Les évangiles apocryphes et les origines de l'art chrétien.
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Les évangiles apocryphes et les origines de l'art chrétien.
Extrait tiré des explications de Mgr Gaume, au début de son livre « Le Bon Larron », au sujet des apocryphes :
« Les circonstances particulières contenues dans les apocryphes, ajoute Brunet, loin d'être restées stériles, ont eu, pendant une longue suite de siècles, l'action la plus puissante et la plus féconde sur le développement de la poésie et des arts. L'épopée, le drame, la peinture, la sculpture du moyen âge, n'ont pas fait faute d'y puiser à pleines mains. Laisser de côté l'étude des évangiles apocryphes c'est renoncer à découvrir les origines de l'art chrétien. Ils ont été la source où, dès l'extinction du paganisme, les artistes ont puisé toute une vaste symbolique. Diverses circonstances, rapportées par ces légendes, et consacrées par le pinceau des grands maîtres de l'école italienne, ont donné lieu à des attributs, à des types que reproduisent chaque jours les arts du dessin (3). »
Voici le texte complet cité par Gabrielle (je me suis permis de faire quelques ajustements techniques qui ne changent rien au texte) :
gabrielle a écrit:
Voici l'explication de Mgr Gaume au sujet des apocryphes et de leur usage dans la littérature chrétienne(...)On peut même ajouter que les notions historiques, rappelées plus haut, le rendent vraisemblable. Sans doute, il n'est pas consigné dans l'Évangile ; mais le silence des écrivains sacrés n'en détruit pas l'authenticité. A beaucoup près, tout n'est pas écrit dans le Nouveau Testament. Saint Jean lui-même dit que le livre divin contient à peine la minime partie des faits relatifs à Notre-Seigneur (1). Il est même des points essentiels, dont on n'y trouve pas le moindre vestige. Tels sont, entre autres, la substitution du dimanche au sabbat et la validité du baptême par infusion.
Ici, comme ailleurs, la tradition supplée au silence de l'Évangile. De bonne heure, cette tradition se fixa dans des monuments écrits. Saint Luc nous apprend que, dès les premiers jours du christianisme, il parut un grand nombre d'ouvrages sur la vie de Notre-Seigneur (2). On le comprend sans peine. Au rapport d'Eusèbe, des foules innombrables, attirées par le bruit des miracles de l'Homme-Dieu, accouraient en Palestine, des extrémités les plus reculées de la terre, pour le voir et lui demander des faveurs (3).
Or, l'homme est ainsi fait que toujours et partout, même dans les siècles d'incrédulité et de matérialisme, il se montre avide du merveilleux. Ces pèlerins, Juifs ou étrangers, qui avaient eu le bonheur de voir Jésus de Nazareth, ou qui avaient conversé avec ceux qui l'avaient vu, publièrent à l'envi les moindres détails sur sa vie et sur ses miracles. Telle fut l'origine, moralement certaine, des nombreux écrits auxquels l'évangéliste fait allusion.
Quels étaient ces premiers ouvrages, dont il faut déplorer la perte? Nul ne le sait. Du moins, on peut affirmer qu'ils servirent de base à un grand nombre de recueils de traditions évangéliques, répandus plus tard en Orient et en Occident. Les uns furent rédigés avec plus de piété que de critique. D'autres, composés ou falsifiés par les hérétiques, renfermaient le venin de leurs erreurs. Aucun n'était certainement des auteurs dont il portait le nom. Dans son infaillible sagesse, l'Église les rejeta tous du canon des saintes Écritures.
Mais en les déclarant apocryphes, elle n'eut pas l'intention de les dénoncer comme faux et mensongers de tous point. A l'ivraie de l'erreur s'y trouve mêlé le bon grain de la vérité. La vérité se reconnaît sans peine, lorsque le récit des apocryphes est conforme à celui des auteurs Canoniques, ou à l'enseignement traditionnel de l'Église : le cas est assez fréquent.
Rapportent-ils seuls des particularités, relatives à Notre-Seigneur, à la sainte Vierge, aux apôtres ? Si de telles particularités n'ont rien de puéril ni d'invraisemblable, à plus forte raison, rien de contraire à la foi ; si même elles semblent conformes aux mœurs et aux usages de l'antiquité, elles constituent comme une tradition de second ordre, qui n'est nullement condamnée ni condamnable ; tradition qui jouit même d'une autorité relative, sur laquelle reposent un certain nombre de faits, entrés, sans opposition de la part de l'Église, dans le domaine public.
L'Église elle-même s'est servie contre les iconoclastes de la lettre d'Abgar, bien que rangée parmi les apocryphes par le Pape saint Gélase(1). Au VIIIe siècle, le Pape saint Grégoire II, qui connaissait apparemment le décret de son prédécesseur, ne craint pas d'écrire à l'empereur iconoclaste, Léon l'Isaurien : « Pendant que Notre-Seigneur parcourait les environs de Jérusalem, Abgar, roi d'Edesse, ayant entendu parler de ses miracles, lui écrivit une lettre. Notre-Seigneur daigna lui répondre de sa propre main et lui envoyer son adorable portrait. Allez vous-même, et envoyez à cette sainte image qui n'a pas été faite demain d'homme. Là, s'assemblent en foule pour prier les peuples d'Orient (2). »
Quelques années plus tard un autre Souverain Pontife, Adrien Ier, rend compte à Charlemagne de ce qui s'est passé au concile de Rome, tenu sous Etienne IV, et lui dit : « Notre prédécesseur, de sainte mémoire, le seigneur Etienne, présidant ce concile, rapporte un grand nombre de témoignages dignes de foi qu'il confirme lui-même; puis il donne cet enseignement: « Mais il ne faut pas omettre ce que nous avons souvent appris par la relation des fidèles qui viennent d'Orient. Il est vrai, l'Évangile ne parle pas de ce qu'ils rapportent, mais cela n'est nullement incroyable, l'Évangéliste lui-même disant que Notre-Seigneur a fait beaucoup de choses qui ne sont pas écrites dans l'Évangile. Ils affirment donc que le Rédempteur du genre humain, vers le temps de sa Passion, répondit une lettre au roi d'Édesse qui désirait le voir, et qui lui offrait un asile contre les persécutions des Juifs. » Vient ensuite la lettre de Notre-Seigneur.
Remarquons que saint Grégoire et Adrien écrivaient des lettres officielles a des empereurs, dont l'un était l'ennemi juré des saintes images. Si les lettres de Notre-Seigneur et d'Abgar, bien que rejetées du canon des Ecritures, n'avaient pas en une autorité fort respectable, comment les souverains Pontifes auraient-ils osé les produire avec assurance, en faveur du culte traditionnel des saintes images ?
Au reste, les protestants se montrent parfois moins dédaigneux que certains catholiques modernes, à l'endroit des apocryphes. A l'occasion des lettres d'Abgar, qui nous ont été conservées par Eusèbe, le docte Pearson manifeste une confiance à nos traditions primitives qui fait autant d'honneur à son impartialité qu'à son érudition (1). Le savant et sage annaliste de l'Église, Baronius, ne fait pas difficulté de s'appuyer sur les apocryphes, pour établir, contre saint Jérôme, que le Zacharie, mis à mort par les Juifs, entre le temple et l'autel, est Zacharie père de saint Jean-Baptiste (1 ). La règle à suivre, en citant l'autorité des apocryphes, est celle que nous indique le grand cardinal : l'admettre avec prudence, caute admittenta ; ne pas y tenir mordicus, mordicus defendi non debent (2). Inutile d'ajouter que notre intention a été de nous y conformer, dans tout le cours de cette histoire.
« Les circonstances particulières contenues dans les apocryphes, ajoute Brunet, loin d'être restées stériles, ont eu, pendant une longue suite de siècles, l'action la plus puissante et la plus féconde sur le développement de la poésie et des arts. L'épopée, le drame, la peinture, la sculpture du moyen âge, n'ont pas fait faute d'y puiser à pleines mains. Laisser de côté l'étude des évangiles apocryphes c'est renoncer à découvrir les origines de l'art chrétien. Ils ont été la source où, dès l'extinction du paganisme, les artistes ont puisé toute une vaste symbolique. Diverses circonstances, rapportées par ces légendes, et consacrées par le pinceau des grands maîtres de l'école italienne, ont donné lieu à des attributs, à des types que reproduisent chaque jours les arts du dessin (3). »(1) « Suut autem et alia multa quae fecit Jésus; quae si scribanter per singula, nec ipsum arbitror munduni capere posée eos qui scribondi sunt, libros. » XXI, 25.
(2) « Quoniani quidem multi conati surit ordinare narrationem, quæ in nobis completæ sunt rerum, etc. » I, 1.
(3) « Domini ac Salvatoris nostri Jesu Christi divinitas, cum propter admiranda ejus opera, ubique jam celebris esset, innumerabilis ab extremis et a Judæa remotissimis regionibus, morbis et cujusque doloribus afflictos spe recuperandæ salutis, attraxerat, etc. a Hist., lib, I, c. XIII.
(1) Voir Baron., an. 31, n. 60.
(2) « Cum Hierosolymis ageret Christus, Abgarus qui tunc temporis dominabatur, et rex erat urbis Edessenorum, cum Christi miracula au-disset, epistolam scripsit ad Christum, qui manu sua responsum, et sacram gloriosamque faciem suam ad eum misit. Itaque ad illam non manu-factam imaginem mitte et vide. Congregantur illic Orientis turbæ, et orant. » Epist. I ad Léon, Isaur.
(3) « Prsedecessor noster sanctæ recordationis Dominus Stephanus quondam sanctissimus Papa, in supradicto concilio præsidena, inter plurima veridica testimonia per semeptisum asserens, docuit ita : Sed nec illud est præteveundum, quod relacione fidelium, de partibus Orientis advenientium, sæpo cognovinus, in quibus licet Evangelium sileat tamen nequaquam in omnibus incredibile fidei meritum, et hoc affirmante de ipso Evangelista : Multa quid et alia signa fecit Jésus, quæ non sunt scripta in libro hoc; denique fertur ab assereutibus, quod Redemptor humani generis, approprinquante die passionis, cuidam regi Edessœ civitatis, desideranti illum corporaliter cernere, et ut persecutioncs Judæorum fugeret, ad illum convocare, ut auditas miraculorum opiniones et sanitatum curationes sibi et populo suo impertiret, respondisset, etc. » Apud Bar., an. 769, n. 8. Voir id., an 809, n. 17; an. 114, n. 17, etc.
(1) « Ego vero Eusebium tanta diligentia tantoque judicio in examinan-dis Christianorum primævæ antiquitatis scriptis, in quibus traditionem Apostolicam contineri arbitratus est, usum fuisse contondo, ut nemo unquam de ejus fide aut de scriptis quæ ille pro îndubitatis habuit, postea dubitaverit. » Not. ad Euseb. lib. I, c. XIII,
En parlant des lettres d'Abgar et de Notre-Seigneur, Baronius dit : « Papa recenset illas inter apocrypha, quasi non hiagiographa : non tamen ut eas ab Ecclesia omnino proscribat, sicut nec complures alios libros quos proxime recensuit... Hæc vero non sic a nobis sunt recitata, ut apocrypha in hagiographa transferri velimus; sed... ne ea quis omnino contemnenda existimet, quae majores complures venerati esse noscuntur. » An. 31, n. 60.
(3) Évang. apocryph., p. v et vi; voir aussi Uergier, Dict, art. Apocryphes et Évangiles.
Le Bon Larron
par Mgr Gaume
ESR
pages 10-14
https://messe.forumactif.org/t1539-mgr-gaume-au-sujet-des-apocryphes
Roger Boivin- Nombre de messages : 13216
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