Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XI — Origine des deux Cités. (complet) Table des Matières.

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Message  ROBERT. Mar 08 Sep 2015, 3:41 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI. — Table des Matières. a écrit:

 — Livre ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.

—>  nota: Voilà la table des matières du Livre XIe; je viendrai, de temps à autre, mettre les liens correspondants.


Analyse.  Ici commence la seconde partie de l’ouvrage, celle qui a pour objet propre d’exposer l’origine, le progrès et le terme des deux Cités. Saint Augustin montre en premier lieu la lutte de la Cité céleste et de la Cité terrestre préexistant déjà dans la séparation des bons anges et des mauvais anges, et à cette occasion, il traite de la formation du monde, telle qu’elle est décrite par les saintes Ecritures au commencement de la Genèse.

Chapitre PREMIER. OBJET DE CETTE PARTIE DE NOTRE OUVRAGE OÙ NOUS COMMENÇONS D’EXPOSER L’ORIGINE ET LA FIN DES DEUX CITÉS.

Chapitre II. PERSONNE NE PEUT ARRIVER A LA CONNAISSANCE DE DIEU QUE PAR JÉSUS-CHRIST HOMME, MÉDIATEUR ENTRE DIEU ET LES HOMMES.

Chapitre III. DE L’AUTORITÉ DE L’ÉCRITURE CANONIQUE, OU VISAGE DE L’ESPRIT DIVIN.

Chapitre IV. LE MONDE N’A PAS ÉTÉ CRÉÉ DE TOUTE ÉTERNITÉ, SANS QU’ON PUISSE DIRE QU’EN LE CRÉANT DIEU AIT FAIT SUCCÉDER UNE VOLONTÉ NOUVELLE À UNE AUTRE VOLONTÉ ANTÉRIEURE.

Chapitre V. IL NE FAUT PAS PLUS SE FIGURER DES TEMPS INFINIS AVANT LE MONDE QUE DES LIEUX INFINIS AU-DELÀ DU MONDE.

Chapitre VI. LE MONDE ET LE TEMPS ONT ÉTÉ CRÉÉS ENSEMBLE.  

Chapitre VII. DE LA NATURE DE CES PREMIERS JOURS QUI ONT EU UN SOIR ET UN MATIN AVANT LA CRÉATION DU SOLEIL.  

Chapitre VIII. CE QU’IL FAUT ENTENDRE PAR LE REPOS DE DIEU APRÈS L’ŒUVRE DES SIX JOURS.

Chapitre IX. CE QUE L’ON DOIT PENSER DE LA CRÉATION DES ANGES, D’APRÈS LES TÉMOIGNAGES DE L’ÉCRITURE SAINTE..

Chapitre X. DE L’IMMUABLE ET INDIVISIBLE TRINITÉ, OÙ LE PÈRE, LE FILS ET LE SAINT-ESPRIT NE FONT QU’UN SEUL DIEU, EN QUI LA QUALITÉ ET LA SUBSTANCE S’IDENTIFIENT.

Chapitre XI. SI LES ANGES PRÉVARICATEURS ONT PARTICIPÉ À LA BÉATITUDE DONT LES ANGES FIDÈLES ONT JOUI SANS INTERRUPTION DEPUIS QU’ILS ONT ÉTÉ CRÉÉS ?    

Chapitre XII. COMPARAISON DE LA FÉLICITÉ DES JUSTES SUR LA TERRE ET DE CELLE DE NOS PREMIERS PARENTS AVANT LE PÉCHÉ.    

Chapitre XIII. TOUS LES ANGES ONT ÉTÉ CRÉÉS DANS UN MÊME ÉTAT DE FÉLICITÉ,  DE TELLE SORTE QUE CEUX QUI DEVAIENT DÉCHOIR IGNORAIENT LEUR CHUTE FUTURE,  ET QUE LES BONS N’ONT EU LA PRESCIENCE DE LEUR PERSÉVÉRANCE QU’APRÈS LA CHUTE DES MAUVAIS.  

Chapitre XIV. EXPLICATION DE CETTE PAROLE DE L’ÉVANGILE: "LE DIABLE N’EST POINT DEMEURÉ DANS LA VÉRITÉ, PARCE QUE LA VÉRITÉ N’EST POINT EN LUI".  

Chapitre XV. COMMENT IL FAUT ENTENDRE CETTE PAROLE: "LE DIABLE PÈCHE DÈS LE COMMENCEMENT".

Chapitre XVI. DES DEGRÉS ET DES DIFFÉRENCES QUI SONT ENTRE LES CRÉATURES SELON QU’ON ENVISAGE LEUR UTILITÉ RELATIVE OU L’ORDRE ABSOLU DE LA RAISON.

Chapitre XVII. LA MALICE N’EST PAS DANS LA NATURE, MAIS CONTRE LA NATURE, ET ELLE A POUR PRINCIPE, NON LE CRÉATEUR, MAIS LA VOLONTE.  

Chapitre XVIII. DE LA BEAUTÉ DE L’UNIVERS QUI, PAR L’ART DE LA PROVIDENCE, TIRE UNE SPLENDEUR NOUVELLE DE L’OPPOSITION DES CONTRAIRES.  

Chapitre XIX. CE QU’IL FAUT ENTENDRE PAR CES PAROLES DE L’ÉCRITURE: "DIEU SÉPARA LA LUMIÈRE DES TÉNÈBRES."  

Chapitre XX. EXPLICATION DE CE PASSAGE: "ET DIEU VIT QUE LA LUMIÈRE ÉTAIT BONNE".

Chapitre XXI. DE LA SCIENCE ÉTERNELLE ET IMMUABLE DE DIEU ET DE SA VOLONTÉ, PAR QUI TOUTES SES ŒUVRES LUI ONT TOUJOURS PLU, AVANT D’ÊTRE CRÉÉES, TELLES QU’IL LES A CRÉÉES EN EFFET

Chapitre XXII. DE CEUX QUI TROUVENT PLUSIEURS CHOSES À REPRENDRE DANS CET UNIVERS, OUVRAGE EXCELLENT D’UN EXCELLENT CRÉATEUR,  ET QUI CROIENT À L’EXISTENCE D’UNE MAUVAISE NATURE.    

Chapitre XXIII. DE L’ERREUR REPROCHÉE À LA DOCTRINE D’ORIGÈNE.  

Chapitre XXIV. DE LA TRINITÉ DIVINE, QUI A RÉPANDU EN TOUTES SES ŒUVRES DES TRACES DE SA PRÉSENCE.

Chapitre XXV. DE LA DIVISION DE LA PHILOSOPHIE EN TROIS PARTIES.    

Chapitre XXVI. L’IMAGE DE LA TRINITÉ EST EN QUELQUE SORTE EMPREINTE DANS  L’HOMME, AVANT MÊME QU’IL NE SOIT DEVENU BIENHEUREUX.    

Chapitre XXVII. DE L’ÊTRE ET DE LA SCIENCE, ET DE L’AMOUR DE L’UN ET DE L’AUTRE.

Chapitre XXVIII. SI NOUS DEVONS AIMER L’AMOUR MÊME PAR LEQUEL NOUS AIMONS NOTRE ÊTRE ET NOTRE CONNAISSANCE, POUR MIEUX RESSEMBLER À LA TRINITÉ.    

Chapitre XXIX. DE LA SCIENCE DES ANGES QUI ONT CONNU LA TRINITÉ DANS L’ESSENCE MÊME DE DIEU ET LES CAUSES DES ŒUVRES DIVINES DANS L’ART DU DIVIN OUVRIER.          

Chapitre XXX. DE LA PERFECTION DU NOMBRE SENAIRE*, QUI, LE PREMIER DE TOUS LES NOMBRES, SE COMPOSE DE SES PARTIES.  

Chapitre XXXI. DU SEPTIÈME JOUR, QUI EST CELUI OÙ DIEU SE REPOSE  APRÈS L’ACCOMPLISSEMENT DE SES OUVRAGES.  

Chapitre XXXII. DE CEUX QUI CROIENT QUE LA CRÉATION DES ANGES A PRÉCÉDÉ CELLE DU MONDE.

Chapitre XXXIII. ON PEUT ENTENDRE PAR LA LUMIÈRE ET LES TÉNÈBRES LES DEUX SOCIÉTÉS CONTRAIRES DES BONS ET DES MAUVAIS ANGES.

Chapitre XXXIV. DE CEUX QUI CROIENT QUE PAR LES EAUX QUE SÉPARA LE FIRMAMENT IL FAUT ENTENDRE LES ANGES, ET DE QUELQUES AUTRES QUI PENSENT QUE LES EAUX N’ONT POINT ÉTÉ CRÉÉES.  

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Dernière édition par ROBERT. le Mar 08 Déc 2015, 11:51 am, édité 41 fois (Raison : ajout de liens et mise en forme.)
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Message  ROBERT. Mar 08 Sep 2015, 3:53 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. I a écrit:
LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE PREMIER.

OBJET DE CETTE PARTIE DE NOTRE OUVRAGE OÙ NOUS

COMMENÇONS D’EXPOSER L’ORIGINE ET LA FIN DES DEUX CITÉS.



Nous appelons Cité de Dieu celle à qui rend témoignage cette Ecriture dont l’autorité divine s’est assujettie toutes sortes d’esprits, non par le caprice des volontés humaines, mais par la disposition souveraine de la providence de Dieu. "On a dit de toi des choses glorieuses, Ô Cité de Dieu ! 1"


Et dans un autre psaume: "Le Seigneur est grand et digne des plus hautes louanges dans la Cité de notre Dieu et sur sa montagne sainte, d’où il accroît  les allégresses de toute la terre 2".


Et un peu après: "Ce que nous avions entendu, nous  l’avons vu dans la Cité du Seigneur des armées, dans la Cité de notre Dieu; Dieu l’a fondée pour l’éternité 3".


Et encore dans un autre psaume: "Un torrent de joie inonde  la Cité de Dieu; le Très-Haut a sanctifié son  tabernacle; Dieu est au milieu d’elle, elle ne  sera point ébranlée 4".


Ces témoignages, et d’autres semblables qu’il serait trop long de rapporter, nous apprennent qu’il existe une Cité de Dieu dont nous désirons être citoyens par l’amour que son fondateur nous a inspiré. Les citoyens de la Cité de la terre préfèrent leurs divinités à ce fondateur de la Cité sainte, faute de savoir qu’il est le Dieu des dieux, non des faux dieux, c’est-à-dire des dieux impies et superbes, qui, privés de la lumière immuable et commune à tous, et réduits à une puissance stérile, s’attachent avec fureur à leurs misérables privilèges pour obtenir des honneurs divins de ceux qu’ils ont trompés et assujettis, mais des dieux saints et pieux qui aiment mieux rester soumis à un seul que de se soumettre aux autres et adorer Dieu que d’être adorés en sa place.


J’ai répondu aux ennemis de cette sainte Cité dans les livres précédents, selon les forces que m’a données le Seigneur; je dois maintenant, avec son secours, exposer, ainsi que je l’ai promis, la naissance, le progrès et la fin des deux Cités, de celle de la terre et de celle du ciel, toujours mêlées ici-bas. Voyons d’abord comment elles ont préexisté dans la diversité des anges.



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1. Psaume LXXXVI, 3. — 2. Psaume XLVII, 3  — 3. Psaume XLVII,  9. —  4. Psaume  XLV, 5-6.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Mer 09 Sep 2015, 10:26 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. II a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE II.


PERSONNE NE PEUT ARRIVER A LA CONNAISSANCE DE DIEU QUE PAR

JÉSUS-CHRIST HOMME, MÉDIATEUR ENTRE DIEU ET LES HOMMES.




C’est chose difficile et fort rare, après avoir considéré toutes les créatures corporelles et incorporelles, et reconnu leur instabilité, de s’élever au-dessus d’elles pour contempler la substance immuable de Dieu et apprendre de lui-même que nul autre que lui n’a créé tous les êtres qui diffèrent de lui. Car pour cela Dieu ne parle pas à l’homme par le moyen de quelque créature corporelle, comme une voix qui se fait entendre aux oreilles en frappant l’air interposé entre celui qui parle et celui qui écoute, ni par quelque image spirituelle, telle que celles qui se présentent à nous dans nos songes et qui ont beaucoup de ressemblance avec les corps, mais il parle par la vérité même, dont l’esprit seul peut entendre ce langage. Il s’adresse à ce que l’homme a de plus excellent et en quoi il ne reconnaît que Dieu qui lui soit supérieur.



L’homme, en effet, ainsi que l’enseigne la saine raison, ou à défaut d’elle, la foi, ayant été créé à l’image de Dieu, il est hors de doute qu’il approche d’autant plus de Dieu qu’il s’élève davantage au-dessus des bêtes par cette partie de lui, même supérieure à celles qui sont communes à la bête et à l’homme. Mais comme ce même esprit, naturellement doué de raison et d’intelligence, se trouve incapable, au milieu des vices invétérés qui l’offusquent, non seulement de jouir de cette lumière immuable, mais même d’en soutenir l’éclat, jusqu’à ce  que sa lente et successive guérison le renouvelle et le rende capable d’une si grande félicite, il fallait qu’au préalable il fût pénétré et purifié par la foi.



Et afin que par elle il marchât d’un pas plus ferme vers la vérité, la Vérité même, c’est-à-dire Dieu, Fils de Dieu, fait homme sans cesser d’être Dieu, a fondé et établi cette foi qui ouvre à l’homme la voie du Dieu de l’homme par l’homme-Dieu; car c’est Jésus-Christ homme qui est médiateur entre Dieu et les hommes, et c’est comme homme qu’il est notre médiateur aussi bien que notre voie. En effet, quand il y a une voie entre celui qui marche et le lieu où il veut aller, il peut espérer d’aboutir; mais quand il n’y en a point ou quand il l’ignore, à quoi lui sert de savoir où il faut aller ? Or, pour que l’homme ait une voie assurée vers le salut, il faut que le même principe soit Dieu et homme tout ensemble; on va à lui comme Dieu, et comme homme, on va par lui.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Jeu 10 Sep 2015, 11:52 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. III a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE III.

DE L’AUTORITÉ DE L’ÉCRITURE CANONIQUE,

OU VISAGE DE L’ESPRIT DIVIN.



Ce Dieu, après avoir parlé autant qu’il l’a jugé à propos, d’abord par les Prophètes, ensuite par lui-même et en dernier lieu par les Apôtres, a fondé en outre l’Ecriture, dite canonique, laquelle a une autorité si haute et s’impose à notre foi pour toutes les choses qu’il ne nous est pas bon d’ignorer et que nous sommes incapables de savoir par nous-mêmes. Aussi bien, s’il nous est donné de connaître directement les objets qui tombent sous nos sens, il n’en est pas de même pour ceux qui sont placés au-delà de leur portée, et alors il nous faut bien recourir à d’autres moyens d’information et nous en rapporter aux témoins.


Hé bien! Ce que nous faisons pour les objets des semis, nous devons aussi le faire pour les objets de l’intelligence ou du sens intellectuel. Et par conséquent, nous ne saurions nous empêcher d’ajouter foi, pour les choses invisibles qui ne tombent point sous les sens extérieurs, aux saints qui les ont vues ou aux anges qui les voient sans cesse dans la lumière immuable et incorporelle.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Ven 11 Sep 2015, 10:45 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. IV a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE IV.


LE MONDE N’A PAS ÉTÉ CRÉÉ DE TOUTE ÉTERNITÉ,

SANS QU’ON PUISSE DIRE QU’EN LE CRÉANT

DIEU AIT FAIT SUCCÉDER UNE VOLONTÉ NOUVELLE

À UNE AUTRE VOLONTÉ ANTÉRIEURE.




Le monde est le plus grand de tous les êtres visibles, comme le plus grand de tous les invisibles est Dieu; mais nous voyons le monde et nous croyons que Dieu est. Or, que Dieu ait créé le monde, nous n’en pouvons croire personne plus sûrement que Dieu même, qui dit dans les Écritures saintes par la bouche du Prophète: "Dans le principe, Dieu créa  le ciel et la terre 1". Il est incontestable que le Prophète n’assistait pas à cette création mais la sagesse de Dieu, par qui toutes choses ont été faites 2, était présente; et c’est elle qui pénètre les âmes des saints, les fait amis et prophètes de Dieu 3, et leur raconte ses œuvres intérieurement et sans bruit. Ils conversent aussi avec les anges de Dieu, qui voient toujours la face du Père et qui annoncent sa volonté à ceux qui leur sont désignés. Du nombre de ces prophètes était celui qui a écrit: "Dans le principe, Dieu créa le ciel et  la terre", et nous devons d’autant plus l’en croire que le même Esprit qui lui a révélé cela lui a fait prédire aussi, tant de siècles à l’avance, que nous y ajouterions foi.




Mais pourquoi à-t-il plu au Dieu éternel de faire alors le ciel et la terre que jusqu’alors il n’avait pas faits ? 4  Si ceux qui élèvent cette objection veulent prétendre que le monde est éternel et sans commencement, et qu’ainsi Dieu ne l’a point créé, ils s’abusent étrangement et tombent dans une erreur mortelle. Sans parler des témoignages des Prophètes, le monde même proclame en silence, par ses révolutions si régulières et par la beauté de toutes les choses visibles, qu’il a été créé, et qu’il n’a pu l’être que par un Dieu dont la grandeur et la beauté sont invisibles et ineffables.



Quant à ceux 5 qui, tout en avouant qu’il est l’ouvrage de Dieu, ne veulent pas lui reconnaître un commencement de durée, mais un simple commencement de création, ce qui se terminerait à dire d’une façon presque inintelligible que le monde a toujours été fait, ils semblent, il est vrai, mettre par là Dieu à couvert d’une témérité fortuite, et empêcher qu’on ne croie qu’il ne lui soit venu tout d’un coup quelque chose en l’esprit qu’il n’avait pas auparavant, c’est-à-dire une volonté nouvelle de créer le monde, à lui qui est incapable de tout changement ; mais je ne vois pas comment cette opinion peut subsister à d’autres égards et surtout à l’égard de l’âme. Soutiendront-ils qu’elle est coéternelle à Dieu ? Mais comment expliquer alors d’où lui est survenue une nouvelle misère qu’elle n’avait point eue pendant toute l’éternité ?



En effet, s’ils disent qu’elle a toujours été dans une vicissitude de félicité et de misère, il faut nécessairement qu’ils disent qu’elle sera toujours dans cet état; d’où s’ensuivra cette absurdité qu’elle est heureuse sans l’être, puisqu’elle prévoit sa misère et sa difformité à venir. Et si elle ne la prévoit pas, si elle croit devoir être toujours heureuse, elle n’est donc heureuse que parce qu’elle se trompe, ce que l’on ne peut avancer sans extravagance. S’ils disent que dans l’infinité des siècles passés elle a parcouru une continuelle alternative de félicité et de misère, mais qu’immédiatement après sa délivrance elle ne sera plus sujette à cette vicissitude, il faut donc toujours qu’ils tombent d’accord qu’elle n’a jamais été vraiment heureuse, qu’elle commencera à l’être dans la suite, et qu’ainsi il lui surviendra quelque chose de nouveau et une chose extrêmement importante qui ne lui était jamais arrivée dans toute l’éternité.



Nier que la cause de cette nouveauté n’ait toujours été dans les desseins éternels de Dieu, c’est nier que Dieu soit l’auteur de sa béatitude: sentiment qui serait d’une horrible impiété. S’ils prétendent d’un autre côté que Dieu a voulu, par un nouveau dessein, que l’âme soit désormais éternellement bienheureuse, comment le défendront-ils de cette mutabilité dont ils avouent eux-mêmes qu’il est exempt ? Enfin, s’ils confessent qu’elle a été créée dans le temps, mais qu’elle subsistera éternellement, comme les nombres qui ont un commencement et point de fin 1, et qu’ainsi, après avoir éprouvé la misère, elle n’y retombera plus, lorsqu’elle sera une fois délivrée, ils avoueront sans doute aussi que cela se fait sans qu’il arrive aucun changement dans les desseins immuables de Dieu. Qu’ils croient donc de même que le monde a pu être créé dans le temps, sans que Dieu en le créant ait changé de dessein et de volonté.



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1. Genèse I, 1. — 2. Sagesse VII, 27. — 3. Matthieu XVIII, 10. — 4. Cette objection était familière aux Épicuriens, comme nous l’apprend Cicéron (De nat. Deor., lib. I, cap. 9); reprise par les Manichéens, elle a été combattue plusieurs fois par saint Augustin. Voyez De Gen. contra Man., lib. I, n. 3. — 5. Saint Augustin s’adresse ici, non plus aux Épicuriens, ou aux Manichéens, mais aux néo-platoniciens d’Alexandrie. — 1. Les nombres, dit fort bien un savant commentateur de la Cité de Dieu, L. Vivès, les nombres ont un commencement, savoir l’unité; ils n’ont point de fin, en ce sens que la suite des nombres est indéfinie, nul nombre, si grand qu’il soit, n’étant le plus grand possible.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques, gras et
soulignés ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Sam 12 Sep 2015, 3:06 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. V a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE V.

IL NE FAUT PAS PLUS SE FIGURER DES TEMPS INFINIS

AVANT LE MONDE QUE DES LIEUX INFINIS AU-DELÀ DU MONDE.




D’ailleurs, que ceux qui, admettant avec nous un Dieu créateur, ne laissent pas de nous faire des difficultés sur le moment où a commencé la création, voient comment ils nous satisferont eux-mêmes touchant le lieu où le monde a été créé. De même qu’ils veulent que nous leur disions pourquoi il a été créé à un certain moment plutôt qu’auparavant, nous pouvons leur demander pourquoi il a été créé où il est plutôt qu’autre part.



En effet, s’ils s’imaginent avant le monde des espaces infinis de temps, où il ne leur semble pas possible que Dieu soit demeuré sans rien faire, qu’ils s’imaginent donc aussi hors du monde des espaces infinis de lieux; et si quelqu’un juge impossible que le Tout-Puissant soit resté oisif au milieu de tous ces espaces sans bornes, ne sera-t-il pas obligé d’imaginer, comme Épicure, une infinité de mondes, avec cette seule différence Épicure veut qu’ils soient formés et détruits par le concours fortuit des atomes, au lieu que ceux-ci diront, selon leurs principes, que tous ces mondes sont l’ouvrage de Dieu et ne peuvent être détruits.



Car il ne faut pas oublier que nous discutons ici avec des philosophes persuadés comme nous que Dieu est incorporel et qu’il a créé tout ce qui n’est pas lui. Quant aux autres, ils ne méritent pas d’avoir part à une discussion religieuse, et si les adversaires que nous avons choisis ont surpassé tous les autres en gloire et en autorité, c’est uniquement pour avoir approché de plus près de la vérité, quoiqu’ils en soient encore fort éloignés. Diront-ils donc que la substance divine, qu’ils ne limitent à aucun lieu, mais qu’ils reconnaissent être tout entière partout (sentiment bien digne de la divinité), est absente de ces grands espaces qui sont hors du monde, et n’occupe que le petit espace où le monde est  placé ? Je ne pense pas qu’ils soutiennent une opinion aussi absurde.



Puis donc qu’ils disent qu’il n’y a qu’un seul monde, grand à la vérité, mais fini néanmoins et compris dans un certain espace, et que c’est Dieu qui l’a créé, qu’ils se fassent à eux-mêmes touchant les temps infinis qui ont précédé le monde, quand ils demandent pourquoi Dieu y est demeuré sans rien faire, la réponse qu’ils font aux autres touchant les lieux infinis qui sont hors du monde, quand on leur demande pourquoi Dieu n’y fait rien.



De même, en effet, qu’il ne s’ensuit pas, de ce que Dieu a choisi pour créer le monde un lieu que rien ne rendait plus digne de ce choix que tant d’autres espaces en nombre infinis, que cela soit arrivé par hasard, quoique nous n’en puissions pénétrer la raison, de même on ne peut pas dire qu’il soit arrivé quelque chose de fortuit en Dieu, parce qu’il a fixé à la création un temps plutôt qu’un autre. Que s’ils disent que c’est une rêverie de s’imaginer qu’il y ait hors du monde des lieux infinis, n’y ayant point d’autre lieu que le monde, nous disons de même que c’est une chimère de s’imaginer qu’il y ait eu avant le monde des temps infinis où Dieu soit demeuré sans rien faire, puisqu’il n’y a point de temps avant le monde  1.



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1. Pour bien entendre ce chapitre, il faut se souvenir qu’il est écrit contre des philosophes qui se déclaraient disciples de Platon, et qui en même temps soutenaient l’éternité du monde. Saint Augustin se fait une arme contre eux de la cosmologie du Timée, où Platon conçoit le monde comme fini en étendue et ayant une forme précise, la forme sphérique. (Voyez tome XII de la trad. française p. 123). Si votre monde, dit saint Augustin aux disciples de Platon, est fini dans l’espace, pourquoi ne le serait-il pas dans le temps ?




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Dim 13 Sep 2015, 2:20 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. VI a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE VI.

LE MONDE ET LE TEMPS ONT ÉTÉ CRÉÉS ENSEMBLE.  




Si la véritable différence du temps et de l’éternité consiste en ce que le temps n’est pas sans quelque changement et qu’il n’y a point de changement dans l’éternité 2, qui ne voit qu’il n’y aurait point de temps, s’il n’y avait quelque créature dont les mouvements successifs, qui ne peuvent exister simultanément, fissent des intervalles plus longs ou plus courts, ce qui constitue le temps ? Et dès lors je ne conçois pas comment on peut dire que Dieu, être éternel et immuable, qui est le créateur et l’ordonnateur des temps, a créé le monde après de longs espaces de temps, à moins qu’on ne veuille dire aussi qu’avant le monde il y avait déjà quelque créature dont les mouvements mesuraient le temps.



Mais puisque l’Ecriture sainte, dont l’autorité est incontestable, nous assure que "Au commencement Dieu créa le ciel et la terre 1" ce qui fait bien voir qu’il n’avait rien créé auparavant, il est indubitable que le monde n’a pas été créé dans le temps, mais avec le temps: car ce qui se fait dans le temps se fait après et avant quelque temps, après le temps passé et avant le temps à venir.



Or, avant le monde, il ne pouvait y avoir aucun temps passé, puisqu’il n’y avait point de créature dont les mouvements pussent mesurer le temps. Le monde a donc été créé avec le temps, puisque le mouvement a été créé avec le monde, comme cela est visible par l’ordre même des six ou sept premiers jours, pour lesquels le soir et le matin sont marqués, jusqu’à ce que l’œuvre des six jours fût accomplie et que le septième jour fût marqué par le grand mystère du repos de Dieu.2  Maintenant quels sont ces jours ? C’est ce qui nous est très difficile ou même impossible d’entendre; combien plus de l’expliquer !



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2. Sur le temps et l’éternité, voyez les amples développements où est entré saint Augustin dans les Confessions (livre XI, chap. 13 et suiv.) Voyez aussi son De Gen. ad litt. XV, n. 12. —1. Genèse I, 1.  2. —  C’est la doctrine du Timée: "Le temps, dit Platon, a donc été fait avec le monde, afin que, nés ensemble, ils finissent aussi ensemble, si jamais leur destruction doit arriver (tome XII de la trad. française, p. 131)". — Voici encore un admirable passage du Timée, dont saint Augustin s’est visiblement inspiré dans toute la suite des livres XI et XII de la Cité de Dieu, aussi bien que dans les chapitre, déjà cités des Confessions: "Dieu résolut de faire une image mobile de l’éternité, et par la disposition qu’il mit entre toutes le, parties de l’univers, il fit de l’éternité qui repose dans l’unité. Cette image éternelle, mais divisible, que nous appelons le temps. Avec le monde naquirent les jours, les nuits; les mois et les années qui n’existaient point auparavant. Ce ne sont là que des partie du temps; le passé, le futur en sont des formes passagères que, dans notre ignorance, nous transportons mal à propos à la substance éternelle; car noua avons l’habitude de dire: elle fut, elle est et sera; elle est, voilà ce qu’il faut dire en vérité. Le passé et le futur ne conviennent qu’à la génération qui se succède dans le temps, car ce sont là des mouvements. Mais la substance éternelle, toujours la même et immuable, ne peut devenir ni plus vieille ni plus jeune, de même qu’elle n’est, ni ne fut, ni ne sera jamais dans le temps. Elle n’est sujette à aucun des accidents que la génération impose aux choses sensibles, à ces formes du temps qui imite l’éternité et se meut dans un cercle mesuré par le nombre "(Ibidem, page 130).




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Lun 14 Sep 2015, 1:37 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. VII a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE VII.

DE LA NATURE DE CES PREMIERS JOURS QUI ONT

EU UN SOIR ET UN MATIN AVANT LA CRÉATION DU SOLEIL.  




Nos jours ordinaires n’ont leur soir que par le coucher du soleil et leur matin que par son lever. Or, ces trois premiers jours se sont écoulés sans soleil, puisque cet astre ne fut créé que le quatrième jour 1. L’Ecriture nous dit bien que Dieu créa d’abord la lumière 2, et la sépara des ténèbres 3, qu’il appela la lumière jour, et les ténèbres nuit 4 mais quelle était cette lumière et par quel mouvement périodique se faisait le soir et le matin, voilà ce qui échappe à nos sens et ce que nous devons pourtant croire sans hésiter, malgré l’impossibilité de le comprendre. En effet, ou bien il s’agit d’une lumière corporelle, soit qu’elle réside loin de nos regards, dans les parties supérieures du monde, soit qu’elle ait servi plus tard à allumer le soleil; ou bien ce mot de lumière signifie la sainte Cité composée des anges et des esprits bienheureux dont l’Apôtre parle ainsi:  "La Jérusalem d’en haut, notre mère éternelle dans  les cieux 5".


Il dit, en effet, ailleurs: "Vous êtes tous enfants de lumière et enfants du jour; nous ne sommes point les fils de la nuit ni des ténèbres 6". Peut-être aussi pourrait-on dire, en quelque façon, que ce jour a son soir et son matin, dans ce sens que la science des créatures est comme un soir en comparaison de celle du Créateur, mais qu’elle devient un jour et un matin, lorsqu’on la rapporte à sa gloire et à son amour, et, pareillement, qu’elle ne penche point vers la nuit, quand on n’abandonne point le Créateur pour s’attacher à la créature.



Remarquez enfin que l’Ecriture, comptant par ordre ces premiers jours, ne se sert jamais du mot de nuit; car elle ne dit nulle part: Il y eut nuit, mais: "Du soir et du matin se fit un jour 7"; et ainsi du second et du suivant. Aussi bien, la connaissance des choses créées, quand on les regarde en elles-mêmes, a moins d’éclat que si on les contemple dans la sagesse de Dieu comme dans l’art qui les a produites, de sorte qu’on peut l’appeler plus convenablement un soir qu’une nuit; et néanmoins, comme je l’ai dit, si on la rapporte à la gloire et à l’amour du Créateur, elle devient en quelque façon un matin.



Ainsi envisagée, la connaissance des choses créées constitue le premier jour en tant qu’elle se connaît elle-même; en tant qu’elle a pour objet le firmament, qui a été placé entre les eaux inférieures et supérieures et a été appelé le ciel, c’est le second jour; appliquée à la terre, à la mer et à toutes les plantes qui tiennent à la terre par leurs racines, c’est le troisième jour; aux deux grands astres et aux étoiles, c’est le quatrième jour; à tous les animaux engendrés des eaux, soit qu’ils nagent, soit qu’ils volent, c’est le cinquième jour; enfin, le sixième jour est constitué par la connaissance de tous les animaux terrestres et de l’homme même  1.



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1. Genèse I, 14 et suiv.. – 2. Genèse I, 3. — 3. Genèse I, 4. — 4. Genèse I, 5. — 5. Galates IV, 26.— 6. I Thessaloniciens V, 5.—7. Genèse I, 5.
1. Ce système d’interprétation est plus amplement développé dans un traité spécial de saint Augustin, le De Genesis ad litteram. Voyez surtout les livres III et IV.




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Message  ROBERT. Sam 19 Sep 2015, 3:03 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. VIII a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.



CHAPITRE VIII.

CE QU’IL FAUT ENTENDRE PAR LE REPOS

DE DIEU APRÈS L’ŒUVRE DES SIX JOURS.

 


Quand l’Ecriture dit que Dieu se reposa le septième jour et le sanctifia 2, il ne faut pas entendre cela d’une manière puérile, comme si Dieu s’était lassé à force de travail; Dieu a parlé et l’univers a été fait 3, et cette parole n’est pas sensible et passagère, mais intelligible et éternelle. Le repos de Dieu, c’est le repos de ceux qui se reposent en lui, comme la joie d’une maison, c’est la joie de ceux qui se réjouissent dans la maison, bien que ce ne soit pas la maison même qui cause leur joie. Combien donc sera-t-il plus raisonnable d’appeler cette maison joyeuse, si par sa beauté elle inspire de la joie à ceux qui l’habitent ? En sorte qu’on l’appelle joyeuse, non seulement par cette façon de parler qui substitue le contenant au contenu (comme quand on dit que les théâtres applaudissent, que les prés mugissent, parce que les hommes applaudissent sur les théâtres et que les bœufs mugissent dans les prés), mais encore par cette figure qui exprime l’effet par la cause, comme quand on dit qu’une lettre est joyeuse, pour marquer la joie qu’elle donne à ceux qui la lisent. Ainsi, lorsque le prophète dit que Dieu s’est reposé, il marque fort bien le repos de ceux qui se reposent en Dieu et dont Dieu même fait le repos; et cette parole regarde aussi les hommes pour qui les saintes Ecritures ont été composées; elle leur promet un repos éternel à la suite des bonnes œuvres que Dieu opère en eux et par eux, s’ils s’approchent d’abord de lui par la foi. C’est ce qui a été pareillement figuré par le repos du sabbat que la loi prescrivait à l’ancien peuple de Dieu, et dont je me propose de parler ailleurs plus au long 4.


-----------------------------------------------------


2. Genèse II, 2 -3. —  3. Genèse I, 5. — 4. Sur le sens symbolique du repos de Dieu, voyez le De Gen. ad litt., n. 15 et suiv.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Dim 20 Sep 2015, 3:06 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. IX a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE IX.

CE QUE L’ON DOIT PENSER DE LA CRÉATION DES ANGES,

D’APRÈS LES TÉMOIGNAGES DE L’ÉCRITURE SAINTE..

 


Puisque j’ai entrepris d’exposer la naissance de la sainte Cité en commençant par les saints anges, qui en sont la partie la plus considérable, élite glorieuse qui n’a jamais connu les épreuves du pèlerinage d’ici-bas, je vais avec l’aide de Dieu expliquer, autant qu’il me paraîtra convenable, les témoignages divins qui se rapportent à cet objet. Lorsque l’Ecriture parle de la création du monde, elle n’énonce pas positivement si les anges ont été créés, ni quand ils l’ont été; mais à moins qu’ils n’aient été passés sous silence, ils sont indiqués, soit par le ciel, quand il est dit: "Dans le principe, Dieu créa le ciel et la terre"; soit par la lumière dont je viens de parler. Ce qui me persuade qu’ils n’ont pas été omis dans le divin livre, c’est qu’il est écrit d’une part que Dieu se reposa le septième jour de tous les ouvrages qu’il avait faits, et que, d’autre part, la Genèse commence ainsi: "Dans le principe, Dieu créa le ciel et la terre", ce qui semble dire que Dieu n’avait rien fait auparavant.



Puis donc qu’il a commencé par le ciel et la terre, et que la terre, ajoute l’Ecriture, était d’abord invisible et désordonnée, la lumièren’étant pas encore faite et les ténèbres couvrant la face de l’abîme, c’est-à-dire le mélange confus des éléments, puisque enfin toutes choses ont été successivement ordonnées par une opération qui a duré six jours, comment les anges auraient-ils été omis, eux qui font une partie si considérable de ces ouvrages dont Dieu se reposa le septième jour ? Et cependant il faut convenir que, sans avoir été omis, ils ne sont pas marqués d’une manière claire dans ce passage; aussi l’Ecriture s’en explique-t-elle ailleurs en termes de la plus grande clarté. Dans le cantique des trois jeunes hommes dans la fournaise qui commence ainsi: "Ouvrages du Seigneur, bénissez tous le Seigneur 1", les anges sont nommés immédiatement après, dans le dénombrement de ces ouvrages. Et dans les Psaumes: "Louez le Seigneur dans les cieux; louez-le du haut des lieux sublimes. Louez-le, vous tous qui êtes ses anges; louez-le, vous qui êtes ses Vertus ! Soleil et Lune, louez le Seigneur; étoiles et lumière, louez-le toutes ensemble. Cieux des cieux, louez le Seigneur, et que toutes les eaux qui sont au-dessus des cieux louent son saint nom; car il a dit, et toutes choses ont été faites: il a commandé, et elles ont été créées 1". Les anges sont donc évidemment un des ouvrages de Dieu.



Le texte divin le déclare, quand après avoir énuméré toutes les choses célestes, il est dit de l’ensemble: Dieu a parlé, et tout a été fait. Osera-t-on prétendre maintenant que la création des anges est postérieure à l’œuvre des six jours ? Cette folle hypothèse est confondue par l’Ecriture, où Dieu dit: "Quand les astres ont été créés, tous mes anges m’ont béni à haute voix 2". Les anges étaient donc déjà, quand furent faits les astres. Les astres, il est vrai, n’ont été créés que le quatrième jour: en conclurons-nous que les anges ont été créés le troisième ? Nullement; car l’emploi de jour est connu: les eaux furent séparées la terre; ces deux éléments reçurent les espèces d’animaux qui leur conviennent, et la terre produisit tout ce qui lient à elle par des racines. Remonterons-nous au second jour ? Pas davantage; car en ce jour le firmament fut créé entre les eaux supérieures et inférieures; il reçut le nom de ciel, et ce fut dans son enceinte que les astres furent créés le quatrième jour. Si donc les anges doivent être comptés parmi les ouvrages des six jours, ils sont certainement cette lumière qui est appelée jour et dont l’Ecriture marque l’unité 3 en ne l’appelant pas le premier jour (dies primus), mais un jour (dies unus). Car le second jour, le troisième et les suivants ne sont pas d’autres jours, mais ce jour unique 4, qui a été ainsi répété pour accomplir le nombre six ou le nombre sept, dont l’un figure la connaissance des œuvres de Dieu, et l’autre celle de son repos.



En effet, quand Dieu a dit: Que la lumière soit et la lumière fut, s’il est raisonnable d’entendre par là la création des anges, ils ont été certainement créés participants de la lumière éternelle, qui est la sagesse immuable de Dieu, par qui toutes choses ont été faites, et que nous appelons son Fils unique; et s’ils ont été éclairés de cette lumière qui les avait créés, ç’a été pour devenir eux-mêmes lumière et être appelés jour par la participation de cette lumière et de ce jour immuable qui est le Verbe de Dieu, par qui eux et toutes choses ont été créés.  La vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde 1 éclaire pareillement tout ange pur, afin qu’il soit lumière, non en soi, mais en Dieu; aussi tout ange qui s’éloigne de Dieu devient-il impur, comme sont tous ceux qu’on nomme esprits immondes, lorsqu’ils ne sont plus lumière dans le Seigneur, mais ténèbres en eux-mêmes, parce qu’ils sont privés de la participation de la lumière éternelle.
En effet, le mal n’est point une substance, mais on a appelé mal la privation du bien. 2



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1. Daniel  III, 57-58. — 1. Psaume  CXLVIII, 1-5. — 2. Job XXXVIII, 7. — 3. Voyez le texte de la Vulgate.— 4. La plupart des théologiens grecs, d’accord sur ce point avec les philosophes platoniciens, pensent, dit Vivès, que les êtres spirituels ont été créés avant les êtres corporels et qu’ils ont même servi au créateur, comme ministres, à composer le reste de l’univers. Telle n’est point la doctrine des Pères latins; saint Jérôme est le seul peut-être qui fasse exception; tous les autres, notamment saint Ambroise, Bède, Cassiodore, enseignent, comme saint Augustin, que tous les êtres ont été produits à la fois par le Créateur, sentiment qui parait autorisé avec une force singulière par ce mot de l’Ecclésiastique: "Celui qui vit dans l’éternité a créé à la fois toutes choses (XVIII, 31)". Saint Basile s’est rangé, en cette occasion, du côté des Pères latins. —1. Jean I, 9. — 2. C’est la théorie de toute l’école platonicienne, formulée avec une précision parfaite par Plotin au livre II de la 3e Ennéade, ch. 5.




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Message  ROBERT. Lun 21 Sep 2015, 2:19 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. X a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE X.

DE L’IMMUABLE ET INDIVISIBLE TRINITÉ, OÙ LE PÈRE, LE FILS ET LE SAINT-ESPRIT

NE FONT QU’UN SEUL DIEU, EN QUI LA QUALITÉ ET LA SUBSTANCE S’IDENTIFIENT.





Il existe un bien, seul simple, seul immuable, qui est Dieu. Par ce bien, tous les autres biens ont été créés; mais ils ne sont point simples, et partant ils sont muables. Quand je dis, en effet, qu’ils ont été créés, j’entends qu’ils ont été faits et non pas engendrés 3, attendu que ce qui est engendré du bien simple est simple comme lui, est la même chose que lui. Tel est le rapport de Dieu le Père avec Dieu le Fils, qui tous deux ensemble, avec le Saint-Esprit, ne font qu’un seul Dieu; et cet Esprit du Père et du Fils est appelé le Saint-Esprit dans l’Ecriture, par appropriation particulière de ce nom. Or, il est autre que le Père et le Fils, parce qu’il n’est ni le Père ni le Fils; je dis autre, et non autre chose, parce qu’il est, lui aussi, le bien simple, immuable et éternel. Cette Trinité n’est qu’un seul Dieu, qui n’en est pas moins simple pour être une Trinité; car nous ne faisons pas consister la simplicité du bien en ce qu’il serait dans le Père seulement, ou seulement dans le Fils, ou enfin dans le seul Saint-Esprit 1 et nous ne disons pas non plus, comme les Sabelliens, que cette Trinité n’est qu’un nom, qui n’implique aucune subsistance des personnes; mais nous disons que ce bien est simple, parce qu’il est ce qu’il a, sauf la seule réserve de ce qui appartient à chaque personne de la Trinité relativement aux autres. En effet, le Père a un Fils et n’est pourtant pas Fils, le Fils a un Père sans être Père lui-même. Le bien est donc ce qu’il a, dans tout ce qui le constitue en soi-même, sans rapport à un autre que soi. Ainsi, comme il est vivant en soi-même et sans relation, il est la vie même qu’il a.



La nature de la Trinité est donc appelée une nature simple, par cette raison qu’elle n’a rien qu’elle puisse perdre et qu’elle n’est autre chose que ce qu’elle a. Un vase n’est pas l’eau qu’il contient, ni un corps la couleur qui le colore, ni l’air la lumière ou la chaleur qui l’échauffe ou l’éclaire, ni l’âme la sagesse qui la rend sage. Ces êtres ne sont donc pas simples, puisqu’ils peuvent être privés de ce qu’ils ont, et recevoir d’autres qualités ou habitudes. Il est vrai qu’un corps incorruptible, tel que celui qui est promis aux saints dans la résurrection, ne peut perdre cette qualité; mais cette qualité n’est pas sa substance même.



L’incorruptibilité réside tout entière dans chaque partie du corps, sans être plus grande ou plus petite dans l’une que dans l’autre, une partie n’étant pas plus incorruptible que l’autre, au lieu que le corps même est plus grand dans son tout que dans une de ses parties. Le corps n’est pas partout tout entier, tandis que l’incorruptibilité est tout entière partout; elle est dans le doigt, par exemple, comme dans le reste de la main, malgré la différence qu’il y a entre l’étendue de toute la main et celle d’un seul doigt. Ainsi, quoique l’incorruptibilité soit inséparable d’un corps incorruptible, elle n’est pas néanmoins  la substance même du corps, et par conséquent le corps n’est pas ce qu’il a.



Il en est de même de l’âme. Encore qu’elle doive être un jour éternellement sage, elle ne le sera que par la participation de la sagesse immuable, qui n’est pas elle. En effet, quand même l’air ne perdrait jamais la lumière qui est répandue dans toutes ses parties, il ne s’ensuivrait pas pour cela qu’il fût la lumière même; et ici je n’entends pas dire que l’âme soit un air subtil, ainsi que l’ont cru quelques philosophes, qui n’ont pas pu s’élever à l’idée d’une nature incorporelle 1. Mais ces choses, dans leur extrême différence, ne laissent pas d’avoir assez de rapport pour qu’il soit permis de dire que l’âme incorporelle est éclairée de la lumière incorporelle de la sagesse de Dieu, qui est parfaitement simple, de la même manière l’air corporel est éclairé par la lumière corporelle, et que, comme l’air s’obscurcit quand la lumière vient à se retirer (car ce qu’on appelle ténèbres 2 n’est autre chose que l’air privé de lumière), l’âme s’obscurcit pareillement, lorsqu’elle est privée de la lumière de la sagesse.



Si donc on appelle simple la nature divine, c’est qu’en elle la qualité n’est autre chose que la substance, en sorte que sa divinité, sa béatitude et sa sagesse ne sont point différentes d’elle-même. L’Ecriture, il est vrai, appelle multiple l’esprit de sagesse 3, mais c’est à cause de la multiplicité des choses qu’il renferme en soi, lesquelles néanmoins ne sont que lui-même, et lui seul est toutes ces choses. Il n’y a pas, en effet, plusieurs sagesses, mais une seule, en qui se trouvent ces trésors immenses et infinis où sont les raisons invisibles et immuables de toutes les choses muables et visibles qu’elle a créées; car Dieu n’a rien fait sans connaissance, ce qui ne pourrait se dire avec justice du moindre artisan. Or, s’il a fait tout avec connaissance, il est hors de doute qu’il n’a fait que ce qu’il avait premièrement connu: d’où l’on peut tirer cette conclusion merveilleuse, mais véritable, que
nous ne connaîtrions point ce monde, s’il n’était, au lieu qu’il ne pourrait être, si Dieu ne le connaissait. 1


--------------------------------------------------------------



3. La théologie chrétienne distingue sévèrement deux sortes d’opérations: faire et engendrer. Faire, c’est proprement créer, faire de rien, produire une chose qui auparavant n’existait absolument pas;  engendrer, c’est tirer quelque chose de soi-même. Cela posé, il ne faut pas dire que le monde est engendré de Dieu, mais qu’il est créé par lui; il ne faut pas dire que le Verbe, le Fils, est créé ou fait par le Père, mais qu’il est engendré de lui (genitum, non factum, consubstantialem Patri).— 1. Il s’agit ici de tous les systèmes qui anéantissent l’égalité des personnes. — Nous avons traduit ce passage de saint Augustin autrement que la plupart des interprètes. Suivant eux, il serait uniquement dirigé contre les Sabelliens. Suivant nous, saint Augustin écarte tour à tour la théologie arienne et celle de Sabellius, pour se placer avec l’Eglise à égale distance de l’une et de l’autre. — 1. Anaximène de Milet, disciple de Thalès, et Diogène d’Apollonie, disciple d’Anaximène, soutenaient que l’air est le principe unique de toutes choses et faisaient de l’âme une des transformations infinies de l’air. Voyez Aristote, Metaphys., lib.I, cap. 4, et De anim., lib. I, cap. 2. Camp. Tertullien, De anim., cap. 3. —2. Ceci est dirigé contre les Manichéens, qui soutenaient que le principe ténébreux est aussi réel et aussi positif que le principe lumineux. Voyez l’écrit de saint Augustin: De Gen. Contr. Manich., lib. 2, n.7 — Comp. Aristote, De anim., lib. II, cap. 7. —3. Sagesse VII, 22. — 1. Cette belle et profonde métaphysique, toute pénétrée de Platon, se retrouve dans les Confessions. Saint Augustin dit à Dieu: "C’est parce que les choses que tu as faites existent que nous les voyons; mais c’est parce que tu les vois qu’elles existent. (Confess., ad calc.)".




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Message  ROBERT. Mar 22 Sep 2015, 11:25 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XI a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.



CHAPITRE XI.

SI LES ANGES PRÉVARICATEURS ONT PARTICIPÉ À LA BÉATITUDE DONT LES

ANGES FIDÈLES ONT JOUI SANS INTERRUPTION DEPUIS QU’ILS ONT ÉTÉ CRÉÉS ?        




Il suit de là qu’en aucun temps ni d’aucune manière les anges n’ont commencé par être des esprits de ténèbres 2; dès qu’ils ont été, ils ont été lumière3, n’ayant pas été créés pour être ou pour vivre d’une manière quelconque, mais pour vivre sages et heureux. Quelques-uns, il est vrai, s’étant éloignés de la lumière, n’ont point possédé la vie parfaite, la vie sage et heureuse, qui est essentiellement une vie éternelle accompagnée d’une confiance parfaite en sa propre éternité; mais ils ont encore la vie raisonnable, tout en l’ayant pleine de folie, et ils ne sauraient la perdre, quand ils le voudraient. Au surplus, qui pourrait déterminer à quel degré ils ont participé à la sagesse avant leur chute, et comment croire qu’ils y aient participé autant que les anges fidèles qui trouvent la perfection de leur bonheur dans la certitude de sa durée ?



S’il en était de la sorte,les mauvais anges seraient demeurés, eux aussi, éternellement heureux, étant également assurés de leur bonheur. Mais si longue qu’on suppose une vie, elle ne peut être appelée éternelle, si elle doit avoir une fin. Par conséquent, bien que l’éternité ne suppose pas nécessairement la félicité (témoin: le feu d’enfer qui, selon l’Ecriture, sera éternel), si une vie ne peut être pleinement et véritablement heureuse qu’elle ne soit éternelle, la vie de ces mauvais anges n’était pas bienheureuse, puisqu’elle devait cesser de l’être, soit qu’ils l’aient su, soit qu’ils l’aient ignoré. Dans l’un ou l’autre cas, la crainte ou l’erreur s’opposait à leur parfaite félicité. Et si l’on suppose que, sans être ignorants ou trompés, ils étaient seulement dans le doute sur l’avenir, cela même. était incompatible avec la béatitude parfaite que nous attribuons aux bons anges. Quand nous parlons de béatitude, en effet, nous ne restreignons pas tellement l’étendue de ce mol qu’il ne puisse convenir qu’à Dieu seul; et toutefois Dieu seul est heureux en ce sens qu’il ne peut y avoir de béatitude plus grande que la sienne, et celle des anges, appropriée à leur nature, qu’est-elle en comparaison ?



--------------------------------------------------------


2. Contre le dualisme des Manichéens.
3. Voyez plus bas, livre XII, ch. 9. — Comp. De Gen. ad litt., n. 32.




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Message  ROBERT. Mer 23 Sep 2015, 3:36 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XII a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE XII.

COMPARAISON DE LA FÉLICITÉ DES JUSTES SUR LA TERRE

ET DE CELLE DE NOS PREMIERS PARENTS AVANT LE PÉCHÉ.    




Nous ne bornons même pas la béatitude aux bons anges. Et qui oserait nier que nos premiers parents, avant la chute, n’aient été heureux dans le paradis terrestre 1, tout en étant incertains de la durée de leur béatitude, qui aurait été éternelle, s’ils n’eussent point péchés 2 ? Aujourd’hui même, nous n’hésitons point à appeler heureux les bons chrétiens qui, pleins de l’espérance de l’immortalité future, vivent exempts de crimes et de remords, et obtiennent aisément de la miséricorde de Dieu le pardon des fautes attachées à l’humaine fragilité. Et cependant, quelque assurés qu’ils soient du prix de leur persévérance, ils ne le sont pas de leur persévérance même.


Qui peut, en effet, se promettre de persévérer jusqu’à la fin,
à moins que d’en être assuré par quelque révélation de celui qui, par un juste et mystérieux conseil, ne découvre pas l’avenir à tous, mais qui ne trompe jamais personne ? Pour ce qui regarde la satisfaction présente, le premier homme était donc plus heureux dans le paradis que quelque homme de bien que ce soit en cette vie mortelle; mais quant à l’espérance du bien à venir, quiconque est assuré de jouir un jour de Dieu en la compagnie des anges, est plus heureux, quoiqu’il souffre, que ne l’était le premier homme, incertain de sa chute; dans toute la félicité du paradis 3.


---------------------------------------------------------------------------


1. Comp. De corrept. et grat., lib. X, n. 26.. — 2. Comp. De Gen. ad litt., lib. XI, n. 24, 25..— 3. Le sentiment de saint Augustin sur cette matière est plus développé dans un traité exprès,
le De dono perseverantiae, ainsi que dans le De corrept. et grat., passim..




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Dernière édition par ROBERT. le Mer 23 Sep 2015, 3:40 pm, édité 1 fois (Raison : mise en forme)
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Message  ROBERT. Jeu 24 Sep 2015, 10:29 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XIII a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.



CHAPITRE XIII

TOUS LES ANGES ONT ÉTÉ CRÉÉS DANS UN MÊME ÉTAT DE FÉLICITÉ,

DE TELLE SORTE QUE CEUX QUI DEVAIENT DÉCHOIR IGNORAIENT LEUR CHUTE FUTURE,

ET QUE LES BONS N’ONT EU LA PRESCIENCE DE LEUR PERSÉVÉRANCE

QU’APRÈS LA CHUTE DES MAUVAIS.  




Dès lors, il est aisé de voir que l’union de deux choses constitue la béatitude, objet légitime des désirs de tout être intelligent: premièrement, jouir sans trouble du bien immuable, qui est Dieu même; secondement, être pleinement assuré d’en jouir toujours. La foi nous apprend que les anges de lumière possèdent cette béatitude, et la raison nous fait conclure que les anges prévaricateurs ne la possédaient pas, même avant leur chute. Cependant on ne peut leur refuser quelque félicité, je veux dire une félicité sans prescience, s’ils ont vécu quelque temps avant leur péché 1. Semble-t-il trop dur de penser que, parmi les anges, les uns ont été créés dans l’ignorance de leur persévérance future ou de leur chute, tandis que les autres ont su de science certaine l’éternité de leur béatitude, et veut-on que tous aient été créés dans une égale félicité, y étant demeurés jusqu’au moment où quelques-uns ont quitté volontairement la source de leur bonheur ?



Mais il est certes beaucoup plus dur de croire que les bons anges soient encore, à cette heure, incertains de leur béatitude, et qu’ils ignorent sur eux-mêmes ce que nous avons pu, nous, en apprendre par le témoignage des saintes Écritures. Car quel chrétien catholique ne sait qu’il ne se fera plus de démons d’aucun des bons anges, comme il ne se fera point de bons anges d’aucun des démons ? En effet, la Vérité promet dans l’Évangile aux fidèles chrétiens, qu’ils seront semblables aux anges de Dieu 2, et elle dit en même temps qu’ils jouiront de la vie éternelle 3. Or, si nous devons être un jour certains de ne jamais déchoir de la félicité immortelle, supposez que les anges ne le fussent pas, nous ne serions plus leurs égaux, nous serions leurs supérieurs.



Mais la Vérité ne trompe jamais, et puisque nous devons être leurs égaux, il s’ensuit qu’ils sont certains de l’éternité de leur bonheur. Et comme d’ailleurs les autres anges n’en pouvaient pas être certains, il faut conclure ou que la félicité n’était pas pareille, ou que, si elle l’était, les bons n’ont été assurés de leur bonheur qu’après la chute des autres. Mais, dira-t-on peut-être, est-ce que cette parole de Notre-Seigneur dans l’Evangile touchant le diable "Qu’il était homicide dès le commencement et qu’il n’est point demeuré dans la vérité 1", ne doit pas s’entendre du commencement de la création ? Et à ce compte, le diable n’aurait jamais été heureux avec les saints anges, parce que, dès le moment de sa création, il aurait refusé de se soumettre à son Créateur, et c’est aussi dans ce sens qu’il faudrait entendre le mot de l’apôtre saint Jean: "Le  diable pèche dès le commencement 2", c’est-à-dire que, dès l’instant de sa création, il aurait rejeté la justice, qu’on ne peut conserver, si l’on ne soumet sa volonté à celle de Dieu.



En tout cas, ce sentiment est bien éloigné de l’hérésie des Manichéens et autres fléaux de la vérité, qui prétendent que le diable possède en propre une nature mauvaise qu’il a reçue d’un principe contraire à Dieu 3: esprits extravagants, qui ne prennent pas garde que dans cet Evangile dont ils admettent l’autorité aussi bien que nous. Notre-Seigneur ne dit pas: Le diable a été étranger à la vérité, mais: Il n’est point demeuré dans la vérité, ce qui veut dire qu’il est déchu, et certes, s’il y était demeuré, il en participerait encore et serait bienheureux avec les saints anges.



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1. Cette question est traitée dans le De Gen. ad litt., lib. XI, n. 21-24. — Voyez aussi le De corrept. et grat., n. 10.. —2. Matthieu XXII, 30. — 3. Matthieu XXV, 46.— 1. Jean VIII, 44. — 2. I Jean III, 8.—3. Comp. De Gen. ad litt., n. 27 et seq.



Traduction par M. SAISSET, 1869.


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Message  ROBERT. Ven 25 Sep 2015, 12:48 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XIV a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.



CHAPITRE XIV.

EXPLICATION DE CETTE PAROLE DE L’ÉVANGILE: "LE DIABLE N’EST POINT

DEMEURÉ DANS LA VÉRITÉ, PARCE QUE LA VÉRITÉ N’EST POINT EN LUI
".  



Notre-Seigneur semble avoir voulu répondre à cette question: Pourquoi le diable n’est-il point demeuré dans la vérité ? quand il ajoute: "Car la vérité n’est point en lui 4". Or, elle serait en lui, s’il fût demeuré en elle. Cette parole est donc assez extraordinaire, puisqu’elle paraît dire que si le diable n’est point demeuré dans la vérité, c’est que la vérité n’est point en lui; tandis qu’au contraire, ce qui fait que la vérité n’est point en lui, c’est qu’il n’est point demeuré dans la vérité. Cette même façon de parler se retrouve aussi dans un psaume:  "J’ai crié, mon Dieu", dit le Prophète, "parce que vous m’avez exaucé 1", au lieu qu’il semble qu’il devait dire: Vous m’avez exaucé, mon Dieu, parce que j’ai crié. Mais il faut entendre que le Prophète, après avoir dit: "J’ai crié", prouve la réalité de son invocation par l’effet qu’elle a obtenu: la preuve que j’ai crié, c’est que vous m’avez exaucé.


-----------------------------------------------------------


4. Jean, VIII, 44. —1. Psaume XVI, 7.


Traduction par M. SAISSET, 1869.

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Message  ROBERT. Sam 26 Sep 2015, 4:07 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XV a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE XV.

COMMENT IL FAUT ENTENDRE CETTE PAROLE:

"LE DIABLE PÈCHE DÈS LE COMMENCEMENT".




Quant à cette parole de saint Jean: "Le diable pèche dès le commencement 2", les hérétiques 3 ne comprennent pas que si le péché est naturel, il cesse d’être. Mais que peuvent-ils répondre à ce témoignage d’Isaïe qui, désignant le diable sous la figure du prince de Babylone, s’écrie: "Comment est tombé Lucifer, qui se levait brillant au matin ? 4 " et ce passage d’Ézéchiel 5: "Tu as joui des délices du paradis, orné de toutes sortes de pierres précieuses ?6"  Le diable a donc été quelque temps sans péché; et c’est ce que le prophète lui dit un peu après en termes plus formels: "Tu as marché pur de souillure en tes jours 7". Que si l’on ne peut donner un sens plus naturel à ces paroles, il faut donc entendre par celle-ci: "Il n’est point demeuré dans la vérité", que le diable a été dans la vérité, mais qu’il n’y est pas demeuré ; et quant à cette autre, "que le diable  pèche dès le commencement", il ne faut pas entendre qu’il a péché dès le commencement de sa création, mais dès celui de son orgueil. De même, quand nous lisons dans Job, à propos du diable:  "Il est le commencement de l’ouvrage de Dieu, qui l’a fait pour le livrer aux railleries de ses anges 8" ; et ce passage analogue du psaume: "Ce dragon que vous avez formé pour servir de jouet 9"; nous ne devons pas croire que le diable ait été créé primitivement pour être moqué des anges, mais bien que leurs railleries sont la peine de son péché 1 —. Il est donc l’ouvrage du Seigneur; car il n’y a pas de nature si vile et si infime qu’on voudra, même parmi les plus petits insectes, qui ne soit l’ouvrage de celui d’où vient toute mesure, toute beauté, tout ordre, c’est-à-dire ce qui fait l’être et l’intelligibilité de toute chose. A plus forte raison est-il le principe de la créature angélique, qui surpasse par son excellence tous les autres ouvrages de Dieu.


---------------------------------------------------

2. I Jean, III, 8.—3. Ces hérétiques sont évidemment les Manichéens.— 4. Isaïe, XIV, 12. — 5. Sur ce même passage d’Ezéchiel, comp. saint Augustin, De Gen. ad litt., n. 32. — 6. Ézéchiel. XXVIII, 13-14. — 7. Ézéchiel  XXVIII,   15.  — 8. Job, XI, 14. — 9. Psaume CIII, 28.— 1. Comp. De Gen. ad litt., n. 29, 30, 34,35..


Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Dim 27 Sep 2015, 3:53 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XVI a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.

CHAPITRE XVI.


DES DEGRÉS ET DES DIFFÉRENCES QUI SONT ENTRE LES CRÉATURES

SELON QU’ON ENVISAGE LEUR UTILITÉ RELATIVE

OU L’ORDRE ABSOLU DE LA RAISON.




 Parmi les êtres que Dieu a créés, on préfère ceux qui ont la vie à ceux qui ne l’ont pas, ceux qui ont la puissance de la génération ou seulement l’appétit à ceux qui en sont privés. Parmi les vivants, on préfère ceux qui ont du sentiment, comme les animaux, aux plantes, qui sont insensibles; et entre les êtres doués de sentiment, les êtres intelligents, comme les hommes, à ceux qui sont dépourvus d’intelligence, comme les bêtes; et entre les êtres intelligents, les immortels, comme les anges, aux mortels, comme les hommes. Cet ordre de préférence est celui de la nature.



Il en est un autre qui dépend de l’estime que chacun fait des choses, selon l’utilité qu’il en tire; par où il arrive que nous préférons quelquefois certains objets insensibles à des êtres doués de sentiment, et cela à tel point que, s’il ne dépendait que de nous, nous retrancherions ceux-ci de la nature, soit par ignorance du rang qu’ils y tiennent, soit par amour pour notre avantage personnel que nous mettons au-dessus de tout. Qui n’aimerait mieux, par exemple, avoir chez soi du pain que des souris, et des écus que des puces ? Et il n’y a pas lieu de s’en étonner, quand on voit des hommes, dont la nature est si noble, acheter souvent plus cher un cheval ou une pierre précieuse qu’un esclave ou une servante. Ainsi les jugements de la raison sont bien différents de ceux de la nécessité ou de la volupté: la raison juge des choses en elles-mêmes et selon la vérité, au lieu que la nécessité n’en juge que selon les besoins, et la volupté selon les plaisirs. Mais la volonté et l’amour sont d’un tel prix dans les êtres raisonnables que, malgré la supériorité des anges sur les hommes selon l’ordre de la nature, l’ordre de la justice veut que les hommes bons soient mis au-dessus des mauvais anges.



Traduction par M. SAISSET, 1869.

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Message  ROBERT. Lun 28 Sep 2015, 12:20 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XVII a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.



CHAPITRE XVII.

LA MALICE N’EST PAS DANS LA NATURE, MAIS CONTRE LA NATURE,

ET ELLE A POUR PRINCIPE, NON LE CRÉATEUR, MAIS LA VOLONTE.  




C’est donc de la nature du diable et non de sa malice qu’il est question dans ce passage: "Il est le commencement de l’ouvrage de Dieu 1"; car la malice, qui est un vice, ne peut se rencontrer que dans une nature auparavant non viciée, et tout vice est tellement contre la nature qu’il en est par essence la corruption. Ainsi, s’éloigner de Dieu ne serait pas un vice, s’il n’était naturel d’être avec Dieu. C’est pourquoi la mauvaise volonté même est une grande preuve de la bonté de la nature. Mais comme Dieu est le créateur parfaitement bon des natures, il est le régulateur parfaitement juste des mauvaises volontés, et il se fait bien servir d’elles, quand elles se servent mal de la bonté naturelle de ses dons.



C’est ainsi qu’il a voulu que le diable, qui était bon par sa nature et qui est devenu mauvais par sa volonté, servît de jouet à ses anges, ce qui veut dire que les tentations dont le diable se sert pour nuire aux saints tournent à leur profit. En créant Satan, Dieu n’ignorait pas sa malignité future, et comme il savait d’une manière certaine le bien qu’il devait tirer de ce mal, il a dit par l’organe du Psalmiste: "Ce dragon que vous avez formé pour servir de jouet à vos anges", cela signifie que tout en le créant bon, sa providence disposait déjà les moyens de se servir utilement de lui, quand il serait devenu mauvais.



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1. Job XI, 14.


Traduction par M. SAISSET, 1869.

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Message  ROBERT. Mer 30 Sep 2015, 6:12 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XVIII a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.



CHAPITRE XVIII.

DE LA BEAUTÉ DE L’UNIVERS QUI, PAR L’ART DE LA PROVIDENCE,

TIRE UNE SPLENDEUR NOUVELLE DE L’OPPOSITION DES CONTRAIRES.  




En effet, Dieu n’aurait pas créé un seul ange, que dis-je ? un seul homme dont il aurait prévu la corruption, s’il n’avait su en même temps comment il ferait tourner ce mal à l’avantage des justes et relèverait la beauté de l’univers par l’opposition des contraires, comme on embellit un poème par les antithèses. C’est, en effet, une des plus brillantes parures du discours que l’antithèse, et si ce mot n’est pas encore passé dans la langue latine, la figure elle-même, je veux dire l’opposition ou le contraste, n’en fait pas moins l’ornement de cette langue ou plutôt de toutes les langues du monde 1. Saint Paul s’en est servi dans ce bel endroit de la seconde épître aux Corinthiens: "Nous agissons en toutes choses comme de fidèles serviteurs de Dieu,… par les armes de justice pour combattre à droite et à gauche, parmi la gloire et l’infamie, parmi les calomnies et les louanges, semblables à des séducteurs et sincères, à des inconnus et connus de tous, toujours près de subir la mort et toujours  vivants, sans cesse frappés, mais non exterminés, tristes et toujours dans la joie,  pauvres et enrichissant nos frères, n’ayant rien et possédant tout 2"  Comme l’opposition de ces contraires fait ici la beauté du langage, de même la beauté du monde résulte d’une opposition, mais l’éloquence n’est plus seulement dans les mots, elle est dans les choses. C’est ce qui est clairement exprimé dans ce passage de l’Ecclésiastique: "Le bien est contraire au mal, et la mort à la vie ainsi le pécheur à l’homme pieux; regarde toutes les œuvres du Très-Haut: elles vont ainsi deux à deux, et l’une contraire à l’autre 3"


-----------------------------------------------------------------


1. Comp. Quintilien, Instit. , lib. IX, cap. I, § 81. — 2. II Corinthiens  VI, 4; 7; 9; et 10. — 3. Ecclésiastique XXXIII, 15.




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Message  ROBERT. Jeu 01 Oct 2015, 10:40 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XIX a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE XIX.

CE QU’IL FAUT ENTENDRE PAR CES PAROLES DE L’ÉCRITURE:

"DIEU SÉPARA LA LUMIÈRE DES TÉNÈBRES."  




L’obscurité même de l’Ecriture a cet avantage, que l’on peut d’un passage tirer divers sens, tous conformes à la vérité, tous confirmés par le témoignage de choses manifestes ou par d’autres passages très clairs, de sorte que, dans le cours d’un long travail, si on ne parvient pas à découvrir le véritable sens du texte, on a du moins l’occasion de proclamer d’autres vérités. C’est pourquoi je crois pouvoir proposer d’entendre par la création de la première lumière la création des anges, et de voir la distinction des bons et des mauvais dans ces paroles: "Dieu sépara la lumière des  ténèbres, et nomma la lumière jour et les  ténèbres nuit 1"  



En effet, celui-là seul a pu les séparer qui a pu prévoir leur chute et connaître qu’ils demeureraient obstinés dans leur présomptueux aveuglement. Quant au jour proprement dit et à la nuit, Dieu les sépara par ces deux grands astres qui frappent nos sens: "Que les astres, dit-il, soient faits dans  le firmament du ciel pour luire sur la terre et séparer le jour de la nuit 2". Et un peu après: "Dieu fit deux grands astres, l’un plus grand pour présider au jour, et l’autre moindre pour présider à la nuit avec les  étoiles; Dieu les mit dans le firmament du ciel pour luire sur la terre, et présider au jour et à la nuit, et séparer la lumière des  ténèbres 3". Mais cette lumière, qui est la sainte société des anges, toute éclatante des splendeurs de la vérité intelligible, et ces ténèbres qui lui sont contraires, c’est-à-dire ces esprits corrompus, ces mauvais anges éloignés par leur faute de la lumière de la justice, je répète que celui-là seul pouvait opérer leur séparation, à qui le mal à venir (mal de la volonté, non de la nature) n’a pu être, avant de se produire, douteux ou caché.




----------------------------------------------------------



1. Genèse I, 4-5.—2. Genèse I,  14. —3. Genèse I,  16-18.



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Message  ROBERT. Ven 02 Oct 2015, 10:44 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XX a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE XX.

EXPLICATION DE CE PASSAGE: "ET DIEU VIT QUE LA LUMIÈRE ÉTAIT BONNE".




Il importe de remarquer aussi qu’après cette parole: "Que la lumière soit faite, et la  lumière fut faite 4 ", l’Ecriture ajoute aussitôt: "Et Dieu vit que la lumière était  bonne 5". Or, elle n’ajoute pas cela après que Dieu eût séparé la lumière des ténèbres et appelé la lumière jour et les ténèbres nuit. Pourquoi ? C’est que Dieu aurait paru donner également son approbation à ces ténèbres et à cette lumière. Quant aux ténèbres matérielles, incapables par conséquent de faillir, qui, à l’aide des astres, sont séparées de cette lumière sensible qui éclaire nos yeux, l’Ecriture ne rapporte le témoignage de l’approbation de Dieu qu’après la séparation accomplie: "Et Dieu plaça ces astres dans le firmament du ciel pour luire sur la terre, présider  au jour et à la nuit, et séparer la lumière  des ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon 1". L’un et l’autre lui plut, parce que l’un et l’autre est sans péché.



Mais lorsque Dieu eut dit: "Que la lumière soit faite, et la lumière fut faite : et Dieu vit que la lumière était bonne"; l’Ecriture ajoute aussitôt: "Et Dieu sépara la lumière des ténèbres, et appela la lumière jour et les ténèbres nuit". Elle n’ajoute pas: Et Dieu vit que cela était bon, de peur que l’un et l’autre ne fut nommé bon, tandis que l’un des deux était mauvais, non par nature, mais par son propre vice. C’est pourquoi, en cet endroit, la seule lumière plut au Créateur, et quant aux ténèbres, c’est-à-dire aux mauvais anges, tout en les faisant servir à l’ordre de ses desseins, il ne devait pas les approuver.



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4. Genèse I, 3 — 5. Genèse I, 4. —1. Genèse I, 17-18.




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Message  ROBERT. Sam 03 Oct 2015, 2:21 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XXI a écrit:
LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE XXI.


DE LA SCIENCE ÉTERNELLE ET IMMUABLE DE DIEU ET DE SA VOLONTÉ,

PAR QUI TOUTES SES ŒUVRES LUI ONT TOUJOURS PLU,

AVANT D’ÊTRE CRÉÉES, TELLES QU’IL LES A CRÉÉES EN EFFET.




En quel sens entendre ces paroles qui sont répétées après chaque création nouvelle: "Dieu vit que cela était bon", sinon comme une approbation que Dieu donne à son ouvrage fait selon les règles d’un art qui n’est autre que sa sagesse ? En effet, Dieu n’apprit pas que son ouvrage était bon, après l’avoir fait, puisqu’il ne l’aurait pas fait s’il ne l’avait connu bon avant de le faire. Lors donc qu’il dit: Cela était bon, il ne l’apprend pas, il l’enseigne. Platon est allé plus loin, quand il dit que Dieu fut transporté de joie après avoir achevé le monde 2. Certes, Platon était trop sage pour croire que la nouveauté de la création eût ajouté à la félicité divine; mais il a voulu faire entendre que l’ouvrage qui avait plu à Dieu avant que de le faire, lui avait plu aussi lorsqu’il fut fait. Ce n’est pas que la science de Dieu éprouve aucune variation et qu’il connaisse de plusieurs façons diverses ce qui est, ce qui a été et ce qui sera. La connaissance qu’il a du présent, du passé et de l’avenir n’a rien de commun avec la nôtre.Prévoir, voir, revoir, pour lui c’est tout un. Il ne passe pas comme nous d’une chose à une autre en changeant de pensée, mais il contemple toutes choses d’un regard immuable 1.



Ce qui est actuellement, ce qui n’est pas encore, ce qui n’est plus, sa présence stable et éternelle embrasse tout. Et il ne voit pas autrement des yeux, autrement de l’esprit, parce qu’il n’est pas composé de corps et d’âme; il ne voit pas aujourd’hui autrement qu’il ne faisait hier ou qu’il ne fera demain, parce que sa connaissance ne change pas, comme la nôtre, selon les différences du temps. C’est de lui qu’il est dit: "Qu’il ne reçoit de changement ni d’ombre par aucune révolution 2". Car il ne passe point d’une pensée à une autre, lui dont le regard incorporel embrasse tous les objets comme simultanés. Il connaît le temps d’une connaissance indépendante, du temps, comme il meut les choses temporelles sans subir aucun mouvement temporel. Il a donc vu que ce qu’il avait fait était bon là même où il avait vu qu’il était bon de le faire, et, en regardant son ouvrage accompli, il n’a pas doublé ou accru sa connaissance, comme si elle eût été moindre auparavant, lui dont l’ouvrage n’aurait pas toute sa perfection, si l’accomplissement de sa volonté pouvait ajouter quelque chose à la perfection de sa connaissance.



C’est pourquoi, s’il n’eût été question que de nous apprendre quel est l’auteur de la lumière, il aurait suffi de dire: Dieu fit la lumière; ou si l’Ecriture eût voulu nous faire savoir en outre par quel moyen il l’a faite, c’eût été assez de ces paroles: "Dieu dit: Que la lumière soit faite, et la lumière fut faite", car nous aurions su de la sorte que non-seulement Dieu a fait la lumière, mais qu’il l’a faite par sa parole. Mais comme il était important de nous apprendre trois choses touchant la créature qui l’a faite, par quel moyen, et pourquoi elle a été faite, l’Ecriture a marqué tout cela en disant: "Dieu dit: Que la lumière soit faite, et la lumière fut faite, et Dieu vit que la lumière était bonne". Ainsi, c’est Dieu qui a fait toutes choses; c’est par sa parole qu’il les a faites, et il les a faites parce qu’elles sont bonnes. Il n’y a point de plus excellent ouvrier que Dieu, ni d’art plus efficace que sa parole, ni de meilleure raison de la création que celle-ci: une œuvre bonne a été produite par un bon ouvrier. Platon apporte aussi cette même raison de la création du monde, et dit qu’il était juste qu’une œuvre bonne fût produite par un Dieu bon 1; soit qu’il ait lu cela dans nos livres, soit qu’il l’ait appris de ceux qui l’y avaient lu, soit que la force de son génie l’ait élevé de la connaissance des ouvrages visibles de Dieu à celle de ses grandeurs invisibles, soit enfin qu’il ait été instruit par ceux qui étaient parvenus à ces hautes vérité 2.



------------------------------------------------------------


2. Allusion à ce sublime passage du Timée: "L’auteur et le père du monde voyant cette image des dieux éternels, en mouvement et vivante, se réjouit, et dans sa joie il pensa à la rendre encore plus semblable à son modèle... " (Trad. française, tome XI, pp. 129-130). — 1. Voyez le Timée, pp. 130-131. Comp. Plotin, Ennéades, V, lib. VIII, cap.8.— 2. Jacques  I, 17. — 1. Voici les passages du Timée auxquels saint Augustin fait allusion: "Disons la cause qui a porté le suprême Ordonnateur à produire et à composer cet univers. Il était bon, et celui qui est bon n’a aucune espèce d’envie. Exempt d’envie, il a voulu que toutes choses fussent autant que possible semblables à lui-même. Quiconque, instruit par des hommes sages, admettra ceci comme la raison principale de l’origine et de la formation du monde, sera dans le vrai... " Et plus bas: "  ... Celui qui est parfait en bonté n’a pu et ne peut rien faire qui ne soit très bon (Trad. française tome XI, page 110)". — 2. Voyez, sur ces différentes hypothèses, le livre VIII, chap. 11 et 12.




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Message  ROBERT. Dim 04 Oct 2015, 4:30 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XXII a écrit:


LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE XXII.

DE CEUX QUI TROUVENT PLUSIEURS CHOSES À REPRENDRE DANS CET UNIVERS,

OUVRAGE EXCELLENT D’UN EXCELLENT CRÉATEUR,

ET QUI CROIENT À L’EXISTENCE D’UNE MAUVAISE NATURE.    




Cependant quelques hérétiques 3 n’ont pas su reconnaître cette raison suprême de la création, savoir, la bonté de Dieu, raison si juste et si convenable qu’il suffit de la considérer avec attention et de la méditer avec piété pour mettre fin à toutes les difficultés qu’on peut élever sur l’origine des choses. Mais on ne veut considérer que les misères de notre corps, devenu mortel et fragile en punition du péché, et exposé ici-bas à une foule d’accidents contraires, comme le feu, le froid, les bêtes farouches et autres choses semblables. On ne remarque pas combien ces choses sont excellentes dans leur essence, et dans la place qu’elles occupent avec quel art admirable elles sont ordonnées, à quel point elles contribuent chacune en particulier à la beauté de l’univers, et quels avantages elles nous apportent quand nous savons en bien user, en sorte que les poisons mêmes deviennent des remèdes, étant employés à propos, et qu’au contraire les choses qui nous flattent le plus, comme la lumière, le boire et le manger, sont nuisibles par l’abus que l’on en fait. La divine Providence nous avertit par là de ne pas blâmer témérairement Ses ouvrages, mais d’en rechercher soigneusement l’utilité, et, lorsque notre intelligence se trouve en défaut, de croire que ces choses sont cachées comme l’étaient plusieurs autres que nous avons eu peine à découvrir. Si Dieu permet qu’elles soient cachées, c’est pour exercer notre humilité ou pour abaisser notre orgueil.



En effet, il n’y a aucune nature mauvaise, et le mal n’est qu’une privation du bien; mais depuis les choses de la terre jusqu’à celles du ciel, depuis les visibles jusqu’aux invisibles, il en est qui sont meilleures les unes que les autres, et leur existence à toutes tient essentiellement à leur inégalité. Or, Dieu n’est pas moins grand dans les petites choses que dans les grandes; car il ne faut pas mesurer les petites par leur grandeur naturelle, qui est presque nulle, mais par la sagesse de leur auteur. C’est ainsi qu’en rasant un sourcil à un homme on ôterait fort peu de son corps, mais on ôterait beaucoup de sa beauté, parce que la beauté du corps ne consiste pas dans la grandeur de ses membres, mais dans leur proportion.



Au reste, il ne faut pas trop s’étonner de ce que ceux qui croient à l’existence d’une nature mauvaise, engendrée d’un mauvais principe, ne veulent pas reconnaître la bonté de Dieu comme la raison de la création du monde, puisqu’ils s’imaginent au contraire que Dieu n’a créé cette machine de l’univers que dans la dernière nécessité, et pour se défendre du mal qui se révoltait contre lui; qu’ainsi il a mêlé sa nature qui est bonne avec celle du mal, afin de le réprimer et de le vaincre; qu’il a bien de la peine à la purifier et à la délivrer, parce que le mal l’a étrangement corrompue, et qu’il ne la purifie pas même tout entière, si bien que cette partie non purifiée servira de prison et de chaîne à son ennemi vaincu. Les Manichéens ne donneraient pas dans de telles extravagances, s’ils étaient convaincus de ces deux vérités: l’une, que la nature de Dieu est immuable, incorruptible, inaltérable; l’autre, que l’âme qui a pu déchoir par sa volonté et ainsi être corrompue par le péché et privée de la lumière de la vérité immuable; l’âme, dis-je, n’est pas une partie de Dieu ni de même nature que la sienne, mais une créature infiniment éloignée de la perfection de son Créateur.



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3. Evidemment, les Manichéens. Comparez le traité De Genesi contra Manichæos, lib. I, n. 25-26.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques, gras et
soulignés ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Lun 05 Oct 2015, 4:08 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XXIII a écrit:

LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE XXIII.

DE L’ERREUR REPROCHÉE À LA DOCTRINE D’ORIGÈNE.  




Mais voici qui est beaucoup plus surprenant: c’est que des esprits persuadés comme nous qu’il n’y a qu’un seul principe de toutes choses, et que toute nature qui n’est pas Dieu ne peut avoir d’autre créateur que Dieu, ne veuillent pas admettre d’un cœur simple et bon cette explication si simple et si bonne de la création, savoir qu’un Dieu bon a fait de bonnes choses, lesquelles, étant autres que Dieu, sont inférieures à Dieu, sans pouvoir provenir toutefois d’un autre principe qu’un Dieu bon. Ils prétendent que les âmes, dont ils ne font pas à la vérité les parties de Dieu, mais ses créatures, ont péché en s’éloignant de leur Créateur; qu’elles ont mérité par la suite d’être enfermées, depuis le ciel jusqu’à la terre, dans divers corps, comme dans une prison, suivant la diversité de leurs fautes; que c’est là le monde, et qu’ainsi la cause de sa création n’a pas été de faire de bonnes choses mais d’en réprimer de mauvaises.



Tel est le sentiment d’Origène 1, qu’il a consigné dans son livre Des principes. Je ne saurais assez m’étonner qu’un si docte personnage et si versé dans les lettres sacrées n’ait pas vu combien cette opinion est contraire à l’Ecriture sainte, qui, après avoir mentionné chaque ouvrage de Dieu, ajoute: "Et Dieu vit que cela était bon"; et qui, après les avoir dénombrés tous, s’exprime ainsi: "Et Dieu vit toutes les choses qu’il avait faites, et elles étaient très-bonnes", pour montrer qu’il n’y a point eu d’autre raison de créer le monde, sinon la nécessité que des choses parfaitement bonnes fussent créées par un Dieu tout bon, de sorte que si personne n’eût péché, le monde ne serait rempli et orné que de bonnes natures.



Mais, de ce que le péché a été commis, il ne s’ensuit pas que tout soit plein de souillures, puisque dans le ciel le nombre des créatures angéliques qui gardent l’ordre de leur nature est le plus grand. D’ailleurs, la mauvaise volonté, pour s’être écartée de cet ordre, ne s’est pas soustraite aux lois de la justice de Dieu, qui dispose bien de toutes choses. De même qu’un tableau plaît avec ses ombres, quand elles sont bien distribuées, ainsi l’univers est beau, même avec les pécheurs, quoique ceux-ci,  pris en eux-mêmes, soient laids et difformes.



Origène devait en outre considérer que si le monde avait été créé afin que les âmes, en punition de leurs péchés, fussent enfermées dans des corps comme dans une prison, en sorte que celles qui sont moins coupables eussent des corps plus légers, et les autres de plus pesants, il faudrait que les démons, qui sont les plus perverses de toutes les créatures, eussent des corps terrestres plutôt que les hommes. Cependant, pour qu’il soit manifeste que ce n’est point par là qu’on doit juger du mérite des âmes, les démons ont des corps aériens, et l’homme, méchant, il est vrai, mais d’une malice beaucoup moins profonde, que dis-je ?  L’homme, avant son péché, a reçu un corps de terre. Qu’y a-t-il, au reste, de plus impertinent que de dire que, s’il n’y a qu’un soleil dans le monde, cela ne vient pas de la sagesse admirable de Dieu qui l’a voulu ainsi et pour la beauté et pour l’utilité de l’univers, mais parce qu’il est arrivé qu’une âme a commis un péché qui méritait qu’on l’enfermât dans un tel corps ?


De sorte que s’il fût arrivé, non pas qu’une âme, mais que deux, dix ou cent eussent commis le même péché, il y aurait cent soleils dans le monde. Voilà une étrange chute des âmes, et ceux qui imaginent ces belles choses, sans trop savoir ce qu’ils disent, font assez voir que leurs propres âmes ont fait de lourdes chutes sur le chemin de la vérité. Maintenant, pour revenir à la triple question posée plus haut: Qui a fait le monde ? Par quel moyen ? Pour quelle fin ? Et la triple réponse: Dieu, par son Verbe, pour le bien, on peut se demander s’il n’y a pas dans les mystiques profondeurs de ces vérités une manifestation de la Trinité divine, Père, Fils et Saint-Esprit, ou bien s’il y a quelque inconvénient à interpréter ainsi l’Ecriture sainte ? C’est une question qui demanderait un long discours, et rien ne nous oblige à tout expliquer dans un seul livre.



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1. Il s’agit ici d’Origène le chrétien, qui ne doit pas être confondu avec un philosophe païen du même nom, disciple d’Ammonius Saccas.
    Le théologien savant et téméraire que combat saint Augustin a été condamné par l’Eglise. Voyez Nicéphore Calliste, Hist. eccles. lib. XVI, cap. 27.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Mar 06 Oct 2015, 10:31 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XI, cap. XXIV a écrit:


LIVRE ONZIÈME: ORIGINE DES DEUX CITÉS.


CHAPITRE XXIV.

DE LA TRINITÉ DIVINE, QUI A RÉPANDU EN TOUTES

SES ŒUVRES DES TRACES DE SA PRÉSENCE.




Nous croyons, nous maintenons, nous enseignons comme un dogme de notre foi, que le Père a engendré le Verbe (c’est-à-dire la sagesse, par qui toutes choses ont été faites), Fils unique du Père, un comme lui, éternel comme lui, et souverainement bon comme lui; que le Saint-Esprit est ensemble l’esprit du Père et du Fils, consubstantiel et coéternel à tous deux; et que tout cela est Trinité, à cause de la propriété des personnes, et un seul Dieu, à cause de la divinité inséparable, comme un seul tout-puissant, à cause de la toute-puissance inséparable; de telle sorte que chaque personne est Dieu et tout-puissant, et que toutes les trois ensemble ne sont point trois dieux, ni trois tout-puissants, mais un seul Dieu tout-puissant; tant l’unité de ces trois personnes divines est inséparable



Or, le Saint-Esprit du Père, qui est bon, et du Fils, qui est bon aussi, peut-il avec raison s’appeler la bonté des deux, parce qu’il est commun aux deux ? Je n’ai pas la témérité de l’assurer. Je dirais plutôt qu’il est la sainteté des deux, en ne prenant pas ce mot pour une qualité, mais pour une substance et pour la troisième personne de la Trinité 1. Ce qui me déterminerait à hasarder cette réponse, c’est qu’encore que le Père soit esprit et soit saint, et le Fils de même, la troisième personne divine ne laisse pas toutefois de s’appeler proprement l’Esprit-Saint, comme la sainteté substantielle et consubstantielle de tous deux.



Cependant, si la bonté divine n’est autre chose que la sainteté divine, ce n’est plus une témérité de l’orgueil, mais un exercice légitime de la raison, de chercher sous le voile d’une expression mystérieuse le dogme de la Trinité manifestée dans ces trois conditions, dont on peut s’enquérir en chaque créature: qui l’a faite, par quel moyen a-t-elle été faite et pour quelle fin ? Car c’est le Père du Verbe qui a dit: "Que cela soit fait"; ce qui a été fait à sa parole, l’a sans doute été par le Verbe; et lorsque l’Ecriture ajoute: "Dieu vit que cela était bon", ces paroles nous montrent assez que ce n’a point été par nécessité, ni par indigence, mais par bonté, que Dieu a fait ce qu’il a fait, c’est-à-dire parce que cela est bon. Et c’est pourquoi la créature n’a été appelée bonne qu’après sa création, afin de marquer qu’elle est conforme à cette bonté, qui est la raison finale de son existence.



Or, si par cette bonté on peut fort bien entendre le Saint-Esprit, voilà la Trinité tout entière manifestée dans tous ses ouvrages. C’est en elle que la Cité sainte, la Cité d’en haut et des saints anges trouve son origine, sa forme et sa félicité. Si l’on demande quel est l’auteur de son être, c’est Dieu qui l’a créée; pourquoi elle est sage, c’est que Dieu l’éclaire; d’où vient qu’elle est heureuse, c’est qu’elle jouit de Dieu. Ainsi Dieu est le principe de son être, de sa lumière et de sa joie; elle est, elle voit, elle aime; elle est dans l’éternité de Dieu, elle brille dans sa vérité, elle jouit dans sa bonté.


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1. Saint Augustin se sépare ici des hérétiques macédoniens, pour qui le Saint-Esprit n’avait pas une réalité propre et substantielle. Voyez son traité De haeres., haer. 52.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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