le passé, une lutte contre les choses que nous devons faire disparaître à jamais de la terre. L'activité de certains riches et de certains aristocrates veut mettre obstacle à notre progrès !... Il est incroyable qu'il y ait encore dans ce pays  des réactionnaires qui considèrent comme possible, dans notre siècle de révolution sociale, de relever l'étendard de la religion et de provoquer une nouvelle guerre civile; mais le gouvernement est résolu à exécuter son programme sans tenir le moindre compte des grimaces des sacristains, ni des protestations des moines paresseux; il est incroyable qu'à notre époque, on veuille encore arrêter le progrès et préparer une révolution au nom de la religion. »


Les agences mondiales de la presse semblent ignorer les actes sauvages du gouvernement mexicain.

Quelques voix de-ci de-là protestent ; surtout le Pape et les évêques mexicains flétrissent la tyrannie de Calles et consolent les persécutés.

En mars 1926, Pie XI adresse une lettre aux catholiques mexicains. Il fait sienne la protestation des évêques contre la Constitution de 1917. Il demande à toutes les organisations catholiques de s'unir pour la lutte, sans pourtant faire de politique.

Un mois plus tard, les évêques interprètent dans une lettre magistrale la pensée de Pie XI. Ils demandent sans détours la réforme de la Constitution.



LE PÈRE PRO, martyr, 1891-1927 ( Mexique ) - Page 2 Numari33


LE PÈRE PRO, martyr, 1891-1927 ( Mexique ) - Page 2 Numari34  
         


La riposte de Calles fut cruelle.




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Message  Roger Boivin Jeu 24 Sep 2009, 1:34 pm


Dans les premiers jours de juillet 1926, il publie une nouvelle loi, comprenant trente-trois articles, renchérissant sur les clauses anti-religieuses de 1917.

Art. 3. - « Dans toutes les écoles publiques et privées, l'enseignement religieux est interdit. »
Art. 6. - « tous les établissements d'Ordres religieux sont dissous. »
Art. 10. - « Toute critique des lois et des autorités par des ecclésiastiques, même dans les réunions privées, est interdite sous des peines sévères. »
Art. 12. - « Les études faites dans un séminaire n'ont aucune valeur devant l'État. »
Art. 17. - « Tous les exercices religieux sont strictement confinés à l'intérieur des églises, lesquelles seront sous la surveillance de l'État. »
Art. 18. - « En dehors des églises, défense de porter tout costume religieux. »
Art. 21. - « Toutes les églises, tous les édifices religieux, asiles ou couvents, sont déclarés propriété de l'État. »

Les trente-trois articles furent affichés à la porte de toutes les églises, comme devant entrer en vigueur le 31 juillet 1926.

Calles reçut une médaille d'or avec les félicitations des loges.

Il attaquait en effet au coeur le catholicisme du Mexique. Les évêques s'aperçurent qu'il fallait remuer le peuple jusqu'au fond de l'âme.

Six jours avant que les lois néfastes entrent en vigueur, les huit archevêques et les vingt-neuf évêques déclarent excomuniés tous ceux qui prennent part à l'exécution des lois nouvelles.

« Les conditions imposées par elles, disent-ils, rendent impossible la continuation de tout ministère. Après nous être entendus avec le Souverain Pontife et avoir reçu son approbation et sa bénédiction, nous ordonnons qu'à partir du 31 juillet, et jusqu'à révocation de notre ordonnance, tout exercice, toute fonction religieuse publique exigeant la participation du prêtre, soient suspendus dans toutes les églises de la République. Les églises ne seront pas fermées, les fidèles pourront continuer d'y aller prier. Mais les prêtres qui en avaient la charge devront se retirer. Nous confions les églises à la garde des fidèles; ils conserveront, nous en avons la confiance, avec un soin jaloux, les sanctuaires qu'ils ont hérités de leurs ancêtres....

« Enfin nous voulons prendre courage au souvenir de ces paroles du Christ à ses apôtres. Il leur disait en annonçant sa mort et sa résurrection prochaines :

« Voici que nous allons à Jérusalem; là vont s'accomplir toutes les choses que les Prophètes ont écrit du Fils de l'homme; ils le livreront aux Gentils et ils se moqueront de lui; ils lui cracheront au visage, le flagelleront, le tueront. Et le troisième jour, il ressuscitera.

« La vie de l'Église est celle de son Fondateur; comme lui, l'Église mexicaine est aujourd'hui abandonnée à ses pires ennemis; on se moque d'elle, on la flagelle, on la met dans un état qui ressemble à la mort. Mais encore un peu de temps et elle ressuscitera pleine de vie et de jeunesse, telle que nos yeux ne l'ont jamais aperçue... »




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Message  Roger Boivin Sam 26 Sep 2009, 8:18 pm


Le P. Pro arrivait pour assister à la passion de son pays.

« Le train de Vera-Cruz, écrit-il à ses confrères ( 13 novembre 1926 ), arriva à Mexico, le 8 juillet, à 7 h.  Une heure plus tard j'étais à Lerdo; à 9 h. , je partais avec le P. Provincial; à 10 h. on m'admettait comme « Père grave » à la résidence d'Enrico Martinez, et à la maison, les haricots et les... tortillas ( crêpes de maïs ) désirées depuis longtemps et qui, il y a douze ans, faisaient la préoccupation persistante de la partie animale de mon être. »

On dirait que tout s'arrange pour le laisser passer.

« Ce fut par une permission extraordinaire de Dieu, ajoute-t-il, que je pus rentrer dans mon pays natal. Le gouvernement étant ce qu'il est, chassant les prêtres et les religieux hors du pays, je ne sais comment j'ai pu y entrer. Le bureau de santé ne m'a pas arrêté; personne n'a examiné mes passeports; à la douane ils n'ont même pas regardé mes bagages...»

A la maison paternelle, il retrouve son père, sa soeur Anna-Maria, son jeune frère Roberto. Humberto qui avait montré trop de zèle dans la propagande religieuse était en prison. Le P. Pro, après maintes tentatives infructueuses, réussit à s'introduire auprès de lui. Dix-sept mois plus tard, ils s'y retrouvent réunis pour le martyre.

Tout de suite, le P. Pro commence sa vie d'apôtre.

« Encore à demi étourdi du voyage, j'ai commencé ma série ininterrompue de ministères parmi les habitants de la capitale, qui, grâce à Dieu, m'ont fourni du travail jour et nuit; et selon toute apparence, ils ne vont pas me laisser finir cette lettre; voilà trois fois que l'on m'interrompt ! Je ne dis rien de la manifestation de foi causée par la fermeture des églises. Vous l'aurez sue sans doute avec tous les détails par d'autres voies. » ( 13 novembre 1926. )

Il fait allusion à l'effet produit par la lettre des évêques citée plus haut.

A peine les évêques ont-ils parlé, qu'un mouvement puissant traverse le pays; les églises se remplissent; de toutes parts les fidèles affluent; ils veulent recevoir une dernière absolution, assister à la dernière messe. Le sanctuaire de Guadelupe surtout voit des files interminables de pèlerins. Des dames marchent pieds nus à côté des plus pauvres gens; les cantiques de pénitence et de deuil remplissent le ciel.

« Quand je rentrai à Mexico, écrit le P. Pro, la suspension de tout service religieux était imminente. Des milliers de fidèles venaient, durant ces jours, recevoir les sacrements. J'avais donc à me tenir au confessionnal de 5 h. 30 du matin jusqu'à 11 h. de l'avant-midi; l'après-midi, de 3 h. à 8 h. Pourtant j'étais encore assez faible; mon dernier domicile en Europe avait été l'hôpital. Deux fois je perdis connaissance au confessionnal, dont on dut me sortir...»




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Message  Roger Boivin Dim 27 Sep 2009, 5:21 pm


Puis vint la sombre journée du 31 juillet.

Ce dut être un jour d'émotions profondes pour le Jésuite. C'était la fête de saint Ignace de Loyola. Il célébra ce jour-là sa dernière messe publique.

Partout le saint Sacrement est enlevé des ciboires; les tabernacles se vident, les lampes du sanctuaire s'éteignent, les cloches se taisent. On respire un air de catacombes; la tristesse se répand sur tout le malheureux pays. Le grand Vendredi saint du Mexique commence.

Les mois passaient et les temples restaient vides. Le coeur apostolique du P. Pro souffrait de ne pouvoir parler du bon Dieu dans sa maison.

Un mois avant sa mort, il composa pour la fête du Christ-Roi une pièce de vers qu'il intitule :  


PRIÈRE


Seigneur, reviens au sanctuaire
Que le tabernacle ne soit plus vide...
Regarde ce qu'en leur calvaire
Demandent tant d'âmes, ô mon Jésus !

Ce que demandent tes âmes, Seigneur, crucifiées
sur la croix de la douleur, brisées
Par le deuil le plus profond de l'existence
Qu'est la douleur de ton absence !

Tu as quitté, Seigneur, les sanctuaires;
Tu les a quittés, Seigneur... Et depuis lors
Les cloches sont muettes
Et les temples solitaires.
Sans sacrifice sur l'autel, le choeur est muet,
Les autels n'ont plus de roses,
Les cierges n'ont plus de flammes d'or.
Tristes sont les grandes nefs solitaires
Puisque ne s'agite pas, de ses ailes mystérieuses,
Le vol des prières...
Tout est dans le silence et le sommeil,
Tout se tait, tout est triste,
Tout n'est que tribulation, oubli et mort...

Seigneur, pourquoi es-tu parti !
Là, tout près du tabernacle,
Au rendez-vous de l'amour et du mystère,
Sous la lumière tremblante de la lampe
qui laissait le sanctuaire dans la pénombre,
L'immense caravane
De ceux qui portent en leur âme blessée
La terreur éternelle du lendemain,
Et ceux qui traînent la croix du présent
Et ceux qui portent les dépouilles du passé
Dans leurs coeurs brisés
Qui pèsent comme un lourd cadavre;
Et l'affligé, le vieillard, l'orphelin, le fatigué,

Le malade, le faible, l'affamé,
Et tous ceux que le péché tient captifs,
Et la légion de tous ceux qui souffrent :
Ils allaient à toi, Seigneur, étoile et phare;
Et ils trouvaient en toi bonheur et consolation;
Dans leur abandon une protection;
Dans leur deuil, résignation et soulagement.
Quelle peine ne s'oublierait pas
Près du Dieu d'amour qui a donné sa vie,
Qui a donné son corps sur la croix pour le bonheur
de tous les pécheurs ingrats ?

Quelle tristesse pourrait durer,
Quel deuil n'adoucirait pas ses rigueurs,
Quelle douleur indicible ne se consolerait pas
Quand un Dieu qui pleure est avec nous,
Quand pour nous, il souffre, quand il implore,
Et nuit et jour, veille dans le tabernacle ?

Mais aujourd'hui, tu n'es plus là. Nous ne te trouvons pas
Au doux endroit de notre rendez-vous...
Dans la désolation de notre peine
Nous demandons : Seigneur, qu'adviendra-t-il ?
Un souffle d'enfer circule dans l'atmosphère,
L'iniquité est a son comble
Et dans l'obscurité du brouillard
Aucune espérance ne nous éclaire.

Les âmes sont seules...
Elles semblent faire naufrage
Et la barque de Pierre et la divine figure
De Jésus, au lac de Tibériade;
Il ne déchire pas les ténèbres de la nuit;
Il ne calme pas la furie des vagues
Il n'apaise pas l'horrible tempête...

Pourquoi nous abandonne-tu ?
Seigneur, si tu pardonnes
A tous ceux qui reconnaissent leurs fautes
Et s'en repentent,
Aie pitié de ton Mexique ! Il reconnaît
Toute l'énormité de ses forfaits
Et, avec respect, il t'acclame comme son Roi !...

Ceux qui hier t'offensaient sont contrits
Et tournent leurs yeux vers toi...
Vois, ils se traînent à genoux,
Ils implorent ton pardon. Vois, ils allèguent
Qu'ils viennent du Tepeyac. Vois, ils arrivent
Par des chemins couverts
D'épines au sommet du calvaire...
Ils reçoivent l'injure et l'opprobre sans nombre.

Par les larmes de tous ceux qui vivent,
Par le sang de tous ceux qui sont morts,
Seigneur, reviens au sanctuaire !


Les temples sont vides.




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Message  Roger Boivin Dim 27 Sep 2009, 7:28 pm


Il faut célébrer la messe en secret, dans les maisons particulières. Les ciboires se remplissent en cachette et le Christ porté par la main des prêtres héroïques continue de fortifier les âmes.
Le P. Pro nous donne une idée du travail qui se fait ainsi :

« Quand le service public dans les églises fut interrompu, j'organisai ce qu'on appelle les « stations eucharistiques ». J'assignais plusieurs endroits aux fidèles où j'allais distribuer la sainte communion chaque jour. Le premier vendredi du mois, j'en donnais encore plus. Le dernier vendredi, j'en distribuai douze cents. »

dans une autre lettre il précise :

« Je distribue de deux à trois cents communions chaque jour. Cela m'occupe jusqu'à 8 h. du matin, sans compter le travail des confessions que j'ai régulièrement les mercredi, jeudi et vendredi après-midi. »

après trois mois de ministère, il en rend compte à son Provincial :

« Ici le travail est continuel et rude. je suis dans l'admiration de ce que le grand Chef accomplit par moi. Maladies ? misères ? soins ? je n'ai même pas le temps d'y penser; et cependant, je suis si bien et si fort que, en dépit de légères, de très légères rechutes, je pourrais aller ainsi jusqu'à la fin du monde... Je suis disposé à tout; mais s'il n'y a pas d'inconvénients majeurs, je demanderais de passer ici la période actuelle et celle qui suit.

« Quel bonheur s'il m'arrivait d'être un de ceux qui seront pendus aux Pagasos del Zocalo; c'est alors que je passerais mon examen final ! » ( 21 octobre 1926. )

Au milieu de ses travaux apostoliques, le P. Pro pense souvent au dernier examen de théologie qu'il lui reste à subir. Jusqu'à la fin, il essaye de trouver des moments libres pour s'y préparer. Il se soumet pourtant à la volonté de son supérieur; il lui écrit :

« Mes professeurs d'Enghien m'avaient donné les thèses de l'examen final; j'avais commencé et j'aurais passé l'examen, si votre câblogramme n'était arrivé, me disant de partir. Les professeurs ont insisté pour que je reste huit jours de plus pendant lesquels, selon eux, j'aurais pu passer mon examen. mais comme je ne sentais pas ma tête assez solide pour un pareil effort, je n'ai pas accepté... Que je sois disposé à faire tout ce que vous jugerez opportun, il n'y a aucun doute. C'est pour cela que je vous ai dit, à vous personnellement, que je laisse tout, tout, entre vos mains, le considérant d'avance comme très bien fait.

« Je ne terminerai pas sans vous adresser une supplique : la troisième année de probation m'appelle à grands cris... Est-ce que je dois écouter sa voix ? Le P. A... n'aura-t-il pas besoin de compagnon ? En vérité, j'ai fais ce rêve; et quoique je ne sois pas superstitieux, j'ai confiance que mes rêves se réaliseront. » ( 21 octobre 1926. )

Calles avait donc affaire à des hommes qui voulaient se défendre. Il lui fallait toute une armée de bandits pour tenir tête à la réaction des catholiques.




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Message  Roger Boivin Lun 28 Sep 2009, 11:23 am


La fermeture des églises, la détresse des âmes n'inquiétaient guère le président.

La ligue de défense des libertés religieuses toucha le gouvernement au point sensible, quand elle organisa la grève générale du peuple; elle aussi devait entrer en vigueur le 31 juillet. Voici en quoi elle consistait.

Ordre fut donné aux catholiques de limiter leurs achats au strict nécessaire, de retirer des banques tout l'argent qu'ils y possédaient.

Subitement, les usines que dirigent les anticléricaux perdent leur clientèle. En moins d'un mois, vingt-sept millions de pesos sont retirés des banques et passent la frontière. Les cafés sont presque déserts.

Les hommes de Calles se découragent. En octobre, le ministre des finances, Pani, démissionne. Le président ne cède pas. Les catholiques non plus. Quand il emprisonne ceux qu'il soupçonne d'être les chefs du mouvement, d'autres les remplacent. Il ferme les imprimeries qui travaillent ou qu'il croit travailler contre lui : les feuilles volantes sortent des caves où des volontaires impriment durant la nuit.

Sur l'une de ces feuilles, on lisait que le communiste Calles, l'ami des pauvres, possédait une immense propriété rurale, qu'il s'était fait construire un train de luxe au prix d'un million de pesos.

On devine la colère de Calles.

Le 1er septembre, à l'ouverture du Congrès, il annonce qu'il a déjà fermé cent vingt-neuf collèges catholiques, quarante-deux églises, chapelles, établissements de charité. Il assure qu'il va continuer son oeuvre.

Les catholiques lui font, j'imagine, perdre sa sérénité, quand ils répandent partout des feuilles comme celle-ci :

« Dans son instruction pastorale sur la fête du Christ-Roi, Mgr l'archevêque de Mexico dit aux catholiques... « Ne perdez pas courage... l'image de Jésus crucifié doit nous soutenir dans l'épreuve... Réfléchissez que la foi et le salut éternel de tous les catholiques mexicains sont en péril... Il est urgent de ne point faiblir, urgent de faire violence au Christ et à sa Mère, urgent d'arracher à la divine miséricorde la grâce incomparable de pouvoir célébrer dans l'allégresse les fêtes mariales du 8 et du 12 décembre, dans nos temples aimés... Nous vous exhortons paternellement, chers fils, à ce que tous, vous entrepreniez jusqu'au 12 décembre, une intensification volontaire et généreuse d'une vie de prière, de privations et de sacrifices... »

« La ligue de défense pour la liberté religieuse prenant cette déclaration comme un ordre de Dieu, décrète une intensification extrême et absolue du boycott dans la République à partir du 12 de ce mois de novembre courant.

« Intensification extrême, absolue et nationale, avons-nous dit; que tous les catholiques mexicains, absolument tous, à partir du jour indiqué plus haut, s'unissent pour faire une grève absolue : grève d'acheteurs de superfluités, de friandises, d'articles de luxe, de toilettes, de billets de loterie, de taureaux, de théâtre, de ciné, de concert; grève de promenades, de bals, de jeux de cirque et autres; grève d'autos, de voitures, de tramways; en un mot, grève de tout ce qui n'est pas d'absolue nécessité.

« La difficulté est grande, car la persécution actuelle nous tient les mains et les pieds liés... Mais nous ne devons pas nous décourager : Dieu est avec nous; il combat avec nous. Convertissons-nous, nous les catholiques conscients, en apôtres infatigables et zélés d'une propagande orale ou écrite, instructive et ardente... »




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Message  Roger Boivin Lun 28 Sep 2009, 3:06 pm


Le P. Pro avait toujours de ces feuilles plein ses poches. Une fois les soldats l'arrêtent devant la maison où il se retirait. Ils le font monter dans une auto; il s'assoit près du chauffeur qui a l'ordre de le conduire chez le commissaire de police. Il fallait à tout prix vider ses poches avant d'y arriver. Le Père se met à causer avec son homme, et, avec des précautions infinies, il sème au milieu d'une phrase qui intéresse son interlocuteur ses feuilles par petits paquets, le long de la route.

Les propagandistes sont surveillés. Quand ils sont pris, ils sont fusillés. Le martyre de deux jeunes gens, Manuel Melgarejo et Joaquin de Silva Gordoba a ému le monde catholique. Le général Zupeda, partisan déguisé de Calles, les interroge sur leurs idées religieuses. Ils sont arrêtés et meurent sous les balles, en criant : « Vive le Christ-Roi ! »

Mais ce régime de terreur n'épouvante pas la foule. Dans un seul pèlerinage, cinquante mille pèlerins vont, le 12 octobre, à Notre-Dame de Guadelupe. Le jour de la fête du Christ-Roi, ils sont plus de deux cent mille.

Le P. Pro assistait à cette fête. Il en fit le récit à ses amis :

« Le 31 octobre, écrit-il, fête du Christ-Roi, a eu lieu ici la manifestation la plus grandiose, la plus sublime, la plus divine...

« Le pèlerinage à la Basilique commença à 4 h. du matin et se termina à 7 h. 30 du soir. Une suite ininterrompue de gens - quatre-vingt-dix ou quatre-vingt-quinze pour cent des habitants de Mexico - défilèrent devant l'image bénie de Notre-Dame de Guadelupe. Les membres de l'A.C.J.M. maintenant l'ordre, et cet ordre fut tel et si solennel que la municipalité de Guadelupe en félicita l'archevêque.

« Je fus là depuis 9 h. du matin jusqu'à 11 h., et de 3 h. jusqu'à 9 h. dans l'après-midi; impossible de m'en arracher. Des milliers et des milliers de personnes nu-pieds, d'autres parcourant à genoux l'avenue de Persevillo, tous disant le rosaire et chantant; les pauvres et les riches, des ouvriers et des messieurs formant des groupes. J'ai vu une famille de la bourgeoisie, huit personnes, tous pieds nus; le père portait les chaussures de tous. J'ai vu un jeune homme de la haute société, les pieds ensanglantés, longer l'avenue, le rosaire à la main. J'ai vu une vingtaine de vieilles femmes, - mais ceci ne m'a pas plu, - avec des couronnes d'épines sur la tête. J'ai vu arriver Mgr Mora y del Rio, à 4 h. de l'après-midi, comme un pèlerin quelconque et j'ai entendu les vivats et les applaudissements qui retentirent au dedans et au dehors de la Basilique. A 5 h. de l'après-midi, j'allais rentrer avec Mendez M... quand nous vîmes un groupe décidé de domestiques, accompagnés d'une centaine d'ouvriers chantant par les rues qui mènent à la Basilique.

« Mais les chants étaient plutôt « entre les dents ».

« « Compatriote, dis-je à mon compagnon, c'est le moment; » et à force de coups de coudes et de pincées, je me suis faufilé dans le groupe; soutenu par la voix puissante de mon compagnon, j'ai chanté à gorge déployés : « Tu régneras ! » Quand ces pauvres gens virent ces deux coryphées qui dirigeaient la musique, ils s'enthousiasmèrent, et c'est alors qu'il y en a eu du chant ! ! ! En peu de temps, nous dominions les milliers de personnes qui entouraient l'esplanade de la Basilique, et, cinq minutes après, tous redisaient en choeur les chants et les vivats au Christ-Roi, au Pape, aux évêques. Il n'y eu aucun désordre, quoique les pompiers soient arrivés à 8 h. du matin, et que le général Cruz ait deux fois inspecté la Basilique. Les jeunes organisateurs maintinrent l'ordre dans tout le quartier et les policiers ont passé la journée appuyés contre les arbres et sans molester personne. Pauvres gens ! eux-mêmes étaient les premiers à se ranger à nos côtés ! La Croix Rouge s'est admirablement conduite; et pourtant c'est une espèce dont l'écorce est ordinairement amère... Mais oui ! tout Mexico est catholique ! Notre-Dame de Guadelupe est vraiment la Reine des Mexicains !

« Oui, la terrible épreuve que nous traversons a non seulement accru le nombre des catholiques résolus, mais elle nous a donné des martyrs; on ne peut appeler autrement ces jeunes gens si vaillants de l'A.C.J.M., qui furent assassinés de la plus vile façon, et beaucoup d,autres dont nous ignorons les noms, car la presse est muselée.

« Le triomphe ne tardera pas; le pouvoir très grand de nos ennemis qui ont pour eux l'argent, les armes et les mensonges, va promptement crouler, comme la statue vue par Daniel, frappée par la petite pierre tombée du ciel...

« La houlette qui dirige le peuple désarmé de Guadelupe fera bientôt tomber la tête du gouvernement mexicain, et c,est alors que le Christ seul régnera, que le Christ seul vaincra, que le Christ seul commandera.


LE PÈRE PRO, martyr, 1891-1927 ( Mexique ) - Page 2 Numari36


LE PÈRE PRO, martyr, 1891-1927 ( Mexique ) - Page 2 Numari37


« Déjà on pressent la splendeur de la résurrection, précisément parce que les ténèbres de la passion sont presque à leur maximum.

« De tous côtés arrivent les nouvelles d'outrages et de représailles; les victimes sont nombreuses; la liste des martyrs augmente chaque jour... Oh ! si je pouvais gagner le gros lot...

« Déjà vous savez sans doute que le Saint-Père a promis de canoniser nos jeunes martyrs et que lui-même a offert à la Basilique de Guadelupe l'ostensoir que lui avait présenté la France.

« Des démonstrations si paternelles du Pontife romain ont fait une profonde impression sur notre peuple.

« De tous in Domino :

EL   BARRETERO   » ( le Mineur ).  
   



 


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Message  Roger Boivin Mar 29 Sep 2009, 1:32 pm


Les catholiques n'ont donc pas peur.

Ils ne peuvent enseigner dans les écoles : des catéchistes ambulants se forment par régiments et circulent dans le pays. Au milieu d'octobre, trois cent quatre-vingt-dix-sept catéchistes, répartis en trente-deux endroits différents, atteignent près de onze mille enfants. Le rôle des prêtres est de styler les laïcs, surtout les membres de l'A.C.J.M. Le P. Pro pour sa part les reçoit à plusieurs adresses; il se cache, mais les initiés savent bien le trouver.

« Personne ne sait où je vis, écrit-il. Dans quatre endroits différents, je reçois des lettres, des messages, des dons de haricots pour mes familles pauvres... Je donne aussi des conseils dans ces quatre endroits. »

Calles a fort à faire pour garder la position qu'il a prise. Le 19 octobre, la banque de Tampico fait faillites; le lendemain c'est le tour de la banque anglaise. Les chambres de commerce, alarmées, déclarent qu'elles ne peuvent plus faire face aux difficultés. Calles les dissout.

Mais le trésor est vide; en décembre, la situation est extrême; les insurrections partout; le peso perd la moitié de sa valeur. La tête obtuse de Calles accuse les prêtres d'être les auteurs de tous les maux. Un moment, désemparé, il songe à les corrompre. Il les invite à constituer une Église nationale mexicaine, indépendante de Rome; il promet la restitution des édifices religieux, une partie des biens d'Église.

Il essuie un refus net.

Humilié, il réitère les lois du 31 juillet, et défend la diffusion des feuilles même manuscrites.

En plein Congrès, un ministre du cabinet Calles, Morones, suggère au peuple de tuer tout simplement les prêtres. En attedant, les prêtres et les évêques sont conduits à la frontière ou sont emprisonnés.

« Il y a, écrivait le P. Pro, affreuse disette de prêtres. Le peuple meurt sans sacrements et le peu de prêtres qui restent ne peuvent y pourvoir... »

Cela le navre et lui donne de l'ardeur; il s'engage à fond dans la lutte.

« Les catholiques résistent, écrit-il; les représailles vont être terribles, surtout dans la ville de Mexico. Les premiers à en souffrir, seront surtout ceux qui auront trempé la main dans la question religieuse... Et moi, qui y ai mis la mienne jusqu'au coude !... Dieu veuille que je sois parmi les premiers, ou, selon un autre point de vue, parmi les derniers. En tout cas, que je sois du nombre !

« Si cela arrive, tenez-vous prêts à me faire vos demandes quand je serai au ciel... »

Cela rappelle la pluie de roses promise par Thérèse avant de mourir !

Parfois, il croit toucher le but. En décembre 1926 il est mis en prison; c'est la premières fois; mais il s'en tire. Car il ne tient pas à donner sa vie pour rien. Il y a tant de pauvres gens qui ont besoin de lui !




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Message  ROBERT. Mar 29 Sep 2009, 4:50 pm


PRIÈRE, par le Père Pro


Seigneur, reviens au sanctuaire
Que le tabernacle ne soit plus vide...
Regarde ce qu'en leur calvaire
Demandent tant d'âmes, ô mon Jésus !

Ce que demandent tes âmes, Seigneur, crucifiées
Sur la croix de la douleur, brisées
Par le deuil le plus profond de l'existence
Qu'est la douleur de ton absence !

Tu as quitté, Seigneur, les sanctuaires;
Tu les a quittés, Seigneur... Et depuis lors
Les cloches sont muettes
Et les temples solitaires.
Sans sacrifice sur l'autel, le chœur est muet,
Les autels n'ont plus de roses,
Les cierges n'ont plus de flammes d'or.
Tristes sont les grandes nefs solitaires
Puisque ne s'agite pas, de ses ailes mystérieuses,
Le vol des prières...
Tout est dans le silence et le sommeil,
Tout se tait, tout est triste,
Tout n'est que tribulation, oubli et mort...

Seigneur, pourquoi es-tu parti !
Là, tout près du tabernacle,
Au rendez-vous de l'amour et du mystère,
Sous la lumière tremblante de la lampe
Qui laissait le sanctuaire dans la pénombre,
L'immense caravane
De ceux qui portent en leur âme blessée
La terreur éternelle du lendemain,
Et ceux qui traînent la croix du présent
Et ceux qui portent les dépouilles du passé
Dans leurs cœurs brisés
Qui pèsent comme un lourd cadavre;
Et l'affligé, le vieillard, l'orphelin, le fatigué,

Le malade, le faible, l'affamé,
Et tous ceux que le péché tient captifs,
Et la légion de tous ceux qui souffrent :
Ils allaient à toi, Seigneur, étoile et phare;
Et ils trouvaient en toi bonheur et consolation;
Dans leur abandon une protection;
Dans leur deuil, résignation et soulagement.
Quelle peine ne s'oublierait pas
Près du Dieu d'amour qui a donné sa vie,
Qui a donné son corps sur la croix pour le bonheur
de tous les pécheurs ingrats ?

Quelle tristesse pourrait durer,
Quel deuil n'adoucirait pas ses rigueurs,
Quelle douleur indicible ne se consolerait pas
Quand un Dieu qui pleure est avec nous,
Quand pour nous, il souffre, quand il implore,
Et nuit et jour, veille dans le tabernacle ?

Mais aujourd'hui, tu n'es plus là. Nous ne te trouvons pas
Au doux endroit de notre rendez-vous...
Dans la désolation de notre peine
Nous demandons : Seigneur, qu'adviendra-t-il ?
Un souffle d'enfer circule dans l'atmosphère,
L'iniquité est a son comble
Et dans l'obscurité du brouillard
Aucune espérance ne nous éclaire.

Les âmes sont seules...
Elles semblent faire naufrage
Et la barque de Pierre et la divine figure
De Jésus, au lac de Tibériade;
Il ne déchire pas les ténèbres de la nuit;
Il ne calme pas la furie des vagues
Il n'apaise pas l'horrible tempête...

Pourquoi nous abandonnes-tu ?
Seigneur, si tu pardonnes
A tous ceux qui reconnaissent leurs fautes
Et s'en repentent,
Aie pitié de ton Mexique ! Il reconnaît
Toute l'énormité de ses forfaits
Et, avec respect, il t'acclame comme son Roi !...

Ceux qui hier t'offensaient sont contrits
Et tournent leurs yeux vers toi...
Vois, ils se traînent à genoux,
Ils implorent ton pardon. Vois, ils allèguent
Qu'ils viennent du Tepeyac. Vois, ils arrivent
Par des chemins couverts
D'épines au sommet du calvaire...
Ils reçoivent l'injure et l'opprobre sans nombre.

Par les larmes de tous ceux qui vivent,
Par le sang de tous ceux qui sont morts,
Seigneur, reviens au sanctuaire !


Les temples sont vides.

PARCE DÓMINE, PARCE PÓPULO NOSTRO :
NE IN ÆTÉRNUM IRASCÁRIS NOBIS... (iij)
ROBERT.
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Message  Roger Boivin Jeu 01 Oct 2009, 10:45 am


L'ami des pauvres


Les pauvres ont tout son coeur et prennent la plus grande partie de son temps.

Au reste, il sait se faire tout à tous. Il a une manière à lui traduire le mot de saint Paul : « De jour et de nuit, je vais par les escaliers garnis de tapis, par les maisons des riches et par les dalles gluantes des tavernes et par les quartiers pauvres et nauséabonds de la capitale. Les dévotes m'adorent; les ivrognes me tutoient, les vendeurs me clignent de l'œil, la fleur et la crème des vauriens me tiennent pour leur ami de cœur ! » ( 13 décembre 1926. )

Les pauvres sont réellement sa famille. Dès février 1927, il a, pour les secourir, une organisation puissante.

« Pour ne pas rester oisif, dit-il, je fais aussi sotto voce mes approvisionnements de grain, de comestibles de toute espèce et même de maisons vacantes pour les familles de ces vaillants jeunes gens qui s'en vont défendre nos libertés. J'ai plusieurs agents, plus ou moins organisés, qui me recueillent tout cela, le portent en lieu sûr, et de là, le distribuent aux plus nécessiteux. Jusqu'à présent, j'ai dix-huit familles approvisionnées de cette sorte, pour deux mois. » ( Lettre à son Provincial, 19 février. )

« Je touche du doigt, dit-il encore, ce que l'on dit dans la vie des saints ( oh ! ne pensez pas que je me prends pour l'un d'eux ! ). Je ne sais comment, ni quand, ni de qui, mais je reçois un jour cinquante kilos de sucre; une autre fois des boîtes de biscuits, du café, du chocolat, du riz et même du vin. Et la providence de Dieu est si paternelle que quand je suis en train de me gratter la tête, me demandant qui je vais aller voir pour demander l'aumône, je découvre que la chambre qui me sert de dépôt est, contre toute attente, bien remplie. »

Des inconnus viennent spontanément lui porter ce dont il a besoin :

« Comme j'ai été absent du pays depuis longtemps, je connais très peu de gens ici; mais je n'ai aucune difficulté pour trouver des maisons libres pour héberger mes pauvres.

« Le plus joli de l'affaire, c'est que ma sacrée personne n'a pas a se mettre au premier plan. Je tire les ficelles et les âmes généreuses font le reste.

« Mon effronterie est montée une fois à un haut degré. J'avais reçu un cadeau de cent kilos de fèves où les vers s'étaient mis. Elles ne valaient absolument rien. Je me rends en personne chez celui qui nous avait fait ce don et lui demande de me donner un peu de fèves, en lui faisant remarquer que nous avions fait une aumône qui ne valait pas grand-chose, puisque les vers s'y étaient glissés... »

Les bonnes fèves ne se firent pas attendre.

Le P. Pro travaille toute la journée pour ses pauvres, sans se cacher; le soir, il prolonge ses veilles, prévoit la besogne du lendemain, reçoit des pauvres ou des jeunes gens qu'il dirige.

« Comment suffire à tant de besogne ? écrit-il. Je suis encore assez faible. Réellement je sort à peine de l'hôpital. Il me semble que c'est là une preuve que j'aurais dû cesser tout ce travail, si quelque force divine ne nous aidait de tout son pouvoir, si Dieu ne se servait pas de moi comme d'un simple instrument.

« Ainsi, ce n'est pas moi, c'est la grâce de Dieu qui agit en moi. »




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Message  Roger Boivin Sam 03 Oct 2009, 11:50 pm


Ses pauvres augmentent chaque jour. Il lui faut beaucoup d'aumônes pour les nourrir et les loger. Il n'arrête pas une minute.

« Que Jésus soit béni ! je n'ai pas le temps de respirer, je suis dans le travail jusqu'au coup, donnant à manger à ceux qui ont faim - et ils sont nombreux; - je vais comme une trombe de-ci de-là et d'un si bon pied ( privilège exclusif des filous ! ). Tellement que je ne me trouble pas quand je reçois un message comme celui-ci :

« La famille X... dit : il n'y a rien dans le garde-manger; ils sont douze; leur linge tombe en morceaux; trois d'entre eux sont au lit; ils n'ont ni sel ni eau.

« en général ma bourse est aussi plate que la partie spirituelle de l'âme de Calles; mais ce n'est pas la peine de s'en préoccuper, parce que le Procureur du ciel est si magnifique !

« En voici un exemple :
- M. Barretero ( M. le Mineur ), voici cent piastres qu'on m'a données pour vous.
- Gardez-les moi; car en ce moment, il y a rien qui presse.

« Et sachez que ceci c'est de l'histoire.

« Deux rues plus loin, je dois écrire une carte urgente :

« Des cent piastres, envoyez-en quarante à un tel, quarante à un tel, et vingt à un autre. »

« Je vois si clairement l'aide de Dieu, que j'ai presque, presque peur de n'être pas tué dans ces courses, ce qui serait une catastrophe pour moi, qui soupire tant après le ciel pour y jouer des arpèges sur la guitare avec mon ange gardien.

« On me donne des objets de valeur pour que les mette en loterie; des choses qui valent dix piastres m'en procurent quarante.

« Un jour, j'emportais un sac à main de dame, fort joli ( je veux dire le sac, non la dame ). Il y avait cinq minutes qu'on me l'avait donné, et voici que je me heurte à une dame très fardée, - ut in pluribus :

Qu'avez-vous là, me dit-elle ?
- Un réticule pour dame valant vingt-cinq piastres; mais pour vous, je vous le laisserai pour... cinquante ! Veuillez les envoyer, je vous prie, à la famille X...

« A une semblable insinuation, ajoute le Père, personne ne résiste. » ( Lettre du 25 mai 1927. )




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Message  Roger Boivin Dim 04 Oct 2009, 1:25 pm


Un mois avant d'être fusillé, il fait un tableau complet de ses oeuvres de charité.

Il écrit à l'un de ses cousins :

« Si j'ai tardé à vous écrire, c'est à cause de mes nombreuses occupations qui m'attirent et me retiennent dans les faubourgs de la capitale. Je perds le compte des confessions, des communions et des baptêmes... Il y a plus d'une demi-douzaine de mariages par semaine, il y a une multitude de malades qui demandent à être visité; je ne saurais dire le nombre de ceux qui font viser leur passeports pour l'autre monde.

« Voilà ce que j'appelle mes occupations secondaires; parce que les essentielles, celles qui ont la place principale dans ma tâche quotidienne, ce sont les commissions de secours aux nécessiteux. Étant donné les temps que nous traversons, on ne peut dire la misère qui règne en ce pays. nous en sommes à la vingt-sixième famille que nous faisons vivre depuis A jusqu'à Z. Tant mieux ! tant mieux ! ainsi, il n'y a pas de vaine gloire : c'est l'action directe de Dieu qui se manifeste dans sa splendeur d'amour.

« Comme il es vrai que celui qui nourrit les oiseaux du ciel ne laisse pas mourir de faim les fils qu'il a créés et qu'il a rachetés par son sang précieux !

« Tout mon personnel se réduit à une demi-douzaine de pieuses femmes et à une demi-douzaine d'hommes pieux sans travail. En public, j'appelle les premières : " Section d'investigation et d'approvisionnement ! " Entre nous, je les intitule : " Quêteuses au guet ! " Elles se glissent partout comme des rats, et tous les mois elles remplissent mes sacs, alors bien aplatis, de café, maïs, riz, sucre et graisse; quand arrive le 25 ou le 28, ils ne contiennent plus un seul grain, une seule miette, quoiqu'on les presse et qu'on les torde sans pitié.

« Les hommes, je les appelle en public : " Le Comité de direction ". Entre nous, je les honore du titre pompeux de " Chômeurs de ressources ", car ils ne manquent pas une occasion de quêter auprès du premier venu qui se présente, pour soutenir la famille royale de Dieu qui ne vit que de chômage.

« Dans plusieurs districts de la capitale, il y a des commissions de secours spéciales qui s'occupent des besoins de leur région; et c'est seulement quand il nous reste quelque chose que nous le leur donnons, puisque nous avons pour maxime de ne pas être chiches avec la bourse de Dieu, ni d'être sans confiance en faisant des réserves d'un mois à l'autre. Si c'est une folie au point de vue économique, je réponds qu'humainement parlant, c'est plus grande folie de prendre à sa charge des centaines de familles à nourrir sans avoir de ressources assurées.

« Les familles les moins nombreuses comptent de quatre à six membres; les autres dix ou douze; ils ont la mauvaise habitude de manger trois fois par jour, et généralement, avec un bon appétit. S'il n'y avait que cela, ce serait coudre et chanter, mais ce sont de vrais fils d'Adam et d'Ève : ils vivent sous un toit, dont il faut payer le loyer; ils portent des souliers qui s'usent et du linge qui s'embellit de trous; ils savent être malades et demander des remèdes.

« Il est clair qu'il n'y a pas et qu'il ne peut y avoir de l'argent pour tant de minuties; mais je me sers de mes amitiés avec les docteurs qui donnent leurs services gratis, et des gros richards qui me prêtent des maisons pour six ou huit mois, avec les reçus de loyers déjà signés et même timbrés. La seule chose que je regrette, c'est que mes amitiés avec les tailleurs et les cordonniers sont nulles : s'il n'en était pas ainsi, je n'aurais pas de casse-tête ni de calculs à faire comme celui-ci : six paires de chaussures à douze piastres : soixante-douze piastres. Et je n'ai que vingt piastres.

« Donc,... comme disait mon professeur de morale : débrouillez-vous ! »


Il n'y a donc pas que du plaisir à pareille besogne. Le Père passe une partie de ses journées à quêter; ses sacs se remplissent, mais il les paye de sa peine.

« Les céréales abondent, confie-t-il à son cousin, le 5 août 1927; mais, pour dire toute la vérité, c'est dû à la rougeur de mon visage. car vous n'imaginez pas quelle honte il y a à mendier, et toujours mendier... heureusement que Celui pour qui on le fait ne se montre pas parcimonieux. Qu'il soit béni pour toujours ! »




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Message  Roger Boivin Dim 04 Oct 2009, 3:14 pm


Le P. Pro logeait durant les derniers mois de sa vie chez une femme très charitable : Mme J. Montes de Oca. Arrêtée en même temps que le P. Pro, elle sera mise en prison; puis, après la mort du Père, exilée aux États-Unis. Nous tenons d'elle plusieurs détails de la charité du P. Pro.

Il n'apparaissait à la maison que tard dans la soirée et repartait avant le jour. Le dimanche, deux à trois heures de sommeil.

« Une fois, il rentre à la maison, mais la dame n'a presque rien à offrir : les gens du gouvernement se chargeant souvent de faire des perquisitions et de tout enlever. Il accepte les quelques bonbons qu'on lui offre et repart en riant :

« Ce n'est pas assez pour moi, dit-il, ce n'est pas la peine de me mettre à manger cela. » Et il va les porter aux malades.

On le voit souvent, en pleine rue de Mexico, porter de gros sacs de farine sur son dos. Quand c'est pour des pauvres ou des malades, il affronte tous les rires des badauds. Une fois, il porte dans ses bras six poulets et une dinde... en vie ! Quand il rentre pour dîner, il fait des gestes très drôles, mais très significatifs : ses volailles, irritées, lui avait transmis leurs puces et leurs poux...

Avec six poulets, il ne craint pas une autre fois de monter dans l'omnibus : son aplomb et sa présence d'esprit font passer les poulets avec des plaisanteries.

Le plus bel acte de charité est peut-être celui dont il parle dans la lettre qu'il écrit un mois avant sa mort ( 26 octobre ). Il lui arrive souvent, raconte-t-il, de rencontrer des parents sans ressources ou sans coeur, quelques-uns même assez infâmes pour abandonner de tout petits enfants. Le P. Pro les recueille et les porte dans les crèches.

« En voilà six que l'on me donne ainsi...

« La première fois que le cas s'est présenté, je n'ai pas eu le temps d'envoyer quelqu'un chercher le bébé, j'ai dû l'emporter moi-même. Je commis l'imprudence de le mettre, bien enveloppé d'un grand châle, dans un coin de l'automobile. A la première secousse, le petit a fait un bond dans l'auto, et, si je ne l'avais pas rattrapé au passage, je n'aurais eu qu'à le conduire de là au cimetière. Je l'ai pris dans mes bras et je n'ai pas besoin de vous dire dans quel état j'étais au moment où je l'ai remis à ses parents adoptifs !... »




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Message  Roger Boivin Dim 04 Oct 2009, 3:52 pm


Prédicateur des gueux


SI le P. Pro a pitié de la foule, s'il ne peut voir une misère sans la soulager, ce n'est pas simple bonté d'âme. Il a son but. Il commence par s'attacher les coeurs; puis quand il y est entré, il relève les âmes.[/b][b]

Naturellement jovial, il console les catholiques que l'exil, l'emprisonnement d'un père a appauvris. Sa parole, son exemple impressionnent profondément. Les conversions qu'il opère sont incalculables.

C'est que le bon Dieu ne craint pas de confier ses dons à l'apôtre qui ne s'en glorifie aucunement. Le P. Pro ne peut pas ne pas voir le bien qu'il fait; mais il l'attribue tout à Dieu, avec grande simplicité.

« Je me suis mis à penser sérieusement à la manière de ne pas laisser ma vaine gloire s'enfler des innombrables exploits où j'ai réussi : c'est la grâce de Dieu qui produit les conversions. »

Le gratia Dei mecum de saint Paul revient souvent dans ses lettres. Il sait bien qu'il fait quelque chose, mais qui ne serait rien sans la grâce. Et il va de l'avant. Écoutons-le nous parler de ses ministères.

« J'ai entendu des confessions même dans les prisons. De fait, c'est surtout là que je me rends, parce qu'elles regorgent de catholiques. J'apporte aux prisonniers de la nourriture, des oreillers, des couvertures, de l'argent, des cigarettes. Si les geôliers qui me laissent entrer savaient un peu quel oiseau je suis !

« Mais au fait, je voudrais bien qu'ils le sachent; je passerais bien volontiers une quinzaine de jours en prison...

« Je me vengeai, poursuit-il, en donnant des retraites à droite et à gauche.

« Quel beau ministère !

« A vrai dire, j'en avais bien un peu peur, tout d'abord; c'est un ministère que je n'avais jamais exercé.

« Je me fis la main avec un auditoire d'à peu près quatre-vingt-dix vieilles dames. Leurs oraisons jaculatoires et leurs soupirs, leurs sanglots et leurs gémissements me firent voir clairement une chose : c'est que si je pouvait faire vibrer les cordes du sentiment, j'avais fort à faire pour réprimer le rire dans la partie animale de mon être. Je jugeai plus prudent de couper court avec le genre féminin et d'attaquer le masculin.

« Imaginez cinquante chauffeurs d'autos, bruyants, de la catégorie de ceux qui portent le chapeau Tejano, une mèche de cheveux sur le coin de l'oeil et crachant merveilleusement du coin de la bouche. Des types d'or, en somme,  malgré leur extérieur un peu rude et sans trop d'agréments...

« Inutile d'appuyer sur la solennité de ces conférences. Elles se donnaient dans une grande cour, bordée tout autour par de vieilles ferrailles. Moi, j'étais vêtu comme un mécanicien, le casque rabattu sur le front et me frottant les coudes avec mon sympathique auditoire...

« Que Dieu bénisse tous les chauffeurs du monde ! »




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Message  Roger Boivin Dim 04 Oct 2009, 4:13 pm


Fier de son premier succès, le Père s'enhardit.

« Peu après, je pris soin d'un groupe d'institutrices et d'employés du gouvernement. Ils étaient à peu près quatre-vingts; libres, à l'aise, bavards; ils n'avaient peur de rien, pas même du diable.

« Mais il s'y fit peut-être encore plus de bien qu'avec mes chauffeurs. J'aurais voulu vous voir au milieu de ces gens-là, harcelé par ce groupe de chiens de chasse, qui soutenaient que l'âme est mortelle et se faisaient gloire de tenir mordicus à leurs convictions à eux, refusant comme des enragés de se soumettre aux vérités si douces de notre religion.



LE PÈRE PRO, martyr, 1891-1927 ( Mexique ) - Page 2 Numari40


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« AH ! je l'avoue, j'ai sué de l'encre. Mais j'eus plus que pour mon argent, quand je les vis tous aller communier, et quand je fis le compte d'une bonne douzaine de conversions remarquables... Je dis remarquables, si radical avait été le changement de ces âmes, qui, mal guidées, avaient pris le mauvais chemin !

« Mais vous n'ignorez pas la pauvreté de mes moyens. Ma vaine gloire n'y était pour rien. Je pouvais toucher du doigt la grâce de Dieu, qui seule a opéré ces conversions. Toute la force de mes arguments, tous les efforts, mes attaques et mes explosions pour les impressionner ne servaient de rien. Je le vis moi-même, c'est la grâce de Dieu qui toucha leurs âmes, en se servant de phrases simples que je fabriquais sur place.

« Béni soit dieu, mon Père, qui est si bon, si bon ! »




Dernière édition par Roger Boivin le Ven 10 Juil 2015, 4:35 pm, édité 2 fois
Roger Boivin
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