Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap XLII a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE XLII.
PAR QUEL CONSEIL DE LA DIVINE PROVIDENCE
L’ANCIEN TESTAMENT A ÉTÉ TRADUIT DE L’HÉBREU
EN GREC POUR ÊTRE CONNU DES GENTILS.
Un des Ptolémée, roi d’Egypte, souhaita de connaître nos saintes Écritures. Car après la mort d’Alexandre le Grand, qui avait subjugué toute l’Asie et presque toute la terre, et conquis même la Judée, ses capitaines ayant démembré son empire, l’Egypte commença à avoir des Ptolémée pour rois. Le premier de tous fut le fils de Lagus, qui emmena captifs en Egypte beaucoup de Juifs. Mais Ptolémée Philadelphe, son successeur, les renvoya tous en leur pays, avec des présents pour le temple, et pria le grand-prêtre Éléazar de lui donner l’Ecriture sainte pour la placer dans sa fameuse bibliothèque. Eléazar la lui ayant envoyée, Ptolémée lui demanda des interprètes pour la traduire en grec; de sorte qu’on lui donna septante et deux personnes, six de chaque tribu, qui entendaient parfaitement l’une et l’autre langue, c’est-à-dire le grec et l’hébreu.
Mais la coutume a voulu qu’on appelât cette version la version des Septante. On dit qu’ils s’accordèrent tellement dans cette traduction que, l’ayant faite chacun à part, selon l’ordre de Ptolémée, qui voulait éprouver par là leur fidélité, ils se rencontrèrent en tout, tant pour le sens que pour l’arrangement des paroles, si bien qu’il semblait qu’il n’y eût qu’un seul traducteur. Et il ne faut pas trouver cela étrange, puisqu’en effet ils étaient tous inspirés d’un même Esprit, Dieu ayant voulu, par un si grand miracle, rendre l’autorité de ces Ecritures vénérable aux Gentils qui devaient croire un jour, comme cela est en effet arrivé.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap XLIII a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE XLIII.
PRÉÉMINENCE DE LA VERSION DES
SEPTANTE SUR TOUTES LES AUTRES.
Bien que d’autres aient traduit en grec l’Ecriture sainte, comme Aquila, Symmaque, Théodotion 1, et un auteur inconnu, dont la traduction, à cause de cela, s’appelle la Cinquième, l’Eglise a reçu la version des Septante comme si elle était seule, en sorte que la plupart des Grecs chrétiens ne savent pas même s’il y en a d’autres. C’est sur cette version qu’a été faite celles dont les Eglises latines se servent, quoique de notre temps le savant prêtre Jérôme, très versé dans les trois langues, l’ait traduite en latin sur l’hébreu. Les Juifs ont beau reconnaître qu’elle est très fidèle, et soutenir au contraire que les Septante se sont trompés en beaucoup de points, cela n’empêche pas les Eglises de Jésus-Christ de préférer celle-ci, parce qu’en supposant même qu’elle n’eût pas été exécutée d’une manière miraculeuse, l’autorité de tant de savants hommes qui l’auraient faite de concert entre eux serait toujours préférable à celle d’un particulier. Mais la façon si extraordinaire dont elle a été composée portant des marques visibles d’une assistance divine, quelque autre version qu’on en fasse sur l’hébreu, elle doit être conforme aux Septante, ou si elle en paraît différente sur certaines choses, il faut croire qu’en ces endroits il y a quelque grand mystère caché dans celle des Septante. Le même Esprit qui était dans les prophètes, lorsqu’ils composaient l’Ecriture, animait les Septante, lorsqu’ils l’interprétaient.
Ainsi, il a fort bien pu tantôt leur faire dire autre chose que ce qu’avaient dit les Prophètes; car cette différence n’empêche pas l’unité de l’inspiration divine, tantôt leur faire dire autrement la même chose, de sorte que ceux qui savent bien entendre y trouvent toujours le même sens. Il a pu même passer ou ajouter quelque chose, pour montrer que tout cela s’est fait par une autorité divine, et que ces interprètes ont plutôt suivi l’Esprit intérieur qui les guidait, qu’ils ne se sont assujettis à la lettre qu’ils avaient sous les yeux. Quelques-uns ont cru qu’il fallait corriger la version grecque des Septante sur les exemplaires hébreux 1 : toutefois, ils n’ont pas osé retrancher ce que les Septante avaient de plus que l’hébreu; ils ont seulement ajouté ce qui était de moins dans les Septante, et l’ont marqué avec de certains signes, en forme d’étoiles qu’on nomme astérisques, au commencement des versets. Ils ont marqué de même avec de petits traits horizontaux, semblables aux signes des onces, ce qui n’est pas dans l’hébreu et se trouve dans les Septante, et l’on voit encore aujourd’hui beaucoup de ces exemplaires, tant grecs que latins, marqués de la sorte. Pour les choses qui ne sont ni omises ni ajoutées dans la version des Septante, mais qui sont seulement dites d’une autre façon que dans l’hébreu, soit qu’elles fassent un sens manifestement identique, soit que le sens diffère en apparence, quoique concordant en réalité, on ne les peut trouver qu’en conférant le grec avec l’hébreu.
Si donc nous ne considérons les hommes qui ont travaillé à ces Écritures que comme les organes de l’Esprit de Dieu, nous dirons pour les choses qui sont dans l’hébreu et qui ne se trouvent pas dans les Septante, que le Saint-Esprit ne les a pas voulu dire par ces prophètes, mais par les autres; et pour celles au contraire qui sont dans les Septante et qui ne sont pas dans l’hébreu, que le même Saint-Esprit a mieux aimé les dire par ces derniers prophètes que par les premiers, mais nous les regarderons tous comme des prophètes. C’est de cette sorte qu’il â dit-une chose par Isaïe, et une autre par Jérémie, ou la même chose autrement par celui-ci et par celui-là. Et quand enfin les mêmes choses se trouvent également dans l’hébreu et dans les Septante, c’est que le Saint-Esprit s’est voulu servir des uns et des autres pour les dire, car, comme il a assisté les premiers pour établir entre leurs prédictions une concordance parfaite, il a conduit la plume des seconds pour rendre leurs interprétations identiques.
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1. Aquila, dont il a été parlé plus haut, publia sa traduction sous Adrien, vers l’an 130 de J.-C. La version de Symmaque est de 200 ans environ de J.-C., sous Aurélien ou sous Sévère. Théodotion donna la sienne avant Symmaque, sous Commode, vers l’an 180. Outre les cinq versions dont parle saint Augustin, Il y en a une sixième qui fut publiée à Nicopolis, vers l’an 230. Voyez dans l’édition bénédictine d’Origène les remarques de Montfaucon sur les Hexaples. — (note complémentaire: (WIKI) Hexaples est un terme désignant une Bible polyglotte réunissant six versions différentes…qui plaçait côte à côte les versions suivantes: 1. Le texte consonantique Hébreu. 2. La translittération de l'hébreu en caractères grecs. 3. La traduction grecque d'Aquila de Sinope. 4 La traduction grecque de Symmaque. 5. La traduction grecque des Septante. 6. La traduction grecque de Théodotion. — 1. C’est l’opinion d’Origène, de Lucien le martyr, d’Hésychius et de saint Jérôme.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras, couleurs et note
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap XLIV a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE XLIV.
CONFORMITÉ DE LA VERSION
DES SEPTANTE ET DE L’HÉBREU.
Quelqu’un fera cette objection: Comment saurai-se ce que Jonas a dit en effet aux Ninivites et s’il leur a dit: "Encore trois jours", ou bien: "Encore quarante jours, et Ninive sera détruite 1 ?" Il est clair en effet que ce prophète, envoyé pour menacer Ninive d’une ruine imminente, n’a pu assigner deux termes différents et qui s’excluent l’un l’autre. Si l’on me demande lequel des deux il a marqué, je crois que c’est plutôt quarante jours, comme le porte l’hébreu. Car les Septante, qui sont venus longtemps après, ont très bien pu attribuer à Jonas d’autres paroles, lesquelles toutefois se rapportent parfaitement au sujet et expriment, quoique en d’autres termes, un seul et même sens, et cela pour inviter le lecteur à s’élever au-dessus de l’histoire et à, chercher ce qu’elle signifie, sans mépriser d’ailleurs en rien ni l’autorité des Septante ni celle de l’hébreu. Les événements prédits par Jonas se sont effectivement accomplis dans Ninive, mais ils en figuraient d’autres qui ne convenaient pas à cette ville; tout comme il est vrai que ce prophète fut effectivement trois jours dans le ventre de la baleine, et néanmoins il figurait un autre personnage qui devait demeurer dans l’enfer pendant ce temps, et celui-là est le Seigneur de tous les prophètes.
C’est pourquoi, si par Ninive était figurée l’Eglise des Gentils, qui a été détruite en quelque façon par la pénitence, en ce qu’elle n’est plus ce qu’elle était, comme c’est Jésus-Christ qui a opéré en elle ce changement, c’est lui-même qui est signifié, soit par les trois jours, soit par les quarante; par les quarante, parce qu’il demeura cet espace de temps avec ses disciples après sa résurrection, avant que de monter au ciel; et par les trois jours, parce qu’il ressuscita le troisième jour. Ainsi il semble que les Septante aient voulu réveiller l’esprit du lecteur qui se serait arrêté au récit historique, pour le porter à approfondir la prophétie qu’il contient,et lui aient dit en quelque sorte: Cherchez dans les quarante jours celui-là même en qui vous pourrez aussi trouver les trois jours; et vous verrez que l’un des deux termes assignés s’est accompli dans son ascension, et l’autre dans sa résurrection.
— Il a donc fort bien pu être désigné par l’un et par l’autre nombre dans le prophète Jonas d’une façon, dans la prophétie des Septante de l’autre, mais toujours par un seul et même Esprit. J’abrège, et ne veux pas rapporter beaucoup d’autres exemples où l’on croirait que les Septante se sont éloignés de la vérité hébraïque, quoique, bien entendu, on les y trouve parfaitement conformes. Aussi les Apôtres se sont-ils servis indifféremment de l’hébreu et de la version des Septante, en quoi j’ai cru devoir les imiter, parce que ce n’est qu’une même autorité divine. Mais poursuivons, selon nos forces, l’œuvre que nous avons à cœur d’accomplir.
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1. Jonas, III, 4.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap XLV a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE XLV.
DÉCADENCE DES JUIFS DEPUIS
LA CAPTIVITÉ DE BABYLONE.
Du moment que les Juifs cessèrent d’avoir des prophètes, ils devinrent pires qu’ils n’étaient, bien que ce fût le temps où, la captivité de Babylone ayant pris fin et le temple étant rétabli, ils se flattaient de devenir meilleurs. C’est ainsi que ce peuple charnel entendait cette prophétie d’Aggée: "La gloire de cette dernière maison sera plus grande que celle de la première 1". Mais ce qui précède fait bien voir que le prophète parle ici du Nouveau Testament, lorsque, promettant clairement le Christ, il dit: "J’ébranlerai toutes ces nations, et celui que tous les peuples désirent viendra 1". Les Septante, de leur autorité de prophètes, ont rendu ces paroles dans un autre sens qui convient mieux au corps qu’à la tête, c’est-à-dire à l’Eglise qu’à Jésus-Christ. "Ceux, disent-ils, que le Seigneur a élus parmi toutes les nations, viendront"; suivant cette parole du Sauveur dans l’Evangile: "Il y en a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus 2". En effet, c’est de ces élus des nations, comme de pierres vivantes, que la maison de Dieu est bâtie par le Nouveau Testament, maison bien plus illustre que le temple construit par Salomon et rétabli après la captivité de Babylone. Les Juifs ne virent donc plus de prophètes depuis ce temps-là, et eurent même beaucoup à souffrir des rois étrangers st des Romains, afin qu’on ne crût pas que cette prophétie d’Aggée eût été accomplie par le rétablissement du temple.
Peu de temps après, ils furent assujettis à l’empire d’Alexandre; et quoique ce prince n’ait pas ravagé leur pays, parce qu’ils n’osèrent lui résister, toutefois la gloire de cette maison, pour parler comme le prophète, n’était pas alors si grande que sous la libre domination de ses rois. Il est vrai qu’Alexandre immola des victimes dans le temple de Dieu, mais il le fit moins par une véritable piété que par une vaine superstition, croyant qu’il devait aussi adorer le Dieu des Juifs comme il adorait les autres dieux. Après la mort d’Alexandre, Ptolémée, fils de Lagus, emmena les Juifs captifs en Egypte, et ils ne retournèrent en Judée que sous Ptolémée-Philadelphe, son successeur, celui qui fit traduire l’Ecriture par les Septante. Ensuite ils eurent sur les bras les guerres rapportées aux livres des Machabées. Ils furent vaincus par Ptolémée Epiphane, roi d’Alexandrie, et contraints par les cruautés inouïes d’Antiochus, roi de Syrie, d’adorer les idoles; leur temple fut souillé de toutes sortes d’abominations, jusqu’à ce qu’il fût purifié de toute cette idolâtrie par la valeur de Judas Macchabée, grand capitaine, qui défit les chefs de l’armée d’Antiochus.
Peu de temps après, un certain Alcimus usurpa la souveraine sacrificature, quoiqu’il ne fût pas de la lignée sacerdotale, ce qui était un attentat. Cinquante ans s’écoulent, pendant lesquels, malgré quelques succès heureux, les Juifs ne furent pas en paix; Aristobule prend le diadème et se fait roi et grand prêtre tout ensemble. C’est le premier roi que les Juifs aient eu après la captivité de Babylone, tous les autres depuis ce temps-là n’ayant porté que la qualité de chefs ou de princes. Alexandre succéda à Aristobule dans le sacerdoce et la royauté, et l’on dit qu’il maltraita fort ses sujets. Sa femme Alexandra fut après lui reine des Juifs; et depuis, leurs maux augmentèrent toujours. Comme ses deux fils Aristobule et Hircan se disputaient l’empire, ils attirèrent les forces romaines contre les Juifs, parce que Hircan leur demanda secours contre son frère. Rome alors avait déjà dompté l’Afrique et la Grèce, et porté ses armes victorieuses en beaucoup d’autres parties du monde, en sorte qu’elle était comme accablée du poids de sa propre grandeur 1 .
Elle avait été tourmentée de furieuses séditions, qui furent suivies de la révolte des alliés et ensuite de guerres civiles, et les forces de la république étaient tellement abattues qu’elle ne pouvait encore subsister longtemps. Pompée, l’un des plus grands capitaines de Rome, étant entré en Judée, prit la ville de Jérusalem, ouvrit le temple comme vainqueur, et entra dans le Saint des saints; ce qui n’était permis qu’au grand prêtre. Après avoir confirmé le pontificat d’Hircan et établi Antipater gouverneur de la Judée, il emmena avec lui Aristobule prisonnier. Depuis ce temps, les Juifs devinrent tributaires des Romains; ensuite Cassius pilla le temple, et quelques années après, les Juifs eurent même pour roi un étranger qui fut Hérode, sous le règne duquel naquit le Messie. Le temps prédit par le patriarche Jacob en ces termes: "Les princes ne manqueront point dans la race de Juda, jusqu’à ce que vienne celui à qui la promesse est faite; et il sera l’attente des nations 2"; ce temps, dis-je, était déjà accompli. Les Juifs ne manquèrent donc point de rois de leur nation jusqu’à cet Hérode; et ainsi, le moment était venu où celui en qui reposent les promesses du Nouveau- Testament et qui est l’attente des nations devait paraître dans le monde. Or, les nations ne pourraient pas attendre, comme elles font, cet événement suprême où tous les hommes seront jugés par Jésus-Christ dans l’éclat de sa puissance, si elles ne croyaient à cet autre avènement où il a daigné, dans l’humilité de sa patience, subir le jugement des hommes.
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1. Aggée, II, 10.— 1. Aggée II, 8.— 2. Matthieu XXIX, 14. —1. Ces expressions sont relies de Tite-Live dans le préambule de son Histoire. —2. Genèse XLIX, 10.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap XLVI a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE XLVI.
NAISSANCE DU SAUVEUR ET DISPERSION
DES JUIFS PAR TOUTE LA TERRE.
Hérode régnait en Judée, et l’empereur Auguste avait donné la paix au monde, après que toute la constitution de la république eut été changée, quand le Messie, selon la parole du prophète cité tout à l’heure 1 , naquit à Bethléem, ville de Juda: homme visible, né humainement d’une vierge comme homme, Dieu caché, divinement engendré de Dieu le Père. Un autre prophète l’avait prédit en ces termes: "Voici venir le temps qu’une vierge concevra ou enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous 2". Il fit plusieurs miracles pour rendre sa divinité manifeste, et l’Évangile en rapporte quelques-uns qu’elle croit suffisants pour la prouver. Le premier est celui de sa naissance; le dernier est celui de sa résurrection et de son ascension au ciel. Peu après, les Juifs, qui l’avaient fait mourir et qui n’avaient pas voulu croire en lui, parce qu’il fallait qu’il mourût et qu’il ressuscitât, ont été chassés de leur pays par les Romains et dispersés dans toute la terre.
Et ainsi, par leurs propres Écritures, ils nous rendent ce témoignage, que nous n’avons pas inventé les prophéties qui parlent de Jésus-Christ. Plusieurs même d’entre eux les ayant considérées avant la passion, mais surtout après la résurrection, ont cru en lui, et c’est d’eux qu’il est dit: "Quand le nombre des enfants d’Israël égalerait le sable de la mer, les restes seront sauvés 3". Les autres ont été aveuglés, suivant cette prédiction: "Qu’en récompense, leur table devienne pour eux un piège et une pierre d’achoppement; que leurs yeux soient obscurcis, afin qu’ils ne voient point, et faites que leur dos soit toujours courbé 4". Ainsi, par cela même qu’ils n’ajoutent point foi à nos Ecritures, les leurs s’accomplissent en eux, encore qu’ils soient assez aveugles pour ne le pas voir.
Quelqu’un dira peut-être que les chrétiens ont supposé les prophéties des sibylles touchant Jésus-Christ, ainsi que quelques autres qui ne sont pas d’origine juive; mais, sans nous arrêter à celles-là, nous nous contentons de celles que nos ennemis nous fournissent malgré eux, et dont ils sont eux-mêmes les dépositaires; d’autant mieux que nous y trouvons prédite cette dispersion même dont les Juifs nous fournissent le témoignage éclatant. Chaque jour, ils peuvent lire dans les psaumes cette prophétie: "C’est mon Dieu; il me préviendra par sa miséricorde, Mon Dieu m’a dit en me parlant de mes ennemis: Ne les tuez pas, de peur qu’ils n’oublient votre loi; mais dispersez-les par votre puissance 1".
Dieu donc a fait voir sa miséricorde à l’Eglise dans les Juifs ses ennemis, parce que, comme dit l’Apôtre: "Leur crime est le salut des Gentils 2". Et il ne les a pas tués, c’est-à-dire qu’il n’a pas entièrement détruit le judaïsme, de peur qu’ayant oublié la loi de Dieu, ils ne nous pussent rendre le témoignage dont nous parlons. Aussi ne s’est-il pas contenté de dire: "Ne les tuez pas, de peur qu’ils n’oublient votre loi"; mais il ajoute: "Dispersez-les". Si avec ce témoignage des Ecritures ils demeuraient dans leur pays, sans être dispersés partout, l’Eglise, qui est répandue dans le monde entier, ne les pourrait pas avoir de tous côtés pour témoins des prophéties qui regardent Jésus-Christ.—
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1. Michée V, 2 - 2. Isaïe VII, 14. - 3. Isaïe X, 22.- 4. Psaume LXVIII, 27. —1. Psaume LVIII, 10. — 2. Romains XI, 11.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap XLVII a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE XLVII.
SI, AVANT L’INCARNATION DE JÉSUS-CHRIST D’AUTRES
QUE LES JUIFS ONT APPARTENU À LA JÉRUSALEM CÉLESTE.
Si d’autres que des Juifs ont prophétisé le Messie, c’est pour nous un surcroît de preuves; mais nous n’avons pas besoin de leur témoignage. En effet, nous ne l’alléguons que pour montrer qu’il y a eu probablement parmi les autres peuples des hommes à qui ce mystère a été révélé, et qui ont été poussés à le prédire, soit qu’ils aient participé à la même grâce que les prophètes hébreux, soit qu’ils aient été instruits par les démons, que nous savons avoir confessé Jésus-Christ présent, tandis que les Juifs ne le connaissaient pas. Aussi je ne crois pas que les Juifs mêmes osent soutenir que nul, hors de leur race, n’a servi le vrai Dieu depuis l’élection de Jacob et la réprobation d’Esaü. A la vérité, il n’y a point eu d’autre peuple que le peuple israélite qui ait été proprement appelé le peuple de Dieu; mais ils ne peuvent nier qu’il n’y ait eu parmi les autres nations quelques hommes dignes d’être appelés de véritables Israélites, en tant que citoyens de la céleste patrie. S’ils le nient, il est aisé de les convaincre par l’exemple de Job, cet homme saint et admirable, qui n’était ni juif ni prophète, mais un étranger originaire d’Idumée, à qui l’Ecriture néanmoins accorde ce glorieux témoignage que nul homme de son temps ne lui était comparable pour la piété 1.
Bien que l’histoire ne dise pas en quel temps il vivait, nous conjecturons par son livre placé par les Juifs entre les canoniques, à cause de son excellence, qu’il est venu au monde environ trois générations après le patriarche Jacob. Or, je ne doute point que ce ne soit un effet de la providence de Dieu de nous avoir appris par l’exemple de Job qu’il a pu y avoir parmi les autres peuples des membres de la Jérusalem spirituelle. Mais il faut croire que cette grâce n’a été faite qu’à ceux à qui l’unique médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, a été révélé, et que son incarnation leur était prédite avant qu’elle arrivât, comme elle nous a été annoncée depuis qu’elle est arrivée, en sorte qu’une seule et même foi conduise par lui à Dieu tous ceux qui sont prédestinés pour être sa cité, sa maison et son temple.
Quant aux autres prophéties de Jésus-Christ qu’on produit d’ailleurs, on peut penser que les chrétiens les ont inventées. C’est pourquoi il n’est rien de plus fort contre tous ceux qui voudraient révoquer en doute notre foi, ni de plus propre pour nous y affermir, si nous prenons les choses comme il faut, que les prophéties de Jésus-Christ tirées des livres des Juifs, qui, ayant été arrachés de leur pays et dispersés dans tout le monde pour servir de témoignage à la foi de l’Eglise, ont contribué à la faire partout fleurir.
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1. Job I; Ézéchiel. XIV, 20.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap XLVIII a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE XLVIII.
LA PROPHÉTIE D’AGGÉE TOUCHANT LA SECONDE MAISON DE DIEU,
QUI DOIT ÊTRE PLUS ILLUSTRE QUE LA PREMIÈRE, NE DOIT PAS S’ENTENDRE
DU TEMPLE DE JÉRUSALEM, MAIS DE L’ÉGLISE.
Cette maison de Dieu, qui est l’Eglise, est bien plus auguste que la première, bâtie de bois précieux et toute couverte d’or. La prophétie d’Aggée n’a donc pas été accomplie par le rétablissement de ce temple, puisque, depuis le temps où il fut rebâti, il fut moins fameux que du temps de Salomon. On peut dire même qu’il perdit beaucoup de sa gloire, d’abord par les prophéties qui vinrent à cesser, et ensuite par les diverses calamités qui affligèrent les Juifs jusqu’à leur entière désolation. Il en est tout autrement de cette nouvelle maison qui appartient au Nouveau Testament; elle est d’autant plus illustre qu’elle est composée de pierres meilleures, de pierres vivantes, c’est-à-dire des fidèles renouvelés par le baptême. Mais elle a été figurée par le rétablissement du temple de Salomon, parce qu’en langage prophétique ce rétablissement signifie le Testament nouveau. Ainsi, lorsque Dieu a dit par le prophète dont nous parlons: "Je donnerai la paix en ce lieu 1", comme ce lieu désignait l’Eglise qui devait être bâtie par Jésus-Christ, on doit entendre: J’établirai la paix dans le lieu que celui-ci figure.
En effet, toutes les choses figuratives semblent en quelque sorte tenir la place des choses figurées. C’est ainsi que l’Apôtre a dit: "La pierre était Jésus-Christ 2", parce que la pierre dont il parle en était la figure. La gloire de cette maison du Nouveau Testament est donc plus grande que celle de l’Ancien, et elle paraîtra telle quand on en fera la dédicace. C’est alors que "viendra celui que tous les peuples désirent 3", comme le porte le texte hébreu, parce que son premier avènement ne pouvait pas être désiré de tous les peuples, qui ne connaissaient pas celui qu’ils devaient désirer, et par conséquent ne croyaient point en lui. C’est aussi alors que, selon la version des Septante, dont le sens est pareillement prophétique, "les élus du Seigneur viendront de tous les endroits de l’univers". A partir de cette époque, il ne viendra rien que ce qui a été élu et dont l’Apôtre dit: "Il nous a élus en lui avant la création du monde 4". Le grand Architecte qui a dit: "Il y en a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus 5", n’entendait pas que ceux qui, ayant été appelés au festin, avaient mérité qu’on les en chassât, dussent entrer dans l’édifice de cette maison dont la durée sera éternelle, mais seulement les élus. Or, maintenant que ceux qui doivent être séparés de l’aire à l’aide du van, remplissent l’Eglise, la gloire de cette maison ne paraît pas si grande qu’elle paraîtra, quand chacun sera toujours où il sera une fois.
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1. Aggée II, 10. — 2. I Corinthiens X, 4. — 3. Aggée II, 8. — 4. Ephésiens I ,4. — 5. Matthieu XXII, 14.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap XLIX a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE XLIX.
LES ÉLUS ET LES RÉPROUVÉS
SONT MÊLÉS EN SEMBLE ICI-BAS.
Dans ce siècle pervers, en ces tristes jours où l’Eglise, par des humiliations passagères, s’acquiert une grandeur immortelle pour l’avenir et est exercée par une infinité de craintes, de douleurs, de travaux et de tentations, sans avoir d’autre joie que l’espérance, si elle se réjouit comme il faut, beaucoup de réprouvés sont mêlés avec les élus, et les uns et les autres renfermés en quelque sorte dans ce filet de l’Évangile 1, nagent pêle-mêle à travers l’océan du monde, jusqu’à ce que tous arrivent au rivage, où les méchants seront séparés des bons, alors que Dieu habitera dans les bons comme dans son temple, pour y être tout en tous 2. Ainsi, nous voyons s’accomplir cette parole de celui qui disait dans le psaume: "J’ai publié et annoncé partout, et ils se sont multipliés sans nombre 3".
C’est ce qui arrive maintenant, depuis qu’il a publié et annoncé, d’abord par la bouche de Jean-Baptiste son précurseur 4 et en second lieu par la sienne propre: "Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche 5". Le Seigneur donc fit choix de quelques disciples qu’il nomma apôtres, sans naissance, sans considération, sans lettres, afin d’être et de faire en eux tout ce qu’ils seraient et feraient de grand. Parmi eux se trouva un méchant; mais le Sauveur, usant bien d’une mauvaise créature, se servit d’elle pour accomplir ce qui était ordonné touchant sa passion, et pour apprendre, par son exemple, à son Eglise à supporter les méchants. Ensuite, après avoir jeté les semences de l’Evangile, il souffrit, mourut et ressuscita, montrant par sa passion ce que nous devons endurer pour la vérité, et par sa résurrection ce que nous devons espérer pour l’éternité, sans parler du profond mystère de son sang répandu pour la rémission des péchés. Il conversa quarante jours sur la terre avec ses disciples, et monta au ciel devant leurs yeux; et dix jours après, il leur envoya, suivant sa promesse, l’Esprit-Saint de son père, dont la venue sur les fidèles est marquée par ce signe suprême et nécessaire qu’ils parlaient toute sorte de langues 1, figure de l’unité de l’Eglise catholique, qui devait se répandre dans tout l’univers et parler les langues de tous les peuples.
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1. Matthieu XIII, 47. —2. I Corinthiens XV, 28. — 3. Psaume XXXIX, 6. — 4. Matthieu II, 2. – 5. Matthieu IV, 17. —1. Actes II, 6.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap L a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE L.
DE LA PRÉDICATION DE L’ÉVANGILE,
DEVENUE PLUS ÉCLATANTE ET PLUS EFFICACE
PAR LA PASSION DE CEUX QUI L’ANNONÇAIENT.
Ensuite, selon cette prophétie: "La loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur, de Jérusalem 2", et suivant la prédiction du Sauveur même, quand après sa résurrection il ouvrit l’esprit à ses disciples étonnés, pour leur faire entendre les Écritures, et leur dit: "Il fallait, selon ce qui est écrit, que le Christ souffrît, et qu’il ressuscitât le troisième jour, et qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations, en commençant par Jérusalem 3"; et encore, quand il répondit à ses disciples qui s’enquéraient de son dernier avènement: "Ce n’est pas à vous à savoir les temps ou les moments dont mon Père s’est réservé la disposition; mais vous recevrez la vertu du Saint-Esprit qui viendra en vous, et vous me rendrez témoignage à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre 4"; suivant, dis-je, toutes ces paroles, l’Eglise se répandit d’abord à Jérusalem, et de là en Judée et en Samarie; et l’Évangile fut ensuite porté aux Gentils par le ministère de ceux que Jésus-Christ avait lui-même allumés comme des flambeaux pour éclairer toute la terre, et embrasés du Saint-Esprit. Il leur avait dit: "Ne craignez point ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l’âme 5"; et le feu de la charité qui brûlait leur coeur étouffait en eux toute crainte.
Il ne s’est pas seulement servi pour la prédication de l’Évangile de ceux qui l’avaient vu et entendu avant et après sa passion et sa résurrection; mais il a suscité à ces premiers disciples des successeurs qui ont aussi porté sa parole dans tout le monde, parmi de sanglantes persécutions, Dieu se déclarant en leur faveur par plusieurs prodiges et par divers dons du Saint-Esprit, afin que les Gentils, convertis à celui qui a été crucifié pour les racheter, prissent en vénération, avec un amour digne de chrétiens, le sang des martyrs qu’ils avaient répandu avec une fureur digne des démons, et que les rois mêmes, dont les édits ravageaient l’Eglise, se soumissent humblement à ce nom que leur cruauté s’était efforcée d’exterminer, et tournassent leurs persécutions contre les faux dieux, pour l’amour desquels ils avaient auparavant persécuté les adorateurs du Dieu véritable.
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2. Isaïe II, 3. — 3. Luc XXIV, 46-47. — 4. Actes I, 7-8. — 5. Matthieu X, 28.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap LI a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE LI.
LES HÉRÉTIQUES SONT UTILES À L’ÉGLISE.
Mais le diable, voyant qu’on abandonnait les temples des démons, et que le genre humain courait au nom du Sauveur et du Médiateur, suscita les hérétiques pour combattre la doctrine chrétienne sous le nom de chrétiens. Comme s’il pouvait y avoir dans la Cité de Dieu des personnes de sentiments contraires, à l’exemple de ces philosophes qui se contredisent l’un l’autre dans la cité de confusion ! Quand donc ceux qui dans l’Eglise de Jésus-Christ ont des opinions mauvaises et dangereuses, après en avoir été repris, y persistent opiniâtrement, et refusent de se rétracter de leurs dogmes pernicieux, ils deviennent hérétiques, et une fois sortis de l’Eglise, elle les regarde comme des ennemis qui servent à exercer sa vertu. Or, tout hérétiques qu’ils sont, ils ne laissent pas d’être utiles aux vrais catholiques qui sont les membres de Jésus-Christ, Dieu se servant bien des méchants mêmes, et toutes choses contribuant à l’avantage de ceux qui l’aiment 1 .
En effet, tous les ennemis de l’Eglise, quelque erreur qui les aveugle ou quelque passion qui les anime, lui procurent, en la persécutant corporellement, l’avantage d’exercer sa patience, ou, s’ils la combattent seulement par leurs mauvais sentiments, ils exercent au moins sa sagesse mais, de quelque façon que ce soit, ils lui donnent toujours sujet de pratiquer la bienveillance ou la générosité envers ses ennemis, soit qu’elle procède avec eux par des conférences paisibles, soit qu’elle les frappe de châtiments redoutables. C’est pourquoi le diable, qui est le prince de la cité des impies, a beau soulever ses esclaves contre la Cité de Dieu étrangère en ce monde, il ne lui saurait nuire. Dieu ne la laisse point sans consolation dans l’adversité, de peur qu’elle ne s’abatte, ni sans épreuve dans la prospérité, de crainte qu’elle ne s’exalte, et ce juste tempérament est marqué dans cette parole du psaume: "Vos consolations ont rempli mon âme de joie, à proportion des douleurs qui affligent mon cœur 1"; ou encore dans ces mots de l’Apôtre: "Réjouissez-vous en espérance, et portez avec constance les afflictions 2".
Le docteur des nations dit aussi que "tous ceux qui veulent vivre saintement en Jésus- Christ seront persécutés 3"; il ne faut donc pas s’imaginer que cela puisse manquer en aucun temps; car alors même que l’Eglise est à couvert de la violence des ennemis du dehors, ce qui n’est pas une petite consolation pour les faibles, il y en a toujours beaucoup au dedans qui affligent cruellement le coeur des gens de bien par leur mauvaise conduite, en ce qu’ils sont cause qu’on blasphème la religion chrétienne et catholique; et cette injure qu’ils lui font est d’autant plus sensible aux âmes pieuses qu’elles l’aiment davantage et qu’elles voient qu’on l’en aime moins. Un autre sujet de douleur, c’est de penser que les hérétiques qui se disent aussi chrétiens et ont les mêmes sacrements que nous et les mêmes Ecritures, jettent dans le doute plusieurs esprits disposés à embrasser le christianisme, et donnent lieu de calomnier notre religion, Ce sont ces dérèglements des hommes qui font souffrir une sorte de persécution à ceux qui veulent vivre saintement en Jésus-Christ, lors même que personne ne les tourmente en leur corps.
Aussi le Psalmiste fait sentir que cette persécution est intérieure, quand il dit: "A proportion des douleurs qui affligent mon cœur". Mais au surplus, comme on sait que les promesses de Dieu sont immuables, et que l’Apôtre dit: "Dieu connaît ceux qui sont à lui 4", de sorte que nul ne peut périr de ceux "qu’il a connus par sa prescience et prédestinés pour être conformes à l’image de son fils 5", le Psalmiste ajoute: "Vos consolations ont rempli mon âme de joie 6". Or, cette douleur qui afflige le cœur des gens de bien à cause des mœurs des mauvais ou des faux chrétiens, est utile à ceux qui la ressentent, parce qu’elle naît de la charité, qui s’alarme pour ces misérables et pour tous ceux dont ils empêchent le salut. Les fidèles reçoivent aussi beaucoup de consolations, quand ils voient s’amender les méchants, et leur conversion leur donne autant de joie que leur perte leur causait de douleur. C’est ainsi qu’en ce siècle, pendant ces malheureux jours, non seulement depuis Jésus-Christ et les Apôtres, mais depuis Abel, le premier juste égorgé par son frère, jusqu’à la fin des siècles, l’Eglise voyage parmi les persécutions du monde et les consolations de Dieu.
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1. Romains VIII, 28. —1. Psaume CXIII, 19. — 2. Romains XII, 12. — 3. II Timothée III, 12. — 4. I Timothée II, 19. — 5. Romains VIII, 9. —6. Psaume XCIII, 19.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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et gras ajoutés.
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap LII a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE LII.
S’IL N’Y AURA POINT DE PERSÉCUTION
CONTRE L’ÉGLISE JUSQU’À L’ANTECHRIST.
C’est pourquoi je ne pense pas qu’on doive croire légèrement ce que quelques-uns avancent, que l’Eglise ne souffrira plus jusqu’à l’Antéchrist aucune autre persécution, après les dix qu’elle a souffertes, et que c’est lui qui suscitera la onzième. Ils placent la première sous Néron, la seconde sous Domitien, la troisième sous Trajan, la quatrième sous Antonin, la cinquième sous Sévère, la sixième sous Maximin, la septième sous Décius, la huitième sous Valérien, la neuvième sous Aurélien, et la dixième sous Dioclétien et Maximien. Ils disent que les dix plaies d’Egypte qui précédèrent la sortie du peuple de Dieu sont les figures de ces dix persécutions, et que la dernière, celle de l’Antéchrist, a été figurée par la onzième plaie d’Egypte, qui arriva lorsque les Egyptiens, poursuivant les Hébreux jusque dans la mer Rouge qu’ils passèrent à pied sec, furent engloutis par le retour de ses flots. Pour moi, je ne puis voir dans ces anciens événements une figure des persécutions de l’Eglise, quoique ceux qui sont de ce sentiment 1 y trouvent des rapports fort ingénieux, mais qui ne sont fondés que sur des conjectures de l’esprit humain, fort sujet à prendre l’erreur pour la vérité.
Que diront-ils en effet de cette persécution où le Sauveur même fut crucifié ? à quel rang la mettront-ils ? S’ils prétendent qu’il ne faut compter que les persécutions qui ont atteint le corps de l’Eglise et non celle qui en a frappé et retranché la tête, que diront-ils de celle qui s’éleva à Jérusalem après que Jésus-Christ fut monté au ciel, et où saint Etienne fut lapidé, où saint Jacques, frère de saint Jean, eut la tète tranchée, où l’apôtre saint Pierre fut mis en prison et délivré par un ange, où les fidèles furent chassés de Jérusalem, où Saul, qui allait devenir l’apôtre Paul, ravagea l’Eglise et souffrit ensuite pour elle ce qu’il lui avait fait souffrir, parcourant la Judée et toutes les autres nations où son zèle lui faisait prêcher Jésus-Christ ?
Pourquoi donc veulent-ils faire commencer à Néron les persécutions de l’Eglise, puisque ce n’est que par d’horribles souffrances, qu’il serait trop long de raconter ici, qu’elle est arrivée au règne de ce prince ? S’ils croient que l’on doit mettre au nombre des persécutions de l’Eglise toutes celles qui lui ont été suscitées par des rois, Hérode était roi, et il lui en fit souffrir une des plus cruelles après l’ascension du Sauveur. D’ailleurs, que deviendra celle de Julien, qu’ils ne mettent pas entre les dix ? Dira-t-on qu’il n’a point persécuté l’Eglise, lui qui défendit aux chrétiens d’apprendre ou d’enseigner les lettres humaines 1, lui qui fit perdre à Valentinien, depuis empereur, la charge qu’il avait dans l’armée, pour avoir confessé la foi chrétienne 2, et je ne dis rien de ce qu’il avait commencé de faire à Antioche, quand il s’arrêta effrayé par la constance admirable d’un jeune homme qui chanta tout le jour des psaumes au milieu des plus cruels tourments, parmi les ongles de fer et les chevalets 3. Enfin le frère de ce Valentinien, l’arien Valens, n’a-t-il pas exercé de notre temps en Orient une sanglante persécution contre l’Eglise ?
Comme notre religion est répandue dans tout le monde, elle peut être persécutée dans un lieu sans qu’elle le soit dans un autre; est-ce à dire que cette persécution ne doive pas compter ? Il ne faudra donc pas mettre au nombre des persécutions celle que le roi des Goths dirigea dans son pays contre les catholiques 4, durant laquelle plusieurs souffrirent le martyre, ainsi que nous l’avons appris de quelques-uns de nos frères, qui se souvenaient de l’avoir vue, lorsqu’ils étaient encore enfants. Que dirai-je de celle qui vient de s’élever en Perse 1 , et qui n’est pas encore bien apaisée ? N’a-t-elle pas été si forte qu’un certain nombre de chrétiens ont été contraints de se retirer dans les villes romaines ? Plus je réfléchis sur tout cela, plus il me semble qu’on ne doit pas déterminer le nombre des persécutions de l’Eglise. Mais aussi il n’y aurait pas moins de témérité à assurer qu’elle en doit souffrir d’autres avant celle de l’Antéchrist dont ne doute aucun chrétien. Laissons donc ce point indécis, le parti le plus sage et le plus sûr étant de ne rien assurer positivement.
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1. Saint Augustin paraît ici faire allusion à Orose. Voyez Hist., lib. VII, cap. 27, et comp. Sulpice Sévère,Hist., Sacr., lib. II, cap. 33.. —1. Voyez Ammien Marcellin, livre XXII, ch. 10. —2. Socrate, Hist. eccl., lib. III, cap. 13.. —3. Socrate, Hist. eccl., lib. III, cap 19.. — 4. Il s’agit de la persécution d’Athanaric, qui eut lieu l’an 370. Voyez Orose, lib. VII, cap. 38.. — 1. C’est la persécution du roi des Perses Isdigerde et de son successeur Vararane, vers l’an 420. Voyez Théodoret, Hist. eccl., lib. V, cap. 38, et Socrate, lib. VII, cap. 18..
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap LIII a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE LIII.
ON NE SAIT POINT QUAND LA DERNIÈRE
PERSÉCUTION DU MONDE ARRIVERA.
Pour cette dernière persécution de l’Antéchrist, le Sauveur lui-même la fera cesser par sa présence. Il est écrit "qu’il le tuera du souffle de sa bouche, et qu’il l’anéantira par l’éclat de sa présence 2". On demande d’ordinaire, et fort mal à propos, quand cela arrivera . Mais s’il nous était utile de le savoir, qui nous l’aurait pu mieux apprendre que Jésus-Christ, notre Dieu et notre maître, le jour où ses disciples l’interrogèrent là-dessus ? Loin de s’en taire avec lui, ils lui firent cette question, quand il était encore ici-bas: "Seigneur, si vous paraissez en ce temps, quand rétablirez-vous le royaume d’Israël 3?" Mais il leur répondit: "Ce n’est pas à vous à savoir les temps dont mon père s’est réservé la disposition". Ils ne demandaient pas l’heure, ni le jour, ni l’année, mais le temps; et toutefois Jésus-Christ leur fit cette réponse.
C’est donc en vain que nous tâchons de déterminer les années qui restent jusqu’à la fin du monde, puisque nous apprenons de la Vérité même qu’il ne nous appartient pas de le savoir. Cependant, les uns en comptent quatre cents, d’autres cinq cents, et d’autres mille, depuis l’ascension du Sauveur jusqu’à son dernier avènement. Or, dire maintenant sur quoi chacun d’eux appuie son opinion, ce serait trop long et même inutile. Ils ne se fondent que sur des conjectures humaines, sans alléguer rien de certain des Écritures canoniques. Mais celui qui a dit: "Il ne vous appartient pas de savoir les temps dont mon père s’est réservé la disposition", a tranché court toutes ces suppositions et nous commande de nous tenir en repos là-dessus.
Comme néanmoins cette parole est de l’Évangile, il n’est pas surprenant qu’elle n’ait pas empêché les idolâtres de feindre des réponses des démons touchant la durée de la religion chrétienne. Voyant que tant de cruelles persécutions n’avaient servi qu’à l’accroître au lieu de la détruire, ils ont inventé je ne sais quels vers grecs, qu’ils donnent pour une réponse de l’oracle, et où Jésus-Christ, à la vérité, est absous du crime de sacrilège, mais, en revanche, saint Pierre y est accusé de s’être servi de maléfices pour faire adorer le nom de Jésus-Christ pendant trois cent soixante-cinq ans, après quoi son culte sera aboli 1 . O la belle imagination pour des gens qui se piquent de science ! Et qu’il est digne de ces grands esprits qui ne veulent point croire en Jésus-Christ, de croire de lui de semblables rêveries, et de dire que Pierre, son disciple, n’a pas appris de lui la magie, mais que néanmoins il a été magicien et qu’il a mieux aimé faire adorer le nom de son maître que le sien, s’exposant pour cela à une infinité de périls et à la mort même.
Si Pierre magicien a fait que le monde aimât tant Jésus, qu’a fait Jésus innocent pour être tant aimé de Pierre ? Qu’ils se répondent à eux-mêmes là-dessus, et qu’ils comprennent, s’ils peuvent, que la même grâce de Dieu qui a fait aimer Jésus-Christ au monde pour la vie éternelle, l’a fait aimer à saint Pierre pour la même vie éternelle, jusqu’à souffrir la mort temporelle en son nom. Quels sont d’ailleurs ces dieux qui peuvent prédire tant de choses, et qui ne les sauraient empêcher, ces dieux obligés de céder aux enchantements d’un magicien et d’un scélérat qui a tué, dit-on 2, un enfant d’un an, l’a mis en pièces, et l’a enseveli avec des cérémonies sacrilèges, ces dieux enfin qui souffrent qu’une secte qui leur est contraire ait subsisté si longtemps, surmonté tant d’horribles persécutions, non pas en y résistant, mais en les subissant, et détruit leurs idoles, leurs temples, leurs sacrifices et leurs oracles? Quel est enfin le dieu, leur dieu, à coup sûr, et non le nôtre, qu’un si grand crime a pu porter ou contraindre à souffrir tout cela ? Car ce n’est pas à un démon, mais à un dieu que s’adressent ces vers où Pierre est accusé d’avoir imposé la loi chrétienne par son art magique. Certes, ils méritent bien un tel dieu, ceux qui ne veulent pas reconnaître Jésus-Christ pour Dieu.
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2. Thessaloniciens II, 8. — 3. Actes I, 6. —1. Sur cette accusation de magie élevée contre les chrétiens, voyez Eusèbe, Praep. Evang.. lib. III, cap. 8.. —2. Nous savons par Tertullien que le soupçon d’infanticide était fort répandu contre les chrétiens. Peut-être avait-il un prétexte dans tes pratiques secrètes et sanglantes de certains hérétiques de la famille du gnosticisme. Voyez l’Apologétique de Tertullien, et comp. saint Augustin (De haeres., haer. 26 et 27) et Eusèbe (Hist. Eccl., lib. III, cap. 8).
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap LIV a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE LIV.
DE CE MENSONGE DES PAÏENS, QUE LE CHRISTIANISME
NE DEVAIT DURER QUE TROIS CENT SOIXANTE-CINQ ANS. (à suivre)
Voilà une partie de ce que j’alléguerais contre eux, si cette année faussement promise et sottement crue n’était pas encore écoulée. Mais puisqu’il y a déjà quelque temps que ces trois cent soixante-cinq ans depuis l’établissement du culte de Jésus-Christ par son incarnation et par la prédication des Apôtres sont accomplis, que faut-il davantage pour réfuter cette fausseté ? Qu’on ne les prenne pas, si l’on veut, à la naissance du Sauveur, parce qu’il n’avait pas encore alors de disciples, au moins ne peut-on nier que la religion chrétienne n’ait commencé à paraître quand il commença à en avoir, c’est-à-dire après qu’il eut été baptisé par saint Jean dans le fleuve du Jourdain. En effet, c’est ce que marquait cette prophétie: "Il étendra sa domination d’une mer à l’autre, et depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre 1".
Mais comme la foi n’avait pas encore été annoncée à tous avant sa passion et sa résurrection, ainsi que l’apôtre saint Paul le dit aux Athéniens en ces termes: "Il avertit maintenant tous les hommes, en quelque lieu qu’ils soient, de faire pénitence, parce qu’il a arrêté un jour pour juger le monde selon la justice, par celui en qui il a voulu que tous crussent en le ressuscitant d’entre les morts 2"; il vaut mieux, pour résoudre la question, commencer à ce moment l’ère chrétienne, surtout parce que ce fut alors que le Saint-Esprit fut donné dans cette ville où devait commencer la seconde loi, c’est-à-dire le Nouveau Testament.
La première loi, qui est l’Ancien Testament, fut promulguée par Moïse au mont Sinaï; mais pour celle-ci, qui devait être apportée par le Messie, voici ce qui en avait été prédit: "La loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur, de Jérusalem 1"; d’où vient que lui-même a dit qu’il fallait qu’on prêchât en son nom la pénitence à toutes les nations, mais en commençant par Jérusalem. C’est donc là que le culte de ce nom a commencé, et qu’on a, pour la première fois, cru en Jésus-Christ crucifié et ressuscité. C’est là que la foi fut d’abord si fervente que des milliers d’hommes, s’étant miraculeusement convertis, vendirent tous leurs biens et les distribuèrent aux pauvres pour embrasser la sainte pauvreté et être plus prêts à combattre jusqu’à la mort pour la défense de la vérité au milieu des Juifs frémissants et altérés de carnage. Si cela ne s’est point fait par magie… (à suivre)
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1. Psaume LXXI, 8. — 2. Actes XVII, 30-31. — 1.. Isaïe, II, 3.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XVIII — Histoire des Deux Cités. (Complet. — Table des Matières.)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XVIII, cap LIV a écrit:
LIVRE DIX-HUITIÈME: HISTOIRE DES DEUX CITÉS.
CHAPITRE LIV. (suite)
DE CE MENSONGE DES PAÏENS, QUE LE CHRISTIANISME
NE DEVAIT DURER QUE TROIS CENT SOIXANTE-CINQ ANS.
(suite) Si cela ne s’est point fait par magie, pourquoi font-ils difficulté de croire que la même vertu divine, qui a opéré une si grande merveille en ce lieu, ait pu l’étendre dans tout le monde ? Et si ce furent les maléfices de Pierre qui causèrent ce prodigieux changement dans Jérusalem, et firent qu’une si grande multitude d’hommes, qui avaient crucifié le Sauveur ou qui l’avaient insulté sur la croix, furent tout d’un coup portés à l’adorer, il faut voir, par l’année où cela est arrivé, quand les trois cent soixante-cinq ans ont été accomplis. Jésus-Christ est mort le huit des calendes d’avril, sous le consulat des deux Géminus 2. Il ressuscita le troisième jour, suivant le témoignage des Apôtres, qui en furent témoins oculaires. Quarante jours après il monta au ciel, et envoya le Saint--Esprit le dixième jour suivant. Ce fut alors que mille hommes crurent en lui sur la prédication des Apôtres. Ce fut donc alors que commença le culte de son nom par la vertu du Saint-Esprit, selon notre foi et selon la vérité, ou, comme l’impiété le feint ou le pense follement, par les enchantements de Pierre. Peu de temps après, cinq mille hommes se convertirent à la guérison miraculeuse d’un boiteux de naissance, qui était si impotent qu’on le portait tous les jours au seuil du temple pour demander l’aumône, et qui se leva et marcha à la parole de Pierre et au nom de Jésus-Christ.
Et c’est ainsi que l’Eglise s’augmenta de plus en plus et fit rapidement de nouvelles conquêtes. Il est donc aisé de calculer le jour même auquel a commencé l’année que nous cherchons. Ce fut quand le Saint-Esprit fut envoyé, c’est-à-dire aux ides de mai. Or, en comptant les consuls, l’on trouve que ces trois cent soixante-cinq ans ont été accomplis pendant ces mêmes ides, sous le consulat d’Honorius et d’Eutychianus. Cependant l’année d’après, sous le consulat de Manlius Théodore, alors que, selon l’oracle des démons ou la fiction des hommes, il ne devait plus y avoir de christianisme, nous voyons à Carthage, la ville la plus considérable et la plus célèbre d’Afrique, sans parler de ce qui se passe ailleurs, Gaudentius et Jovius, comtes de l’empereur Honorius, donner, le 14 des calendes d’avril, l’ordre d’abattre les temples des faux dieux et de briser leurs idoles. Depuis ce temps jusqu’à cette heure 1, c’est-à-dire pendant l’espace d’environ trente années, qui ne voit combien le culte du nom de Jésus-Christ s’est augmenté, depuis surtout que plusieurs de ceux qui étaient retenus par cette vaine prophétie se sont faits chrétiens, voyant cette année chimérique écoulée.
Nous donc qui sommes chrétiens et qui en portons le nom, nous ne croyons pas en Pierre, mais en celui en qui Pierre a cru, et nous n’avons pas été charmés par ses sortilèges, mais édifiés par ses prédications. Jésus-Christ, qui est le maître de Pierre, est aussi notre maître, et il nous enseigne la doctrine qui conduit à la vie éternelle. Mais il est temps de terminer ce livre, où nous avons suffisamment fait voir, ce me semble, le progrès des deux cités qui sont mêlées ici-bas depuis le commencement jusqu’à la fin. Celle de la terre s’est fait tels dieux qu’il lui a plu pour leur offrir des sacrifices; celle du ciel, étrangère sur la terre, ne se fait point de dieux, mais est faite elle-même par le vrai Dieu pour être son véritable sacrifice. Toutes deux néanmoins omit part égale aux biens et aux maux de cette vie; mais leur foi, leur espérance et leur charité sont différentes, jusqu’à ce que le dernier jugement les sépare et que chacune d’elles arrive à sa fin qui n’aura point de fin. C’est de cette fin de l’une et de l’autre qu’il nous reste à parler 1.
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2. C’est-à-dire le 25 mars. Les savants ne sont pas parfaitement d’accord sur cette date. Saint Augustin donne celle de Tertullien et de Lactance. Le Père Pétau (Ration. temp., part. I, lib. V ) fixe la mort du Christ au 23 mars, sous le consulat de Tibère et de Séjan. —1. Saint Augustin nous donne ici, à peu de chose près, la date de la composition du livre XVIII de la Cité de Dieu. Baronius la fixe à l’an 426, Vivès à l’an 429.
— 1. voir Livre XXI et voir Livre XXII
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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