L'ÂME de JEANNE D'ARC

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Message  Monique Mar 10 Sep 2024, 10:30 am

L'ÂME de JEANNE D'ARC Oip_sa10

L'ÂME
de
Jeanne d'Arc


*
**


L'ABBÉ STEPHEN COUBÉ
CHANOINE HONORAIRE
D'ORLÉANS ET DE CAMBRAI

PARIS
P. LETHIELLEUX , LIBRAIRE-ÉDITEUR
10 , RUE CASSETTE, 10

Nihil obstat
G. LÉTOURNEAU, S . Sulpitii Parochus.
Imprimatur
die 1a Martii 1910
E. THOMAS, Vie. gen.


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AVANT-PROPOS

**

Ce n'est pas une histoire complète de Jeanne  d'Arc, c'est une simple esquisse de son âme que  j'ai voulu offrir au public dans ce recueil de  panégyriques et de conférences. Cette belle âme,  je l'ai envisagée tantôt de face dans le cadre  classique de son enfance, de ses campagnes et de  sa mort, tantôt de profil, dans ses rapports avec  le Christ-Roi, l'Eucharistie, la Sainte Vierge,  saint Michel, l'Eglise.

Les lecteurs remarqueront peut-être que certains traits reviennent plusieurs fois dans ces  pages. Ce serait une faute dans une histoire  suivie ; c'était inévitable dans une série de discours prononcés en divers lieux. Se condamner à  ne se jamais répéter, à taire un mot, un épisode, parce qu'on l'a déjà donné dans une autre ville, serait une coquetterie littéraire un peu vaine : ce  serait sacrifier à un souci d'art contestable la  gloire de Jeanne et l'intérêt de l'auditeur.

Quelques personnes seront sans doute un peu  étonnées de trouver un texte parfois assez différent de celui qu'elles ont entendu. Mais tel discours prononcé en dix églises a nécessairement carié avec les circonstances de temps et de lieu et  l'inspiration du moment : il s'est peut-être amélioré en vieillissant. C'est après coup et en fondant  les notes prises au cours de mes tournées joanniques que j'ai pu établir un texte définitif qui diffère nécessairement des versions originales.

Chétif comme le petit page qui avait l'honneur  de servir Jeanne, je lui ai consacré la moitié de  ma vie. Il n'est pas de sujet, après l'Eucharistie,  le Sacré-Cœur et la Sainte Vierge, que j'aie traité  plus souvent que son admirable histoire. J'ai donné  plus de soixante fois son panégyrique dans les  principales églises de France, sans parler de nombreuses conférences populaires où j'ai vu à  quel point la foule aimé et admiré son exquise  figure.

Daignez donc, ô chère Bienheureuse, agréer
l'hommage de ces paroles. J'y ai mis tout mon
cœur; j'aurais voulu y mettre tout le vôtre pour
quelles fussent dignes de vous.
Ces pauvres paroles, qui n'ont plus la vie de
l'action et de la voix, décolorées comme des fleurs
pressées dans un herbier, souffrez que je les
dépose cependant à vos pieds et rendez-leur la
fraîcheur pour qu'elles parent un peu votre autel.
Qu'elles vous redisent du moins ma prière,
l'humble Ave que j'aime à vous adresser :
« Je vous salue, Jeanne, pleine de grâce ; le
« Seigneur est avec vous. Après Marie, plus sainte
« et plus belle que vous, vous êtes bénie entre
« toutes les femmes, et Jésus, votre Roi bien-
« aimé, est béni.
« Bienheureuse Jeanne, Fille de Dieu, priez
« pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à
« l'heure de notre mort. Ainsi soit-il. »

STÉPHEN COUBÉ .
Villa Jeanne d'Are, Bellevue,
1er janvier 1910.




A suivre... La double Mission de Jeanne d'Arc.
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Message  Monique Mer 11 Sep 2024, 9:41 am


La double Mission de Jeanne d'Arc (1)

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Non fecit taliter omni nationi.
Dieu n'a rien fait de tel pour aucun
peuple.
(Ps. 147e.)


EMINENCE (2),
MESSIEURS,

Au cours des grandes manœuvres du mois de septembre 1895, une division d'infanterie traversait le village de Domremy, lorsqu'un officier à cheval, quittant la tête de ses hommes, vint se placer, droit sur l'étrier, devant la maison où naquit la Pucelle, et, la montrant d'un beau geste de son épée, il cria d'une voix vibrante : « La tête à droite! Voici la maison de Jeanne d'Arc. » A ce nom, un grand frisson parcourut les rangs, un éclair brilla dans tous les yeux, toutes les tailles se redressèrent, tous les cœurs battirent la charge, et les bataillons défilèrent, superbes, la tête à droite.

(1) Discours prononcé le 14 mai 1899 en l'église Notre-Dame de Paris.
(2) Son Ém. le cardinal Richard, archevêque de Paris.


Il y a plusieurs années, Messieurs, que l'Église vous fait le même geste et vous jette la même parole : « La tête vers Jeanne d'Arc ! La tête vers son âme immortelle ! » A cette voix, vous avez levé les yeux, et, sous les traits d'une jeune fille, nimbée de toutes les vertus et de toutes les beautés, vous avez reconnu l'idéal sauveur que vous appeliez depuis longtemps dans vos rêves désolés : et l'on a même vu des hommes étrangers à la foi de Jeanne saluer en elle la plus suave et la plus fière incarnation de l'âme de la France et s'unir a nous pour acclamer son nom.

Oh ! ce nom, depuis l'Alpe neigeuse jusqu'à la lande bretonne, tous les échos du pays amoureusement se le renvoient ; chaque année, il nous revient embaumé avec le mois des fleurs ; il éclate comme un coup de clairon au fond de nos campagnes ; il monte dans nos villes en fusées de joie populaire, et le temps n'est peut-être pas éloigné où les canons nous prêteront officiellement leur tonnerre pour le porter jusqu'aux nues.

D'où viennent donc la popularité et la sympathie qui s'attachent à ce nom? Vos cœurs, comme vos regards, me répondent que, s'il vous a ainsi conquis, c'est parce qu'il remue au plus profond de vos entrailles la fibre patriotique, parce qu'il évoque devant vous dans un merveilleux décor tout ce que vous aimez, tout ce qui vous rend fiers.

Gracieuse et terrible, Jeanne traverse  un siècle de tempêtes, poussée par le souffle de Dieu, et accomplissant l'œuvre de justice. L'épouvante la précède, un vol d'anges plane sur sa tête et la protège, la victoire chevauche à ses côtés, la paix refleurit et la terre chante sur la trace de ses pieds vainqueurs. A suivre sa course victorieuse, on se croirait emporté dans un rêve d'or ; et cependant c'est bien l'histoire : oui, c'est l'histoire, plus belle que la légende, où la jeune guerrière s'enlève superbement, plus prestigieuse et plus indomptée que les Valkyries Scandinaves, foulant les nuages dans le vertige de leurs courses aériennes. Oui, c'est l'histoire, car c'est toute la gloire, toute la poésie militaire de la vieille France, c'est tout un défilé d'héroïques souvenirs qui passent avec elle, l'épée au clair, la bannière au vent. Mais par-dessus tout, plus haut que la France, plus haut que Jeanne, plus haut que les anges, dans un éclair, c'est Dieu lui-même que vous voyez apparaître, lançant couronnes et victoires sur notre pays, comme il ne l'a jamais fait pour aucun peuple : non fecit taliter omni nationi.

Toutefois, Messieurs, ni le charme de ces vieux souvenirs, ni l'orgueil de soulever cette poussière de gloire, ni la reconnaissance pour d'antiques bienfaits ne suffiraient à rendre compte de l'explosion d'enthousiasme national qui nous soulève depuis quelques années et que n'ont pas connu nos pères. Mettez la main sur vos cœurs et dites-moi s'il n'est pas vrai que, en face de Jeanne d'Arc, vous songez plus encore à l'avenir qu'au passé? N'est-il pas vrai que dans son nom vous avez cru entendre, non pas seulement les fanfares lointaines de la gloire, mais encore le vol très doux de l'espérance ?

Au nom de Jeanne , les femmes de France se levées et elles montrent à leur sublime sœur les chers innocents aux têtes blondes qui dorment aujourd'hui dans leurs berceaux, et dont les petits poings fermés serreront et manieront un jour une épée au service de la patrie.

Au nom de Jeanne, la jeunesse a bondi, touchée au cœur par une étincelle d'héroïsme et de foi jaillie du cœur de la Pucelle.

Au nom de Jeanne, l'épée a frémi au fourreau; chefs et soldats regardent d'un œil attendri la virginale enfant qu'ils auraient voulu suivre à l'assaut, et qui sera peut-être demain leur invisible capitaine.

Au nom de Jeanne enfin, l'Église, bloquée comme jadis Orléans, a respiré, et du haut de ses remparts, elle appelle au loin sa Libératrice.

Et la voilà la Libératrice, ange de l'espérance, couvrant de ses deux ailes les frontières du siècle qui finit et celles du siècle qui commence. Oui, son esprit redescend parmi nous et va être pour notre pays le principe d'une régénération comme n'en a vue aucun peuple : Non fecit taliter omni nationi.



A suivre...
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Message  Monique Jeu 12 Sep 2024, 8:40 am

Voilà, Messieurs, si je ne me trompe, la signification de ces fêtes qui nous étonnent nous-mêmes, nous qui les célébrons ; voilà le secret de l'émotion intense qu' elles provoquent. La vierge de Domremy nous apparaît avec une double auréole tracée par le doigt enflammé de Dieu : deux fois libératrice de son pays. Libératrice d'hier, elle sera encore la libératrice de demain, et sa seconde mission ne sera ni moins belle, ni moins surnaturelle que la première. Au quinzième siècle, elle nous a sauvés par son épée; demain elle nous sauvera par son esprit, par son programme, épée plus redoutable que la première, acier trempé au cœur même de Dieu.

EMINENCE,

Si l'âme de Jeanne d'Arc doit, comme nous l'espérons, revenir parmi nous et ramener avec elle l'honneur de la victoire, ce ne seront plus les voix du ciel, mais des voix de la terre, nos prières ardentes, qui devront l'exciter à de nouveaux combats. Votre Eminence l'a compris, et c'est pourquoi chaque année, au retour de nos glorieux anniversaires, elle invite son peuple à venir prier dans cette vieille cathédrale.

Ah ! lorsque Jeanne, campant sur les hauteurs qui dominent Paris, apercevait les deux tours de Notre-Dame, et que le vent lui apportait les larges volées de leurs cloches, elle ne se doutait pas, l'humble enfant, qu'un jour ces mêmes cloches se mettraient en branle avec nos cœurs pour chanter sa gloire et lui crier : « Viens, viens, fille de Dieu, viens sauver la patrie ! »

Puisse-t-elle se laisser attendrir à leurs males accents, et, lasse d'entendre toujours répéter ses antiques exploits, en accomplir de nouveaux qui rajeuniront sa louange sur les lèvres de ses panégyristes!



A suivre...
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Message  Monique Ven 13 Sep 2024, 6:12 am

I


Défendue par ses puissantes montagnes, bercée par les trois mers qui chantent sur ses rivages, la France dort sous la coupole de son ciel bleu, offrant aux caresses du soleil son sol plantureux qui regorge de fruits et de troupeaux, ses froments dorés ondulant au loin sous la brise, et ses riants coteaux où s'enflamme le sang de la vigne. Pays enchanté et fleuri, terre du bon accueil et du sourire hospitalier, elle a, entre autres prérogatives, celle de mettre un peu de joie et de grâce dans ce bas monde : Gaiidium universi orbis.

Aussi les étrangers ne veulent pas mourir avant de l'avoir vue, et ils quittent leurs brouillards ou leurs plaines brûlées pour venir détendre et rafraîchir leur âme dans la paix de ses horizons lumineux. Non, vraiment, Dieu n'a traité ainsi aucun peuple : Non fecit taliter omni nationi.

Et pour que le moral de la France ne le cédât point à l'opulence du sol, Dieu lui a donné, avec quelques défauts à vaincre pour que la vertu ne lui fût pas trop facile, avec une nature toujours un peu jeune et parfois un peu folle, un cœur franc comme l'or, un esprit limpide comme le cristal, une âme harmonieuse comme la lyre, et ce caractère original et complexe, fait de ce qu'il y a de meilleur dans le sang des races primitives, de bon sens romain, de gaieté gauloise et de bravoure franque, relevé par je ne sais quoi d'idéal et de chevaleresque dû à l'eau du baptême. Encore une fois, quel est le peuple que Dieu a ainsi doté? Non fecit taliter omni nationi.



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Message  Monique Sam 14 Sep 2024, 9:44 am

Aussi, quand la grande nation, lasse de son repos, se lève et fait signe qu'elle va parler ou agir, le monde se tait pour écouter les beaux poèmes qui s'envolent de son âme ou de ses mains : poème de ses chevaleries et de ses emprises merveilleuses, écrit avec du sang de héros; poème de sa pensée, que disent des sages ou des aèdes à la harpe d'or; poème de sa piété et de sa foi, que des saints et des saintes ont commencé dans ses vallons et qu'ils s en vont achevant par toutes les routes du paradis.

Ah ! terre des grands souvenirs, ô toi que nous baisons avec amour et respect, ô patrie, patrie !
Quelle mère a été plus aimée que toi, plus aimée dans ses gloires et plus aimée dans ses malheurs ? Quand tes fils, soldats, marins, missionnaires, s'en vont au loin défendre la justice ou la foi, ils emportent ta douce image dans le repli le plus sacré de leur cœur ; et, quand ils tombent, leur dernière pensée s'envole dans un dernier sanglot vers ton rivage adoré, et c'est ton nom, ô France, qui monte encore à leurs lèvres avec le flot de sang qui les étouffe. Non, ma mère, Dieu n'a donné à aucune patrie ta beauté et ton charme : Non fecit taliter omni nationi.

Mais, quand l'amour est plus tendre, il est aussi plus jaloux, et, devant l'infidélité, ses justes colères sont aussi plus terribles. Aussi, lorsque, à certains jours de folie, ivre de volupté et d'indépendance, la France prévarique, Dieu l'arrête sur la pente de l'abîme, il la frappe de coups douloureux, comme il ne frappe aucun peuple : si bien que, des châtiments comme des bienfaits, on peut toujours dire : Non fecif taliter omni nationi.

Mais -— et c'est ici que reparait la prédilection divine — en flagellant la nation coupable, Dieu ne la rejette jamais. Aussi, quand, dégrisée de son orgueil et du vin de ses passions, humiliée et sanglante, elle tombe aux pieds de son Maître, quand de l'albâtre brisé de son cœur elle lui verse les parfums de son repentir, le Christ essuie les larmes de la pécheresse, la relève avec bonté, et bientôt les plus effroyables prostrations sont suivies de relèvements inattendus à rendre jaloux tous les peuples : Non fecit taliter omni nation!.

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Message  Monique Dim 15 Sep 2024, 8:44 am

La plus mémorable de ces résurrections est celle dont Jeanne d'Arc fut l'instrument au quinzième siècle. Jamais le doigt divin ne resplendit si visiblement dans la politique humaine.

Depuis plus de cent ans que la justice est remontée au ciel avec l'àme de Saint Louis, le pharisaïsme gouvernemental, inauguré par Philippe le Bel, renouvelle en France la Passion du Sauveur. Si le Christ est encore roi pour la masse du peuple, sa couronne est mêlée d'épines, et son sceptre n'est plus, aux mains des politiciens de haut et de bas étage, qu'un roseau à lui frapper la tête. Il a été insulté par l'un d'eux dans la personne d'un Pape : et le grand schisme d'Occident a déchiré sa robe sans couture.

C'est alors qu'éclate sur la France un de ces terribles cataclysmes, où, suivant l'Apocalypse, les sept coupes de l'ire divine versent sur la terre leurs fléaux de sang et de feu.

L'Anglais envahit notre territoire et le ciel est avec l'Anglais. En vain, l'armée française, aussi héroïque dans ses désastres que jadis dans ses victoires, déploie-t-elle un suprême courage, vertu de race qui survit chez nous à tout le reste, mais qui ne suffit pas à repousser l'ennemi, quand l'ennemi c'est Dieu. Elle est forcée de reculer pas à pas, la rage au cœur, disputant, mais abandonnant lambeau par lambeau, le sol sacré de la patrie, et jalonnant de ses cadavres les grandes voies douloureuses qui vont de Crécy à Poitiers et de Poitiers aux champs d'Azineourt.

El, comme si ce n'était pas assez d'être renversée et piétinée par l'ennemi du dehors. La France, en proie à des haines fratricides, se déchire et se soufflette elle-même de ses propres mains. C'est la politique du guet-apens, du poison et de l'assassinat qui triomphe. Le sang d'un duc de Bourgogne venge le sang d'un duc d'Orléans. Et des soudards, anarchistes avant la lettre, parcourent les campagnes terrorisant les populations dans des orgies truculentes où le sang coule plus copieusement que le vin.


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Message  Monique Lun 16 Sep 2024, 10:04 am

Enfin, au dernier acte de celte tragédie d'une horreur shakespearienne, on voit errer et gesticuler sur la scène deux spectres fantastiques de qui dépend la fortune de tout un peuple : un roi en démence et un dauphin qui désespère !

Sombres jours, Messieurs, jours de sang et de larmes, où l'on put vraiment se demander si l'on n'assistait pas a l'agonie de la France : Finis Galliœ ?

Lorsque, sous les voûtes de Saint-Denis, un héraut d'armes cria sur le cercueil de Charles VI : Vive Henri de Lancastre, roi de France et d'Angleterre! tous les vieux monarques couchés depuis des siècles sous les dalles de l'antique basilique durent constater avec épouvante et se dire en pleurant l'un à l'autre que leur beau royaume, ô honte ! ô désespoir! n'était plus qu'une loque attachée au manteau de l'Angleterre.

Il faut l'avouer, ce fut là un superbe triomphe pour la race anglo-saxonne. On aurait pu déjà vanter sa supériorité : et, si l'on avait voulu l'exprimer par les méthodes graphiques usitées de nos jours en teintant de rouge sur une carte les possessions anglaises, c'est la France presque entière qui eût porté l'odieux stigmate. Elle allait donc finir, la belle race latine qui avait jeté de si nobles éclairs par les yeux de Saint-Bernard et par l'épée de saint Louis. Elle allait finir, notre France, et faire place à une rivale?

Eh bien! non, Messieurs, le ciel ne fut pas de cet avis. Il ne parut pas ébloui par la prospérité anglo-saxonne: il suscita parmi nous une âme qui n'en fut pas non plus éblouie, une âme bien latine, une âme éprise d'idéal et qui, sans rien emprunter à l'étranger, en restant tout bonnement elle-même, française et chrétienne, sut renverser les situations et mettre pour de longs siècles la supériorité du coté de la France.


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Message  Monique Mar 17 Sep 2024, 9:11 am

Simple petite paysanne, a l'Âme fraîche et fleurie comme les champs ou elle menait paître ses brebis, douce comme la houlette dont elle touchait leur toison, la fille de Jacques d'Arc s'épanouissait au pied du clocher natal sur un des coteaux ensoleillés de la Champagne lorraine, ignorante de sou parfum, de sa grâce et des conseils de Dieu sur elle.

Le jardin de sa famille n'étant séparé de l'église que par le cimetière, Jeannette, levée avant l'aube, aimai! à ramasser dans la rosée des brassées de fleurs et de feuillage qu'elle allait répandre avec sa prière ingénue sur l'autel de la Vierge avant d'entendre la messe. Durant le jour, elle vaquait aux travaux du ménage ou des champs ; et, lorsque, a l'heure des Complies, les cloches de Domremy égrenaient sur la vallée endormie de la Meuse leurs notes d'or, calmes et lentes, dans la paix du soir, la gentille pastourelle, qui ramenait son troupeau dans les prairies, s'arrêtait, joignait les mains, inclinait la tète et récitait dévotement sa patenôtre et son ave et sa mince silhouette, immobile sur le ciel assombri, ajoutait au mystère de la nuit tombante le mystère plus pénétrant d'une enfant, ou plutôt d'un ange en prière (1).

Vainement auriez-vous cherché dans la vie uniforme de la petite paysanne un indice qui put luire prévoir son incroyable destinée.

Sans doute, les bruits de la guerre arrivaient jusqu'à Domremy, et, à certains jours, on voyait passer à travers le village, bride abattue, un courrier qui, du haut de son cheval, jetait quelque triste nouvelle aux habitants consternés.

Sans doute, le soir, à la veillée, quand, filant près de sa mère, Jeanne entendait raconter les malheurs de la France, les larmes devaient tomber de ses yeux et la quenouille s'échapper de ses mains. Mais elle n'était pas la seule à pleurer. Et puis, qu'y pouvait-elle, la pauvre enfant ? Ce n' était pas son affaire à elle de combattre : c'était aux hommes, à ses frères : sa place était avec les femmes, au foyer, à prier pour ceux qui mouraient dans la grande guerre.

Mais voici qu' u n jour de l'an de grâce 1424 se passe quelque chose d'étrange dans l'obscur petit village. Jeanne est dans sa treizième année. Des clartés mystérieuses l'environnent. Des anges et des saintes lui racontent la grande pitié du royaume. Elle fond en larmes, et les angoisses de la patrie sonnent toutes leurs cloches funèbres au fond de son cœur.


(1) Les habitants de Domremy, les laboureurs Simonin Musnier et Jean Waterin, le prêtre Dominique Jacob et d'autres encore nous  disent que Jeanne aimait a prier et parfois même à se mettre a genoux dès qu'elle entendait le son des cloches. Mais fut-elle bergère ? Voir la réponse dans un article spécial, à la fin de ce volume.


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Message  Monique Mer 18 Sep 2024, 9:09 am

Bientôt les voix lui font entendre qu'il ne suffît pas de pleurer el de prier, et qu' elle doit partir, elle aussi, pour la guerre. Etonnée, épouvantée, elle hésite. Mais les voix se font plus précises, plus impérieuses : pendant cinq ans, chaque semaine, elles lui redisent : Va. va, fille de Dieu !

Jeannette, il faut obéir, car c'est bien Dieu qui commande et qui te montre au loin la France malheureuse. Vois la patrie, ta mère, prosternée dans son deuil et qui implore le secours du ciel et qui viendrait te le mendier à deux genoux, si elle savait que le secours c'est loi. Dis adieu à la gaieté de les champs et de tes bois, ma pauvre petite Jeanne ! Ville de Dieu, ceins l'épée, chausse l'éperon et puis en selle !

Va, va, beau lis, fleurir dans l'air empesté des camps ! Va, enfant de dix-sept ans, délivrer le pays que les sages et les forts  laissent mourir! Quant à savoir si lu reviendras jamais sur les bords fleuris de ta Meuse reprendre ta houlette, si tu reverras ta pauvre mère qui pleure en te voyant partir, si tu mourras dans la maison paternelle, glorieuse et vénérée de tout un peuple, comme autrefois Judith dans sa vieillesse ne te le demande pas, chère enfant, ne regarde pas en arrière et confie-toi en Celui qui n'abandonne jamais les siens, même quand il les fait passer par l'épreuve du feu!


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Message  Monique Jeu 19 Sep 2024, 10:06 am

A quelque temps de là, voyez-vous ce cheval noir lance au grand galop, et dont les sabots font jaillir des étincelles qui aveuglent et affolent les Anglais ? Une petite main de femme le maîtrise et le précipite dans la mêlée. La victoire dans les yeux, sa bannière au vent, la svelte et blanche guerrière passe comme un ouragan a la tète de ses escadrons enflammés, et autour d'elle les chevaux bondissent, crinière flottante, naseaux en feu, respirant voluptueusement l'odeur du sang britannique, balayant la plaine et fauchant comme l'herbe les régiments de Talbot et de Falstaff ; et la terre retentit au loin sous la charge vengeresse, la bonne terre de France, fière et attendrie de porter le poids léger et enfantin de sa libératrice.
Victoire, Messieurs, victoire! Victoire à Orléans !

Victoire sur ses bastilles où flottent les fanions fleurdelisés! Victoire sur les flots d'or, ô ma belle Loire, ô ma noble rivière si française, heureuse de couler de nouveau entre deux rives françaises, et de ne plus boire que le sang de Glasdale et de ses Anglais ! Victoire à Jargeau, où Suffolk et Guillaume de la Poule rendent leur épée !
Victoire au pont de Meung! Victoire au château de Beaugency!
Victoire enfin dans les plaines lumineuses de Patay où Talbot est fait prisonnier après avoir perdu cinq mille hommes!

Oui, c'est la victoire, longtemps infidèle, maintenant réconciliée avec ses vieux amis et qui revient chanter éperdue dans nos étendards. Et comme tous les cœurs chantent avec elle ! Et comme les chevaux hennissent joyeusement dans l'air libre et français! Et comme, ivres de liesse  et d'orgueil, les soldais acclament leur gentil capitaine ! Et comme les populations acclament leur bon ange ! Et comme les habitants d'Orléans acclament leur libératrice, lui baisant les mains, et ne pouvant, nous dit la chronique, se saouler de la regarder! Et comme toute notre terre, des bords de la Loire au pied des Pyrénées, acclame ce nom de la Pucelle qu'elle ne connaissait pas hier, mais qui, aujourd'hui, vole de château en château, de village en village, affolant dans les clochers toutes les cloches de France, qui se mettent à sonner le Te Deum! Oh ! oui, Te Deum laudamus ! C'est tout un peuple qui vous le clame, Seigneur, parce que vous venez de faire pour lui ce que vous n'avez jamais fait pour les autres :Non fecit taliter omnl nationi.



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Message  Monique Ven 20 Sep 2024, 9:28 am

Mais, dans ce fracas de gloire, que devient Jeanne? Ni éblouie, ni étourdie, elle reste simple et modeste comme autrefois dans le silence des bois paternels, aussi pure et aussi respectée sous le casque d'acier qui emprisonne ses cheveux qu'une vierge du Seigneur sous le voile claustral, aussi compatissante qu'autrefois quand elle pleurait sur la pitié de sa patrie, et c'est merveille de la voir, après l'action, soutenir de sa main la tète des blessés, de celle douce main d'enfant qui a séché tes larmes, ô France, et, sur ta robe de lis, lave la tache rouge d'Azincourl !

Jeanne avait dit au Dauphin : « Gentil sire, je vous conduirai à votre digne sacre. » La promesse est accomplie. Ce dut être un beau jour, Messieurs, celui où la vieille cathédrale de Reims s'ouvrit au cortège royal et au peuple qui s'engouffraient dans ses nefs, en criant Noël, et les statues de son portail somptueux durent tressaillir en voyant tant de joie passer sous leurs gestes de pierre.

La foule se presse pour acclamer le roi, entouré de ses pairs ; mais elle veut voir surtout l'être surnaturel à qui revient tout l'honneur de cette journée. Elle est là, en effet, la mystique enfant, à genoux sur une des marches de l'autel, en contemplation devant sa bannière, qu'elle tient à la main, le visage irradié plus encore des feux de son Ame que de la suave lumière des vitraux.

Elle pleure, mais c'est de bonheur ; car elle voit sur la blancheur de son drapeau les deux objets quelle aime le plus au monde : le Christ et la France ; le Christ, le vrai roi, celui qui sacre, celui qui donne le pouvoir, assis sur un trône : et la France, représentée par ce lis que saint Michel et saint Gabriel offrent au Sauveur. Et c'est justice, pense-t-elle, car c'est le Christ qui t'a fait croître si pur et si droit, ô mon beau lis de France ! Et Jeanne s'unit aux archanges pour le lui offrir, et son regard extatique semble déjà dire ce qu'elle affirmera un jour à Rouen : « La victoire de l'étendard ou de moi, c'était tout à Notre-Seigneur ».


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Message  Monique Sam 21 Sep 2024, 9:51 am

Tout à Notre-Seigneur ? Il est des hommes qui ne l'entendent pas ainsi, et qui cherchent à lui ravir l'honneur des victoires de Jeanne et Jeanne elle-même. L'auréole divine de la Pucelle les irrite; ils voudraient l'éteindre ; et, de la plus chrétienne de nos gloires, faire je ne sais quelle déesse païenne du patriotisme. Selon eux, ce n'est pas au cœur du Christ que nous la devons, mais à une hallucination bienheureuse née de son amour pour la France, et qui lui a fait croire à une mission surnaturelle.

Mais, quoi. Messieurs, est-ce que l'hallucination ne suppose pas une nature physiquement et moralement déséquilibrée? Est-ce qu'elle ne se trahit pas par une nervosité maladive, par l'exaltation des idées et du langage, de fébriles espérances suivies de profonds abattements ? Or, Jeanne ne présente aucun de ces symptômes. C'est la robuste paysanne, florissante de santé et de bonne humeur, qui supporte gaillardement les fatigues et les privations de la guerre, et cela n'est  pas d'une hallucinée. C'est une intelligence calme, positive, qui ne vague jamais dans l'irréel. Elle émerveille les hommes de guerre, et en particulier, Dunois et le duc d'Alançon, par sa prudence, son flair, sa tactique qui dépasse celle de Talbot ; cela non plus n'est pas d'une hallucinée. Elle émerveillera un jour les hommes de loi par la rapidité de ses ripostes spirituelles, éblouissantes d'à propos et de bon sens; la fine Champenoise, doublée d'une bonne Lorraine, déroutera les juges retors de Normandie. Encore une fois, tout cela n'est pas d'une hallucinée.

Jeanne n'est donc pas victime d'une illusion. Ce qu'elle a entendu, ce n'est ni l'écho lointain de la guerre, ni le vent d'ouest chargé de larmes et de râles, ni l'Ame de murmure de la foret : ce sont des voix bien réelles qui lui ont dit, en syllabes bien distinctes : « Va, fille de Dieu. » La lumière qui a frappé ses yeux, ce n'est pas la pluie d'or du soleil criblant le feuillage du Bois-Chenu ; ce sont bien les auréoles divines et les clartés surnaturelles dont s'enveloppent les anges et les saints en mission sur la terre.


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Message  Monique Dim 22 Sep 2024, 8:21 am

D'ailleurs, Messieurs, si grande que l'on fasse la puissance de l'imagination, il restera toujours entre les moyens et les résultats une disproportion dont, on ne peut humainement rendre compte.

D'un côté, des chefs illustres tels que Talbot et Bedford, de fameux archers réputés invincibles, une tactique qui devance son siècle, la confiance inspirée par les victoires précédentes, l'argent en abondance, en un mot tout pour l'Anglo-Saxon.

De l'autre côté, un roi au-dessous de sa lâche, des princes qui se jalousent, une nation divisée, une année démoralisée par ses revers, la pénurie la plus humiliante de toutes les ressources, en un mot, tout contre nous.

Comment voulez-vous qu'une petite bergère ignorante et timide soulève ceci contre cela, cette inertie apeurée contre cet enthousiasme ? Comment voulez-vous qu'elle en ait même l'idée?

Mais c'est l'âme de la patrie, dit-on encore, qui la soutient et la transporte ! Ah ! sans doute quand elle frémit et se révolte contre une situation vraiment intolérable, quand elle veut énergiquement en sortir et qu'elle le crie à tous les échos de la terre et du ciel, l'âme de la patrie peut donner le frisson sacré à des êtres d'élite et leur inspirer l'indomptable vouloir qui renverse tous les obstacles. Mais ce n'est pas ce que l'on voit au temps de Jeanne : l'âme de la patrie est à terre, blessée, silencieuse, découragée. Comment pourrait-elle infuser à d'autres l'espérance qu'elle n'a pas? En vertu de la loi du milieu, que les ennemis du surnaturel aiment à invoquer, Jeanne eut du se trouver prise elle-même et enchaînée dans l'engourdissement général : elle eut dù rester comme ses petites amies Hauviette et Mengette à filer sa quenouille à Domremy.



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Message  Monique Lun 23 Sep 2024, 1:49 pm

Or, c'est elle au contraire qui s'en va ramasser l'âme de la patrie à Chinon, à Poitiers, à Orléans,  sur les bords de la Loire, partout où la pauvre grande âme git éparpillée, brisée : elle la relève, la réchauffe sur son cœur, la retrempe au feu de son courage et la fait passer frémissante dans ceux qui l'entourent. Et voici une nation qui se ressaisit, une armée qui sort de terre et qui bondit :
voici rabattement changé en enthousiasme et la défaite en victoire. Expliquez cela ! Dites-moi d'où viennent à cette villageoise cette ardeur et cette vertu guerrière qu'elle ne trouve pas dans la torpeur ambiante : d'où, sinon du ciel?

Ecoutez, Messieurs, un gracieux symbole de cette vertu d'En-Haut dans un fait raconté par Guy de Laval qui en fut le témoin. Ce jeune seigneur écrivait à sa mère le 8 juin 1429: « Je vis la Pucelle armée, tout en blanc, sauf la tète, une petite hache à la main, essayer de monter un grand coursier noir, qui, à la porte se démenait fort, et ne souffrait pas qu'elle montât, et lors elle dit: Menez-le à la croix qui est devant l'église ; et lors elle monta sans qu'il se mût, et comme s'il eût été lié. »

N'est-ce pas l'image du pouvoir surnaturel qu'il fallut à Jeanne pour venir à bout de cette année indisciplinée, véritable cavale rétive qu'elle dompta, moula, el mena enfin a la victoire ! C'est par la vertu de la Croix qu' elle a fait ce prodige !

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Message  Monique Mar 24 Sep 2024, 10:20 am

Mais, lira-t-on, est-ce que les revers de Jeanne ne prouvent pas que Dieu n'a jamais été avec elle? Si vraiment il l'avait envoyée, comme elle le prétendait, pour « bouler les Anglais hors de toute France », Dieu l'aurait-il abandonnée avant l'accomplissement de cet exploit ? Aurait-il permis l'assaut malheureux de Paris le 8 septembre, et l'échec devant la Charité ? Aurait-il permis les opérations indécises du printemps de 1430 dans la Brie, le Vermandois et le Beauvaisis, puis la sortie malheureuse du 23 mai à Compiegne, la capture de l'héroïne el en lin son effrayant supplice?

Ces malheurs et le bûcher de Jeanne ne prouvent pas davantage contre sa mission divine que le Calvaire et la croix contre celle du Christ. Oui, Jeanne se prétendait, et avec raison, envoyée par Dieu pour délivrer, non seulement Orléans, mais encore toute la France ; elle était même appelée a des entreprises bien plus grandioses, comme nous le verrons.

Mais la réalisation de ces projets de ses auxiliaires qui devaient en bénéficier : « Gentil Dauphin, disait-elle, je te conduirai à ton sacre, si tu le veux. » Si tu le veux ! Tout le reste de sa mission dépendait également de ses coopérateurs. Or, ces hommes la secondèrent mal et ne méritèrent pas le surcroit de gloire qu'elle rêvait et que Dieu eût accordé à une France plus fidèle. La mission de Jeanne débordait donc son œuvre : mais la promesse divine n'est pas pour cela en défaut. Cette promesse, étant conditionnelle, ne s'est réalisée que dans la mesure où la France a rempli la condition : et certes cette mesure est déjà assez brillante.



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Message  Monique Mer 25 Sep 2024, 8:31 am

D'ailleurs, ce revirement subit de fortune n'est lui-même explicable que si l'on admet que Dieu combattait auparavant avec Jeanne. Si son succès provenait de causes naturelles, loin de se démentir après le sacre de Reims, il aurait du aller en croissant, car les circonstances étaient plus favorables.

C'est toujours Jeanne, la vaillante et prestigieuse guerrière ; c'est toujours le morne génie, mais grandi par l'expérience : toujours la même ardeur, mais doublée par le succès ; c'est, du moins jusqu' à l'assaut de Paris, toujours la même armée mais fortifiée par ses victoires, ce sont toujours les mèmes Anglais, mais démoralisés par leurs défaites au point que le roi d'Angleterre, par un édit du 3 mai 1430, doit porter des peines contre les capitaines et les soldais qui refusent de passer en France par crainte de la Pucelle. Puis donc que le changement ne vient pas de la terre, il vient du
ciel ; Dieu n'est plus notre allié, voilà tout.

Puisque, avec des ressources supérieures, Jeanne ne peut plus rien, c'est qu'elle n'était pas seule quand elle pouvait tout. Si donc ses triomphes sont la preuve directe de sa mission divine, ses malheurs en sont la contre-épreuve éclatante.



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Message  Monique Jeu 26 Sep 2024, 11:14 am

Que Dieu ait ainsi frappé sa messagère, nous ne devons pas nous en étonner : c'est la consécration sanglante et coutumière de toute éminente vertu : c'est la loi mystérieuse, scandaleuse pour le monde, qui veut que les grands chrétiens soient presque toujours de grands vaincus, au soir de leur vie, comme le Christ lui-même ; qu'ils ne montent aux splendeurs apocalyptiques que par ta grande tribulation, et après avoir lavé leur robe dans leur propre sang comme dans le sang de l'Agneau, et qu'enfin leur défaite apparente soit une rédemption et une victoire pour la cause qu'ils ont chérie ici-bas.

Enfin, la magnanimité avec laquelle Jeanne accueille ses malheurs projette une nouvelle lumière sur le caractère surnaturel des succès qui les ont précédés. Si elle avait obéi jusque-là à des illusions, ces illusions seraient tombées avec la fortune qui les entretenait : sous l'humiliant démenti des faits, ses voix auraient gardé le silence. Au lieu de cela, elles continuent à se faire entendre, les douces voix du ciel : ils reviennent la visiter, ses bons amis les anges, et leur présence est le dernier rayon qui caresse son aine. Ils l'encouragent à mépriser la mort et lui promettent une victoire plus belle que celle d'Orléans et de Patay.

Non, les illusions ne sont pas si fidèles, elles trahissent tôt ou tard ceux qu'elles ont flattés, et de l'exaltation les jettent dans le désespoir.



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Message  Monique Ven 27 Sep 2024, 7:44 am

Le désespoir ! combien il eût été terrible pour Jeanne ! Voilà une jeune fille qui n'a pas vingt ans, dans tout l'éclat magnifique de sa force, entourée d'hommages qu'on ne rend pas aux reines, et que de splendides espoirs comme toutes les énergies de sa jeunesse semblent river à la vie ; et elle est tout à coup précipitée du pavois de l'admiration populaire dans un affreux cachot. Quelles angoisses, quelles terreurs ne dùt-elle pas souffrir, la pauvre enfant, lorsqu'elle se vit, un soir, seule dans les ténèbres de son donjon, enfermée dans la cage de fer qui fut son premier supplice ! Et quelles tristes envolées de sa pensée vers le clocher de Domremy, vers ces jours d'ombre et de paix où sa mère veillait sur elle avec tant d'amour, puis vers ces jours de grande lumière, plus rapprochés mais déjà si loin, ou la gloire courait sur ses pas pour la couronner !

Oh ! oui, elle est déjà bien loin, la victoire, bien loin, la paix de son enfance, bien loin, la pauvre mère qui ne se doute pas du malheur de sa fille et qui ne l'apprendra que trop tôt ! Oh ! comme elle est noire la nuit de sa prison, effrayante sa solitude souterraine, combien hautes et épaisses les murailles du donjon de Philippe-Auguste ! comme ils sont méchants et insolents, les soudards qui veillent la délicate enfant! et plus perfides et plus haineux encore les juges qui vont la condamner ! Pauvre Jeanne ! pauvre fille de Dieu !

Pauvre chrétienne abandonnée de tout le monde comme son Maître, trahie et vendue au poids de l`o r comme son Maître; comme Lui, elle connaît les affres de Gethsemani ; comme Lui, elle prie Dieu d'éloigner le calice ; comme Lui, elle jette vers le Père un terrible Lamina Sabactani ! Mais comme Lui aussi, elle est plus forte que le supplice et la mort; comme Lui, elle est réconfortée par les anges ; comme Lui, elle répond avec autant de douceur que de sagesse aux insultes et aux questions insidieuses de ses juges ; et enfin elle ne sera jamais plus grande et plus sublime que lorsqu'elle montera sur son calvaire de flammes.



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Message  Monique Dim 29 Sep 2024, 9:59 am

D'où lui vient donc cette force surhumaine ? De Celui qui l'a envoyée et qu'elle aime de plus en
plus chaque jour: Oh ! quelles prières ont dû mouler du fond de son cachot ! Quelles larmes d'amour ont dù remplacer celles de la tristesse dans ses yeux brûlés, quand elle contemplait le crucifix, son modèle dans la douleur ! Quand, menée au tribunal, elle passe devant la chapelle, elle demande à y entrer pour visiter le Sauveur : et, comme on lui refuse cette grâce, elle tombe à genoux et ses yeux ardents noyés de tendresse et de désirs semblent vouloir percer l'épaisseur des portes pour rencontrer Jésus. Elle supplie ses juges de la laisser communier, et, quand, après bien des refus, elle obtient enfin, le dernier jour, cette grâce, l'alléluia éclate dans son cœur, et lui fait oublier l'horreur sépulcrale où elle gémit encore et celle plus atroce du bûcher qui se dresse.

Le voilà, le bûcher ! Jeanne lui sera douce comme elle l'a toujours été à toute créature du bon Dieu. Elle y monte intrépide, magnifique dans sa résignation. Elle y rend un dernier et sublime témoignage a sa mission, et, par conséquent, à la prédilection de Dieu pour la France. Ecoutez ces paroles qui s'élèvent au milieu des flammes et plus haut que les flammes : « Mes voix ne me trompaient pas, mes voix venaient du ciel! Jésus! Jésus ! Jésus ! » Et puis silence!

La flamme crépite encore quelque temps, mais l'Ame de Jeanne est montée au ciel : elle y est entrée par les portes embrasées du martyre. Et ses amis les anges, et les saintes qui la visitaient sur la terre, et toute la France de là-haut, Geneviève et Clotilde, Charlemagne et saint Louis, l'ont reçue et conduite au Christ bien-aimé.



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Message  Monique Mar 01 Oct 2024, 11:54 am

Sur la terre, il semble que tout est fini pour notre pays, et que son salut est mort avec sa Libératrice : il ne reste plus d'elle que quelques cendres. Mais c'est encore trop, au gré des Anglais. Ah ! si ces cendres allaient se ranimer! Si l'héroïne qu'ils ont bridée comme sorcière allait en sortir entourée de vengeurs! Il faut les faire disparaître.

Et l'on vous vit alors, ô cendres illustres, jetées au vent et à l'eau ! Au vent et à l'eau, ô vous que la France rachèterait aujourd'hui avec tant de joie au prix de tous ses diamants! Au vent et à l'eau, ô vous que l'Eglise serait si heureuse de placer bientôt sur ses autels, enchâssées dans l'or et les pierreries.

Ah ! ils ont bien pu, les vandales, vous arracher à notre vénération et nous empêcher de vous réunir dans des vases funéraires : mais ils ne nous empêcheront pas de vous suivre par la pensée sur les ailes de la brise et sur les flots qui vous ont transportées au loin, ni de vous recueillir dans nos cœurs comme dans des urnes d'or. Et là. ô saintes reliques, vous vous ranimerez au souffle de Dieu et c'est de votre poussière bénie que Jeanne va sortir ressuscitée, sa bannière en main, pour nous sauver une seconde fois.



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Message  Monique Mer 02 Oct 2024, 8:57 am

II


Lorsque la nouvelle du supplice de Jeanne d'Arc se fut répandue dans le royaume, le bon peuple ne voulut pas croire que sa chère libératrice fut réellement morte. Respectée par les flammes, enlevée par les anges dans une miraculeuse assomption, Jeanne devait attendre dans quelque mystérieuse retraite que l'heure d'une seconde campagne eût sonné, et alors elle reparaîtrait à la tête d'une armée, plus irrésistible, plus triomphante que jamais, pour jouer le dernier acte de la délivrance nationale.

Rêve poétique, гêvе d'espérance et d'amour de l'âmе populaire ! Ne l'avons-nous pas recommencé, Messieurs ? N'avons-nous pas dit bien souvent :
« Oh ! qui nous rendra Jeanne ! » Eh bien ! ce rêve que le quinzième siècle ne vit pas réalisé, il dépend de nous d'en faire l'histoire de notre temps et de donner un sens à la légende du retour de la Pucelle. Dans les heures de crise nationale, on fait appel à la réserve, c'est-à-dire à ceux qui ont déjà servi le pays, mais qui n'hésitent pas à se dévouer de nouveau pour lui. Certes, Jeanne s'est déjà bien acquittée de son devoir patriotique ; mais elle ne refusera pas, si nous l'en supplions, de revenir combattre avec nous, chère et précieuse Réserviste, que Dieu nous gardait pour les jours de détresse.

Sans doute, elle ne reviendra pas en corps et en âme. Nos yeux n'auront pas cette douceur de voir bondir sur son cheval celle que nos pères ne se lassaient pas d'admirer. C'est une résurrection toute morale qui nous la rendra : c'est dans nos cœurs qu'elle revivra, c'est par nos mains qu'elle agira. Ne nous plaignons pas. Jeanne, descendit-elle parmi nous en chair et en os, ne nous sauverait pas, si nous n'acceptions et n'appliquions son programme. Jeanne sans son programme n'est rien, tandis que le programme de Jeanne , même sans elle, c'est pour nous le salut, ou plutôt c'est Jeanne elle-même avec tout son cœur.



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Message  Monique Ven 04 Oct 2024, 10:12 am

Mais quel est donc ce programme ? Quelle est la grande idée qu'elle s'est efforcée avant, tout d'inculquer à nos pères, et qui, dans sa pensée, était mille l'ois plus essentielle que la délivrance d'Orléans?

La voici : C'est que Jésus-Christ est à un titre tout particulier, le vrai roi de France , et la France le royaume préféré de Jésus-Christ.

Ne croyez pas, messieurs, que ces mots n'expriment qu'une idée vague noyée dans une formule oratoire. Ils ont en eux-mêmes, et ils avaient dans l'esprit de la Libératrice, un sens très précis, très pratique, souverainement important, au point que, je ne crains pas de le dire, quiconque ne les a pas compris n'a rien compris à l'âme ni à l'œuvre de la Vierge lorraine.

Pour saisir toute la portée de ce programme, rappelons-nous deux vérités générales qui s'appliquent à tous les pays.

Dieu est l'auteur de la société, non pas seulement en ce sens qu'il a tiré du néant les individus qui la composent, mais encore parce qu'il lui a donné la vie propre qui la caractérise. Sans doute, il n'a pas jeté les peuples sur la terre à l'état adulte et dans leur plein développement social, avec leurs chefs, leurs magistratures et les rouages de leur administration; mais il a mis tout cela en germe au cœur de l'homme dans une faculté spéciale, la sociabilité, qui appelle la société comme la sensibilité appelle la sensation. L'homme s'épanouit en famille, la famille en tribu et la tribu en nation, en vertu d'une tendance et suivant des lois qu'il a reçues du Créateur. Dieu est donc l'auteur de toutes les sociétés, comme il est l'auteur de tous les épanouissements naturels, comme il est l'auteur de la foret vierge, bien qu'il n'ait pas de sa propre main planté et arrosé un à un les arbres qui la forment, mais confié aux vents du ciel le soin de transporter au loin les graines de l'arbre primitif et aux nuées celui de les féconder.

Et, après les avoir ainsi fondées, Dieu fait vivre les sociétés et les gouverne, il leur envoie la richesse ou la pauvreté, les victoires ou les défaites, les bénédictions ou les châtiments, suivant qu'elles sont fidèles ou rebelles à sa loi. L'Écriture sainte n'est guère dans sa partie historique que la magnifique affirmation de cette souveraineté et de cette providence divines sur tous les empires.




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Message  Monique Sam 05 Oct 2024, 11:12 am

Puisque les peuples dépendent ainsi du Créateur en tant que peuples, ils doivent reconnaître son autorité en tant que peuples. Ils ne suffirait donc pas que tous les membres d'une société, pris individuellement, fussent très bons et très pieux : ils doivent encore s'unir pour rendre à Dieu un culte public, social, national, pour faire monter vers Dieu une prière publique, sociale, nationale, pour lui chanter après leurs triomphes un Te Deum public, social, national, pour se frapper la poitrine après leurs fautes dans un mea culpa public, social, national. Une société où l'on prie n'a pas rempli tout son devoir; ce que Dieu veut, c'est une société qui prie.

Mais cela même ne suffît pas. Les peuples ne doivent pas seulement adorer le Dieu Créateur, ils doivent le même culte au Dieu Rédempteur, à Notre Seigneur Jésus-Christ qui les a tous sauvés son Fils, Dieu lui dit : « Je te les donne en héritage : Dabo tibi génies hœredilatent luam. » Et en présentant son Fils aux nations, il leur répète la parole que Pilate adressait aux Juifs : « Voici votre Roi : Ecce Rex vester. »

Toute société doit donc être une théocratie chrétienne, non pas certes dans ce sens que ses chefs politiques doivent être des prêtres, des pontifes, mais dans ce sens que ses chefs politiques, laïques, doivent être des hommes profondément religieux ; que, tout en gardant leur indépendance absolue, plénière, dans le domaine des intérêts matériels, ils soient soumis, dans le domaine de la conscience, à la loi de Dieu, qui est le Décalogue, et à la loi de Jésus-Christ, qui est l'Évangile; qu'ils aient a cœur de porter leurs sujets ou leurs concitoyens vers le bien, et par conséquent vers Dieu et son Christ, et d'exercer ainsi une sorte de sacerdoce magnifique entre le ciel et le peuple qu'ils ont l'honneur de gouverner.

Et il n'y rien là, entendez-le bien, ô hommes de cette génération toujours inquiets et jaloux de ces droits que vous tenez cependant de Dieu, il n'y a rien qui doive alarmer les sociétés laïques. Elles garderont la forme de gouvernement qui conviendra le mieux à leur tempérament national, elles seront république, démocratie, monarchie, royauté, empire comme il leur plaira, sans que l'Eglise ait ou songe à intervenir dans leur choix, parce que l'Eglise est au-dessus de toutes les formes de gouvernement : mais elles resteront toujours sous la suzeraineté transcendante de Sa Majesté Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et, dans cette suzeraineté, il n'y a rien non plus qui doive porter ombrage aux chefs d'Etat eux-mêmes. Le roi Jésus, qui règne au ciel et qui distribue les couronnes éternelles, ne songe pas à leur disputer leurs couronnes périssables ou leur pouvoir d'un jour, pas plus qu'autrefois, petit enfant de Bethléem, il ne songeait à renverser le trône d'Hérode : Non eripii mortalla qui régna dat cœlestia. Au contraire, son nom rendra leur autorité plus sacrée aux yeux de leurs peuples, et les délivrera peut-être de ce cauchemar des révolutions et de l'anarchisme, qui agile aujourd'hui aussi bien les républiques que les monarchies.



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Message  Monique Mer 09 Oct 2024, 10:25 am

Ainsi, Messieurs, tous les peuples doivent reconnaître Jésus-Christ pour leur roi : ce n'est pas seulement pour eux le devoir, c'est la condition de la paix et de la prospérité.

Toutefois ce n'est pas dans ce sens général, c'est à un titre bien plus particulier et bien plus intime que la France doit être le royaume du Christ. Ce n'est pas moi qui le dis : ce n'est même pas Jeanne qui l'a imaginé. C'est un pape, Grégoire IX, qui récrivait à saint Louis. « De même, lui disait-il, que jadis la tribu de Juda fut choisie entre toutes les autres pour combattre l'idolàtrie et terrasser les ennemis de Dieu, de même, dans le Nouveau Testament, le peuple franc est entre tous les peuples de la terre, prœ cœteris terrarum populis, le peuple élu de Jésus-Christ, chargé de la mission de faire respecter la justice et la liberté de son Église. »

La première parmi les nations modernes, la France a entendu la grande parole : « Voici votre Roi ! Ecce Rex vester ! » Dieu la lui disait, par la voix de ces vénérables évêques, les Irénée, les Denys, les Hilaire, les Martin, qui, parcourant les campagnes et les municipes de la Gaule romaine, apprenaient à nos pères à transformer la pierre des dolmens en pierre d'autels et à se tailler des crucilix dans les vieux chênes druidiques, et leur répétaient sans cesse en leur montrant le Christ :
Voici votre Roi! » Plus lard, c'esl la parisienne Geneviève qui dit aux fils de Mérovée sauvés par elle : « Voici votre Sauveur, votre Roi ! Bientôt après, c'est la reine Clotilde qui dit à son farouche époux en lui désignant le grand Couronné d'épines :
« Voici ton Roi ! » Enfin un jour, un beau jour, c'est la victoire, plus écoutée que les reines, qui sur le champ de Tolbiac crie dans les étendards francs :
« Voici votre Roi, c'est lui qui m'a envoyée vous couronner. »



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Message  Monique Sam 12 Oct 2024, 10:38 am

Les Francs comprirent et acceptèrent cette vocation de peuple élu de Jésus-Christ. Ils comprirent que, si le Dieu de Clotilde avait été les chercher au milieu d'une bataille et les avait conduits a Reims sans leur donner le temps de déposer leur casque et d'essuyer leur épée sanglante, c'était pour leur dire qu'il les prenait comme soldats à son service, que leur christianisme devait être batailleur, leur credo conquérant et que cette épée, baptisée dans le sacrement d'une victoire surnaturelle, devrait être désormais la grande épée de la chrétienté. À quoi virent-ils et comment conclurent-ils tous cela ? Je ne sais. A quoi et comment des petits enfants reconnaissent-ils parfois avec une irrésistible évidence qu'ils seront un jour les prêtres du Très-Haut ? Les grandes vocations sont comme les instincts, antérieures et réfractaires à l'analyse, lumières de Dieu, claires comme le jour, voix de Dieu, éclatantes comme la foudre. Telle fut la vocation de la France.

Voyez-vous ces guerriers chevelus, à la figure tailladée d'estafilades, à l'œil rêveur, encore plein de l'ombre des forêts germaniques, qui écoulent debout, la lance au poing, le blanc vieillard Rémi leur racontant la Passion de Jésus. Ils sentent leur cœur frémir dans leur poitrine et la lance dans leurs mains; et le jeune et brillant barbare, leur chef, ému comme eux, s'écrie : « Ah ! que n'étais-je là avec mes Francs ! »

Frémissement des lances, frémissement sacré des cœurs ! C'est la France en qui s'éveille la vocation chevaleresque et chrétienne, c'est la nation dont le cœur ouvert à toutes les pitiés et le cerveau splendidement fermé à toutes les injustices ne comprendront jamais que, s'il s'élève quelque plainte d'opprimés et se commet quelque vilenie  dans le monde , cela ne la regarde pas : c'est celle qui s'en ira batailler sous tous les cieux pour assurer au Christ, ici un trône pontifical respecté, là un sépulcre glorieux, et partout, si c'était possible, un berceau de foi et d'amour dans l'âme des peuples convertis par ses fils. C'est bien là ce que vous vouliez dire, n'est-ce pas, ô nos vieux pères ? c'est bien là l'engagement solennel que vous preniez, lorsque, dans les illuminations de votre première nuit de Noël, la chevelure encore ruisselante de l'eau baptismale, vous vous écriiez : Vive le Christ qui aime les Francs !





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