TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
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V. LA PROMULGATION DE L'ÉDIT DE PERSÉCUTION. Rédaction. Notoriété. Affichage. Proclamation publique. Acclamations. Transcription et copie du texte. Lacération.
Les Actes des martyrs et leurs auteurs nous renseignent d'une façon assez complète sur la promulgation de l'édit, promulgation qui était l'objet d'un cérémonial bien circonstancié.
L'édit impérial est du nombre de ces actes dont parle Ulpien, qui devaient être placardés dans les lieux apparents, et lisiblement écrits en caractères grecs ou latins, suivant le pays (1). Aussi, dans la plupart des cas, les accusés répondent à l'interrogatoire qu'ils avaient connaissance de l'édit (2). Parfois cependant on force les martyrs à en prendre connaissance. A cet effet, on conduit Pionius au Forum, où le texte est affiché (3). Cet affichage se faisait en grande pompe, car le texte, émané de la personne divine des empereurs prenait un caractère religieux (4). On lui prodiguait donc cet appareil superstitieux dont on retrouve l'ordonnance dans la promulgation de certains actes royaux sous l'ancien régime et dont on peut voir de nos jours encore, en Angleterre, le déploiement extraordinaire. Tantôt on le proclamait au son de la trompette (1), tantôt on le faisait clamer par un héraut dans tous les carrefours (2), tantôt on le lisait au peuple solennellement convoqué au cirque (3) ou dans le temple de la Fortune. Les Actes de saint Terentianus mentionnent cette cérémonie. Le proconsul assemble les notables de la ville et leur lit un ordre impérial, aussitôt retentissent les acclamations :
«Tous s'écrièrent: A l'Auguste, sois toujours vainqueur (4)! » Ceci fut répété dix-sept fois de suite.
« Le proconsul Lucianus ajouta : Gloire aux dieux propices (5)! »
La proclamation se passait sans doute d'une manière peu différente de ce qu'elle était au IVe siècle : « Lorsqu'on nous lit les décrets de l'Empereur, il se fait partout un grand silence; chacun prête l'oreille, avide d'entendre. Malheur à qui oserait faire le moindre bruit et troubler une pareille lecture (6). »
Le texte était transcrit sur l'Album exposé au Forum. Il devait exister des expéditions parmi les archives du tribunal, car nous voyons le président en donner communication à l'accusé (7) ou bien encore le faire lire devant le tribunal (8).
Le cardinal Wiseman a introduit dans son livre célèbre, Fabiola, une scène intitulée l'Édit (1). On y voit un jeune chrétien lacérer pendant la nuit l'édit de persécution de Dioclétien. Cet épisode n'est pas imaginaire. Ce ne fut pas de nuit, mais en plein jour, à Nicomédie, devant la foule, qu'un chrétien dont le nom est inconnu mit en lambeaux l'édit récemment affiché (2). Un fait semblable se serait passé vers le même temps, dans la même ville : un fidèle nommé Eulampius, venu acheter des provisions, vit l'édit affiché sur la porte même de la ville et le déchira (3).
1. ULPIEN, L. 11, § 3. De institutoria actione (Digest., L. XIV, tit. III). Cf. AUSON., Gratiarum actio (éd. Vinet), p. 395 ; Corp. inscr. lat., t. I, na 198, p. 16, lignes 652, 66, etc.
2. Acta S. Maximi, § 1 (RUTNART, éd. 1689, p. 145) et alibi.
3. Passio S. Pionii, § 3.
4. Voyez LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 263 et p. 75, § 24
1. BASILE, Orat. de S. Gordiano, § 2.
2. Martyrium S. Martyris D. N. J. C. Sancti Apa Anub. de Nassi, dans ZOEGA, Catalogus codicum copticorum, p. 32.
3. THÉODORET, Hist. ecclés., II, 17 ; SYMMACH., Epist., X, 83 ; Passio S. Mariae dans BALUZE, Miscellanea, I, p. 27 ; Acta S. Pontiani. § 1 ; Acta S. Sergii, § 1 (Acta SS., 14 janv., 24 févr.).
4. Mart. Samos., dans ASSEMANI, Act. Mart. orient., t. Il, p. 1.24.
5. Act. S. Terenliani, § 4 (Act. SS., 1er sept.).
6. S. CHRYSOST., Hom. II sur le ch. II de la Genèse, § 2.
7. Acta S. Paphnutii, § 14 (Acta SS., 24 sept.).
8. Passio S. Symphoriani, § 2 ; Passio S. Genesii, § 2.
1. Fabiola ou l'Église des Catacombes, 2e partie, ch. XIII.
2. EUSEBE, Hist. eccl., VIII, 5 ; LACTANCE, De morte persecut. XIII.
3. Acta SS. Eulampi et Eulampiae 1-3 (Act. SS., 10 octobre). Cette pièce paraît fortement remaniée.
A SUIVRE... VI. LA FUITE DEVANT LA PERSÉCUTION. Circonstances qui provoquèrent le livre de Tertullien. Thèse soutenue dans ce livre. Le parti opposé. Multitude et triste condition des fugitifs. Leur situation légale. Règles pour la fuite concernant le clergé.
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VI. LA FUITE DEVANT LA PERSÉCUTION. Circonstances qui provoquèrent le livre de Tertullien. Thèse soutenue dans ce livre. Le parti opposé. Multitude et triste condition des fugitifs. Leur situation légale. Règles pour la fuite concernant le clergé.
Vers l'an 203 se répandit en Afrique un traité écrit par le prêtre Tertullien, de Carthage. Il portait le titre : De la fuite pendant la persécution. Ce pamphlet prenait parti dans une controverse dont l'enjeu était la vie ou l'honneur. Dans aucun autre de ses traités Tertullien n'a dépassé la fougue de paradoxes du traité de De la fuite. La situation précaire des Églises avait engagé leurs chefs à une politique que l'on pourrait nommer « opportuniste » Si le terme était moins décrié ou mieux oublié qu'il ne l'est. Un parti considérable se ralliait à leur manière de voir. Loin d'irriter le pouvoir par une opposition irréductible ou par une offensive continue, ils jugeaient plus sage et plus avantageux de le ménager, de l'apaiser même à l'aide de concessions effectives, toutes les fois que les questions fondamentales n'étaient pas mises en jeu. Courageux et prudents, ils fuyaient la persécution, s'efforçaient de la désarmer ou de l'esquiver; quand l'un et l'autre étaient pour diverses raisons devenus impossibles, ils mouraient. A Alexandrie (1) et en Afrique, les individus qui ne se sentaient pas la force d'affronter le martyre prenaient la fuite. En Afrique, les fidèles usaient encore d'un autre moyen : ils achetaient à prix d'argent le silence des gens de la police. On vit les chefs des Églises employer ce procédé pour éviter la persécution à leur peuple.
Dès que Tertullien connut le fait, il bondit : « La fuite est un rachat gratuit, le rachat à prix d'argent est une fuite, l'une et l'autre est une apostasie... Mieux vaut apostasier pendant la torture, au moins aura-t-on lutté. J'aime mieux vous témoigner la pitié que le dégoût. A la guerre, mieux vaut un tué qu'un fuyard. » Monté à ce diapason, il n'entend plus, c'est une pâmoison de cris, avec des larmes, des ricanements, des outrages. « Le Seigneur a commandé de fuir de ville en ville, bon pour les apôtres, mais pas pour nous. La fuite, l'apostasie, c'est tout un. Payer pour éviter le juge et arguer de ce mot : et Faites-vous des amis de Mammon », c'est un lâche refus de l'immolation, c'est aller de pair avec les misérables agents qui se font acheter, c'est s'égaler aux voleurs, aux filous, aux souteneurs qu'ils rançonnent. Puis proclamant l'infériorité chrétienne du riche, il répète avec le Seigneur : « Bienheureux les pauvres, car le royaume des cieux leur appartient»; eux du moins ne peuvent se racheter, ils n'ont pour payer que leur sang (1). » Cette dialectique frénétique eut peu d'effet. Ceux qui étaient en cause continuèrent à chercher dans les Livres saints, dans saint Paul, dans les maîtres du Didascalée d'Alexandrie, dans Cyprien, dans l'évêque Pierre d'Alexandrie, la règle de leur conduite (2).
1. CLEMEN. ALEX., Stromat., IV, 4.
1. TERTULL., De fuga, passim.
2. EUSÈBE, Hist. ecclés., VI, 42. Voy. les lettres de S. CYPRIEN ; Passio S. Agapes, Chioniae, Irenes, § 2 ; S. BASIL., Homil. XIX in Gordium ; Gesta apud Zenophilum ; Passio S. Theadoti Ancyrani, § 5, 6 ;
Passio S. Polycarp., § 5, 6 ; Passio S. Quirini, § 2 ; Passio S. Genesii Arelatensis ; Passio S. Philippi Heracl., § 9.
3. II Cor. XI, 26.-27.
A SUIVRE...
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La situation des malheureux exilés volontaires eut ses douleurs. Beaucoup tombaient dans les mains des brigands, on ne les revoyait jamais ; d'autres, enlevés par les Bédouins, par les Sarrasins, disparurent pour toujours. Un de ces fugitifs, Égyptien de naissance, s'enfuit dans la Thébaïde, où il vécut et inaugura la vie des anachorètes. On vivait à la belle étoile, pourchassé, affamé, haletant ; un grand nombre pouvait s'appliquer les paroles célèbres de l'apôtre Paul : « Voyages sans nombre, dangers au passage des fleuves, dangers des voleurs, dangers de la part des Juifs, dangers de la part des gentils, dangers dans les villes, dangers dans le désert, dangers sur mer, dangers de la part des faux frères ; labeurs, fatigues, veilles innombrables, faim, soif, jeûnes, froid, nudité, j'ai tout souffert (3)... errant çà et là, vêtu de peaux de brebis et de chèvres, pauvre, affligé, maltraité... retiré dans les déserts, sur les montagnes, dans les antres et dans les cavernes de la terre (1). » La situation légale des fugitifs offrait quelques analogies avec celle des émigrés avant le Consulat. Dans certains cas, on ne se bornait pas à confisquer leurs biens, plusieurs fois on les fit poursuivre. Ce fut le cas pour saint Polycarpe, saint Grégoire de Néocésarée, saint Denys d'Alexandrie, saint Quirin, saint Sevère, trois jeunes filles, Agape, Chionia et Irène ; un jour, les policiers atteignent les fugitifs : Dommina et ses deux filles, afin d'échapper aux soldats païens, se jettent dans le fleuve et disparaissent. Je trouve deux circonstances où l'on contraint le fugitif à se rendre par l'emprisonnement des siens : c'est d'abord le cas de saint Arcadius; celui d'Habib d'Édesse, dont on avait emprisonné la mère et les gens du hameau où le saint avait son domicile.
La fuite n'était pas une poussée pêle-mêle comme d'un troupeau. Des évêques contraints à fuir ou exilés par mesure administrative, comme Cyprien, Denys d'Alexandrie, sont en communication presque ininterrompue avec leur Église ; d'autres, acculés, font tête à la meute d'hommes qui voulaient leur vie : tels sont Nestor de Magyda (2) et Philippe d'Héraclée (3). Cependant la discipline dut châtier quelques lâchetés : saint Rogatien de Nantes ne put être, baptisé que dans son sang, le prêtre avait fui (4) ; en Afrique, on signale quelques abandons de leur poste par les clercs (5).
Une règle semble avoir été portée, au moins en ce qui concerne les clercs. M. Le Blant croit, avec raison, la retrouver dans une lettre de saint Augustin. La voici : « Fuir est permis, écrit-il, quand leur ministère n'est pas indispensable au salut des fidèles. Ils font légitimement alors ce que prescrit ou permet le Christ, car leur retraite même importe à ceux qu'au retour de la paix leur trépas laisserait sans pasteurs. Parfois, devant le péril, un combat généreux s'élevait entre les membres du clergé, tous également prêts à demeurer dans leur poste d'honneur. Que le sort décide alors entre eux, nous dit le grand évêque, car Dieu jugera mieux que les hommes, soit qu'il daigne appeler les meilleurs à la récompense du martyre et épargner les timides, soit qu'il veuille donner à ces derniers la force d'affronter les souffrances et retirer de ce monde ceux dont la vie importe le moins au bien de l'Église (1). »
1. Hebr., XI, 37-38.
2. Acta S. Nestorii, § 1 (Act. SS., 26 février).
3. Passio S. Philippi Heracl., § 2.
4. Passio SS. Rogatiani et Dottatiani, § 2.
5. S. AUGUST., Epist. XXVIII, ad presbyteros et diaconos, § 3.
1. S. AUGUST., lettre citée, § 12. Voy. Le BLANT, Les Perséc. et les Mart., p. 157.
A SUIVRE... VII. LE ZÈLE TÉMÉRAIRE Règle générale. Les téméraires. Le martyr typique. Législation : de ceux dont la fuite expose le prochain, de ceux qui détruisent les idoles. Règle spéciale pour les apostats repentants. Les débiteurs insolvables.
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VII. LE ZÈLE TÉMÉRAIRE Règle générale. Les téméraires. Le martyr typique. Législation : de ceux dont la fuite expose le prochain, de ceux qui détruisent les idoles. Règle spéciale pour les apostats repentants. Les débiteurs insolvables.
L'Église eut encore à intervenir dans l'excès opposé à la fuite inspirée par la pusillanimité. Il n'est pas douteux que de très bonne heure elle régla ce point de discipline en repoussant le sacrifice de ceux qui, dans leur ardeur intempestive, provoquaient le martyre en proclamant leur croyance sans avoir été mis dans l'obligation de le faire.
Saint Grégoire de Nazianze résume dans une phrase cette discipline : « C'est témérité que de s'offrir, c'est lâcheté que de se refuser (1). » Les faits connus de tous alors prouvaient l'inopportunité ou le péril de cette conduite. On se transmettait avec horreur le nom de ces téméraires qu'une chute lamentable avait précipités des hauteurs du martyre dans l'abîme de l'apostasie.
A Smyrne, au temps de saint Polycarpe, un chrétien nommé Quintus réunit quelques fidèles; tous ensemble ils allèrent se déclarer chrétiens, tous moururent, à l'exception de Quintus, qui sacrifia (2). Ces tristesses étaient fréquentes, mais nous n'avons pas les éléments indispensables à une évaluation quelconque. Les documents nous apprennent que beaucoup de fidèles, bravant l'enseignement de l'Église, emportés par leur zèle, se livrèrent aux persécuteurs et persévérèrent dans leur confession. Néanmoins une sorte de défaveur planait sur leur souvenir. A côté de ces « enfants perdus » du martyre, se dressait ce que j'appellerai volontiers le type officiel : Polycarpe de Smyrne, Cyprien de Carthage. De Polycarpe on disait qu'il était martyr « selon l'ordre du Christ (3) », se dérobant d'abord devant le péril, puis, le moment venu, marchant à la mort sans faiblesse.
La discipline va, dans cette question du zèle téméraire, jusqu'au règlement de détail : un canon de saint Pierre d'Alexandrie déclare que, pour le cas où la fuite d'un chrétien compromettrait l'existence d'autres fidèles, il ne doit pas néanmoins se livrer. Cette législation semble avoir été mal observée ; saint Pierre d'Alexandrie lui-même paraît n'en avoir pas tenu compte (1). A Edesse, saint Habib, ayant connu l'arrestation de sa mère et de tous les habitants du hameau qu'il habitait, vint se livrer. Le vétéran à qui il s'adressa lui dit : « Vous a-t-on vu entrer chez moi ? Personne. Eh bien, tâchez de fuir de même. Votre mère et vos concitoyens sont pris en otages, mais vous savez bien qu'on ne peut rien leur faire, car l'édit des empereurs ne les atteint pas, mais vous seul (2). »
A la passion du martyre, que les évêques étaient obligés de modérer (3), s'ajoutaient certaines hardiesses qui conduisaient à la mort, comme il arriva à une jeune enfant, en Afrique, nommée Salsa. Ses parents l'avaient contrainte à assister à un sacrifice et au repas sacrilège qui le suivait. Quand elle vit tout le monde faire la sieste, la petite fille se leva sans bruit, entra dans le temple et tira à elle le gros dieu un serpent doré dont la tête lui resta entre les mains. Elle alla la jeter dans la mer qui battait le pied de la colline, puis, enhardie, joyeuse, se sentant très forte, elle revint au temple, emporta le dieu entier, courut à la falaise et le poussa dans la mer; le bruit que fit la bête de bronze en rebondissant sur les rochers réveilla les païens ; on assomma la jeune fille sur place et on jeta son corps à la mer (1).
1. Orat. XLII in laudem Basilii magni, § 5 et 6.
2. Ecclesiae Smyrnensis epistola de martyrio S. Polycarpi, § 4 ; voy. LEBLANT, Les Persécut. et les Mart., 128.
3. Ibid. § 19.
1. Voy. Acta dans Patrol. graec. XVIII, p. 460, 462, et Canon XIII.
2. CURETON, Ancient syriae Documents.
3. COMMODIEN, Instr. II, c. 21, éd. Dombart. Sur l'épiscopat de Commodien, voyez G. BOISSIER dans les Mélanges Renier.
1. DUCHESNE, Sainte Salsa, vierge et martyre, lecture faite le 2 avril 1890 à la séance trimestrielle des cinq Académies.
A SUIVRE...
Monique- Nombre de messages : 13764
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A la passion du martyre, que les évêques étaient obligés de modérer (3), s'ajoutaient certaines hardiesses qui conduisaient à la mort, comme il arriva à une jeune enfant, en Afrique, nommée Salsa. Ses parents l'avaient contrainte à assister à un sacrifice et au repas sacrilège qui le suivait. Quand elle vit tout le monde faire la sieste, la petite fille se leva sans bruit, entra dans le temple et tira à elle le gros dieu un serpent doré dont la tête lui resta entre les mains. Elle alla la jeter dans la mer qui battait le pied de la colline, puis, enhardie, joyeuse, se sentant très forte, elle revint au temple, emporta le dieu entier, courut à la falaise et le poussa dans la mer; le bruit que fit la bête de bronze en rebondissant sur les rochers réveilla les païens ; on assomma la jeune fille sur place et on jeta son corps à la mer (1).
Un fait analogue est prévu et condamné par le canon 60e du concile d'lllibéris en Bétique (305) : si quelqu'un brise les idoles et est tué pour ce fait, il ne sera pas inscrit au nombre des martyrs ; car nous ne voyons pas dans l'Évangile que les Apôtres aient rien fait de semblable (2).
Vers le même temps, Lactance blâme ce chrétien qui déchira l'édit impérial, à Nicomédie (3). Plus anciennement, Origène fonde sur l'exégèse assez inattendue du texte de l'Exode : « Tu n'outrageras pas les dieux », une solution identique (4).
Je ne rencontre qu'une seule circonstance où l'Église concède aux fidèles le droit de se présenter d'eux-mêmes au martyre, c'est en ce qui concerne les apostats venus à résipiscence : « Puisqu'ils nous montrent tant de hâte à être réconciliés, dit saint Cyprien à son clergé, il est en leur pouvoir d'obtenir ce qu'ils souhaitent. Le temps où nous vivons est fait pour les combler ; la lutte dure encore et chaque jour voit de nouveaux combats. Si le repentir et la foi les dominent, ceux qui ne veulent pas attendre peuvent, dès à présent, remporter la couronne (5). »
Je ne saurais omettre de parler d'un motif qui donna occasion à quelques martyres. Un document hagiographique, dont plusieurs parties sont remplies d'un charme exquis, nous fait voir un jeune marié soumis à la torture pour son refus de sacrifier. Le magistrat fait amener la femme de Timothée, qui le conjure d'obéir au nom de leur mutuel amour. Toute sa prière repose sur un long quiproquo : « Peut-être as-tu des dettes, dit-elle à son mari, c'est un créancier qui te pourchasse, et tu veux mourir ici de désespoir. Écoute, rentrons à la maison, nous vendrons nos habits, et tu pourras payer. Ou bien est-ce à cause des impôts que tu as été arrêté par les licteurs parce que tu es insolvable ? Regarde, j'avais mis sur moi toute ma corbeille de noces, habits, bijoux ; prends tout, et nous payerons la taxe à l'empereur (1). »
Il n'est pas sans exemple de voir un débiteur insolvable profiter de la persécution pour fuir en héros une vie odieuse ; un juge dit à un chrétien : « Je sais que tu n'as pas payé les impôts et que tu cherches la mort pour échapper aux poursuites (2).»
3. COMMODIEN, Instr. II, c. 21, éd. Dombart. Sur l'épiscopat de Commodien, voyez G. BOISSIER dans les Mélanges Renier.
1. DUCHESNE, Sainte Salsa, vierge et martyre, lecture faite le 2 avril 1890 à la séance trimestrielle des cinq Académies.
2. Conc. Illiber., can. LX.
3. De mortib. persec., c. XIII.
4. Contr. Cels., 1. VIII.
5. Epist. XIII, ad Clerum.
1. Acta SS. Timothaei et Maurae (Act. SS., 3 mai).
2. Passio S. Theodoriti presbyteri, § 3.
A SUIVRE... VIII. L'APOSTASIE
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
VIII. L'APOSTASIE
On peut distinguer deux formes dans l'apostasie : celle qui se produisait dans l'excès de souffrances de la torture et pour laquelle Tertullien lui-même se sentait incliné à quelque indulgence, et l'apostasie consentie avant l'exécution des menaces de l'ennemi. L'édit de Dèce succédant à une longue paix fut celui qui provoqua le plus grand nombre d'apostasies. Quand parut l'édit de l'empereur, l'épouvante, raconte Denys d'Alexandrie, fut extrême. Beaucoup de ceux qui occupaient à Alexandrie le premier rang accoururent frappés de terreur. Les hommes revêtus d'emplois publics vinrent où les appelaient les devoirs de leur charge. D'autres, amenés par leurs familiers, par leurs proches, et personnellement cités, s'approchèrent des autels maudits. Quelques-uns, pâles, tremblants. semblaient être plutôt des victimes que des gens venus pour sacrifier. La foule raillait ces malheureux qui ne savaient trouver ni la résolution de se soumettre, ni le courage de mourir. Il en était qui couraient aux idoles, jurant avec audace que jamais ils n'avaient été chrétiens. Il en était qui s'enfuyaient et parmi lesquels quelques-uns étaient repris. Plusieurs de ces derniers supportaient pendant quelques jours les misères de l'emprisonnement, puis abjuraient avant même d'être conduits devant le juge. On en voyait qui, courageux d'abord au milieu des tortures, fléchissaient sous la menace de nouveaux supplices (1).
Les malheureux tombés dans l'apostasie épiloguaient sur leur cas. Le Christ avait dit : « Celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai devant Dieu » ; les apostats disaient : « Nier qu'on soit chrétien n'est pas renier le Christ (2). » D'autres niaient la faute à cause du défaut d'intention ; en invoquant Jupiter, ils tournaient, disaient-ils, leur esprit vers le Dieu véritable (3), ou bien en adorant le soleil, ils adressaient leur prière à Dieu, « Soleil de l'éternelle justice (4) ».
Toutes ces escobarderies ne trompaient personne, mais les païens se contentaient de l'accomplissement matériel des rites : « Consens des lèvres, conserve, si tu veux, ta croyance. Sacrifie comme l'a fait Moïse ; sacrifie à qui tu voudras, à ton Dieu même, au Dieu unique, si tu n'en veux reconnaître qu'un seul (1). » Le sacrifice fut parfois omis. On disait à saint Platon : « a Renie seulement le Christ, ou laisse croire à la foule que tu l'as fait par écrit (2). » Ou encore on insinuait à l'accusé que la violence l'excusait de toute faute : « Quel mal y a-t-il à sacrifier pour sauver ta vie, à saluer du nom de Seigneur l'empereur qui est notre maître (3) ? » « Mille moyens, dit M. Le Blant, étaient cherchés pour échapper à la pression des païens. On achetait à prix d'argent la faveur de n'être pas inquiété ; au lieu de cette renonciation écrite qu'à l'heure du jugement dernier des anges accusateurs produiraient devant le tribunal de Dieu, on obtenait de ne remettre au magistrat que quelques lignes insignifiantes ; pour se soustraire, au moins de sa personne, à la douleur de renier le Christ, on faisait sacrifier à sa place ou un païen ou quelque esclave, parfois chrétien lui-même et désespéré d'obéir ; ainsi que l'avait fait David menacé par Saül en fureur, on feignait d'être frappé d'une attaque d'épilepsie (4). »
1. EUSÈBE, Hist. eccl., VI, 41
2. TERT, Scorpiac., § 9.
3. ORiGÈNE, Exhort. ad mart., § 46 ; Contr. Cels. I.
4. ELISÉE VARTABED, Soulèvement national de l'Arménie chrétienne au Ve siècle, p. 57.
1. S. BASILE, Homil. in Gordianum martyrem, § 7. Act. S. Tarachi, § 5; Act. S. Phileae, §1; Act. S. Marciani,§ 1, etc. Voy. LE BLANT, Les Perséc. et les Martyrs, p. 145.
2. Passio Platonis, § 11.
3. Martyr. Polycarpi, § 8.
4. LE BLANT, Les Perséc. et les Mart., p. 146.
A SUIVRE... IX. L'ARRESTATION
Monique- Nombre de messages : 13764
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
Il n'y avait pas lieu de décerner contre chaque chrétien un mandat d'amener, puisque, selon la teneur de l'édit, il était de prise de corps du moment qu'il se trouvait visé par le texte. Les actes nous montrent plusieurs cas d'arrestation. Le plus ordinairement c'est un piquet de gens de police qui fait la besogne. Le magistrat envoie un strator arrêter sainte Thècle ; une escouade va arrêter saint Polycarpe; le proconsul d'Afrique fait amener saint Cyprien par des stratores. Au IVe siècle, sous Dioclétien, quatre protectores sont chargés de saisir un chrétien.
Il faut ajouter à cela les arrestations tumultuaires. A Lyon, pendant la comparution des martyrs, un jeune chrétien, connu de tous, Vettius Epagathus, qui assistait à l'interrogatoire, fut saisi d'indignation à la vue des tortures qu'on infligeait aux inculpés ; il s'avança au pied du tribunal et dit : « Je demande qu'on me permette de plaider la cause de mes frères ; je montrerai clairement que nous ne sommes ni athées, ni impies. » Il se fit alors une grande rumeur. Le légat dit : « Es-tu chrétien ?
Oui. » Il fut mis sur-le-champ au nombre des martyrs (1).
Au moment où les magistrats de Cirta, en Numidie, renvoyaient Jacques et Marien au gouverneur, l'un des frères qui entouraient les martyrs attira les regards des gentils, car, par la grâce du martyre prochain, le Christ rayonnait sur son visage. « Es-tu aussi, lui cria-t-on, es-tu du nom et du culte chrétien ? » Il confessa sur l'heure et il fut réuni aux martyrs.
1. EUSÈBE, Hist. eccl., V, L
A SUIVRE...X. LA DÉTENTION
Monique- Nombre de messages : 13764
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
X. LA DÉTENTION
Les prévenus pouvaient subir deux sortes de détention. L'une d'elles était la « garde libre », custodia libera ou privata.
« En ce monde, dit saint Augustin, suivant ce qu'a fait le prévenu, la condition varie ; les uns sont placés sous la garde peu rigoureuse des licteurs ; d'autres sont confiés aux options. D'autres enfin sont mis en prison, et, là encore, les grands coupables sont seuls jetés dans les cachots les plus profonds (1). »
Le régime de la custodia libera comportait une demi-liberté et il pouvait se prolonger longtemps, Saint Paul attendit pendant près de deux ans sa comparution devant Néron. Il vivait pendant ce temps-là sous la custodia militaris (2), c'est-à-dire sous la garde d'un frumentaire prétorien ; le geôlier et le prisonnier habitaient un logement particulier loué par l'Apôtre. Tout le monde pouvait le visiter librement (3). Quand Paul sortait, il était attaché à son gardien par une chaîne (4).
La remise de prisonniers à la garde de citoyens était un usage ordinaire (5). C'était la custodia libera ou privata. Les chrétiens en eurent le bénéfice, comme le montrent divers actes, entre autres ceux de sainte Thècle et de saint Cyprien (1). En cas d'évasion, le gardien avait tout à craindre. Nous voyons les gens de police, mentionnés dans l'évasion de saint Pierre, mis à mort (2) ; le gardien de Paul et Silas, les croyant en fuite, est au moment de se frapper de son épée (3).
Enfin les textes juridiques confirment ces épisodes historiques (4).
1. S. AUGUST., In Johannem, c. xt, tract. XLIX, § 9.
2. Digeste, XLVIII, VIII,1, 12, 14 ; FL. JOSÈPHE, Antiq. Jud., XVIII, 6; SÉNÉQUE, Epist., 5 ; De tranquill. animi, 10.
3. Act. Apost., XXVII, 30, 31.
4. Philipp., I, 7, 13, 14, 17, 30 ; Coloss., IV, 3, 4, 18 ; Ephés., III, 7 ; VI, 19-20 ; Act. Apost., XXVIII, 20.
5. SALL., Catil., XLVII, Suet., Vitell., II; Sm. APOLL., Epist.1, 7.
1. Acta S. Theclae dans GRARE, Spicil. SS. Patrum, t. I. (Sans préjuger quoi que ce soit du personnage de Tryphena. Voy. RAMSAY, qui utilise les recherches de MOMMSEN, The Church in the roman Empire before 170.) Voy. encore Act. S. Juliani, § 56 (Act. .SS., 9 janv.).Act. S. Stephani, § 6, 7 (Act. SS., 2 août).
2. Act. Apost., XII, 19.
3. Act.Apost., XVI, 27. Voy. aussi ch. XXXVII, 92.
4. L. 12 (Digeste, XLVIII, m.) PAUL, Sententiae, L V, c. XXXI, § 1.
A SUIVRE...
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XI. L'INCARCÉRATION
La custodia publica était l'incarcération effective (5).
Elle s'ouvrait par l'inscription de l'accusé sur le registre d'écrou. Dans les derniers temps de la république, ils étaient fort soigneusement tenus. On notait avec exactitude les dates d'incarcération, de décès, d'élargissement ou d'exécution (6).
Quelques témoignages, espacés sur un long espace de siècles, montrent que cette administration n'a dû subir que peu de changements. Eusèbe mentionne un gardien qui s'enquiert du nom du chrétien qu'on vient de lui amener (7).
En 380, une constitution impériale prescrivit l'inspection mensuelle des registres d'écrou par le commentariensis, chargé de faire connaître le nom, l'âge des prisonniers et la date de leur incarcération (1).
L'incarcération n'était pas incompatible avec l'emprisonnement sur parole. Un martyr nommé Basilisque demande quatre jours de liberté conditionnelle à ses gardiens afin d'aller visiter ses parents. Le geôlier refuse, car on attend le gouverneur, et Basilisque est inscrit sur le registre d'écrou. A force d'instances, Basilisque obtient sa demande et part sous escorte.
Le gouverneur arrive le lendemain, prend place au tribunal et se renseigne sur les détenus. On nomme Basilisque, qui est absent; les gens du greffe (scrinarii) cependant lisent son nom sur le registre. Le porte-clefs, qui ne peut le représenter, est garrotté, amené devant le gouverneur, qui le déclare responsable sur sa tête si le chrétien ne reparaît pas (2).
5. CALLISTRATE, ULPIEN, I, IX, V ; Ex quib. caus. (Digest., IV, VI) ; Collat. leg. Mos., IX, II, etc.
6. CICÉRON, Verr., Il, v, 57.
7. EUSÈBE, De resurr. et ascens. lib. II.
1. C. 6, De Custodia reorum (Cod. Theod., IX, III).
2. Vita S. Basilisci, § 2, 3, 4 (Act. SS., 3 mars).
A SUIVRE... XII. LE RÉGIME DES PRISONS
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XII. LE RÉGIME DES PRISONS
Dans l'empire, le régime des prisons était atroce. Ces lieux privés d'air et de lumière ont été témoins d'indicibles douleurs. L'infection dépassait toute mesure. C'était quelquefois la plus redoutable épreuve dans la voie du martyre. Sainte Perpétue, cette vaillante femme, se sentit un frisson d'horreur à l'instant où la porte du cachot se referma sur elle. « Jamais, raconta-t-elle ensuite, elle n'avait imaginé semblables ténèbres (3).» Un autre saint africain ajoute : « Mais cela ne nous fit pas peur (4) ». On ne trouve que de rares mentions de la mise au secret (5); les frères étaient ordinairement poussés dans des locaux où s'entassaient pêle-mêle morts et vivants. A Lyon, plusieurs confesseurs, le vieil évêque Pothiri entre autres, moururent en prison; on ne se pressait pas d'enlever les cadavres. Après l'audience, on apportait ceux à qui l'épuisement amené par la torture ne laissait plus la force de se traîner, on les jetait sur le sol, et la fièvre, la purulence des plaies, achevaient de vicier un peu plus l'atmosphère.
Lors des grandes razzias, on manquait de place ; alors les confesseurs étaient empilés véritablement « comme une nuée de sauterelles », dit un vieil auteur (1). Dans certains réduits on descendait l'accusé par une échelle qu'on retirait ensuite. Partout les deux sexes étaient réunis (2).
La prison était une longue torture, même elle avait ses raffinements. Certaines souffrances attachées à la durée d'un état ne pouvaient être subies devant le tribunal, par exemple: les ceps, consistant en une longue pièce de fer munie de créneaux dans lesquels une barre mobile venait enserrer les pieds des captifs (3). Ou bien on parsemait de tessons aigus le sol sur lequel couchait le chrétien enchaîné (4).
Mais c'étaient là des aggravations ; le régime ordinaire semble avoir eu comme principe l'alimentation insuffisante pour les prisonniers. On espérait venir à bout, par l'exaspération de la faim et de la soif, des volontés que la torture n'entamait pas (5).
3. Passio SS. Perpetuae et Felicitatis, § 3.
4. Passio S. Montani. § 4.
5. Passio Tarachi.
1. VICTOR DE VIT., Hist. persec. vandalic., lib. II, c. x.
2. HUMBERT. art. Cancer, dans le Dictionn. des Antiquités, p. 919,
3. Act. SS. Scillitan., § 2 ; EUSÈBE, Hist. eccl., V, 1.
4. Act. S. Vincentii ; S. DAMASUS, Carmen XVII, de S. Eutychio.
5. Acta S. Montani.
A SUIVRE...
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
Plusieurs moururent de cette privation. Un détenu écrivait: Fortunio, Victorinus, Victor, Herennius, Credula, Herena, Donatus, Firmus, Venustus, Julia, Martial, Ariston, « sont morts en prison. Nous les suivrons bientôt, car depuis huit jours nous venons d'être remis au cachot. Auparavant, on nous donnait tous les cinq jours un peu de pain et de l'eau à volonté (1) ».
A prix d'or, les diacres, les fidèles, pouvaient parvenir jusqu'aux prisonniers. Parfois cependant, pour empêcher ces visites que la vénalité des geôliers rendait faciles, le gouverneur scellait de son cachet les portes des prisons (2). Mais le plus souvent on parvenait jusqu'aux confesseurs moyennant une somme donnée aux gardiens. Une sainte émulation poussait les fidèles à cette œuvre de charité. On apportait des vivres, quelques friandises, mais surtout on apportait l'aliment inépuisable, le corps du Christ. Parfois un prêtre, accompagné du diacre, s'aventurait jusqu'à célébrer le saint sacrifice dans la prison (3). Saint Cyprien témoigna une sollicitude particulière à l'égard des prisonniers. Il recommandait aux visiteurs de ne pas venir en foule, afin de ne pas éveiller l'attention (4), et il s'ingéniait à soulager les confesseurs à l'aide de la caisse ecclésiastique, dont l'un des objets essentiels était l'assistance des captifs (5).
Les gardiens poussaient quelquefois à ces visites. Saint Pionius refusa les aliments qu'on lui apportait : « Je n'ai jamais été à charge à personne, disait-il, il est bien tard pour commencer ! » Mais les geôliers, vexés de se voir frustrés des bénéfices prélevés habituellement sur les visiteurs des chrétiens, mirent au cachot Pionius et ses compagnons (1).
Ce cachot souterrain, où nous voyons enfermer un évêque de Tibiuca, en Afrique (2), pouvait être aggravé par d'autres sévérités. Plusieurs textes autorisent à penser que parfois on ajoutait des poids accablants aux fers dont étaient chargés les martyrs (3).
1. CYPRIEN, Epist. XII, § 2, Celerino ; EUSÈBE, Hist. eccl., VIII, 8.
2. Passio S. Philippi, § 3 ; Acta S. Theogenis, § 7 , Potiti. § 15;
Faustini et Jovitae, § 15; Secundi, § 14, etc. (Act. SS.. 3 et 13 janv., 15 févr., 25 mars).
3. CYPRIEN, Epist., Iv.
4. Ibid.
5. Ibid. et TERTULL., Apolog., 39.
1. Passio S. Pionii, § II.
2. Acta S Felicis Tibiucensis : in ima parte carceris.
3. Voyez. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 185.
A SUIVRE... XIII. L'INSTRUCTION
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XIII. L'INSTRUCTION
L'instruction se prolongeait très longtemps. Si le magistrat en référait à l'empereur, comme nous le voyons en Bithynie (112) et à Lyon (177), le délai dépendait de l'éloignement de la province. Dans une pièce célèbre concernant saint Éphrem, d'Édesse, nous voyons le détail d'un procès criminel romain à une époque très voisine des persécutions. L'accusé est mis en prison. Après 42 jours il comparaît, mais la cause est remise; il attend 70 jours, seconde comparution et remise de la cause ; enfin après 38 autres jours dernière comparution et mise en liberté. La détention provisoire avait duré cinq mois (4).
Dans le cas où l'accusé avait été mis en arrestation par les magistrats municipaux, des rescrits impériaux réglaient la procédure à suivre : « Lorsque les irénarques auront arrêté des brigands, ils les interrogeront sur leurs complices et leurs receleurs; ils enverront ensuite l'interrogatoire au juge par lettre close et scellée. Les accusés qui seront transmis avec un elogium devront être entendus ex integro, bien qu'il y ait eu lettre de renvoi et même s'ils ont été conduits par l'irénarque. Ainsi ont répondu le divin Pius et d'autres princes, afin que ceux-là mêmes qui ont été recherchés par ordre ne soient pas, à l'avance, tenus pour condamnés, et que leur procès s'instruise à fond (1). »
Nous voyons que plusieurs martyrs sont renvoyés à une juridiction différente ou bien que le juge se dessaisit de la poursuite (2).
Il arrivait encore que le juge se fît suivre, pendant ses tournées d'assises, de plusieurs accusés à l'abjuration desquels il mettait une passion particulière. Les saints Tarachus, Probus et Andronicus furent traînés par le gouverneur de Cilicie, de Tarse à Siscia, de Siscia à Anazarbe, interrogés et torturés dans chaque ville et enfin mis à mort. D'autres martyrs supportèrent un pareil traitement (3).
4. EPHREM, Opp. graec., t. III, p. 42 et suiv. Voyez. LE BLANT, ouvr. cité, p. 13, note 2, sur une instruction préliminaire.
1. L. 6, De custod et exhib. reorum (Digest., XLVIII, 3).
2. Acta S. Acacii, dans RUINART. Martyr. S. Myronis, § 7 ; Acta S. Paphnutii, § 23 (Act. SS., 24 sept.) ; Acta S. Clementis Ancyrani, § 42 (Act. SS., 22 janvier).
3 Acta SS. Tarachi, Probi et Andronici, § 1, 4 et 7. Voy. Acta S. Tatiani Dulae, § 13 (Acta SS., 15 juin) ; Acta S. Naboris, § 8 (12 juill.) ; Acta S. Maximi, §§ 2, 8 (15 sept.); Acta S. Januarii, § 6 (19 sept.); Acta SS. Sergii et Bacchi, § 20, 23, 25 (7 oct.); Acta S. Caesarii, § 4 (1er nov ). Le BLANT, Les Actes des Martyrs, pp. 50, 109.
A SUIVRE... XIV. L'AUDIENCE
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XIV. L'AUDIENCE
Plusieurs textes nous apprennent que la convocation du peuple à l'audience se faisait par la voix du crieur public, praeco, ou au son de la trompette (1). « Tous les citoyens étaient contraints de venir assister au jugement », dit le document sur Éphrem, que j'ai cité (2). Les actes de saint Cyprien, dont tous les détails sont assurés, relatent aussi le fait d'une convocation (3).
L'audience comportait une grande solennité. Le juge et les assesseurs occupaient des sièges élevés. A l'entour se trouvaient les officiales. « Regarde, écrit saint Cyprien, décrivant le tribunal, les lois des douze tables s'y voient gravées, mais le droit est violé en leur présence ; l'innocence succombe en ce lieu même où elle devrait trouver protection ; les adversaires y font rage, la guerre est enflammée parmi ces citoyens en toge, et le forum retentit de leurs grandes clameurs. Voici la lance et l'épée, le bourreau prêt à donner la torture, les ongles de fer, le chevalet, le feu, pour brûler, disloquer, déchirer : plus d'instruments de supplice, en un mot, que le corps humain n'a de membres (4). »
Quand les accusés étaient chrétiens, nous voyons, dès le temps de Pline, les instruments de sacrifice, le vin, l'encens, les images des dieux et de l'empereur parmi les objets mis en évidence dans le prétoire.
Le lieu varie : nous voyons des procès dans le cirque, dans le théâtre, dans le stade, au bord de la mer. Cela varie suivant la coutume des villes et peut-être aussi suivant quelques circonstances minuscules dont nous ne savons rien (1).
Il ne faut pas se représenter les audiences d'après ce que nous pouvons voir aujourd'hui. Il y régnait une liberté assez voisine du désordre. Le premier venu pouvait interpeller l'accusé, le railler; les appariteurs se livraient à ces facéties d'un goût douteux qui ont fait dans tous les temps la joie des gens de bureau (2). Parfois ce sont des cris au magistrat, de qui l'on réclame des peines plus sévères, ou bien des objurgations aux martyrs dont on voudrait sauver la vie (3). Des soldats, des appariteurs, des avocats, le peuple, crient, raillent, clament sans réserve, sans pudeur. Plusieurs fois le magistrat est débordé par la foule, et, dans ces circonstances, le type poltron de Pilate reparaît trop souvent dans les représentants de la force romaine (4).
L'accusé, qui était le point de mire de tous, devait monter sur une petite estrade posée en face du siège du président. C'était la catasta, élevée de plusieurs degrés au-dessus du sol ; l'accusé répondait de cette place à l'interrogatoire et c'est là qu'il subissait la question (5).
L'audience s'ouvrait de grand matin, au lever du soleil (1); cependant on trouve des séances de nuit ; mais, d'après l'ensemble des documents, elles paraissent fort rares (2) .
1 SENÈQUE, De Ira, I, XVI ; TACITE, Anal., II, XXXII.
2. EPHREM, Opp., éd. Quirini, t. III, p. XXIX.
3. Acta S. Cypriani.
4. CYPRIEN, Epist., I, ad Donatum.
1. LE BLANT, ouvr. cité, p. 60.
2. EPHREM, Opp., éd. Quirini, t. III, p. XXVII, XXIX. Voy. Passio S. Pionii, § 6, 17, 18.
3. Voy. les Acta S. Theclae et, pour tous ces différents cas, LE BLANT, Les Actes des Martyrs, § 28 et les notes.
4. LE BLANT, Les Perséc. et les Martyrs, p. 181.
5. Passio S. Perpetuae, § 6 ; Passio SS. Jacobi et Mariani, § 6 ; Acta S. Philae, § 1 ; Acta MM. Scillit., § 1.
1. JUVENAL, XIII, 188 ; JEAN XVIII, 28 ; PHILOSTR., Vita Apoll., VIII, I , Acta S. Cypriani, § 6; Acta S. Felicis, § ; Passio S. Bonifacii, § II ; et plusieurs autres textes dans LE BLANT, ouvr. cité, p. 59.
2. Acta S. Felicis, § 4; Acta S. Irenaei, § 4, dans RUINART, p. 356, 402.
A SUIVRE... XV. LES ASSESSEURS
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XV. LES ASSESSEURS
Les assesseurs formaient le conseil naturel du juge, nous le voyons souvent en fonctions. Festus délibère sur l'appel à César formulé par saint Paul (3). D'autres textes, en grand nombre, montrent le président ne prononçant sa sentence qu'après un long délibéré (4).
Des actes curieux montrent un juge se réjouissant avec son assesseur de l'apostasie d'un martyr, apostasie préjugée et qui n'existait que dans leur imagination (5).
Au-dessous des assesseurs venait un nombreux personnel d'hommes de bureau et d'agents qui entouraient le gouverneur; c'était ce qu'on nommait l'officium (6). Ce groupe de fonctionnaires ne suivait pas le proconsul dans ses mutations, il était attaché au pays (7).
Les principales fonctions consistaient « à informer le nouveau magistrat de l'état des affaires pendantes, lui faire connaître les actes de ses prédécesseurs, et le rappeler, au besoin, à l'exécution de la loi (8) ».
3. Acta Apostol., XXV, 12.
4. Passio S. Mariae, § 6, dans BALUZE, 1, 2; Passio S. Pionii,
§ 20 Passio S. Philippi Heracl., § II. Voyez. LE BLANT, ouvr. cité, p. 54, § 12.
5. Acta SS. Marciani et Nicandri, § 2.
6. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 61
7. PAUL, Sentent., u, I, 5.
8. Le BLANT, ouvr. cité, p. 124.
A SUIVRE... XVI. L'ACTE D'ACCUSATION. LE NON-LIEU
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XVI. L'ACTE D'ACCUSATION. LE NON-LIEU
Cette pièce capitale était représentée par l'inscriptio, dont le jurisconsulte Paul nous a laissé la formule (1).
A cette pièce répond l'abolitio, par laquelle l'inculpé était renvoyé pour une raison prévue, le décès de l'accusateur, une nullité de forme dans le libelle d'accusation.
« Les poursuites contre les chrétiens étaient conduites par des règles spéciales, qu'il est plus facile aujourd'hui d'entrevoir que de préciser. Au contraire des autres accusés, dont le crime, s'il était constant et avoué, ne pouvait disparaître en un instant par le fait de leur seule déclaration, le chrétien mettait à néant, s'il le voulait, la cause de la poursuite.
Faire acte public d'idolâtrie, c'était en arrêter l'effet, et le juge avait, sans nul doute, le droit et le pouvoir de renvoyer absous le prévenu qui, en sacrifiant, obéissait aux ordres impériaux (2).
1. L. 3. De accusationibus et inscriptionibus (Digest., XLVIII, II).
2. LE BLANT, ouvr. cité, p. 56, 57.
A SUIVRE... XVII. L'INTERROGATOIRE
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XVII. L'INTERROGATOIRE
Nous possédons plusieurs interrogatoires des martyrs. Le plus ancien se rencontre dans la lettre des Eglises de Vienne et Lyon en 177 ; nous retrouvons le même questionnaire en Asie, à la veille de la paix de l'Église, en 312 (3). Un troisième document, de l'an 320, se rapporte à l'affaire des traditeurs (4). Divers autres textes permettent de contrôler la rigidité typique du formulaire.
L'interrogatoire débute par la constatation d'identité, même si l'inculpé est connu du juge (1). Ces formalités diffèrent à peine de celles en usage de nos jours.« Amenez Acace », dit le magistrat.
« Il est présent », répond l'officium.
« Comment te nommes-tu ? » demande le juge. Autre cause :
« Quand Proculus eut pris place sur son tribunal, il dit : Appelez la vierge Théodora. »
« L'officium dit : Théodora est présente. »
« Le juge dit : Quelle est ta condition ? »
Théodora répondit : Je suis chrétienne. »
« Le juge dit : Es-tu libre ou esclave ? »
« Théodora répondit : Je te l'ai déjà dit, je suis chrétienne ; la venue du Christ m'a faite libre, car, en ce monde, je suis née de parents ingénus.»
« Appelez le curator civitatis », dit le juge.
Les réponses des fidèles, qui s'inspiraient le plus souvent de sentiments et de notions inconnus des païens, amenaient quelquefois d'indéchiffrables énigmes. On entend un juge s'écrier : « Frappez-le sur la bouche, cela lui apprendra à répondre une chose pour une autre (2). »
« Les mots, si souvent répétés dans les interrogatoires : « Garde ta vie, sauve-toi de la mort ! » semblaient aux fidèles un avertissement divin donné par la bouche même de l'ennemi. « Je sauve ma vie, répliquaient-ils au juge, et je me garde de la mort. » « Je ne souhaite rien autre chose, répondit l'un d'eux, que mon salut », et le gouverneur crut que le saint parlait de la vie de ce monde. « Cet homme, pensait-il, va sacrifier. » Il s'en réjouissait avec son assesseur, quand le martyr se mit à prier à voix haute, suppliant le Seigneur de le garder de toute chute et des tentations d'ici-bas. « Comment ! s'écria le païen surpris,
tu viens de dire que tu voulais vivre, et voici maintenant que tu veux mourir! » Le fidèle répliqua : «Je veux vivre,
mais dans l'éternité, et non point en ce siècle périssable (1). »
3. CHRYSOST., Homil. in S. Lucianum, § 3.
4. OPTAT DE MILÈVE (éd. E. Dupin), Gestu apud Zenophilum. p. 261
1. Passio S. Pionii, § 4 ; § 9 ; Acta Zenonis, § 5 (Act. SS., 3 juin) ;
Trophimi, § 2 (19 sept.) ; Acatii, § 4 (8 mai) ; S. Ceciliae (ed. Bosio, p. 23).
2. Acta SS. Didymi et Theodora, § 1.
1. LE BLANT, Les Persécuteurs et les Martyrs, p. 193.
A SUIVRE...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
La préoccupation des martyrs tournée tout entière vers les choses du ciel explique comment ils se livraient à ces réponses inattendues des païens qui troublaient l'instruction et n'éclairaient pas les auditeurs. Certains magistrats, moins irascibles, prenaient leur parti de ces réponses ; d'autres, intrigués, profitaient de la circonstance pour s'éclairer un peu sur le langage mystérieux qu'on leur débitait et les réalités qu'il pouvait recouvrir.
Je cite quelques-uns de ces interrogatoires.
A Sabbatius : Je ne te demande pas si tu es chrétien, dis-moi seulement quel est ton rang (2). »
« Assez de vaines paroles », dit-on à un autre (3).
A Ignace, surnommé Théophore : a Ainsi donc tu portes en toi le crucifié (4) ?»
A Tarachus : « De quelle armure parles-tu, maudit ? te voilà nu et couvert de blessures (5). »
Plusieurs interrogatoires montrent le chemin fait par les doctrines chrétiennes dans les courants d'idées de l'époque :
« Qu'est-ce que la vie éternelle (1) ? »
« Qu'est-ce que cette lumière, cette illuminatio dont tu parles (2)? »
« Qui nommes-tu Seraphim (3) ? »
« Qui est celui que tu dis avoir souffert pour nous (4) ? »
« Qu'est-ce à dire : sacrificium mundum (5) ? »
« Que signifie Amen (6) ? »
« Quand les juges nous sollicitent de sacrifier; dit Tertullien, il nous répètent : « Sauve ta vie, ne va pas la perdre follement ! » Le Christ s'exprimerait-il de la sorte ? N'a-t-il pas dit :
« Celui qui conserve sa vie la perdra ;
« celui qui la perd pour l'amour de moi, la sauvera (7) ? » Parfois les magistrats essayent de se servir de leur connaissance superficielle des choses du christianisme.
« Qui t'empêche de renier ton Dieu ? Paul lui-même (il confond avec Pierre) ne l'a-t-il pas renié (8) ?
A Philéas : « Sacrifie donc ! Moïse a sacrifié... (9) »
A un autre : « Obéis à l'Empereur que le ciel inspire, car il est écrit dans vos livres : Cor Regis in manu Dei (10). »
A une femme : « Quand tu auras été violée, le Saint-Esprit que tu crois être en toi abandonnera ton corps souillé (1). » A des accusés très riches : « Comment pouvez-vous servir le Christ parmi tant de trésors? Votre maître n'a-t-il pas répété que, pour le suivre, il fallait renoncer à tous les biens (2) ? » A d'autres chrétiens de désir, on objecte qu'ils ne seront pas martyrs, n'ayant pas le baptême (3).
1. LE BLANT, Les Persécuteurs et les Martyrs, p. 193.
2. Acta S. Trophimi (Act. SS., 19 sept.).
3. Acta S Phileae, § 1.
4. Martyrium S. Ignatii, § 1.
5. Acta S. Tarachi, § 7.
1. Acta S. Irenoei et Mustiolae, § 2.
2. ROSSI, Rom sott.. t. III, 205
3. Acta disputationis S. Acatii, § 1.
4 Passio SS. Firmi et Rustici, dans MAPPEI, Istoria diplomatica, p. 304.
5. Acta SS. Getulii, § 6 (Acta SS., 10 juin).
6. Martyrium S. Anastasiae, § 28 (Suams, 25 décemb.).
7. TERTULL., Scorpiac., 11.
8. Acta S. Phileae, § 1.
9. Acta S. Phileae. § 1.
10. Passio S. Theodoriti, § 2.
1. Historia S. Lucae, SURIUS, 13 déc.
2. Acta SS. Eusebii, Marcelli, dans DE ROSSI, Rom. soft., m, 207.
3. Acta SS. Philemonis, Apollonii, § 3 (Acta SS., 8 mars).
A SUIVRE...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
A quelques réponses inintelligibles pour eux, on entend des magistrats demander au sujet du Christ ressuscité : « Vit-il encore ? (4) »; au sujet du sacrifice non sanglant du Christ dans l'eucharistie : « On le tue donc souvent ? (5)»
M. Le Blant, qui semble n'avoir voulu laisser rien de nouveau à noter après lui, ajoute d'autres traits que je ne saurais omettre. « C'était, dit-il, contre le Christ que s'aiguisaient les traits les plus acérés. Comme le philosophe que réfute Origène, les juges objectaient aux chrétiens la naissance de leur Maître enfanté par une femme. En serait-il ainsi d'un dieu ? S'il était de race divine, aurait-il été laid, ainsi que l'enseignaient les Pères ? Serait-il mort? Se serait-il laissé mettre en croix? On n'eût point touché impunément à Bacchus,à Hercule. Ce sang mêlé d'eau sorti de son flanc sous le coup de lance d'un soldat, est-ce là le sang incorruptible qu'Homère nous montre coulant de la blessure d'un dieu ? Pilate, qui l'a fait mettre à mort, a-t-il été puni ? On raille la résurrection du Seigneur : où est-il, répète-t-on sans cesse, celui qui devrait protéger ses fidèles et qui, puissant, disent-ils, à les faire renaître après la mort, ne peut les préserver en ce monde? Les chrétiens n'ont-ils pas honte d'adorer un homme ignominieusement souffleté, crucifié, un homme que ses disciples ont abandonné à l'heure du péril ? »
On raillait les fidèles sur leur foi en une vie glorieuse ; sur l'espoir de la récompense céleste que la flagellation devait leur mériter ; sur la folie d'attendre une couronne, alors que leur tête serait tombée. « Je vais, disent les juges à des martyrs, vous envoyer rejoindre votre Christ, et vous ressusciterez comme lui. » Un chrétien qui déclare ses réponses dictées par le Seigneur est taxé de mensonge. « As-tu donc, lui réplique-t-on, conversé avec Dieu ? » Sainte Lucie, sommée de se taire, répond : « On n'arrête pas la parole de Dieu. Tu es donc Dieu ? » lui dit le juge. A saint Philéas rapportant que saint Paul a écrit une parole divine, on demande : « Paul était-il un Dieu ? » Comme au jour où le grand apôtre avait enseigné dans l'Aréopage, on parle avec dérision du jugement dernier, de la renaissance future (1).
« Je rapprocherai de ces faits une question qu'un chevalier romain crut entendre son frère encore païen lui poser : « Vous allez bientôt mourir. Dites-moi, tous recevront-ils cette récompense céleste dans une mesure égale ou variée ? Quels sont ceux qui sont avantagés (2) ? »
4. Acta SS. XLV mart. § 3 (Acta SS., 10 juillet).
5. Acta S. Terentiani, § 8 (Acta SS., 1er sept.)
1. LE BLANT, Les Persécuteurs et les Martyrs, p. 197 et suiv.
2. Passio SS. Jacobi et Mariani, § 8.
A SUIVRE... XVIII. LE PLAIDOYER
Monique- Nombre de messages : 13764
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XVIII. LE PLAIDOYER
Le plaidoyer est rarement mentionné dans les actes. A Lyon, le droit de défense fut enlevé aux accusés (3).
S'il se pratiquait, il pouvait se prolonger pendant un temps assez long, car c'était l'usage, aussi bien en Grèce qu'à Rome, de donner lecture intégrale des documents à produire.
En ce cas, l'orateur interrompait son plaidoyer pour requérir le greffier de lire une loi ou quelque document important (1).
3. Eusèbe, Hist. eccl., V, I.
1. Voyez La BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 130, § 55.
A SUIVRE... XIX. LA DÉGRADATION
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XIX. LA DÉGRADATION
La dégradation ne peut être assignée avec une entière certitude à tel ou tel moment de l'audience. Il semble qu'elle ne puisse être antérieure à l'interrogatoire et au prononcé du jugement. La dégradation est rarement mentionnée dans les Actes des martyrs. Il est difficile d'en faire remonter l'origine aux dispositions des édits de 250 et de 258, mais ce point importe peu à un travail comme celui-ci et ne saurait être tranché sans une discussion préalable.
Nous connaissons un cas de dégradation par les Actes du martyre de saint Dorymédon, qui \avait été membre de l'ordo de Synnade en Phrygie. Sommé d'imiter ses collègues et de sacrifier aux dieux, il refuse. Le gouverneur charge l'officium d'apporter, séance tenante, l'album decurionum. Quand il l'a reçu, il efface le nom du martyr et prononce ces paroles : « Que l'impie Dorymédon soit déchu de sa dignité ; c'est justice, car les princes l'avaient revêtu de cet honneur, et il a méprisé ceux qui le lui avaient conféré.
Que maintenant ladjutor commentariensis le présente au tribunal comme un simple plébéien. » L'agent désigné prononce alors la formule d'usage : « Dorymédon est présent. » Et l'interrogatoire commence (1). Nous avons ici un cas particulier à la magistrature municipale et qui, je le répète, ne permet pas de conclure avec assurance sur le moment du procès où il doit être placé ; car il se peut que dans d'autres juridictions, et lorsqu'il s agissait de dégrader, non plus d'une situation municipale, mais du rang de clarissime ou de chevalier, on ne soit venu à cette extrémité qu'après avoir constaté le refus définitif d'obéissance à la loi.
1. Voyez La BLANT, Les Actes des Martyrs.
A SUIVRE... XX. LES ADJURATIONS
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XX. LES ADJURATIONS
C'est là un sujet qui a prêté à plusieurs difficultés. Je ne m'y arrêterai pas, puisque mon dessein n'est pas de disputer, mais d'exposer quelques traits dont la probabilité approche de la certitude, si elle n'y atteint pas, et dont la connaissance doit faciliter la lecture des actes contenus dans ce volume.
Certaines adjurations sont fort naturelles et se représentent fréquemment : Pense à ta jeunesse ; épargne ton grand âge; est compassion de toi-même et des tiens.
Sous le radieux climat de Smyrne, un magistrat dit à saint Pionius : « Écoute, tu as tant de motifs d'aimer la vie ! Tu mérites de vivre, homme pur et doux. Vivre est bon. Il est bon de respirer cet air lumineux (2). »
Parfois, on cherchait à influencer le fidèle : « D'autres ont sacrifié.
Chacun agit comme il l'entend, répond le martyr: Je m'appelle Pionius et je ne m'occupe pas des autres (1). » Certains juges cherchent à profiter d'une équivoque. Le martyr Philéas ayant récité ce verset: « Celui qui sacrifie aux dieux sera déplanté, je sacrifie à Dieu seul » ; le juge reprend : « Eh bien ! sacrifie au Dieu unique (2). »
A saint Probus, qui a attaqué le polythéisme : « Sacrifie donc au grand Jupiter, et non, comme tu viens de le dire, à tous les dieux (3). »
A saint Platon : « Si tu ne veux pas sacrifier, renie seulement le Crucifié, et tu seras libre (4). »
A saint Basilisque : « Sacrifie à qui tu voudras (5). » A saint Phocas : « Sacrifie à ton Dieu (6). »
Parfois, on organise une bousculade, les gens de police se démènent, crient et chassent un groupe de fidèles en déclarant, malgré les dénégations de ceux-ci, qu'ils ont sacrifié.
Les promesses faites se ressentent de l'éducation des juges: l'un d'eux promet à une chrétienne de la marier avec un centurion qu'il a sous ses ordres. Une des promesses les plus fréquentes est celle de l'amitié de César ; il y avait là plus qu'une phrase sonore : le titre d' « ami de César », amicus Augusti, était, depuis l'établissement de l'empire, une sorte de titre officiel (7).
2. Passio S. Pionii, § 5.
1. Passio S. Pionii, § 6. Voy. Acta S. Acatii, § 4, et Act. S. Agathepi, § 7
(Act. SS. 4 avril).
2. Acta S. Phileae et Philoromi, § 1.
3. Acta S. Tarachi, § 5.
4. Passio S. Platonis, § 11 (Act. SS., 22 juill.).
5. Vita S. Basilisci, § 15 (Act. SS., 3 mars).
6. Martyrium S. Phocae, § 16 (Act. SS., 14juill.).
7. HUMBERT, art. Amici Augusti dans le Dict. des Antiq. gr. et rom., p. 227 ;
WILMANNS, ExempLa 2842 et 639 Orelli-haenzen, 5477; C. L. L, t. V, 5811;
LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 77 et suiv.
A SUIVRE... XXI. LA TORTURE. Innovation dans les causes chrétiennes. A quelle époque. Exception. Les rôles mythologiques. La nudité. Le vÊtement de haillons. Degrés. Personnel. Cris. Le héraut. Prières. Aggravations. Procès-verbal. L'apostasie. L'insensibilité. Maléfices. Stupéfiants.
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
XXI. LA TORTURE. Innovation dans les causes chrétiennes. A quelle époque. Exception. Les rôles mythologiques. La nudité. Le vÊtement de haillons. Degrés. Personnel. Cris. Le héraut. Prières. Aggravations. Procès-verbal. L'apostasie. L'insensibilité. Maléfices. Stupéfiants.
Nous avons dit que l'application de la torture, en vue d'amener les chrétiens à abjurer, apparaît pour la première fois d'une manière certaine à Lyon, sous Marc-Aurèle (2). Peut-être faut-il rapprocher vers ce temps un souvenir historique que raconte saint Augustin.
D'abord, dit-il, les princes du inonde, croyant pouvoir faire disparaître par la violence le nom du Christ et celui des fidèles, ont ordonné de mettre à mort ceux qui se déclareraient chrétiens. Or, écoutez ce qui advint ensuite. Quand nos ennemis virent la foule se précipiter au martyre et le nombre des croyants augmenter avec celui des victimes, ils se dirent : « Si nous les tuons tous, ce sera dépeupler la terre. » Après donc avoir ordonné la mort de ceux qui se confesseraient chrétiens, ils décrétèrent : « Quiconque l'aura fait sera torturé, et il subira les tourments jusqu'à ce qu'il ait renié le Christ (3). »
Une fois encore, il faut se rappeler la variété qui existait d'une province à l'autre; nous en avons un nouvel exemple. Les atroces violences de Lyon n'ont pas de répercussion en Afrique. En 180, les martyrs scillitains, en 202, sainte Perpétue et ses compagnons ne sont pas appliqués à la torture. Cependant, vers le même temps, à Carthage même, Tertullien reproche au proconsul Scapula l'emploi de la torture (1). Observons que le Liber ad Scapulam est daté de l'an 212, et cette période de dix ans pourra peut-être coïncider avec l'introduction de la torture en Afrique. A Rome, Minucius Félix se plaint de la même dérogation aux principes de la justice criminelle (2). Le martyre d'Apollonius, sous Commode, n'en offre cependant aucune trace, et lOctavius étant probablement du commencement du IIIe siècle, nous arrivons à des limites chronologiques sensiblement les mêmes en Afrique et à Rome, pour l'introduction de ce moyen illégal.
En 249, Dèce prescrivit ouvertement, et sous les peines les plus graves, d'employer la torture contre les chrétiens jusqu'à désaveu de leur foi. Cependant saint Cyprien n'y fut pas soumis (3). Et dans la dernière persécution, alors que toute garantie avait été abolie; nous voyons un martyr déjà condamné à la torture excusé par l'officium au titre de son origine noble (4).
Le spectacle de la torture infligée à l'homme a été une des distractions préférées du monde antique. Les chrétiens fournirent un aliment inépuisable à cette curiosité, Néanmoins, il semble que l'attitude toute de résignation des fidèles ait enlevé quelque chose à l'intérêt des jeux.
1. Passio S. Nestoris ; S. Theodoti, § 23 ; Passio S Quirini, § 2.
2. EUSÈBE, Hist. eccl., V, I.
3. S. AUGUST., In Psalm. XC enarratio, Sermo 1, § 8.
1. TERTULL., Ad Scapul., § 4.
2. MINUCIUS FELIX, Octavius, 28.
3. S. GREG. DE NYSSE, Opp.. t. III, 657.
4. LE BLANT, Les Persécuteurs et les Martyrs, p. 216.
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Monique- Nombre de messages : 13764
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
Certaines représentations mythologiques étaient impraticables, celles où la victime devait combattre, celles encore où le rôle réclamait d'elle quelque geste obscène ; les fidèles ne pouvaient servir qu'à représenter les victimes passives. Parfois, cependant, on leur donnait l'ordre de prendre les armes, de combattre; ou bien, on voulait leur imposer un déguisement mythologique (1). Ces horreurs devaient servir à ébranler non seulement les martyrs, mais leurs frères prisonniers que l'on amenait à ce spectacle afin que chacun d'eux pût réfléchir sur le sort qui lui était réservé (2). La relation sur les martyrs lyonnais raconte que Blandine et Ponticus furent conduits à l'amphithéâtre pendant la durée des jeux afin d'assister à la torture des,frères.
Les victimes étaient, selon le supplice auquel on les appliquait, dépouillées de leurs vêtements. Toutefois, la nudité n'était pas complète. Des textes législatifs auxquels font allusion divers auteurs à des époques diverses interdisaient aux acteurs et aux condamnés des deux sexes de se montrer en public sans une légère ceinture. Les monuments s'accordent avec les textes pour montrer que cette règle était observée. Une pièce célèbre sur saint Éphrem, que j'ai déjà mentionnée, contient un détail qui s'accorde avec le texte des actes de saint Adrien. L'empereur ordonne que le martyr livré à la torture soit vêtu selon l'usage. Ce vêtement semble indiqué dans le texte d'Éphrem: « Les appariteurs, m'ayant alors dépouillé e mes vêtements, me couvrirent de haillons et me présentèrent ainsi devant le tribunal (1). »
La torture comportait une gradation de douleurs, la flagellation, la traction des membres sur le chevalet; les ongles de fer ne passaient pas pour tourments de premier ordre. Prudence dit que l'épreuve du feu était la plus terrible (2).
Le martyr livré à l'équipe de bourreaux devenait la proie de raffinements de souffrance inouïs. L'art du bourreau avait ses spécialistes (3) et ses apprentis. Un de ces derniers, troublé, frappa sainte Perpétue au hasard, dans les côtes; la matrone prit la pointe de l'épée et la plaça sur sa gorge, l'homme enfonça (4). Il y avait des bourreaux illustres ; l'un d'eux, en Afrique, nommé Mucapor, provoquait chez les fidèles le même dégoût qu'une bête féroce (5). Le même personnel fournissait les tortionnaires et les bourreaux chargés des exécutions capitales (6). Pendant la torture, les bourreaux hurlaient autour de la victime: Tiens bien ! Serre ! Ferme ! Enlève ! Tene ! Claude! Comprime ! Abde ! (7)
1. CLÉMENT, Epist. I ad Cor., § 6; Passio S. Perpetuae, 18.
2. EUSÈBE, Hist. eccl., V, ; Acta S. Adriani, 18 (Acta. SS., 8 sept.).
1. S. EPHREM, Opera, t. III, p. XXIX et XXX.
2. PRUDENCE, Hymn. V, v. 205-208. Voy. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 80.
3. CASS. SEVERUS, dans SÉNÈQUE, Controv., IV XXV.
4. Passio S. Perpetuae, cap. tilt.
5. Passio S. Philippi Heraclaei, § 4.
6. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 131.
7. AMMIEN MARCELLIN, XXIX, I.
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
Pendant ce temps, retentissait le cri monotone du héraut rappelant le motif du châtiment. Divers récits, des textes législatifs nous rapportent quelques-uns de ces cris :
Pendant qu'un faux témoin est bâtonné, le héraut crie: « Ne jure pas inconsidérément (8). »
Pour un calomniateur : « Tu as calomnié (1). »
Dans les Actes des martyrs, nous relevons les cris suivants :
« Ne blasphème pas les dieux. »
« Ne sois pas si sotte, approche, sacrifie aux dieux. »
« Ne réponds pas une chose pour une autre. »
« Ne méprise pas les édits impériaux. »
« Ne blasphème pas les dieux et les empereurs. »
« Ne blasphème pas les dieux et les déesses (2). »
Pendant que leur chair et leurs os étaient tordus, déchiquetés, les chrétiens semblent ne laisser échapper un cri de faiblesse. Ils poussent des cris vers le ciel : Christ, garde-moi ! Garde mon âme ! Christ, l'endurance ! Fils de Dieu, au secours ! Je ne serai pas confondu ! Grâce à toi... Christ ! A moi, Christ ! (3) »
Les monuments et les textes concernant la torture des païens peuvent nous servir dans les causes de chrétiens, C'est ainsi que parmi les supplices connus de tous, comme le chevalet, les tenailles, les fouets armés de balles de plomb, la chaise de fer rougi, les griffes de fer, il faut rappeler d'autres cruautés. Caligula, importuné par les cris des victimes livrées aux bêtes, les faisait bâillonner, ou bien on leur coupait la langue. Quelquefois on blessait le condamné afin de l'empêcher de se défendre. Nous voyons Pionius cloué au poteau où il allait être brûlé ; l'homme condamné au crucifiement portait sa croix.
8. L. 13, De jurejurando, § 6 (Digest., lib. XII,II).
1. L. 16, Ex quibus causis infamia irrogatur (Cod. Iust., IX, XII).
2. LE BLANT, ouvr. cité, p. 92.
3. Passio SS. Saturnini et Dativi, § 7, 9, 10, 11, 14 ; Acta S. Eupli,
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Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: TOME I - Les Temps Néroniens ET Le 2ème Siècle - par le R. P. Dom H. LECLERCQ
La torture faisait l'objet d'un procès-verbal détaillé; cette pièce, dont nous n'avons aucun exemplaire, pourrait bien être confondue avec celle que nous appelons les Acta (1).
« Pendant la torture, le juge épiait la victime, renouvelait ses adjurations, s'ingéniait à arracher un consentement qui lui faisait plus d'honneur que l'intraitable refus de sa victime. Mettre à mort un accusé qui, de lui-même, demandait à périr pour le Christ, n'était qu'une marque d'impuissance et un dénouement misérable; la victime triomphait, et de ces assises sanglantes l'autorité sortait amoindrie ; réussir par persuasion ou par contrainte, amener les chrétiens à faiblir, tel était le but ambitionné (2). »
« Les juges, dit Origène, s'affligent si les tourments sont supportés avec courage, mais leur allégresse est sans bornes lorsqu'ils peuvent triompher d'un chrétien (3). »
« Ils ne songent, ajoute Lactance, qu'à remporter la victoire, car il y a là pour eux joute réelle ; j'ai vu, en Bithynie, un gouverneur transporté d'une joie aussi grande que s'il eût dompté quelque nation barbare; il s'agissait d'un chrétien qui, après avoir opposé pendant deux ans une généreuse résistance, paraissait avoir cédé (4). »
Quelquefois ils venaient à leurs fins. Des fidèles « mal exercés et mal entraînés » avaient faibli : cela s'était vu à Lyon (5), en Afrique (6), où des apostats surent réparer leur crime par une nouvelle confession.
1. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p.
2. Ibid., p. 71.
3. ORIGÈNE, Contra Cels., V111.
4. LACTANCE, Instit. divin.; V, n.
5. EUSÈBE, Hist. eccl , V, s.
6. CYPRIEN, De lapsis, § 4 ; S. AUGUSTIN, Sermo CCLXXXV, § 4.
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Monique- Nombre de messages : 13764
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