TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
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Origène, d'ailleurs, nous parle lui-même de ces accroissements de l'Église d'Alexandrie : « Beaucoup, dit-il, ont embrassé le christianisme comme malgré eux, leur coeur ayant été tellement changé par quelque apparition, soit de jour, soit de nuit, qu'au lieu de l'aversion qu'ils avaient pour notre doctrine, ils l'ont aimée jusqu'à mourir pour elle. Nous connaissons beaucoup de ces changements (2). » Eusèbe nommé des martyrs : Léonide, Plutarque, Sérénus, Héraclide, Héron, un autre Sérénus, Potamienne, Marcelle, Heraïs ; Potamienne était l'esclave d'un homme dont la violente passion avait été repoussée avec dégoût par la jeune Égyptienne ; celui-ci, furieux de se voir éconduit, dénonça la jeune fille et sa mère Marcelle au préfet, qui les fit comparaître devant lui.
Suivant le récit que Pallade fait de l'interrogatoire, le préfet dit à Potamienne : « Allons, obéis au désir de ton maître, sinon je te fais jeter dans une chaudière de poix bouillante », L'esclave répondit : Comment peux-tu être assez malheureux pour me donner l'ordre de m'abandonner à la débauche et au libertinage d'un maître ? » Alors, dit Eusèbe, le préfet menaça la vierge de la livrer aux brutalités des gladiateurs ; nous ignorons si cette menace fut mise à exécution, mais il semble que cet outrage lui ait été épargné, car la réponse qu'elle fit à cette injure irrita si fort le préfet qu'il rendit aussitôt la sentence « par laquelle, raconte Tillemont, qui résume le récit d'Eusèbe, il ordonna qu'on dépouillerait la sainte et qu'on la jetterait dans la chaudière. Tout lui parut doux dans cette sentence, hors ce qui blessait sa modestie. C'est pourquoi elle dit au juge :
« Si vous avez résolu de me faire souffrir ce supplice; je vous conjure par la vie de l'Empereur, lequel je crois que vous craignez, de ne point ordonner que l'on me dépouille ; mais de commander, plutôt que l'on me descende peu à peu toute vêtue comme je suis dans la poix bouillante, afin que vous voyez quelle est la patience que me donne Jésus-Christ, lequel vous n'êtes pas si heureux de connaître. » Le juge ne voulut pas lui refuser une grâce de cette nature.
« Elle fut mise pour être conduite au supplice en la garde d'un soldat ou archer nommé Basilide, qui, voyant l'insolence et l'effronterie avec laquelle le peuple insultait la sainte par des railleries qui offensaient sa pudeur, il en eut compassion, et chassit ces insolents de les approcher d'elle. »
2. Contr. Celsum, I, 68.
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Sainte Potamienne, se tenant obligée de la compassion qu'il avait pour elle, l'assura qu'elle n'oublierait point cette grâce, qu'elle demanderait en mourant son salut à son Seigneur et que dans peu de temps elle le récompenserait de sa charité.
« Après ces paroles, elle souffrit courageusement le supplice auquel elle avait été condamnée, et fut descendue peu à peu et insensiblement dans la poix toute bouillante depuis les pieds jusques à la tête. Elle fut trois heures dans ce supplice, et mourut lorsqu'elle eut été plongée dans la poix jusques au cou. Sa mère Marcelle fut consumée par le feu aussi bien qu'elle.
« Sainte Potamienne accomplit bientôt la promesse qu'elle avait faite à Basilide. Car trois jours après son martyre elle lui apparut durant la nuit, lui mit une couronne sur la, tête, lui dit qu'elle avait demandé sa grâce au Seigneur, qu'elle l'avait obtenue et qu'il en recevrait l'effet dans peu de temps. La suite fit bien voir que cette vision n'était pas une imagination. Car Basilide s'étant rencontré peu après dans une occasion où ses compagnons le voulurent faire jurer, il leur dit qu'il ne lui était point du tout permis de jurer : qu'il était chrétien, et qu'il le déclarait hautement. Ses compagnons crurent d'abord qu'il le disait pour rire : mais voyant qu'il continuait, ils le menèrent au juge, devant lequel persistant dans la confession de Jésus-Christ, il fut aussitôt mis en prison. Les chrétiens l'y vinrent visiter, et lui demandèrent la cause d'un changement si subit et si extraordinaire. Il leur déclara la vision qu'il avait eue, reçut d'eux le sceau du Seigneur, et le lendemain, ayant rendu un glorieux témoignage à Jésus-Christ, il eut la tête tranchée. »
Vers la fin de la carrière d'Origène, nous rencontrons, parmi les fidèles d'Alexandrie, un personnage important nommé Ambroise, dont l'existence paraît avoir été brillante sous Caracalla ou Septime-Sévère. C'était une famille toute chrétienne, et Ambroise, qui se convertit en 212, devint dans la suite diacre de l'Église d'Alexandrie (1).
1. ORIGÈNE, Exhort. ad martyres, passim.
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En 249, éclata une émeute dont plusieurs chrétiens furent victimes ; tous les autres s'enfuirent ; la relation envoyée par l'évêque d'Antioche porterait à croire que les chrétiens se trouvaient en nombre assez considérable dans la ville, mais je préfère me borner à citer le texte : « Tous se jettent sur les maisons des chrétiens ; chacun entre chez ceux qu'il connaît, chez ses voisins, pille, dévaste ; ils emportent dans les plis de leurs vêtements tous les objets précieux, jettent ou brûlent dans la rue les choses sans valeur. On eût dit une ville prise et saccagée par l'ennemi (2). »
Le christianisme avait fait à Alexandrie les mêmes progrès que dans le reste de l'empire pendant la première moitié du ? siècle. Quand vint l'épreuve imposée par l'édit de Dèce, saint Denys d'Alexandrie raconte que parmi ceux qui se signalèrent entre tous par leur empressement à apostasier, furent les riches, polloi men entheos ton periphanesteron, et les magistrats, oi de demosieuontes upo ton predzeon egonto (3), dont l'exemple entraîna un grand nombre de chrétiens. Un piquant épisode nous montre saint Denys d'Alexandrie mis en liberté par l'intervention des chrétiens d'un village peu éloigné de la ville, qui sont assez nombreux pour attaquer l'escorte, battre les soldats et les mettre en fuite (1). Quelques années plus tard, sous Valérien, Denys fut de nouveau envoyé en exil ; mais avant son départ, il s'entendit avec les prêtres de la ville pour que le culte ne fût pas interrompu ; ensuite il partit pour Képhro, sur la limite du désert. On nous dit que dans cet exil il vit accourir auprès de lui des chrétiens de toutes les parties de l'Égypte. A Képhro même, en Libye, il fonda une Église ; puis on l'emmena à Colluthion, dans la Maréote : ce fut une nouvelle fondation où « les condamnés ne cessèrent pas de célébrer régulièrement toutes les fêtes. L'endroit où chacun se trouvait, champ, désert, hôtellerie, prison, tenait lieu d'église (2) » Lors de la proclamation d'Émilien à Alexandrie, nous voyons le rôle joué par deux chrétiens dont l'un était fort célèbre et tenait une école fréquentée par beaucoup de disciples. Cet Anatolios, futur évêque de Laodicée, était alors chef du Sénat d'Alexandrie (3).
Les exils de l'évêque d'Alexandrie nous aident à vérifier une indication pour laquelle nous trouvons le témoignage concordantde plusieurs écrivains: Pline (4), Clément de Rome (5), Justin le Martyr (6), Origène (7), mentionnent l'existence de communautés répandues dans la campagne ; peut-être Celse faisait-il allusion à cette expansion lorsqu'il dit que les chrétiens, peu nombreux d'abord, s'étaient ensuite prodigieusement multipliés, es plethos sparentes (1); quoi qu'il en soit, le concile de Néo-Césarée paraît les avoir eus en vue lorsqu'il parle des epikorioi pesbuteroi (2).
2. EUSÈBE, Hist. eccl., VI, 41.
3. EUSÈBE, ibid.
1. EUSÈBE, Hist. eccl., VI, 40.
2. S. DENYS, dans EUSÈBE, Hist. eccl., VII, 22, 4.
3. EUSÈBE, Hist. eccl., VII, 32.
4. PLINE, Epist., X, 97.
5. CLÉMENT DE ROME, Epist. ad Cor., 1, 47.
6. S. JUSTIN, Apolog., II.
7. ORIGÈNE, Contr. Cels., III, 9.
1. ORIGÈNE, Contr. Cels., III, 10.
2. Can. X.
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Au IIIe siècle nous trouvons des sièges épiscopaux à Péluse, Thmuis, Arsinoé, Nilopolis, Lycopolis et Hermopolis dans la Thébaïde ; à Bérénice dans la Libye pentapolitaine, à Ptolémaïs, à Cyrène probablement.
Alexandrie est une des villes où les chrétiens ont le plus souffert de la violence des païens. La population indigène et la population créole allaient de pair. Ce qui faisait le fond de la religion des Alexandrins, c'était un fanatisme irritable à l'excès dès qu'il s'agissait des superstitions locales et une licence sans frein. Une sorte de coalition, tantôt secrète, tantôt avouée, tournait contre les chrétiens les adorateurs de Jupiter, de Sérapis et de Jéhovah. La persécution de Dèce, qui vit tant de défaillances, connut aussi de nombreux martyrs. Ceux-ci étaient, dit saint Denys, les colonnes inébranlables qui soutenaient l'édifice chancelant (3). Un vieillard nommé Julien fut amené au préfet Sabinus. La goutte l'ayant rendu perclus au point de ne pouvoir marcher, on le fit porter sur les épaules de deux chrétiens, dont l'un apostasia, l'autre, Kronion, confessa le Christ ; alors le préfet fit mettre Julien et Kronion sur des chameaux, et on les promena par la ville ; de temps à autre le cortège s'arrêtait, on fouettait les martyrs et on repartait; pour finir, on les brûla (1).
Un soldat de l'escorte ayant témoigné quelques attentions aux martyrs pendant le trajet, on l'arrêta et on le jugea : il était chrétien, on lui coupa le cou. Ce fut le supplice qu'un reste de décence ou d'humanité accorda à quelques femmes, les deux Ammonarium, Mercura, Dionysia. Le plus souvent les fidèles ne quittaient la vie qu'après de longues tortures : Macar et Némésion furent brûlés, Épimaque et Alexandre furent arrosés de chaux vive. Des soldats, Ammon, Zénon, Ptolémée, Ingenuus, furent décapités. Un homme libre, Ischyrion, reçut de celui qui louait son travail l'ordre de sacrifier; Ischyrion refusa, le maître l'injuria de toutes façons et se porta sur lui aux plus outrageantes voies de fait; alors, voyant Ischyrion intraitable, il prit un épieu et lui perça le ventre (2).
3. EUSÈEE, Hist. eccl., VI, 41.
1. EUSÈBE, Hist. eccl., VI, 41.
2. Ibid., 42.
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Pendant la dernière persécution, je trouve un témoignage de la persistance du christianisme dans tout le nord de l'Égypte (provinces Jovia et Herculia): « D'innombrables chrétiens, dit Eusèbe, avec leurs femmes et leurs enfants, souffrirent pour la foi (3).» Dans le sud (Thébaïde), des scènes de supplice se renouvelèrent, «non pendant quelques jours ou quelques mois, mais durant plusieurs années.
Tantôt dix victimes et davantage, quelquefois vingt, une autre fois pas moins de trente, tantôt près de soixante, souvent même jusqu'à cent dans un jour, hommes, femmes et enfants, périssaient au milieu des supplices les plus variés » (4). L'Égypte garda en mémoire de ce temps l'habitude de dater son ère du temps de Dioclétien, qu'elle appela l' « ère des martyrs » (1).
« Si la persécution de Dioclétien a est glorieuse à toutes les Églises par les couronnes que divers martyrs y ont remportées, l'Égypte et la Thébaïde sont de celles qui ont eu le plus de part à cette gloire. Il semble même qu'on peut dire sans témérité qu'elles ont surpassé en cela toutes les autres provinces. »
Car si l'on considère la cruauté des tourments qu'il a fallu surmonter, il est difficile que la plus barbare inhumanité puisse rien ajouter à ce que l'on a fait endurer aux martyrs de ces deux provinces, selon le témoignage qu'en rend Eusèbe, après en avoir été lui-même témoin oculaire. Si l'on regarde avec quel courage ils ont souffert ces tourments, ils l'ont fait non seulement avec patience, mais avec joie ; et avec une telle joie qu'ils chantaient à Dieu jusques au dernier soupir des cantiques de louanges.
3. Ibid., VIII, 8.
4. Ibid. Ajouter les damnati ad metalla, les déportés.
1. Voyez E. AMELINEAU, les Actes des martyrs de l'Église Copte, Paris, 1890, in-8°, préface.
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Pour ce qui est du nombre, on peut dire qu'il est infini. Car ils étaient couronnez non pas un à un, mais par troupes, tantôt de dix, tantôt de vingt, de trente, de soixante, quelquefois de cent en un même jour, en sorte qu'on les pouvait conter par milliers. On voyait même sortir de l'Égypte des colonies entières de martyrs, qui quelquefois au nombre de 97 personnes de toute sorte d'âge et de sexe, quelquefois se montant jusques à 130, allaient sanctifier les autres provinces (2).
Nous avons parlé longuement de ces martyrs en donnant le récit consacré par Eusèbe à la persécution de Dioclétien. Quant à l'évêque Pierre d'Alexandrie, nous pourrions faire un long narré de l'histoire de son martyre, et tant de ses persécutions que de plusieurs autres choses qu'on prétend l'avoir précédé, si nous n'aimions mieux nous contenter du peu que nous en avons de certain, que d'y mêler quantité de choses très incertaines.
« Zozomène dit seulement en général que la persécution obligeait saint Pierre de s'enfuir et de se cacher. Du reste, nous ne pouvons rien dire de son martyre que ce que nous en apprenons d'Eusèbe, savoir qu'il fut pris sans aucun sujet apparent, lorsqu'on s'y attendait le moins, et aussitôt décapité sans autre forme ; ce qu'on disait se faire par ordre exprès de Maximin (1). »
2. TILLEMONT, Mém. hist. eccl., S. Pierre d'Alexandrie, § I (in-fol.,
Bruxelles, 1732), t. IV, p. 185.
1. TILLEMONT, etc., t. IV, p. 197.
A SUIVRE... VII. Palestine, Syrie, Arabie.
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VII. Palestine, Syrie, Arabie.
Le christianisme a eu son origine en des circonstances et des lieux trop connus de tous pour qu'il soit utile d'en faire mémoire ; mais avant toute expansion, toute prédication, il eut, dans ce petit pays où il apparaissait, ses martyrs, dont le nombre demeurera sans doute toujours ignoré. Malherbe a rendu en une forme exquise l'hymne de Prudence sur le massacre des saints Innocents :
Que je porte d'envie à la troupe innocente
De ceux qui, massacrés d'une main violente,
Virent dès le matin leur beau jour accourci!
Le fer qui les tua leur donna cette grâce
Que, si de faire bien ils n'eurent pas l'espace,
Ils n'eurent pas le temps de faire mal aussi.
De ces jeunes guerriers la troupe vagabonde
Allait courre fortune aux orages du monde,
Et déjà pour voguer abandonnait le bord,
Quant l'aguêt d'un pirate arrêta leur voyage ;
Mais leur sort fut si bon que, d'un même naufrage,
Ils se virent sous l'onde et se virent au port.
Ce furent de beaux lys, qui, mieux que la nature,
Mêlant à leur blancheur l'incarnate peinture
Que tira de leur sein le couteau criminel,
Devant que d'un hiver la tempête et l'orage
A leur teint délicat pussent faire dommage,
S'en allèrent fleurir au printemps éternel.
Le document qui nous rapporte les débuts de l'Église de Jérusalem nous retrace les violences dont furent victimes les fidèles tant dans la ville sainte durant les premières années qui suivirent la mort de Jésus et les premières conquêtes des hommes évangéliques. Nous savons que de très bonne heure la foi fut prêchée en Samarie, à Joppé, à Antioche, à Damas, recueillant des adhésions nombreuses et ferventes ; puis, sur les points déjà plus excentriques de Tyr, Sidon, Ptolémaïs, Béryte, Byblos, Tripolis, Césarée, Gaza, Palmyre, des communautés furent fondées. Leurs progrès sont malaisés à suivre à cause des désastres multipliés et des ruines de toute sorte accumulées pendant des siècles sur ces régions. Nous ne pouvons que pressentir un développement rapide de la population chrétienne à l'aide de quelques indices très rares. C'est, je pense, à une ville de ces parages que Porphyre fait allusion lorsqu'il écrit, à la fin du ? siècle : « Faut-il s'étonner maintenant si la maladie se soit emparée depuis tant d'années de la cité, lorsque ni Esculape, ni aucun dieu n'y a plus d'accès ? Depuis que Jésus est honoré, personne n'a ressenti un bienfait public des dieux (1). »
1. Cf. THÉODORET, Graec. affect. curatio, l. VIII.
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Nous savons par ailleurs qu'au temps de Constantin la ville d'Antioche comptait 100.000 chrétiens. Si on calcule la population de ces provinces d'après celle de l'Asie romaine à la même' époque, elle pouvait être en Syrie et Palestine d'une trentaine de millions d'âmes, parmi lesquelles on comptera sans exagération de cinq à sept millions de chrétiens. Nous avons une indication des accroissements de cette population chrétienne dans la construction, devenue nécessaire dans toutes les villes, d'églises nouvelles et plus vastes que les anciennes : eureias eis platos ana pasas tas poleis ek themelion aniston ekklesias (1).
Je ne m'attarderai pas à des récits composés dans le but de doter l'Arabie de la visite des apôtres ; si ces sortes de pièces ont-un grand intérêt en Occident à cause des origines littéraires qu'elles aident à éclairer, il n'en est pas tout à fait de même en Orient, où des esprits n'ayant aucune idée de l'histoire ont accumulé parfois dans le même écrit des contradictions inextricables. Assemani faisait aller en Arabie presque tous les apôtres, mais il se pourrait qu'aucun d'entre eux n'y soit venu ; on sait que les voyages des apôtres sont un des problèmes les plus obscurs de l'histoire du christianisme, en l'état des documents, et, exception faite des écrits canoniques, on peut dire que nous n'en savons rien ; dès lors je ne me reconnais plus le droit d'en parler. Dès le me siècle, le christianisme comptait de nombreux fidèles dans le Haourân, particulièrement à Bostra. Cette ville eut dans le premier quart de ce siècle un évêque célèbre, Bérylle, engagé quelque temps dans l'hérésie modaliste, qu'il abandonna à la parole d'Origène (1). Peut-être Bérylle servit-il d'intermédiaire entre le catéchiste alexandrin et le légat impérial en Arabie, dont le nom ne nous est pas connu, mais qui, pendant le règne d'Alexandre Sévère (222-235), entretint avec lui une correspondance sur des questions religieuses (2). Cet intérêt était une garantie de bienveillance, et la propagande chrétienne ne demandait rien de plus ; en outre, une large route reliait Damas en Syrie avec Bostra en Arabie à travers la Trachonitide ; ce fut la vraie ligne d'invasion suivie par les évangélistes. Le christianisme a dû pénétrer dans la Trachonitide au plus tard vers le commencement du me siècle, car ce fut là que naquit, au village de Chéchébé (3), le futur empereur Philippe l'Arabe, dont la vie peu édifiante ne semble laisser aucune place pour le grand acte d'une conversion (4).
Nous avons donné, dans les textes des deux premiers volumes de ce recueil, un grand nombre de récits et de traits ayant rapport aux martyrs de la Palestine et de la Syrie; nous n'y reviendrons pas.
1. EUSÈBE, Hist. eccl., VIII, I.
1. EUSÈBE, Hist. eccl., VI, 33. Cf. M. DE VOGUÉ, Syrie centrale. Architecture civile et religieuse in-4°, Paris, 1867, ch. I.
2. EUSÉBE, loc. cit., VI, 19.
3. Comptes rendus de l'Acad. des inscr. (1865), p. 42-43.
4. B. AUBÉ, le Christianisme de l'empereur Philippe, dans la Revue archéologique, 1880, p. 140.
A SUIVRE... VIII. Perse, Mésopotamie, Édesse.
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VIII. Perse, Mésopotamie, Édesse.
Il n'y a aucune raison qui indique qu'on doive faire plus d'état des récits concernant l'évangélisation des apôtres en Perse que partout ailleurs (1). J'ai repoussé, partout où je les ai rencontrés, ces récits, comme insuffisamment appuyés ; je ferai de même pour ce pays. Ce que nous savons avec certitude, c'est que le siège épiscopal de Séleucie-Ctésiphon est antérieur au IVe siècle et peut-être d'un assez grand nombre d'années. C'est principalement dans la population syrienne de la Perse antérieure que s'était développé le christianisme. L'hostilité séculaire des rois de Perse contre l'empire romain leur avait fait bien accueillir attirer peut-être les chrétiens persécutés par les empereurs ; mais nous ignorons tout à fait dans quelle mesure cette politique produisit de bons effets ; nous ne connaissons pas non plus dans quelle mesure la liberté fut laissée aux nouveaux sujets de se livrer au prosélytisme parmi la population indigène.
Quoi qu'il en soit, la paix de l'Église amena un changement dans cette conduite, et bientôt après, à l'occasion des guerres avec les empereurs chrétiens, la méfiance fut telle que les rois de Perse firent massacrer un grand nombre de fidèles, sous prétexte de sympathies secrètes pour l'ennemi de la Perse. Nous pouvons donc, vers le milieu du IVe siècle, prendre une idée des accroissements de l'Église en Perse à l'aide des statistiques du martyrologe. La persécution, sauf de courts répits, dura un siècle (342-450). Sozomène comptait pour les premières années de Sapor II jusqu'à 16.000 martyrs.
En ce qui concerne l'ancien royaume d'Osrhoène et la ville d'Edesse, nous savons par les Actes du martyre de Scharbil et de Barsamya (1) (249-251 environ) que la persécution fit des victimes dans ces provinces annexées à l'empire romain depuis un peu plus de trente ans. Sous Dioclétien, Gouria et Schamoun, peu après Habib le diacre, furent mis à mort. Les Actes de ce dernier, qui ont une réelle valeur historique, nous apprennent qu'il dirigeait une active propagande autour d'Edesse ; mais s'étant livré, il fut mis à mort. Les persécutions, dit M. Rubens Duval, furent un obstacle à l'extension du christianisme en Mésopotamie (2).
1. S. E. ASSEMANI, Acta sanctorum martyrum Orientalium et Occidentalium in duos partes distributa, Romae (1748), in-folio, 2 parties. UHLMANN, Die Verfolgungen in Persien in 4 and. 5 Jahrhund., dans la Niedners Zeitschrift (1861), p. 1-362. G. HOFFMANN, Auszüge aus syrischen Akten persischer Märtyrer, Leipsik, 1880, in-8°.
2. W. CURETON, Ancient syriac documents, in-4°, London, 1863, p. 41-72. Nous avons donné la traduction des actes de Habib dans le tome II de notre recueil.
A SUIVRE... IX. Arménie.
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IX. Arménie.
L'histoire d'une « prédication de l'Évangile en Arménie dans les temps apostoliques (3) » ne reposant pas sur des documents recevables en bonne critique, il n'y a pas lieu de s'y attarder.
Le territoire qui porte le nom d'Arménie s'étend depuis la Mésopotamie et la Syrie du sud jusqu'aux montagnes du Caucase et à la Géorgie au nord, jusqu'à la Cappadoce et au Pont à l'ouest, jusqu'à la province médique de Alberbaïdjan à l'est (1). La position géographique de l'Arménie suffit à faire soupçonner la présence ancienne de chrétiens venus de l'Asie Mineure ou de l'Osrhoène. Ajoutons que tout se réduit, historiquement parlant, à cette conjecture. J'inclinerais cependant à recevoir le fond de la légende de Hripsima dans la mesure suivante : dans les dernières années du IIIe siècle, une chrétienne fut martyrisée en Arménie avec plusieurs de ses compagnes. Quant à l'histoire d'une fuite depuis l'Italie jusqu'en Arménie, cela n'irait peut-être pas sans contestation (2).
L'histoire de l'introduction du christianisme en Arménie a été racontée par Agathange, historien du IVe siècle, qui fut secrétaire du roi Tiridate II. Son récit a malheureusement été remanié environ un siècle et demi plus tard, et cette seconde rédaction a prévalu, si bien qu'il ne nous reste pas de copie de la première. On ne peut donc recevoir les faits que sous réserve. Ce fut en l'année 301 que Grégoire l'Illuminateur baptisa le roi Tiridatè II et opéra avec un petit nombre de collègues la conversion du peuple arménien. Il semble que tout marcha assez vite, sauf dans le pays de Daron, où la résistance fut plus vive. Les circonstances de la conversion de Tiridate paraissent dépendre de sources peu dignes de confiance (3) ; mais le fait principal doit seul nous retenir. Grégoire entreprend une tournée apostolique, secondé du pouvoir officiel, pour détruire les édifices de l'idolâtrie, à Vagharschabad, Ardaschad, Dîr ; dans le canton de Taranaghi (1), à Thortan, à Ani ; de là il passa dans la province d'Eghéghiatz, àErez et, à travers le Kali (Lycus), il parvint à Thil (2), puis dans le canton de Terdjan, à Mihr, à Vakak'n dans le canton de Daron.
C'est pendant ces courses que Grégoire reçoit l'épiscopat, et Tigrane le baptême. Ces événements remplissent les premières années du IVe siècle. En 312, la conversion était assez avancée pour donner à l'Arménie la réputation d'un pays chrétien et lui attirer le mauvais vouloir de Maximien (3). Grégoire fut patriarche d'Arménie et institua plusieurs évêchés (4). Cette période ne nous conserve la trace que d'un petit nombre de martyrs ; nous avons donné le récit des persécutions endurées pour la foi par Grégoire, nous ne nous y arrêterons donc pas ici ; on trouvera dans l'appendice du tome II de ce recueil le récit du martyre de Hripsima.
3. C'est le titre du premier chapitre de l'Histoire, dogmes, traditions et liturgie de l'Eglise arménienne orientale, avec des notions additionnelles sur l'origine de cette liturgie, les sept sacrements, les observances, la hiérarchie ecclésiastique, les vêtements sacerdotaux et la forme intérieure des églises chez les Arméniens, par E. DULAURIER, Paris, 1859, in-18.
1. J. DE SAINT-MARTIN, Mémoires historiques et géographiques sur l'Arménie, Paris ,1818, in-8°, t. I.
2. LANGLOIS, Collection des historiens arméniens anciens et modernes, Paris, 1867-69, gr. 8e, t. I, p. 137 note.
3. Par exemple, l'histoire de la transformation de Tiridate en pourceau, avec les pieds fendus, le groin, les soies, etc.
1. PTOLÉMÉE, Géogr. V, 15, 14 : Daranissa.
2. Ibid., V, 13, 12, thalina.
3. EUSÈBE, Hist. eccl., IX, 8.
A SUIVRE... X. Asie Mineure.
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
X. Asie Mineure.
Il n'y a pas de province romaine qui ait précédé l'Asie Mineure dans la connaissance et la conversion en masse au christianisme. Non que la presqu'île tout entière soit devenue chrétienne, mais en peu de temps la religion nouvelle y a eu ses établissements les plus nombreux et les plus importants. Les itinéraires de saint Paul sont dans toutes les mémoires ainsi que les noms d'Iconium, Lystres, Derbé, Thyatires, Colosses, etc.
Origène a observé que « la Providence avait réuni toutes les nations sous un seul empire dès le temps d'Auguste, pour faciliter la prédication de lEvangile par la paix et la liberté du commerce (1) », et saint Irénée disait aussi : « Par les Romains le monde a la paix, et nous pouvons sans crainte voyager par terre et par mer dans tous les lieux où nous voulons (2). » La diffusion du christianisme suit en effet la direction générale des grandes lignes de communication tracées dans l'empire. La grande ligne d'invasion a eu son point initial à Antioche de Syrie, son point terminus à Rome par la Cilicie, la Lycaonie, Ephèse et Corinthe (3). Les principaux gîtes d'étape sont Philadelphie, Troas, Philippes, Brindes; une autre ligne passera par Tyane, Césarée de Cappadoce, Amisos dans le Pont.
Nous suivons moins aisément les itinéraires des disciples de saint Paul, de là des lacunes; cependant ce que nous en savons est déjà beaucoup. « L'Asie Mineure, dit Renan (4), était, après la Palestine, le pays le plus religieux du monde. Des régions entières, telles que la Phrygie, des villes telles que Tyane, Vénases, Comane, Césarée de Cappadoce, étaient comme vouées à la mysticité. En plusieurs endroits (1), les prêtres étaient encore presque des souverains. » Ceci explique l'accroissement rapide d'une rapidité d'incendie du christianisme dans ces quartiers ; il ne faut pas oublier non plus la préparation lointaine de la diaspora (2).
1. In Josue, homil. III.
2. Adv. haeres., IV, 30.
3. Cf. S. IGNACE, Ephes., § 12 ; S. CLÉMENT, Epist. I ad Corinth., § 1.
4. RENAN, S. Paul, Paris, 1883, in-8°, p. 25.
1. Par exemple, dans les deux Comanes, à Pessinonte, à Olba. Cf. STRABON, Géog., XII, II, 5-6 ; WADDINGTON, Mélanges de numismatique. 2° série, p. 121 et suiv.
2. Corp. inscr. gr. n° 3857 g. p, 3865 1. P. LE BAS, Inscriptions grecques et latines recueillies en Grèce par la commission de Morée, Paris, 1887, in-8°, III, nos 727, 783, 785; G. PERROT, Exploration archéologique de la Galatie et de la Bithynie, exécutée en 1861, Paris, in-folio, p. 126 ; F. CUMONT, Inscriptions chrétiennes de l'Asie Mineure, Paris, 1895, in-8, p. 165, 172, 199. Un autre élément très important fut la présence des Hypsistariens. Cf. Fa. CUMONT, Hypsistos, dans Revue de l'Instruction publique en Belgique, 1897.
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
A cette époque, les Juifs se rencontraient partout dans l'Asie Mineure, et souvent la colonie était riche et nombreuse. Dès la première mission, des Eglises furent fondées à Antioche de Pisidie, à Iconium, à Lystres, à Derbé, à Perge. A ce bilan d'une course apostolique, si l'on ajoute celui de tant d'autres, avec leurs détours, leurs circuits, leurs crochets et néanmoins leur direction générale maintenue vers un but marqué d'avance, on pourra se faire quelque idée de cette stratégie tout à la fois irrégulière mais irrésistible, qui fit tomber l'une après l'autre, en très peu d'années, toutes les provinces de la presqu'île d'Asie.
Entre tous les pays abordés par saint Paul, la Phrygie fut la plus solide et la plus complète de ses conquêtes. Elle demeura chrétienne pendant trois siècles, lorsqu'il y avait quelque mérite à l'être, et ne cessa d'en faire profession publique ; on y lisait sur des monuments CHRESTIANOS (1) ; les épitaphes contiennent toute une théologie (2). Le pays avait parmi ses évêques quelques hommes dignes de cette haute condition. On recourait à leurs lumières pour confondre les hérétiques (3), à leur vertu pour obtenir des miracles.
On a justement observé que le christianisme en Phrygie présente un phénomène particulier (4). Les conversions s'étant opérées en peu de temps et presque sans déchet, dans la région entière, un fait que nous voyons se reproduire partout n'aurait pas sa place ici. Ailleurs, le souci d'isoler sa vie du contact pernicieux des gentils produisait des scissions ; en Phrygie, on écarta d'un commun accord et d'un seul coup tout ce qui était radicalement incompatible avec la foi et la morale chrétienne ; comme cela devait entraîner déjà bien du changement, on s'en tint là ; on conserva tout le reste (5).
Cette circonstance ajoute aux difficultés ordinaires de la recherche des origines chrétiennes, car il devient presque impossible de distinguer ce qui appartient à la statistique païenne et à la statistique chrétienne. Il y a cependant quelques moyens de se faire une idée de cette dernière, grâce aux épitaphes ; l'emploi de symboles ou d'expressions exclusivement en usage parmi les fidèles, de même que l'onomastique, permettent des identifications, mais en petit nombre.
1. Voy. Monum. eccl. liturg., t. I, praef. De titulis liturgicis et les inscriptions correspondantes. Voyez les inscriptions chrétiennes recueillies dans W. RAMSAY, Cities and Bishoprics of Phrygia, Oxford, 1895, in-8°, n° 353-469 et 651-692.
2. EUSÉBE, Hist. eccl., V, 16.
3. Voy. la Vita Abercii. Cf. L. DUCHESNE, Avircius Marcellus et le christianisme en Phrygie au temps de Septime Sévère, dans la Revue des Questions historiques, t. XXXIV (1883), p. 26 sq.
4. F. CUMONT, les Inscriptions chrétiennes de l'Asie Mineure, Paris, 1895, in-8°.
5. W. RAMSAY, S. Paul the Traveller, p. 208, cité dans Cities and Bishoprics of Phrygia, t. II, p. 486.
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
Il semble probable que nous avons encore plusieurs épitaphes du IIe siècle ; elles proviennent principalement d'Euménie, de Hiéropolis et de Hiérapolis (1). Les actes de martyrs manquent complètement (2), car depuis l'époque des Antonins, l'État romain se résigna à laisser la liberté de conscience dans un pays où il se fût trouvé en conflit avec la majorité des habitants. Il en résulta une solide entente, et les chrétiens admis aux charges ne firent pas difficulté de les briguer. Dès le IIe siècle, à Euménie nous trouvons trois épitaphes de sénateurs dont le paganisme peut du moins être mis en doute (3) ; au IIIe siècle nous en trouvons six, certainement chrétiens (4).
La proportion des inscriptions chrétiennes avec les païennes montre que la ville était, dès la fin du IIe siècle, une ville chrétienne (5) ; peut-être Eusèbe avait-il en vue cette ville lorsqu'il parle d'une cité de la Phrygie dont toute la population était chrétienne vers l'année 303 ; on peut en induire que la région entière devait posséder une population chrétienne assez nombreuse. Cependant cette situation si florissante paraît changer tout d'un coup. A Euménie, au ? siècle, nous trouvons vingt-six épitaphes certainement chrétiennes ; nous n'en trouvons plus que quatre au IVe siècle et pour les siècles suivants.
Or nous savons que la persécution de Dioclétien (303-313) s'exerça avec une rigueur extrême en Phrygie ; une ville entière fut détruite (1). On a présumé avec quelque fondement que, si Apamée n'obtint jamais de l'État romain le rang que son importance lui eût dû mériter, ce fut à cause du soupçon qu'on gardait toujours à l'égard des communautés chrétiennes (2). Mais il ne semble pas que tout le pays ait vu une population chrétienne dans les mêmes proportions ; c'est du moins ce qui ressort de la proportion des inscriptions ;
Villes avant Constantin après Constantin
Euménie 26 4
Apamée 12 3
District de Tchal 0 6
L'évangélisation tardive de ce district s'explique d'ailleurs par sa situation peu accessible et à l'écart des voies de communication. Dans le district de Banaz-Orva on ne rencontre que quatre inscriptions dans un quartier déterminé ; ici encore il est probable que le christianisme n'a pénétré qu'assez tard. Au contraire, la partie orientale du district, qui était en relation (Pepuze, Brie, Sébaste, Akmonia et la vallée du Glaukos) avec les villes de la vallée du Méandre, a connu la prospérité chrétienne avant Constantin. Il faut donc admettre l'existence de foyers chrétiens d'une intensité inégale.
1. W. RAMSAY, ibid., p. 500, n° 353 suiv., 411.
2. NEUMANN, Der römische Staat und die allgem. Kirche, p. 283, n'en trouve pas après 184.
3. W. RAMSAY, loc. cit., nos 204, 210, 219.
4. Ibid., nos 359, 361, 364, 368, 371.
5. Ibid., t. II, p. 502.
1. W. RAMSAY, LACTANCE, Inst. Div., V, 11.
2. Ibid., loc. cit., ch. xi, § 19, et t. II, p. 509.
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
Nous sommes moins au courant pour la vallée du Lycos, qui comprenait les villes d'Hiérapolis et de Colosses. Ici les traditions sont confuses et les actes des martyrs n'apprennent que des noms (1). Les listes épiscopales donnent quelques noms assez rares. A Euménie, Thraséas kai martus apo Eumeneias os en Smurne kekoimetai (2) (vers 160) ; à Apamée, l'évêque Julien (3), qui eut un rôle au moment des querelles montanistes (vers 180-190) ; cette ville avait encore un évêque en 325, c'était Tharcisius ; dans la Pentapole, Avircius Marcellus à Hiéropolis, Zotique à Otrous ; Acace à Antioche de Pisidie, une communauté à Philomelium.
Dans la Phrygie centrale, le christianisme eut tout son éclat avant Constantin (7 inscriptions avant contre 2 après Constantin). Mais ici encore certaines régions à peine effleurées n'ont prospéré qu'après la persécution (district de Synnade, 8 inscriptions après Constantin contre 0 avant Constantin ; à Prymnessos, même proportion ; à Dokimion, 13 contre 0). Si l'inscription d'Abercius n'apprend que peu de chose sur la prospérité des Églises phrygiennes, elle montre du moins l'existence avouée des chrétientés ; mais à ce point de vue un fait plus important, et unique dans l'empire, est relevé à Apamée Kibotos, dont la monnaie porte dès le IIIe siècle un symbole chrétien (4). Peut-être faut-il rapporter à cette ville, à Euménie, ou à quelque autre de la Phrygie, le mot d'un gouverneur d'Asie qui vit venir à lui les chrétiens d'une ville, solidarisés soudain avec leurs frères menacés, et qui, devant un pareil nombre , se refusa à sévir contre eux (1).
La Phrygie devait même avoir un excès de religion, si l'on peut ainsi dire : c'est de ce pays que sortit Montan, qui y trouva de nombreux partisans ; il en sera parlé ailleurs.
Tous ces faits concourent à nous montrer une évangélisation déjà avancée ; d'autres signes n'en laissent pas douter. Si les symboles n'apparaissent qu'assez tard (2), vers le IVe siècle, sauf de très rares exceptions (3), quelques formules spéciales montrent les Églises en possession d'une théologie et d'une liturgie. L'expression estai auto pros ton Theon, qui reparaît si fréquemment sur les tombes (4), est indubitablement chrétienne (5). Certaines épitaphes nous montrent par l'onomastique que les communautés avaient au moins un calendrier embryonnaire, où, si l'on le veut, certains personnages avaient été acceptés comme patrons, par exemple : Marie (6), Moïse (7)Sabbatius (1), Suzanne (2), Jean (3), dont les noms judaïques constituent un élément nouveau d'appréciation d'après la statistique totale des vocables grecs et asiatiques. Plus tard viendront les dénominations purement chrétiennes, comme Kuriakos (4), Theodoulos (5), Theoktistos (6), Neophutos (7), Anastasia (8).
1. W. RAMSAY, loc. cit., p. 494.
2. EUSÈBE, Hist. eccl., V, 24 Cf. pour les martyrs de cette ville EUSÈBE, Hist. eccl., V, 15, 22, et Martyrologium hieronymianum, VI, Kal. nov. p. 136, éd. DE Rossl-DucHESNE, Bruxellis, 1894, in-folio.
3. Ibid, v, 16.
4. CH. LENORMANT, dans C. CAHIER et A. MARTIN, Mélanges d'Archéologie, t. III, p. 173 sq. A Iconium, on représentait Hénoch.
1. TERTULLIEN, Ad Scapulam, in fine.
2. F. CUMONT, les Inscriptions chrétiennes de l'Asie Mineure, p. 11 et n° 181. Cf. BAYET, De titulis Atticae christianis, p. 58. Il ne faut guère se fier à la croix dans Corp. inscr. gr. 2445 b, 3897 d. e ; Journal of hellenic Studies, IV, 423. Celle de Mittheilungen des Deutschen archilologischen Instituts in Athen, t. XII, p. 181, est douteuse.
3. DE Rossi, Roma sotterranea, I, p. 107, et A. DUMONT, Mélanges d'archéologie (éd. HOMOLLE), p. 385, n° 72 1. F. CUMONT, loc. cit., n° 340 bis : elle remonte peut-être au me siècle. Cf. Corp. inscr. graec., n° 9282; Woon, Ephesus, London, 1890, in-8°, 21. Le cas le plus remarquable est dans Journal of Hellenic Studies, t. IV, p. 433.
4. F. CUMONT, loc. cit., nos 8, 121, 135, 145 bis, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 156, 157, 160, 161, 162, 163, 202, 204, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 214.
5. L. DUCHESNE, dans la Revue des Questions historiques (1883), p. 31; W. RAMSAY, Journal of Hellenic Studies (1883), p. 400; F. CUMONT, les Inscrip. chrét. de l'Asie Mineure, p. 12.
6. F. CUMONT, loc. cit., 109, 132.
7. Ibid., 271, 300.
1. CUMONT, 57, 331.
2. Ibid., 418.
3. Ibid., passim.
4. Ibid., 262, 390, 391.
5. Ibid., 169, 262.
6. Ibid., 400.
7. Ibid., 340 bis,
8. Ibid., 369.
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
On a trouvé sur les côtes de la Carie et dans l'île voisine de Cos un grand nombre d'inscriptions tracées à la pointe graffiti (10). L'origine chrétienne paraissait probable (1) et même certaine (2) à quelques savants surpris de rencontrer sur ces inscriptions les épithètes de philon ou adelpon ou encore adelphon kataphronetov à l'adresse des personnages qui y sont mentionnés et que l'on qualifie ailleurs de prêtres (ieron, upoiereon). Il y avait là, pensait-on, l'indice d'une communauté chrétienne au 11e ou au 12e siècle. L'acclamation Nike tou deinos ou ton deinon, qui se lisait sur beaucoup de ces tituli, eût même désigné le martyre. Mais toute cette hypothèse paraît peu solide ; il est possible qu'il s'agisse ici des éphèbes de la région, dont le succès faisait l'objet de ces voeux (3).
L'épître de saint Pierre nous donne un dénombrement des premières conquêtes du christianisme lorsqu'il s'adresse aux élus expatriés de la dispersion du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de l'Asie, de la Bithynie (4).
La Galatie était une dénomination administrative et comprenait la Galatie proprement dite, la Lycaonie, la Pisidie, l'Isaurie et la Phrygie montagneuse (5). Après le brillant début du christianisme en Galatie, nous n'avons que des renseignements vagues sur le progrès de la foi nouvelle et les luttes qu'elle eut à soutenir dans la province.
10. G. HIRSCHFELd, dans Philologus (1891), p. 430 sq ; Greek inscriptions in the British Museum, London in-folio, t. IV, p. 87, ne 820; p. 80, nos 905 et 924; PATON et Hincks, Inscriptions of Cos, Berolini, (1891), p. 65, 69, 70, 71, 72 ; Revue des Études grecques, t. VI, p. 202 sq. ; Bulletin de correspondance hellénique, t. XVII, p. 24. Textes provenant d'Halicarnasse, de Mylasa, des Branchides, d'Iasos et de Cos.
1. MM. COUSIN et DIEHL réfutés par L. DUCHESNE, dans le Bulletin critique (1890), p. 138.
2. M. O. HIRSCHFELD réfuté par M. TH. REINACH, Revue des Études grecques, t. VI, p. 202 sq.
3. F. CUMONT, loc. cit., p. 16-18. Voyez cependant le Bulletin critique, 1893, p. 459.
4. I Petri, I. Cf. RENAN, l'Antechrist, p. 552; P. MARTIN, dans la Revue des Questions historiques, janv. 1873, janv 1874, juill. 1875.
5. RENAN, S. Paul, p. 49.
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
Cependant il semble qu'un ferme noyau se soit conservé à Ancyre, qui était comme la capitale de toute l'Asie Centrale (1) ; c'est là que nous trouvons [Théodote le cabaretier] et l'évêque Clément, qui y réunira un important concile présidé par l'évêque d'Antioche. La passion de Théodote garde-t-elle sa valeur pour tous les détails locaux, ceux qui nous intéressent le plus ici ? nous ne saurions le dire, mais on y trouve quelques indications sur l'expansion du christianisme qui suffiraient à donner une idée de son progrès (2). Nous apprenons par elle l'existence de chrétiens jusque dans les recoins les plus écartés de la province, et ces gens vivent autour d'un prêtre, véritable curé de campagne. Dans Ancyre il y a au moins un commencement de vie monastique parmi les femmes. L'Eglise nous apparaît organisée, on trouve des fidèles nombreux, et les canons d'Ancyre, qui ne peuvent manquer d'avoir une application particulière à la Galatie, complètent cette information.
Dans le Pont Polémiaque, subdivision de la Galatie (3), un homme, Grégoire, suffit pour convertir une ville entière. Il était disciple d'Origène (4) et de fort bonne maison ; quand il vint en qualité d'évêque à Néocésarée, la communauté comptait dix-sept chrétiens, et ce chiffre est à retenir pour bien entendre qu'alors la présence d'un évêque n'engage pas l'existence d'une chrétienté analogue à nos diocèses. Quand il mourut, la proportion était renversée : il restait dix-sept païens, la ville avait des églises, elle n'avait plus de temples. Pendant la persécution de Dèce, les apostasies avaient été nombreuses ; pour sauver sa chrétienté encore fragile, l'évêque s'était enfui au désert, entraînant par son exemple une partie des fidèles. Cette chrétienté un peu hâtive ne paraît pas avoir mérité beaucoup d'admiration. Il se trouva des frères pour se joindre aux barbares qui envahissaient le Pont, la Cappadoce et la Bithynie (1), et , leur évêque, ce même Grégoire, eut à porter contre eux des peines canoniques, puisque, dit-il, « oubliant qu'ils sont citoyens du Pont et chrétiens, ils se sont enrôlés parmi les Barbares et se sont conduits à l'égard de leurs frères comme des Goths ou des Borans (2)».
Toute la région voisine de la Propontide participait au mouvement de conversion.
Nous trouvons vers ce temps, dans les actes de martyrs asiates, une indication statistique importante. En Lydie, à Thyatires, on demanda au diacre Papylos : « As-tu des enfants ? Beaucoup. » Une voix dans l'auditoire : « Ce sont les chrétiens qu'il appelle ses enfants. » Papylos répond : « Dans toute province, dans toute cité, j'ai en Dieu des enfants (3). »
1. Corp. inscr. gr., n° 4011, 4020, 4030, 4032, 5896 ; G. MARINI, Atti e monumenti de fratelli Arvali, Roma, 1795, in-4°, p. 1766 ; G. PERROT, de Galatia provincia romana, p. 102; J. ECKH, Doctrina nummorum veterum, Vindobonae, 1792, in-4°, t. III, 177-178. Cf. G. PERROT, E. GUILLAUME, J. DELREC, Exploration archéologique de la Galatie et de la Bithynie, d'une partie de la Mysie, de la Phrygie, de la Cappadoce et du Pont. Paris, 1862-72, gr. in-4°, 80 pl., 7 cartes, passim.
2. RUINART, Acta sincera, Parisiis, 1689, in-4°, p. 350 ; PIO FRANCHI DI CAVALIERI, I Martiri di S. Theodoto di Ancira e di S. Ariadne, fascicul. 6e des Studi e testi. Publicazioni della Bibliotheca Vaticana, Roma, 1900. Sur la valeur historique de ce récit voir une étude capitale de H. DELEHAYS. dans les Analecta bollandiana, 1903, p. 319-328.
3. G. PERROT, De Galatia provincia romana, p. 53, note 2; J. MARQUARDT, Römische Stattsverwaltung, Leipsik, 1885, in-8°, t. I, p. 364.
4. S. GRÉGOIRE DE NYSSE, Vita S. Greg. Thaumat. dans Opp. (éd. 1680), t. III.
1. ZOSIME, I, 31-35 ; JORNANDÈS, De rebus Geticis, 20.
2. S. GRÉGOIRE THAUMATURGE, Epist. canonica, 2-8.
3. AUBÉ, Revue archéologique (1881), p. 348-360.
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
La Cappadoce était une des provinces que le christianisme avait le plus complètement pénétrées, aussi l'opposition y était-elle très vive de la part de ceux qui avaient résisté à la foi nouvelle. Au début du IIe siècle nous y connaissons quelques évêques, celui de Comane, Zotique (1), et Alexandre, disciple de Clément d'Alexandrie.
Le légat impérial qui gouvernait la province vit sa femme se convertir au christianisme et vengea cet acte par un redoublement dans la persécution; il mourut d'une manière horrible, et Tertullien prétend qu'il était alors presque converti (2). La persécution se prolongea plusieurs années (3), mais elle ne paraît pas avoir ralenti le mouvement croissant des adhésions au christianisme.
En 235, une prophétesse parcourut la Cappadoce, traînant à sa suite des bandes d'exaltés qu'elle prétendait conduire à Jérusalem (4). L'évêque Firmilien vit alors arriver auprès de lui, à Césarée de Cappadoce, Origène fugitif, qui assista à un soulèvement populaire contre les chrétiens et nous a laissé à ce propos une indication qui doit être recueillie : « Ceux qui souffrent de grandes calamités aiment à en discuter les causes. Ils prétendent que les guerres, les famines, les pestes ont pour cause l'abandon par les hommes du culte des dieux et la multitude des chrétiens... Les églises ont alors subi la persécution, on les a brûlées (5). »
1. TILLEMONT, Mem. hist. eccl., Bruxelles, 1732, in-folio.
2. Ad Scapul., 3.
3. EUSÈBE, Hist. eccl., VI, 12.
4. Epist. FIRMILIANI, 75, inter Cyprianicas.
5. ORIGÈNE. Comm. series in Matth. P. G., t. XIII, col. 1654.
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
La persécution de Dèce dut être l'occasion d'une fuite assez générale des chrétiens, car les documents de cette époque ne nous donnent que de rares récits de martyrs dans ces régions. Sous Dioclétien, raconte Eusèbe, «peu après le commencement de la persécution, quand dans la région située autour de Mélitène et dans la Syrie il y eut des tentatives pour s'emparer de l'empire, une loi fut d'abord promulguée, ordonnant que tous les chefs des Églises seraient enchaînés et mis en prison. Le spectacle qui parut alors dépasse toute parole : on vit une multitude innombrable d'hommes jetés dans les prisons : celles-ci, autrefois réservées aux brigands ou aux violateurs de sépultures, étaient maintenant remplies d'évêques, de prêtres, de diacres, de lecteurs, d'exorcistes, tellement qu'il n'y avait plus de place pour les criminels de droit commun. Un autre édit survint d'après lequel tous ceux qui avaient été ainsi mis en prison seraient renvoyés libres s'ils consentaient à sacrifier : en cas de refus, ils seraient soumis aux plus cruels supplices ; aussi ne peut-on compter les martyrs qui souffrirent dans les diverses provinces (1).»
L'Église de Bithynie vit des disciples des apôtres, mais il ne paraît pas que saint Paul y ait pénétré et travaillé en personne ; dès le temps de Domitien la persécution y put sévir, elle recommença sous Trajan. Nous ne reviendrons pas ici sur les détails que nous avons donnés à ce sujet (2). Au IIe et au IIIe siècle, certaines Églises, celle d'Hadriani ad Olympium particulièrement, paraissent avoir joui d'une certaine prospérité et avoir été dotées d'une organisation assez complète (3).
A partir du IIIe siècle, nous pouvons suivre d'assez près les souffrances des Églises d'Asie Mineure. Il faut signaler à ce début du IIIe siècle l'hérésie montaniste, qui ayant pris naissance en Phrygie, étendit son influence jusqu'en Afrique et en Gaule ; elle nous intéresse principalement au titre de sa doctrine sur le martyre. Le montaniste ne recevait pas le martyre, il le provoquait ; loin de le fuir dans un sentiment d'humble défiance, il le bravait avec une intrépidité dans laquelle malheureusement l'orgueil avait plus de part que la charité. Il s'en faut d'ailleurs que ces fanfarons du martyre fussent de très bon aloi. L'un d'eux, Thémison, sortit de prison en corrompant ses gardiens, ce qui ne l'empêcha pas de se donner comme martyr ; un autre, nommé Alexandre, était un repris de justice ; les fidèles le firent délivrer par erreur, mais refusèrent ensuite de le recevoir dans leurs assemblées ; un troisième martyr, nommé Théodote, s'était fracassé les membres dans une chute et mourut de ses blessures (1). Ce n'étaient pas seulement les fidèles qui repoussaient le contact des frénétiques du martyre : nous voyons deux confesseurs d'Euménie, enfermés dans la prison d'Apamée en Phrygie, Caïus et Alexandre, refuser toute communication avec les montanistes.
1. EUSÈBE, Hist. eccl., VIII, 6.
2. Tome Ier, p. 44 et 57.
3. G. PERROT, Explor. de la Galatie, in-4°, Paris, 1862-72, t. I, p. 62.
1. TILLEMONT, Mém. hist. eccl., t. II, art. X.
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
La persécution de Sévère imposa de longues souffrances aux Églises. Commencée en 202, elle se prolongea au moins jusqu'en 211, car nous voyons à cette date un évêque cappadocien, Alexandre, encore détenu en prison, d'où il écrit aux fidèles d'Antioche pour les féliciter d'avoir élu évêque Asclépiade, comme lui confesseur de la foi; cette nouvelle, ajoute-t-il, lui a rendu douces et légères les chaînes dont il est chargé (1).
La persécution de Dèce donna lieu à la légende célèbre des Sept dormants d'Ephése. La popularité de ce récit en Occident, où, acclimaté par Grégoire de Tours, il dut à Jacques de Voragine une célébrité nouvelle, nous paraît une raison suffisante pour interrompre notre recherche et en placer la traduction sous les yeux de nos lecteurs, d'après la version de M. Br. Krusch (2).
Sous le règne de l'empereur Dèce, la persécution fut entamée contre les chrétiens dans le monde entier et les sacrifices impies offerts aux idoles. Sept personnages attachés au palais royal et tous de bonne maison, Achillès, Diomède, Diogène, Probat, Etienne, Sambat, Cyriaque, voyant les crimes odieux et multipliés de l'empereur, qui faisait rendre à des idoles sourdes et muettes le culte dû au Dieu éternel, se sentirent touchés de la grâce et reçurent au baptême les noms de Maximilien, Malque, Martinien, Constantin, Denys, Jean, Sérapion. Sur ces entrefaites, Dèce arriva à Ephèse et ordonna une recherche exacte de tous les chrétiens, afin que, s'il était possible, leur nom même disparût. On prépare donc des sacrifices, l'empereur immole et à force de menaces ou de promesses, pousse son entourage à l'imiter. Ce n'était que libations, et un nuage d'horribles vapeurs s'élevait de la ville. Voyant cela, les. sept athlètes du Christ se prosternèrent et répandirent des larmes, ils se couvrirent la tête de poussière, implorant la miséricorde de Dieu afin que, abaissant son regard du ciel, il n'abandonnât pas plus longtemps ce peuple dans son crime.
1. EUSÈBE, Hist. eccl., VI, 12.
2. Pour l'ancienne bibliographie, cf. CHEVALIER, Répertoire, au mot Maximien, à Ephèse. Voyez SEDAN, Acta martyrum et sanctorum, t. I, p. 301-25 ; GUIDI, dans Acta della Reale Academia dei Lincei, 1884-85 ; B. KRUSCH, Passio VII dormientium, dans Anal. boll., t. XII, 1893, p. 371 sq ; J. KOCH, Die Siebenschläfterlegende, ihr Ursprung und ihre Verbreitung, in-8°, Leipzig, 1883 ; RYSSEL, Syrische Quellen abendländischer Erzählungsstoffe, dans Archiv f. das Studium des neueren Sprachen und Litteraturen, t. XCIII, p. 1-22, 241-288; t. XCIV, p. 369-388; R PIETSCHMANN, les Inscriptions coptes du Faras, dans Recueil de travaux relatifs à la philol. et à l'archéol. égypt. et assyr., t. XXI, 1899, p. 133-136 ; cf. t. XX, p. 175-176 ; C. CLERMONT-GANNEAU, El Kahf et la caverne des sept Dormants, dans Comptes rendus de l'Acad. des inscr. 1899, p 564-576.
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
A cette nouvelle, les ennemis du nom chrétien s'en vinrent trouver l'empereur et lui dirent : « Sire, un décret émané de ton gouvernement s'adresse au monde entier, défendant à qui que ce soit d'enfreindre ton ordre ; tous offrent aux dieux un sacrifice quotidien, excepté ces sept individus que tu aimes particulièrement.
Qui voulez-vous dire ?
Maximien, le fils du préfet, et sa clique. »
Soudain l'empereur, irrité, se les fait amener enchaînés ; eux avaient encore le visage humide de larmes et la tête pleine de poussière, tels qu'ils avaient supplié le Seigneur. L'empereur les regarda et dit : « Vous avez donc eu l'esprit si mal fait que d'enfreindre mes ordres et de refuser aux dieux les sacrifices qui leur sont dus ? Par mon honneur, votre mépris vous sera rendu en tortures.
Eux répondirent : « Notre Dieu est unique et véritable, il a créé le ciel, la terre, la mer ; nous lui rendons chaque jour un sacrifice de louanges et nous sommes prêts à mourir pour lui. Ceux que tu nous ordonnes d'adorer en qualité de dieux ne sont rien, nous le savons ; les ouvriers les ont fabriqués pièce à pièce, ils ne sont susceptibles d'aucun honneur, et ceux qui les adorent seront damnés, ainsi que le prophète nous l'apprend, afin que les adorateurs ressemblent aux ouvriers. »
Tout le monde s'écarta, l'empereur cria : « Arrière, coquins, jusqu'à ce que vous ayez expié votre crime ; quand la bienveillance des dieux vous aura valu votre pardon, vous reviendrez au palais jouissez de votre jeunesse, il n'est pas possible que des corps si beaux périssent. » Et, écartant le fer de leur tête, il les fit mettre en liberté jusqu'à son retour à Éphèse. Tandis que l'empereur se rendait dans une autre ville, les jeunes hommes retournèrent dans leurs maisons, d'où ils enlevèrent l'or, l'argent, les vêtements et tout le mobilier qu'ils distribuèrent aux pauvres, puis ils se rendirent dans une caverne du mont Achille (1) n'emportant que peu d'argent pour se procurer quelques vivres; ils désignèrent Malque pour se rendre à la ville en cachette.
1. Pour l'identification, cf. Kocu, loc. cit., p. 59.
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Ainsi enfermés sous leur propre garde, ils priaient. L'empereur revint à Ephèse sur ces entrefaites et, faisant, selon son habitude, rechercher les chrétiens, il s'enquit de Maximien et ses compagnons. Leurs parents dirent qu'ils étaient retirés dans une grotte du mont Achille, d'où on les tirerait facilement s'il plaisait ainsi à l'empereur. A cette nouvelle que Malque leur apporta, les sept furent épouvantés et se prosternèrent sur la terre, mêlant les larmes à la prière, demandant à Dieu de les garder dans la foi et de les soustraire à la recherche de l'empereur. Tandis qu'ils priaient, Dieu les exauça et, sachant qu'ils lui rendraient d'autres services par la suite, il reçut leurs âmes. Eux reposaient à terre, ils semblaient plongés dans un doux sommeil.
L'empereur, tout ému de ce fait, ordonna de murer la caverne, afin que ces contempteurs des dieux ne pussent échapper. Tandis que le piquet commandé pour cette besogne se rendait sur les lieux, deux chrétiens, Théodose et Ruben, à qui la crainte de la persécution faisait dissimuler leur foi, prirent l'avance et déposèrent à l'entrée de la grotte, à l'intérieur, une lame de plomb sur laquelle était gravée toute la légende des saints, et ils se disaient : « Quand Dieu voudra révéler aux peuples les reliques de ses athlètes, on apprendra par ce moyen ce qu'ils ont souffert pour son nom. » Le piquet arriva, roula des blocs de pierre, obstrua l'entrée, et s'en retourna en disant : « Ils mourront de faim et s'entre-dévoreront pour avoir refusé les libations dues aux dieux. »
Dèce mourut et dans la suite des temps l'empire arriva aux mains de Théodose, fils d'Arcadius. Il existait alors une secte ignoble, dite des Sadducéens, qui prétendait ruiner la foi en la résurrection : « Les morts ne ressuscitent pas », disait-elle. La secte avait pour chefs Théodose et Gaius,tous deux évêques, qui s'efforcèrent d'entraîner l'empereur dans leur erreur; mais ce-celui-ci, prosterné devant Dieu, lui demandait de lui faire connaître la vérité. Il se trouvait pour lors à Ephèse un certain Dalie, fort riche en bestiaux, qui, parcourant un jour le mont Achille, appela ses serviteurs et leur dit : « Installez ici une bergerie pour nos brebis, voilà un excellent pâturage. » Il ne savait pas ce que renfermait la caverne. Les gens se mirent en devoir de faire rouler les blocs et, arrivant à l'entrée de la grotte, ils trouvèrent de larges dalles, mais ne pénétrèrent pas dans la caverne.
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Dieu voulut que l'âme des martyrs revînt habiter leurs corps; ils se levèrent, se donnèrent la bienvenue, croyant qu'ils se réveillaient la nuit achevée, ils s'assirent et se trouvèrent tout à fait dispos. Leurs corps étaient beaux, leurs vêtements intacts, tels qu'ils les avaient revêtus jadis. Ils se tournèrent vers Malque : « Raconte-nous, lui dirent-ils, les nouvelles de cette nuit ; l'empereur nous a-t-il fait chercher? On vous cherche pour sacrifier », répondit Malque. Alors Maximien prit la parole : « Nous sommes prêts à donner notre vie pour le Christ. Toi, prends de l'argent, va acheter de quoi manger, cache-toi bien, et rapporte-nous ce que tu auras entendu. » Malque prit l'argent et s'en fut.
Les pièces d'argent étaient à l'effigie de Dèce ; or, en arrivant aux portes de la ville, il vit une croix sur la porte ; stupéfait, il se dit : « Le coeur de Dèce aurait-il changé depuis hier soir que je sortis de la ville, à ce point qu'il fortifie les portes de la cité du signe de la croix ? » Il entra néanmoins, et voilà qu'il entend des individus jurer par le nom du Christ, puis il aperçoit une église, des clercs qui vont et viennent et des édifices nouveaux sortant de terre ; abasourdi de tout cela, il se disait : « Je suis peut-être dans une autre ville. » Il vint au marché, fit ses emplettes et paya.
Les marchands regardèrent la pièce : « Voilà, dirent-ils, un homme qui a découvert une cachette, il donne la monnaie du temps de Dèce. » Malque entendait et ruminait tout cela : « Mais que racontent-ils ? Est-ce que je rêve ? » Les marchands l'arrêtèrent et le conduisirent à l'évêque Marien et au préfet :
« D'où es-tu ? dit le préfet, d'où viens-tu?
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
Je viens d'Éphèse, si c'est bien Ephèse que j'ai quitté hier soir.
D'où te vient cet argent ?
De chez mon père.
Et où est-il, ton père ? »
Il le nomma, personne ne le connaissait.
« Parle, d'où te vient cet argent ? Il porte l'effigie de Dèce, mort depuis tant d'années. Tu es venu pour te moquer des Éphésiens,on te mettra à la question jusqu'à ce que tu parles. » Malque se prit à pleurer : « Laissez-moi vous poser une seule question. Où est l'empereur Dèce, qui persécutait les chrétiens de cette ville ? »
L'évêque Marien répondit : « Il n'est pas dans toute cette ville, mon fils, un seul homme qui se souvienne de Dèce, mort depuis tant d'années.
Je croyais avec mes compagnons n'avoir dormi qu'une seule nuit ; mais si je comprends bien, notre sommeil a laissé fuir les années. Voilà que Dieu vient de nous ressusciter, afin que tous croient en la résurrection des morts. Venez avez moi, je vais vous conduire à mes compagnons ressuscités. »
L'évêque, le préfet, la foule, suivirent Malque jusqu'à la grotte. Tandis que Malque racontait aux siens son aventure, l'évêque entra et trouva l'écrit scellé de deux sceaux d'argent; il sortit de nouveau, rompit les sceaux et devant le peuple lut les deux tablettes de plomb qui contenaient l'histoire des martyrs.
On pénétra dans la grotte, et on y trouva les martyrs assis, dans un coin, le visage frais comme la rose, radieux comme le soleil, leurs corps et leurs vêtements intacts. L'évêque et le préfet s'agenouillèrent et honorèrent les saints, le peuple rendit gloire à Dieu d'un tel miracle fait en sa présence. Les saints répétèrent leur récit à l'évêque et à tout le peuple. Ils s'adressèrent à l'empereur Théodose, l'évêque et le préfet, en lui disant : « Hâte-toi, si tu veux voir un grand miracle que la miséricorde de Dieu fait sous ton règne. Si tu viens, tu apprendras la nécessité de croire à la résurrection d'après la promesse de l'Évangile. »
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
A ces mots, Théodose se leva et, levant les mains vers le ciel, dit : « Jésus-Christ, je te rends grâces, soleil de justice qui a daigné baigner de lumière les ténèbres des mortels, je te rends grâces, toi qui n'as pas permis que le lumignon de ma croyance fût éteint par les ombres du mensonge. » Là-dessus, il monte à cheval et vient à Ephèse en grande hâte. L'évêque et le peuple ainsi que le préfet vinrent à sa rencontre. Tandis qu'on gravissait le mont Achille, les saints martyrs vinrent au-devant de l'empereur ; leurs figures étaient resplendissantes comme le soleil. L'empereur tomba à genoux et les adora, rendant gloire à Dieu. En se relevant, il donna la paix à chacun d'eux en pleurant. Il disait : « Il me semble, en vous regardant, que je vois Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même quand il tira Lazare du sépulcre; grâces lui soient rendues de ne m'avoir pas laissé perdre l'espérance de la résurrection ! »
Maximien prit alors la parole: « Sire, dit-il, tu sais maintenant que Dieu a permis notre résurrection pour fortifier ta foi. » est donc confiance en lui, et sache qu'il y aura une résurrection des morts, puisque tu nous vois nous entretenant avec toi après notre résurrection et redisant les merveilles de Dieu. » Ils parlèrent encore longtemps, puis, se recouchant à terre, ils s'endormirent et rendirent leurs âmes à Dieu tout-puissant. A cette vue, l'empereur se jeta sur leurs corps qu'il baisa en les mouillant de ses larmes, il retira ses propres vêtements et les en recouvrit, ensuite il ordonna de leur faire des sépulcres éblouissants d'or. La nuit même, les saints apparurent et dirent : « Laisse ce dessein, laisse nos corps reposer sur la terre ; au grand jour de la résurrection, le Seigneur les y relèvera de nouveau. » Alors l'empereur fit élever une basilique et bâtit un hôpital, dans lequel on nourrissait les pauvres avec les deniers publics. Une assemblée d'évêques célébra la fête des saints, et tous rendirent gloire à Dieu, à qui appartient, dans la Trinité parfaite, honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen. »
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Re: TOME III - Julien l'Apostat, SAPOR, GENSÉRIC par le R. P. Dom H. LECLERCQ
Les tournées du proconsul étaient signalées presque à chaque ville par de nouveaux martyres. A Lampsaque, un chrétien nommé Pierre mourut sur la roue ; à Troas, un fidèle apostasia pendant la torture, et presque aussitôt après avoir sacrifié, il expira dans les convulsions du désespoir ; alors une enfant de seize ans dit à haute voix : « Le malheureux ! pour gagner une heure de vie, il a perdu l'éternité ! » On l'entendit et on l'amena au proconsul : « Es-tu chrétienne ? Oui, et je pleure sur ce malheureux qui n'a pu souffrir un instant pour gagner le repos éternel. Mais il est dans le repos, dit le proconsul. Il a satisfait aux dieux en sacrifiant, puis, pour le soustraire à vos reproches, la grande Diane et Vénus l'ont daigné prendre avec elles. Toi, sacrifie, sinon tu seras violée puis brûlée. Je ne crains pas tes menaces, mon Dieu est plus que toi, il me donnera la force de supporter tout ce que tu me feras souffrir. » On livra Denise à deux jeunes gens qui l'emmenèrent dans leur maison ; mais il paraît que l'innocence triompha de leurs mauvais desseins, car, au lieu de la souiller, les deux païens demandèrent pardon. Le lendemain, la foule entourait le tribunal du proconsul, qui condamna André et Paul, les compagnons de torture du malheureux apostat. Tandis que le peuple les lapidait hors de la ville, on entendit des cris et des pleurs, et Denise, échappée des mains de ceux qui la gardaient, se jeta sur les corps des martyrs, réclamant d'être tuée avec eux. Le proconsul la fit écarter, on l'emmena un peu plus loin et on lui coupa la tête (1).
En Bithynie, nous voyons souffrir Tryphon et Respicius, martyrs à Nicée. Les actes rapportent qu'après leur avoir fait traverser la ville un jour d'hiver avec des clous enfoncés dans les pieds, on les attacha presque nus, pendant la durée d'une chasse, et que leurs pieds se fendirent par l'effet du froid ; enfin il fallut les décapiter (1). Nous pouvons nommer encore Bassus, Thyrse, Lucius, Callinique. En Galatie, vers ce temps mourut saint Alexandre le charbonnier, devenu évêque de Comane dans le Pont Galatique (2), et le célèbre Polyeucte, officier dans la légion XII Fulminata, stationnée à Mélitène. « Tout le monde connaît, a su et sait par cœur Polyeucte », disait Sainte-Beuve (3) ; nous ne nous y arrêterons donc pas (4).
1. Acta sanct. mart. Petri, Andreae, Pauli et Dionysiae virginis, I, dans RUINART, Acta sincera, p. 147.
1. Acta sanct. mart. Tryphonis et Respicii, dans Ruinart (in-8°, Ratisbonnae, 1859), p. 207.
2. TILLEMONT, Mém. hist. eccl., t. IV, art. VIII, sur S. Grégoire leThaumaturge.
3. Port-Royal, t. I, p. 132.
4. Cf. P. ALLARD, Polyeucte dans la poésie et dans l'histoire, dans le Contemporain, juin 1883,
et réimprimé dans Hist. des perséc., t. II, p. 479 sq.
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