Saint Pierre Claver.

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Message  Louis Sam 29 Aoû 2015, 1:12 pm

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VII. Dieu lui fait connaître ceux qui ont besoin de son secours.

Souvent Dieu ôte aux hommes les biens périssables de la fortune, pour leur inspirer le désir des biens éternels : mais il en est peu qui imitent la résignation de Job ; et la plupart ne deviennent malheureux dans le temps que pour le devenir plus encore dans l'éternité. Combien de gens à Carthagène auraient éprouvé ce funeste sort, sans le zèle et la charité du saint apôtre ? Il suffira d'en rapporter quelques traits des plus remarquables. Un homme ayant perdu tout son bien en conçut un chagrin d'autant plus violent, qu'il se voyait tourmenté sans cesse, d'un côté, par des créanciers avides qui voulaient être payés, et, de l'autre, par une nombreuse famille qui lui demandait de quoi vivre. Dans les accès de sa douleur et de son désespoir, il entendit une voix secrète qui lui répétait sans cesse : « Pends-toi, pends-toi. » Quoiqu'il ne pût ignorer d'où partait un semblable conseil, aveuglé par son chagrin et par sa passion, il était sur le point de s'y rendre, lorsque Dieu en eut pitié, le conduisit dans la maison d'un de ses amis, qui, à son air égaré, se doutant de son dessein, le mena sur-le-champ au P. Claver. Le saint homme le prit en particulier ; et, par ce talent de persuader qui lui était propre, il le détermina à faire une bonne confession : après quoi il lui mit au cou une médaille de saint Ignace, et le renvoya si consolé, que dans l'espace de quinze jours il recouvra la joie et la santé.

La même chose arriva à un homme de condition, mais avec des circonstances beaucoup plus singulières. Outré de se voir presque réduit à la mendicité, ce malheureux résolut de se détruire. Pour exécuter son dessein en liberté, il envoya sa femme chercher le P. Claver, sous prétexte de venir le consoler. Déjà la dame était à la moitié du chemin, lorsque, faisant réflexion au risque qu'il y avait à laisser ainsi son mari seul en proie à ses idées noires, elle se sentit comme inspirée de retourner sur ses pas. En rentrant dans la maison, elle entend un grand bruit du côté du jardin : elle y court avec précipitation, et trouve son mari pendu à un arbre, mais qui luttait encore contre la mort. Sa douleur lui donnant des forces, elle le soulève par les pieds, en appelant à grands cris les voisins à son secours. On arriva assez à temps pour détacher ce malheureux avant qu'il expirât ; mais dès qu'il fut revenu à lui, il entra dans une telle fureur, qu'il cherchait une épée ou un couteau pour se percer. Le P. Claver, appelé en hâte, eut à peine pris la main de ce maniaque, en lui mettant au cou une médaille de saint Ignace, qu'à l'instant il devint tranquille. Il employa une grande partie de la nuit à se confesser ; et dès le lendemain matin, le gentilhomme vint à l'église pour rendre ses actions de grâces à saint Ignace, mais en publiant hautement que c'était par l'entremise du fils qu'il était redevable au père d'un tel bienfait.

Citons pour terminer un événement plus extraordinaire encore…

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Message  Louis Dim 30 Aoû 2015, 1:27 pm

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VII. Dieu lui fait connaître ceux qui ont besoin de son secours.


(suite)

Citons pour terminer un événement plus extraordinaire encore. Le Frère sacristain ayant aperçu, dans la cour du collège, un homme qui marchait d'un air triste et paraissait réduit au désespoir, eut envie de lui parler pour lui donner quelque consolation ; mais cet homme refusa obstinément de l'écouter en disant qu'il était déjà trop tard. Le bon Frère redoubla ses instances : tout ce qu'il put tirer de lui, c'est que Dieu sans doute l'avait conduit en ce lieu, pour mettre fin à ses malheurs, mais qu'il ne pouvait lui en découvrir la cause. Le sacristain l'engagea enfin à s'adresser au P. Claver, qui, après lui avoir parlé en secret, le retint dans la maison pendant toute la nuit et lui servit lui-même à souper. Le matin, cet homme, devenu plus tranquille, se confessa avec de grands sentiments de repentir, et, délivré tout à coup de ses inquiétudes, il conjura le Père de lui aider à rendre grâces à Dieu de ses infinies bontés, et de raconter à tout le monde ce qui l'avait amené au collège et ce qui lui était arrivé.

Voici ce qu'il rapporta lui-même.

« J'avais perdu tout mon bien, lui dit-il, et ne sachant plus comment vivre, je pris le parti de me donner la mort. Dans cette résolution, je me mis en chemin vers une montagne peu éloignée de la ville. En ce moment un homme inconnu se présenta à moi ; et, m'ayant dit avec beaucoup de douceur de ne rien craindre, de me fier à lui, et de le suivre, il me conduisit par un sentier tout hérissé d'épines et de buissons touffus, où, pour faire un pas, il fallait m'ouvrir le chemin avec des peines infinies. Surpris de me voir tout déchiré et tout couvert de sang, je dis à mon guide : « Eh ! JÉSUS ! où me conduisez-vous ? » A ces mots le fantôme disparut; et moi, ayant fait aussitôt le signe de la croix, je retournai sur mes pas pour retrouver mon chemin. Dès que j'y fus arrivé, j'aperçus la même figure qui se présenta de nouveau, en me répétant les mêmes paroles que la première fois. Alors ne pouvant plus douter de ce que c'était, je fus saisi de frayeur, et je m'enfuis à toutes jambes vers le collège des jésuites. J'y restai quelque temps, flottant entre le désir de me délivrer de mes peines et la honte d'en avouer le sujet. Deux fois je voulus sortir, mais je fus toujours arrêté par la vue du même fantôme, qui du milieu de la rue me faisait signe de venir. Enfin, dans le temps qu'aux approches de la nuit je voulais encore m'en retourner, le sacristain de votre maison m'a rencontré. Vous savez tout le reste. »

A suivre : VIII. Dieu lui fait connaître ceux qui ont besoin de son secours.

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Message  Louis Lun 31 Aoû 2015, 12:13 pm

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VIII. Il pénètre dans le secret des coeurs.


A ce don de faire des miracles et de consoler les personnes réduites au désespoir, Dieu voulut encore unir celui de prédire l'avenir et de pénétrer dans le secret des consciences. Tant d'âmes qu'il secourut si à propos, sans avoir pu naturellement être instruit de leur état, ainsi qu'on vient de le rapporter, en seraient déjà une preuve incontestable ; mais ses lumières ne se bornaient pas à ces connaissances. Il lisait dans le cœur des nègres qu'il confessait, et ne manquait pas de leur rappeler les péchés qu'ils oubliaient, ou que la honte leur faisait dissimuler. Quelque soin qu'ils prissent de se cacher, il découvrait leurs dissensions, leurs rancunes secrètes, ou le dessein qu'ils avaient formé de s'enfuir. Il n'est pas croyable combien il en retint par là dans le devoir.

Il y avait dans un monastère quatre négresses fort vertueuses, qui faisaient tour à tour l'office de portière. Le Père, qui les estimait beaucoup, leur parlait de Dieu toutes les fois qu'il y allait. Une religieuse, fort curieuse de savoir ce qu'il pouvait leur dire, se cacha un jour pour l'écouter ; et ne trouvant pas dans ses discours tout ce qu'elle avait espéré, elle ne put s'empêcher de murmurer en elle-même. A peine avait-elle porté ce jugement peu favorable, que le Père interrompant la suite de son discours, dit en élevant la voix : « Au reste, ce n'est pas pour les blanches, mais pour les noires que je parle de la sorte et d'une manière si simple. » La religieuse, bien étonnée de ce qu'elle entendait, apprit à ne pas précipiter ainsi ses jugements.

D. Diégue de Villegas était depuis quelque temps fort inquiet, au sujet d'une affaire de conséquence qui l'embarrassait et qu'il n'osait communiquer à personne. Ne sachant quel parti prendre, son esprit était sans cesse dans une agitation qui le détournait de ses autres devoirs. Un jour, au sortir de l'église, ayant été prendre de l'eau bénite au pilier le plus proche du confessionnal du Père Claver, le saint homme sortit pour un moment, et lui dit en l'abordant d'un air d'autorité : « Laissez cela, abandonnez tout à Dieu. — Hé ! quelle est donc la chose que je dois ainsi abandonner ?» lui répondit l'Espagnol tout surpris. Alors le Père lui découvrant à lui-même ce qu'il s'obstinait à tenir caché, le conjura de ne plus tant s'inquiéter et de se confier en Dieu qui aurait soin de tout. D.Diégue sortit de l'église, si frappé de ce qu'il venait d'entendre et si convaincu que, dans cet événement, il y avait quelque chose, de surnaturel, que depuis il regarda toujours le Père comme un saint et un prophète inspiré de Dieu.

On pourrait citer une infinité de faits semblables, pour prouver que D. Diégue ne se trompait pas. Il y avait déjà longtemps qu'un nommé Thomas Lopez conservait une haine mortelle contre un homme qui avait tué son frère, et que le P. Claver faisait inutilement tous ses efforts pour l'engager à pardonner à son ennemi. La mère de Lopez, qui n'était pas moins animée que lui, étant tombée malade, le Père l'alla visiter avec sa charité ordinaire ; et, comme elle était fort pauvre, en la quittant il lui mit en main une somme assez considérable. Le fils, instruit de ce bienfait, s'imagina que le saint homme avait voulu acheter à ce prix la réconciliation qu'il désirait, et que ce don n'était pas une pure aumône. Dans cette persuasion, il reporta l'argent au Père, qui en le voyant et sans lui donner le temps de proférer une seule parole, lui dit avec douceur : « Non, mon fils, il n'en est pas comme vous le pensez : mon intention a été de faire une aumône  et non pas un achat. » Lopez demeura interdit, et voyant qu'il perdrait sa peine à disputer plus longtemps contre un saint qui lisait au fond des cœurs, il se réconcilia sincèrement avec son ennemi, et s'abandonna lui-même tout entier aux soins de son bienfaiteur.

Un autre jeune homme fort déréglé…

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Message  Louis Mar 01 Sep 2015, 12:23 pm

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VIII. Il pénètre dans le secret des coeurs.


(suite)


Un autre jeune homme fort déréglé, pressé par les sollicitations de ses parents, prit enfin le parti d'aller trouver le P. Claver et lui demanda s'il voulait le confesser ? « Hé ! pourquoi ne le voudrais-je pas ? répondit-il. Mais vous, pourquoi ne venez-vous pas bien disposé à recevoir cette grâce ? Allez promptement au pied de l'autel, disposez-vous mieux, et revenez. » Le jeune homme, après quelques prières faites plus par complaisance que par piété, vint se représenter au saint homme qui, en le voyant, lui dit avec quelque émotion : « Mon fils, on ne se moque pas ainsi de Dieu : vous voilà encore moins bien disposé qu'auparavant ; est-il possible que vous ne vouliez pas vous détacher de cette occasion de péché? » Puis il le prend par la main, et le conduit lui-même devant le Saint-Sacrement, où il lui fait réciter cinq Pater et cinq Ave. Dans l'instant même le jeune homme se trouve changé, il conçoit une vive douleur de ses désordres et se confesse avec beaucoup de sincérité.

Vers le même temps il arriva une petite aventure bien propre à confirmer l'idée qu'on avait des lumières surnaturelles du saint religieux. Dona Constance de Luna avait deux enfants, qui jour et nuit ne faisaient que se tourmenter et que crier, jusqu'à troubler sans cesse le repos de toute la maison. La famille, ne pouvant découvrir la raison de ces agitations continuelles, eut recours au P. Claver, comme à un homme particulièrement éclairé de Dieu et tout puissant auprès de lui. Il se rend chez la dame, et en voyant les deux enfants : « Sont-ce donc là, dit-il en souriant, ces deux petits méchants qui troublent tout ?» On lui répondit que c'était eux-mêmes. « Mais, ajouta-t-il, où donc est l'eau pour les baptiser ?» On l'assura qu'ils avaient été baptisés. « Je le sais, reprit-il, mais ils ont été mal baptisés.» On interrogea les témoins du baptême et, sur leurs réponses, on découvrit qu'on avait omis une circonstance essentielle dont le défaut rendait le baptême nul. Alors le Père les ayant baptisés lui-même, ils devinrent tranquilles et le calme fut rétabli dans la maison.

A suivre : IX. Il est favorisé du don de prophétie.

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Message  Louis Mer 02 Sep 2015, 11:19 am

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IX. Il est favorisé du don de prophétie. — Diverses prédictions en conséquence.


L'Avenir  ne lui était pas plus caché que le fond des cœurs, et le besoin des malheureux.

Dona Théodora Banquelez, épouse de Don Gabriel de Mendez, gouverneur de Sainte-Marthe, étant sur le point de repasser en Europe avec son mari, voulut prendre congé de l'apôtre de Carthagène et se recommander à ses prières : « Madame, lui répondit-il avec politesse,  allez avec la bénédiction de Dieu ; mais sachez que peu après ce voyage qui sera heureux, il vous en faudra faire un autre bien plus long.» Comme elle se montrait curieuse de savoir ce qu'il voulait dire par là, il lui déclara nettement que ce voyage serait pour l'autre vie ; qu'elle mourrait peu de jours après son arrivée en Espagne ; et que Dieu voulant l'appeler à lui, il fallait se soumettre à sa volonté sainte, qui fait tout pour notre bien. La dame, quoique jeune et en parfaite santé, suivit le conseil du P. Claver ; elle se disposa sérieusement à paraître devant Dieu, et sa mort, qui suivit de près son débarquement en Espagne, justifia la sagesse de ses précautions.

Une autre fois, étant allé chez Dona Marie-Anne de Villedo, il demanda avec beaucoup d'instance à parler à un certain esclave de la maison ; mais, comme il venait de sortir à l'heure même, il chargea la maîtresse de le lui envoyer, dès qu'il serait revenu. « Que voulez-vous donc ? mon Père, » lui dit le nègre en l'abordant. « Que vous vous confessiez tout à l'heure, comme pour mourir, » répondit le Père. Après s'en être défendu quelque temps sur ce qu'il n'avait rien à craindre et qu'il se portait bien, il obéit enfin et se confessa. Quand il fut retourné à la maison, il mangea de bon appétit, se coucha plein de santé, et le lendemain matin on le trouva mort dans son lit.

Le bruit s'étant répandu quelque temps après dans Carthagène, que le mari de la même dame avait été tué à la guerre de Catalogne, une de ses amies alla pour la consoler dans son affliction, et tâcha de la rassurer sur ce qu'on n'en avait point encore appris de nouvelles certaines. Voyant qu'elle ne gagnait rien sur l'esprit de l'épouse désolée, elle lui conseilla d'envoyer chercher le P. Claver, qui était plus que personne en état de lui dire la vérité. On le pria donc instamment de venir, mais il le refusa toujours en disant: « Eh ! pourquoi irais-je ? puisque je n'ai rien à lui apprendre qui puisse lui donner quelque espérance ? » Bientôt après on reçut, par des lettres d'Espagne, la nouvelle certaine de la mort du gentilhomme espagnol.

Le capitaine Pierre Doriola, ayant envoyé son fils en Espagne pour faire ses études à Salamanque, vint prier le P. Claver de recommander à Dieu ce jeune homme qui était alors en mer. « C'est ce que je faisais dans ce moment, répondit-il, parce que les galions essuient à l'heure qu'il est une violente tempête ; mais, par la protection divine, ils ne périront pas. » Le capitaine remarqua le jour et l'heure de la prédiction ; et les premières lettres qu'il reçut de son fils lui apprirent la vérité de tout ce qu'on lui avait déclaré.

D. Antoine de Bétancour étant venu prendre congé du Père, avant que de se rendre à son gouvernement de la Jamaïque : « Partez, lui dit le saint homme, mais ne manquez pas d'emmener vos enfants avec vous. » Le gouverneur suivit ce conseil, sans savoir pourquoi on le lui donnait ; mais il ne fut pas longtemps sans en apprendre la raison. Peu après, la ville de Carthagène fut affligée d'une violente peste, qui y fit de grands ravages.

Il tira d'un danger encore plus pressant…

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Message  Louis Jeu 03 Sep 2015, 12:52 pm

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IX. Il est favorisé du don de prophétie. — Diverses prédictions en conséquence.

(suite)


Il tira d'un danger encore plus pressant un grand nombre de personnes qui étaient sur le point de périr, sans le savoir. En passant un jour devant une maison de la ville, il avertit tous ceux qui y étaient d'en sortir sans différer, s'ils ne voulaient pas être écrasés sous les ruines. Ils obéirent, quoique avec assez de répugnance, parce qu'ils ne voyaient aucun péril : mais à peine eurent-ils fait quelques pas, que la maison croula et ne fut bientôt plus qu'un tas de bois et de pierres.

D. Juan d'Uvriarte Araoz, un de ses pénitents, désolé de voir sa fille unique à l'extrémité, résolut d'aller au collège la recommander aux prières de son saint directeur. « Non, non, lui dit le Père en le voyant arriver, et avant qu'il eût encore pu dire une parole. — Mais, mon Père, répartit D. Juan, que voulez-vous me dire par là? Croyez-vous que je vienne me confesser? — Vous voulez, répliqua le saint homme, que je recommande votre fille à Dieu; rendez-lui plutôt grâces de ce qu'il veut la prendre pour le ciel: il n'est pas même nécessaire de dire la messe pour elle. » Par toutes les perquisitions qu'on fit à ce sujet, on reconnut qu'il n'était pas possible que le Père eût été informé de la maladie subite de cette fille. Elle mourut le jour même, et les parents ne doutant point de son salut, se consolèrent plus aisément de sa perte.

Il lui arrivait souvent de prédire ces sortes de morts heureuses, plus consolantes et plus précieuses que la santé. Étant allé voir Augustin de Baraona qui languissait depuis quelque temps, le malade voulut se confesser pour se mieux disposer à la mort. Sa femme et son fils voyant qu'ils avaient déjà passé plus d'une heure et demie ensemble, eurent la curiosité d'écouter ce qu'ils disaient et se glissèrent doucement derrière les rideaux. Ils furent bien surpris de voir le Père à genoux, qui, les mains jointes, suppliait son malade de le recommander à Dieu, dès qu'il serait avec lui, ce qui arriva le lendemain ; Baraona le lui promit, en l'embrassant avec tendresse. Cependant la dame, affligée d'entendre que la mort de son mari était si proche, fondait en larmes: mais son fils la consola enfin, en lui rappelant les paroles que le saint homme avait ajoutées. La mort de Baraona arriva le lendemain, ainsi que le Père l'avait prédit.

De toutes les personnes de Carthagène, Dona Isabelle d'Urbina fut celle qui eut le plus souvent occasion de reconnaître dans son saint directeur le don de prophétie et de lumières. Un jour, après l'avoir confessée, il lui imposa pour pénitence de prier Dieu pour les esclaves qu'elle avait dans une habitation fort éloignée de Carthagène; « et surtout pour ce pauvre martyr », répéta-t-il par deux fois avec une émotion extraordinaire. Huit jours après elle apprit qu'à la même heure, le maître des esclaves en avait aperçu un qui s'était retiré pour prendre un peu de repos, parce qu'il se sentait fort malade; et que s'étant imaginé que ce malheureux quittait le travail par négligence, il l'avait fait traîner rudement en prison, où, chargé de fers, il périssait de misère et de langueur.

Quelques jours avant le carême, étant entré chez la même dame, à qui sa sœur était venue tenir compagnie: « En vérité, dit-il, de tout ce carême, on n'aura pas besoin ici de parures. » Dès le premier dimanche, D. Juan d'Urbina, leur père, tomba si malade, que les deux sœurs ne furent presque occupées qu'à le soigner. Au bout d'un mois, il lui prit une si grande défaillance qu'on pensa à lui donner le viatique ; et comme sa fille était toute désolée de voir que le médecin voulait différer, le P. Claver la rassura, en lui disant qu'il n'était pas encore temps. Quelques jours après, il survint au malade de grands vomissements qui firent craindre pour sa vie, et le lendemain Dona Isabelle courut à son saint directeur pour lui demander le secours de ses prières. « Quoi! lui dit-il, en frappant deux fois de la main sur une petite table qui était placée vis-à-vis de son confessionnal, quoi! des prières pour ce saint homme Job! Dieu lui destine une brillante couronne dans le ciel; mais ce ne sera que la semaine sainte. » Il mourut en effet le dimanche des Rameaux.

Il se trouvait alors à Carthagène un jeune Espagnol de grande espérance, nommé Emmanuel Alvarez…

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Message  Louis Ven 04 Sep 2015, 12:44 pm

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IX. Il est favorisé du don de prophétie. — Diverses prédictions en conséquence.

(suite)


Il se trouvait alors à Carthagène un jeune Espagnol de grande espérance, nommé Emmanuel Alvarez. Le P. Claver le pressa vivement de quitter le monde et de prendre l'habit religieux, parce qu'il devait mourir plus tôt qu'il ne pensait, en telle année et en tel mois qu'il lui marqua. Alvarez, incertain de ce qu'il devait faire, ne découvrit rien à personne de tout ce qu'on lui avait dit et continua pendant quelques années ses études à Santa-Fé. Après y avoir pris les grades ordinaires, il revint à Carthagène, où il ne trouva plus le serviteur de Dieu qui était mort depuis quelque temps, et où il prit enfin l'habit de Saint-François. Au milieu de son noviciat, il tomba malade; et comme ses supérieurs voulaient le renvoyer chez ses parents pour se rétablir, parce que le mal paraissait devoir être long et dangereux : « Non, non, dit-il alors avec assurance, tout cela serait inutile : je dois mourir cette année, dans ce lieu même, et ce sera au commencement du mois prochain. Il y a longtemps que mon saint P. Claver me l'a prédit, et cela arrivera assurément. » En effet, le novice mourut saintement dans les premiers jours du mois suivant.

D. Lopez d'Estrada, fils aîné de la sœur d'Isabelle d'Urbina, ayant été puni par son maître pour quelque négligence dans ses études, se retira de dépit au couvent de Saint-Jacques, dans le dessein de se faire religieux. Ses parents en eurent beaucoup d'inquiétude. Le P. Claver étant allé voir la mère du jeune homme, cette dame lui fit part de son chagrin, en lui disant que, quoiqu'elle désirât voir ses enfants prendre une route aussi sainte, celui-ci n'était pas encore en état d'embrasser un tel parti. « Ne craignez rien, lui répondit le saint homme. D. Lopez ne sera jamais religieux ; mais il faudra vous résoudre à consacrer à Dieu vos deux cadets qui entreront chez les jésuites. » L'aîné changea bientôt en effet de résolution, et les deux frères, qui n'avaient jamais pensé à se faire religieux, sollicitèrent fortement leur entrée dans la Compagnie: mais D. Pédro d'Estrada, leur père, ne put jamais se résoudre à y consentir. Quelque temps après, le jeune D. Lopez s'étant embarqué sur la Capitane pour aller à l'île de Sainte-Catherine, le navire heurta rudement sur un rocher à l'entrée même du port, et se brisa. La nouvelle en vint bientôt à Carthagène, et les débris qu'on aperçut tout le long de la côte ne servirent que trop à la confirmer. La mère du pilote vint tout éplorée trouver le P. Claver pour lui demander le secours de ses prières dans ce malheur. « Consolez-vous, lui répondit-il, ne pleurez point: le navire à beaucoup souffert à la vérité, mais il n'a péri aucun homme de l'équipage. » Il confirma la même chose à la mère de D. Lopez, en ajoutant que bientôt elle reverrait son fils. Cependant Don Pedro ne pouvait se rassurer. Un jour que ce gentilhomme priait avec beaucoup de ferveur dans l'église des jésuites, il promit à Dieu que, s'il lui venait de bonnes nouvelles de son aîné, il consentirait de bon cœur à ce que les deux autres se fissent religieux. A peine eut-il fait cette promesse, qu'au sortir de l'église il trouva un homme avec une lettre de D. Lopez, qui lui mandait qu'il était en sûreté à Porto-Belo, avec tous les gens du navire. Peu de temps après, les deux cadets entrèrent chez les jésuites, où ils vécurent avec une grande réputation de vertu.

Le saint missionnaire, qui venait de donner des assurances si positives de la vie de D. Lopez, eut bientôt l'occasion d'en donner de fort tristes à son sujet. Ce jeune gentilhomme étant passé en Espagne durant le siège de Barcelone, ne voulut pas manquer une si belle occasion de signaler son courage. Un jour que le P. Claver confessait Isabelle d'Urbina sa tante, il lui dit qu'au mois de novembre elle aurait une mort à pleurer, et la laissa dans une grande inquiétude. Au bout de quelques jours, l'ayant rencontrée avec sa sœur, mère de D. Lopez: « Pour octobre, leur dit-il, pour octobre. » Comme il les regardait toutes deux en ce moment d'un air fort affligé, chacune d'elles craignit pour soi et ne savait que penser. Enfin la flotte d'Espagne étant arrivée au mois de novembre, apporta des lettres par lesquelles on apprit que, le sept d'octobre, D, Lopez avait été tué au siège de Barcelone.


A suivre : LIVRE CINQUIÈME.

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Message  Louis Sam 05 Sep 2015, 11:51 am

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LIVRE  CINQUIÈME.



Ce sont les vertus qui font les saints, plutôt que les prodiges, les révélations et les extases, quoique ces dons singuliers supposent ordinairement une grande sainteté dans ceux qui en sont favorisés. Ce qu'on a vu jusqu'ici du P. Claver, ne peut donner que la plus haute idée de ce grand serviteur de Dieu ; mais tout admirables que paraissent et que soient effectivement ses œuvres, elles le sont encore plus dans leur principe; je veux dire dans les vertus éminentes de ce saint apôtre. Avant donc que de parler de l'heureuse mort et de la récompense éclatante dont le Seigneur voulut les couronner, j'espère qu'on ne sera pas fâché de les voir réunies ici sous un seul point de vue; elles n'en serviront que mieux à rendre croyables, et les prodiges que nous avons déjà rapportés, et ceux qui nous restent à raconter encore.


I. Son amour pour Dieu.


La reine des vertus et celle d'où naissent toutes les autres, était aussi celle qui avait jeté de plus profondes racines dans son cœur. Rien de plus ardent et de plus tendre tout à la fois que son amour pour Dieu. Toutes ses entreprises, tous ses travaux, toutes ses peines, toutes ses mortifications partaient du même principe, de son désir extrême d'endurer quelque chose pour Dieu et de lui marquer par là son amour. Quoi qu'il pût faire et souffrir pour lui, il croyait toujours ne rien souffrir et ne rien faire, parce qu'il ne faisait et ne souffrait rien qui répondît à la grandeur de sa charité. De là cette oraison continuelle que, ni les occupations les plus laborieuses, ni les maladies les plus accablantes, ni le sommeil même, n'étaient capables d'interrompre : de là cette union intime avec Dieu, qui paraissait plutôt celle d'un séraphin habitant du ciel, que d'un homme encore attaché à la terre.

A le voir si modeste, si recueilli, si solitaire, au milieu même du plus grand tumulte, il était aisé de juger qu'il était sans cesse comme absorbé en Dieu ; et ni le bruit, ni le péril, ni quelque chose que ce pût être, ne le détournait de cet objet. Comme il passait un jour dans une rue de Carthagène, les chevaux d'un carrosse, ayant pris le mors aux dents, vinrent avec furie à sa rencontre : on lui criait de toutes parts de s'écarter ; mais comme il ne s'apercevait pas du danger, le frère qui l'accompagnait fut obligé de le prendre promptement entre ses bras et de le retirer dans une boutique voisine. Pour lui, il n'avait rien vu, ni entendu, et il ne demanda pas même à son compagnon de quoi il s'agissait.


A suivre : II. Son oraison continuelle. — Faveurs qu'il y reçoit.

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Message  Louis Dim 06 Sep 2015, 12:07 pm

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II. Son oraison continuelle. — Faveurs qu'il y reçoit.

Dès qu'il n'était pas occupé au service du prochain, il se délassait par la prière de ses travaux apostoliques. Le P. Sébastien de Morille, qui fut recteur du collège de Carthagène, avait coutume de dire qu'il ne savait pas quand le P. Claver finissait son oraison, parce que, à quelque heure qu'il allât dans sa chambre, il l'y voyait toujours en prières. Quelquefois, ouvrant doucement la porte, il le trouvait, ou une couronne d'épines sur la tête, ou une corde au cou, souvent si hors de lui-même, que, pour ne le pas troubler, il se retirait sans lui rien dire. Ceux qui l'ont observé de plus près, ont attesté qu'il ne donnait que deux ou trois heures au sommeil, et qu'il passait le reste de la nuit en oraison, répandant une grande abondance de larmes ; son sommeil même était souvent interrompu par de tendres aspirations vers Dieu. Comme les orages sont terribles à Carthagène, surtout pendant la nuit, le F. Gonzalez, qui était son voisin, allait quelquefois tout transi de peur se renfermer dans la chambre du saint homme : il se mettait même à son côté, pour se mieux rassurer. Dès que l'orage avait cessé, il sortait, sans que le P. Claver l'eût entendu, ni qu'il fût revenu un seul instant de sa contemplation.

On n'a jamais pu connaître les faveurs célestes qu'il éprouvait dans son oraison, parce qu'il prit toujours un très grand soin de les cacher; mais son humilité profonde, sa prodigieuse mortification, sa patience invincible dans les travaux, son parfait détachement des créatures, son extrême mépris de lui-même, sa pureté de vie, cet esprit prophétique qui lui découvrait les besoins des absents, les choses futures et les secrets des cœurs, en un mot, ses ravissements et ses extases sont des preuves incontestables de ses communications intimes avec Dieu et du sublime degré de contemplation auquel il fut élevé.

On le vit souvent, soit quand il offrait le divin sacrifice, soit quand il récitait les prières au milieu de ses pauvres de Saint-Lazare, soit quand il assistait les criminels à la mort, environné d'une lumière brillante qu'on ne pouvait regarder sans en être ébloui. Quelqu'un qui passait un soir près de sa porte vit à travers des fentes une clarté si extraordinaire, qu'il crut que le feu était dans la chambre. Il entra brusquement, et il aperçut au milieu d'une lumière aussi douce que vive, le serviteur de Dieu élevé de terre, immobile et abîmé dans une profonde contemplation.

La même chose arriva au nègre qui le servait. Une nuit qu'il entrait dans sa chambre, il la vit remplie d'une lumière si éclatante que d'abord il s'arrêta court. Ayant ensuite cherché le Père, il le trouva suspendu en l'air, les yeux tendrement attachés sur un crucifix qu'il tenait en main, mais à genoux et dans la posture où il était avant ce ravissement Le saint resta plusieurs heures en cet état, jusqu'à ce qu'enfin on le vit descendre peu à peu à terre. Le Frère qui était chargé de le soigner dans sa dernière infirmité, fut une fois témoin du même prodige. Il en fut si frappé, qu'il douta quelque temps s'il n'appellerait point les autres religieux à ce merveilleux spectacle; mais craignant de blesser l'humilité du P. Claver, il attendit qu'il fût revenu à lui pour le remettre sur son lit. Le saint homme, très mortifié d'avoir été surpris dans cet état, fit promettre le silence au Frère qui, après la mort du Père, attesta le fait avec serment.

Malgré tant de faveurs extraordinaires, il se préparait à l'oraison avec une simplicité de novice, comme s'il n'eût fait que d'être initié à ce saint exercice.


A suivre : III. Sa dévotion particulière à la passion de JÉSUS-CHRIST.

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Message  Louis Lun 07 Sep 2015, 12:31 pm

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III. Sa dévotion particulière à la passion de JÉSUS-CHRIST.


La passion de JESUS-CHRIST était son plus doux attrait : il commençait presque toujours ses oraisons en se représentant les mystères douloureux de l'Homme-Dieu; et de la tendre considération de ses peines, il était insensiblement élevé à la sublime contemplation de son essence, sans perdre un instant de vue ce divin objet.

Dans ces moments il tenait ordinairement en main quelque petite image qui lui représentait le mystère qu'il méditait : on les trouva toutes après sa mort, mais presque effacées par ses baisers et par ses larmes. Les jours qu'il n'en était pas empêché par ses occupations auprès du prochain, il allait faire des stations devant un grand crucifix placé dans un endroit écarté de la maison; et quand il croyait n'être entendu de personne : « Ah! mon JÉSUS, s'écriait-il, Dieu crucifié pour moi, je vous aime beaucoup, oui beaucoup, de tout mon cœur. » Sans cesse il parlait de la passion de son Sauveur, et toujours avec des larmes, des soupirs d'amour, qui inspiraient à tous ceux qui l'entendaient une sainte tristesse mêlée d'une joie pure. Quoiqu'il eût toujours le visage maigre et décharné par la rigueur de ses austérités, dans la semaine sainte il devenait si défait et si abattu de douleur, qu'il n'était plus reconnaissable et qu'il paraissait une image vivante de JÉSUS-CHRIST affligé. Un religieux qui le fréquenta familièrement pendant plusieurs années, était convaincu que les instruments de la passion étaient gravés dans son cœur, comme on le rapporte de quelques saints. Tous les vendredis il sortait la nuit de sa chambre, sans être aperçu, et la corde au cou, une couronne d'épines sur la tête, une croix sur les épaules, il allait dans les endroits les plus écartés de la maison comme pour suivre JESUS-CHRIST montant au Calvaire.

A suivre : IV. Sa dévotion envers le Saint-Sacrement.

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Message  Louis Mar 08 Sep 2015, 11:29 am

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IV. Sa dévotion envers le Saint-Sacrement.


Si le seul souvenir de la passion du Sauveur le pénétrait ainsi d'une tendre compassion, la présence de ce même Sauveur dans l'Eucharistie l'embrasait d'amour. Il se tenait devant lui comme s'il l'eût vu de ses propres yeux. L'humanité sainte de son Dieu, sa divinité, sa toute-puissance, son infinie bonté dans cet auguste mystère, attiraient tour à tour les mouvements de son esprit et de son cœur ; et sa foi l'élevait, en quelque sorte, jusqu'à l'état des bienheureux qui le contemplent face à face. C'était au pied de ce divin Sacrement qu'il passait une grande partie de ses oraisons : il le visitait plusieurs fois le jour, et dans sa dernière maladie, ne pouvant y aller de lui-même, il s'y faisait porter le plus souvent qu'il lui était possible. En marchant dans la ville, quand il trouvait une église ouverte, il ne manquait pas d'y entrer pour adorer le Dieu caché sur nos autels ; et il s'affligeait de voir sa cour si déserte, tandis que les places publiques étaient remplies. La veille des grandes fêtes ou des jours marqués par quelque indulgence particulière, il allait dans les rues exhorter tout le monde à se mettre en état de communier le lendemain. Il avait surtout grand soin que les nègres ne fussent pas privés du bonheur de recevoir le saint viatique ; et pour que la cérémonie se fît avec plus de décence, il allait balayer lui-même et parfumer leurs loges : il portait l'attention jusqu'à couvrir alors leurs lits d'une courtepointe de soie, dont on lui avait fait présent pour cet usage.

Il eut bien des contradictions à essuyer au sujet de ces pauvres esclaves : plusieurs trouvaient à redire qu'il les fit communier si souvent, et l'accusaient de suivre plus en cela sa piété que la prudence ; mais, comme il était parfaitement instruit de ce qui était convenable, et qu'il savait exclure à propos de cette grâce ceux qui n'étaient pas bien disposés à la recevoir, sans rien répliquer au discours des hommes, il suivait le parti que Dieu lui inspirait. S'ils étaient ignorants et grossiers, il se donnait des peines infinies pour les instruire avant que de les admettre à la participation des saints mystères. S'ils étaient regardés au dehors comme le rebut de la nature, il respectait la beauté de la grâce dont ils étaient ornés au dedans, et c'en était assez pour les lui rendre chers. « Eh ! pourquoi, disait-il quelquefois, sous prétexte que ce sont des misérables, les priverait-on d'un Sacrement spécialement destiné aux pauvres, aux petits, aux faibles et aux infirmes ? »

Dieu lui-même prit soin de justifier la conduite de son ministre par un trait qui mérite d'avoir place ici. Une religieuse d'une éminente vertu, s'entretenant un jour avec un homme d'un ordre respectable, et d'ailleurs distingué par sa doctrine, fit tomber le discours sur la sainteté du P. Claver. « Je respecte fort sa piété, reprit le religieux, mais je ne puis excuser sa facilité à faire communier les nègres. » Le jugement d'un homme estimé pour son mérite fit naître quelques doutes dans l'esprit de la religieuse, mais elle fut bientôt détrompée. La nuit suivante, elle vit en songe le P. Claver debout et tout brillant de gloire, avec le religieux à genoux devant lui et qui lui demandait humblement pardon d'avoir voulu obscurcir par ses discours l'éclat de sa sainteté.

Mais c'est particulièrement au saint sacrifice de la messe que sa dévotion éclatait d'une manière plus sensible. Il appréhendait si fort que les fidèles ne manquassent d'y assister les jours d'obligation, que pour la commodité du public, il avait obtenu la permission de dire deux messes les jours des principales fêtes de l'année, et en particulier celui de la fête du Saint-Sacrement. Il avertissait le sacristain de ne lui point donner les ablutions ordinaires, s'il s'apercevait qu'après un certain temps il entrât du monde pour chercher une messe. Quelque nombreuses que fussent ses occupations, après s'être confessé avec une grande abondance de larmes, il employait une demi-heure à se préparer à ce divin sacrifice. Depuis ce moment jusqu'à la fin de son action de grâces, il ne parlait à personne et restait tout absorbé dans la pensée et dans l'amour de Dieu qu'il allait offrir et recevoir. A l'autel, son visage paraissait si enflammé, son air si pénétré de respect, surtout aux fêtes de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère, qu'il inspirait la modestie, la piété et la dévotion aux plus insensibles, et qu'une infinité de personnes trouvaient une véritable consolation à entendre sa messe. Pendant toute son action de grâces, la grandeur infinie, la bonté incompréhensible d'un Dieu abaissé jusqu'à servir d'aliment à sa créature, la vue de sa propre bassesse, et le sentiment de son indignité le frappaient tour à tour si vivement, que, n'ayant point alors assez de paroles, ni de sentiments pour exprimer sa reconnaissance, il recourait à la sainte Vierge, pour la prier de suppléer à sa faiblesse, et de l'aider elle-même à remercier son Fils.

A suivre : V. Sa dévotion à la sainte Vierge et à quelques saints particuliers.

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Message  Louis Mer 09 Sep 2015, 1:02 pm

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V. Sa dévotion à la sainte Vierge et à quelques saints particuliers.


Il avait sucé, pour ainsi dire, avec le lait, la dévotion envers cette auguste Mère de Dieu, qu'il regardait comme le canal par lequel JÉSUS-CHRIST se plaît à nous communiquer ses grâces, pour nous engager à avoir pour elle plus de respect et plus d'amour. Le saint commerce qu'il avait eu avec saint Rodriguez, si chéri de cette Reine du ciel, n'avait pas peu contribué à augmenter les sentiments qu'il avait pour elle : il portait sur sa poitrine un petit livre où la vie et les mystères de la sainte Vierge étaient représentés : il les regardait souvent, il les méditait sans cesse ; et jamais il ne les voyait sans se sentir pénétré de l'amour le plus tendre pour cette bonne Mère. Toutes les fois qu'il entrait dans la maison, ou qu'il en sortait, après avoir adoré le Saint-Sacrement, il ne manquait pas d'aller la saluer dans sa chapelle.

Il l'appelait ordinairement « la Mère du bel amour » ; et, pour obtenir par son intercession un amour de Dieu plus vif et plus tendre, on l'entendait souvent, au milieu de ses prières et de ses ravissements, répéter ces paroles si touchantes: «  Ah ! ma bonne Mère, apprenez-moi,  je vous en conjure, apprenez-moi à aimer votre divin Fils : obtenez-moi une étincelle de ce pur amour dont votre cœur brûla toujours pour lui ; ou prêtez-moi le vôtre, afin que je puisse du moins le recevoir dignement en moi. »

Il célébrait toutes ses fêtes avec une piété singulière ; et dès la veille il s'y préparait par des prières, des pénitences et des jeûnes extraordinaires : il consacrait l'après-midi de ces jours-là à confesser les enfants des écoles publiques, pour leur inspirer de bonne heure l'amour de Marie. Il avait engagé quelques personnes riches et vertueuses à lui envoyer un repas où rien ne manquait pour la propreté et pour l'abondance : il en faisait porter une partie à l'hôpital de Saint-Lazare, et lui-même il distribuait l'autre à la porte, où il avait soin de préparer une table commode pour les pauvres: il s'y asseyait avec eux, mais toujours à la dernière place : il y faisait aussi venir quelques joueurs d'instruments pour les réjouir. A la fin du repas, il leur faisait une petite exhortation propre à exciter leur respect et leur confiance pour celle dont la fête les rassemblait ; il récitait avec eux le chapelet, et les renvoyait enfin charmés de ses vertus et de sa bonté.

On ne saurait dire combien il distribua de chapelets. Sans compter ceux qu'il donnait au confessionnal, dans les hôpitaux et dans les prisons, tous les ans il en dépensait huit à neuf mille pour les nègres nouvellement arrivés, et il avait grand soin que tous fussent exacts à le porter. Il employait le temps des récréations communes à faire lui-même des chapelets avec ses interprètes.


Chaque jour de l'année était marqué…

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Message  Louis Jeu 10 Sep 2015, 1:35 pm

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V. Sa dévotion à la sainte Vierge et à quelques saints particuliers.

(suite)

Chaque jour de l'année était marqué par quelque petit service qu'il tâchait de rendre à la Mère de son Dieu ; et, à chaque heure du jour, il ne manquait pas de la saluer par l'hymne de l'Église consacré à cet office. Il était principalement si touché de la pureté de sa conception immaculée, et de la gloire de son assomption triomphante, qu'il l'en félicitait souvent avec une joie visible jusque sur son visage.

Il ne pouvait tarir sur les louanges et les vertus de Marie. Un jour de l'Annonciation, se trouvant dans la chapelle de la maison de D. André de Vauquecel, où il s'entretenait familièrement avec lui et avec toute sa famille des grandeurs de la Mère de Dieu, il tira une petite image où était représenté le mystère dont on célébrait la mémoire. Après s'être étendu quelque temps sur les obligations infinies que les hommes avaient à cette heureuse Vierge, il poussa un profond soupir, perdit peu à peu l'usage de ses sens et resta plus d'une heure en cet état, au milieu de tous les assistants qui répandaient des larmes de dévotion, jusqu'à ce qu'enfin son compagnon, voyant qu'il était temps de retourner au collège, le tira fortement, et le fit revenir à lui.

Après JÉSUS-CHRIST et sa sainte Mère, sa principale dévotion était à son ange gardien, à saint Pierre, son patron, et à son père saint Ignace dont il portait toujours une médaille sur lui. Mais il avait de plus choisi vingt-quatre saints pour ses protecteurs, et il s'adressait à chacun d'eux tour à tour ; afin qu'il n'y eût pas une seule heure dans la journée, où, comme il le disait lui-même, il n'eût un avocat particulier auprès de Dieu. Ceux qui seraient tentés de regarder toutes ses attentions comme des minuties, ne savent guère ce que c'est qu'une dévotion animée par une foi vive et une tendre charité.

A suivre : VI. Son amour pour le prochain.

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Message  Louis Ven 11 Sep 2015, 12:42 pm

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VI. Son amour pour le prochain.

Une des preuves les moins équivoques de l'amour dont il brûlait pour Dieu et de l'intérêt qu'il prenait à son culte et à sa gloire, c'est l'amour même qu'il avait pour le prochain et le zèle dont il était dévoré pour son salut: amour si pur et si désintéressé, que dans les hommes il ne cherchait, il ne voyait rien que Dieu, rien que des âmes rachetées de son sang ; zèle si empressé et si ardent, qu'après s'être épuisé de travaux pour ses frères, il gémissait encore de ne pouvoir rien faire pour eux. Il est inutile de rappeler que ce fut ce zèle ardent du salut des âmes qui le fit sortir d'Espagne, traverser les mers et souffrir un long martyre de quarante années dans un pays où tout conspirait à affliger la nature ; mais ce qui est surtout remarquable, c'est cet amour désintéressé du prochain qui l'attacha aux pauvres, aux misérables et aux esclaves si particulièrement, qu'il ne connaissait pas même de nom la plupart des gens riches ou qualifiés de Carthagène. Instruire les ignorants, consoler les affligés, visiter les captifs, assister les infirmes, fournir à toutes les nécessités des malheureux, c'étaient les plus chères délices de son cœur.

Plusieurs personnes dignes de foi ont attesté que, pendant tout le temps de son apostolat à Carthagène, il ne se passa pas un seul jour où il n'eût exercé quelque acte héroïque de charité ; de manière que, selon qu'il est rapporté dans les procès dressés pour sa canonisation, il est en ce point plus admirable qu'imitable. Sans rien répéter ici de ce qu'il fit au service des nègres, que ne lui en coûta-t-il point pour les empêcher de périr ? Ces malheureux prenaient souvent le parti de se laisser mourir de faim pour terminer par là toutes leurs misères, et il n'y avait que la charité du P. Claver qui fût capable de vaincre leur obstination sur ce point. Un d'eux, accablé de maux et tout couvert d'ulcères, ayant pris cette funeste résolution, le saint homme l'alla trouver et, à force de prières, le décida à prendre du moins un morceau. Celui-ci l'ayant tenu quelque temps dans sa bouche, le rejeta avec dégoût dans le plat. « Mon fils », lui dit alors le Père, « ce n'est pas ainsi qu'il faut faire ; regardez-moi. » En même temps il prend le morceau, et l'avale aux yeux du nègre, qui, étonné de son zèle et de son courage, se détermina à manger, et guérit enfin.

A suivre : VII. Il soulage les âmes du purgatoire.

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Message  Louis Sam 12 Sep 2015, 12:04 pm

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VII. Il soulage les âmes du purgatoire.

Il n'abandonnait pas les âmes de ses frères après la mort, ainsi qu'on l'a déjà pu remarquer: pénitences, prières, messes, indulgences, il leur appliquait tout ce qui dépendait de lui : aussi arrivait-il souvent que ces âmes affligées, sûres de son crédit auprès de Dieu, venaient lui demander le secours de ses prières. La délicatesse et l'incrédulité de notre siècle ne m'empêcheront pas d'en rapporter ici quelques traits. Ils paraîtront peut-être dignes de la raillerie des esprits forts ; mais ne suffit-il donc pas de reconnaître un Dieu maître de ces sortes d'événements, et que d'ailleurs ils soient bien attestés, pour qu'ils puissent trouver place dans une histoire écrite pour des lecteurs chrétiens.

Un nègre malade, qu'il avait retiré dans sa chambre et couché dans son lit, ayant entendu la nuit de grandes plaintes, courut au P. Claver qui était à genoux en oraison : « Ô mon Père, lui dit-il, quel est donc ce grand bruit qui m'effraye ainsi, et qui m'empêche de dormir ? — Retournez, mon fils », lui répondit le saint homme, « et dormez sans crainte. » Alors, l'ayant aidé à se remettre au lit et lui ayant posé la couverture sur la tête, il ouvrit la porte de la chambre, il dit quelques paroles et tout à coup les plaintes cessèrent.

Plusieurs autres nègres étant occupés à travailler dans une habitation éloignée de la ville, un d'eux alla couper du bois sur une montagne voisine. Comme il approchait de la forêt, il entendit que, du haut d'un arbre, on l'appelait par son nom: il leva les yeux vers l'endroit d'où partait la voix, et ne voyant personne, il voulut s'enfuir pour rejoindre ses compagnons : mais il fut arrêté à un passage étroit par un spectre effrayant, qui commença à décharger sur lui de grands coups d'un fouet garni de fer tout rouge de feu, en lui disant : « Pourquoi n'as-tu pas ton chapelet ? Porte-le désormais, et le dis pour les âmes du purgatoire. » Il lui ordonna ensuite de demander à la maîtresse de l'habitation quatre écus qu'elle lui devait, et de les porter au P. Claver pour faire dire des messes à son intention ; après quoi il disparut. Cependant, au bruit des coups et aux cris du nègre, ses compagnons étant accourus, ils le trouvèrent plus mort que vif, et encore tout meurtri des coups qu'il avait reçus, sans pouvoir leur dire une parole. On le porta à l'habitation, où la maîtresse avoua qu'elle était effectivement redevable de la somme en question à un nègre qui était mort peu de temps auparavant. Le P. Claver ayant été informé de tout ce détail, fit dire les messes qu'on demandait et donna un chapelet au nègre.

A suivre : VIII. Son zèle pour le salut des âmes.

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Message  Louis Dim 13 Sep 2015, 12:43 pm

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VIII. Son zèle pour le salut des âmes.


Ses travaux immenses à Carthagène et aux environs étaient encore trop peu de chose pour l'étendue et l'ardeur de son zèle. Il eût voulu se faire porter sur les côtes de Guinée et pénétrer dans les vastes contrées de l'Afrique pour les gagner à JÉSUS-CHRIST. « Ah !» s'écriait-il souvent dans les transports de sa charité, « heureux celui qui pourrait aller sur les côtes de Guinée, de Carabal, etc., pour convertir ces pauvres nègres !» Il en demanda plusieurs fois la permission et n'ayant pu l'obtenir, il pria ses supérieurs de l'envoyer au moins dans les îles où l'on débarquait les nègres avant que de les amener à Carthagène. Il se défiait toujours de leur christianisme, parce qu'il en trouvait plusieurs qui n'avaient point été baptisés, ou dont le baptême était fort douteux ; et c'est ce qui lui faisait désirer de parcourir, l'un après l'autre, tous les ports où on les conduisait. Au défaut de cette consolation, il se procurait celle d'aller souvent faire des missions dans l'intérieur du nouveau royaume de Grenade. Dans la dernière qu'il entreprit, il pénétra jusqu'à Cotoca, au voisinage d'Uraba, où la férocité des Indiens n'avait pas encore permis au christianisme de s'établir. Déjà il était sur le point d'entrer dans cette vaste province pour y convertir les idolâtres, ou du moins pour y répandre son sang, lorsque la santé et les forces lui manquèrent totalement et l'obligèrent de revenir à Carthagène, semblable encore en cela au grand Xavier, dont la mort arrêta le zèle à la vue même de la Chine, où il espérait annoncer le nom de JÉSUS-CHRIST.
A suivre : IX. Sa mortification.

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Message  Louis Lun 14 Sep 2015, 11:23 am

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IX. Sa mortification.

Un amour si fervent, une piété si tendre, une oraison si continuelle, un zèle si vif étaient soutenus dans le saint missionnaire d'une mortification si étonnante, que le seul récit suffirait pour effrayer la pénitence même la plus austère. S'il est vrai que la mortification est un moyen d'acquérir l'amour de JÉSUS-CHRIST, il ne l'est pas moins que celui qui aime JÉSUS-CHRIST se mortifie pour l'imiter et pour lui plaire. Toute la vie du P. Claver fut en ce genre, une espèce de prodige, ou plutôt ce fut un long et continuel martyre.

Doux, indulgent et tendre pour tous les autres, il était l'ennemi implacable de lui-même. Dans l'impossibilité de présenter ici les différentes mortifications qu'il embrassa pour réduire son corps en servitude et l'immoler sans cesse comme une hostie vivante à la gloire de Dieu, je commencerai par celle qui parait le moins terrible, mais dont la pratique invariable demande peut-être les plus grands efforts et la constance la plus soutenue; je parle de la mortification des sens, qu'il porta jusqu'à un point si extraordinaire, qu'il semblait en être presque absolument privé.

Pendant cinquante-quatre ans qu'il vécut dans la Compagnie, jamais il ne se permit un regard de simple curiosité; ce qui paraîtra surprenant, si l'on fait réflexion à la multitude de ses occupations au dehors et aux différentes circonstances où il se trouva. Quand il se promenait à la campagne, il refusait à ses yeux le plaisir innocent d'en considérer les endroits les plus propres à flatter la vue; et, quelque charmé qu'il fût de la parure des autels aux jours de grandes fêtes, quelques éloges qu'il donnât aux soins que le sacristain avait pris pour y réussir, il se privait lui-même de la consolation que cette vue lui aurait donnée. A l'arrivée de quelque flotte, tout Carthagène est en rumeur: on sonne toutes les cloches de la ville, on fait une décharge générale d'artillerie; le peuple, la noblesse, les ecclésiastiques, les religieux, tous courent en foule vers le port, soit pour apprendre des nouvelles d'Espagne, soit pour s'informer de leurs parents, de leurs amis, de mille choses intéressantes pour des personnes reléguées dans un autre monde. La fenêtre du P. Claver donnait sur le port, et, pendant quarante ans, il n'eut jamais la curiosité de l'ouvrir pour se donner sans peine un spectacle qui faisait sortir tous les autres de leurs maisons. On a déjà remarqué que jamais il ne s'informait d'aucunes nouvelles étrangères, et qu'il ne voulait rien écouter que ce qui regardait le service de Dieu et le bien des âmes; mais s'il se trouvait engagé dans quelque conversation qui roulât sur des choses purement curieuses ou même indifférentes, il se recueillait alors tellement en lui-même, qu'il n'entendait pas ce qu'on disait : il arrivait même souvent que, pour n'être pas interrompu dans ses communications intérieures avec Dieu, il se mettait du coton dans les oreilles, sous prétexte de remédier à quelque infirmité. Quand quelque musicien célèbre arrivait d'Espagne aux Indes, il se faisait ordinairement un plaisir de venir faire briller ses talents au collège: mais le P. Claver ne s'y trouvait jamais avec les autres Pères de la maison; et quoiqu'il souhaitât fort que, pour l'honneur du culte divin, il y eût aux jours solennels de la musique dans l'église, son âme était alors si occupée de l'harmonie céleste, qu'il ne faisait pas la moindre attention à celle de la terre. Lorsqu'il arrivait des jésuites étrangers à la maison, il fallait l'avertir pour qu'il s'en aperçût ; alors il allait les embrasser avec toutes les marques de la plus vive tendresse, il s'efforçait de leur rendre tous les devoirs qu'inspire la plus humble charité, mais il ne songeait jamais à leur demander, ni d'où ils venaient, ni où ils allaient, ni à quels emplois ils étaient destinés.

En un mot, comme les plaies des pauvres et des malades étaient les objets les plus agréables à ses yeux; ainsi leur entretien grossier, et surtout leurs confessions et leurs soupirs, étaient ce qu'il y avait de plus flatteur pour ses oreilles. On peut ajouter que l'odeur des hôpitaux et des cachots lui tenait lieu des parfums les plus exquis; et, pour bien juger de sa mortification en ce point, il n'y a qu'à se rappeler ce qu'on a rapporté de son assiduité auprès des lépreux et des malades couverts d'ulcères. Jamais on ne le vit, ni sentir une fleur ou quelque autre odeur agréable, ni se servir d'aucun préservatif contre l'infection des nègres et des endroits où il était obligé de passer des heures entières. Étant allé confesser un nègre, quelqu'un des compagnons du malade vint le prier de sortir un moment, jusqu'à ce qu'il eût emporté quelques ordures dont l'infection était insupportable : « Laissez, lui dit-il, cela est bien. » Il acheva ensuite tranquillement ce qu'il avait à faire : mais en sortant, il avertit l'esclave de bien nettoyer la loge, parce que la mauvaise odeur était capable d'incommoder beaucoup le malade.


A suivre : X. Son abstinence prodigieuse.

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Message  Louis Mar 15 Sep 2015, 12:53 pm

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X. Son abstinence prodigieuse.


En comparant l'excès de ses travaux avec le peu de nourriture qu'il prenait, on ne concevait pas comment il pouvait se soutenir sans miracle. Ses repas n'excédaient pas, pour la quantité, la collation de ceux qui jeûnent le plus rigoureusement ; ses mets les plus ordinaires étaient quelques morceaux de pain qu'il ramassait sur les tables, avec quelques patates grillées; et quand il se sentait plus accablé que de coutume, il buvait quelque chose de chaud. S'il était obligé de prendre des aliments moins grossiers, il ne leur donnait point d'autre assaisonnement que celui de quelques herbes fort amères, qu'il  disait  être très bonnes pour son estomac. Quand, à certains jours de fête et de grande solennité, on servait à la communauté quelque chose de meilleur qu'à l'ordinaire, il partageait entre ses voisins les plats qu'on mettait devant lui; et si on le pressait de se donner, comme les autres, cette petite douceur, dont il avait encore plus de besoin qu'eux pour se fortifier, il s'en excusait sur la faiblesse de son estomac qui ne lui permettait pas l'usage de ces sortes de viandes trop nourrissantes. Pour remédier à cette faiblesse, et se soutenir un peu dans ses travaux, les médecins lui conseillèrent souvent l'usage du chocolat, très commun en ce pays; mais quoi qu'on pût lui représenter, il se fit toujours un devoir de s'en abstenir.

Tant qu'il put dire la messe, il dit toujours la dernière; et pendant près de quarante ans de travaux apostoliques, jamais on ne le vit, ni manger un morceau, ni boire seulement un verre d'eau, ni prendre aucune autre sorte de rafraîchissement, hors le temps du repas : ce qui, dans un climat aussi brûlant, est une mortification excessive. La loi qu'il s'imposa de ne goûter aucune espèce de fruit, n'en est pas peut-être une moins extraordinaire.

Se promenant un jour avec deux frères coadjuteurs, pendant un temps de récréation, ceux-ci cueillirent une très belle grappe de raisin qu'ils lui présentèrent; mais un d'entre eux, voyant qu'il la refusait et que rien ne pouvait le déterminer à la recevoir, s'avisa de lui dire avec une espèce de chagrin, qu'il serait bien plus édifié de sa complaisance, que de tant d'opiniâtreté: alors le Père en prit deux grains qu'il mangea pour ne les pas chagriner, en leur disant avec simplicité, que c'étaient là les premiers raisins qu'il eût goûtés en Amérique. Il trouva ainsi le secret de ne pas mécontenter ses frères, sans rien perdre de sa mortification.

A suivre : XI. Les rigueurs qu'il exerce sur son corps.

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Message  Louis Mer 16 Sep 2015, 11:51 am

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XI. Les rigueurs qu'il exerce sur son corps.


Mais quelque rude que fût la guerre qu'il déclarait à ses sens, les rigueurs qu'il exerçait sur son corps avaient quelque chose de plus terrible encore. Son lit ordinaire était une peau de bœuf ou une simple natte, sans autre oreiller qu'une grosse pièce de bois : encore, pendant plusieurs années, n'eut-il point d'autre lit que la terre. Il y était si accoutumé que, même quand il était malade, il sortait de son lit, pour se coucher sur le plancher, sans que la plupart du temps les nègres qui le gardaient s'en aperçussent ; et quand par hasard quelqu'un d'eux le reprenait de son indiscrétion, il s'excusait, en disant qu'il reposait ainsi beaucoup plus commodément.

Trois fois par nuit il se donnait une sanglante discipline, l'une avant que de prendre un léger sommeil, l'autre vers minuit, et la troisième quand on donnait le signal du lever pour toute la communauté : ses disciplines étaient faites, ou de cordes goudronnées pleines de nœuds piquants, ou de chaînettes de fer armées de pointes. Les voisins même entendaient le bruit des coups ; et ceux qui étaient chargés de faire la nuit la ronde dans le collège, s'étant arrêtés quelque temps pour l'écouter, s'en retournaient saisis d'une certaine frayeur mêlée de compassion. Pour tout remède aux plaies qu'il s'était faites par ces pieuses cruautés, il y appliquait un rude cilice dont il se couvrait tout le corps. D'abord il entrelaçait les doigts de ses pieds avec de petites cordes de crin remplies de nœuds ; et tout le long des jambes, il en ajoutait d'autres plus dures et plus grosses, parce qu'il pouvait les cacher plus facilement ; il portait ensuite deux croix faites d'un bois rude et grossier, l'une sur le dos, l'autre sur la poitrine ; et celle-ci était toute hérissée de pointes du côté de la chair : pour les attacher plus fortement, il se garrottait tout le corps de cordons de crin, dont les bouts étaient ramenés le long des bras jusqu'aux poignets. De six d'entre eux, il avait fait une large bande parsemée de pointes de fer, qui lui descendait en forme d'étole croisée sur l'estomac, et dont les deux bouts lui formaient une ceinture autour des reins. Quand il était renfermé dans sa chambre, il se mettait sur la tête une couronne d'épines très piquantes, une grosse corde au cou, et aux mains des espèces de gants faits de cordes de crin ; mais pour mieux cacher ces austérités effrayantes, il mettait en même temps à sa porte une pierre qui tombait, dès qu'on voulait ouvrir ; et ce signal lui donnait le temps de se dépouiller, au moins d'une partie de cet attirail de pénitence.

Ce qu'il y a de plus prodigieux…

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Message  Louis Jeu 17 Sep 2015, 2:32 pm

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XI. Les rigueurs qu'il exerce sur son corps.

(suite)


Ce qu'il y a de plus prodigieux, c'est que, quoiqu'il fût ainsi lié et pour ainsi dire crucifié, dès qu'il s'agissait d'aller quelque part au service du prochain, personne n'était plus dispos que lui. Dans ses courses apostoliques, il marchait d'un pas si agile et si délibéré, que ses compagnons ne le suivaient qu'à peine et que souvent il les laissait bien loin derrière lui. Tant il est vrai que la charité donne des ailes, et que dans les saints elle produit une force supérieure à toutes leurs faiblesses. Malgré la chaleur du climat, il portait par dessus tout cela une chemise de grosse laine, mais dont le collet était de toile, comme celui des autres. Souvent il arrivait qu'il se trouvait si serré, si accablé de chaud et de douleur, qu'il en tombait évanoui. Au bout de vingt ans, les supérieurs, s'en étant aperçus, lui ordonnèrent de porter du linge, mais il le choisit si grossier et si dur, que le mérite de son obéissance ne lui fit rien perdre de celui de sa mortification.

Dans tout le reste il tâchait d'inventer quelque nouveau moyen de souffrir. Loin de prendre jamais aucune précaution contre les injures des différentes saisons, il n'en parlait pas même par forme de conversation ; et quelque abondante que fût la sueur qui lui découlait du visage au milieu de ses travaux, il ne l'essuyait jamais. Les jours destinés à raser la communauté, il allait toujours après tous les autres ; et il demandait alors en souriant, s'il n'y avait point là quelque méchant couteau pour lui. Il ne trouvait que trop souvent ce qu'il désirait ; et il était charmé quand il tombait entre les mains de quelque maladroit qui lui coupait tout le visage: il demeurait alors immobile, les yeux fermés, sans dire une seule parole, et se réjouissant en lui-même de trouver cette nouvelle occasion de souffrir. Les Pères de la maison qui le voyaient quelquefois tout en sang, faisaient au maître de vifs reproches de ce qu'il ne donnait au P. Claver que des apprentis, ou de petits nègres sans expérience ; mais celui-ci s'excusait toujours sur ce que le Père n'en voulait point d'autres.

Il fallait bien que la vigueur surnaturelle de l'esprit soutînt en lui la faiblesse naturelle du corps…

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Message  Louis Ven 18 Sep 2015, 1:16 pm

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XI. Les rigueurs qu'il exerce sur son corps.

(suite)


Il fallait bien que la vigueur surnaturelle de l'esprit soutînt en lui la faiblesse naturelle du corps, puisqu'au plus fort de ses infirmités, il n'ôtait rien du terrible appareil de pénitence dont on a parlé. Dans une grande maladie, le Frère qui avait soin de lui ayant aperçu son cilice, lui dit tout étonné : « Hé ! mon Père, qu'est-ce que donc ceci ? Jusqu'à quand l'âne sera-t-il ainsi attaché ? — Jusqu'à la mort, » lui répondit le Père avec tranquillité. Une autre fois qu'il fut attaqué d'une fièvre violente, le médecin lui dit de se mettre au lit, mais il fit quelque difficulté, parce qu'il avait besoin du secours de quelqu'un pour se déshabiller, et qu'ainsi il n'aurait pu cacher les instruments de pénitence dont il était couvert, le Père provincial vint lui ordonner d'obéir au médecin et chargea en même temps le P. de Sandoval de lui aider à se coucher. A la vue des cilices dont il était comme garrotté, le médecin se jeta à genoux et s'écria les larmes aux yeux : « Ah ! mon cher Père, comment voulez-vous n'être pas malade, en vous traitant de la sorte ? N'est-ce pas là être homicide de soi-même ? » Le malade pria qu'on le laissât seul pour achever de se déshabiller : mais, quoi qu'il pût dire, on lui donna un nègre qui eut tant de peine à le dépouiller de tous les cilices dont il était garni, qu'on ne comprenait pas comment il pouvait venir à bout de les accommoder lui-même.

La manière dont le saint homme se comportait à l'égard des moustiques et des autres insectes volants dont le pays est infecté, est peut-être une de ses mortifications les plus étonnantes. Il s'est trouvé des tyrans, qui, après avoir essayé les plus cruels supplices contre les martyrs sans les ébranler, ont cru pouvoir abattre leur courage en les exposant aux piqûres des mouches et des guêpes : quel héroïsme ne faut-il donc pas pour soutenir un pareil tourment pendant un si grand nombre d'années, sans faire pourtant le moindre mouvement, même indélibéré, pour chasser ces animaux importuns et se délivrer de leur persécution ? C'est ce qu'on a vu avec admiration dans le P. Claver. Tout le temps qu'il fut à Carthagène, il fut exposé aux piqûres continuelles de ces espèces de taons, dont un seul renfermé la nuit dans une chambre, suffit pour interrompre le sommeil ; et jamais il ne prit aucune précaution pour s'en garantir : il souffrait avec une tranquillité incroyable, qu'ils lui missent les mains et le visage tout en sang. Lorsque ceux qui le voyaient en ce pitoyable état, le conjuraient de les chasser, il répondait, comme il avait déjà fait à ses interprètes, qu'ils lui étaient fort utiles, et qu'ils le saignaient sans lancette; mais si quelqu'un, touché de compassion, se mettait en devoir de les tuer, alors il soufflait doucement pour les faire envoler.

A suivre : XII. Sa patience; persécutions qu'il a à essuyer.

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Message  Louis Sam 19 Sep 2015, 11:32 am

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XII. Sa patience; persécutions qu'il a à essuyer.


Un homme aussi prodigieusement mortifié devait avoir une patience à l'épreuve de tout. Cependant ce qu'on souffre volontairement paraît d'ordinaire plus supportable que ce qu'on a à souffrir des autres; pour le P. Claver tout lui était égal; et de quelque part que lui vinssent les souffrances, elles trouvaient en lui la même fermeté. Il avait appris du F. Alphonse Rodriguez deux grandes maximes qui méritent d'être rapportées ici telles qu'on les a trouvées dans ses écrits après sa mort, parce qu'il en fît toujours la règle de sa conduite.


PREMIÈRE MAXIME. « Quand on me persécute ou qu'on parle mal de moi, ou bien je l'ai mérité, ou bien je ne l'ai pas mérité. Si je l'ai mérité, pourquoi me plaindre ? Il faut plutôt me corriger et demander à Dieu pardon de ma faute. Si je ne l'ai pas mérité, il faut me réjouir et remercier Dieu de m'avoir donné cette occasion de souffrir quelque chose pour son amour ; et du reste il faut me taire. »

SECONDE MAXIME. « Dans les traverses qu'on me suscite, pourquoi ne ferais-je pas ce qu'un âne fait ? Qu'on parle mal de lui, ou qu'on le maltraite, il se tait : qu'on l'oublie ou qu'on lui refuse à manger, qu'on le fasse aller, ou qu'on le méprise, qu'on le surcharge, il se tait : en un mot, quoi qu'on dise ou qu'on fasse de lui, il ne dit rien, il ne se plaint pas. Ainsi doit faire le vrai serviteur de Dieu, et lui dire avec David : « Ut jumentum factus sum apud te : Je suis devenu devant vous comme une bête de charge. »

Les peines infinies que le P. Claver se donnait pour les esclaves méritaient les plus grands éloges : il se trouva cependant plusieurs maîtres qui prirent à tâche de le chagriner en tout, et qui allèrent même jusqu'à l'outrager, sous prétexte que leurs esclaves perdaient trop de temps avec lui ; que par ses fréquentes instructions il les détournait de leur travail ; que sa bonté les rendait trop insolents. Plein de ces fausses idées, ces maîtres intéressés défendaient à leurs nègres d'aller le voir ; et, quand il venait lui-même les chercher, ils avaient ordre de lui fermer la porte avec mépris et de l'accabler d'injures. L'homme apostolique gardait alors un profond silence, ravi de souffrir quelque chose pour le service de Dieu ; mais il ne lâchait pas prise pour cela, et il arrivait souvent que ces maîtres revenaient de leurs injustes préjugés. Convaincus par leur propre expérience que, sous la conduite du P. Claver, leurs nègres devenaient de jour en jour plus laborieux et plus dociles, ils les abandonnaient enfin à sa disposition ; mais, comme ces sortes de contestations étaient fréquentes, il fallait toujours combattre et gagner, pour ainsi dire, le terrain pied à pied.

Il y eut aussi parmi les Espagnols un grand nombre de libertins qui…

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Message  Louis Dim 20 Sep 2015, 12:01 pm

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XII. Sa patience; persécutions qu'il a à essuyer.

(suite)


Il y eut aussi parmi les Espagnols un grand nombre de libertins qui, furieux de se voir enlever les complices de leurs désordres, non contents de lui faire mille outrages et de le traiter d'hypocrite et de séducteur, allèrent jusqu'à se jeter sur lui le poignard à la main, en le menaçant de le tuer s'il ne cessait de les inquiéter ; mais rien n'était capable de ralentir son zèle, ni d'altérer sa douceur : « Si c'est la volonté de Dieu que je meure, » répondait-il alors tranquillement, « voilà ma vie, vous pouvez la prendre. »

Ce qui devait lui être encore plus sensible, c'est que quelques Pères de la maison étaient les premiers à désapprouver sa manière de traiter avec les nègres : ainsi Dieu permet-il que les plus gens de bien se trompent quelquefois pour donner à ses saints une plus belle occasion de mérite. A les entendre, c'était en lui un bon zèle, mais d'ailleurs indiscret et précipité. Ses succès dans tout ce qu'il entreprenait à cet égard auraient dû les désabuser ; mais il n'est pas aisé de détromper certaines personnes accoutumées à juger de tout par leurs propres idées, et à ne trouver rien de bien fait que ce qu'elles font elles-mêmes. Il y en eut même, et au dehors et au dedans, qui pendant quelques années traitèrent son zèle de caprice, sa constance d'opiniâtreté, sa mortification de dureté de caractère, sa tendresse pour les nègres de manie, son recueillement d'ignorance, sa sainteté même d'illusion. Les moins ardents condamnaient en général le tumulte de ses occupations, les distractions de son emploi, le temps considérable qu'il y perdait et l'embarras qu'il donnait à ses interprètes qui devenaient par là inutiles au service de la maison. S'il arrivait qu'un nègre ne répondît pas juste aux interrogations qu'on lui faisait, ou ne reçût pas assez bien la sainte hostie dans sa bouche, les plus zélés lui en faisaient des reproches : ils s'adressaient même aux supérieurs ; et, comme il ne disait jamais rien pour sa défense, on lui donnait tort, en le taxant d'imprudence. On allait quelquefois jusqu'à lui faire des réprimandes publiques si sévères, qu'il fallait une patience comme la sienne pour n'en être pas troublé ; et comme il se croyait toujours coupable, il se punissait de toutes les fautes dont on le reprenait, et que sa conscience ne lui reprochait pas.

On ne saurait croire tout ce qu'il eut à souffrir en particulier d'un certain frère portugais, homme brusque, violent et d'une conduite si peu religieuse qu'on fut obligé de le chasser quelque temps après de la Compagnie. Comme c'était malgré lui qu'il allait accompagner le Père dans ses ministères auprès du prochain, il prenait plaisir à le faire longtemps attendre pour sortir de la maison, il le grondait continuellement en chemin ; et quand il eût été à propos de se hâter, il s'arrêtait exprès ; de sorte que quelque besoin qu'eût un malade d'être promptement secouru, le Père était obligé d'attendre que le caprice du frère fût passé. Dans l'intérieur de la maison, il n'est point d'outrages qu'il ne lui fît : il traitait ses occupations saintes d'imaginations ridicules et sa piété d'hypocrisie. Le saint homme ne lui disait jamais une parole, et il se contentait de le regarder humblement comme un fléau que Dieu lui avait justement envoyé pour le punir de ses péchés.

Ce fut surtout dans les dernières années de sa vie…

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Message  Louis Lun 21 Sep 2015, 12:50 pm

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XII. Sa patience; persécutions qu'il a à essuyer.



(suite)


Ce fut surtout dans les dernières années de sa vie que sa patience eut occasion de paraître. Quelques ennemis des jésuites (car ceux qui travaillent à la gloire de Dieu n'en manquèrent jamais) saisirent l'occasion de l'arrivée d'un visiteur général à Carthagène, pour exciter une violente tempête contre ces religieux; et elle tomba particulièrement sur le P. Claver. On l'accusa entre autres choses de réitérer le baptême, et en conséquence on lui défendit de baptiser désormais. Il n'ignorait pas ce qu'il avait à dire pour sa justification, n'ayant jamais rebaptisé que dans le cas d'un doute bien fondé, et toujours sous condition: mais il aima mieux souffrir en silence ; et quoi qu'il en coûtât à son cœur d'abandonner ainsi ses pauvres esclaves, il jugea plus à propos d'obéir sans répliquer.

Il eut longtemps à vivre sous un supérieur fort prévenu contre lui, et qui, choqué de ce qui paraissait en lui d'extraordinaire, crut que, pour mieux s'assurer de sa vertu, il fallait ne manquer aucune occasion de l'éprouver ; mais quelque attention qu'on apportât à l'examiner alors, jamais on n'aperçut en lui la plus légère marque d'aigreur ou même d'altération. On alla jusqu'à lui dire, au sujet de quelque question sur laquelle les sentiments étaient partagés, qu'il n'était qu'un ignorant, qu'il n'entendait pas même le latin : mais quelques preuves qu'il eût données de sa capacité en tout genre de doctrine, il ne parla que pour avouer de bonne foi son ignorance. « Il importe peu », disait-il à ceux qui paraissaient surpris de sa tranquillité en une pareille occasion, « de passer pour savant ou pour ignorant ; mais il importe beaucoup d'être humble et obéissant ».

Au temps de la Passion, ayant aperçu dans l'église du collège une femme parée d'une manière mondaine, il s'approcha d'elle et lui représenta qu'un tel ajustement ne convenait, ni au temps, ni à son état, ni à son âge. Il suffisait que ce fût une femme vaine à qui on paraissait reprocher son âge pour la mettre en fureur: elle s'emporta de manière que le frère sacristain étant accouru au bruit qu'elle faisait, et la voyant dans une agitation terrible, ne manqua pas de se ranger de son parti et de blâmer l'indiscrétion du Père. Le recteur du collège arriva un moment après et, soit qu'il ne pût apaiser autrement la fureur de la dame, soit que le silence du P. Claver lui fît juger qu'il avait tort, il le reprit en le traitant d'homme indiscret qui s'abandonnait à l'impétuosité de son zèle. L'humble religieux, sans dire une seule parole pour sa justification, se jeta aussitôt à genoux devant son supérieur, lui baisa les pieds, lui demanda pardon du scandale qu'il venait de donner, et le pria de lui imposer une pénitence proportionnée à la faute, qu'il avait commise. La dame resta surprise et si confuse de tout ce qui se passait à son occasion, que, rentrant tout à coup en elle-même, elle prit la résolution de mener une vie plus édifiante et plus chrétienne. Les nègres eux-mêmes se permettaient de le traiter de la manière la plus indigne : ils se plaignaient souvent de ce qu'il les occupait trop, et leur donnait plus d'affaires lui seul que tous les autres ensemble ; mais qu'il ne fallait pas s'en étonner, puisqu'il n'était qu'un capricieux et un fanatique que personne ne pouvait souffrir. Toutes ces insultes avaient des charmes inexprimables pour ce grand serviteur de Dieu, et il les écoutait avec une joie qui éclatait quelquefois sur son visage.

A suivre : XIII. Sa douceur inaltérable.

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Message  Louis Mar 22 Sep 2015, 11:24 am

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XIII. Sa douceur inaltérable.

La véritable vertu se fait connaître tôt ou tard ; et il en est d'elle comme d'une lumière pure qui vient à bout de dissiper les nuages les plus épais, les plus obscures ténèbres. Celle du P. Claver était trop éclatante pour ne pas forcer enfin l'admiration de ceux mêmes qui le persécutaient. Ce n'était pas en lui une patience triste et sévère qui se fait estimer sans pouvoir se faire aimer, qui frappe l'esprit sans gagner le cœur; elle était toujours accompagnée d'une douceur aimable qui entraînait insensiblement tous les cœurs, et qui triomphait aussi bien de la férocité naturelle des sauvages, que de la haine de ses plus opiniâtres ennemis : L'idée qu'on en avait parut surtout en deux occasions bien remarquables.

Une femme qui devait une certaine somme au collège, tâchait depuis longtemps d'éluder, à force d'artifices et d'impostures, les poursuites ordinaires de la justice: tous les jours elle assemblait chez elle une grande multitude de gens de toute espèce, devant qui elle ne cessait point de déclamer, ni d'invectiver contre les jésuites. On jugea à propos de tenter les voies de la douceur, et comme on crut celle du P. Claver capable d'apaiser un peu l'esprit de cette furie, on lui ordonna d'aller lui parler : il obéit, il parla, mais inutilement. La femme abusant de sa patience et de son humilité, le chargea d'injures lui et son compagnon. Peu contente de ces premiers excès, elle résolut de passer des outrages aux mauvais traitements: elle feignit donc d'être malade et envoya chercher le Père pour la confesser, en témoignant un vif repentir de l'avoir ainsi traité. A peine fut-il entré qu'on vit paraître deux esclaves fugitifs, que la prétendue malade avait fait cacher dans sa chambre, et qui vinrent pour se jeter sur lui comme des furieux; tandis qu'elle de son côté, pour assouvir sa rage, vomissait contre lui un torrent d'injures. Le compagnon du Père, homme intrépide et vigoureux, voyant qu'on était sur le point de le frapper avec violence, le retire par son manteau, se met en devoir de le défendre et cependant crie de toute sa force au secours. A l'instant les assassins s'évadent; et la femme, aussi touchée que surprise de la douceur et de l'humilité du saint homme, se jette à ses pieds, lui demande pardon de son emportement, et lui promet de se corriger.

Dans un grand procès qu'on avait intenté aux jésuites, un des principaux juges se montrait si passionné contre eux, qu'il faisait sentir en toutes manières son indignation à quiconque osait parler en leur faveur. Il était cependant nécessaire de lui présenter une requête d'où dépendait le gain ou la perte de la cause, et personne ne voulut s'en charger. Le recteur du collège eut recours à sa ressource ordinaire, à la douceur du P. Claver, persuadé que du moins la réputation de sa sainteté ferait quelque impression sur l'esprit du juge. Il le chargea donc de présenter le mémoire; le magistrat ne l'eut pas plus tôt aperçu, que tout transporté de colère, il s'oublia jusqu'à lui dire les choses les plus outrageantes. Le Père se retira sans rien répondre, mais avec un air respectueux et aussi satisfait que s'il eût été le mieux reçu du monde. Le lendemain, on le renvoya encore, avec la même requête que le juge n'avait pas daigné prendre : celui-ci, plus outré que jamais et s'imaginant que les jésuites faisaient peu de cas de son indignation et de son autorité, entra dans une telle fureur, qu'il les traita tous, sans distinction, de mutins, de séditieux, de scélérats, de gens qu'il fallait exterminer. Le saint homme, après l'avoir écouté avec une tranquillité admirable, le quitta en lui faisant une profonde révérence. L'affaire dura encore longtemps, toujours avec de nouveaux outrages d'une part, et une patience inaltérable de l'autre; mais enfin la douceur l'emporta sur la violence, et les jésuites gagnèrent leur procès.

A suivre : XIV. Ses vertus religieuses. — Sa pureté angélique.

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