La cosmogonie mosaïque d'après les Pères de l'Église.

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Message  Louis Mar 23 Jan 2018, 6:57 am

Bonjour,

Ce qui suit est tiré du livre suivant :

La cosmogonie mosaïque d'après les Pères de l'Église. Mylang11

Ces extraits ont pour but, comme l’indique  le titre de ce fils, de montrer les différentes écoles de pensée dans l’Église au sujet de la cosmogonie mosaïque.

Comme toujours, j’éditerai ce fil pour compléter ce message et y déposer des liens en vue de faciliter la consultation et pour ne pas surcharger le texte.  

Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande.

Bien à vous.  

Bonne et pieuse lecture à tous.

I — La COSMOGONIE MOSAIQUE D’APRÈS LES PÈRES DE L’ÉGLISE.

I. Observation préliminaires.
II. École d’Alexandrie.
III. Les écoles syriennes.
IV. Les  Pères cappadociens et leurs imitateurs.
V. Les Pères latins.
VI. Conclusions.

Info additionnelle sur le même sujet.


Dernière édition par Louis le Sam 10 Mar 2018, 7:18 am, édité 10 fois

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Message  Louis Mar 23 Jan 2018, 6:59 am

CHAPITRE PREMIER.

I. — OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. (pp.11-13)

Le premier chapitre de la Genèse est un frontispice digne de la grandeur des Saintes Écritures. En quelques mots, il pose toutes les bases de la théologie, il détruit toutes les erreurs du monde ancien, et il établit tous les dogmes fondamentaux de la religion : unité de Dieu, création ex nihilo, Providence, unité de l'espèce humaine, dépendance de l'homme envers son auteur, condamnation du polythéisme, du naturalisme et du matérialisme.

L'importance de la cosmogonie biblique l'a rendue dans tous les temps l'objet de longues études, mais chaque époque l'a considérée à son point de vue particulier. De nos jours, elle nous intéresse surtout par son côté scientifique; dans les commencements du Christianisme, c'était principalement le côté théologique qui attirait l'attention 1. A l'époque où vivaient les Pères, les fausses doctrines que flétrit Moïse étaient encore vivaces; ils devaient les déraciner 2. C'est là ce qu'ont fait les docteurs chrétiens. Déjà les plus anciens d'entre eux avaient été ravis d'admiration par le premier chapitre de la Genèse et ils firent très bien ressortir, dans leurs controverses avec les païens et avec les hérétiques, la supériorité de la cosmogonie biblique sur les cosmogonies mythologiques et philosophiques de la Grèce et de Rome, de même que sur les cosmogonies gnostiques 3. S. Théophile d'Antioche, qui, après s'être converti du polythéisme à la religion chrétienne, était devenu évêque de cette ville, parle avec un véritable enthousiasme du récit de la création, dans l'ouvrage le plus ancien qui nous soit resté des Pères sur l'Hexaméron 1 ; il rapporte tout au long le premier chapitre de la Genèse dans sa défense du Christianisme contre le païen Autolycus, et il consacre la plus grande partie du second livre de son apologie à l’énumération des beautés de la cosmogonie mosaïque. Les erreurs païennes se dissipent comme de vains fantômes devant cet exposé radieux de la vérité.

« Tous les systèmes antiques avaient soulevé tour à tour [le problème de l'origine des choses] et les philosophies diverses n'avaient été que des cosmogonies ingénieuses ou grossières. A côté des solutions essayées par les livres de l'homme, le livre de Dieu, la Bible, avait donné la sienne et [les Pères désiraient] en faire ressortir la supériorité. Aux païens jusqu'ici bercés dans les poétiques imaginations d'Hésiode et d'Ovide, aux philosophes égarés par les théories de Platon, de Zénon, d'Épicure et de Lucrèce, il fallait présenter le dogme d'un Dieu libre, tout-puissant, éternel et unique créateur du ciel et de la terre. Aux manichéens, prévenus de l'idée que la création matérielle est mauvaise et absolument indigne de la Divinité, il fallait justifier la merveilleuse beauté de ce travail surhumain, et y faire voir ses rapports avec le monde surnaturel et la vie des âmes 2. »

C'est l'œuvre qu'accomplirent les Pères…

Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.

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Message  Louis Mer 24 Jan 2018, 6:21 am

I. — OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. (pp.14-15) [SUITE]

C'est l'œuvre qu'accomplirent les Pères, Bossuet a résumé leur enseignement d'une manière admirable, dans une page de son Discours sur l'histoire universelle, qui n'est guère qu'une traduction de leurs propres paroles :

« La conduite de Dieu [dans la création] nous fait voir que tout sort immédiatement de sa main. Les peuples et les philosophes qui ont cru que la terre, mêlée avec l'eau, et aidée, si vous voulez, de la chaleur du soleil, avait produit d'elle-même, par sa propre fécondité, les plantes et les animaux, se sont grossièrement trompés. L'Écriture nous fait entendre que les éléments sont stériles, si la parole de Dieu ne les rend féconds. Ni la terre, ni l'eau, ni l'air, n'auraient jamais eu les plantes ni les animaux que nous y voyons, si Dieu, qui en avait fait et préparé la matière, ne l'avait formée par sa volonté toute-puissante, et n'avait donné à chaque chose les semences propres pour se multiplier dans tous les siècles. Ceux qui voient les plantes prendre leur naissance et leur accroissement de la chaleur du soleil, pourraient croire qu'il en est le créateur; mais l'Écriture nous fait voir la terre revêtue d'herbes et de toutes sortes de plantes avant que le soleil ait été créé, afin que nous concevions que tout dépend de Dieu. Il a plu à ce grand Ouvrier de créer la lumière, avant même de la réduire à la forme qu'il lui a donnée dans le soleil et dans les astres, parce qu'il voulait nous apprendre que ces grands et magnifiques luminaires, dont on a voulu faire des divinités, n'avaient par eux-mêmes ni la matière précieuse et éclatante dont ils ont été composés, ni la forme admirable à laquelle nous les voyons réduits. Enfin, le récit de la création, tel qu'il est fait par Moïse, nous découvre ce grand secret de la véritable philosophie, qu'en Dieu seul réside la fécondité et la puissance absolue... Si, selon l'ordre établi dans la nature, une chose dépend de l'autre, par exemple, la naissance et l'accroissement des plantes, de la chaleur du soleil, c'est à cause que ce même Dieu qui a fait toutes les parties de l'univers, a voulu les lier les unes aux autres, et faire éclater sa sagesse par ce merveilleux enchaînement 1. »

Cependant il était impossible aux docteurs chrétiens d'exposer la cosmogonie biblique sans toucher à la science. La Genèse y touche elle-même. Pour combattre les erreurs des philosophes païens, il fallait aborder leurs théories physiques; pour déraciner le culte des astres, il était indispensable de parler de l'astronomie; pour enseigner aux fidèles à bien vivre et leur donner des leçons utiles, en expliquant la création, le prédicateur devait se faire un moment naturaliste, et donner au peuple, à propos de la création des animaux, les leçons morales rehaussées de détails techniques et d'anecdotes piquantes qui lui ont toujours été si chères. L'homme, dans tous les temps, a été fort curieux des choses de la nature, et les mystères du monde animal ont toujours excité un vif intérêt, comme le témoignent, entre autres, ces livres singuliers qui portent le titre significatif de Bestiaires 2. Voilà les motifs qui ont obligé les docteurs chrétiens à faire un peu de science, quoique leur enseignement fût, avant tout, dogmatique et moral.

Mais en pénétrant dans le domaine des connaissances humaines, les Pères, il faut le remarquer avec soin…
Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.

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Message  Louis Jeu 25 Jan 2018, 6:46 am

I. — OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. (pp.15-17)

[SUITE]

Mais en pénétrant dans le domaine des connaissances humaines, les Pères, il faut le remarquer avec soin, n'avaient plus le secours de la révélation ; et ils étaient abandonnés à leurs propres lumières. Il y a une religion révélée, mais il n'y a pas une science révélée 3. Cela est tellement vrai que les idées scientifiques que nous rencontrons dans les œuvres des Pères sont empruntées, presque toutes, non pas à la Bible, mais aux philosophes grecs et à des sources profanes. Dieu n'a pas voulu nous apprendre dans la Sainte Écriture la physique et la chimie, il s'est proposé seulement de nous donner les moyens de sauver notre âme. Comme l'a très justement observé S. Thomas, quand la Bible parle de la nature, elle se conforme au langage populaire : « On doit considérer que Moïse parlait à un peuple grossier et que, condescendant à sa faiblesse, il lui proposa seulement les choses qui tombent manifestement sous les sens 1. »

Le premier chapitre de la Genèse fait seul exception ; car quoiqu'il soit susceptible d'interprétations diverses, il nous semble que le sujet même qu'il traite implique, dans ses grandes lignes, un fond réellement scientifique. Mais ce qu'il nous apprend, très important en soi, est peu de chose relativement au vaste domaine de la science.

Tout se résume en effet dans les points suivants, confirmés par les découvertes géologiques et paléontologiques : Il y a eu, dans l'œuvre créatrice, une gradation ascendante. Dieu a créé d'abord la matière. Il a tiré ensuite le monde du chaos. Il a produit en premier lieu les êtres inférieurs, puis les êtres supérieurs, en s'élevant du moins parfait au plus parfait, du règne minéral au règne végétal, du règne végétal au règne animal et du règne animal au règne humain 1. Hors de là, Moïse ne nous fait rien connaître de précis sur la nature des choses 2.

Si donc les Pères faisaient, par occasion, de la science proprement dite…
Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande seulement. Bien à vous.

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Message  Louis Ven 26 Jan 2018, 6:45 am

I. — OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. (pp.18-20) [SUITE]

Si donc les Pères faisaient, par occasion, de la science proprement dite, ils ne trouvaient aucune lumière spéciale dans les Livres Saints, à part le dogme de la création; ils parlaient en conséquence, non point comme dépositaires et témoins de la tradition catholique, mais comme docteurs particuliers, et leurs assertions sont par là même purement personnelles et n'engagent en aucune manière la responsabilité de l'Église. Leur témoignage fait autorité en matière de dogme et de morale ; il ne fait pas autorité en matière de science. La Providence avait suscité ces grands hommes pour propager le Christianisme et en conserver la doctrine dans sa pureté et dans son intégrité, non pour faire progresser la physique ou créer la géologie. Nous ne rencontrons parmi eux ni un Copernic ni un Cuvier. Leur science était celle de leur siècle, et par conséquent, une science défectueuse 1.

La cosmogonie des Pères n'en mérite pas moins d'être étudiée. Il est clair, d'après ce que nous venons de dire, que ce n'est point à cause de sa valeur scientifique elle-même; c'est à cause de l'usage qu'on veut en faire aujourd'hui contre la Bible et contre le catholicisme.

Ce qui, aux premiers siècles de l'Église, était l'accessoire, dans le premier chapitre de la Bible, est devenu, à plusieurs égards, dans notre siècle, le principal. Les progrès merveilleux de l'astronomie, de la physique, de la géologie, ont attiré de nos jours l'attention générale sur le premier chapitre de la Genèse. Est-il d'accord avec les découvertes contemporaines? Les croyants répondent oui. Les incrédules disent non, et ils allèguent, comme un argument en leur faveur, l'exégèse des Pères. Quand les savants chrétiens affirment que la cosmogonie des Hébreux, bien entendue, comporte une série d'époques successives, pendant lesquelles se sont formées les couches diverses de la terre avec les fossiles qui les caractérisent, les ennemis de la religion crient à la nouveauté dans l'interprétation, et prétendent que nous sommes en contradiction avec la tradition ecclésiastique.

Il importe donc de rechercher quelle est la véritable cosmogonie des Pères et quels devoirs elle impose à l'exégèse contemporaine. C'est le but des pages qui vont suivre. Elles prouveront que la tradition patristique, non plus que l'autorité de l'Église, n'a jamais déterminé et fixé le sens scientifique du premier chapitre de la Genèse 1. Les Pères, de même que les théologiens qui les ont suivis, l'ont entendu, les uns dans un sens, les autres dans un autre; par conséquent il n'existe pas, à proprement parler, d'interprétation traditionnelle de la cosmogonie mosaïque, et l'exégète de nos jours a le droit de choisir l'interprétation qui lui paraît la plus conforme aux données de la véritable science. Nous pouvons même ajouter que si les anciens écrivains ecclésiastiques ne se sont pas mis d'accord sur la manière dont il fallait expliquer le récit mosaïque, c'est parce qu'ils ne se trouvaient qu'en face d'hypothèses non démontrées, c'est parce qu'ils manquaient du commentaire autorisé que nous fournissent aujourd'hui sur plusieurs points la géologie et la paléontologie. Le théologien de notre siècle ne fait que marcher sur leurs traces et se conformer à leurs principes en interprétant la parole de Dieu à l'aide des lumières que lui fournit la science. De même qu'il a le devoir de mettre à profit les découvertes archéologiques, historiques, géographiques, pour expliquer des passages jusqu'ici restés obscurs ou même mal compris de l'Écriture, de même est-il obligé de se servir des découvertes scientifiques, quand elles sont certaines, pour fixer le sens des endroits de la Bible qu'elles peuvent éclaircir. Sur ce point, au lieu d'être infidèle à la tradition de l'Église, il ne fait que suivre les exemples du passé.

Pour traiter notre sujet avec ordre…
Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.

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Message  Louis Sam 27 Jan 2018, 6:37 am

I. — OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. (pp.20-21)[SUITE]

Pour traiter notre sujet avec ordre et mettre le lecteur en état de suivre plus aisément la filiation des idées, nous étudierons successivement les Pères orientaux et les Pères latins ; et parmi les Pères de l'Église d'Orient, nous distinguerons d'abord l'école d'Alexandrie, puis les écoles syriennes et enfin les Pères cappadociens, S. Basile, S. Grégoire de Nazianze et S. Grégoire de Nysse avec leurs imitateurs. Tous les auteurs ecclésiastiques, qui ont écrit en grec ou en syriaque, se rattachent historiquement à l'un de ces trois groupes.

Dans l'exposé de la cosmogonie des Pères, nous ne relèverons pas tous les détails ; ce serait aussi long et fastidieux qu'inutile; nous choisirons seulement ceux qui sont propres à servir à notre dessein, signalant, en particulier, ce qui a trait aux jours de la création 1.
Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.


A suivre : II. — L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE.

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Message  Louis Dim 28 Jan 2018, 6:45 am

II. — L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE. (pp.22-23)

Pour nous rendre compte de la manière dont les plus anciens écrivains ecclésiastiques entendirent le récit mosaïque de la création, il nous faut remonter au delà de l'ère chrétienne et examiner brièvement comment l'expliquèrent les Juifs alexandrins, parce que ce fut dans leurs écrits que les premiers Pères de l'Église puisèrent en partie leurs idées.

L'école judéo-alexandrine et surtout Philon, son principal représentant, celui qui exerça le plus d'influence sur les interprètes de la Sainte Écriture, au commencement du Christianisme, adoptèrent, comme système d'exégèse, la méthode allégorique et expliquèrent le texte sacré dans un sens figuré, ne s'arrêtant pas au sens littéral, c'est-à-dire à celui qui ressort du sens naturel des mots pris dans leur acception ordinaire, mais s'efforçant d'en tirer des enseignements dogmatiques ou moraux qui n'en découlent qu'en donnant aux termes une valeur symbolique, allégorique ou typique, de sorte qu'ils représentent autre chose que ce qu'ils expriment dans l'usage vulgaire et commun.

Le plus ancien auteur judéo-alexandrin, dont il nous soit resté des fragments, Aristobule, avait composé en grec un commentaire sur le Pentateuque, qu'il dédia à Ptolémée-Philométor. Il vivait vers l'an 150 avant Jésus-Christ, Il considérait la description de l'œuvre des six jours dans la Genèse comme une allégorie signifiant l'ordre et la succession qui règne dans le monde. La création de la lumière, accomplie le premier jour, ne lui paraissait pas, au fond, différente du repos du septième jour. Il admettait donc ce qu'on appelle la création simultanée, c'est-à-dire une création accomplie en un seul instant, sans aucun intervalle ni aucune distinction de jours ou d'époques 1.

L'allégorisme qu'il légua à la communauté juive d'Alexandrie, prit, dans les écrits de Philon, contemporain de Notre-Seigneur, les plus vastes proportions. Philon était un fauteur enthousiaste des doctrines de Platon. Il s'était tellement imprégné des idées du philosophe grec qu'on disait de lui, à Alexandrie : Ou Platon philonise ou Philon platonise.

Pour concilier les idées platoniciennes avec la Bible, il interprétait cette dernière dans un sens allégorique, quand le sens littéral ne se prêtait pas, à son gré, à ses spéculations. Nous avons de lui un livre De la création du monde selon Moïse, qui n'est guère qu'un commentaire allégorique du premier chapitre de la Genèse. Les Deux livres des allégories de la Loi en sont la continuation. D'après le philosophe juif, le récit de la création du monde, de l'homme et du paradis terrestre n'est qu'un symbole et une figure. A des considérations élevées et exposées avec éloquence, il mêle toutes sortes de subtilités empruntées à la cabale et à la philosophie de son temps, telle qu'on l'enseignait à Alexandrie, dans cette « Babel de l'érudition profane 2

Le premier chapitre de la Genèse n'est qu'une allégorie…
Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.

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Message  Louis Lun 29 Jan 2018, 6:26 am

II. — L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE. (pp.24-26) [SUITE]

Le premier chapitre de la Genèse n'est qu'une allégorie. Philon regarde le chiffre des six jours de la création comme purement symbolique; il n'a aucune valeur réelle 1. Le nombre six est celui de la perfection, parce qu'il renferme six unités, deux trinités et trois dualités, le principe mâle et le principe femelle combinés ensemble. En disant que le monde a été créé en six jours, Moïse veut donc seulement exprimer par une métaphore l'ordre parfait qui règne dans l'univers. « Ce serait simplicité extrême de penser, dit Philon au commencement de ses Allégories de la loi 2, que le monde a été créé en six jours (réels) ou même en général dans un temps quelconque. » Cette idée de Philon mérite d'être soigneusement remarquée, parce qu'elle fit règle pour tous les interprètes qui commentèrent après lui, à Alexandrie, la cosmogonie biblique.

Les premiers écrivains chrétiens admirent l'explication allégorique que leur transmettait la synagogue et dont Philon était le principal interprète 3.

L'Église reconnaît l'existence du sens spirituel dans les Saintes Écritures, mais elle n'approuve pas les excès de ceux qui lui ont sacrifié le sens littéral, comme la question que nous étudions ici nous en offrira des exemples.

Les Pères de l'âge apostolique, toujours sur la brèche pour la défense de la foi, ne purent écrire que quelques lettres ou quelques pages rapides, dans lesquelles ils n'eurent point à s'occuper directement de la cosmogonie mosaïque. Mais, dès le second siècle, elle fut l'objet de plusieurs études spéciales. S. Jérôme dans son Catalogue des auteurs ecclésiastiques et Eusèbe dans son Histoire nous ont conservé les noms de Papias, de Rhodon, disciple de Tatien, de Candide, d'Appion, de Maxime qui avaient écrit sur l'œuvre des six jours. Malheureusement leurs traités sont perdus, de même que celui que S. Justin, martyr, avait composé sur le même sujet, d'après Anastase le Sinaïte 1.

Les premiers monuments chrétiens qui nous restent sur la cosmogonie biblique ont été écrits sur les lieux mêmes où avait fleuri Philon, à Alexandrie 2. Quand la science de la religion nouvelle fut éclose dans l'école célèbre qui porte le nom de cette ville, les maîtres fameux qui la dirigèrent ne tardèrent pas à examiner le premier chapitre de la Genèse. L'école d'Alexandrie accepta non seulement le principe général de l'allégorisme, mais aussi la plupart des sens symboliques particuliers admis par Philon, dont le souvenir était toujours vivant en Égypte et dont les écrits étaient lus avec ardeur. L'historien de Philon, M. Siegfried, a écrit avec une teinte d'exagération, mais non sans un fond de vérité : « [Le système allégorique de Philon] avait absorbé, comme un immense réservoir, tous les petits ruisseaux de l'exégèse biblique à Alexandrie pour déverser ensuite ses eaux dans les rivières et les canaux à mille bras, de l'interprétation juive et chrétienne des Saintes Écritures 1. »

Les théologiens de l'école d'Alexandrie acceptèrent ainsi, pour rapporter un exemple qui nous sera plus tard utile…
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Message  Louis Mar 30 Jan 2018, 7:14 am

II. — L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE. (pp.26-29) [SUITE]

Les théologiens de l'école d'Alexandrie acceptèrent ainsi, pour rapporter un exemple qui nous sera plus tard utile, la symbolique des nombres de l'auteur juif : l'unité fut considérée comme le nombre de la vertu ; deux fut celui de la division et du mal; cinq, celui des sens et de la sensualité;  six et dix celui de la perfection 1. Un emprunt plus important que nous avons déjà indiqué, ce fut l'adoption de son sentiment sur la création simultanée.

Il faut cependant se garder d'affirmer que les chrétiens reçurent tout entière et les yeux fermés la tradition philonienne : ils n'eurent garde d'admettre que la matière était incréée, comme faisaient les Juifs alexandrins, qui se mettaient sur ce point en contradiction avec les Saintes Écritures 2; ils enseignèrent tous, au contraire, de la manière la plus expresse, que Dieu était le créateur comme l'ordonnateur du monde. Leur cosmogonie se distingue aussi de celle de Philon par son caractère christologique. Les Pères, à la suite de S. Paul, leur maître, voient partout le type du Christ, rédempteur des hommes.

Mais nous n'avons pas à nous arrêter ici à ces différences  essentielles. Après les avoir signalées en passant et après avoir indiqué en quoi les Juifs hellénistes ont influé sur l'école chrétienne d'Alexandrie, il est temps de faire connaître la cosmogonie de cette école elle-même, si célèbre dans l'Église sous le nom de Didascalée.

Le premier maître du Didascalée dont les opinions sur le premier chapitre de la Genèse nous soient connues par ses propres écrits 1 est Clément d'Alexandrie, mort vers 217. D'après lui, Dieu a créé le monde de toute éternité et il le crée sans cesse. Le monde n'a pas été créé dans le temps, mais le temps est né avec le monde. Toutes les créatures ont été produites à la fois 2 ; la distinction des six jours dans le récit mosaïque n'indique pas une succession réelle du temps, c'est une manière de parler au moyen de laquelle l'auteur inspiré s'accommode à notre intelligence et à notre façon de concevoir les choses : il nous représente de la sorte l'échelle graduée des êtres qui composent l'univers. Le jour dans lequel Dieu crée le monde, c'est le Verbe 3.

Le disciple de Clément, Origène (185-254), est le représentant principal de l'école d'Alexandrie et celui dont les idées, malgré le discrédit qui s'attacha depuis à son nom, ont exercé l'influence la plus étendue sur les auteurs ecclésiastiques 4. Doué d'un génie merveilleux et d'une puissance de travail en quelque façon inépuisable, il commenta l'Écriture Sainte tout entière et l'étudia, pour ainsi parler, sous toutes ses faces, de telle sorte qu'il créa une tradition exégétique dont nous retrouverons l'empreinte chez la plupart des commentateurs qui sont venus après lui.

Une partie notable de ses nombreux écrits est aujourd'hui perdue, mais…
Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.

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Message  Louis Mer 31 Jan 2018, 6:48 am

II. — L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE. (pp.29-31) [SUITE]

Une partie notable de ses nombreux écrits est aujourd'hui perdue, mais nous possédons encore une traduction latine de son exposition de la Genèse, dont la première homélie traite de l'œuvre des six jours; nous avons aussi de lui quelques fragments de son Commentaire sur la Genèse; enfin le livre IV Des Principes et son Traité contre Celse contiennent plusieurs pages sur la création.

Comme Philon, comme Clément, son maître, Origène croit que l'univers a été créé tout à la fois. Il cherche la preuve de sa théorie de la création simultanée dans l'œuvre du quatrième jour. Il est impossible, pense-t-il, de concevoir des jours avec un soir et un matin, sans soleil et sans lune; par conséquent ce que Moïse appelle les trois premiers jours cosmogoniques, ce ne sont pas des durées, un espace de temps, c'est une figure qui exprime la gradation des êtres. « Quel homme doué de bon sens, demande-t-il, croira qu’il a pu y avoir un premier, un second, un troisième jour, un soir et un matin, sans soleil, sans lune et sans étoiles 1? »

Cette observation d'Origène est digne de remarque ; la conclusion qu'il prétend en tirer n'est pas exacte, mais le fond même en est juste : le mot « jour » est employé dans un sens figuré, dans le récit de la création, de même que d'autres expressions bibliques employées par l'auteur sacré au commencement de la Genèse. Le docteur alexandrin, pour établir qu'à son sens le récit de la création est une allégorie, cite ces locutions à la suite du passage que nous venons de rapporter : « Dieu plante des arbres dans le paradis terrestre, il se promène le soir, » etc.1. Cette manière de parler est évidemment figurée ; le mot « jour » l'est également.

Origène entend aussi de la création simultanée le verset 4 du chapitre II de la Genèse. Celse, s'appuyant sur l'argument que nous venons de voir employé par Origène lui-même, disait pour attaquer la foi chrétienne : « Il n'y a rien de plus ridicule que de partager la création du monde en plusieurs jours avant qu'il y eût des jours; car comment pouvait-il y en avoir avant que les cieux fussent faits, que la terre fût bâtie et que le soleil eût commencé à se mouvoir? » Dans un autre endroit, il disait également : « Considérons encore, reprenant les choses de plus haut, combien il est absurde de faire dire au grand Dieu, au Dieu souverain, par forme de commandement : Que ceci ou que cela se fasse;et de l'introduire, travaillant le premier jour à une chose, le lendemain à une autre, et avançant de plus en plus, le troisième, le quatrième et le cinquième jour jusqu'au sixième. »                                                                      
A ces objections, qui nous montrent combien sont anciennes les attaques contre le récit biblique de la création, Origène répondait : « Nous avons déjà fait ce qui dépendait de nous pour éclaircir ces commandements : Que ceci ou cela se fasse, en rapportant ce passage : Il a parlé et tout a été fait; il a commandé et tout a été créé 1... Pour ce qui est des six jours de la création,... c'est ce que nous avons expliqué, selon notre pouvoir, dans nos commentaires sur la Genèse. Et ci-dessus même, pour montrer qu'il ne faut pas prendre les choses à la lettre, comme font ceux qui croient que l'espace de six jours a été effectivement employé à la création du monde, nous avons allégué ces paroles : « C'est là l'histoire de l'origine du ciel et de la terre; c'est ainsi qu'ils furent faits le jour que Dieu créa le ciel et la terre 2. »

Origène, suivant en tout les traces de Philon, ne voit qu'une allégorie dans l'œuvre entière des six jours…
Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.

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Message  Louis Jeu 01 Fév 2018, 5:53 am

II. — L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE. (pp.31-35) [SUITE]

Origène, suivant en tout les traces de Philon, ne voit qu'une allégorie dans l'œuvre entière des six jours. Le firmament est le corps; les deux grands luminaires sont Jésus-Christ et l'Église; les étoiles 3 sont les patriarches et les prophètes; les poissons et les reptiles sont les pensées basses et rampantes de l'âme; les oiseaux, les pensées élevées, etc. Une multitude de mondes ont précédé le nôtre, une multitude d'autres le suivront. Le paradis terrestre lui-même n'a jamais existé comme tel, c'est une pure image du ciel 1.

Si Origène prétendait tirer seulement des leçons morales et édifiantes de la création ainsi envisagée 2, comme l'ont fait plus tard S. Basile et S. Ambroise, on n'aurait qu'à applaudir, mais il tombe dans une exagération qu'on ne peut approuver, en niant au premier chapitre de la Genèse son sens littéral et naturel.

Après Origène, nous ne rencontrons personne qui ait expliqué les premiers chapitres de la Genèse d'une manière exclusivement allégorique 1. Les œuvres de ses disciples ou de ses défenseurs immédiats ne contiennent rien d'ailleurs qui intéresse notre sujet spécial. S. Athanase (296-373), l'illustre évêque de la ville d'Alexandrie où avait enseigné Origène, est le premier, depuis ce grand docteur, chez lequel nous trouvions formellement exprimées ses idées sur la création simultanée. Il accepte l'opinion du chef du Didascalée : « Aucune créature n'est plus ancienne que l'autre, s'écrie-t-il, dans un discours contre les Ariens; toutes les espèces ont été créées à la fois, ensemble, par un seul et même commandement 2. »

Le vaillant défenseur de la foi contre l'arianisme, constamment occupé par ses luttes contre l'hérésie, n'a point d'ailleurs écrit de commentaire suivi des Livres Saints 1.

Un successeur d'Athanase sur le siège d'Alexandrie, S. Cyrille (mort en 444) a commenté la Genèse et il s'est montré fidèle, en beaucoup de points, à la tradition de l'école de Clément et d'Origène 2. Mais il a eu soin d'en éviter les exagérations; sa prédilection pour le sens allégorique ne lui fait pas exclure le sens littéral 3 et il n'admet ni une série éternelle de créations ni la création simultanée. Il résume du reste très succinctement l'histoire de la création.

Le système allégorique de l'école d'Alexandrie a été encore accepté au VIIe siècle, mais avec des restrictions expresses 4 par Anastase le Sinaïte. Il a écrit onze livres de Considérations anagogiques sur l'Hexaméron dans lesquels il nous représente la création comme une figure de l'Église de Jésus-Christ. Il emprunte à S. Basile, à S. Grégoire de Nysse, à S. Jean Chrysostome ; les applications allégoriques forment néanmoins tout le fonds de son œuvre 1. Il ne se préoccupe pas de la manière dont a été créé le monde.

Les derniers imitateurs grecs de Clément et d'Origène ont donc abandonné la théorie de la simultanéité de la création. Ce n'est pas sans motif…
Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.

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Message  Louis Ven 02 Fév 2018, 7:49 am

II. — L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE. (pp.35-37) [SUITE]

Les derniers imitateurs grecs de Clément et d'Origène ont donc abandonné la théorie de la simultanéité de la création. Ce n'est pas sans motif.

Cette théorie est démentie par les faits. La géologie établit que la création, ou au moins l'ordonnance du monde, n'a pas été simultanée, mais graduelle et progressive. La terre n'a pas apparu tout d'un coup, comme nous la voyons aujourd'hui, divisée en mers et en continents, parée de son vêtement de verdure, animée par la présence de l'homme et d'une multitude d'animaux de toute espèce ; la vie ne s'est manifestée que par degrés successifs et suivant l'ordre que dépeint Moïse, avec qui les géologues s'accordent essentiellement. L'opinion des Alexandrins est donc erronée. Cependant, quelque fausse qu'elle soit, elle nous fait voir que les interprètes de l'Écriture n'ont pas tous pensé que les six jours de la création désignaient une durée de vingt-quatre heures; elle nous montre que plusieurs d'entre eux ont pensé que le mot « jour » est une expression figurée, métaphorique, dont il faut rechercher le véritable sens, quel qu'il puisse être d'ailleurs.

Elle nous fournit encore un autre enseignement : elle nous prouve que, dans tous les temps, les écrivains chrétiens ont cherché à mettre d'accord la science et la foi 2. L'erreur des Alexandrins provient des imperfections de la science d'alors. Philon avait voulu réconcilier l'hellénisme avec le mosaïsme; Clément et Origène se proposèrent, à sa suite, d'appliquer l'esprit philosophique aux données de la révélation chrétienne et de démontrer que Platon et les grands génies païens, dans ce qu'ils avaient de vrai, ne parlaient pas autrement que la Bible. Ils essayèrent donc d'approfondir les dogmes révélés et de les faire respecter par la raison, en les corroborant par l'autorité de tous les sages que vénérait l'antiquité, et en faisant servir toutes les branches des connaissances humaines d'auxiliaires à la théologie. Le but était noble et grand, mais la tâche était lourde et le génie d'un Origène lui-même plia sous le fardeau. Les maîtres du Didascalée s'imaginèrent faussement qu'il y avait dans l'Écriture des passages qu'il était impossible de défendre en les prenant à la lettre, et pour les justifier, ils recoururent à l'allégorie, à l'exemple de Philon.

Les païens leur avaient appris, il est vrai, à employer ce procédé dont ils abusaient, pour leur part, afin de sauvegarder l'honneur de leurs dieux. Les chrétiens tournaient en ridicule, et non sans motifs, les aventures mythologiques de l'Olympe. Au moyen de l'allégorisme, les polythéistes y découvraient des mythes et des vérités profondes. Les catéchistes d'Alexandrie crurent devoir se servir d'un procédé analogue. Ils pensaient qu'il était impossible d'admettre comme littéralement vrai, entre autres récits bibliques, celui de la création. Comment accepter que Dieu eût été, pour ainsi dire, obligé de s'y reprendre jusqu'à six fois pour achever son œuvre 1 ? Mais s'il en était ainsi, qu'était-ce donc que sa toute-puissance? Les naturalistes d'alors ne soupçonnaient point que notre globe n'était arrivé à sa forme actuelle qu'après une série de révolutions successives. Ignorant la vérité, persuadés que le sens littéral du récit biblique était inconciliable avec la science et la philosophie de leur époque, Clément et Origène en conclurent que le premier chapitre de Moïse n'était qu'une allégorie, et ils l'interprétèrent en conséquence. Telle est l'explication de leur système exégétique. Changeons-les de milieu, supposons qu'ils vivent de nos jours, et nous pouvons affirmer, à coup sûr, que les Clément et les Origène salueront avec bonheur les découvertes de la géologie; car ils n'auront pas à changer leur principe fondamental, c'est-à-dire l'accord de la science et de la foi, ils n'auront qu'à l'appliquer autrement.

Cependant les excès de l'allégorisme alexandrin avaient provoqué une réaction ; cette réaction s'était manifestée dans les écoles syriennes.
Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.



A suivre : III. — LES ÉCOLES  SYRIENNES.

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Message  Louis Sam 03 Fév 2018, 6:50 am

III. — LES ÉCOLES  SYRIENNES. (pp.38-40)

Les écoles de Syrie furent les antagonistes de l'école d'Alexandrie, sur le terrain de l'exégèse biblique. Elles défendirent le sens littéral des Saintes Écritures contre les exagérations d'Origène. Elles n'eurent garde sans doute de nier l'existence du sens allégorique, qui est fondé sur le témoignage du texte sacré lui-même, mais elles n'en usèrent que sobrement et s'attachèrent avant tout à l'étude du sens grammatical et historique.

Il faut distinguer, dans les écoles de Syrie, celles dans lesquelles on parlait le syriaque, c'est-à-dire les écoles de Nisibe et d'Édesse, et celle dans laquelle on parlait le grec, c'est-à-dire l'école d'Antioche. Il existait entre elles des liens fort étroits et leur méthode était la même ; mais, outre la différence de la langue, elles avaient, sur quelques points, des opinions particulières.

Le plus illustre représentant de l'école exégétique qui ait écrit en langue syriaque est le diacre d'Édesse, S. Éphrem (vers 320-379.) Il fut tour à tour chef de l'école de Nisibe et de l'école d'Édesse 1. Théologien et poète, orateur et exégète, il a laissé dans l'histoire de l'Église, surtout en Orient, une trace profonde, par le souvenir de ses vertus comme par l'influence de ses écrits 1. Pendant plusieurs siècles, dans toutes les régions de l'Asie occidentale où se parlait l'antique langue d'Aram, les habitants du pays ont chanté les poèmes dans lesquels le plus grand écrivain de leur langue avait célébré les vérités chrétiennes.

Il nous est resté de lui deux commentaires de la Genèse dans lesquels il explique en détail chacun des versets du récit de la création 2.

S. Éphrem rejette expressément la création simultanée de l'école d'Alexandrie. « Il n'est pas permis de soutenir, dit-il, que ce qui a été créé en plusieurs jours a été produit en un moment 3. » D'après lui, le premier verset de la Genèse nous fait connaître la création élémentaire, celle de la matière première ou des parties qui composent l'univers, le ciel et la terre, dans leur substance 4 qui fut tirée du néant 5. « La lumière qui fut créée le premier jour et toutes les autres choses qui furent produites ensuite furent tirées de quelque chose » de préexistant 6.

Les jours génésiaques sont des jours de vingt-quatre heures. La lumière fut créée le premier jour mosaïque, douze heures avant la fin de son cours, c'est-à-dire avant le premier soir mentionné par la Bible 1
Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.

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Message  Louis Dim 04 Fév 2018, 6:56 am

III. — LES ÉCOLES  SYRIENNES. (pp.40-42) [SUITE]

Les jours génésiaques sont des jours de vingt-quatre heures. La lumière fut créée le premier jour mosaïque, douze heures avant la fin de son cours, c'est-à-dire avant le premier soir mentionné par la Bible 1. Cette création eut lieu le premier jour de Nisan, qui est le premier mois de l'année hébraïque. La preuve qu'en donne S. Éphrem, c'est qu'à cette époque, au printemps, les jours et les nuits sont égaux et de douze heures chacun 2. Avant le premier jour l'abîme des eaux « enveloppait la terre de six côtés, comme l'enfant qui est encore renfermé dans le sein de sa mère 3. » Quand, après la séparation de la terre et des eaux, la lumière eut été créée, les plantes et les arbres apparurent sur la terre, le troisième jour; preuve nouvelle que la création eut lieu au printemps, puisque c'est l'époque où les arbres reverdissent et se couvrent de fleurs.

La lumière primitive joua un grand rôle dans l'œuvre des premiers jours. « Parce que la lumière avait été créée bonne, elle servit trois jours par son lever. Elle servit aussi à la fructification et à la production de tout ce que la terre porta pendant ces trois premiers jours; après ces trois jours, le soleil parut au firmament, afin d'amener à maturité ce que la lumière primitive avait d'abord produit1, » « La terre fut en premier lieu fécondée par la lumière et par l'eau 2. »

Cette lumière, qui était au commencement errante comme une nuée brillante (arfno' nahrio' ith), semblable au soleil lorsqu'il se lève ou à la colonne qui guidait les Hébreux dans le désert, illuminant la terre par sa substance ou par ses rayons (beyad denkhêh) 3, fut attachée, le quatrième jour, au soleil, à la lune et aux étoiles 4.

Par « l'esprit qui était sur la face des eaux, » il entend le vent qui agitait les eaux et les mettait en mouvement, et aussi le Saint Esprit. « Le vent souffla parce qu'il avait été créé pour cela 5. » Mais « sache également que quand l'Écriture parle de la puissance créatrice de Dieu, elle ne représente pas l'Esprit de Dieu comme un être créé et produit, voltigeant avec lui sur la surface des eaux, elle parle de l'Esprit Saint qui réchauffe et fructifie les eaux, pour les rendre capables de produire, comme la poule qui est assise sur les œufs, les réchauffe en les couvant et les fait éclore. L'Écriture nous donne en même temps une image du saint baptême 6. »

S. Éphrem croit que le centre de la terre est rempli de feu 1. Ce feu est visible au nord de la terre, là où s'élèvent les hautes montagnes de glace qu'on appelle verrues de la terre. La flamme y jaillit comme un fleuve embrasé dont les ardeurs adoucissent pour les habitants de cette contrée les rigueurs de l'hiver 2.

Dieu plaça le soleil à l'orient de la voûte céleste, le quatrième jour…

Les notes ou les nos, libellés dans le texte et qui ne figureront pas en bas de page, seront fournies sur demande. Bien à vous.

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Message  Louis Lun 05 Fév 2018, 6:19 am

III. — LES ÉCOLES SYRIENNES. (pp.42-45) [SUITE]

Dieu plaça le soleil à l'orient de la voûte céleste, le quatrième jour. La lune fut placée à l'occident, là où le soleil se couche ; les étoiles furent mises entre ces deux astres. La lune fut créée dans son plein, telle qu'elle est le 15 nisan, au moment où la durée de la nuit égale celle du jour 3. Quand le soleil se leva sur la terre, à la voix du Créateur, il était déjà vieux de quatre jours ; cet astre n'est en effet que la concentration de la lumière primitive, créée le premier jour cosmogonique, et il lui est par conséquent foncièrement identique 1.

Parmi les interprètes, les uns pensent que les oiseaux furent tirés du sein des eaux, les autres le nient. Le texte sacré 2 paraît susceptible de cette double interprétation. S. Éphrem admet que les oiseaux, cet ornement de l'air, comme les astres le sont des cieux et les fleurs de la terre 3, ont été tirés des eaux, et il nous les représente poétiquement « s'élevant en troupe du sein des ondes 4. »

Une partie des opinions de S. Éphrem fut acceptée par l'école d'Antioche qui admettait, d'ailleurs, les mêmes principes d'exégèse.

L'école exégétique d’Antioche 1 est, en effet, dans l'antiquité, le grand champion du sens littéral des Saintes Écritures, et si l'on devait lui reprocher quelque excès, ce serait, à l'encontre de l'école d'Alexandrie, d'avoir attaché trop peu d'importance au sens allégorique.

Nous allons trouver, par conséquent, chez les écrivains de la capitale de la Syrie, des opinions opposées à celles de Clément et d'Origène. Les œuvres des plus anciens d'entre eux sont perdues 2. Le premier, dont les idées nous sont connues par des fragments conservés dans d'autres auteurs, est Théodore de Mopsueste (vers 350-428). Il fut le compagnon d'études et l'ami d'enfance de S. Jean Chrysostome, à l'école 3 de Diodore de Tarse, mais il eut depuis le malheur d'être le précurseur du Nestorianisme. Photius nous apprend que Théodore fuyait autant que possible les allégories pour s'attacher au sens historique 4. D'après Philopon, il admettait la création progressive et il enseignait, en particulier, que les ténèbres n'avaient disparu que peu à peu devant l'apparition graduelle de la lumière 1. Il croyait que Dieu n'avait créé qu'un couple de chaque espèce d'animaux.

Le représentant le plus illustre de l'école d'Antioche, celui qui a jeté sur elle le plus vif éclat, est…
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Message  Louis Mar 06 Fév 2018, 6:41 am

III. — LES ÉCOLES  SYRIENNES. (pp.45-46) [SUITE]

Le représentant le plus illustre de l'école d'Antioche, celui qui a jeté sur elle le plus vif éclat, est S. Jean Chrysostome (vers 347-407). Sa science exégétique égala son éloquence. Nous possédons encore de lui deux commentaires de la Genèse en forme d'homélies, l'un abrégé, qui ne traite que les points principaux en huit discours, l'autre développé, en soixante-sept homélies, dont les douze premières se rapportent à la cosmogonie mosaïque. Les deux explications de la Genèse ont été prêchées à Antioche, la première en 386, la seconde vers 395. On y reconnaît visiblement l'influence de S. Éphrem et des autres maîtres des écoles syriennes; néanmoins plusieurs de ses interprétations sont originales. En voici le résumé.

Moïse a décrit en détail et avec beaucoup d'exactitude la création du monde, sous l'inspiration du Saint Esprit; c'est Dieu lui-même qui a dirigé la langue du prophète 2.

Le grand orateur compare le Créateur à un architecte qui élève, par assises, un vaste édifice. Mais Dieu, à l'opposé de l'homme, commence par en haut le monument qu'il veut construire : il produit d'abord le ciel, comme le toit du monde et il crée ensuite la terre comme son fondement. « Qui a jamais vu, qui a jamais entendu une telle chose, s'écrie-t-il ?... Ne cherchons donc pas à raisonner curieusement sur les œuvres de Dieu, mais que ces œuvres nous servent à nous faire admirer leur auteur 3. » L'exégète d'Antioche n'a qu'un but, expliquer littéralement le texte sacré pour élever l'âme à Dieu et instruire, sans satisfaire une vaine curiosité.

S. Jean Chrysostome rejette la théorie alexandrine de la création simultanée : il la répudie formellement dans son homélie II sur la Genèse. Assurément Dieu pouvait créer l'univers entier en un clin d'œil, mais il ne le voulut point; il daigna se mettre au contraire, en quelque sorte, à notre portée, en se conformant à notre manière d'agir et de produire; il se proposa aussi de nous montrer par là que ce monde n'était pas l'œuvre du hasard, mais d'une sage Providence qui règle tout avec poids, nombre et mesure 1.

La cosmogonie mosaïque d'après les Pères de l'Église. Page_420

S. Jean Chrysostome pense que les astres ont été créés après les végétaux afin de montrer aux hommes, enclins à adorer le soleil et la lune, que les sphères célestes n'ont en elles rien de divin 3. Il n'établit aucun rapport entre la lumière du soleil et la lumière créée le premier jour. Il n'adopte donc pas l'opinion de S. Éphrem, que nous avons mentionnée plus haut 4. Il croit que le soleil et les astres ont été créés le quatrième jour.

Contrairement à beaucoup d'autres Pères et aux opinions courantes…
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Message  Louis Mer 07 Fév 2018, 7:09 am

III. — LES ÉCOLES  SYRIENNES. (pp.47-49) [SUITE]

Contrairement à beaucoup d'autres Pères et aux opinions courantes, qui acceptaient le système de Ptolémée, S, Jean Chrysostome n'admet qu'un seul ciel 1.

Le saint docteur refuse d'ailleurs, de parti pris, d'expliquer par des hypothèses ce qu'il ignore : « Qu'est-ce que le firmament, me demandera quelqu'un? Est-ce de l'eau congelée, ou de l'air condensé, ou quelque autre substance? Aucun homme sage ne tranchera témérairement la question. Il convient d'accepter en toute simplicité la parole (de Dieu) et de ne pas vouloir scruter ce qui est au-dessus de notre intelligence : ce que nous devons savoir et retenir, c'est que le firmament a été produit par l'ordre du Seigneur 2. »

S. Jean Chrysostome sort cependant de cette prudente réserve en ce qui concerne les fondements de la terre, et c'est pour tomber dans une erreur scientifique, en poussant à l'extrême l'application du principe du littéralisme de l'école d'Antioche : il prétend que la terre repose réellement sur les eaux, parce que la Sainte Écriture dit : Il a affermi la terre sur les eaux 3 : il ne prend pas garde que c'est là une simple comparaison et que les règles les plus évidentes de l'herméneutique obligent à distinguer le sens métaphorique du sens propre, et par conséquent à ne pas prendre des images pour des affirmations scientifiques.

S. Basile a évité soigneusement cette confusion et a très justement remarqué que ces paroles du Psalmiste ne sont qu'une image, comme nous le verrons bientôt.

Les éditions complètes des œuvres de S. Jean Chrysostome 1 contiennent six discours de Sévérien (mort vers 408) évêque de Gabales en Syrie, qui roulent sur l'œuvre des six jours. Il était contemporain de son illustre compatriote, mais plus jeune que lui, Jean, devenu archevêque de Constantinople, avait été  son  protecteur,  ce qui n'empêcha pas Sévérien, oublieux de cette protection, de se ranger plus tard parmi les ennemis de son bienfaiteur. Il n'oublia pas cependant ses enseignements, et son commentaire n'est guère que l'écho de ceux de son maître et de S. Éphrem.

Il enseigne avec beaucoup de précision que Dieu créa d'abord la matière première; il paraît placer cet acte au premier jour; les jours suivants, le Créateur ne fit que façonner et mettre en œuvre ce qu'il avait primitivement créé. « Dieu fit toutes choses dans l'espace de six jours, dit-il. Mais le premier jour diffère des suivants; car le premier jour Dieu produisit du néant 2 et, à partir du second jour, il ne tira rien du néant, mais il transforma à son gré ce qu'il avait créé le premier jour... Dieu créa donc, le premier jour, la matière première 3 et les jours suivants il ne fit que donner la forme et la beauté à la matière déjà créée 1. »

Les ténèbres primordiales sont pour lui le produit des…

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Message  Louis Jeu 08 Fév 2018, 6:31 am

III. — LES ÉCOLES  SYRIENNES. (pp.49) [SUITE]

Les ténèbres primordiales sont pour lui le produit des nuages et des vapeurs qui s'élèvent de la mer primitive 2. Il accepte sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, les explications de S. Éphrem.

Quant à la création des astres, il l'explique de la manière suivante, conformément aux principes qu'il avait posés : « De quoi Dieu a-t-il fait le soleil, la lune et les étoiles? demande-t-il. Nous avons dit que Dieu avait tout tiré du néant le premier jour et qu'il s'était servi, les jours suivants, de ce qui existait déjà. D'où vient donc le soleil? De la lumière créée le premier jour. Le Créateur la transforma à son gré, de diverses manières; il en fit ici la matière de la lumière, là les étoiles, semblable à l'orfèvre qui réunit premièrement une masse d'or, et qui en frappe ensuite des médailles diverses 3. »

Le monde n'a pas la forme d'une sphère, mais celle d'une tente4. Nous verrons bientôt son imitateur Cosmas Indicopleuste, défendre longuement cette opinion.

Théodoret, évêque de Cyr…
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Message  Louis Ven 09 Fév 2018, 8:57 am

III. — LES ÉCOLES  SYRIENNES. (pp.50.) [SUITE]

Théodoret, évêque de Cyr, sur l'Euphrate (386-vers 458), s'inspira plus encore que Sévérien de Gabales des commentaires de ses prédécesseurs 1. II emprunta même aux Alexandrins, Il appartient cependant à l'école syrienne, parce qu'il fut un des partisans les plus décidés du sens littéral.

Dans ses Questions sur la Genèse , il a traité tous les points qui se rapportent à la cosmogonie biblique, mais il n'est le plus souvent qu'un simple compilateur, citant les opinions d'autrui, sans se prononcer lui-même. Il admet la distinction des jours. Comme S, Basile, il pense que les ténèbres primitives avaient pour cause la projection de l'ombre céleste 2. Dieu tira les astres de la lumière primitive 3. Par l'esprit de Dieu qui était porté sur les eaux, Théodoret entend l'air 4. Dans l'une de ces questions, il examine pourquoi Dieu créa d'abord les plantes, puis les astres et enfin les animaux. Il répond : « Les animaux ont des yeux, ils n'auraient pu supporter l'excès de la lumière. La lumière, distribuée dans de grands et de petits luminaires, fut mise à la portée de leur vue. Les plantes sont privées des sens 5. » Il admet, comme Théodore de Mopsueste, que lorsque les espèces animales furent créées, elles ne comprenaient pas chacune un nombre considérable d'individus, mais deux seulement 6.

Un marchand égyptien, originaire d'Alexandrie…
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Message  Louis Sam 10 Fév 2018, 8:04 am

III. — LES ÉCOLES  SYRIENNES. (pp.51-55) [SUITE]

Un marchand égyptien, originaire d'Alexandrie, nommé Cosmas et surnommé Indicopleuste, à cause de ses voyages dans l'Inde, écrivit vers 535, après s'être fait moine, une Topographie chrétienne ou sentiment des chrétiens sur le monde 1 dans laquelle il traite la plupart des questions qui se rattachent à la cosmogonie biblique, mais s'occupe surtout de la forme de la terre. Il emprunte aux écrivains ecclésiastiques antérieurs ce qui lui paraît le plus plausible sur le premier chapitre de la Genèse 2; il ne s'astreint pas d'ailleurs à un ordre bien sévère, et il parsème son œuvre d'anecdotes et d'observations recueillies dans ses voyages; quelques-unes sont fort intéressantes.

Toutes ses idées scientifiques sont loin d'être justes ; il rejette souvent des opinions exactes en s'appuyant sur de  mauvaises raisons. D'après lui, ce sont les Babyloniens qui ont enseigné les premiers que la terre est sphérique 3 ; mais, dit-il, leur opinion est fausse, parce qu'il pense, avec l'école d'Antioche, que la terre est plane et que le monde est semblable au tabernacle élevé par Moïse sur l'ordre de Dieu dans le désert du Sinaï. Il nie par conséquent l'existence des antipodes 4. Le moine égyptien est un auteur peu connu  et de mince autorité 1; cependant, comme il résume les arguments de tous ceux qui, avant lui, avaient soutenu des opinions analogues aux siennes, il mérite de nous arrêter un instant 2.

Les erreurs de Cosmas Indicopleuste sur la forme de la terre et des astres peuvent d'autant plus surprendre qu'il avait des connaissances en astronomie 3, mais ce sont des textes de l'Écriture mal compris qui l'égarèrent. Plusieurs Pères, adoptant sans discussion les idées du vulgaire sur ce point, parce qu'elles leur paraissaient d'accord avec le langage de la Bible, admirent que la terre était plane et rejetèrent l'opinion des philosophes, qui avaient soutenu qu'elle était de forme sphérique 1.

La cosmogonie mosaïque d'après les Pères de l'Église. Images10

Ils alléguaient les textes suivants, que l'auteur de la Topographie a soin de rassembler : « Il a posé le ciel comme une voûte, dit Isaïe, et il l'a tendu comme la tente où l'on habite 2. » Nous lisons également dans Job : « Il a courbé le ciel vers la terre,... et il l'a cimenté comme une voûte 3, » S. Paul a dit aussi, dans l'Épître aux Hébreux 4, d'après la manière dont la comprend le moine égyptien, que le tabernacle construit par Moïse était la figure du monde. Puisque le tabernacle était carré et oblong, il s'ensuit que la terre est oblongue, de telle sorte que sa longueur d'est en ouest est double de sa largeur du nord au sud 5.

L'ancien marchand d'Alexandrie…

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Message  Louis Dim 11 Fév 2018, 6:39 am

III. — LES ÉCOLES  SYRIENNES. (pp.56-58) [SUITE]

L'ancien marchand d'Alexandrie prenait à la rigueur de la lettre des expressions qui ne sont que des figures et des images, comme tout le monde, sans exception, en convient aujourd'hui 1. Cette interprétation fausse avait néanmoins fait si bien son chemin, parmi un certain nombre de commentateurs, que, vers l'époque même où Christophe Colomb découvrait l'Amérique, un célèbre commentateur espagnol, Tostat, évêque d'Avila, prétendait, d'après ce que rapporte Montfaucon 1, que l'opinion qui enseigne la sphéricité de la terre est téméraire et in fide non tuta. Cet exemple est bien propre à montrer aux exégètes quelle réserve ils doivent apporter dans l'explication scientifique des Saintes Écritures. Il prouve aussi, par l'accord unanime de tous les commentateurs d'aujourd'hui à admettre la sphéricité de la terre, que lorsqu'une vérité scientifique est solidement établie, ce n'est pas l'Église qui la repousse.

En résumé, les écoles syriennes ont généralement défendu le vrai sens des Écritures, en admettant partout un sens littéral, sans exclure systématiquement le sens allégorique. Mais si elles ont évité l'écueil contre lequel avait échoué l'école d'Alexandrie, elles n'ont pas cependant réussi à éviter toute méprise. Dans leurs explications scientifiques, elles ne savent pas toujours discerner le sens métaphorique et le prennent quelquefois pour le sens propre : de là des erreurs avérées sur la forme de notre globe, sur les fondements de la terre, etc. Elles ont eu, du reste, un mérite incontestable, celui de distinguer nettement la création de la matière première et la mise en ordre des éléments qui composent l'univers.
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A suivre : IV. — LES  PÈRES CAPPADOCIENS ET LEURS  IMITATEURS.

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Message  Louis Lun 12 Fév 2018, 6:20 am

IV. — LES  PÈRES CAPPADOCIENS ET LEURS  IMITATEURS. (pp.59-60)

Les trois illustres Pères de l'Église qu'on a surnommés les trois grands Cappadociens, parce qu'ils étaient originaires de la Cappadoce, S. Grégoire de Nazianze, S. Basile, son ami, et S. Grégoire de Nysse, frère de S. Basile, forment un groupe à part et comme une école particulière dans l'Église d'Orient. Ils tiennent une sorte de milieu entre les Alexandrins et les Syriens. Par certains liens ils se rattachent à l'école d'Alexandrie, spécialement par leur amour pour Origène 1, dont les deux premiers avaient rassemblé les plus beaux morceaux sur la Bible, dans un recueil qui est parvenu jusqu'à nous, sous le nom de Philocalie 2; mais ils ne s'inféodèrent pas aux doctrines de Philon et des Origénistes, et ils préférèrent généralement au sens allégorique le sens littéral, comme les écrivains de l'école d'Antioche 3.

Le sentiment des trois Pères sur la cosmogonie mosaïque est à peu près le même. Ils acceptent le principe de l'allégorisme, mais ils ne croient pas devoir entendre toute la création d'une manière allégorique; ils s'affranchissent de la théorie philonienne, et ils expliquent dans le sens littéral les diverses phases de l'œuvre des six jours.

On peut les considérer comme les principaux défenseurs de l'opinion que nous avons déjà rencontrée dans S. Éphrem 1 d'après laquelle Dieu créa d'abord la matière première et l'ordonna ensuite pendant les six jours mosaïques 2. Elle est, à leurs yeux, une sorte de conciliation entre Origène et ceux de ses antagonistes qui répartissaient la création entre les six jours. Ils conservent à la création élémentaire le nom alexandrin de « création simultanée; » mais ils voient, comme les défenseurs du sens littéral, des productions réelles, non des allégories, dans les œuvres de chaque jour. S. Ambroise et S. Grégoire le Grand adoptèrent leur sentiment et le soutinrent dans l'Église latine, ainsi que nous le dirons en son lieu.

Un trait caractéristique des Cappadociens, qui mérite d'être relevé, et par lequel ils se rapprochent de l'école d'Alexandrie plus que de celle d'Antioche, c'est la haute estime qu'ils professent pour la science. Ils sont épris de l'amour du bien dire…
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Message  Louis Mar 13 Fév 2018, 7:02 am

IV. — LES  PÈRES CAPPADOCIENS ET LEURS  IMITATEURS.   (pp.61-62) [SUITE]

Ils sont épris de l'amour du bien dire, comme S. Jean Chrysostome, et ils rajeunissent la langue grecque, en créant un nouvel idiome où, sous les teintes vives et animées de la Bible, on reconnaît toujours la pureté des lignes antiques 1 ; on retrouve dans leurs écrits

Ce langage sonore, aux douceurs souveraines,
Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines 2,

exprimant des pensées plus hautes que celles de Socrate et de Platon. Mais, mieux que ne devait le faire l'orateur à la bouche d'or, ils sentent tout le prix de la science, ils l'ont étudiée 3 et ils s'en servent pour expliquer et commenter la parole de Dieu. « Le premier des biens, s'écrie S. Grégoire de Nazianze, c'est la science; et je n'entends pas seulement la nôtre, cette noble science qui dédaigne les ornements et la pompe du langage pour ne s'attacher qu'au salut et à la beauté des biens spirituels; je parle aussi de la science profane, que tant de chrétiens, bien aveugles sans doute, rejettent comme pleine d'écueils et de dangers, comme éloignant de Dieu. Faut-il mépriser le ciel, la terre et l'air, parce qu'ils ont reçu un culte criminel d'hommes, qui, au lieu de Dieu, adoraient l'œuvre de Dieu?... Ne méprisons pas la science, parce qu'elle déplaît à quelques-uns, et regardons ses ennemis comme des grossiers et des ignorants. Ils voudraient que tout le monde leur ressemblât pour cacher leur ignorance dans celle des autres... N'avoir que les mœurs ou la science toute seule, c'est n'avoir qu'un œil.

Mais ceux qui brillent dans les deux à la fois, véritables ambidextres, ceux-là sont les parfaits, et, dès ici-bas, jouissent de la béatitude de l'autre vie 1. »

S. Grégoire de Nazianze…
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Message  Louis Mer 14 Fév 2018, 7:32 am

IV. — LES  PÈRES CAPPADOCIENS ET LEURS  IMITATEURS.   (pp.62-64) [SUITE]

S. Grégoire de Nazianze (328 - vers 389) n'a touché à la création qu'en passant, dans ses discours et dans ses poésies. Dans la pièce intitulée Du monde, il considère surtout l'acte créateur au point de vue dogmatique et théologique. Il l'entend de la même manière que ses deux amis 2.

Dans un de ses discours il s'exprime de la manière suivante sur la lumière :

« Quand Dieu voulut produire ce monde, composé de choses visibles et de choses invisibles, ce monde qui est comme le héraut de son admirable grandeur, il ne donna point à ce qui est éternel d'autre lumière que lui-même, car comment ce qui jouit de la source même de la lumière aurait-il eu besoin de ses reflets? C'est pour les êtres inférieurs et pour ce qui nous entoure qu'il fit briller pour la première fois cette lumière. Il convenait à cette grande lumière de commencer son œuvre par la [création de la] lumière, pour dissiper les ténèbres, la confusion et le désordre qui régnaient partout. Mais il ne créa pas d'abord, à mon avis, la lumière organique et solaire; il créa une lumière incorporelle, non solaire 1, qu'il ne donna que plus tard au soleil pour éclairer le monde, tandis que pour les autres choses il créa la matière d'abord et les revêtit seulement ensuite de leur forme, leur attribuant leur place, leur figure et leurs dimensions; ici, pour faire une merveille plus admirable, il créa la forme avant la matière, car la lumière est la forme du soleil, puis il fabriqua la matière, c'est-à-dire le soleil, qui est l'œil du jour. Ainsi on compte parmi les jours une première chose, une seconde, une troisième, et ainsi de suite, jusqu'au septième jour et à la cessation des œuvres [divines]; par là, ce qui est fait, réglé et ordonné par des paroles ineffables, est distingué et divisé; produit, non pas tout à la fois2, par le Verbe tout-puissant, à qui il suffit d'une pensée ou d'un mot pour que l'œuvre [qu'il va accomplir] soit exécutée 3. »

S, Grégoire de Nazianze n'expose cependant nulle part dans ses écrits, avec détails, la façon dont il comprenait le premier chapitre de la Genèse. En revanche, son ami S. Basile…
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Message  Louis Jeu 15 Fév 2018, 6:38 am

IV. — LES  PÈRES CAPPADOCIENS ET LEURS  IMITATEURS.   (pp.64-67) [SUITE]

S, Grégoire de Nazianze n'expose cependant nulle part dans ses écrits, avec détails, la façon dont il comprenait le premier chapitre de la Genèse. En revanche, son ami S. Basile a étudié longuement l'œuvre des six jours.

L'Hexaméron de S. Basile (329-379) est l'œuvre la plus connue que l'antiquité ait produite en ce genre 1. S. Ambroise, en expliquant lui-même aux fidèles de Milan l'œuvre créatrice, ne dédaigna pas d'en faire le plus grand usage, et se borna même souvent à traduire son devancier, « avec lequel il avait été uni de cœur, quoique éloigné par la distance 2. » L'œuvre de l'évêque de Césarée exerça également une grande influence sur tous les autres commentateurs qui vinrent après lui 3.

Elle se compose de neuf homélies qui sont tout à la fois exégétiques et pratiques, unissant les leçons morales à l'explication du texte sacré et le mérite du style à l'étendue de la science et à la sûreté de la doctrine. Toutes ces qualités, et, en particulier, les belles descriptions dont elles sont remplies 1 et qui font penser au Traité de l'existence de Dieu, de Fénelon, leur ont assuré, dans tous les temps, un grand nombre de lecteurs.

Césarée, où prêchait S. Basile, était la métropole des arts et des lettres, dit S. Grégoire de Nazianze 2. La question de l'origine des choses, en particulier, y passionnait les esprits, à cause des progrès du manichéisme et à cause aussi des attaques de l'empereur Julien qui, dans sa défense du paganisme, prétendait montrer la supériorité de la cosmogonie de Platon sur celle de Moïse 1.

Dès le commencement de l'Hexaméron de S. Basile, nous trouvons une sorte de conciliation de l'opinion alexandrine de la création simultanée avec l'opinion syrienne de la distinction des six jours cosmogoniques : Dieu a créé au commencement, d'un seul coup, la matière première, et il a ensuite, selon l'ordre des jours cosmogoniques, fait apparaître successivement la lumière, les plantes, les astres et les animaux. La création simultanée de la matière est clairement indiquée dans le passage suivant 2 :

« C'est sans doute 3 parce que l'œuvre de la création a été accomplie en un instant et sans temps 4, dit-il, qu'il est écrit : Au commencement (Dieu) créa, parce que le commencement est quelque chose d'indivisible et sans dimensions. De même que le commencement du chemin n'est pas le chemin lui-même, ni le commencement de la maison la maison même, de même le commencement du temps n'est pas le temps ni une partie minime du temps. Et si quelque esprit difficile prétend que le commencement est un temps, je lui répondrai qu'il doit savoir que le temps se divise en diverses parties, le commencement, le milieu et la fin, et qu'il serait ridicule de distinguer le commencement du commencement. Celui qui divise le commencement en fait deux au lieu d'un, ou plutôt un nombre indéfini, car il pourra continuer sa division sans jamais s'arrêter. C'est donc pour nous apprendre que le monde a été créé tout à la fois, sans temps 1, par la volonté de Dieu, qu'il est dit : Au commencement il créa. C'est ce que d'autres traducteurs, rendant plus clairement le sens, ont exprimé ainsi : Dieu créa sommairement, c'est-à-dire, tout à la fois et brièvement 2.

Un peu plus loin, le saint docteur expliquant les mots : …

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