FLEURS DE NOS FORÊTS - Physionomie de plusieurs enfants de nos sauvages du Canada - Par N.-E. Dionne - 1904.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 5:35 pm



En 1638, Andehoua et son petit condiciple Teouatirhon formaient seuls le personnel du séminaire, les autres étaient retournés dans leur pays, pour des raisons tellement graves, que le gouverneur avait lui-même demandé ce départ dans l'intérêt de la communauté. L'hiver précédent s'était passé au milieu des plus grandes perplexités, les Hurons ayant comploté, disait la rumeur, le massacre général des Français résidant dans leur pays. Cette nouvelle avait été apportée à Québec par des sauvages nomades. Voulant savoir au juste à quoi s'en tenir, Montmagny chargea, au petit printemps, Andehoua et Teouatirhon de monter au pays des Hurons, afin de rassurer leurs congénères des bonnes dispositions de tous les Français à leur égard.

Un Jésuite, un Français, quelques Algonquins, les deux séminaristes se mirent donc en route pour l'ouest. Un jour que la flottille doublait une pointe où les eaux tourbillonnaient avec fracas, le canot d'Andehoua fut renversé, et celui-ci disparut dans le flot. Vainement fit-il des efforts pour se maintenir à la surface des eaux. Le moment vint où Andehoua crut qu'il allait être englouti, lorsqu'il eut l'inspiration de demander au ciel du secours dans une courte mais fervente prière. Il se sentit aussitôt comme soulevé de dessus le caillou où il s'était accroché, puis arrivé au milieu de l'eau, il put saisir quelques broussailles qui l'aidèrent à gagner le rivage sain et sauf.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 5:36 pm



Rendu dans son pays, Andehoua se retira chez ses parents, où il ne cessa pas de témoigner par ses paroles et ses exemples de sa foi vigilante et de ses hautes vertus. L'amour de la religion l'avait rendu courageux comme un lion. Les gens l'écoutaient toujours avec intérêt, et, qui plus est, suivaient ses conseils. " En vérité, s'écrie le Père Le Jeune, nous sommes dans l'étonnement et dans les bénédictions de Dieu, voyant ce que nous n'osions attendre d'une plante née au milieu de la barbarie et si nouvellement entrée dans l'Église de Dieu."

Les prédications du jeune Andehoua et les heureux résultats qui s'ensuivirent, engagèrent les Jésuites à le retenir au milieu des tribus huronnes. Il valait mieux encore que le séminaire fût privé de cet élève, et que le catholicisme prit, grâce à lui, de l'extension au sein de ces peuplades si bien disposées à recevoir la semence évangélique. Andehoua passa quatre ans en contact journalier avec l'infidélité et la barbarie, sans apporter la plus légère souillure à sa robe d'innocence. La Providence le protégea visiblement en plusieurs occasions où sa vie fut exposée aux plus grands périls. Ce fut sans doute la récompense du bien qu'il opérait autour de lui, en travaillant à l'œuvre civilisatrice et religieuse en commun avec les héroïques missionnaires, pour plusieurs desquels l'heure du martyre allait bientôt sonner.

Après la dispersion de ses compatriotes, Andehoua suivit le groupe qui vint s'installer à Québec. Lui-même choisit pour s'y établir l'île d'Orléans qui, en 1648, donna l'hospitalité à un bon nombre de ces malheureux exilés. Là, comme ailleurs, Andehoua, devenu homme et marié, fut un sujet d'édification générale. Pas un n'était plus assidu aux offices de la congrégation de la sainte Vierge fondée en l'île. " Tous les jours, écrit le Père Le Mercier, alors supérieur des missions de la Nouvelle-France, Andehoua entendait deux messes, quelque rigueur du froid qu'il fit au plus fort de l'hiver ; il les entendait, les mains jointes, les deux genoux tout nus en terre, dans un respect de dévotion qui n'avait rien de sauvage. Ses prières finies, il allait en son champ, soit pour abattre la forêt voisine, soit pour brûler les arbres et rendre la terre labourable, qui est un travail pénible. Le peu de repos qu'il prenait de temps en temps, il l'employait à dire son chapelet, souvent cinq et six en un jour."

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 5:36 pm



Etant tombé malade, Andehoua demanda et obtint son admission dans les salles de l' Hôtel-Dieu de Québec, afin d'y recevoir les secours temporels qu'il lui eût été impossible de se procurer chez lui. Sa maladie, peu grave au début, n'inspirait aucune crainte. Cependant, trois jours après son entrée, il demanda un Jésuite qu'il connaissait depuis longtemps. " Il faut, mon père, lui dit-il, que tu me disposes à mourir. Confesse-moi, car je sens bien que le temps en approche." Andehoua se confessa à loisir et avec la plus sincère componction. " Oui, mon frère, disait-il, je crois. Jésus, qui voit mon cœur, voit bien que je suis fâché de ne l'avoir pas servi fidèlement. Il m'a fait bien des grâces, mais celle-ci est la plus grande que je me vois mourir en chrétien ; je ne regrette point la vie, et je ne crains point la mort, puisque Jésus aura pitié de moi."

Andehoua expira peu de temps après, muni du sacrement des mourants. Il n'était âgé que de trente-six ans. Félicité, sa veuve, conçut un profond chagrin de cette perte inattendue. Mais elle trouva dans sa foi, qui n'était pas moins grande que celle de son mari, des consolations suffisantes pour lui faire supporter cette terrible épreuve avec une admirable résignation. De crainte de prévariquer, elle préféra rester où elle était, plutôt que de se rendre chez les Iroquois, où elle avait un frère naturalisé, pour qui elle avait toujours eu la plus tendre affection. Répondant à un Jésuite, qui lui faisait des remontrances au sujet de ce départ que la nature l'invitait à entreprendre, elle répondit : "Est-il vrai que pour aimer Jésus il faille demeurer ici ? La nature a beau dire, mon cœur a beau le désirer, mes yeux ne verront point ce frère que j'ai tant souhaité. " Puis, fondant en larmes, elle ajoutait : " Non, non, mon voyage ne se fera point quoique j'en dusse être au mourir." Sur ce, elle perdit connaissance et ne recouvra ses sens qu'au bout de vingt-quatre heures.

Telle fut la foi de cette chrétienne, foi robuste qui lui permit de faire un sacrifice presque surhumain. Qu'on cherche ailleurs que dans l'Église catholique des exemples d'un pareil dévouement à sa religion ?

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:23 pm


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https://archive.org/stream/serviteursetserv00dion#page/272/mode/2up

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CÉCILE GANNENDARIS

HURONNE DE SILLERY


CÉCILE GANNENDARIS était huronne de naissance. De bonne heure elle avait su profiter des leçons des Jésuites, et elle se fit chrétienne avant son mari. Celui-ci mourut jeune, lui laissant quelques orphelins, qu'elle éleva avec le plus grand soin, suivant la promesse qu'elle en avait faite au mourant. " Ne pleurez point, disait-elle à son mari, nos enfants ne demeureront pas sans père après votre mort. Les Pères qui nous instruisent, leur serviront de père, tandis que nos enfants seront bons chrétiens, et je prendrai tous les soins possibles pour faire qu'ils le deviennent," La Providence ne l'abandonna point dans sa détresse, et elle sut la récompenser dans ses enfants même, et dans un second mariage, qui fut des plus heureux. Quatre de ses enfants moururent assez jeunes avec toutes les marques de la prédestination.

Cécile était non seulement une femme pieuse, chaste, mais elle était douée de cette qualité rare de pouvoir exercer tout le zèle d'un apôtre auprès des gens de sa tribu sans provoquer ni jalousie ni récrimination. Elle avait, en outre, pour spécialité de préparer à la mort toutes les personnes malades, quels que fussent leur âge ou leur condition. Son premier mari était mort comme un saint, grâce à ses efforts ; elle l'avait préparé à cet acte suprême avec une attention toute particulière. Ses enfants aussi quittèrent le monde, non sans avoir au préalable reçu de leur mère les mêmes égards. Elle les faisait prier, et quand le mal empirait, elle prononçait avec eux les noms de Jésus et de Marie, et les exhortait à la résignation en des discours dignes d'un confesseur.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:23 pm



La famille de Cécile résidait à Sillery, dans cette mission fondée par les jésuites en 1637, et qui devint, par leurs nobles efforts, une pépinière de fervents chrétiens. Notre héroïne se distinguait entre tous par sa piété, sa ferveur et sa constance à semer le bien autour de sa personne. Les Jésuites ne négligeaient pas d'avoir recours à son zèle, lorsqu'il s'agissait d'instruire quelque Huron infidèle. En peu de jours elle réussissait à les préparer au baptême. Si quelque sauvage récalcitrant ne voulait pas démordre de sa superstition, elle le prenait à parti, et elle parvenait vite à lui en démontrer le ridicule et la sauvagerie. Les missionnaires eux-mêmes se faisaient donner par Cécile des leçons de langue, ce à quoi elle réussissait parfaitement. Ses compatriotes venaient la consulter dans leurs doutes sur leur conduite et sur des sujets religieux. C'était, pour elle, l'affaire d'un instant que d'élucider les côtés obscurs de leur nouvelle croyance. Bref, elle était le bras droit des missionnaires, et les services qu'elle leur rendit furent incalculables.

Le second mariage de Cécile ne fut pas aussi heureux au début que le premier. Son mari se livrait à des débauches qui lui causaient de profonds chagrins. Il va sans dire qu'elle s'employa de son mieux pour mettre un terme à des désordres qui offensaient Dieu et compromettaient gravement le salut d'une âme bien chère. A force de prières et de remontrances, elle obtint de Dieu que ce mari aux mœurs mauvaises se convertit un jour. Elle en fit un excellent chrétien, un des meilleurs de la colonie de Sillery, au dire des Jésuites. Il avouait lui-même que jamais il ne se trouva plus éclairé sur les mystères de notre religion, après une exhortation que Cécile lui adressa un jour qu'elle venait de recevoir la visite, dans sa pauvre cabane, de Mgr de Laval.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:24 pm



" Mon mari, lui avait-elle dit, quel moyen de douter de la vérité et de la bonté d'une religion qui enseigne et qui commande à ceux qui la suivent, quoiqu'ils soient nobles, riches et puissants, de s'abaisser jusqu'à venir consoler une misérable créature comme moi, dans une aussi pauvre cabane que la nôtre ? Pourquoi ce grand et saint prélat prendrait-il la peine de m'apporter lui-même en personne ce qu'il a de meilleur, s'il n'était assuré de la récompense que Dieu promet à ceux qui secourent les misérables ? Non, non, je ne saurais douter de ce que nous disent nos Pères de la bonne réception qu'on fait aux chrétiens dans le ciel, après avoir vu la charité qu'exerce envers moi une personne de cette qualité et de ce rang, qui ne m'avait jamais vue, à qui je n'appartiens point, et qui m'a fait tant de bien, que je ne saurais le reconnaître."

Cécile Gannendaris détestait le péché comme le plus grand de tous les maux. Aussi se montrait-elle sévère et inflexible auprès de ses enfants, quand il leur arrivait de tomber en faute. Non seulement elle les réprimandait, mais elle les châtiait au besoin. Elle répondait aux cris et aux larmes en disant : " Ah ! mon enfant, comment supporterais-tu les étranges supplices des démons, puisque tu ne peux supporter une si légère punition ? Garde-toi bien de retomber en cette faute pour laquelle je viens de te châtier, de peur que tu ne sois condamné à des peines qui ne finissent jamais."

Durant l'été de 1668, Cécile tomba malade, et on dut la transporter de Sillery à l'Hôtel-Dieu de Québec. La paralysie qui l'avait frappée et avait immobilisé la moitié de son corps, gagna peu à peu du terrain et finit par envahir l'autre moitié. Elle souffrait beaucoup, mais elle ne se plaignait pas. Mgr de Laval et d'autres personnages influents lui prodiguèrent leurs visites et leurs secours. Elle trouvait moyen d'édifier tous ces visiteurs par les discours qu'elle tenait. Sa crainte des feux du purgatoire était si extraordinaire, qu'elle en conversait avec tout le monde, demandant ensuite le secours des prières pour la délivrer au plus tôt de la prison de flammes dont elle se croyait menacée.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:25 pm



Peu de jours avant sa mort, Cécile confia à son confesseur que, durant la nuit, quelqu'un l'avait appelée par son nom de Gannendaris, mais d'une voix si douce et si agréable qu'elle n'en pouvait exprimer le charme : " O la belle voix, disait-elle, ô que mon nom semble bien prononcé par une telle bouche ! ô que ne puis-je encore une fois m'entendre appeler ! ô que cette langue parle mélodieusement ?" — "Mais, reprit le Père, qu'a dit cette voix ?" Cécile lui répondit : " Elle n'a dit que ce mot : Gannendaris ; et je pense que c'est la voix de ma fille, qui mourut l'année passée et qui vint aussi appeler son petit frère quelques jours avant qu'il mourût."

Avant de mourir, Cécile laissa tout son avoir à la confrérie de la Sainte-Famille dont elle était membre : c'était un superbe collier composé de six mille grains de porcelaine noire, que les sauvages regardaient comme chose précieuse.

Cécile passa de vie à trépas le 6 février 1669, après huit mois de maladie. Mgr de Laval donna aussitôt l'ordre de sonner toutes les cloches de sa cathédrale. Le lendemain eut lieu un service solennel à la paroisse. Le capitaine des Hurons de Sillery rassembla les gens de sa nation, et ils dirent le chapelet en commun pour le repos de l'âme de celle qui les avait édifiés depuis si longtemps. Un mois plus tard, un des frères de la défunte fit un festin, au cours duquel il offrit un collier de porcelaine aux anciens de la tribu, afin de renouveler la mémoire de Gannendaris et faire prier Dieu pour son âme. Ce collier devait être placé dans un endroit où ils plaçaient ce qu'ils possédaient en commun. De cette façon, on ne perdrait jamais le souvenir de l'illustre Huronne. "Cette façon de piété, rapporte la Relation des Jésuites, est belle en des sauvages, et des plus remarquables qu'on leur ait vu faire en faveur de leurs morts."

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:47 pm


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https://archive.org/stream/serviteursetserv00dion#page/276/mode/2up

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NOËL NEGABAMAT

CHEF ALGONQUIN


AUSSI bien connu sous le nom de Tecouerimat, Negabamat, appelé Trégatin par les Français, appartenait à la grande famille algonquine. Il était venu, vers l'année 1637, avec plusieurs de sa nation, se fixer dans les environs de Québec. C'est aussi à cette époque que les Jésuites fondèrent une résidence ou mission à Sillery, sur un terrain qui leur avait été donné par François de Ré, sieur Gand, premier commis de la Compagnie de la Nouvelle- France. Leur but, dans cette fondation, était de grouper les sauvages errants, et de les fixer définitivement sur des terres qu'ils pourraient cultiver de leurs mains. Negabamat fut un des premiers à répondre à l'appel des missionnaires, et il s'établit avec sa famille à Sillery.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:47 pm



Negabamat se montra très docile aux enseignements de la religion, et il reçut le baptême avec sa femme et son fils aîné, le jourde l'Immaculée-Conception de l'année 1638. Son parrain, M. Gand, comme on l'appelait le plus souvent, lui donna le nom de Noël. Sa femme fut nommée Marie et son fils, Charles. Les bonnes dispositions du nouveau chrétien eurent bientôt l'occasion de se faire jour. Tout d'abord il rencontra des gens de sa nation, qui essayèrent de lui démontrer que les Français ne cherchaient que la ruine du pays et la mort des sauvages. Malheureusement, et comme pour confirmer ces dires, son fils aîné mourut, quelque temps après son baptême, des suites d'une fluxion de poitrine. Negabamat resta néanmoins ferme dans sa foi, et se montra de plus en plus l'ami sincère des Français. " Nikanis, ainsi appelait-t-il le Père Le Jeune, tu diras à notre gouverneur, que je le remercie de ce qu'il a visité mon fils durant sa maladie, et tu l'assureras que mon cœur est tout libre, et que je me souviens bien de la parole que j'ai donnée à Dieu de le servir toute ma vie. Je ne suis pas un enfant pour la révoquer ; je le prierai toujours, c'est lui qui dispose de nos vies, nous n'en sommes pas les maîtres." Et, ajoute le Père Le Jeune, ces paroles consolèrent grandement monsieur le chevalier de Montmagny, que je nommerais volontiers le chevalier du Saint-Esprit, tant je le vois porté aux actions saintes et courageuses, et rempli de l'esprit de Dieu.

Quelque temps après, Negabamat faillit perdre sa femme, atteinte de la petite vérole, et lui-même ne fut pas épargné. Aussitôt qu'il se sentit malade, il dit au Père Le Jeune : "Nikanis, je m'en vais à la mort aussi bien que les autres. Souviens-toi de tenir ta parole, et d'avoir pitié de nos enfants après notre mort. Tu sais que plusieurs sauvages croient que vous êtes les auteurs des maladies qui nous font mourir ; sois assuré que ceux qui ont la foi n'ont point ces pensées..."

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:48 pm



Quand la petite vérole eut terminé ses ravages au sein de la mission de Sillery, les Algonquins convoquèrent plusieurs de leur nation pour les engager à embrasser le catholicisme. Trois chefs haranguèrent l'assemblée, entre autres Negabamat, dont le discours modéré et sensé produisit la meilleure impression. "L'expérience nous apprend, dit-il, que monsieur le gouverneur, les pères et tous les français nous aiment. Vous voyez qu'ils ne secourent pas seulement ceux qui sont baptisés, ils nous aident tous à cultiver la terre et à nous loger, ils nous soulagent en nos maladies, ils subviennent à nos disettes, sans nous rien demander, ni sans attendre de nous aucune récompense. Vous approuvez toutes ces bonnes actions, vous dites tous : cela est bien, ces gens-là nous aiment. Mais sachez que si ce qu'ils font est bon, ce qu'ils enseignent est encore meilleur : ils ne disent pas qu'ils iront tout seuls au ciel, ils disent que nous sommes tous frères, que nous n'avons qu'un même Père, que les plaisirs de l'autre vie sont aussi bien pour nous que pour eux. Vous savez ce qu'ils enseignent, vous les entendez tous les jours. Il me semble que nous devrions nous unir tous d'une même croyance, puisque nous voulons nous rassembler dans une même bourgade."

Dès que les religieuses ursulines furent installées tant bien que mal dans leur pauvre cabane de la basse-ville, Negabamat leur amena l'une de ses petites filles, afin de la faire instruire. Madame de la Peltrie l'habilla à la française et résolut de la garder au couvent. Mais au bout de quelques jours, l'enfant disait à ses petites compagnes : "Je suis triste ; je n'entends plus les oiseaux de Sillery ; je ne puis plus courir sur nos rochers, ni jouer avec les écureuils ; je vais donc mourir ici." Un bonjour l'enfant disparut et s'envola chez ses parents. Negabamat la réprimanda sévèrement : " Ma fille, lui dit-il, est-ce moi qui t'ai permis de quitter les filles vierges ? Va, ingrate, retourne à la maison de Jésus ; tu ne resteras pas ici." L'enfant dut reprendre le chemin du couvent, mais au lieu de s'y en aller directement, elle s'amusa à jouer sur la grève de Sillery. Le Père Le Jeune, l'ayant aperçue, courut à elle et fit mine de vouloir la jeter à l'eau. "Père, s'écria-t-elle dans son effarement, laisse-moi aller, tu verras que je serai toujours obéissante." Le lendemain, Negabamat la conduisit à Québec, et les religieuses l'accueillirent à bras ouverts. Marie Negabamat ne chercha plus à déserter, et sept ans après, elle contractait un heureux mariage.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:49 pm



Negabamat montra beaucoup d'affection et d'attachement aux religieuses ursulines et hospitalières. Il estimait les Jésuites, et en particulier le Père Le Jeune, qui semble avoir été et son ami et son confident. Un jour le Père arrivait d'Europe. A Québec, on avait appris son prochain retour par le premier navire venu de France. Comme il y avait aussi deux religieuses ursulines qui étaient attendues. Madame de la Peltrie résolut de se rendre au-devant d'elles à Tadoussac. Negabamat l'accompagna pour revoir le Père. Ce fut une grande joie pour les deux que de se revoir après une aussi longue absence. " Je suis descendu exprès de Québec pour te voir, lui dit l'Algonquin tout rayonnant ; avant appris des premiers vaisseaux que tu devais retourner, je me suis mis en chemin pour te voir le premier ; nous avons tous prié pour ton voyage, nous disions à Celui qui a tout fait : conserve notre Père, ouvre les oreilles de ceux à qui il doit parler en son pays et dirige ses paroles afin qu'elles aillent tout droit, et que pas une ne soit perdue. C'est lui qui t'a conduit, c'est lui qui t'a ramené, c'est lui qui a calmé la mer. O que nous sommes contents de ce que tu parais encore une fois en notre pays ! ''

En 1645, il fut conclu un traité de paix entre les Français, les Algonquins, les Hurons, les Montagnais et les Poissons-Blancs ou Atticamègues d'une part, et la grande Confédération iroquoise de l'autre. Negabamat prononça à cette occasion solennelle un grand discours, qui dénotait chez lui un bon fonds d'intelligence et de fortes ressources diplomatiques.

En 1650, Negabamat accompagnait le Père Druillettes chez les Abénaquis de la Nouvelle-Angleterre, dans l'intérêt de la paix.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:50 pm



L'année suivante, le Père Le Jeune étant retourné en France, Negabamat lui écrivit une longue lettre dont quelques passages méritent d'être reproduits :

" Père Le Jeune, tu es mon père et mon ami entièrement. Je te dis que je garderai toujours la foi et la prière, je n'oublierai jamais ce que tu m'as enseigné... Je te dis encore que je voulais aller en France pour te voir, mais on m'en a empêché... Je compte tous les hivers depuis ton absence, nous allons entrer dans le troisième, c'est assez ; retourne, je te prie, en notre pays, viens voir tes anciens amis et tes enfants spirituels. Je t'envoie une robe pour te couvrir, afin que tu n'aies point de froid dans le vaisseau, quand tu reviendras... Prie Dieu pour moi, pour ma femme et pour mes enfants ; j'en ai encore trois, un garçon de six ans, une fille de quatre ans et un petit fils au maillot. Souvent nous parlons de toi au Père de Quen, qui est maintenant notre Père, il nous parle aussi de toi fort souvent, il a grandement désir de te voir. Nous prions Celui qui a tout fait, pour toi et pour ceux qui nous assistent, et qui ont pitié de nous. Ma consolation est, que si je ne te vois plus en terre, je te verrai au ciel. C'est Noël Tekouerimat qui t'écrit."

Vers ce temps-là Negabamat accompagnait de nouveau le Père Druillettes dans un voyage de négociations auprès des Anglais de la Nouvelle-Angleterre. Ils allèrent ensemble à Plymouth, à Boston, demander du secours contre les Iroquois, qui opprimaient les Abénaquis. Leur mission fut infructueuse, malgré toute la peine qu'ils se donnèrent pour obtenir une alliance.

Lorsque le Marquis de Tracy vint à Québec en 1665, les sauvages des diverses nations du Canada vinrent officiellement le saluer et lui offrir des présents de leur façon. Negabamat fit sa harangue au nom des Algonquins, avec un accompagnement de neuf cadeaux diflférents. Pour le dernier il fit venir auprès du noble représentant du Roi tous les chefs de sa nation, et il les offrit tous pour prendre part à la formidable expédition que le marquis projetait pour terrasser les Iroquois.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:51 pm



Noël Negabamat mourut, le 19 mars 1666, dans les sentiments de la plus grande ferveur. La Relation en fait un bel éloge : " C'était un capitaine qui s'était acquis par son esprit, par sa conduite et par son éloquence naturelle, toute l'autorité parmi ceux de sa nation et la première place dans leurs conseils. Il s'en est toujours servi depuis 40 ans, qu'il était attaché aux Français, à engager tous les siens dans leurs intérêts, et encore plus à les porter tous à la véritable religion, qu'il avait embrassée. Toutes les plus rudes épreuves dont il a plu à Dieu d'épurer sa foi, n'ébranlèrent jamais sa constance, et bien loin d'être tenté d'infidélité comme beaucoup d'autres par les différents malheurs qui lui arrivèrent depuis sa conversion, il en remercia toujours Celui qui les lui envoyait comme d'autant de marques de sa bonté particulière. Il ne se contenta pas de porter tous ses proches à suivre la croix de Jésus-Christ comme lui, mais il voulut même les exhorter à la faire honorer des autres peuples, et quelques-uns d'entre eux ont suivi l'exemple qu'il leur donnait d'aller jusque dans les pays étrangers annoncer l'Evangile, et faire les fonctions de zélés prédicateurs. "

La mort de ce grand et vertueux capitaine algonquin laissa un vide immense au milieu des siens à Sillery. Ce ne fut que trois années plus tard qu'on se décida à lui choisir un successeur. Les parents du défunt, à qui incombait ce choix, nommèrent Negaskaiiat, capitaine de guerre de Tadoussac. On lui donna, à lui aussi, le nom de Tekoüerimat, afin de mieux conserver chez eux la coutume de ressusciter un capitaine.



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FLEURS DE NOS FORÊTS - Physionomie de plusieurs enfants de nos sauvages du Canada - Par N.-E. Dionne - 1904. - Page 2 Empty Re: FLEURS DE NOS FORÊTS - Physionomie de plusieurs enfants de nos sauvages du Canada - Par N.-E. Dionne - 1904.

Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:58 pm


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Madeleine Teotonharason

DE LA TRIBU DES ONONTAGUÉS

LA bourgade d'Onnontagué, sise au pays des Iroquois supérieurs, semblait donner aux missionnaires Jésuites les plus belles espérances de conversion. Depuis longtemps déjà la peuplade qui l'habitait s'était adressée aux autorités religieuses de Québec, pour envoyer chez elle des religieux qui instruiraient ses habitants dans la foi. Enfin les Jésuites se décidèrent, en 1655, de leur donner les Pères Chaumonot et Claude Dablon, deux hommes d'élite.

L'année suivante, trois autres Jésuites et trois Frères se rendaient dans la nouvelle mission où il y avait évidemment ample moisson à récolter ; les Onnontagués ouvraient leurs cœurs à l'Évangile avec une ardeur admirable. La Relation de 1657 est très explicite sur ce point.

"Deux Pères de notre Compagnie, qui ne quittent point la mission d'Onnontagué où la ferveur du christianisme est plus grande, reconnaissent dans les Onnontagheronnons une douceur de conversation et une civilité qui n'a presque rien de barbare. Les enfants y sont dociles, les femmes portées à la dévorion la plus tendre, les anciens affables et respectueux, les guerriers moins superbes qu'ils ne le paraissent. En général la complaisance que le peuple témoigne pour notre doctrine et nos pratiques ne nous fait pas espérer de petits progrès de notre sainte foi."

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:59 pm



Donc, le 19 septembre 1655, les Pères Chaumonot et Dablon quittaient Québec pour le pays des Iroquois. Ils y arrivèrent le 5 novembre, par la voie du Saint-Laurent et du lac Ontario. La réception des deux missionnaires fut aussi cordiale que solennelle. Le 14, qui était un dimanche, les Pères purent dire la messe dans un modeste oratoire, aménagé dans la cabane d'une femme notée par la noblesse de ses manières et l'abondance de ses biens. Cette femme s'appelait Teotonharason. Quelque temps auparavant, elle avait accompagné les ambassadeurs onnontagués, qui s'étaient rendus à Québec pour y traiter de la paix. Elle avait assisté chez les Ursulines aux examens des petites huronnes ; elle avait en outre visité les religieuses de l'Hôtel-Dieu, qui l'avaient accueillie avec ses compagnes de la meilleure grâce du monde. Teotonharason était revenue de son vovage avec la détermination bien arrêtée de se faire chrétienne. L'occasion ne devait pas tarder, puisqu'il n'y avait plus d'obstacle sur son chemin.

Elle se mit à étudier le catéchisme sous la direction des Jésuites, et sa belle intelligence lui permit d'apprendre en peu de temps les principales notions de la foi catholique. Dès ce moment, elle commença l'éducation de sa mère et de sa fille. Elle leur expliqua les mystères et les fit prier avec elle. Son zèle s'étendit à d'autres personnes qui montraient plus de dispositions à entrer dans le giron de l'Eglise.

Le 16 de novembre, eurent lieu dans l'oratoire si gracieusement préparé par Teotonharason, les deux premiers baptêmes d'Onnontagués. C'étaient deux petites filles, dont une reçut le nom de Marie-Madeleine, en considération de madame de la Peltrie ; l'autre était la fille de Teotonharason.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 6:59 pm



Le second dimanche de l'Avent eut lieu un troisième baptême ; celui de la grand'mère de notre héroïne. Elle était la doyenne de sa tribu par l'âge. Les plus anciens disaient, qu'étant encore enfants, ils l'avaient connue déjà vieille et toute ridée, de sorte que, d'après leur témoignage, elle dépassait cent ans. Dieu, sans doute, lui avait accordé la faveur d'une aussi longue vie pour la mettre en possession de la vie qui ne finira jamais. L'un des Pères lui ayant montré une image de Notre-Seigneur, elle en parut si ravie, qu'après l'avoir longtemps considérée en silence, elle s'écria tout à coup, en s'adressant à celui que représentait cette image : "Prends courage, ne m'abandonne pas ; donne-moi ton paradis après ma mort ; prends courage, ne nous quittons point."

La première baptisée de l'année 1656 fut Teotonharason elle-même. Elle s'était préparée à cette action solennelle de sa vie par la prière et par un dévouement sans borne à l'œuvre des missionnaires. Elle reçut le nom de Madeleine. Dieu l'avait mise à l'épreuve. Des Hurons malintentionnés avaient semé dans la bourgade de faux bruits contre la foi et les dogmes catholiques. De leur côté, des Onnontagués lui avaient prédit des malheurs sans nombre, si elle abandonnait le paganisme. "Aussitôt que tu feras partie des croyants, lui disaient-ils, tu seras attaquée de maladie, et toute ta famille sera accablée de misères. " Chose étrange, dans le même temps on lui apprit que sa mère, encore catéchumène, s'était rompu une jambe, la veille même du baptême de sa grand'mère. Et, pour comble de malheur ou de bonheur, un de ses petits-fils, âgé de douze ans, qui n'avait de sauvage que le nom, très pieux et sachant bien son catéchisme, fut saisi d'une fièvre lente qui le consumait à vue d'œil. Cette longue série de maux n'abattit pas le courage de Teotonharason. Quoique gisante sur son lit de douleurs, elle put prendre part aux offices célébrés dans sa cabane. L'enfant amaigri, décharné, ne laissait pas le missionnaire, lorsqu'il arrivait pour présider à quelque cérémonie du culte. Rien de plus touchant que cette foi naïve qu'aucun obstacle ne peut décourager ni faire chanceler !

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 7:00 pm



Ceux qui avaient prédit à Teotonharason les malheurs qui devaient fondre sur elle et sur sa famille, croyaient, en voyant leur réalisation, avoir trouvé un fort argument contre le catholicisme. Mais ils avaient compté sans la puissance de celui qui retire la santé, mais qui la restitue à qui il lui plaît et quand il lui plaît. Dieu nous envoie souvent des épreuves pour mieux nous faire comprendre et reconnaître sa puissance. Tel fut le cas de Teotonharason. On la considérait comme incurable. Elle-même attendait la mort d'une minute à l'autre. Les Pères, s'apercevant qu'elle déclinait visiblement, avaient fixé la date du 23 janvier pour la baptiser. La cérémonie eut lieu en effet ce jour-là. Aussitôt terminée, la malade commença à donner des signes d'amélioration. Le mieux se continua ainsi d'un jour à l'autre, jusqu'à ce que la guérison fût complète. Le sacrement avait eu pour effet de régénérer son corps aussi bien que son âme.

La guérison du fils de Teotonharason ne fut pas moins extraordinaire. Son mal empirant, il ne fut plus bientôt qu'un squelette ambulant. Cependant il assistait tous les soirs à la prière commune avec une dévotion qui paraissait sur toute sa personne. Au plus fort de sa maladie, et craignant que la mort ne fût pas lente à venir, l'un des missionnaires lui administra le batême. La fièvre le quitta sur l'heure, comme si elle eût peur de l'eau régénératrice. L'enfant continua à se bien porter, mieux même qu'avant sa maladie.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 7:01 pm



Teotonharason ne vécut pas longtemps après ces événements. Ses exemples portèrent des fruits de bénédiction et de salut, non seulement dans sa propre famille, mais encore chez les sauvages de sa nation. Bien que les Onnoutagués eussent montré de bonnes dispositions à l'égard des missionnaires, et que les anciens fussent très peu préjugés contre la religion du Christ, il restait toujours à lutter contre les mauvais garnements pour qui un changement de vie eût été difficile, et contre l'esprit du mal, très puissant auprès de ces nations. Les sauvages se rendirent au catéchisme, d'abord par curiosité, et puis par goût. Les enfants auxquels l'intelligence ne faisait pas défaut, apprenaient facilement les leçons des Pères, et touchés par la grâce, ils en venaient à aimer la prière et les exercices du culte. Bientôt, les Jésuites purent jouir du spectacle consolant d'une pieuse émulation pour le bien, de la part des mères et des enfants. L'homme, plus froid, se laissa aussi entraîner par le courant, et la petite église d'Onnontagué devint la joie de ses fondateurs.

Avant de prendre le chemin du ciel, Teotonharason eut le bonheur de voir la conversion de ses oncles et de ses tantes au déclin de leur vie. La Relation nous apprend que sa mort fut celle d'une sainte. Il n'y a pas à douter de ce grave témoignage, car cette femme avait, durant toute son existence, donné les plus beaux exemples de charité, de mortification, d'humihté et de patience. Ses prédications avaient produit autour d'elle un enthousiasme religieux, qui se fit sentir longtemps après elle, comme il arrive aux plus intrépides défenseurs de la foi. Ce fut une croyante dans toute l'acception du mot, et si les premiers missionnaires d'Onnontagué réussirent avec tant d'aise à implanter le drapeau du catholicisme sur ce canton iroquois, c'est à cette héroïne qu'ils purent attribuer la plus large part des heureux résultats de leurs apostoliques labeurs.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 7:11 pm


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CATHERINE GAUDIAKTEUA

DE LA NATION DES ÉRlÉS


GAUDIAKTEUA appartenait à la tribu des Ériés ou du Chat ; elle avait grandi au milieu des siens et vécu de leur vie ordinaire, tout en conservant sa robe d'innocence au milieu de ces infidèles. Les Iroquois, qui étaient la terreur de toutes les nations américaines, envahirent un jour la bourgade de Gentajeton, où demeurait la famille de Gaudiakteüa, et emmenèrent en captivité tous les Eriés qui leur tombèrent sous la main. Notre héroïne était de ce nombre. Transportée au milieu de cet élément malsain, Gaudiakteüa n'en persista pas moins dans ses bonnes dispositions, et elle contracta bientôt mariage avec un Onneiout.

Au premier appel des missionnaires jésuites, Gaudiakteüa et son mari demandèrent la grâce du baptême. Elle prit le nom de Catherine, et son mari, connu sous le nom de Tonsahoten, prit saint François Xavier pour patron : tous deux, par conséquent, pouvaient marcher et se maintenir fermes dans la voie droite, sans crainte de reproches, car il y avait tant d'exemples où l'un des conjoints, surtout le mari, ne voulant pas consentir à se faire chrétien, suscitait des troubles dans le ménage.

En l'année 1666, les Iroquois, terrorisés à la suite des expéditions du marquis de Tracy dans leur pays, s'en étaient venus à Québec pour solliciter la paix. Afin de donner des preuves de leur bonne foi, ils demandèrent qu'on envoyât chez eux des missionnaires. M. de Tracy leur représenta qu'il pouvait facilement ruiner leur pays, mais qu'il préférait, pour le moment, les engager à se rendre à la voix des missionnaires qu'il leur fournirait, suivant leur désir.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 7:12 pm



Les Pères Frémin et Pierron furent donc envoyés chez les Agniers, et le Père Bruyas chez les Onneiouts. Ce dernier y arriva au mois de septembre 1667 pour jeter les fondations d'un nouveau foyer de christianisation. Les Onneiouts n'étaient pas puissants par le nombre, mais ils étaient orgueilleux et d'une violence proverbiale. Les travaux du Père Bruyas ne furent pas inutiles. En quatre mois, il put baptiser cinquante-deux enfants ; quant aux adultes, il lui fallut procéder avec le plus grand discernement, vu le danger d'en faire des apostats plutôt que des chrétiens fermes dans leur foi.

Le jour même de son arrivée à Onneiout, le Père Bruyas déclara publiquement le but de sa mission : sauver des âmes. Gaudiakteüa, qui était présente, se sentit intérieurement touchée de la grâce, et si vivement sollicitée de fuir le mal et de pratiquer le bien, afin de parvenir au bonheur suprême, qu'elle résolut aussitôt de s'employer tout entière à l'œuvre de son salut. Sa constance, sous ce rapport, ne se démentit jamais, bien qu'elle rencontrât sur son chemin des obstacles qui auraient découragé des âmes moins bien pourvues des dons surnaturels. D'abord son extrême pudeur gênait ses relations avec le missionnaire ; elle n'aurait pas voulu pour tout au monde qu'on la surprît en tête-à-tête avec lui. Vainement avait-elle prié plusieurs de ses amies d'assister à une entrevue, dont elle augurait le plus grand bien. D'un autre côté, son mari lui avait annoncé qu'il partirait bientôt pour la pêche, et qu'elle serait obligée de le suivre. Il lui fallut donc attendre le secours de la Providence pour parvenir à son pieux dessein.

Un jour que Gaudiakteüa assistait à une solennité publique avec plusieurs autres chrétiennes, le Père Bruyas comprit, à la manière dont elle priait, qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire dans le cœur de cette jeune femme. Aussi prit-il occasion de lui parler en particulier et de l'encourager au bien. Depuis lors, Catherine ne se lassa plus de courir à la chapelle, chaque fois que ses maîtres, — car elle était esclave — , lui en donnaient la permission. Elle reçut, en outre, des leçons du missionnaire, qui lui apprit ses prières et lui expliqua les mystères de la foi chrétienne. Elle se mit au courant de la religion catholique, mais elle s'aperçut bientôt qu'il lui serait bien difficile de la pratiquer au milieu de ces barbares corrompus et démoralisés.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 7:14 pm



Gaudiakteüa résolut donc de quitter le pays des Onneiouts à la première occasion favorable. Après avoir recommandé à Dieu son projet de fuite, elle s'en ouvrit à sa mère, à son beau-père et à son mari, et elle agit avec tant de prudence et d'habileté, qu'elle les décida tous, ainsi que plusieurs de leurs voisins, de se rendre à Québec pour y rencontrer Mgr de Laval et lui demander la grâce du saint baptême. Ce pieux projet réussit à merveille. Le petit groupe se rendit à Québec. L'évêque les baptisa tous, après leur avoir donné le temps de s'intruire sur les mystères de la religion. Puis ces braves néophytes retournèrent à Onneiout, remplis de courage et charmés de leur promenade. Ils emportaient avec eux la bénédiction du vénérable Prélat et le souvenir des fêtes que l'on avait préparées en leur honneur.

Catherine Gaudiakteûa retourna toute radieuse, fortifiée dans sa foi, prête même à donner son sang pour la protéger et la défendre. La Providence voulut que ce cœur d'apôtre s'embrasât, au point d'en faire comme un foyer lumineux, qui devait éclairer toute la tribu des Onneiouts. Elle ne cessait pas de faire de la propagande, et elle attirait à la vérité des Iroquois que son exemple et sa parole inspirée touchaient. Afin de rendre ses labeurs apostoliques encore plus efficaces, elle persuada à ses parents et amis et à d'autres convertis d'aller vivre à la Prairie de la Madeleine, où les Jésuites préparaient, depuis quelques mois, un nouvel établissement. Elle s'y rendit en effet, avec ceux qui avaient été baptisés en même temps qu'elle, au nombre de douze, et donna naissance à la Mission de la Prairie qui plus tard devint très florissante. Les débuts de cette petite chrétienté furent bien humbles, et même il fallut deux ou trois ans pour qu'elle offrit aux missionnaires quelque espoir de succès. Mais bientôt après, deux cents Iroquois vinrent grossir le noyau primitif, et le frêle arbuste devint un grand arbre.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 7:14 pm



Catherine était l'âme de la mission par l'exemple de ses hautes vertus et de son dévouement à l'église. Comme la bonne sainte Anne, elle avait partagé ses biens temporels en trois parts: elle en avait destiné une pour l'église, l'autre pour les pauvres, et la troisième pour l'entretien de sa famille. Jamais elle ne recula devant un acte de charité, et elle donnait ce qu'elle avait de meilleur. Sa maison était le refuge des pauvres et des malades, qu'elle consolait et édifiait par ses bonnes paroles et ses bons conseils. On la savait si chaste, que personne n'aurait osé prononcer devant elle le moindre mot qui eût été de nature à choquer son oreille.

Dans son désir de parvenir à un haut degré de perfection, Catherine s'efforçait d'imiter en tout la conduite des missionnaires. C'est ainsi qu'elle instruisait et catéchisait les sauvages ; elle exerçait les mêmes fonctions à l'égard des autres qui, chaque été, au nombre de sept à huit cents, passaient par la Prairie de la Madeleine. Son zèle pour eux se manifestait encore par des dons en vivres, qu'elle faisait afin de mieux leur faire accepter ses prédications.

La douceur de Catherine la faisait aimer de tous. Son mari, qui au début, était barbare dans toute l'acception du mot, ne put résister à tant de vertu. D'un homme orguilleux et féroce, elle avait fait un chrétien accompli, aux mœurs douces. Jamais elle n'offensa personne de propos délibéré, et si elle entendait dire que quelqu'un avait éprouvé du chagrin pour avoir reçu de sa part des réprimandes un peu vertes, elle courait lui demander pardon.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 7:15 pm



Catherine était toujours la première rendue aux exercices de piété qui se pratiquent dans les missions. C'est elle qui fonda, à Laprairie, l'Association si bien connue et si justement populaire de la Sainte-Famille. Les réunions pieuses des chrétiennes les plus remarquables par la régularité de leur vie et leur ferveur, furent aussi le principal soutien de la mission. Comme toutes les âmes prédestinées, Catherine avait la plus tendre dévotion envers la sainte Vierge, et son amour pour elle porté jusqu'au sublime, lui attirait des faveurs spéciales. Que de grâces obtenues pour elle-même et pour les siens par l'intercession de là Mère de Dieu !

Le détachement de Catherine pour les choses terrestres était complet. Elle le fit bien voir, lorsqu'un jour on vint lui apprendre, faussement toutefois, que son mari était mort. Elle s'écria aussitôt : "C'est maintenant que je suis libre ; je suis résolue de donner la moitié de tout ce que j'ai aux pauvres, et l'autre moitié à l'église de la sainte Vierge. Il me suffit d'avoir de quoi me couvrir ; pour mon vivre, la Providence y pourvoira."

Son mari étant encore plein de vie, Catherine profita de l'occasion pour l'engager à ne pas attendre la mort afin de se détacher des biens de ce monde. Tous deux mirent en commun ce qu'ils possédaient de colliers et de bracelets de porcelaine, et se rendant ensemble à l'église, Catherine prononça la prière suivante, que son mari répéta après elle : "Mon Dieu, je vous donnai, il y a quatre ans, mon corps et mon âme, et la plus grande partie de tous mes biens ; voici ce qui me reste, je vous le présente de tout mon cœur. Que vous dois-je demander, après vous avoir tout donné, sinon que vous me preniez moi-même, dès maintenant, pour me mettre auprès de vous." La demande de cette pieuse femme fut aussitôt exaucée. Dès le lendemain elle tomba malade. La nouvelle se répandit bientôt dans la petite chrétienté que Catherine la sainte était en danger de mort. Tous se portèrent à son chevet, et ils paissaient leurs visites à prier, récitant le chapelet, et l'exhortant à envisager la mort sans crainte. Catherine désirait la mort, et un jour que le Père Frémin, son confesseur, lui faisait répéter une courte prière pour demander la santé, elle lui dit, sa prière terminée : "O mon Père, il m'a été impossible de dire de cœur ce que j'ai prononcé de bouche ; pourquoi demander de rester sur la terre, puisque Dieu m'invite d'aller au Ciel ? "

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 7:16 pm



Après avoir reçu les derniers sacrements, Catherine entra dans une période de délire qui dura huit jours ; elle semblait prier, et quand elle recouvrait momentanément l'usage de la parole, c'était pour parler de Dieu. Lorsque son cas fut jugé sans espoir, son mari lui fit un festin où tous les amis furent conviés. Il leur tint ce langage : "Autrefois, avant que nous fussions chrétiens, nous nous servions de superstitions pour guérir nos malades, et leur maladie nous mettait dans la dernière affliction ; maintenant que nous prions, nous invoquons le nom de Jésus-Christ pour leur guérison, et s'ils meurent, nous nous consolons dans l'espérance de les revoir au ciel. Disons donc, avant de manger, le chapelet, pour le soulagement de notre pauvre mourante. "

Catherine tomba ensuite dans une espèce de sommeil léthargique qui dura neuf jours, au cours desquels elle ne prit aucune nourriture. Enfin elle expira tout doucement, sans aucun effort ni agonie. Au lieu de distribuer les biens de la défunte aux parents et amis, suivant une vieille coutume indienne, le mari de Catherine fit approuver l'idée de la parer de ses plus beaux habits et de distribuer le reste aux pauvres. Son avoir pouvait s'élever à trois cents francs.

Le Père Frémin était d'opinion que Catherine Gaudiakteüa n'avait jamais terni sa robe d'innocence baptismale, et il ajoutait " qu'elle était arrivée à une si haute vertu et à une pureté de cœur si admirable, qu'il ne pensait pas qu'il lui fût rien resté pour quoi elle dût satisfaire en l'autre vie."

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Message  Roger Boivin Mer 23 Déc 2015, 7:25 pm


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MARIE OUENDRAKA

HURONNE


MARIE OUENDRAKA appartenait à l'une de ces familles échappées au massacre de 1648, lors de l'invasion iroquoise au cœur de la péninsule où les Hurons vivaient, depuis plus de trente ans, dans une tranquillité relative, mais heureux toutefois d'avoir embrassé le catholicisme. Née vers 1625, Ouendraka avait donc environ vingt-trois ans, quand elle suivit le groupe de compatriotes qui vint se réfugier à Québec d'abord, puis à la côte Saint-Michel ou Sainte-Foy. En 1670, nous la retrouvons à ce dernier endroit, veuve, et partageant son amour entre Dieu et ses deux enfants, une fille de seize ans et un petit garçon de quatre ans. Son mari et une fille étaient morts quelque temps auparavant, dans des circonstances dignes d'être mentionnées.

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