Saint Pierre Claver.

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Message  Louis Mer 23 Sep 2015, 1:10 pm

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XIV. Ses vertus religieuses. — Sa pureté angélique.


Comme ce sont les trois vœux qui constituent proprement les religieux, à tout ce qu'on vient de dire des vertus du P. Claver, on peut ajouter que si dans toutes les autres il pouvait servir de modèle aux chrétiens les plus parfaits, dans celles de son état il était encore le modèle des religieux les plus fervents.

Sa pureté était celle d'un ange, ce qui cessera de paraître étonnant, si l'on fait réflexion à son extrême modestie, à sa mortification excessive et à sa vigilance continuelle sur tous ses sens. On a observé que, pendant cinquante-quatre ans qu'il vécut dans la Compagnie, jamais il n'arrêta les yeux sur le visage d'aucune femme: aussi ses confesseurs ont-ils protesté hautement qu'il avait toujours conservé en ce point la première innocence de son baptême.

Prévenu de la grâce dès sa plus tendre enfance, il eut l'amour de la vertu avant l'usage de la raison. Le peu de temps qu'il passa dans le siècle, il pouvait déjà servir d'exemple aux religieux ; et depuis son entrée au noviciat, il ne cessa point d'avancer à grands pas dans la route de la sainteté. Tous les jours il se confessait, après un rigoureux examen de lui-même; et il ne le faisait jamais sans répandre beaucoup de larmes. Attentif aux moindres mouvements de son cœur, son amour pour Dieu lui inspirait une vive crainte de l'offenser, qui le retenait sans cesse dans la circonspection la plus scrupuleuse. En un mot, de son recueillement, de sa tempérance et de ses austérités, il s'était fait comme un bouclier impénétrable pour opposer à tous les traits empoisonnés de l'esprit tentateur. Il avait surtout une dévotion particulière â la conception immaculée de la Mère de Dieu, pour obtenir la grâce d'une pureté digne de cette Reine des vierges: il la conseillait à ceux qui se sentaient attaqués de tentations violentes contre cette vertu ; et ils ne manquaient pas d'en éprouver, tôt ou tard, les plus salutaires effets.


A suivre : XV. Sa pauvreté.

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Message  Louis Jeu 24 Sep 2015, 1:56 pm

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XV. Sa pauvreté.

Pour ce qui regarde la pauvreté religieuse, on peut dire du P. Claver, que, conformément à la règle et â l'esprit de son saint fondateur, il la regardait comme sa propre mère : tout ce qu'on apercevait dans sa personne et dans sa manière de vivre respirait la pauvreté même. Sa chambre fut d'abord une espèce de loge si étroite et si obscure, que pendant plusieurs années il était obligé d'en sortir pour pouvoir écrire: son lit, ainsi qu'on l'a déjà remarqué, n'était qu'une simple peau ou une natte étendue par terre. Tous ses meubles consistaient en quelques instruments de pénitence, deux sièges de bois grossièrement travaillés, un petit banc pour ceux qui venaient le voir, et une table toute nue sur laquelle il n'y avait que son bréviaire, le même qu'il avait eu d'abord et qu'il conserva toute sa vie, avec deux volumes de cas de conscience : pour ce qui est de tous les autres livres, il allait les consulter à la bibliothèque, à mesure qu'il en avait besoin. Les ornements répondaient aux meubles: un crucifix d'une peinture grossière, placé entre deux images, dont l'une représentait JÉSUS-CHRIST à la colonne et l'autre saint Pierre à genoux pleurant son infidélité: une croix de bois au chevet de son lit, et au-dessus, un portrait du F. Rodriguez; telle était la parure de sa chambre. Amateur de tout ce qui le rapprochait de son divin modèle, le P. Claver ne se servait ordinairement que du rebut des autres: il changeait de bonnet carré, au plus tous les dix ans, encore n'en voulait-il jamais porter un neuf: ses camisoles étaient composées de quatre morceaux de mauvaise toile attachés ensemble avec de petites cordes; et pour ce qui est de son manteau, c'est un prodige que l'ayant employé à tant d'exercices de charité, il ait pu durer si longtemps; aussi était-il tout cousu de pièces. Un jour le supérieur l'ayant obligé de prendre une soutane neuve, il parut si embarrassé et même si affligé, que, par compassion pour lui, on fut contraint de lui rendre celle qu'il avait quittée.

Son amour extrême pour la pauvreté allait jusqu'à des attentions qui paraîtraient des bagatelles, si on ne remontait pas au principe qui les dirigeait. Jamais il ne prenait une chandelle entière, se contentant des bouts qu'il ramassait de tous les côtés : il n'écrivait que sur le revers des papiers dont on ne faisait plus d'usage; et pour cela il n'avait point d'autres plumes que celles qui avaient été rebutées, et qu'il accommodait de son mieux. C'était encore par le même esprit, qu'il ne se nourrissait ordinairement que des restes de pain qu'on avait recueillis sur toutes les tables ; et qu'il faisait ses plus chères délices d'aller manger à la porte au plat des pauvres.

Souvent il arrivait que …

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Message  Louis Ven 25 Sep 2015, 4:14 pm

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XV. Sa pauvreté.


(suite)


Souvent il arrivait que, revenant à jeun et tout épuisé de fatigues longtemps après midi, il ne trouvait rien pour dîner, parce que le frère cuisinier l'avait oublié. Loin de s'en plaindre, il tâchait toujours d'excuser l'officier, en disant qu'il ne fallait s'en prendre qu'à lui seul, et qu'il le méritait bien pour n'avoir pas eu le soin de se trouver avec les autres. Quelqu'un pourtant, touché de compassion de le voir ainsi négligé, voulut en avertir le supérieur. « Oh! pour cela non, je vous prie, lui dit le saint homme, eh! de quoi se plaindre? Combien y en a-t-il d'autres qui passent, non pas une seule matinée, mais plusieurs jours sans avoir un morceau de pain? » Toutes les aumônes qu'il pouvait ramasser étaient employées à secourir les pauvres: il travaillait sans cesse, s'épuisait et se privait de tout pour eux ; mais il n'aimait pas à distribuer lui-même les sommes qu'on voulait lui mettre en main. Quelques instances qu'on pût lui faire d'en prendre au moins une partie pour l'employer aux usages qu'il jugerait les plus convenables, il refusait toujours.


Dans une grande maladie qu'il eut, le capitaine Jean-François de Saint-Martin ne put le résoudre à accepter le moindre soulagement de sa part ; et comme il le conjurait avec instance de lui dire au moins de quoi il pourrait avoir besoin : « D'un peu de toile pour habiller un nègre », lui répondit-il. On lui en envoya douze aunes ; il en fit couper précisément ce qui était nécessaire, et renvoya le reste. Un jour qu'il avait consenti à ce qu'on lui envoyât une bouteille de vin dont on savait qu'il avait besoin, on lui demanda s'il le voulait blanc ou rouge ? « Les pauvres, dit-il, ne choisissent pas » ; et, dès qu'il l'eût reçue, il la fit porter à un autre religieux de la maison qui n'était pas aussi malade que lui. Sa délicatesse allait si loin sur cet article, que, même dans la plus grande nécessité, jamais il ne voulut toucher, ni aux conserves, ni aux autres petites douceurs qu'on a coutume de donner aux infirmes.

A suivre : XVI. Son obéissance.

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Message  Louis Sam 26 Sep 2015, 11:59 am

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XVI. Son obéissance.


Persuadé que la perfection de l'homme consiste à faire la volonté de Dieu, et que le bonheur du religieux est d'être sûr de la faire toujours, s'il le veut, le Père Claver porta l'obéissance propre de son état à un point où il est bien rare et bien difficile d'atteindre. Voici encore ce qu'on a trouvé de lui sur cet article, dans quelques notes écrites de sa main: « Dans la vie religieuse il n'y a point de route plus courte, pour arriver à la perfection, que celle de l'obéissance aux supérieurs: ainsi je m'en rapporte plus à une seule de leurs paroles, qu'à cent révélations particulières. Quand le supérieur m'ordonnera quelque chose de difficile, j'élèverai mon cœur à Dieu ; je me représenterai que lui-même me le commande ; et sans rien répliquer, je lui obéirai avec la promptitude des anges, en le remerciant de ce qu'il daigne se servir de moi, pour exécuter ses volontés. »

Il agissait conformément à ces grands principes, et le respect qu'il portait à ceux qui avaient autorité sur lui, était pareil à celui qu'il avait pour Dieu même. Ses amis les plus intimes et les plus familiers n'étaient plus pour lui que des objets de vénération, dès qu'ils devenaient ses supérieurs. Il n'envisageait en eux que celui dont ils tenaient la place ; et, comme tout supérieur, quel qu'il pût être, était égal pour lui à cet égard, on peut dire que par là il n'en changeait jamais. Il ne paraissait devant eux que comme le dernier des novices, dans la posture la plus respectueuse, le bonnet à la main, les yeux baissés, l'esprit attentif au moindre signe de leur volonté ; sans que, ni difficultés, ni péril même, fût capable de le faire balancer un moment, dès qu'il l'avait aperçue. Au reste, son obéissance et son respect ne se réduisaient pas à exécuter les ordres de ses supérieurs, tout son cœur leur était ouvert, et il leur faisait un détail exact de ses oraisons, de ses pénitences, des moindres mouvements de son âme, en les suppliant de le conduire et de le réformer de la manière qu'ils le jugeraient à propos. Lui qui était en cela un si grand maître pour les autres, il ne croyait pas pouvoir rien décider comme il faut pour lui : il avait alors pour maxime que, comme jamais on ne se voit bien soi-même, jamais aussi on ne se juge bien soi-même ; et qu'ainsi on a besoin du jugement, comme des yeux d'autrui.

Pour se mieux assurer de cette parfaite obéissance, les supérieurs voulurent quelquefois la mettre aux plus fortes épreuves. Un jour, après lui avoir fait une très sévère réprimande pour une bagatelle, on lui commanda de demeurer à genoux, jusqu'à ce qu'on lui donnât d'autres ordres. Quoiqu'il fût déjà fort âgé et fort infirme, il y resta près d'une heure, témoignant beaucoup de joie de cette mortification, et déterminé à y rester un jour entier jusqu'à ce qu'on changeât sa pénitence.

Le supérieur, dont on a déjà parlé, lui ayant ordonné de changer absolument de méthode dans l'instruction des nègres, et d'abandonner même certaines pratiques dont il avait jusqu'alors recueilli un très grand fruit, il obéit sur-le-champ, sans rien dire que ces paroles, aussi propres à marquer son humilité que son obéissance : « Il faut que je sois bien misérable de ne pouvoir faire un peu de bien, sans occasionner beaucoup de mal et sans troubler toute la maison ; mais c'est le propre d'un ignorant, d'un indiscret et d'un pécheur comme moi. »

Une autre fois…

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Message  Louis Dim 27 Sep 2015, 12:06 pm

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XVI. Son obéissance.

(suite)


Une autre fois, étant allé faire mission à Tolu, bourg assez éloigné de Carthagène, où il avait déjà publié les indulgences ordinaires, il reçut une lettre de son recteur qui lui mandait de revenir au collège. Le curé du lieu, les officiers et les soldats, affligés de le perdre, firent tous leurs efforts pour l'arrêter quelques jours, jusqu'à ce qu'ils eussent écrit au recteur ; ils lui représentèrent que la désolation de tout le peuple, la perte de tant d'âmes qui paraissaient bien disposées à profiter de ses travaux, le temps qui était alors extrêmement pluvieux et les mauvais chemins, seraient des excuses suffisantes et des raisons auxquelles son supérieur ne résisterait pas. Mais, quoi qu'on pût lui dire, et quelque douleur qu'il eût lui-même de voir ses travaux inutiles et tant de fruits perdus, il n'écouta rien, il se mit en chemin et se rendit à Carthagène pour le jour marqué. Il semble que Dieu voulut récompenser son obéissance par une protection particulière ; car dès qu'il fut en chemin, la pluie, qui jusque-là avait été continuelle et abondante, cessa tout à coup.

Ce n'était pas seulement aux supérieurs, c'était à tous les officiers de la maison qu'il obéissait, comme à Dieu, dans tout ce qui regardait leur office. S'il entrait dans la cuisine pour y rendre quelque service, il se découvrait et, les yeux baissés, il priait humblement le cuisinier de lui dire ce qu'il voulait qu'il fît. Quand il était chargé de préparer le réfectoire, il n'arrangeait pas la moindre chose sans l'ordre de l'officier qui en avait le soin. Au premier signal que donnait le portier, il accourait en lui disant : « Que m'ordonnez-vous, mon frère? » Le sacristain, sûr de le trouver toujours à ses ordres, avait recours à lui pour tout ce qui demandait le ministère d'un prêtre. Quand il sortait en ville, il n'avait point d'autre volonté que celle de son compagnon, qui déterminait à son gré, et le chemin qu'il fallait prendre, et la manière d'aller. S'il entrait dans le quartier des novices, il demandait les ordres de celui qui y présidait, et le respectait alors comme son supérieur. Enfin sa passion d'obéir, si on peut employer ce terme, était si forte que, quand il était obligé d'aller en mission, sans autre compagnon qu'un nègre qui lui servait d'interprète, ne pouvant se résoudre à se gouverner lui-même, il donnait à cet esclave toute autorité sur lui, pour avoir le mérite de l'obéissance : c'était lui qui réglait l'ordre de la marche, les repos qu'il fallait prendre, les habitations où l'on devait aller.

De ce grand principe de la plus parfaite obéissance, partait son attachement et son exactitude à toutes les règles établies par saint Ignace ; et ceux qui furent les plus attentifs à examiner sa conduite, furent forcés d'avouer que jamais ils ne l'avaient vu manquer à la plus légère observance. Dans la multitude de ces règlements, il y en a quelques-uns qui paraissent peu importants en eux-mêmes, et d'ailleurs très assujettissants ; mais sa vigilance et son courage suppléaient à tout ; de sorte que quand, en sortant de la maison, il oubliait par hasard de se marquer à la porte, accablé du grand nombre de personnes qui voulaient alors lui parler, dès qu'il s'apercevait de son oubli, il retournait sur ses pas pour obéir à ce que la règle prescrit sur cet article.

Il était toujours le premier à se trouver où le signal de la communauté l'appelait. Si on lui remettait quelque lettre sans avoir été décachetée, il était sensiblement affligé de voir que les supérieurs ne lui donnassent pas lieu, en la lisant les premiers, de pratiquer la subordination et la dépendance. A plus forte raison n'écrivait-il jamais sans leur avoir montré ses lettres ; et il était si exact sur cet article, qu'ayant eu ordre de son général d'écrire pour quelque affaire particulière à un autre jésuite des Indes, et ne pouvant montrer la lettre au supérieur de la maison, il alla la porter au provincial, qui était pour lors à Carthagène.

A suivre : XVII. Son humilité profonde.

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Message  Louis Lun 28 Sep 2015, 10:51 am

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XVII. Son humilité profonde.

Tant de vertus éclatantes étaient fondées sur une humilité si profonde, qu'il n'y avait à ses yeux rien de plus petit, ni de plus vil que lui-même. On a déjà vu les efforts qu'il fit auprès de ses supérieurs, pour les engager à le laisser servir dans la Compagnie, en qualité de simple frère coadjuteur. Quelque propre qu'il fût, par la beauté de son esprit, la singularité de ses talents et sa capacité éprouvée, à remplir les emplois les plus élevés, soit dans la chaire chrétienne, soit dans les écoles théologiques, soit même dans le gouvernement, il se borna toujours à son premier ministère auprès des nègres, des pauvres et des malades, sans que jamais il lui vînt en pensée qu'il fût bon à autre chose.

Il n'oubliait rien de ce qui pouvait contribuer à le faire regarder comme le dernier des hommes. Deux fois par semaine, il allait par la ville chargé de linge, de draps et de toutes sortes de provisions pour les prisonniers ou les malades, et quand en chemin il rencontrait un infirme ou un impotent, il le chargeait sur ses épaules, jusqu'à ce qu'il lui eût trouvé un asile sûr et commode. On sait qu'un de ses plaisirs était de manger à la porte avec les pauvres, au même plat et à la dernière place ; mais il ne se contentait pas de cette humiliante situation. Après le repas, il leur aidait lui-même à laver, il rinçait les vases, nettoyait les plats, appropriait les sièges, balayait la place ; en un mot, il faisait tout ce qu'on aurait pu exiger du dernier des esclaves.

La moindre marque d'estime l'affligeait, et les honneurs étaient pour lui ce que sont pour un homme superbe les affronts les plus sanglants : c'est pour cela qu'il fuyait le commerce des riches et des grands, et que sa conversation la plus ordinaire était avec les petits, les pauvres et les simples. Quand quelque personne distinguée voulait l'avoir dans sa maison, il fallait user d'adresse et de détour pour l'y attirer, en lui faisant entendre qu'il y avait quelque nègre ou quelque infirme qui avait besoin de lui : mais, dès qu'il s'apercevait qu'on l'avait trompé, il contrefaisait le simple et l'ignorant, sans vouloir dire une parole. Si on paraissait curieux de l'entendre parler de Dieu : « Voici, répondait-il en se retirant, un Père qui vous dira de meilleures choses que moi »; il priait alors son compagnon de faire une petite exhortation à toute la famille, tandis que de son côté il allait chercher les pauvres esclaves, pour leur faire le catéchisme.

Lorsqu'on faisait quelque sermon au collège de Carthagène, ce qui en Carême arrivait trois fois par semaine, il se plaçait, enveloppé de son manteau, dans l'escalier qui conduisait de la cour à la tribune, pour être foulé aux pieds de tous les passants ; et là, par de ferventes prières, il attirait les bénédictions du ciel sur les discours du prédicateur.

L'esprit d'orgueil et de mensonge ne put souffrir…

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Message  Louis Mar 29 Sep 2015, 11:28 am

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XVII. Son humilité profonde.


(suite)


L'esprit d'orgueil et de mensonge ne put souffrir, d'un côté, tant d'humilité dans ce saint homme, et de l'autre tant d'ardeur dans le peuple à entendre la parole de vérité; et il donna à cette occasion une preuve de sa rage, dont le P. Claver faillit être la victime. On avait coutume de placer la chaire près de la porte, afin que les femmes, qui étaient au dehors de l'église, pussent entendre aussi facilement que les hommes, qui en occupaient le dedans. Un jour que l'auditoire était plus nombreux qu'à l'ordinaire, on vit en l'air un gros nuage fort obscur, qui faisait un bruit pareil à celui d'un char roulant avec impétuosité sur le pavé. Au milieu du sermon, l'orage crève tout à coup sur le prédicateur, qu'on est obligé de remporter tout trempé et tout effrayé à la sacristie. Dans le premier moment de la frayeur générale, chacun chercha à fuir de son côté; mais comme les uns voulaient sortir de l'église, tandis que les autres voulaient y entrer, le tumulte devint bientôt effroyable ; dans l'impossibilité de sortir, on courut en désordre au pied des autels, pour embrasser les images et réclamer le secours du ciel. D'autre part, ceux qui étaient dans la tribune se précipitent en foule par l'escalier où se trouvait le P. Claver, qui en un moment est renversé par terre, foulé aux pieds, et emporté par le torrent, tout couvert de boue et de sang, jusqu'à la chapelle de la Vierge. Là, étant revenu à lui et le tumulte s'étant apaisé, il sut si bien persuader aux auditeurs que tout ce ravage était un effet de la jalousie et de la fureur du démon, que l'empressement à venir entendre la parole de Dieu ne fit qu'augmenter, et que les fruits en furent dans la suite plus abondants que jamais.

Tranquille et patient en toute autre circonstance, il ne perdait quelque chose de sa douceur ordinaire que quand on lui témoignait avoir trop bonne opinion de lui. Ayant un jour donné l'aumône à une pauvre femme qu'il rencontra sur son chemin, en accompagnant son petit présent de quelques avis salutaires pour le bien de son âme, la femme, également charmée de sa charité et de ses discours, se jeta à ses pieds, en s'écriant : « Ah ! saint P. Claver, ce qu'on dit à Lima est bien vrai, que Dieu avait pardonné à Carthagène, en votre considération. » A ces mots, le saint homme confus, troublé et comme hors de soi : « Allez, lui répondit-il avec émotion, vous ne savez ce que vous dites, et si jamais j'apprends que vous débitez de pareilles visions, je vous ferai chasser de la ville. Demandez pardon à Dieu de votre imprudence. » De tout le reste du jour, il n'osa pas lever les yeux ; et il courut promptement à l'hôpital, pour expier par de nouvelles humiliations des éloges dont sa modestie lui faisait un crime.

Cette conduite n'a rien qui doive surprendre dans un homme qui se regardait de bonne foi comme le plus indigne des pécheurs. On est quelquefois étonné que les saints puissent, sans pécher contre la vérité, penser d'eux-mêmes d'une façon aussi désavantageuse ; mais il n'y a rien en cela que de très simple et de très naturel. Comme ils sont uniquement attentifs à la grandeur et à la pureté infinies de Dieu, dès qu'ils rabattent les yeux sur eux-mêmes, ils n'y trouvent qu'impureté et que misère. C'est ce que le P. Claver a si bien exprimé dans un écrit qui nous est resté de lui.

« L'âme véritablement humble, dit-il, s'élève de toutes ses forces à Dieu, d'où elle aperçoit sa sainteté, et son amour infini pour les hommes : rentrant ensuite en elle-même, elle voit la distance infinie de lui à elle; et à la faveur de la divine lumière qui l'éclaire, elle découvre ses propres taches : comme à la clarté des rayons du soleil, qui passent par une fenêtre, on aperçoit les atomes qui volent dans l'air. »

C'est encore cette connaissance réfléchie de Dieu et de lui-même, qui lui inspirait la sainte frayeur dont il était saisi devant la majesté divine; comme s'il eût été le plus endurci de tous les pécheurs, il se rappelait sans cesse la pensée de la mort du jugement et de l'enfer.

« Prends garde, se disait-il alors à lui-même, d'abuser plus longtemps des grâces de ton Dieu, et d'être parmi tes frères comme un Judas parmi les apôtres. Considère bien que ceux qui sont entrés avec toi en religion courent à grands pas dans la route de la perfection, tandis que tu restes toujours ingrat, toujours pécheur. »

Pénétré de ces sentiments…

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Message  Louis Mer 30 Sep 2015, 12:03 pm

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XVII. Son humilité profonde.


(suite)


Pénétré de ces sentiments, il avait coutume de dire qu'il n'était qu'un misérable ver de terre ; et que si on le connaissait bien, on le fuirait avec horreur, comme on fuit un cadavre pourri. Aussi ne croyait-il jamais en faire assez pour expier ses iniquités. Un jour qu'il se déchirait par une rude et sanglante discipline, le supérieur qui passait près de sa chambre, y entra pour lui dire de modérer ses austérités ; et l'ayant encore trouvé avec une couronne d'épines sur la tête, et un frein à la bouche, il le reprit de son indiscrétion et de ses excès. « Ah ! mon Père, lui répondit le P. Claver en soupirant, c'est que j'ai contracté tant de dettes, qu'il ne m'est pas possible de les acquitter.» Tout ce qu'il voyait lui servait à se confondre lui-même, et à s'abîmer dans son néant. A la vue du ciel et des étoiles : « Hé quoi ! s'écriait-il, tant et de si nobles créatures font la volonté de Dieu, sans résistance, et un ver de terre comme moi y résiste sans cesse. »

S'il jetait les yeux sur une campagne émaillée de fleurs: « Ah! ingrat, se disait-il, après tant d'influences célestes, tu ne produis encore que des épines. »

Si c'était une mare d'eau sale et bourbeuse : « Ainsi, ajoutait-il, l'eau pure de la grâce s'est-elle corrompue dans mon cœur impur. »

Voyait-il mettre un morceau de fer au feu. « C'est ainsi, reprenait-il encore, qu'il faudrait me purifier dans le feu, pour éviter celui de l'enfer : si vous ne me traitez ainsi, ô mon Dieu ! jamais vous n'amollirez la dureté de mon âme. »

Le priait-on de recommander une affaire à Dieu ? « Bon moyen de la perdre», répondait-il.

Quand il assistait les criminels condamnés à mort, il les embrassait, en leur disant avec tendresse : « Hélas ! mon frère, que ne suis-je comme vous, et à vos pieds. Emmenez-moi avec vous, et ne me laissez pas plus longtemps dans ce misérable monde. »

Il faudrait entrer dans tout le détail de sa vie, pour bien connaître tous les traits singuliers de son humilité. Quelque raison qu'il eût de faire une chose, il approuvait toujours ceux qui y trouvaient à redire. Non content d'avoir gardé le silence devant le sacristain qui avait pris parti contre lui, en faveur de cette femme mondaine, dont on a déjà parlé, le lendemain il descendit à la sacristie, tira le frère à l'écart, se jeta à ses pieds, et les baisa, comme pour obtenir le pardon de sa faute.

Mais son adresse à cacher ses vertus, et surtout son humilité, n'était pas moins étonnante que son humilité même…

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Message  Louis Jeu 01 Oct 2015, 12:03 pm

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XVII. Son humilité profonde.


(suite)


Mais son adresse à cacher ses vertus, et surtout son humilité, n'était pas moins étonnante que son humilité même. Comme il choisissait la nuit pour ses mortifications et ses oraisons extraordinaires, il arrivait quelquefois que le recteur du collège, qui se confessait à lui, vienne l'interrompre en ces moments où il croyait être seul, et le trouvait occupé à ses exercices de pénitence ou abîmé dans quelque ravissement. L'humble serviteur de Dieu, confus de se voir surpris dans cet état, ne put une fois s'empêcher de s'en plaindre au supérieur et de le prier, ou de prendre un autre temps, ou de se choisir un autre confesseur. A tout ce qu'on lui voyait faire d'extraordinaire, il savait donner une explication propre à le dégrader dans l'opinion commune.

Si on le louait de son zèle et de son activité pour la gloire de Dieu et le salut des âmes : « C'est ce que je devrais avoir, disait-il bonnement, mais il n'y a là que de l'amour-propre : c'est en moi l'effet d'un tempérament ardent et impétueux qui, sans ces occupations, se trouverait bien embarrassé et deviendrait insupportable aux autres et à moi-même. »

Si on paraissait étonné qu'il mît son plaisir à converser avec les nègres et le plus bas peuple : à l'entendre, c'était un orgueil secret qui le faisait agir, parce que les pauvres et les idiots étaient moins en état que les autres de découvrir ses défauts.

Si on lui parlait de cette mortification prodigieuse qui le portait à panser et à baiser même les plaies les plus dégoûtantes : il tournait la chose en badinant : « Si pour être un saint, disait-il alors, il ne s'agit que de n'avoir point de goût et d'être muni d'un fort estomac, il faut avouer que je puis l'être. »

C'est encore par le même principe qu'il attribuait toutes les merveilles qu'on lui voyait opérer, à une relique, à une médaille, au bois salutaire de la croix, aux prières ferventes des assistants, ou même à quelques petits remèdes qu'il donnait de temps en temps et qui, par eux-mêmes, n'avaient aucune vertu particulière.

On ne peut mieux terminer cet article que par une maxime qu'on trouva dans ses écrits, et où il avait tracé son portrait.

« L'homme qui est vraiment humble, désire le mépris ; mais sans chercher à paraître humble, il cherche à paraître digne d'être humilié. Il s'assujettit à tous, il obéit à tous et il ne reprend personne. Il souhaite que tous le méprisent et le maltraitent, et que ceux qui le font souffrir soient persuadés qu'il le souffre, non parce qu'il est humble, mais parce qu'il est en effet très méprisable. Ainsi quand on nous traite avec mépris, nous devons souhaiter qu'on pense que nous sommes extrêmement confus et affligés de nous voir maltraités ; tandis qu'au fond du cœur nous en sommes très charmés, par le principe de la sainte haine que nous devons avoir pour nous-mêmes. »



A suivre : XVIII. L'idée et l'estime qu'on a de sa sainteté à Carthagène.

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Message  Louis Ven 02 Oct 2015, 12:43 pm

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XVIII. L'idée et l'estime qu'on a de sa sainteté à Carthagène.

Telles sont les vertus héroïques dont le P. Claver donna l'exemple à Carthagène, sans jamais se démentir, pendant près de quarante années. C'est par là que, malgré les contradictions, les persécutions même auxquelles les serviteurs de Dieu sont toujours exposés, il obtint les succès prodigieux qui lui acquirent le titre d'apôtre des Indes occidentales, et que d'une ville toute corrompue, il fit une ville sainte, où l'on vit pendant quelque temps fleurir la piété des premiers chrétiens. C'est par là qu'il opéra tant de conversions et de choses merveilleuses, que toute cette contrée retentissait de ses éloges. L'idée et l'estime qu'on avait conçue de sa sainteté devint si grande et si universelle que tous les ordres, tous les états et tous les âges s'empressaient de lui donner des marques de leur vénération, de leur confiance et de leur tendresse. Les évêques et les grands vicaires de Carthagène, en lui accordant tous les pouvoirs nécessaires à ses fonctions apostoliques, se faisaient un plaisir de lui confier le soin de leur troupeau ; et plusieurs autres prélats, qui de temps en temps abordaient en cette ville, ne manquaient pas de venir lui recommander les âmes dont la Providence les avait chargés. Les généraux d'armée, les commandants des flottes et toutes les personnes les plus distinguées venaient le voir à leur arrivée, n'entreprenaient rien d'important pendant leur séjour sans lui avoir demandé le secours de ses prières, et allaient prendre congé de lui à leur départ, pour obtenir l'heureux succès de leur voyage.

Le marquis de Mancera étant revenu de sa vice-royauté du Pérou pour retourner en Espagne, ne voulut point partir sans voir le P. Claver, et, en lui baisant la main, il le pria de lui donner en souvenir quelque chose qui eût été à son usage. L'humble religieux répondit qu'il n'avait rien qui pût lui être utile : mais le recteur ayant demandé à un frère qui était présent s'il n'avait rien qui eût appartenu au P. Claver, et le frère ayant répondu qu'il avait une croix de bois ornée de quelques reliques, il la fit donner au marquis : celui-ci l'ayant prise avec beaucoup de marques de reconnaissance, l'adora, la mit sur sa tête et protesta qu'il en faisait infiniment plus de cas que de la toison d'or dont il était décoré. « Monseigneur, lui dit alors le saint homme, je vous cède là toute ma consolation et ma médecine. » C'était en effet la même croix, qui lui avait servi à opérer tant de prodiges, tant de guérisons et même à ressusciter un nègre.

Les gouverneurs de la ville, de concert avec la noblesse, venaient souvent lui recommander le salut de Carthagène et de ses citoyens. Les ecclésiastiques et les prêtres se faisaient un devoir de le consulter sur les cas de conscience les plus épineux, et ils écoutaient ses décisions comme des oracles. Les religieux s'adressaient à lui, comme au modèle le plus accompli de la vertu, de la perfection propre de leur état. Les négociants ne pouvaient se résoudre à s'embarquer sans avoir reçu sa bénédiction ; et leur premier soin, à leur retour, était de s'informer de ses nouvelles. En un mot, les personnes de toute condition et de tout rang avaient une si haute idée de son crédit auprès de Dieu et de ses lumières, qu'il était rare de les voir former quelque entreprise considérable sans être venus lui demander le secours de ses prières et de ses conseils. Dieu se servait même de la bouche innocente des plus petits enfants, pour rendre un témoignage éclatant à la vertu de son serviteur. Quand, au sortir de leurs écoles, ils le rencontraient dans la rue, ils venaient en foule se jeter à genoux devant lui, et chacun d'eux s'écriait, en lui baisant la main : « Saint Père Claver, recommandez-moi à Dieu. » Le bruit s'était répandu dans les Indes, et surtout à Lima, qu'une personne très vertueuse avait appris, par révélation, que Dieu aurait abîmé Carthagène, sans les prières et les mérites de son apôtre : de manière que, pendant plusieurs années, on entendit les enfants chanter dans les rues : « Pour un Claver, Dieu a conservé Carthagène. »

Les témoins domestiques sont les moins suspects en ce genre, parce qu'ils sont ordinairement les plus difficiles à contenter…

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Message  Louis Sam 03 Oct 2015, 12:15 pm

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XVIII. L'idée et l'estime qu'on a de sa sainteté à Carthagène.


(suite)


Les témoins domestiques sont les moins suspects en ce genre, parce qu'ils sont ordinairement les plus difficiles à contenter. Comme ils voient les choses de plus près, que nul défaut n'échappe à leurs yeux, qu'ils prétendent bien avoir acquis les vertus que leur état exige d'eux, et qu'ils se familiarisent, pour ainsi dire, avec les saints, ils cessent enfin d'admirer ce qu'ils ont coutume de voir. Mais tout ce qu'on aperçut dans le P. Claver, tout le temps qu'il demeura au collège de Carthagène, ne servit qu'à confirmer, qu'à augmenter même la haute opinion qu'on avait de sa sainteté. Si, pour éprouver la patience de son serviteur, Dieu permit quelquefois qu'il fût en butte à la censure et aux contradictions de ses propres frères, il n'y en eut pas un seul qui ne se repentît bientôt des petites persécutions qu'ils lui avaient fait essuyer; et tandis même qu'à l'extérieur ils paraissaient oublier les égards qu'il méritait, les sentiments respectueux de leur cœur démentaient les paroles indiscrètes de leur bouche. Les supérieurs, de concert avec les inférieurs, ne pouvaient se taire sur les merveilles de sa sainteté ; et les éloges qu'ils ne se lassaient point d'en faire, aussi bien que l'attention qu'ils avaient à se recommander à ses prières, faisaient souffrir infiniment son humilité.

Ils donnèrent une preuve bien convaincante de leurs sentiments à cet égard, dans une grande maladie que le Père eut à Carthagène vingt ans avant sa mort : comme on avait été obligé de le saigner, ils firent recueillir son sang avec beaucoup de soin, et chacun des Pères de la maison voulut en recevoir quelques gouttes sur des linges propres, qu'ils gardèrent toujours depuis avec respect. Tout le monde s'empressait d'avoir de ses reliques, même pendant sa vie ; on demandait à ceux qui le rasaient une partie de sa barbe et de ses cheveux : les maîtres des esclaves nègres ramassaient précieusement les billets où il attestait qu'ils s'étaient confessés, pour en retenir la signature ; et on se servait ensuite de tout cela, pour opérer des guérisons miraculeuses.

A tant de témoignages si honorables à la mémoire de cet apôtre j'ajouterai celui de D. Pèdre de Zapata, qui avait été deux fois gouverneur de toute la province de Carthagène. Dans les informations juridiques qu'il fit lui-même commencer peu après la mort du Père, il atteste : « Que la réputation de la sainteté du P. Claver était si grande et si universellement répandue, qu'on le regardait comme la colonne et le soutien de l'État ; que tout le monde le comblait d'éloges ; que dans une ville où les jésuites avaient beaucoup d'ennemis, jamais il n'avait entendu personne dire du mal de lui ; que, du reste, il lui était impossible de se rappeler toutes les vertus et les actions héroïques dont il avait été le témoin, aussi bien que tous les miracles opérés par son intercession ; mais que tout ce qu'il avait vu ou entendu de lui, égalait tout ce qu'on rapporte des saints reconnus et honorés comme tels dans l'Église catholique. »

A suivre : LIVRE SIXIÈME.

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Message  Louis Dim 04 Oct 2015, 12:49 pm

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LIVRE  SIXIÈME.

Il y avait déjà trente-six ans que le P. Claver édifiait Carthagène par ses exemples et par ses vertus, qu'il la sanctifiait par son zèle et par ses travaux, et que, sans presque sortir de son enceinte, il était regardé comme l'apôtre de toutes les Indes occidentales ; épuisé de fatigues, consumé d'austérités, il était sur le point d'aller recevoir la récompense destinée à tant de mérites ; mais Dieu voulut encore purifier cette victime, pour la couronner bientôt avec plus de gloire. Il contracta, dans les exercices même de la plus héroïque charité, une maladie dangereuse qui fut suivie d'une infirmité habituelle de quatre années, pendant lesquelles il n'eut plus d'autre emploi, jusqu'à la mort, que celui de prier et de souffrir.

I. Il va secourir les pestiférés le long des côtes de la province, revient malade à Carthagène, et guérit contre toute espérance


On apprit à Carthagène que la peste, après avoir désolé la Havane, Porto-Rico et Vera-Cruz, s'était répandue sur les côtes de la terre ferme, où elle faisait de grands ravages. Animé d'un zèle plus vif que jamais, et d'un courage au-dessus de ses forces, après s'être déjà épuisé de travail à Carthagène pour disposer les habitants de la ville au jubilé de l'année 1650, le P. Claver voulut parcourir les habitations répandues le long des côtes pour y disposer les cœurs à profiter de la même grâce. Les fruits de la mission furent aussi abondants qu'il pouvait le désirer : mais comme la peste continuait toujours, il redoubla ses prières, ses mortifications, ses jeûnes, ses disciplines pour fléchir par sa pénitence la colère du ciel ; et il le fit avec si peu de ménagements, qu'enfin il y succomba. Son supérieur, informé de l'état où il se trouvait, lui envoya ordre de revenir ; il obéit sans répliquer. Il parut à Carthagène, si décharné et si abattu qu'on ne pouvait le considérer sans être touché de compassion.

Il régnait alors en cette ville une singulière maladie contagieuse qui enlevait tous les jours un grand nombre de personnes : plusieurs jésuites en moururent, et le P. Claver, qui était déjà malade, en fut attaqué des premiers. S'il ressentit alors quelque chagrin, ce ne fut pas de souffrir, c'était pour lui un vrai sujet de joie, mais de se trouver par là hors d'état d'aller assister les malades, dont la multitude augmentait de jour en jour. Bientôt il fut réduit à une telle extrémité, qu'on jugea à propos de lui donner le saint viatique : il voulait se prosterner en terre pour le recevoir avec plus de respect ; mais on arrêta les mouvements de sa ferveur, dans la crainte de le voir expirer de faiblesse. On peut aisément s'imaginer quels furent les sentiments de sa piété à la vue de son Sauveur, qu'il avait jusqu'alors uniquement aimé sur la terre, et auquel il espérait de se réunir bientôt dans le ciel. « Ce sont, disait-il alors en versant beaucoup de larmes, ce sont mes péchés qui ont attiré la peste dont cette ville est affligée, et Dieu ne veut plus se servir de moi, parce que j'ai toujours été le plus indigne de ses ministres. » Ces paroles sorties de la bouche d'un homme si saint et si humble, tirèrent des larmes des yeux de tous les assistants. On n'attendait plus que le moment où il expirerait ; mais le Seigneur, pour la consolation de Carthagène, voulut lui conserver encore quelque temps son ange tutélaire. Il revint peu à peu contre toute espérance, et au grand étonnement de tous ceux qui voyaient un vieillard infirme et consumé d'austérités, résister à la violence d'une contagion qui emportait les plus jeunes et les plus robustes. Tant qu'il fut obligé de garder le lit, son esprit fut toujours élevé à Dieu. Le F. Gonzalez, qui allait souvent le visiter, le trouvait sans cesse en oraison ; et quand il lui recommandait de prier pour les malades de Carthagène. « Très volontiers », répondait-il ; ou bien : « C'est ce que je faisais actuellement. » Aussi plusieurs personnes attribuèrent-elles leur guérison aux prières de ce saint homme.

Quoiqu'il fût hors de danger, jamais il ne revint bien de sa maladie, ni ne put rétablir ses forces. Il lui resta dans tous les membres un tremblement violent et continuel, qui lui ôta le libre usage des pieds et des mains. Il se vit ainsi privé de sa plus douce consolation, ne pouvant dire la messe ; il fallait même lui porter à la bouche le peu de nourriture qu'il prenait ; mais ce qu'il y a de plus prodigieux, c'est que ses mains cessaient de trembler et semblaient reprendre une nouvelle force, quand il voulait se donner la discipline à ses temps ordinaires. On eût dit que la faiblesse de son corps avait donné une nouvelle vigueur à son esprit. Comme il ne pouvait plus ni marcher, ni se lever tout seul, il était obligé de se faire habiller par un nègre à qui il recommandait de lui attacher tous ses cilices ; et en cet état, aidé de ce nègre ou s'appuyant sur un bâton, il se traînait jusqu'à l'église : quand il ne le pouvait pas, il s'y faisait porter pour y entendre la messe et pour y communier avec une ferveur qui ne se ressentait en rien de ses infirmités. Il se confessait chaque jour avec de grandes marques de douleur. Mais tant qu'il put faire un pas, jamais il ne souffrit que son confesseur vînt dans sa chambre ; il se mettait même toujours par humilité à la table des laïques, pour communier ; prenant alors, pour cette action, la pauvre étole qui lui avait si longtemps servi dans ses missions.

A suivre : II. Ses occupations pendant les quatre dernières années de sa vie.

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Message  Louis Lun 05 Oct 2015, 12:16 pm

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II. Ses occupations pendant les quatre dernières années de sa vie.

Malgré la triste situation où il se trouvait, le zèle dont il était dévoré ne lui permettait pas d'être tout à fait inutile au prochain. Après avoir satisfait à sa dévotion particulière par la réception des sacrements, au lieu de retourner à sa chambre, il confessait encore à l'église jusqu'à ce que les forces lui manquassent totalement ; et alors il conjurait le sacristain de l'appeler quand il trouverait quelqu'un qui eût besoin de confesseur, ou du moins de le lui envoyer dans sa chambre ; et dès qu'il s'agissait d'aller au secours de quelque pauvre esclave, ou d'un malade abandonné, il trouvait dans son courage assez de forces pour se faire porter dans les Hôpitaux, ou dans les cabanes des nègres.

Un vaisseau chargé d'esclaves de la nation des Ararais, qui est la plus féroce de toutes, étant arrivé à Carthagène, il se trouva qu'aucun d'eux n'avait reçu le baptême, parce qu'il n'y avait point de chrétiens dans leur pays, et que d'ailleurs l'aumônier du navire était mort dans le trajet. A cette nouvelle, le saint missionnaire parut oublier pour un temps toutes ses infirmités ; mais l'embarras était de trouver des interprètes, parce que, depuis plus de trente ans, il n'était point venu de nègres de cette nation. Après avoir instamment recommandé cette affaire à Dieu, il trouva heureusement ce qu'il cherchait, et se fit aussitôt transporter à leurs logements. A peine ces pauvres gens l'eurent-ils aperçu, que par une secrète impression d'amour et de respect, comme s'ils eussent été inspirés du ciel, ils coururent tous se jeter à ses pieds : le saint homme, de son côté, leur fit mille caresses ; et, comme depuis longtemps il désirait la conversion de cette espèce de nègres, il en prit des soins extraordinaires. Avant que de les quitter, il voulut baptiser lui-même tous les enfants ; et pour l'instruction des adultes, il laissa un catéchisme qu'il avait eu soin de faire traduire en leur langue. Ces derniers enfants qu'il venait de donner à l'Église et qu'il regardait comme le fruit de sa vieillesse, semblèrent le ranimer encore pour quelque temps.

A suivre : III. Il va dire le dernier adieu aux lépreux et prédit à une dame le retour de la peste.

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Message  Louis Mar 06 Oct 2015, 10:30 am

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III. Il va dire le dernier adieu aux lépreux et prédit à une dame le retour de la peste.


Comme son cœur était toujours à l'hôpital de Saint-Lazare, il voulut profiter de ces moments pour aller prendre congé de ses chers lépreux, avant que de mourir, et les animer pour la dernière fois à la patience : il lui arriva, à ce sujet, une petite aventure bien propre à faire sentir la protection de Dieu sur son serviteur. Ne pouvant se soutenir sur ses pieds, il envoya chercher une vieille bête qui appartenait à l'hôpital, et qui depuis longtemps était la monture ordinaire du pauvre qu'on avait chargé d'aller recueillir les aumônes par toute la ville. Le cheval et tout l'équipage étaient propres à exciter la risée de la populace : il fallut même que le Père, qui ne pouvait plus s'aider lui-même, se fît attacher par un nègre sur cet animal, et dans cet état il traversa toute la ville. Quand il fut hors de la porte et à l'entrée du pont, le démon irrité de la charité d'un homme qu'il regardait comme son plus grand ennemi (du moins la chose ne parut pas naturelle à ceux qui en furent les témoins), rendit tout à coup le cheval si furieux, qu'il s'écarta du droit chemin en bondissant, sans que personne pût l'arrêter dans sa course. Au même instant il s'éleva un vent impétueux, qui ayant saisi le manteau du Père par derrière, le lui laissa suspendu au cou, de manière à l'entraîner par terre. Tous les Espagnols et les nègres accoururent avec des bâtons pour arrêter le fougueux animal, tandis que D. Pèdre d'Estrada, qui de sa fenêtre voyait le danger du saint homme, donnait ordre aux gens d'aller le secourir : mais tous leurs efforts étant inutiles, ils en furent réduits à implorer pour lui, à grands cris, le secours du ciel. On le croyait perdu, lorsqu'enfin le cheval s'étant arrêté de lui-même, on joignit le Père, et on le trouva aussi tranquille que s'il s'était agi de tout autre que lui. On regarda comme un vrai miracle qu'un homme aussi âgé et aussi infirme, privé de l'usage de ses membres, eût pu résister ainsi, sans aucun accident, à une fougue capable de renverser l'homme le plus robuste. Alors un nègre ayant pris l'animal par la bride, conduisit le Père à son hôpital favori, où il dit le dernier adieu à ses pauvres, qui,  n'espérant plus de le revoir, fondaient en larmes, comme s'ils perdaient leur protecteur, leur ami et leur père.

C'était dans ces sorties extraordinaires, qu'il allait confesser Dona Isabelle d'Urbina, qui lui avait toujours fourni de grosses aumônes pour les pauvres. S'entretenant un jour avec elle, il lui dit que la peste, dont Carthagène venait d'être affligée, avait été salutaire à un grand nombre d'âmes et que, l'année suivante, elle reviendrait pour le profit de beaucoup d'autres, qui, la première fois, ne s'étaient pas trouvées bien préparées à la mort. « Hé quoi ! mon Père, » lui repartit la dame tout effrayée, « quoi ! encore la peste à Carthagène ? — Vous m'en direz des nouvelles au mois d'octobre », répliqua le saint homme. Cette terrible maladie qui ne manqua pas de revenir au temps marqué, ne permit plus à la dame de révoquer en doute aucune des prédictions de son directeur.

A suivre : IV. L'abandon où il se trouve dans son infirmité, et ce qu'il a à souffrir de la part d'un esclave.

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Message  Louis Mer 07 Oct 2015, 10:51 am

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IV. L'abandon où il se trouve dans son infirmité, et ce qu'il a à souffrir de la part d'un esclave.

A mesure que ses infirmités augmentaient, et que la nature s'affaiblissait, la grâce donnait de nouvelles forces à sa vertu, et il eut alors, plus que jamais, besoin de toute sa patience. Comme la peste avait réduit les jésuites à un très petit nombre, et que chacun d'eux se trouvait chargé de plusieurs emplois, ils ne pouvaient lui donner par eux-mêmes tous les secours qu'ils auraient souhaités.

Ce qu'il y a même de plus surprenant, c'est que ce grand homme, qui avait été si longtemps l'admiration, l'amour et l'oracle de Carthagène, se vit aussi tout à coup, par une permission particulière de Dieu, et par l'effet de l'inconstance naturelle aux hommes, oublié, abandonné de toutes les personnes du dehors; Isabelle et Hiéronime d'Urbina furent presque les seules qui pensassent à lui. Il se trouva donc livré à la discrétion de quelques nègres grossiers.

Celui qui était spécialement chargé de lui, était un jeune garçon aussi brusque et aussi maladroit, que s'il n'eût fait que d'arriver du milieu des sauvages. Il ne lui apportait sa nourriture, qui était celle de la communauté, que quand elle était froide, et souvent même après en avoir pris ce qui lui paraissait le meilleur. Il la lui présentait avec des mains capables de dégoûter tout autre qu'un homme habitué à manger avec les lépreux et de baiser leurs plaies ; il le laissait même quelquefois des jours entiers sans lui donner ni à boire ni à manger. A peine balayait-il sa chambre une fois en un mois ; et son infection naturelle, jointe aux restes de nourriture qu'il y laissait pourrir et à l'incommodité des moustiques et des moucherons dont elle était remplie, rendait cette demeure en quelque sorte inhabitable.

Cependant, quoi que le saint homme eût à souffrir, jamais on ne l'entendit se plaindre des mauvais traitements de son nègre : il se plaignit seulement quelquefois de ce que, pour être plus à sa liberté, il ne voulait pas l'aider à se lever et à s'habiller pour aller entendre la messe ou visiter le Saint-Sacrement.

Comme sa piété le portait à se rendre à l'église le plus souvent qu'il lui était possible, il voulait alors se lever lui-même; mais il tombait souvent de faiblesse, et quelquefois même si rudement qu'il se fit une plaie considérable à la tête. Sa chambre étant au-dessus de la sacristie, le frère accourait de temps en temps au bruit de sa chute, et le trouvant fort embarrassé à s'habiller, il s'offrait volontiers à lui rendre ce léger service ; mais le Père s'apercevant qu'il le traitait avec trop d'égards et de circonspection, faisait aussitôt appeler son nègre, qui ne manquait pas de lui fournir bientôt l'occasion de patience qu'il cherchait. Ce misérable lui faisait en effet souffrir une espèce de martyre : en l'habillant, il le secouait, le faisait heurter rudement contre le mur ou les meubles de la chambre, et le traitait avec une dureté qui tenait de la barbarie.

Cependant quoi qu'il eût à souffrir, et des manières de cet esclave, et de ses propres infirmités, jamais il ne poussa une seule plainte, jamais il ne fit paraître la moindre altération sur son visage : « Mes péchés », disait-il alors, « en méritent encore bien davantage. »

A suivre : V. On lui apporte la vie imprimée du F. Alphonse Rodriguez. — Traits singuliers de sa tendresse pour lui à cette occasion.

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Message  Louis Jeu 08 Oct 2015, 11:27 am

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V. On lui apporte la vie imprimée du F. Alphonse Rodriguez. — Traits singuliers de sa tendresse pour lui à cette occasion.


Au milieu de tant de sujets d'affliction, Dieu lui ménagea une consolation bien capable de les lui adoucir, aussi bien que de satisfaire la tendresse et la dévotion qu'il conserva toute sa vie pour son premier maître dans la vie spirituelle.

Un religieux de la maison vint un jour lui apporter la vie du vénérable F. Alphonse, imprimée depuis peu en Espagne: « Mon Père », lui dit-il en l'abordant, « voici la vie du saint F. Rodriguez qui vient de paraître ; il a voulu sans doute vous procurer du haut du ciel cette satisfaction, avant votre mort. » A cette nouvelle et à cette vue, le P. Claver transporté de joie, ne trouve point assez de termes pour le remercier : il prend le livre, et l'ayant mis avec respect sur sa tête, sur son cœur et sur ses lèvres : « Béni soit Dieu », s'écria-t-il, « qui m'a donné la consolation de voir enfin ce que j'ai si longtemps désiré ! » La vue du portrait du saint religieux qu'on avait mis à la tête de l'ouvrage, redoubla la vivacité de ses transports. On profita de cette circonstance pour lui demander quelques secrets qu'on n'aurait jamais pu tirer de lui.

On lui demanda donc s'il était vrai que le F. Alphonse lui eût prédit qu'il passerait aux Indes et en particulier à Carthagène ? Il répondit qu'il le lui avait répété plusieurs fois. On s'informa de quelques autres particularités de sa vie : il commença par cette extase prodigieuse, dont on a parlé dans le premier livre de cette histoire ; et en la rapportant, il parut entrer lui-même dans un ravissement pareil : ses yeux se fermèrent tout à coup, la parole lui manqua, et il ne put exprimer que par ses gestes les douceurs intérieures dont son cœur était inondé. Quelques moments après, le frère sacristain le voyant assoupi, se retira et remporta le livre avec lui : mais à peine fut-il sorti, que le P. Claver à son réveil, se voyant privé de son trésor, se fit promptement habiller, parce qu'il ne pouvait le faire lui-même ; et soutenu par son amour, qui lui donna des forces en ce moment, il alla à la sacristie chercher le frère, pour le prier de ne lui pas refuser la consolation de voir encore à son aise la vie et le portrait de son cher maître. Son respect ne lui permit pas alors de l'envoyer chercher par un autre, et malgré son

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extrême faiblesse, il voulut y aller lui-même, afin qu'il fût dit que, s'il devait la première lecture à son bonheur et aux attentions d'autrui, la seconde était le prix de ses soins et de sa tendresse. Quelques personnes fort attachées au collège, et entre autres D. Antoine de Bétancour, gouverneur de la Jamaïque, entrèrent en ce moment dans la sacristie ; et ils furent tous si étonnés des transports de joie du P. Claver, qu'il en prit lui-même occasion d'engager le F. Gonzalez à lire une partie de la vie de son maître, surtout les choses dont il avait été lui-même témoin, et dont il ne manquait pas de confirmer la vérité à mesure qu'elles se présentaient.

Il ne faut pas être étonné de ces empressements du P. Claver, vu la haute idée qu'il avait conçue de la sainteté de ce grand serviteur de Dieu, et les sentiments de vénération dont il avait été pénétré pour lui dès la première fois qu'il le vit. On a déjà dit qu'il avait conservé précieusement tous les écrits qu'il tenait de lui ; qu'avec la permission de ses supérieurs il en légua, avant que de mourir, une partie à un saint; religieux qu'il chérissait beaucoup, et qui l'avait accompagné durant vingt-deux ans dans ses différents ministères auprès des nègres; et qu'il envoya l'autre au noviciat de Thonga, pour former les novices à la véritable perfection.

Un des plus riches ornements de sa chambre fut l'image du F. Alphonse, qu'il avait placée dans un petit cadre de bois au chevet de son lit; il la présentait à tous ceux qui allaient le voir, et n'omettait rien pour exciter leur dévotion et leur confiance pour ce saint Frère : elle l'accompagna toujours dans ses missions ; et lorsque, quelques jours avant sa mort, tous ses petits meubles furent enlevés par la piété de ceux qui voulaient avoir quelqu'une de ses reliques, elle seule demeura toujours avec lui, comme si le F. Alphonse n'eût pas voulu abandonner à la mort un homme qui l'avait si tendrement aimé pendant sa vie.

A suivre : VI. Les forces du saint diminuent, il annonce sa mort prochaine.

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Message  Louis Ven 09 Oct 2015, 12:47 pm

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VI. Les forces du saint diminuent, il annonce sa mort prochaine.

Se trouvant réduit à ne pouvoir plus prendre que très peu de sommeil, il passait presque toute la nuit en prières, et s'entretenait avec Notre-Seigneur, d'une manière si douce et si tendre, qu'il semblait goûter par avance les délices du ciel. Il était bien aise de conserver alors de la lumière dans sa chambre, pour fixer de temps en temps les yeux sur le crucifix et sur les autres objets de sa dévotion ; mais les chandelles étant si petites qu'une seule ne suffisait pas pour toute la nuit, dès qu'elle était prête à finir, il avait soin d'avertir le nègre qui couchait dans sa chambre d'en allumer une autre. Comme ce garçon était souvent négligent à se lever, il arrivait que la lumière manquait tout à fait, et qu'il était obligé de sortir pour en aller chercher. Le nègre trouvant à son retour une autre chandelle tout allumée, et lui demandant avec étonnement d'où cela venait? « Dormez, mon fils, lui répondait le saint homme, et que cela ne vous embarrasse pas. » Ce qui est certain, c'est que, quand le Père mettait lui-même la chandelle dans le chandelier ou qu'il la donnait de sa propre main au nègre, quelque petite qu'elle fût, elle durait toujours jusqu'au jour.

Cependant le saint missionnaire s'affaiblissait de jour en jour et ne parlait plus que de sa mort prochaine. Vers le milieu de l'année 1654, il l'assura positivement à plusieurs personnes; mais celui avec qui il s'entretint le plus familièrement, fut le F. Nicolas Gonzalez, à qui il déclara nettement qu'il mourrait un jour de fête de la sainte Vierge. Ce fut dans cet intervalle que les galions arrivèrent à Carthagène, sous les ordres du marquis de Montalègre.

Le P. Claver ayant appris que le P. Diégo de Farigna venait d'arriver avec les galions pour lui succéder dans son ministère, et qu'il était chargé par le roi de baptiser les nègres : « Ah ! s'écria-t-il, pénétré de joie, levant les yeux au ciel, et frappant la terre de son bâton, baptiser les nègres! bonne nouvelle. » Aussitôt il se lève, se traîne jusqu'à la chambre du P. Farigna, se prosterne devant lui et lui baise les pieds avec beaucoup de respect, en le félicitant du glorieux emploi auquel il était destiné. Celui-ci surpris et confus de l'honneur que lui rendait le saint vieillard, le fut encore bien davantage, quand il sut que c'était le P. Claver, si fameux à Carthagène par la grandeur de ses travaux et l'éclat de ses vertus : il se jeta à son tour aux pieds du serviteur de Dieu, en lui protestant qu'il le regarderait toujours comme son maître.

La joie du P. Claver fut un peu troublée par l'ordre que le roi avait donné d'abattre la partie du collège qui donnait sur les murs de la ville. Il ne pouvait voir sans douleur la nécessité où plusieurs de ses frères, actuellement malades, seraient de déloger bientôt, aux risques de manquer des secours dont ils avaient besoin en cet état; il pria Notre-Seigneur de lui épargner ce chagrin, et de l'enlever auparavant de ce monde. Dieu l'exauça, il lui révéla le temps précis de sa mort; et ce fut alors qu'il en avertit Dona Isabelle d'Urbina.

Ayant été la voir peu de jours avant sa mort, il lui conseilla de prendre désormais pour confesseur le P. de Farigna, arrivé depuis peu à Carthagène ; et la dame lui ayant répondu que tant qu'elle aurait le bonheur de l'avoir, elle n'en voulait point d'autre, le Père lui dit alors positivement qu'il ne pourrait plus revenir chez elle, parce qu'il devait mourir bientôt. Comme il la vit extrêmement affligée de ces paroles, il lui promit de ne la pas oublier devant Dieu. Le discours du saint directeur fit une si vive impression sur l'esprit d'Isabelle, que le P. de Farigna étant alors tombé si dangereusement malade qu'on désespérait de sa guérison, elle assura hardiment qu'il ne mourrait pas, parce que le P. Claver le lui avait donné pour confesseur. L'événement vérifia sa prédiction.

Sur le bruit qui se répandit de la mort prochaine…

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Message  Louis Sam 10 Oct 2015, 11:34 am

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VI. Les forces du saint diminuent, il annonce sa mort prochaine.


(suite)


Sur le bruit qui se répandit de la mort prochaine de ce grand serviteur de Dieu, et sur la réputation de sa sainteté, le marquis de Montalègre vint le visiter, avant que de retourner en Espagne. Après l'avoir salué respectueusement, il le pria de recommander à Dieu le succès de son voyage et l'heureux retour de la flotte espagnole, qui ne pouvait manquer de rencontrer dans sa route un grand nombre de vaisseaux ennemis. Le saint homme le rassura, en lui disant que, malgré tous les périls qu'il aurait à essuyer avant que de gagner l'Espagne, il y arriverait sans aucun fâcheux accident avec toute sa flotte. Le marquis lui ayant alors demandé quelque chose qui lui eût appartenu, le Père lui répondit d'abord qu'un pauvre tel qu'il était n'avait rien à donner, et surtout à un seigneur comme lui : mais s'étant ensuite rappelé que le marquis avait épousé la nièce de saint François de Borgia, il tira de son chapelet cette précieuse médaille de saint Ignace dont il s'était servi pour opérer une infinité de guérisons, et la lui présenta humblement. D. Pèdre de Zapata, gouverneur de la ville, qui était présent à cette entrevue, lui ayant aussi demandé quelque part dans ses prières, le Père le conjura à son tour d'avoir pitié du collège et de lui être plus favorable que son prédécesseur, qui avait sollicité les ordres pour la démolition de la maison.

Délivré de ces visites qui gênaient extrêmement sa modestie, il en reçut une autre qui fut bien plus du goût de sa piété. Ce fut celle d'un religieux de Saint-François, grand homme de bien et son fils spirituel. Ces deux saints personnages s'entretinrent longtemps des choses de Dieu, avec de grandes effusions de cœur ; et, sur la fin de l'entretien, le religieux ayant témoigné au Père son chagrin, au sujet de la démolition du collège : « Je ne la verrai pas, lui dit Claver.— Et comment cela peut-il être, reprit le franciscain, puisqu'on dit que l'on commence à démolir demain ? — C'est, ajouta le Père, que j'ai prié Notre-Seigneur de m'appeler à lui auparavant, et qu'il a eu la bonté de me le promettre. — Depuis ce moment, il s'efforça d'oublier absolument toutes les choses de ce monde, pour ne plus s'occuper que de l'éternité.

Son humilité lui suggéra de faire déchirer la signature qu'il avait mise au bas d'un grand nombre de billets, préparés dans une cassette pour être distribués aux nègres à mesure qu'il les confessait. Il chargea le F. Manuel Lopez de cette commission ; mais, comme celui-ci se disposait à l'exécuter, il se sentit tout à coup arrêté par un mouvement intérieur, et il sortit aussitôt pour aller consulter un Père de la maison, qui lui dit de prendre les signatures entières, sans les déchirer, et de les lui apporter. Le bon frère jugeant par là que celui à qui il s'était adressé voulait conserver ces papiers comme des reliques, rentra sur-le-champ pour tâcher d'en avoir du moins une partie pour lui-même. Le P. Claver, qui de son lit s'aperçut de son dessein, prit le parti de charger quelque autre d'une commission qui lui tenait fort au cœur ; mais Lopez ne voulut point se dessaisir de son trésor ; et il en fit part à un grand nombre de personnes, qui le reçurent avec respect.

Peu de jours après, s'entretenant à cœur ouvert de sa mort prochaine avec le F. Nicolas Gonzalez, il le pria de le faire enterrer au pied de son confessionnal, près de la porte de l'église : « Non, non, lui dit le frère, mais ce sera dans la chapelle du Christ » ; après quoi il le conjura de recommander la ville de Carthagène à Dieu, quand il serait avec lui, et de conserver toujours quelque tendresse pour une terre qu'il avait arrosée de ses sueurs, où il avait gagné tant d'âmes et acquis tant de mérites. « Hélas ! répondit le saint homme, en soupirant, j'ai tout perdu par mes impatiences dans mes infirmités. » Malgré la sainte frayeur que lui inspirait son humilité, il ne cessait point cependant de parler, avec la plus parfaite confiance, du bonheur qui l'attendait dans le ciel ; de sorte que le même frère lui ayant donné la liste de plusieurs personnes de sa connaissance, dont il le priait de se souvenir auprès de Dieu ; il le lui promit, avec tout l'air d'un homme à qui le Seigneur avait donné une entière assurance de son salut.

A suivre : VII. Il est pris d'une fièvre violente, reçoit l'extrême onction et meurt saintement.

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Message  Louis Dim 11 Oct 2015, 12:25 pm

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VII. Il est pris d'une fièvre violente, reçoit l'extrême onction et meurt saintement..

Le sixième de décembre, qui était un dimanche, il descendit encore à l'église, appuyé sur deux nègres ; et, après y avoir communié avec des sentiments extraordinaires de dévotion, il se fit reporter à sa chambre. En passant par la sacristie, il dit au frère : « Je vais mourir, que me demandez-vous pour l'autre vie ? — Que vous recommandiez à Dieu cette ville et cette maison», lui répondit le sacristain. Il le lui promit, et s'étant fait mettre au lit, il passa le reste du jour dans les plus tendres entretiens avec son Dieu. Sur le soir, il fut saisi d'une fièvre très violente ; et, comme on jugea bien que tous les remèdes seraient pour lors inutiles, on remit jusqu'au lendemain à faire appeler le médecin.

L'infirmier qui avait eu soin de lui pendant le jour, étant venu de grand matin pour voir comment il avait passé la nuit, le trouva sans parole et sans mouvement, mais avec un visage si doux et si tranquille, qu'on l'eût pris pour un homme enseveli dans un profond sommeil ou ravi en extase. Tous les Pères de la maison, avertis de l'extrémité où il se trouvait, accoururent aussitôt, moins affligés du triste état où ils le voyaient, que touchés de l'aimable attention de la Providence à son égard. On faisait déjà les préparatifs pour la démolition d'une partie du collège, en conséquence de l'ordre du roi dont on a parlé. La nuit précédente, un bon religieux de la maison s'était plaint amèrement à Dieu, de ce qu'il permettait qu'un homme qui l'avait si fidèlement servi fût obligé de déloger dans la situation où il se trouvait ; et cette pensée, qui lui causait une vraie douleur, l'avait empêché de fermer l'œil ; mais, le matin, quand il apprit que le Père était sur le point d'expirer, il reconnut sa faute, et bénit mille fois le Seigneur d'avoir préparé à son serviteur une demeure dans le ciel, avant que celle de la terre lui manquât.

Le médecin étant arrivé sur ces entrefaites, jugea que tous les autres remèdes étaient désormais inutiles, il lui fit donner l'extrême-onction, qu'il reçut sans qu'on pût s'apercevoir s'il vivait encore, sinon à un léger battement de cœur.

A peine la cérémonie fut-elle achevée que tous ceux de la maison, de concert avec quelques personnes pieuses promptement accourues au collège, commencèrent à dépouiller sa chambre sans y rien laisser de tout ce qui pouvait être emporté, chacun voulant avoir de ses reliques. Tout fut pillé, à la réserve de la couverture qui était sur lui, et du portrait du F. Alphonse qu'un religieux de la maison défendit contre tous ceux qui voulaient l'enlever. Il semble que le P. Claver avait prévu tout ce qui arriva ; car ayant, peu de jours auparavant, donné à un frère un petit livre spirituel qui lui restait: « Gardez-le bien, lui dit-il, avant qu'on vous l'enlève. » Cependant le bruit s'en étant répandu dans la ville, tous les anciens sentiments de vénération et de tendresse qu'on avait eus pour le saint homme, et qui avaient paru comme assoupis durant tout le temps de sa longue infirmité, se réveillèrent en un instant dans les cœurs, et l'on vint de toutes parts pour avoir la consolation de le voir avant sa mort.

On n'avait pu refuser l'entrée de la maison à quelques personnes de distinction ; mais bientôt le tumulte fut si grand que la porte fut enfoncée, et le collège rempli d'ecclésiastiques, de religieux, de noblesse et de peuple, qui tous voulaient baiser les mains du Père et lui faire toucher leurs chapelets, pendant qu'il respirait encore. De tous côtés, on entendait les enfants crier par les rues : « Le saint se meurt, le saint se meurt ! » et ils se réunirent en si grand nombre, qu'on ne put les empêcher de pénétrer jusqu'à la chambre du malade où ils se jetèrent à genoux pour lui baiser la main.

Les nègres voulurent aussi lui prouver leur reconnaissance…

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Message  Louis Lun 12 Oct 2015, 1:14 pm

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VII. Il est pris d'une fièvre violente, reçoit l'extrême onction et meurt saintement.


(suite)


Les nègres voulurent aussi lui prouver leur reconnaissance; et en lui baisant les pieds qu'ils arrosaient de leurs larmes, ils s'écriaient qu'ils perdaient leur protecteur et leur père. Tout ce concours dura jusqu'à la nuit. On eut beaucoup de peine à faire retirer le monde et à fermer les portes de la maison ; mais, il ne fut pas possible de refuser à certains personnages la satisfaction de recevoir les derniers soupirs de celui qu'ils regardaient comme leur apôtre. Quelques-uns de ses pénitents envoyèrent deux peintres pour prendre le portrait de leur saint directeur ; ce qui ne leur fut pas difficile, parce qu'il était alors sans mouvement, qu'on le maniait comme on voulait et qu'il avait plus l'air d'un homme doucement ravi en Dieu que d'un moribond. D'autres, en plus grand nombre, se disputèrent le privilège de présenter la bière destinée à renfermer son corps ; mais on crut devoir donner la préférence à Isabelle d'Urbina, pour qui le saint homme avait eu une sollicitude particulière, et qui se tint fort honorée de pouvoir rendre ce léger service après la mort à celui qui lui en avait rendu de si essentiels pendant sa vie.

Le mardi matin, un peu après minuit, jour consacré à la Nativité de la sainte Vierge, le P. Claver parut s'affaiblir totalement ; et comme on le jugea près d'expirer, on fit la recommandation de l'âme. Elle ne fut pas plus tôt finie, qu'entre une et deux heures, tandis que les assistants répétaient à haute voix les sacrés noms de JÉSUS et de Marie, il rendit doucement son esprit à son Créateur en l'année 1654, la soixante-onzième ou, selon d'autres, la soixante-treizième de son âge, et la cinquante-cinquième depuis son entrée dans la Compagnie ; ayant ainsi le bonheur de commencer une vie immortelle dans le ciel, le même jour que celle qu'il avait toujours regardée comme sa Reine et sa Mère, avait commencé une vie mortelle sur la terre.

Son corps, défait et exténué par les pénitences et les infirmités, parut plus vif, plus frais et plus vermeil que pendant sa vie : son visage, devenu beau et tranquille, semblait respirer un air de tendre dévotion qui en inspirait à tout le monde; ses pieds et ses mains se trouvèrent maniables et flexibles, comme ceux d'un homme vivant ; et de tout son corps il s'exhalait une douce odeur, dont l'âme se sentait pénétrée. Au moment qu'il expira, tous les assistants se jetèrent à genoux pour lui baiser les pieds; et ce qu'il y eut de singulier, c'est qu'il ne vint en pensée à aucun d'eux de prier Dieu pour lui. Dès qu'on l'eût revêtu des habits sacerdotaux, on ne pensa qu'à piller de nouveau tout ce qui put se trouver dans sa chambre, sur son lit: on mit toutes ses hardes en pièces; quelques-uns lui coupèrent les cheveux, et on aurait été jusqu'à lui couper les doigts des pieds et des mains, si on ne s'y fût opposé fortement.

A suivre : VIII. Dieu révèle son bonheur à une sainte fille ; ses obsèques.

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Message  Louis Mar 13 Oct 2015, 11:15 am

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VIII. Dieu révèle son bonheur à une sainte fille ; ses obsèques.

Dieu voulut faire connaître la gloire dont il jouissait à une négresse d'Angola, nommée Lucrèce, qui depuis longtemps avait obtenu sa liberté, et que le saint homme avait formée à la vertu. Cette femme qui, la nuit même où il mourut, était à plus de vingt lieues de Carthagène, vit en songe une longue et magnifique procession tout éclatante de lumière et terminée par JÉSUS-CHRIST lui-même, auprès duquel était le P. Claver vêtu d'une robe si brillante que les yeux en étaient éblouis. Tout ce nombreux cortège prenait sa route vers le ciel, et quand il se fut élevé à une grande hauteur, la négresse le perdit de vue. Dès le matin même du mardi, elle sortit avec beaucoup d'empressement pour demander quelles nouvelles il y avait de Carthagène et si le P. Claver ne serait point mort ? On lui répondit qu'on n'en pouvait recevoir que le samedi suivant. Ce jour-là, on apprit que toute la ville était en rumeur au sujet de la mort de son saint apôtre arrivée le mardi après minuit. Quoiqu'on ne doive pas trop facilement ajouter foi aux visions et surtout à celles des femmes, il est certain que celle-ci ne pouvait avoir appris naturellement une telle mort : d'ailleurs les circonstances de ce récit, jointes à l'éclatante sainteté du P. Claver, laissent un juste sujet de penser que Dieu, pour sa propre gloire, voulut faire connaître celle dont il avait couronné l'humilité de son serviteur.

Les obsèques qu'on fit au saint missionnaire furent conformes à l'estime singulière qu'on avait de sa vertu ; et les honneurs qu'on rendit à sa mémoire égalèrent ceux qu'on a jamais rendus à celle des plus grands saints. On ne peut mieux juger de ce qui arriva à cet égard, que par la relation même du P. Recteur du collège de Carthagène. Voici ce qu'il en dit, dans une espèce de lettre circulaire, envoyée à tous les supérieurs de la province.

Dès que le Père Prieur des Augustins fut averti de la mort du P. Claver, il fit sonner toutes les cloches de son église; et, sur les huit heures du matin, il vint à la tête de sa communauté dans la chambre du défunt, d'où les religieux, après avoir récité quelques prières, descendirent à l'église pour y chanter une messe solennelle, avec le même appareil que si le corps eût été présent. A ce signal, toute la ville s'émut, et de tous les côtés on entendait publier les vertus et faire l'éloge du saint homme. Les nègres de la ville et des environs s'empressèrent de venir lui rendre leurs devoirs, et comme tous voulaient lui baiser les pieds et lui faire toucher leurs chapelets, on fut obligé d'y employer cinq ou six personnes, qui ne pouvaient encore suffire à contenter leur dévotion. Dona Isabelle d'Urbina…

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Message  Louis Mer 14 Oct 2015, 11:38 am

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VIII. Dieu révèle son bonheur à une sainte fille ; ses obsèques.


(suite)


…Dona Isabelle d'Urbina, celle de ses pénitentes qui lui avait été la plus chère, envoya une châsse de bois de cèdre, doublée d'une riche étoffe garnie de passements d'or, et dont toute la ferrure était dorée. D. Pèdre, duc d'Estrada, fit présent d'un magnifique luminaire ; D. Pèdre de Zapata, gouverneur de Carthagène, porta encore plus loin la générosité et les marques de sa vénération pour la mémoire de ce grand serviteur de Dieu. Dès qu'il eut appris sa mort, il assembla les magistrats et leur proposa de faire faire aux frais de la ville les obsèques d'un homme aussi illustre, pour reconnaître du moins par là les grands services qu'elle en avait reçus. Aussitôt deux commissaires députés vinrent prier le P. Recteur du collège de différer l'enterrement jusqu'au lendemain, de faire en attendant porter le corps à l'église pour satisfaire à la dévotion publique, et de charger quelqu'un de prononcer l'oraison funèbre. Tout ayant été accordé, un clergé nombreux se présenta pour transporter le corps. De toutes les églises de la ville on avait envoyé les plus belles tentures pour orner l'autel et le tombeau ; quelques personnes dévotes offrirent en même temps une belle palme très richement ornée, qu'on avait travaillée exprès pour la mettre à la main du P. Claver.

La foule de ceux qui accoururent pour assister à la cérémonie fut si prodigieuse, qu'elle ne put tenir dans l'église et que toutes les rues des environs en furent remplies. Avant qu'on transportât le corps, les personnes les plus distinguées de tous les ordres entrèrent dans la chambre où il reposait; et tous se disputèrent l'honneur de se charger de ce précieux fardeau. Le plus grand embarras était de percer la multitude qui obsédait l'entrée de l'église et de la maison ; pour la contenter, il fallut faire sortir le corps par la grande porte du collège. Il parut enfin dans l'église, où la plupart des habitants avaient à la main des cierges allumés : dans le même instant, on vint encore en foule pour lui baiser les pieds et les mains ; et si on n'avait pas usé de violence pour écarter le monde, on aurait tout mis en pièces pour avoir quelqu'une de ses reliques. La presse était si grande, qu'on regarda comme une espèce de miracle qu'il n'y eût eu personne d'étouffé. D. Pèdre d'Estrada pénétra, avec beaucoup de peine, jusqu'au saint corps et lui mit lui-même la palme dans la main gauche. Le commandeur de la Merci parut alors avec tous ses religieux, et quoique ce jour-là même fût le jour de leur plus grande fête, ils quittèrent leur propre église, pour venir dans celle des jésuites honorer la mémoire d'un homme à qui toute la ville avait les plus grandes obligations. Le marquis de Montalègre, commandant les galions arriva quelque temps après, à la tête de toute la noblesse espagnole, s'agenouiller près du corps et lui baiser les mains ; mais pour le faire approcher, il fallut que le clergé, conjointement avec les religieux de Saint-Augustin et de la Merci, aidât les jésuites à écarter le peuple qui ne cessait point d'environner le corps. D. Mathias Suarez de Melo, chanoine de la cathédrale et grand-vicaire du diocèse, vint ensuite, accompagné de tous les ecclésiastiques et les officiers de sa congrégation, pour lui rendre les mêmes respects ; de sorte que l'église ne désemplissait point.

Mais le tumulte augmenta bien autrement vers la nuit…

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Message  Louis Jeu 15 Oct 2015, 12:46 pm

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VIII. Dieu révèle son bonheur à une sainte fille ; ses obsèques.


(suite)


Mais le tumulte augmenta bien autrement vers la nuit par l'arrivée des nègres et du petit peuple, qui s'empressaient de lui faire toucher des chapelets, des linges, des rubans. On eut alors besoin de gens résolus et vigoureux, pour empêcher qu'on ne mît le corps en pièces ; dans l'embarras où l'on se trouvait, les jésuites, aidés de quelques personnes pieuses, prirent le parti de lui ôter le calice des mains, et de les étendre des deux côtés en forme de croix, pour donner au peuple plus de facilité de les baiser sans se jeter sur le corps même. Elles étaient encore si souples et si maniables, qu'on les portait aisément où l'on voulait et que chacun se les mettait sans peine sur la tête, sur les yeux, et sur toutes les parties du corps affligées de quelque incommodité. Son visage parut alors un peu humide; et aussitôt on s'empressa de recueillir avec des toiles de Hollande ou des étoffes précieuses cette espèce de sueur, dans le dessein de la conserver avec tout le respect dû aux reliques d'un saint.

Comme il était déjà nuit, et que la foule grossissait toujours, le gouverneur envoya la garde de la ville pour défendre le corps: mais les soldats ne pouvant se faire place qu'avec beaucoup de peine, le Prieur des Augustins, avec six de ses religieux, s'avança pour relever les jésuites, fatigués d'avoir lutté toute la journée contre les efforts du peuple. On voulut alors couvrir le corps avec un grand drap de velours noir; mais on en fut empêché par les cris de la multitude, qui voulait avoir la consolation de voir encore le saint, ainsi qu'elle l'appelait. Cependant on ne pouvait venir à bout de vider l'église; et malgré les efforts des religieux soutenus de la garde, quoiqu'on présentât même des torches allumées au-devant de ceux qui approchaient de trop près, on ne put empêcher qu'on n'enlevât le bonnet carré, les bas et jusqu'aux ongles des pieds.

Le lendemain, dès le grand matin, le concours et le tumulte recommencèrent. Dans toute la ville il n'y eut ni sain, ni malade, ni grand, ni petit, qui ne voulût venir rendre ses respects à l'apôtre de Carthagène et implorer sa protection. Vers les huit heures, les religieux de Saint-Jean de Dieu vinrent chanter une messe solennelle.

Les Pères Augustins arrivèrent ensuite sur les neuf heures, avec les magistrats de la ville, en robes de cérémonie, précédés de leurs huissiers et suivis du gouverneur, qui était accompagné de son lieutenant et de tous ses officiers. Après que tous se furent mis à genoux, les Augustins firent l'office, et, à la fin de la messe, un religieux de la Merci prononça l'oraison funèbre sur ce texte tiré des paroles de JÉSUS-CHRIST dans l'Évangile : « Celui qui croira en moi vivra, même après sa mort. »

Après le sermon, on se disposait à porter le corps en terre, mais il y eut une grande contestation entre les personnes les plus considérables de l'assemblée, à qui aurait cet honneur.

Enfin le gouverneur, les premiers magistrats, les principaux officiers de la marine et les plus distingués du clergé, se mirent en devoir de le tirer du lieu où il était; mais quoi que les gardes pussent faire, la populace vint encore en foule se jeter sur le corps, et lui arracha la chasuble de brocard d'or, l'aube, la soutane, et tout ce qu'on avait mis sur lui : il y en eut même qui lui coupèrent les doigts des pieds.

Comme le désordre augmentait de plus en plus, le Frère sacristain s'avisa d'aller chercher le coussin sur lequel le P. Claver avait expiré, et de le partager au bas de l'église, pour amuser quelque temps le peuple ; mais cet innocent artifice pensa lui coûter cher. Dès qu'il parut à la porte, il fut investi de toutes parts avec tant de violence, qu'on lui arracha le coussin qui fut mis aussitôt en mille pièces, et que lui-même il courut risque d'être étouffé. Pour se tirer de ce danger, il se sauva comme il put dans la chaire du prédicateur, d'où il commença à distribuer des billets que le Père tenait toujours prêts, signés de sa main, pour les nègres qu'il avait confessés. On profita de ce moment pour enterrer promptement le corps: on le plaça dans la chapelle du Christ, du côté de l'épître, et dans une espèce de niche creusée dans le mur.

Tout se passa en présence du gouverneur, des magistrats et des principaux officiers.

Le lundi, quatorzième de septembre, le corps de ville vint avec toute la musique de la cathédrale, et lui fit faire un service magnifique, où l'on distribua des cierges à tous les ecclésiastiques et à tous les religieux qui y assistèrent. Le P. Recteur du collège chanta la messe, après laquelle un Père Augustin prononça l'oraison funèbre; et la ville fit élever à son saint apôtre un superbe tombeau où elle mit ses armes.

Le lendemain, le gouverneur lui fit rendre à ses frais les mêmes honneurs, avec le même appareil. La messe fut chantée par le grand-vicaire et suivie d'un très bel éloge, que le Père Joseph de Pacheco, Augustin, fit du P. Claver. Il en prit occasion de parler des persécutions qu'on suscitait alors aux jésuites, et il ajouta que Dieu avait appelé à lui un si saint homme, pour n'être pas le témoin des châtiments qu'il préparait à la ville, privée de son puissant protecteur. L'auditoire, composé de tout ce qu'il y avait de plus distingué dans le clergé, dans la noblesse, dans la magistrature et dans le commerce, applaudit fort au discours de l'orateur.

A suivre : IX. Les nègres prennent un jour pour lui rendre les mêmes honneurs, leur désolation.

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Message  Louis Ven 16 Oct 2015, 12:18 pm

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IX. Les nègres prennent un jour pour lui rendre les mêmes honneurs, leur désolation.


Les nègres, plus intéressés que tous les autres à la gloire d'un saint qui les avait toujours si tendrement aimés, voulurent lui rendre aussi leurs devoirs et lui donner à leur tour des marques de la plus sincère reconnaissance. Ils prirent un jour particulier pour lui faire un service solennel, auquel ils invitèrent le gouverneur avec toute la noblesse de la ville et de la marine. Jamais cérémonie ne se fit avec plus d'ordre et de décence: ils se rangèrent par différentes nations, chacune avec son chef particulier; et comme ils ne voulaient rien épargner pour honorer la mémoire de leur père commun, ils distribuèrent des flambeaux à tous ceux qui étaient présents, sans distinction. La messe fut chantée avec une très belle musique, et l'oraison funèbre prononcée par le trésorier de l'église de Popayan. Aucun orateur ne s'étendit plus au long sur les vertus, la sainteté, les actions héroïques, les miracles éclatants du P. Claver; et pour inspirer à ses auditeurs encore plus de reconnaissance et de tendresse, il s'appliqua surtout à prouver que le ministère auquel Dieu l'avait destiné auprès des nègres, était la principale source de tant de merveilles qu'on avait admirées en lui.

Dans les habitations d'alentour, les autres nègres firent éclater leur zèle pour leur père commun, d'une manière moins pompeuse à la vérité, mais peut-être plus touchante. Dès qu'on y eût appris son heureuse mort, on n'entendit parmi ces pauvres esclaves que pleurs, cris, gémissements, et on fut plusieurs jours sans pouvoir les consoler de la perte qu'ils venaient de faire. Il n'y eut pas jusqu'aux nègres marons, gens accoutumés au meurtre et au brigandage, qui ne donnassent des marques de la plus vive douleur à la mort d'un homme qu'ils respectaient toujours comme leur maître, et qu'ils aimaient encore comme leur père.

Tous ces détails sont tirés de la lettre du P. Recteur de Carthagène; pour les terminer en deux mots, on peut dire qu'on vit se renouveler à la mort du P. Claver, tout ce qu'on a vu de plus singulier et de plus éclatant à celle des plus grands saints: jamais il n'y eut plus de concours, plus de vénération pour leur mémoire, plus de confiance en leurs mérites, plus d'empressement à avoir de leurs reliques. Toutes les voix conspirèrent à le canoniser par avance; et il y a lieu de croire que ce ne fut pas sans une secrète inspiration du ciel, que les ecclésiastiques, les religieux, la noblesse et le peuple, les savants et les ignorants concoururent dans le même instant à lui déférer tous les honneurs permis, qu'on a coutume de rendre aux plus illustres personnages que l'Église ait consacrés dans ses fastes.

A suivre : X. Portrait du P. Claver.


Dernière édition par Louis le Sam 17 Oct 2015, 3:56 pm, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)

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Saint Pierre Claver. - Page 6 Empty Re: Saint Pierre Claver.

Message  Louis Sam 17 Oct 2015, 11:52 am

.

X Portrait du P. Claver.

Le P. Claver était d'une taille moyenne, naturellement droite, mais un peu courbée par l'habitude qu'il avait contractée de baisser les yeux et de regarder à terre. Il avait la tête grosse, le visage grand et tirant sur le brun, le front large et ridé, les tempes enfoncées: ses yeux étaient bien fendus, mais ses paupières étaient un peu rouges et enflammées par l'abondance des larmes qu'il avait coutume de répandre. Il avait le nez modérément courbe, la bouche grande, les lèvres grosses, la barbe épaisse, le cou court, la voix assez forte, mais plus sonore que flexible. Sa complexion était robuste d'elle-même, mais il la ruina bientôt par l'excès de ses travaux et de ses austérités.

Quelque grande qu'eût été la réputation de sa sainteté pendant sa vie, elle s'accrut beaucoup par la multitude des merveilles que Dieu opéra pour manifester la gloire de son serviteur après sa mort. La première chose qui surprit tous les assistants, c'est que, quand on lui présenta la palme dont on a parlé, en signe de tant de victoires qu'il avait remportées sur l'enfer, de lui-même il ouvrit la main pour la recevoir, et la referma aussitôt. Ce prodige fut bientôt suivi d'une infinité d'autres qui ne contribuèrent pas peu à augmenter la confiance qu'on avait déjà en son crédit auprès de Dieu.

A suivre : XI. On commence des informations juridiques, à la requête du gouverneur et de la ville.

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