Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX, cap. XV a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XV.
DES MORTS QUE VOMIT LA MER POUR LE JUGEMENT,
ET DE CEUX QUE LA MORT ET L’ENFER RENDIRENT.
Mais quels sont ces morts que- la nier contenait et qu’elle vomit ? Ceux qui meurent dans la mer échapperaient-ils à l’enfer ? ou bien est-ce que la mer conserve leurs corps ? Ou bien, ce qui est encore plus absurde, la mer aurait-elle les bons et l’enfer les méchants ? Qui le croira ? Il me semble donc que c’est avec quelque raison qu’on a entendu ici le siècle par la mer. Ainsi saint Jean, voulant dire que ceux que Jésus-Christ trouvera encore vivants seront jugés avec ceux qui doivent ressusciter, les appelle aussi morts, tant les bons que les méchants : les bons, à qui il est dit: "Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ1"; et les méchants, dont il est dit: "Laissez les morts ensevelir leurs morts2". On peut aussi les appeler morts en ce qu’ils ont des corps mortels; ce qui a donné lieu à cette parole de l’Apôtre: "Il est vrai que le corps est mort, à cause du péché; mais l’esprit est vivant, à cause de la justice3"; montrant par là que l’un et l’autre est dans un homme vivant: un corps vivant et un esprit qui vit.
Il ne dit pas toutefois le corps mortel, mais le corps mort, bien qu’il le dise ensuite4, comme on a coutume de l’appeler communément. Ce sont ces morts que la mer vomit; entendez que ce siècle présentera les hommes qu’il contenait, parce qu’ils n’étaient pas encore morts. "Et la mort et l’enfer, dit-il, rendirent aussi leurs morts". La mer les présenta, selon la traduction littérale, parce qu’ils comparurent dans l’état où ils furent trouvés; au lieu que la mort et l’enfer les rendirent, parce qu’ils les rappelèrent à la vie qu’ils avaient déjà quittée. Peut-être n’est-ce pas seulement la mort, mais encore l’enfer: la mort, pour marquer les justes qui l’ont seulement soufferte, sans aller en enfer; et l’enfer, à cause des méchants qui y souffrent des supplices. S’il est au fond assez vraisemblable que les saints de l’Ancien Testament, qui ont cru à l’incarnation de Jésus-Christ, ont été, après la mort, dans des lieux, à la vérité, fort éloignés de ceux où les méchants sont tourmentés, mais néanmoins dans les enfers, jusqu’à ce qu’ils en fussent tirés par le sang du Sauveur et par la descente qu’il y fit certainement, les véritables chrétiens, après l’effusion de ce sang divin, ne vont point dans les enfers, en attendant qu’ils reprennent leur corps et qu’ils reçoivent les récompenses qu’ils méritent.
Or, après avoir dit: "Et ils furent jugés chacun selon leurs œuvres ", il ajoute en un mot quel fut ce jugement: "Et la mort, dit-il, et l’enfer furent jetés dans un étang de feu"; désignant par là le diable et tous les démons, attendu que le diable est auteur de la mort et des peines de l’enfer. C’est même ce qu’il a dit avant plus clairement par anticipation: "Et le diable qui les séduisait fut jeté dans un étang de feu et de soufre". Ce qu’il avait exprimé là plus obscurément: "Où la bête et le faux prophète, etc.", il l’éclaircit ici en ces termes: "Et ceux qui ne se trouvèrent pas écrits dans le livre de vie furent jetés dans l’étang de feu1". Ce livre n’est pas pour avertir Dieu, comme s’il pouvait se tromper par oubli; mais il signifie la prédestination de ceux à qui la vie éternelle sera donnée. Dieu ne les lit pas dans ce livre, comme s’il ne les connaissait pas; mais plutôt sa prescience infaillible est ce livre de vie dans lequel ils sont écrits, c’est-à-dire connus de toute éternité.
1. Colossiens III, 3.
2. Matthieu VIII, 22.
3. Romains VIII, 10.
4. Romains VIII, 11.
1. Apocalypse XX 14-15.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
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à suivre…
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XVI a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XVI.
DU NOUVEAU CIEL ET DE LA NOUVELLE TERRE.
Après avoir parlé du jugement des méchants, saint Jean avait à nous dire aussi quelque chose de celui des bons. Il a déjà expliqué ce que Notre-Seigneur a exprimé en ce peu de mots: "Ceux-ci iront au supplice éternel"; il lui reste à expliquer ce qui suit immédiatement: "Et les justes à la vie éternelle2". — "Et je vis, dit-il, un ciel nouveau et une terre nouvelle. Car le premier ciel et la première terre avaient disparu; et il n’y avait plus de mer3". Cela arrivera dans l’ordre que j’ai marqué ci-dessus, à propos du passage où il dit avoir vu celui qui était assis sur le trône, devant qui le ciel et la terre s’enfuirent. Aussitôt que ceux qui ne sont pas écrits au livre de vie auront été jugés et envoyés au feu éternel, dont le lieu et la nature sont, à mon avis, inconnus à tous les hommes, à moins que Dieu ne le leur révèle, alors la figure du monde passera par l’embrasement de toutes choses, comme elle passa autrefois par le déluge.
Cet embrasement détruira les qualités des éléments corruptibles qui étaient conformes au tempérament de nos corps corruptibles, pour leur en donner d’autres qui conviennent à des corps immortels, afin que le monde renouvelé soit en harmonie avec les corps des hommes qui seront renouvelés pareillement. Quant à ces paroles: "Il n’y aura plus de mer", il n’est pas aisé de décider si la mer sera desséchée par l’embrasement universel, ou bien si elle sera transformée. Nous lisons bien qu’il y aura un ciel nouveau et une terre nouvelle; mais pour une mer nouvelle, je ne me souviens pas de l’avoir jamais lu. Il est vrai que, dans ce même livre, il est parlé d’une sorte de mer semblable à du cristal1, mais il n’est pas là la question de la fin du monde, et le texte ne dit pas que ce fut proprement une mer, mais une sorte de mer. Pourtant, à l’imitation des Prophètes, qui se plaisent à employer des métaphores pour voiler leur pensée, saint Jean, disant "qu’il n’y avait plus de mer", a peut-être voulu parler de cette même mer dont il avait dit auparavant que "la mer présenta les morts qui étaient dans son sein". En effet, il n’y aura plus alors de siècle plein d’orages et de tempêtes, tel que le nôtre, qu’il a présenté sous l’image d’une mer.
2. Matthieu XXV, 46.
3. Apocalypse XXI, 1.
1. Apocalypse IV, 6; Apocalypse XV, 2.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques, gras et
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XVII a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XVII.
DE LA GLORIFICATION ÉTERNELLE
DE L’ÉGLISE, À LA FIN DU MONDE.
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"Ensuite", dit l’Apôtre, "je vis descendre la grande cité, la nouvelle Jérusalem qui venait de Dieu, parée comme une jeune épouse, ornée pour son époux. Et j’entendis une grande voix qui sortait du trône et disait: Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux, et ils seront son peuple, et il sera leur Dieu. Il essuiera toutes les larmes de leurs yeux, et il n’y aura plus ni mort, ni deuil, ni cris, ni douleur, parce que le premier état sera fini. Et celui qui était assis sur le trône dit: Je m’en vais faire toutes choses nouvelles1". L’Ecriture dit que cette Cité descendra du ciel, parce que la grâce de Dieu, qui l’a formée, en vient; elle lui dit par la même raison dans Isaïe: "Je suis le Seigneur qui te forme2". Cette Cité, en effet, est descendue du ciel, dès qu’elle a commencé, depuis que ses concitoyens s’accroissent par la grâce du baptême, que leur a communiquée la venue du Saint-Esprit.
Mais elle recevra une si grande splendeur à la venue de Jésus-Christ, qu’il ne lui restera aucune marque de vieillesse, puisque les corps mêmes passeront de la corruption et de la mortalité à un état d’incorruptibilité et d’immortalité. Il me semble qu’il y aurait trop d’impudence à soutenir que les paroles de saint Jean doivent s’entendre des mille ans que les saints régneront avec leur roi, attendu qu’il dit très clairement que "Dieu essuiera toutes les larmes de leurs yeux, et qu’il n’y aura plus ni mort, ni deuil, ni cris, ni douleur". Et qui serait assez déraisonnable pour prétendre que, parmi les misères de cette vie mortelle, non seulement tout le peuple de Dieu, mais qu’aucun saint même soit exempt de larmes et d’ennui ? Tandis qu’au contraire, plus on est saint et plein de bons désirs, plus on répand de pleurs dans la prière ! N’est-ce point la Cité sainte, la Jérusalem céleste, qui dit: "Mes larmes m’ont servi de nourriture jour et nuit3"; et encore: "Je tremperai mon lit de pleurs toute la nuit, je le baignerai de mes larmes 4"; et ailleurs: "Mes gémissements ne vous sont point cachés5"; et enfin: "Ma douleur s’est renouvelée6".
Ne sont-ce pas les enfants de la divine Jérusalem qui gémissent, parce qu’ils voudraient bien, non pas que leur corps fût anéanti, mais qu’il fût revêtu d’immortalité, en sorte que ce qu’il y a de mortel en eux fût absorbé par la vie7? Ne sont-ce pas eux qui, possédant les prémices de l’Esprit, soupirent en eux-mêmes en attendant l’adoption divine, c’est-à-dire la rédemption de leur corps8? Et l’apôtre saint Paul n’était-il pas un citoyen de cette Jérusalem céleste, surtout quand il était saisi d’une profonde tristesse et percé jusqu’au cœur par une douleur poignante et continuelle à cause des Israélites, qui étaient ses frères selon la chair1 ? Quand donc la mort ne sera-t-elle plus dans cette Cité, sinon quand on dira: O mort ! où est ta victoire ? Ô mort ! Où est ton aiguillon ? Or, l’aiguillon de la mort, c’est le péché2", lequel ne sera plus alors; mais maintenant, ce n’est pas un habitant obscur de cette Cité, c’est saint Jean lui-même qui crie dans son épître: "Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous3".
Je demeure d’accord que dans l’Apocalypse il y a beaucoup de choses obscures, propres à exercer l’esprit du lecteur, et un petit nombre de choses claires, propres à faire comprendre les autres, non sans prendre beaucoup de peine. La raison de cette obscurité, c’est surtout la coutume de l’auteur de dire les mêmes choses en tant de manières, qu’il semble qu’il veut parler de différentes choses, lorsque c’est toujours la même, diversement exprimée.Mais quant à ces paroles: "Dieu essuiera toutes les larmes de leurs yeux; et il n’y aura plus ni mort, ni deuil, ni cris, ni douleur"; elles regardent si évidemment le siècle à venir, l’immortalité et l’éternité des saints, qui seuls seront délivrés de ces misères, qu’il ne faut rien chercher de clair dans l’Ecriture sainte, si l’on trouve ces paroles obscures.
1. Apocalypse XXI, 2-5.
2. Isaïe XLV, 8, selon les Septante.
3. Psaume XLI, 4.
4. Psaume VI, 7.
5. Psaume XXXVII, 10.
6. Psaume XXXVIII, 3.
7. II Corinthiens V, 4.
8. Romains VIII, 23.
1. Romains IX, 2.
2. 1 Corinthiens XV, 55-56.
3. I Jean I, 8.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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soulignés ajoutés.
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XVIII a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XVIII.
CE QU’ANNONCE SAINT PIERRE
TOUCHANT LE JUGEMENT DERNIER.
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Voyons maintenant ce que l’apôtre saint Pierre a écrit sur ce jugement: "Dans les derniers jours", dit-il, "viendront des séducteurs pleins d’artifices, qui, marchant à la suite de leurs passions, diront: Qu’est devenue la promesse de son avènement ? Car, depuis que nos pères sont morts, toutes choses se passent comme au commencement de la création. — Paroles d’insensés qui ne veulent pas savoir que les cieux furent d’abord dégagés des eaux par la parole de Dieu, aussi bien que la terre, et que le monde d’alors périt et fut submergé par les eaux. Mais les cieux et la terre qui existent à présent ont été rétablis par la même parole de Dieu, et sont destinés à être brûlés par le feu au jour du jugement, lorsque les méchants périront.
Or, apprenez, mes bien-aimés, que devant Dieu un jour est comme mille ans, et mille ans comme un jour. Ainsi le Seigneur ne diffère point l’accomplissement de sa promesse, comme quelques-uns se l’imaginent, mais il vous attend avec patience, parce qu’il veut, non pas qu’aucun périsse, mais que tous se repentent et se convertissent. Or, le jour du Seigneur viendra comme un larron, et alors les cieux passeront avec un grand fracas, les éléments seront dissous par la violence du feu, et la terre sera consumée avec tous ses ouvrages. Puisque toutes choses doivent périr, Il vous convient d’attendre ce moment dans la sainteté et d’aller au devant du jour du Seigneur, alors que les cieux embrasés seront dissous, et que les éléments périront par le feu. Mais nous attendrons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice régnera1".
L’Apôtre ne dit rien ici de la résurrection des morts; mais il s’étend beaucoup sur la ruine du monde, et, parce qu’il dit du déluge, il semble nous avertir de la manière dont l’univers doit périr un jour. Il dit, en effet, que le monde, qui était alors, périt, non seulement le globe de la terre, mais encore les cieux, c’est-à-dire les espaces de l’air qui avaient été envahis par la crue des eaux. Il entend, en effet, par les cieux, ce lieu de l’air où souffle le vent, et seulement ce lieu, mais non les cieux supérieurs où sont placés le soleil, la lune et les étoiles. Ainsi toute cette région de l’air avait été changée par l’envahissement de l’eau, et elle périt ainsi, comme la terre avait péri avant elle par le déluge. "Mais, dit-il, les cieux et la terre d’à présent ont été rétablis par la même parole de Dieu, et sont réservés pour être brûlés par le feu, au jour du jugement, lorsque les méchants périront". Ainsi le monde qui a été rétabli, c’est-à-dire ces cieux et cette terre, mis à la place du monde qui avait été détruit par le déluge, sont destinés à périr par le feu, au jour du jugement, quand les méchants périront. Il déclare, sans hésiter, que les méchants périront à cause du grand-changement qui leur arrivera, bien que leur nature doive toujours demeurer au milieu des supplices éternels.
On dira peut-être: Si le monde est embrasé après le jugement, où seront les saints lors de cet embrasement suprême, avant que Dieu ait remplacé le monde détruit par un ciel nouveau et une terre nouvelle ? Car, puisqu’ils auront des corps, il faut bien qu’ils soient quelque part. Nous pouvons répondre qu’ils seront dans les hautes régions où le feu de l’embrasement n’atteindra pas, non plus qu’autrefois l’eau du déluge; leurs corps seront tels alors qu’ils pourront demeurer où il leur conviendra. Ils ne craindront pas même le feu de cet embrasement, étant immortels et incorruptibles; de même que les corps mortels et corruptibles des trois jeunes hommes purent vivre dans la fournaise ardente1, sans être atteints par le feu.
1. II Pierre, III, 3-13.
1. Daniel III, 21.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XIX a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XIX.
DE L’ÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX HABITANTS DE THESSALONIQUE SUR L’APPARITION
DE L’ANTECHRIST, APRÈS LEQUEL VIENDRA LE JOUR DU SEIGNEUR.
Je me vois dans la nécessité de négliger un grand nombre de témoignages des évangélistes et des Apôtres sur ce dernier jugement, craignant de donner trop d’étendue à ce livre. Mais je ne puis passer sous silence ce que dit saint Paul dans une épître écrite aux habitants de Thessalonique: "Nous vous prions, mes frères, par l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ et au nom de notre union en lui, de ne pas vous laisser ébranler légèrement, sur la foi de quelques fausses prophéties ou sur quelque discours et sur quelque lettre qu’on supposerait venir de nous, pour vous faire croire que le jour du Seigneur est proche; que personne ne vous trompe. Il faut auparavant que l’apostat vienne, et que l’homme de péché se manifeste, ce fils de perdition, qui s’opposera à Dieu, et qui s’élèvera au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu et qu’on adore, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, voulant passer lui-même pour Dieu. Ne vous souvient-il pas que je vous disais tout cela, quand j’étais encore avec vous ? Vous savez bien aussi ce qui empêche qu’il ne vienne, afin qu’il paraisse en son temps. Car le mystère d’iniquité commence à se former. Seulement que celui qui tient maintenant tienne jusqu’à ce qu’il sorte; et alors se révélera ce méchant que le Seigneur tuera du souffle de sa bouche, et qu’il dissipera par l’éclat de sa présence ce méchant, dis-je, qui doit venir avec la puissance de Satan et faire une infinité de prodiges et de faux miracles qui séduiront ceux qui doivent périr pour n’avoir point aimé la vérité qui les eût sauvés. C’est pourquoi Dieu leur enverra un esprit d’erreur qui les fera croire au mensonge, afin que tous ceux qui n’ont point cru à la vérité, mais qui ont consenti à l’iniquité, soient condamnés1".
Il est hors de doute que saint Paul a dit ceci de l’Antéchrist et du jour du jugement, qu’il appelle le jour du Seigneur, pour expliquer que le Seigneur ne viendra point avant que celui qu’il appelle l’apostat ne soit venu. Que si l’on peut appeler avec raison tous les impies des apostats, à plus forte raison peut-on nommer ainsi l’Antéchrist. Mais quel est le temple de Dieu où il doit s’asseoir? On ne peut décider si c’est dans les ruines du temple de Salomon ou dans l’Eglise. S’il s’agissait du temple d’une idole ou du démon, assurément l’Apôtre ne l’appellerait pas le temple de Dieu. Aussi a-t-on voulu que ce passage, qui a rapport à l’Antéchrist, s’entendît non seulement du prince des impies, mais cri quelque sorte de tout ce qui fait corps avec lui, c’est-à-dire de la multitude des hommes qui lui appartiennent; et l’on a cru qu’il valait mieux suivre le texte grec et dire, non "dans le temple de Dieu", mais "en temple de Dieu", comme si l’Antéchrist était lui-même le temple de Dieu, qui n’est autre chose que l’Eglise. C’est ainsi que nous disons il "s’assied en ami", c’est-à-dire comme ami, et autres locutions du même genre.
Quant à ces paroles: "Vous savez aussi ce qui empêche qu’il ne vienne maintenant", c’est-à-dire vous connaissez la cause du retard de sa venue, "c’est afin qu’il paraisse en son temps". Comme il dit: "Vous le savez", il ne s’en est pas expliqué plus clairement; mais nous qui l’ignorons, nous avons bien de la peine à comprendre ce qu’il veut dire, d’autant mieux que ce qu’il ajoute rend plus obscur encore le sens de ce passage. En effet, que signifient ces paroles: "Le mystère d’iniquité commence déjà à se former; seulement que celui qui tient maintenant tienne jusqu’à ce qu’il sorte; et alors le méchant se manifestera ?"J’avoue franchement ne pas comprendre ce que cela veut dire; mais je ne passerai pas sous silence les conjectures de ceux que j’ai pu lire ou entendre.
Il en est qui pensent que saint Paul parle ici de l’empire romain, et que c’est la raison pour laquelle il a affecté d’être obscur, de crainte qu’on ne l’accusât de faire des imprécations contre un empire qu’on regardait comme éternel; de sorte que par ces paroles: "Le mystère d’iniquité commence à se former", il aurait eu en vue Néron, dont on regardait les œuvres comme celles de l’Antéchrist1. D’autres pensent même que Néron n’a pas été tué2, mais seulement enlevé, pour qu’on le crût mort, et qu’il est caché quelque part, vivant et dans la vigueur de l’âge qu’il avait quand on le crut mort, pour reparaître en son temps et être rétabli dans son royaume3. Mais cette opinion me semble tout au moins fort singulière. Toutefois, ces paroles de l’Apôtre: "Seulement que celui qui tient maintenant tienne jusqu’à ce qu’il sorte ", peuvent sans absurdité s’entendre de l’empire romain, comme s’il y avait: "Seulement que celui qui commande, commande jusqu’à ce qu’il sorte", c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il soit retranché. — "Et alors le méchant se découvrira", c’est-à-dire l’Antéchrist, comme tout le monde en tombe d’accord.
Mais d’autres pensent que ces paroles: "Vous savez ce qui empêche qu’il ne vienne; car le mystère d’iniquité commence déjà à se former", ne doivent s’appliquer qu’aux méchants et aux hypocrites qui sont dans l’Eglise, jusqu’à ce qu’ils soient en assez grand nombre pour fournir un grand peuple à l’Antéchrist, et que c’est ce qu’il appelle le "mystère d’iniquité", parce que c’est une chose cachée. Les paroles de l’Apôtre seraient donc une exhortation aux fidèles de demeurer fermes dans leur foi, quand il dit: "Seulement que celui qui tient maintenant tienne jusqu’à ce qu’il sorte", c’est-à-dire jusqu’à ce que le mystère d’iniquité sorte de l’Eglise, où il est maintenant caché. Ceux-là estiment que ce mystère d’iniquité est celui dont parle ainsi saint Jean dans son épître: "Mes enfants, voici la dernière heure; car, comme vous avez ouï dire que l’Antéchrist doit venir et qu’il y a déjà maintenant plusieurs Antéchrists, cela nous fait connaître que nous sommes arrivés maintenant à la dernière heure. Ils sont sortis d’avec nous, mais ils n’étaient pas des nôtres; car s’ils eussent été des nôtres, ils seraient demeurés1". De même, disent-ils, que plusieurs hérétiques, que saint Jean appelle des Antéchrists, sont déjà sortis de l’Eglise à cette heure, qu’il dit être la dernière, ainsi tous ceux qui n’appartiendront pas à Jésus-Christ, mais à l’Antéchrist, en sortiront alors, et c’est alors qu’il se manifestera.
C’est ainsi qu’on explique, ceux-ci d’une manière, ceux-là d’une autre, ces obscures paroles de saint Paul; mais du moins on ne doute point qu’il n’ait dit que Jésus-Christ ne viendra pas juger les vivants et les morts avant que l’Antéchrist ne soit venu séduire ceux qui seront déjà morts dans l’âme, encore que cette séduction même appartienne au mystère des jugements de Dieu. "L’Antéchrist", comme dit l’Apôtre, "viendra avec la puissance de Satan, et fera une infinité de prodiges et de faux miracles pour séduire ceux qui doivent périr". Alors en effet Satan sera délié et il agira de tout son pouvoir par l’Antéchrist, en faisant plusieurs miracles trompeurs. On a coutume de demander si l’Apôtre les appelle de faux miracles, parce que ce ne seront que des illusions et des prestiges, ou bien parce qu’ils entraîneront dans l’erreur ceux qui croiront ces prodiges au-dessus de la puissance du diable, faute de connaître ce qu’il peut et surtout ce qu’il pourra, alors qu’il recevra un pouvoir plus grand qu’il ne l’a jamais eu. En effet, lorsque le feu tomba du ciel et consuma la nombreuse famille de Job avec tant de troupeaux, et qu’un tourbillon de vent abattit la maison où étaient ses enfants et les écrasa sous ses ruines, ce n’étaient pas des illusions, et cependant c’étaient des œuvres de Satan, à qui Dieu avait donné ce pouvoir.
Quoi qu’il en soit (car nous saurons mieux un jour pourquoi l’Apôtre les appelle de faux miracles), il est certain qu’ils séduiront ceux qui auront mérité d’être séduits, pour n’avoir pas aimé la vérité qui les eût sauvés. L’Apôtre ne dissimule pas que "Dieu leur enverra une erreur si forte et si spécieuse qu’ils auront foi dans le mensonge !" Il la leur enverra, parce qu’il permettra au diable de faire ces prodiges, et il le lui permettra par un jugement très-juste, bien que le dessein du diable en cela soit injuste et criminel: "Afin",ajoute-t-il, "que tous ceux qui n’ont point cru à la vérité, mais qui ont consenti à l’iniquité, soient condamnés". Ainsi ils seront séduits par ces jugements de Dieu, également justes et cachés, qu’il n’a jamais cessé d’exercer sur les hommes depuis le péché du premier homme. Après avoir été séduits, ils seront condamnés dans le dernier et public jugement par Jésus-Christ, qui, condamné injustement par les hommes, les condamnera justement.
1. II Thessaloniciens II, 1-11.
1. C’est le sentiment de saint Jean Chrysostome, de saint Cyrille, de Tertullien et de plusieurs autres Pères.
Voyez les témoignages cités par Léonard Coquée en son commentaire sur la Cité de Dieu.
2. Voyez Sulpice Sévère, Hist. sacr., lib. II, cap. 29.
3. Cette légende populaire sur Néron est rapportée par Suétone , (Vit. Ner., cap. 57),
Tacite (Hist., lib. II, cap. 8) et Lactance (De mort. pers., cap. 2, § 8).
1. Jean, II, 18-19.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XX a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XX.
CE QUE SAINT PAUL A ENSEIGNÉ SUR LA RÉSURRECTION DES MORTS
DANS SA PREMIÈRE ÉPÎTRE AUX HABITANTS DE THESSALONIQUE.
L’Apôtre ne parle pas ici de la résurrection des morts; mais dans sa première épître aux mêmes habitants de Thessalonique, il dit: "Je ne veux pas, mes frères, que vous ignoriez ce qui regarde ceux qui dorment, de peur que vous ne vous affligiez comme font les autres hommes qui n’ont point d’espérance. Car si nous croyons que Jésus-Christ est mort et ressuscité, nous devons croire aussi que Dieu amènera avec Jésus ceux qui sont morts avec lui. Je vous déclare donc, selon la parole du Seigneur, que nous qui vivons « et qui sommes réservés pour l’avènement du Seigneur, nous ne préviendrons point ceux qui sont déjà dans le sommeil de la mort; mais à la voix de l’archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel; et ceux qui seront morts en Jésus-Christ ressusciteront les premiers. Ensuite, nous qui sommes vivants et qui serons demeurés jusqu’alors, nous serons emportés avec eux dans les nues et au milieu des airs devant le Seigneur; et ainsi nous serons pour jamais avec le Seigneur1". Ces paroles de l’Apôtre marquent clairement la résurrection future, lorsque Notre-Seigneur Jésus-Christ viendra juger les vivants et les morts.
Mais on a coutume de demander si ceux que le Seigneur trouvera vivants, et que saint Paul figure ici par lui-même et par ceux qui vivaient alors, ne mourront point; ou bien si, dans le moment où ils seront emportés dans l’air devant le Seigneur, ils passeront par la mort à l’immortalité1. On aurait tort de croire que, pendant qu’ils seront portés dans l’air, ils ne pourront mourir et ressusciter. Aussi ne faut-il pas entendre ces paroles: "Et ainsi nous serons pour jamais avec le Seigneur", comme si saint Paul voulait dire par là que nous demeurerons toujours avec lui dans l’air, puisqu’il n’y demeurera pas lui-même, et qu’il y viendra seulement en passant; mais nous serons pour jamais avec le Seigneur, en ce que nous aurons toujours des corps mortels, dans quelque lieu que nous soyons avec lui.
Or, c’est l’Apôtre lui-même qui nous oblige en quelque sorte à croire que ceux que Notre-Seigneur trouvera vivants souffriront la mort et recevront l’immortalité incontinent, puisqu’il dit: "Tous vivront en Jésus-Christ2"; et encore: "Ce qu’on sème dans la terre ne renaît pas, s’il ne meurt auparavant3". Comment donc ceux que Jésus-Christ trouvera vivants revivront-ils en lui par l’immortalité, s’ils ne meurent pas ? Il est vrai que si l’on ne peut pas dire proprement du corps d’un homme qu’il est semé, à moins qu’il ne retourne à la terre, selon la sentence portée par Dieu contre le premier pécheur: "Tu es terre, et tu retourneras à la terre4" ; il faut avouer que ceux que Notre-Seigneur trouvera en vie, à son avènement, ne sont pas compris dans ces paroles de l’Apôtre, ni dans celles de la Genèse. Il est clair qu’étant enlevés dans les nues, ils ne seront pas semés en terre et n’y retourneront pas, soit qu’ils ne doivent pas mourir, soit qu’ils meurent momentanément dans l’air.
Mais, d’un autre côté, le même Apôtre, écrivant aux Corinthiens, dit: "Nous ressusciterons tous5"; ou, suivant d’autres leçons: "Nous dormirons tous6". Si donc on ne peut ressusciter sans avoir passé par la mort, comment tous ressusciteront-ils ou dormiront-ils, si tant d’hommes que Jésus-Christ trouvera vivants ne doivent ni dormir ni ressusciter ? J’estime donc qu’il faut nous en tenir à ce que nous venons de dire, que ceux que Jésus-Christ trouvera en vie, et qui seront emportés dans l’air, mourront en ce moment, pour reprendre aussitôt après leurs corps mortels. Pourquoi ne croirions-nous pas que cette multitude de corps puisse être semée en quelque sorte dans l’air et y reprendre à l’heure même une vie immortelle et incorruptible, lorsque nous croyons ce que nous dit le même Apôtre, que la résurrection se fera en un clin d’œil1, et que la poussière des corps, répandue en cent lieux, sera rassemblée avec tant de facilité et de promptitude ?
Quant à cette parole de la Genèse: "Tu es terre, et tu retourneras à la terre"; il ne faut pas s’imaginer qu’elle ne s’accomplisse pas dans les saints qui mourront dans l’air, sous prétexte que leurs corps ne retomberont pas sur la terre, attendu que ces mots: "Tu retourneras à la terre", signifient: Tu iras, après avoir perdu la vie, là où tu étais avant de la recevoir; c’est-à-dire, tu seras, quand tu auras perdu ton âme, comme tu étais avant d’en avoir une. L’homme n’était que terre, en effet, quand Dieu souffla sur sa face pour lui donner la vie. C’est donc comme s’il lui disait: Tu es une terre animée, ce que tu n’étais pas; tu seras une terre sans âme, comme tu étais. Ce que sont tous les corps morts avant qu’ils ne pourrissent, ceux-là le seront s’ils meurent, quelque part qu’ils meurent. Ils retourneront donc à la terre, puisque d’hommes vivants. Ils redeviendront terre; de même que ce qui devient cendre retourne en cendre, que ce qui devient vieux va à la vieillesse, que la boue qui durcit revient à l’état de pierre ?
Mais toutes nos réflexions à ce sujet ne sont que des conjectures; et nous ne comprendrons bien qu’au jour suprême ce qui en est réellement. Si nous voulons être chrétiens, nous devons croire à la résurrection des corps, quand Jésus-Christ viendra juger les vivants et les morts. Et ici notre foi n’est pas vaine, bien que nous ne comprenions pas parfaitement ce qu’il en sera, pourvu que nous y croyions Il nous reste à examiner, comme nous l’avons promis, ce que les livres prophétiques de l’Ancien Testament disent de ce dernier jugement de Dieu; mais nous n’aurons pas besoin, pour être compris, de nous étendre beaucoup, si le lecteur veut bien se rappeler ce que nous venons de dire.
1. I Thessaloniciens IV, 12-16,
1. Comp. saint Augustin, Epist, CXLIII ad Mercatorem; Liber de Octo Dulc. quaest., qu. 3.
2. I Corinthiens XV, 22.
3. I Corinthiens XV, 36.
4. Genèse III, 19.
5. I Corinthiens XV, 51.
6. Tertullien suit la première leçon (De Res. carn., cap. 42);
saint Jérôme préfère la seconde (Epist. CLII ad Minerium ; Comm. In Isaiae, cap LI).
1. I Corinthiens XV, 52.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques, gras et
soulignés ajoutés.
à suivre…
.
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXI a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXI.
PREUVES DE LA RÉSURRECTION DES MORTS ET DU
JUGEMENT DERNIER, TIRÉES DU PROPHÈTE ISAÏE.
Le prophète Isaïe a dit: "Les morts ressusciteront, et ceux qui sont dans les tombeaux en sortiront, et tous ceux qui sont sur la terre se réjouiront; car la rosée qui vient de vous est leur santé; mais la terre des impies tombera1". Tout le commencement du verset regarde la résurrection des bienheureux; mais quand il dit: "La terre des impies tombera", il faut l’entendre des méchants qui tomberont dans la damnation. Pour ce qui regarde la résurrection des bons, si nous y voulons prendre garde, nous trouverons qu’il faut rapporter à la première ces paroles: "Les morts ressusciteront"; et à la seconde celles-ci, qui viennent après: "Ceux qui sont dans les tombeaux ressusciteront aussi". Ces mots: "Et tous ceux qui sont sur la terre se réjouiront; car la rosée qui vient de vous est leur santé", s’appliquent aux saints que Jésus-Christ trouvera vivants à son avènement. Par la santé, nous ne pouvons entendre raisonnablement que l’immortalité; car on peut dire qu’il n’y a point de santé plus parfaite que celle qui n’a pas besoin, pour se maintenir, de prendre tous les jours le remède des aliments.
Le même Prophète parle encore ainsi du jour du jugement, après avoir donné de l’espérance aux bons et de la frayeur aux méchants:
"Voici ce que dit le Seigneur: Je me détournerai sur eux comme un fleuve de paix et comme un torrent qui inondera la gloire des nations. Leurs enfants seront portés sur les épaules et caressés sur les genoux. Je vous caresserai comme une mère caresse son enfant, et ce sera dans Jérusalem que vous recevrez cette consolation. Vous verrez, et votre cœur se réjouira, et vos os germeront comme l’herbe. On reconnaîtra la main du Seigneur qui va venir comme un feu; et ses chariots seront comme la tempête, pour exercer sa vengeance dans sa colère et livrer tout en proie aux flammes. Car toute la terre sera jugée par le feu du Seigneur, et toute chair par son glaive. Plusieurs seront blessés par le Seigneur.2"
. Le Prophète dit que le Seigneur se détournera sur les bons comme un fleuve de paix; ce qui sans doute leur promet une abondance de paix la plus grande qui puisse être. C’est cette paix dont nous jouirons à la fin et dont nous avons amplement parlé au livre précédent. Voilà le fleuve que le Seigneur détournera sur les bons, à qui il promet une si grande félicité, pour nous faire entendre que dans cette heureuse région, qui est le ciel, tous les désirs seront comblés par lui. Comme cette paix sera une source d’incorruptibilité et d’immortalité qui se répandra sur les corps mortels, il dit qu’il se détournera comme un fleuve sur eux, afin de se répandre d’en haut sur les choses les plus humbles et d’égaler les hommes aux anges. Et par la Jérusalem dont le Prophète parle, il ne faut point entendre celle qui est esclave, ainsi que ses enfants, mais au contraire, avec l’Apôtre, celle qui est libre et notre mère, et qui est éternelle dans les cieux1, où nous serons consolés après les ennuis et les travaux de cette vie mortelle, et portés sur ses épaules et sur ses genoux comme de petits enfants. Nous serons, en quelque sorte, tout renouvelés pour une si grande félicité et pour les ineffables douceurs que nous goûterons dans son sein. Là nous verrons, et notre cœur se réjouira. Il ne dit point ce que nous verrons; mais que sera-ce, sinon Dieu ? Alors s’accomplira en nous la promesse de l’Evangile: "Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu2". Que sera-ce, sinon toutes ces choses que nous ne voyons point maintenant, mais que nous croyons, et dont l’idée que nous nous formons, selon la faible portée de notre esprit, est infiniment au-dessous de ce qu’elles sont réellement: "Vous verrez, dit-il, et votre cœur se réjouira". Ici vous croyez, là vous verrez.
Quand il a dit: "Et votre cœur se réjouira", craignant que nous ne pensions que ces biens de la Jérusalem céleste ne regardent que l’esprit, il ajoute: "Et vos os germeront comme l’herbe", où il nous rappelle la résurrection des corps, comme s’il reprenait ce qu’il avait omis de dire. Cette résurrection ne se fera pas, en effet, lorsque nous aurons vu; mais au contraire, c’est quand elle sera accomplie que nous verrons. En effet, le Prophète avait déjà parlé auparavant d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, aussi bien que des promesses faites aux saints: "Il y aura un ciel nouveau et une terre nouvelle; et ils ne trouveront que des sujets de joie dans cet heureux séjour. Je ferai que Jérusalem ne soit plus qu’une fête éternelle, et mon peuple la joie même. Et Jérusalem fera tout mon plaisir, et mon peuple toutes mes délices. On n’y entendra plus de pleurs ni de gémissements1[/sup]" . Puis vient le reste, que certains veulent faire rapporter au règne charnel des mille ans. Le Prophète mêle ici les expressions figurées avec les autres, afin que notre esprit s’exerce salutairement à y chercher un sens spirituel; mais la paresse et l’ignorance s’arrêtent à la lettre, et ne vont pas plus loin.
Pour revenir aux paroles du Prophète que nous avions commencé à expliquer, après avoir dit: "Et vos os germeront comme l’herbe", pour montrer qu’il ne parle que de la résurrection des bons, il ajoute: "Et l’on reconnaîtra la main du Seigneur envers ceux qui le servent". Quelle est cette main, sinon celle qui distingue les hommes qui servent Dieu de ceux qui le méprisent ? Il parle ensuite de ces derniers dans les termes suivants: "Et il exécutera ses menaces contre les rebelles. Car voilà le Seigneur qui va venir comme un feu, et ses chariots seront comme la tempête, pour exercer sa vengeance dans sa colère, et donner tout en proie aux flammes. Car toute la terre sera jugée par le feu du Seigneur, et toute chair par son glaive, et plusieurs seront blessés par le Seigneur". Par ces mots de feu, de tempête, et de glaive, il entend le supplice de l’enfer. Les chariots désignent le ministère des anges. Lorsqu’il dit que toute la terre et toute chair seront jugées par le feu du Seigneur et par son glaive, il faut excepter les saints et les spirituels, et n’y comprendre que les hommes terrestres et charnels, dont il est dit qu’ils ne goûtent que les choses de la terre2, et que la sagesse selon la chair, c’est la mort3 et enfin ceux que Dieu appelle chair, quand il dit: "Mon esprit ne demeurera plus parmi ceux-ci, parce qu’ils ne sont que chair4". Quand il dit que "plusieurs seront blessés par le Seigneur", ces blessures doivent s’entendre de la seconde mort. Il est vrai qu’on peut prendre aussi en bonne part le feu, le glaive et les blessures. Notre-Seigneur dit lui-même qu’il est venu pour apporter le feu sur la terre5.
Les disciples virent comme des langues de feu qui se divisèrent quand le Saint-Esprit descendit sur eux1. Notre-Seigneur dit encore qu’il n’est pas venu sur la terre pour apporter la paix, mais le glaive2. L’Ecriture appelle la parole de Dieu un glaive à cieux tranchants, à cause des deux Testaments3 et dans le Cantique des cantiques, l’Eglise s’écrie qu’elle est blessée d’amour comme d’un trait4. Mais ici, où il est clair que Dieu vient pour exécuter ses vengeances, on voit de quelle façon toutes ces expressions doivent s’expliquer.
Après avoir brièvement indiqué ceux qui seront consumés par ce jugement, le Prophète, figurant les pécheurs et les impies sous l’image des viandes défendues par l’ancienne loi, dont ils ne se sont pas abstenus, revient à la grâce du Nouveau Testament, depuis le premier avènement du Sauveur jusqu’au jugement dernier, par lequel il termine sa prophétie. Il raconte que le Seigneur déclare qu’il viendra pour rassembler toutes les nations, et qu’elles seront témoins de sa gloire5; car, dit l’Apôtre: "Tous ont péché et tous ont besoin de la gloire de Dieu6". lsaïe ajoute qu’il fera devant eux tant de miracles qu’ils croiront en lui, qu’il enverra certains d’entre eux en différents pays et dans les îles les plus éloignées, où l’on n’a jamais ouï parler de lui, ni vu sa gloire, qu’ils amèneront à la foi les frères de ceux à qui le Prophète a parlé, c’est-à-dire les Israélites élus, en annonçant l’Evangile parmi toutes les nations, qu’ils amèneront un présent à Dieu, de toutes les contrées du monde, sur des chevaux et sur des chariots (qui sont les secours du ciel et qui se transmettent par le ministère des anges et des hommes), enfin qu’ils l’amèneront dans la sainte Cité de Jérusalem, qui maintenant est répandue par toute la terre dans la sainteté des fidèles.
En effet, où ils se sentent aidés par un secours divin, les hommes croient, et où ils croient, ils viennent. Or, le Seigneur les compare aux enfants d’Israël qui lui offrent des victimes dans son temple, avec des cantiques de louange, comme l’Eglise le pratique déjà partout. De nos jours, ne choisit-on pas les prêtres et les lévites, non en regardant la race et le sang, comme cela se pratiquait d’abord dans le sacerdoce selon l’ordre d’Aaron, mais comme il convient à l’esprit du Nouveau Testament, où Jésus-Christ est le souverain prêtre selon l’ordre de Melchisédech1, en considérant le mérite que la grâce divine donne à chacun ? Ne choisit-on pas, dis-je, des prêtres et des lévites qu’il ne faut pas juger par la fonction dont ils sont souvent indignes, mais par la sainteté, qui ne peut être commune aux bons et aux méchants ?
Après avoir ainsi parlé de cette miséricorde de Dieu pour son Eglise, dont les effets nous sont si sensibles et si connus, Isaïe promet, de la part de Dieu, les fins où chacun arrivera lorsque le dernier jugement aura séparé les bons d’avec les méchants: "Car, de même que le nouveau ciel et la nouvelle terre demeureront en ma présence, dit le Seigneur, ainsi votre semence et votre nom demeureront devant moi; et ils passeront de mois en mois et de sabbat en sabbat, et toute chair viendra m’adorer en Jérusalem; et ils sortiront, et ils verront les membres des hommes prévaricateurs. Leur ver ne mourra point, et le feu qui les brûlera ne s’éteindra point; et ils serviront de spectacle à toute chair2". C’est par là que le prophète lsaïe finit son livre, comme par là aussi le monde doit finir. Quelques versions, au lieu des "membres des hommes", portent les "cadavres des hommes3", entendant évidemment par là la peine des corps damnés, quoique d’ordinaire on n’appelle cadavre qu’une chair sans âme, au lieu que les corps dont il parle seront animés, sans quoi ils ne pourraient souffrir aucun tourment.
Cependant il est possible qu’on ait voulu entendre par ces mots des corps semblables à ceux des hommes qui passeront à la seconde mort, d’où vient cette parole du Prophète: "La terre des impies tombera". Qui ne sait, en effet, que cadavre vient d’un mot latin qui signifie tomber4? De même il est assez clair que par le mot hommes le Prophète veut parler de toutes les créatures humaines en général5; car personne n’oserait soutenir que les femmes pécheresses ne subiront pas aussi leur supplice. Il faut le croire d’autant mieux que c’est de la femme elle-même que l’homme est sorti. Mais voici ce qui importe particulièrement à notre sujet, puisque le Prophète, en parlant des bons, dit: "Toute chair viendra", parce que le peuple chrétien sera composé de toutes les nations, et qu’en parlant des méchants, il les appelle membres ou cadavres, cela montre que le jugement qui enverra à leur fin les bons et les méchants aura lieu après la résurrection de la chair, dont il parle si clairement.
1. Isaïe XXVI, 19, selon les Septante.
2. Isaïe LXVI, 12-16, selon les Septante.
1. Galates IV, 26.
2. Matthieu V, 8.
1. Isaïe LXV, 17 et suiv, selon les Septante.
2. Philippiens III, 19.
3. Romains VIII, 6.
4. Genèse VI, 3.
5. Luc XII, 49.
1. Actes II, 3.
2. Matthieu X, 31.
3.. Hébreux IV, 12.
4. Cantique II, 5, selon les Septante.
5. Isaïe LXVI, 17-18.
6. Romains III, 23.
1. Psaume CIX, 4.
2. Isaïe LXVI, 22-21, selon les Septante.
3. C’est la leçon de la Vulgate.
4. Voyez plus haut, ch. 10. https://messe.forumactif.org/t6542-saint-augustin-cite-de-dieu-livre-xx-le-jugement-dernier#117542
5. La Vulgate donne virorum ; les Septante anthropon.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques, et
gras ajoutés.
à suivre…
.
voir : https://messe.forumactif.org/t6559-preuves-de-la-resurrection-des-morts-et-du-jugement-dernier-tirees-disaie-commentaires-de-saint-augustin-a-venir
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXII a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXII.
COMMENT IL FAUT ENTENDRE QUE LES BONS
SORTIRONT POUR VOIR LE SUPPLICE DES MÉCHANTS.
Mais comment les bons sortiront-ils pour voir le supplice des méchants ? Dirons-nous qu’ils quitteront réellement les bienheureuses demeures, pour passer aux lieux des supplices et être témoins des tourments des damnés ? A Dieu ne plaise ! C’est en esprit, c’est par la connaissance qu’ils sortiront. Ce mot sortirfait entendre que ceux qui seront tourmentés seront dehors: car Notre-Seigneur appelle aussi ténèbres extérieures ces lieux opposés à l’entrée qu’il annonce au bon serviteur, quand il lui dit: "Entre dans la joie de ton Seigneur1"; et loin que les méchants y entrent pour y être connus, ce sont plutôt les saints qui sortent en quelque façon vers eux par la connaissance qu’ils ont de leur malheur. Ceux qui seront dans les tourments ne sauront pas ce qui se passera au dedans, "dans la joie du Seigneur"; mais ceux qui posséderont cette joie sauront tout ce qui se passera au dehors, dans "les ténèbres extérieures". C’est pour cela qu’il est dit qu’ils sortiront, parce qu’ils connaîtront ce qui se fera à l’égard de ceux mêmes qui seront dehors.
Si, en effet, les Prophètes ont pu connaître ces choses, quand elles n’étaient pas encore arrivées, par le peu que Dieu en révélait à des hommes mortels, comment les saints immortels les ignoreraient-ils, alors qu’elles seront accomplies et que Dieu sera tout en tous2? La semence et le nom des saints demeureront donc stables dans la plénitude de Dieu, j’entends cette semence dont saint Jean dit: "Et la semence de Dieu demeure en lui3"; et ce nom dont parle Isaïe: "Je leur donnerai un nom éternel, et ils passeront de mois en mois et de sabbat en sabbat", comme de lune en lune, et de repos en repos. Car les saints seront tout cela, alors que, de ces ombres anciennes et passagères, ils entreront dans les clartés nouvelles et éternelles.
Quant à ce feu inextinguible et à ce ver immortel qui feront le supplice des réprouvés, on les explique diversement. Les uns rapportent l’un et l’autre au corps, et les autres à l’âme. D’autres disent que le feu tourmentera le corps, et le ver l’âme, et qu’ainsi il faut prendre le premier au propre et le second au figuré, ce qui ne paraît pas vraisemblable. Mais ce n’est pas ici le lieu de parler de cette différence, puisque nous avons destiné ce livre au dernier jugement qui fera la séparation des bons et des méchants. Nous parlerons en particulier de leurs peines et de leurs récompenses1.
1. Isaïe LXVI, 21.
2. I Corinthiens XV, 28.
3. Jean III, 9.
1. Dans les livres XI et XX.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXIII a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXIII.
PROPHÉTIE DE DANIEL SUR LA PERSÉCUTION DE L’ANTECHRIST,
SUR LE JUGEMENT DERNIER ET SUR LE RÈGNE DES SAINTS.
Daniel prédit aussi ce dernier jugement, après l’avoir fait précéder de l’avènement de I’Antéchrist, et il conduit sa prophétie jusqu’au règne des saints. Ayant vu dans une extase prophétique quatre bêtes, qui figuraient quatre royaumes, dont le quatrième est conquis par un roi, qui est l’Antéchrist, et après cela, le royaume du Fils de l’homme, qui est celui de Jésus-Christ, il s’écrie: "Mon esprit fut saisi d’horreur; moi, Daniel, je demeurai tout épouvanté, et les visions de ma tête me troublèrent. Je m’approchai donc de l’un de ceux qui étaient présents, et je lui demandai la vérité sur tout ce que je voyais, et il me l’apprit. Ces quatre bêtes immenses, me dit-il, sont quatre royaumes qui s’établiront sur la terre et qui ensuite seront détruits. Les saints du Très-Haut prendront leur place et régneront jusque dans le siècle et jusque dans le siècle des siècles".
— "Après cela," poursuit Daniel," je m’enquis avec soin quelle était la quatrième bête, si différente des autres, et beaucoup plus terrible, car ses dents étaient de fer, et ses ongles d’airain; elle mangeait et dévorait tout, et foulait tout aux pieds. Je m’informai aussi des dix cornes qu’elle avait à la tête, et d’une autre qui en sortit et qui fit tomber les trois premières. Et cette corne avait des yeux, et une bouche qui disait de terribles choses; et elle était plus grande que les autres. Je m’aperçus que cette corne faisait la guerre aux saints, et était plus forte qu’eux, jusqu’à ce que l’Ancien des jours vint et donna le royaume aux saints du Très-Haut. Ainsi, le temps étant venu, les saints furent mis en possession du royaume. Alors celui à qui je parlais me dit: La quatrième bête sera un quatrième royaume qui s’élèvera sur la terre et détruira tous les autres; il dévorera toute la terre et la ravagera et la foulera aux pieds. Ces dix cornes sont dix rois, après lesquels il en viendra un plus méchant que tous les autres, qui en humiliera trois, vomira des blasphèmes contre le Très-Haut, et fera souffrir mille maux à ses saints. Il entre, prendra même de changer les temps et d’abolir la loi; et on le laissera régner un temps, des temps, et la moitié d’un temps. Après viendra le jugement, qui lui ôtera l’empire et l’exterminera pour jamais; et toute la puissance, la grandeur, et la domination souveraine des rois sera donnée aux saints du Très-Haut. Son royaume sera éternel, et toutes ces puissances le serviront et lui obéiront. Voilà ce qu’il me dit. Cependant, j’étais extrêmement troublé, et mon visage en fut tout changé; mais je ne laissai pas que de bien retenir ce qu’il m’avait dit1" ,
Quelques-uns ont entendu par ces quatre royaumes ceux des Assyriens, des Perses, des Macédoniens et des Romains; et si l’on veut en avoir la raison, on n’a qu’à lire les commentaires du prêtre Jérôme sur Daniel, qui sont écrits avec tout le soin et toute l’érudition désirables; mais au moins ne peut-on douter que Daniel ne dise ici très clairement que la tyrannie de l’Antéchrist contre les fidèles, quoique courte, précédera le dernier jugement et le règne éternel des saints, La suite du passage fait voir que le temps, les temps, et la moitié d’un temps signifient un an, deux ans, et la moitié d’un an, c’est-à-dire trois ans et demi. Il est vrai que les temps semblent marquer un temps indéfini; mais l’hébreu ne désigne que deux temps, car on dit que les Hébreux ont, aussi bien que les Grecs, le nombre duel, que les Latins n’ont pas. Pour les dix rois, je ne sais s’ils signifient dix rois qui existeront réellement dans J’empire romain, quand l’Antéchrist viendra, et j’ai peur que ce nombre ne nous trompe. Que savons-nous s’il n’est pas mis là pour signifier l’universalité de tous les rois qui doivent précéder son avènement, comme l’Ecriture se sert assez souvent du nombre de mille, de cent ou de sept, et de tant d’autres qu’il est inutile de rapporter, pour marquer l’universalité ?
Le même Daniel s’exprime ainsi dans un autre passage: "Le temps viendra où il s’élèvera une persécution si cruelle qu’il n’y en aura jamais eu de semblable sur la terre. En ce temps-là, tous ceux qui se trouveront écrits sur le livre seront sauvés, et plusieurs de ceux qui dorment sous un amas de terre ressusciteront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour une confusion et un opprobre éternels. Or, les sages auront un éclat pareil à celui du firmament, et ceux qui enseignent la justice brilleront à jamais comme les étoiles1". Ce passage de Daniel est assez conforme à un autre de l’Évangile où il est aussi parlé de la résurrection du corps. Ceux que l’Évangéliste dit être "dans les sépulcres", Daniel dit qu’ils sont sous un "amas de terre", ou, comme d’autres traduisent "dans la poussière de la terre". De même qu’il est dit là qu’ils "sortiront", ici il est dit qu’ils "ressusciteront". Dans l’Évangile: "Ceux qui auront bien vécu sortiront de leur tombeau pour ressusciter à la vie, et ceux qui auront mal vécu pour ressusciter à la damnation2". Dans le Prophète: "Les uns ressusciteront pour la vie éternelle, les autres pour une confusion et un opprobre éternels".
Que l’on ne s’imagine pas que l’Évangéliste et le Prophète diffèrent l’un de l’autre, sous prétexte que celui-là dit: "Tous ceux qui sont dans les sépulcres"; et celui-ci: "Plusieurs de ceux qui sont sous un amas de terre"; car quelquefois l’Ecriture dit "plusieurs" pour "tous". C’est ainsi qu’il est dit à Abraham: "Je vous établirai père de plusieurs nations", bien qu’il lui soit dit ailleurs: "Toutes les nations seront bénies en votre semence3". Et il est dit encore un peu après à Daniel, au sujet de la même résurrection: "Et vous, venez, et reposez; car il reste encore du temps jusqu’à la consommation des siècles; et vous vous reposerez, et vous ressusciterez pour posséder votre héritage, à la fin les temps4".
1. Daniel VII, 15-28.
1. Daniel XII, 1-3.
2. Jean V, 28-29.
3. Genèse XVII, 5; Genèse XXII, 18.
4. Daniel XII, 1-3.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXIV a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXIV.
PROPHÉTIES TIRÉES DES PSAUMES DE DAVID SUR LA FIN
DU MONDE ET SUR LE DERNIER JUGEMENT DE DIEU.
Il y a dans les psaumes beaucoup de passages qui regardent le jugement dernier, mais on n’y en parle que d’une manière concise et rapide. Il ne faut pas toutefois que je passe sous silence ce qui y est dit en termes très-clairs sur la fin du monde: "Seigneur", dit le Psalmiste, "vous avez créé la terre au commencement, et les cieux sont l’ouvrage de vos mains. Ils périront, mais pour vous, vous resterez. Ils vieilliront tous comme un vêtement. Vous les changerez de forme comme un manteau, et ils seront transformés. Mais vous, vous êtes toujours le même, et vos années ne finiront point1". D’où vient donc que Porphyre, qui loue la piété des Hébreux et les félicite d’adorer le grand et vrai Dieu, terrible aux dieux mêmes, accuse les chrétiens d’une extrême folie, sur la foi des oracles de ses dieux, parce qu’ils disent que le monde périra2? Voilà cependant que les saintes lettres des Hébreux disent au Dieu devant qui toutes les autres divinités tremblent, de l’aveu même d’un si grand philosophe: "Les cieux sont l’ouvrage de vos mains, et ils périront". Est-ce donc qu’au temps où les cieux périront, le monde, dont ils sont la partie la plus haute et la plus assurée, ne périra pas ? Si Jupiter ne goûte pas ce sentiment, s’il blâme les chrétiens par la voix imposante d’un oracle d’être trop crédules, comme l’assure notre philosophe, pourquoi ne traite-t-il pas aussi de folie la sagesse des Hébreux, qui ont inscrit ce même sentiment dans leurs livres sacrés ?
Du moment donc que cette sagesse, qui plait tant à Porphyre qu’il la fait louer par la bouche de ses dieux, nous apprend que les cieux doivent périr, quelle aberration de faire du dogme de la fin du monde un grief contre la religion chrétienne, et le plus sérieux de tous, sous prétexte que les cieux ne peuvent périr que le monde entier ne périsse ? Il est vrai que dans les Ecritures qui sont proprement les nôtres, et ne nous sont pas communes avec les Hébreux, c’est-à-dire dans l’Evangile et les livres des Apôtres, on lit que: "La figure de ce monde passe1"; que: "Le monde passe2"; que: "Le ciel et la terre passeront3"; expressions plus douces, il faut en convenir, que celle des Hébreux, qui disent que le monde périra. De même, dans l’épître de saint Pierre, où il est dit que le monde qui existait alors périt par le déluge, il est aisé de voir quelle est la partie du monde que cet apôtre a voulu désigner4, et comment il entend qu’elle a péri, et quels sont les cieux alors renouvelés qui ont été mis en réserve pour être brûlés par le feu au jour du jugement dernier et de la ruine des méchants. Un peu après il s’exprime ainsi: "Le jour du Seigneur viendra comme un larron, et alors les cieux passeront avec grand fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre, avec ce qu’elle contient, sera consumée par le feu". Et il ajoute: "Donc, puisque toutes ces choses doivent périr, quelle ne doit pas être votre piété ?5"
On peut fort bien entendre ici que les cieux qui périront sont ceux dont il dit qu’ils sont mis en réserve pour être brûlés par le feu, et que les éléments qui doivent se dissoudre par l’ardeur du feu sont ceux qui occupent cette basse partie du monde, exposée aux troubles et aux orages; mais que les globes célestes, où sont suspendus les astres, demeureront intacts. Quant "à ces étoiles qui doivent tomber du ciel6", outre qu’on peut donner à ces paroles un autre sens, meilleur que celui que porte la lettre, elles prouvent encore davantage la permanence des cieux, si toutefois les étoiles en doivent tomber. C’est alors une façon figurée de parler,ce qui est vraisemblable, ou bien cela doit s’entendre de quelques météores qui se formeront dans la moyenne région de l’air, comme celui dont parle Virgile7:" Une étoile, suivie d’une longue traînée de lumière, traversa le ciel et alla se perdre dans la forêt d’Ida".
Mais pour revenir au passage du Psalmiste, il semble qu’il n’excepte aucun des cieux, et qu’ils doivent tous périr, puisqu’il dit que les cieux sont l’ouvrage des mains de Dieu, et qu’ils périront. Or, puisqu’il n’y eu a pas un qui ne soit l’ouvrage de ses mains, il semble aussi qu’il n’y en ait pas un qui ne doive périr. Je ne pense pas, en effet, que nos philosophes veuillent expliquer ces paroles du psaume par celles de saint Pierre, qu’ils haïssent tant1, et prétendre que, comme cet apôtre a entendu les parties pour le tout, quand il a dit que le monde avait péri par le déluge, le Psalmiste de même n’a entendu parler que de la partie la plus basse des cieux, quand il a dit que les cieux périront. Puis donc qu’il n’y a pas d’apparence qu’ils en usent de la sorte, de peur d’approuver le sentiment de l’apôtre saint Pierre et d’être obligés de donner à ce dernier embrasement autant de pouvoir qu’il en donne au déluge, eux qui soutiennent qu’il est impossible que tout le genre humain périsse par les eaux et le feu, il ne leur reste autre chose à dire, sinon que leurs dieux ont loué la sagesse des Hébreux , parce qu’ils n’avaient pas lu ce psaume.
Le psaume quarante-neuf parle aussi du jugement dernier en ces termes: "Dieu viendra visible, notre Dieu viendra, et il ne se taira pas. Un feu dévorant marchera devant lui, et une tempête effroyable éclatera tout autour. Il appellera le ciel en haut et la terre, afin de discerner son peuple. Assemblez-lui ses saints, qui élèvent son testament au-dessus des sacrifices2". Nous entendons ceci de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui viendra du ciel, comme nous l’espérons, juger les vivants et les morts. Il viendra visible pour juger justement les bons et les méchants, lui qui est déjà venu caché pour être injustement jugé par les méchants. Il viendra visible, je le répète, et il ne se taira pas, c’est-à-dire qu’il parlera en juge, lui qui s’est tu devant son juge, lorsqu’il a été conduit à la mort comme une brebis qu’on mène à la boucherie, et qui est demeuré muet comme un agneau qui se laisse tondre, ainsi que nous le voyons annoncé dans Isaïe3 et accompli dans l’Évangile4. Quant au feu et à la tempête qui accompagnent le Seigneur, nous avons déjà dit comment il faut entendre ces expressions, en expliquant les expressions semblables du prophète Isaïe. Par ces mots: "Il appellera le ciel en haut"; comme les saints et les justes s’appellent avec raison le ciel, le Psalmiste veut dire sans doute ce qu’a dit l’Apôtre: que nous serons emportés dans les nues, pour aller au-devant du Seigneur, au milieu des airs: car à le comprendre selon la lettre, comment le ciel serait-il appelé en haut, puisqu’il ne peut être ailleurs ?
A l’égard de ce qui suit: "Et la terre, pour faire la séparation de son peuple", si l’on sous-entend seulement il appellera, c’est-à-dire il appellera la terre, sans sous-entendre en haut, on peut fort bien penser que le ciel figure ceux qui doivent juger avec lui, et la terre ceux qui doivent être jugés; et alors ces paroles: "Il appellera le ciel en haut", ne signifient pas qu’il enlèvera les saints dans les airs, mais qu’il les fera asseoir sur des trônes pour juger. Ces mots peuvent encore avoir le sens suivant: "Il appellera le ciel en haut", c’est-à-dire qu’il appellera les anges au plus haut des cieux, pour descendre en leur compagnie et juger le monde; et "il appellera aussi la terre", c’est-à-dire les hommes qui doivent être jugés sur la terre. Mais si, lorsque le Psalmiste dit: "Et la terre, etc.", on sous-entend l’un ou l’autre, c’est-à-dire qu’il appellera et qu’il appellera en haut, je ne pense pas qu’on puisse mieux l’entendre que des hommes qui seront emportés dans les airs au-devant de Jésus-Christ1, et qu’il appelle le ciel, à cause de leurs âmes, et la terre, à cause de leurs corps.
Or, qu’est-ce discerner son peuple, sinon séparer par le jugement les bons d’avec les méchants, comme les brebis d’avec les boucs ? Il s’adresse ensuite aux anges, et leur dit: "Assemblez-lui ses saints" , parce que sans doute un acte aussi important se fera par le ministère des anges. Que si nous demandons quels sont ces saints qu’ils lui doivent assembler: "Ceux, dit-il, qui élèvent son testament au-dessus des sacrifices". Car voilà toute la vie des justes: élever le testament de Dieu au-dessus des sacrifices. En effet, ou les œuvres de miséricorde sont préférables aux sacrifices, selon cet oracle du ciel: "J’aime mieux la miséricorde que le sacrifice2", ou au moins, en donnant un autre sens aux paroles du Psalmiste, les œuvres de miséricorde sont les sacrifices qui servent à apaiser Dieu, comme je me souviens de l’avoir dit au deuxième livre de cet ouvrage3. Les justes accomplissent le testament de Dieu par ces œuvres, parce qu’ils les font à cause des promesses qui sont contenues dans son Nouveau Testament; d’où vient qu’au dernier jugement, quand Jésus-Christ aura assemblé ses saints et les aura placés à sa droite, il leur dira: "Venez, vous que mon père a bénis, prenez possession du royaume qui vous est préparé dès le commencement du monde; car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger1"; et le reste au sujet des bonnes œuvres des justes et de la récompense éternelle qu’ils en recevront par la dernière sentence.
1. Psaume CI, 26-28.
2. Voyez plus haut, livre XIX, ch. 23.
3. Porphyre, et en général l’école d’Alexandrie,
soutenait avec force l’éternité de l’univers.
1. I Corinthiens VII, 31.
2. I Jean II, 17.
3. Matthieu XXIV, 35.
4. II Pierre III, 6.
5. II Pierre III, 10-11.
6. Matthieu XXIV, 29
7. Enéide livre XIX, v. 694-696.
1. Voyez plus haut, livre XVIII, ch. 53 et 54,
l’oracle où saint Pierre est accusé d’être un magicien.
2. Psaume XLIX, 3-5.
3. Isaïe LIII, 7.
4. Matthieu XXVI, 63.
5. Au ch. XXI.
1. Thessaloniciens IV, 16.
2. Osée, VI, 6.
3. Au ch. VI.
1. Matthieu XXV, 34.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXV a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXV.
PROPHÉTIE DE MALACHIE ANNONÇANT LE DERNIER JUGEMENT DE DIEU
ET LA PURIFICATION DE QUELQUES-UNS PAR LES PEINES DU PURGATOIRE.
Le prophète Malachie ou Malachi appelé aussi Ange, et qui, suivant quelques-uns, est le même qu’Esdras, dont il y a d’autres écrits reçus dans le canon des livres saints (tel est, d’après Jérémie2, le sentiment des Hébreux), Malachie, dis-je, a parlé ainsi du jugement dernier: "Le voici qui vient, dit le Seigneur tout-puissant; et qui soutiendra l’éclat de son avènement, ou qui pourra supporter ses regards ? Car il sera comme le feu d’une fournaise ardente et comme l’herbe des foulons; et il s’assoira comme un fondeur qui affine et épure l’or et l’argent; et il purifiera les enfants de Lévi, et il les fondra comme l’or et l’argent; et ils offriront des victimes au Seigneur en justice. Et le sacrifice de Juda et de Jérusalem plaira au Seigneur, comme autrefois dans les premières années. Je m’approcherai de vous pour juger, et je serai un témoin fidèle contre les enchanteurs, les adultères et les parjures, contre ceux qui retiennent le salaire de l’ouvrier, qui oppriment les veuves par violence, outragent les orphelins, font injustice à l’étranger, et ne craignent point mon nom, dit le Seigneur tout-puissant. Car je suis le Seigneur votre Dieu, et je ne change point3".
Ces paroles font voir clairement, à mon avis, qu’en ce jugement il y aura pour quelques-uns des peines purifiantes. Que peut-on entendre autre chose par ce qui suit: "Qui soutiendra l’éclat de son avènement, ou qui pourra supporter ses regards ? Car il sera comme le feu d’une fournaise ardente et comme l’herbe des foulons. Il s’assoira comme un fondeur qui affine et épure l’or et l’argent; et il purifiera les enfants de Lévi, et il les fondra comme l’or et l’argent". lsaïe dit quelque chose de semblable: "Le Seigneur fera disparaître les impuretés des fils et des filles de Sion, et ôtera le sang du milieu d’eux par le souffle du jugement et par le souffle du feu1". A moins qu’on ne veuille dire qu’ils seront purifiés et comme affinés, lorsque les méchants seront séparés d’eux par le jugement dernier, et que la séparation des uns sera la purification des autres, puisqu’à l’avenir ils vivront sans être mêlés ensemble.
Mais, d’un autre côté, lorsque le Prophète ajoute "qu’il purifiera les enfants de Lévi, et les affinera comme on affine l’or et l’argent, qu’ils offriront des victimes au Seigneur en justice, et que le sacrifice de Juda et de Jérusalem plaira au Seigneur", il fait bien voir que ceux qui seront purifiés plairont à Dieu par des sacrifices de justice, et qu’ainsi ils seront purifiés de l’injustice qui était cause qu’ils lui déplaisaient auparavant. Or, eux-mêmes seront des victimes d’une pleine et parfaite justice, lorsqu’ils seront purifiés. Que pourraient-ils en cet état offrir à Dieu de plus agréable qu’eux-mêmes ? Mais nous parlerons ailleurs de ces peines purifiantes, afin d’en parler plus à fond. Au reste, par les enfants de Lévi, de Juda et de Jérusalem, il faut entendre l’Eglise de Dieu, composée non-seulement des Juifs, mais des autres nations, non pas telle qu’elle est dans ce temps de pèlerinage, dans ce temps où: "Si nous disons que nous n’avons point de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous2", mais telle qu’elle sera alors, purifiée par le dernier jugement, comme une aire nettoyée par le van. Ceux mêmes qui ont besoin de cette purification ayant été purifiés par le feu, nul n’aura plus à offrir de sacrifice à Dieu pour ses péchés. Sans doute tous ceux qui sacrifient ainsi sont coupables de quelques péchés, et c’est pour en obtenir la rémission qu’ils sacrifient; mais lorsqu’ils auront fait accepter leur sacrifice, Dieu les renverra purifiés.
2. Voyez le préambule de saint Jérôme
à son commentaire sur Malachie.
3. Malachie III, l-6.
1. Isaïe. IV, 4.
2. I Jean, I, 8.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXVI a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXVI.
DES SACRIFICES QUE LES SAINTS OFFRIRONT À DIEU,
ET QUI LUI SERONT AGRÉABLES, COMME AUX ANCIENS JOURS,
DANS LES PREMIÈRES ANNÉES DU MONDE.
Or, Dieu, voulant montrer que sa Cité ne sera point alors en état de péché, dit que les enfants de Lévi offriront des sacrifices en justice. Ce ne sera donc pas en péché, ni pour le péché. D’où l’on peut conclure que ce qui suit: "Et le sacrifice de Juda et de Jérusalem plaira au Seigneur, comme aux anciens jours, dans les premières années", ne peut servir de fondement raisonnable aux Juifs pour prétendre qu’il y a là une promesse de ramener le temps des sacrifices de l’Ancien Testament.
Ils n’offraient point alors de victimes en justice, mais en péché, puisqu’ils les offraient, surtout dans l’origine, pour leur péché spécialement. Cela est si vrai, que le grand-prêtre, qui était vraisemblablement plus juste que les autres, avait coutume, selon le commandement de Dieu, d’offrir d’abord pour ses péchés, ensuite pour ceux du peuple1. Il faut dès lors expliquer le sens de ces paroles: "Comme aux anciens jours, dans les premières années". Peut-être rappellent-elles le temps où les premiers hommes étaient dans le paradis; et, en effet, c’est alors que, dans l’état de pureté et d’intégrité, exempts de toute souillure et de tout péché, ils s’offraient eux-mêmes à Dieu comme des victimes très pures. Mais depuis qu’ils en ont été chassés pour leur désobéissance, et que toute la nature humaine a été condamnée en eux, personne, à l’exception du Médiateur (et de quelques petits enfants, ceux qui ont été baptisés), "personne", dit l’Ecriture, n’est exempt de péché; pas même l’enfant qui n’a qu’un jour de vie sur la terre 2".
Répondra-t-on que ceux-là peuvent passer pour offrir des sacrifices en justice, qui les offrent avec foi, puisque l’Apôtre a dit que "le juste vit de la foi3"; c’est oublier que, selon le même Apôtre, le juste se séduit lui-même, s’il se dit exempt de péché; il se gardera donc bien de le dire et de le croire, lui qui vit de la foi. Peut-on comparer d’ailleurs le temps de la foi aux derniers temps, où ceux qui offriront des sacrifices en justice seront purifiés par le feu du dernier jugement ? Puisqu’il faut croire qu’après cette purification les justes n’auront aucun péché, ce temps ne peut assurément être comparé qu’avec celui où les premiers hommes, avant leur infidélité, menaient dans le paradis la vie la plus innocente et la plus heureuse. On peut donc très bien donner ce sens aux paroles de l’Ecriture sur "les anciens jours et les premières années". Dans Isaïe, après la promesse d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, entre autres images et paroles énigmatiques sur la félicité des saints, que nous n’avons point expliquées pour éviter d’être long, on lit: "Les jours de mon peuple seront comme l’arbre de vie1". Or, qui est assez peu versé dans les Écritures pour ignorer où Dieu avait planté l’arbre de vie, dont les premiers hommes furent sevrés, lorsque leur désobéissance les chassa du paradis et que Dieu plaça auprès de cet arbre un ange terrible avec une épée flamboyante ?
Si l’on soutient que ces jours de l’arbre de vie, rappelés par Isaïe, sont ceux de l’Eglise, qui s’écoulent maintenant, et que c’est Jésus-Christ que le Prophète appelle l’arbre de vie, parce qu’il est la Sagesse de Dieu, dont Salomon a dit: "Elle est un arbre de vie pour tous ceux qui l’embrassent2"; si l’on soutient que les premiers hommes ne passèrent pas des années dans le paradis et n’eurent pas le loisir d’y engendrer des enfants, de sorte qu’on ne puisse rapporter à ce temps les mots: "Comme aux anciens jours, dans les premières années", j’aime mieux laisser cette question, pour n’être point obligé d’entrer dans une trop longue discussion.
Aussi bien, je vois un autre sens qui m’empêche de croire que le Prophète nous promette ici, comme un grand présent, le retour des sacrifices charnels des Juifs, aux anciens jours, dans les premières années. En effet, ces victimes de l’ancienne loi, qui devaient être choisies sans tache et sans défaut dans chaque troupeau, représentaient les hommes justes, exempts de toute souillure, tel que Jésus-Christ seul a été. Or, comme après le jugement, ceux qui seront dignes de purification auront été purifiés par le feu, de telle sorte qu’ils s’offriront eux-mêmes en justice, comme des victimes pures de toute tache et de toute souillure, ils seront certainement semblables aux victimes des anciens jours et des premières années que l’on offrait en image de ces victimes futures.
En effet, la pureté que figurait le corps pur de ces animaux immolés sera alors réellement dans la chair et dans l’âme immortelle des saints. Ensuite le Prophète, s’adressant à ceux qui seront dignes, non de purification, mais de damnation, leur dit: "Je m’approcherai de vous pour juger, et je serai un prompt témoin contre les enchanteurs, contre les adultères, etc." Et après avoir fait le dénombrement de beaucoup d’autres crimes damnables, il ajoute: "Car je suis le Seigneur votre Dieu, et je ne change point", comme s’il disait: Pendant que vous changez, par vos crimes, en pis, par ma grâce, en mieux, moi je ne change point. Il dit qu’il se portera pour témoin, parce qu’il n’a pas besoin, pour juger, d’autres témoins que de lui-même; et qu’il sera un prompt témoin, ou bien parce qu’il viendra soudain et à l’improviste, quand on le croira encore éloigné, ou bien parce qu’il convaincra les consciences, sans avoir besoin de beaucoup de paroles, comme il est écrit: "Les pensées de l’impie déposeront contre lui1" ; et selon l’Apôtre: "Les pensées des hommes les accuseront ou les excuseront au jour que Dieu jugera par Jésus-Christ de tout ce qui est caché dans le cœur2". C’est ainsi que Dieu sera un prompt témoin, parce qu’en un instant il rappellera de quoi convaincre et punir une conscience.
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1. Lévitique XVI, 6 ; Hébreux VII, 27. —2. Job XIV 4, selon les Septante. —3. Romains I, 17.
—1. Isaïe LXV, 22. — 2. Proverbes III, 1 8.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques, caractères ,
gras et police ajoutés.
à suivre…
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Dernière édition par ROBERT. le Sam 20 Juin 2015, 3:39 pm, édité 1 fois (Raison : mise en forme)
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXVII a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXVII.
DE LA SÉPARATION DES BONS ET DES
MÉCHANTS AU JOUR DU JUGEMENT DERNIER.
Ce que j’ai rapporté sommairement du même Prophète, au dix-huitième livre3, regarde aussi le jugement dernier. Voici le passage: "Ils seront mon héritage, dit le Seigneur tout-puissant, au jour que j’agirai, et je les épargnerai, comme un père épargne un fils obéissant. Alors je me comporterai d’une autre sorte, et vous verrez la différence qu’il y a entre le juste et l’impie, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas. Car voici venir le jour allumé comme une fournaise ardente et il les consumera; Tous les étrangers et tous les pécheurs seront comme du chaume, et le jour qui approche les brûlera tous, dit le Seigneur, sans qu’il reste d’eux ni branches, ni racines. Mais pour vous qui craignez mon nom, le soleil de justice se lèvera pour vous, et vous trouverez une abondance de tous biens, à l’ombre de ses ailes. Vous bondirez comme de jeunes taureaux échappés, et vous foulerez aux pieds les méchants, et ils deviendront cendres sous vos pas, dit le Seigneur tout-puissant1" .
Quand cette différence des peines et des récompenses qui sépare les méchants d’avec les bons, et qui ne se voit pas sous le soleil, dans la vanité de cette vie, paraîtra sous le soleil de justice qui éclairera la vie future, alors sera le dernier jugement.
3. A la fin du ch. XXXV.
1. Malachie III, 17-18 ; Malachie IV, 1-3.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques ajoutés.
à suivre…
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXVIII a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXVIII.
IL FAUT INTERPRÉTER SPIRITUELLEMENT LA LOI DE MOÏSE POUR
PRÉVENIR LES MURMURES DAMNABLES DES ÂMES CHARNELLES.
Le même prophète ajoute: "Souvenez-vous de la loi que j’ai donnée pour tout Israël à mon serviteur Moïse, sur la montagne de Choreb2". C’est fort à propos qu’il rappelle les commandements de Dieu, après avoir relevé la grande différence qu’il y a entre ceux qui observent la loi et ceux qui la méprisent. Il le fait aussi afin d’apprendre aux Juifs à concevoir spirituellement la loi, et à y trouver Jésus-Christ, le juge qui doit faire le discernement des bons et des méchants. Ce n’est pas en vain que le même Seigneur dit aux Juifs: "Si vous aviez foi en Moïse, vous croiriez en moi aussi; car c’est de moi qu’il a écrit3". En effet; c’est parce qu’ils comprennent la loi charnellement, et qu’ils ne savent pas que ses promesses temporelles ne sont que des figures des récompenses éternelles, c’est pour cela qu’ils sont tombés dans des murmures; et qu’ils ont dit: "C’est un folie de servir Dieu; que nous revient-il d’avoir observé ses commandements et de nous être humiliés en la présence du Seigneur tout-puissant ? N’avons-nous donc pas raison d’estimer heureux les méchants et les ennemis de Dieu; puisqu’ils triomphent dans la gloire et l’opulence4?" Pour arrêter ces murmures, le Prophète a été obligé en quelque sorte de déclarer le dernier jugement, où les méchants ne posséderont pas même une fausse félicité, mais paraîtront évidemment malheureux, et où les bons ne seront assujettis à aucune misère, mais jouiront avec éclat d’une éternelle béatitude.
Il avait rapporté auparavant des plaintes semblables des Juifs: "Tout homme qui fait le mal est bon devant Dieu, et il n’y a que les méchants qui lui plaisent1". C’est donc en entendant charnellement la loi de Moïse qu’ils se sont portés à ces plaintes; d’où vient, au psaume soixante-douze, ce cri de celui qui a chancelé, et qui a senti ses pieds défaillir en considérant la prospérité des méchants, de sorte qu’il a envié leur condition, jusqu’à proférer ces paroles: "Comment Dieu voit-il cela ? Le Très-Haut connaît-il ces choses ? "et encore: "C’est donc bien en vain que j’ai conservé purs mon cœur et mes mains". Le Psalmiste avoue qu’il s’est vainement efforcé de comprendre pourquoi les bons paraissent misérables en cette vie, et les méchants heureux: "Je m’efforce en vain, dit-il, il faut que j’entre dans le sanctuaire de Dieu, et que j’y découvre la fin2". En effet, à la fin du monde, au dernier jugement, il n’en sera pas ainsi; et les choses paraîtront tout autres, quand éclateront au grand jour la félicité des bons et la misère des méchants.
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2. Malachie IV, 4. — 3. Jean, V, 46. — 4. Malachie III, 14-15. — 1. Malachie II, 17. — 2. Psaume LXXII, 11 ; 13 ; 17.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques ajoutés.
à suivre…
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXIX a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXIX.
DE LA VENUE D’ÉLIE AVANT LE JUGEMENT,
POUR DÉVOILER LE SENS CACHÉ DES ÉCRITURES
ET CONVERTIR LES JUIFS À JÉSUS-CHRIST.
Après avoir averti les Juifs de se souvenir de la loi de Moïse, prévoyant bien qu’ils seraient encore longtemps sans la concevoir spirituellement, l’Ecriture ajoute aussitôt: "Je vous enverrai Elie de Thesbé, avant que ce grand et lumineux jour du Seigneur arrive, qui tournera le cœur du père vers le fils, et le cœur de l’homme vers son prochain, de peur qu’à mon avènement je ne détruise entièrement la terre3". C’est une croyance assez générale parmi les fidèles, qu’à la fin du monde, avant le jugement, les Juifs doivent croire au vrai Messie, c’est-à-dire en notre Christ, par le moyen de ce grand et admirable prophète Elie, qui leur expliquera la loi. Aussi bien, ce n’est pas sans raison que l’on espère en lui le précurseur de l’avènement de Jésus-Christ, puisque ce n’est pas sans raison que maintenant même on le croit vivant1. Il est certain, en effet, d’après le témoignage même de l’Ecriture, qu’il a été ravi dans un char de feu. Lorsqu’il sera venu, il expliquera spirituellement la loi que les Juifs entendent encore charnellement, et "il tournera le cœur du père vers le fils", c’est-à-dire le cœur des pères vers leurs enfants; car les Septante ont mis ici le singulier pour le pluriel. Le sens est que les Juifs, qui sont les enfants des Prophètes, du nombre desquels était Moïse, entendront la loi comme leurs pères, et ainsi le cœur des pères se tournera vers les enfants et le cœur des enfants vers les pères, lorsqu’ils auront les mêmes sentiments. Les Septante ajoutent que "le cœur de l’homme se tournera vers son prochain", parce qu’il n’y a rien de plus proche que les pères et leurs enfants. On peut encore donner un autre sens plus relevé aux paroles des Septante, qui ont interprété l’Ecriture en prophètes, et dire qu’Elie tournera le cœur de Dieu le Père vers le Fils, non en faisant qu’il l’aime, mais en instruisant les Juifs de cet amour, et les portant par là eux-mêmes à aimer notre Christ, qu’ils haïssaient auparavant.
En effet, de notre temps, au regard des Juifs, Dieu a le cœur détourné de notre Christ, parce qu’ils ne croient pas qu’il soit Dieu, ni Fils de Dieu. Mais alors Dieu aura pour eux le cœur tourné vers son Fils, quand, leur cœur étant changé, ils verront l’amour du Père envers le Fils. Quant à ce qui suit: "Et le coeur de l’homme vers son prochain", comment pouvons-nous mieux interpréter ces paroles qu’en disant qu’Elie tournera le cœur de l’homme vers Jésus-Christ homme ? Car Jésus-Christ étant notre Dieu, sous la forme de Dieu, a pris la forme d’esclave, et a daigné devenir notre prochain. Voilà donc ce que fera Elie: "De peur", dit le Seigneur, "qu’à mon avènement je ne détruise entièrement la terre". C’est que ceux-là sont terre qui ne goûtent que les choses de la terre, comme les Juifs charnels ; et voilà ceux d’où viennent ces murmures contre Dieu: "Les méchants lui plaisent", et: "C’est une folie de le servir2"
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3. Malachie IV, 5-6, selon les Septante. — 1. C’était le sentiment d’un grand nombre de Pères de l’Eglise, dont on peut voir les paroles citées par Léonard Coquée en son commentaire de la Cité de Dieu. — 2. Malachie II,17; Malachie III, 14.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXX a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXX.
MALGRÉ L’OBSCURITÉ DE QUELQUES PASSAGES DE L’ANCIEN TESTAMENT,
OÙ LA PERSONNE DU CHRIST NE PARAÎT PAS EN TOUTE ÉVIDENCE, IL FAUT,
QUAND IL EST DIT QUE DIEU VIENDRA JUGER, ENTENDRE CELÀ DE JÉSUS-CHRIST.
Il y a beaucoup d’autres témoignages de l’Ecriture sur le dernier jugement, mais il serait trop long de les rapporter, et il nous suffit d’avoir prouvé qu’il a été annoncé par l’Ancien et par le Nouveau Testament. Mais l’Ancien ne déclare pas aussi formellement que le Nouveau que c’est Jésus-Christ qui doit rendre ce jugement. De ce qu’il y est dit que le Seigneur Dieu viendra, il ne s’ensuit pas que ce doive être Jésus-Christ, car cette qualification convient aussi bien au Père ou au Saint-Esprit qu’au Fils. Nous ne devons pas toutefois laisser passer ce point sans preuves. II est nécessaire pour cela de montrer premièrement, comment Jésus-Christ parle dans ses prophètes, sous le nom de Seigneur Dieu, afin qu’aux autres endroits, où cela n’est point manifeste et où néanmoins il est dit que le Seigneur Dieu doit venir pour juger, on puisse l’entendre de Jésus-Christ.
Il y a un passage dans le prophète Isaïe qui fait voir clairement ce dont il s’agit. Voici en effet comment Dieu parla par ce Prophète: "Ecoutez-moi, Jacob et Israël que j’appelle. Je suis le premier et je suis pour jamais. Ma main a fondé la terre, et ma droite a affermi le ciel. Je les appellerai, et ils s’assembleront tous et ils entendront. Qui a annoncé ces choses ? Comme je vous aime, j’ai accompli votre volonté sur Babylone et exterminé la race des Chaldéens. J’ai parlé et j’ai appelé; je l’ai amené, et je l’ai fait réussir dans ses entreprises. Approchez-vous de moi, et écoutez-moi. Dès le commencement, je n’ai point parlé en secret; j’étais présent, lorsque ces choses se faisaient. Et maintenant le Seigneur Dieu m’a envoyé, et son Esprit1".
C’est lui-même qui parlait tout à l’heure comme le Seigneur Dieu, et néanmoins on ne saurait pas que c’est Jésus-Christ, s’il n’ajoutait: "Et maintenant le Seigneur Dieu m’a envoyé, et son Esprit". Il dit cela, en effet, selon la forme d’esclave, et parle d’une chose à venir, comme si elle était passée. De même, en cet autre passage du même prophète: "Il a été conduit à la mort, comme une brebis que l’on mène à la boucherie1"; il ne dit pas: "Il sera conduit", mais il se sert du passé pour le futur, selon le langage ordinaire des Prophètes. Il y a un autre passage dans Zacharie, où il dit clairement que le Tout-Puissant a envoyé le Tout-Puissant. Or, de qui peut-on entendre cela, sinon de Dieu le Père qui a envoyé Dieu le Fils ? Voici le passage: "Le Seigneur tout puissant a dit: Après la gloire, il m’a envoyé vers les nations, qui vous ont pillé. Car vous toucher, c’est toucher la prunelle de son œil. J’étendrai ma main sur eux, et ils deviendront les dépouilles de ceux qui étaient leurs esclaves et vous connaîtrez que c’est le Seigneur tout-puissant qui m’a envoyé2".
Voilà le Seigneur tout puissant qui dit qu’il est envoyé par le Seigneur tout-puissant. Qui serait entendre ces paroles d’un autre que de Jésus-Christ, qui parle aux brebis égarées de la maison d’Israël ? Aussi dit-il dans l’Evangile: "Je n’ai été envoyé que pour les brebis perdues de la maison d’Israël3", qu’il compare ici à la prunelle des yeux de Dieu, pour montrer combien il les chérit. Parmi ces brebis, il faut compter les Apôtres mêmes, mais "après la gloire", c’est-à-dire après sa résurrection glorieuse, car avant, comme dit saint Jean l’évangéliste "Jésus n’était point encore glorifié4".
Il fut aussi envoyé aux nations, en la personne de ses Apôtres; et ainsi fut accompli ce qu’on lit dans le psaume: "Vous me délivrerez des rébellions de ce peuple; vous m’établirez chef des nations5"; afin que ceux qui avaient pillé les Israélites, et dont les Israélites avaient été les esclaves, devinssent eux-mêmes les dépouilles des Israélites; car c’est ce qu’il avait promis aux Apôtres en leur disant: "Je vous ferai pêcheurs d’hommes6"; et à l’un deux: "Dès ce moment ton emploi sera de prendre des hommes7". Ils deviendront donc les dépouilles, mais en un bon sens, comme sont celles qu’on enlève dans l’Evangile à ce Fort armé, après l’avoir lié de chaînes encore plus fortes que lui8. Le Seigneur parlant encore par les Prophètes… à suivre.
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1. Isaïe XLVIII, 12-16. — 1. Isaïe LIII, 7, selon les Septante. — 2. Zacharie II, 8-9. — 3. Matthieu XV, 24. — 4. Jean VII, 39. — 5. Psaume XVII, 44.
6. Matthieu IV, 19. — 7. Luc V, 10. — 8. Matthieu XII, 29.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin, Cité de Dieu, Livre XX. — Le Jugement Dernier. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XX cap. XXX a écrit:
LIVRE VINGTIÈME: LE JUGEMENT DERNIER.
CHAPITRE XXX.
MALGRÉ L’OBSCURITÉ DE QUELQUES PASSAGES DE L’ANCIEN TESTAMENT,
OÙ LA PERSONNE DU CHRIST NE PARAÎT PAS EN TOUTE ÉVIDENCE,
IL FAUT, QUAND IL EST DIT QUE DIEU VIENDRA JUGER, ENTENDRE CELÀ DE JÉSUS-CHRIST.
(suite) Le Seigneur parlant encore par les Prophètes: "En ce jour-là, dit-il, j’aurai soin d’exterminer toutes les nations qui viennent contre Jérusalem, et je verserai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem l’esprit de grâce et de miséricorde; ils jetteront les yeux sur moi, parce qu’ils m’ont insulté; et ils se lamenteront, comme ils se lamenteraient au sujet d’un fils bien-aimé; ils seront outrés de douleur, comme ils le seraient pour un fils unique1". A qui appartient-il, sinon à Dieu seul, d’exterminer toutes les nations ennemies de la cité de Jérusalem, "qui viennent contre elle", c’est-à-dire qui lui sont contraires, ou, selon d’autres versions, qui "viennent sur elle", c’est-à-dire qui veulent l’assujettir ? Et à qui appartient-il de répandre l’esprit de grâce et de miséricorde sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem ? Sans doute cela n’appartient qu’à Dieu; et aussi est-ce à Dieu que le Prophète le fait dire. Et toutefois Jésus-Christ fait voir que c’est lui qui est ce Dieu qui a fait toutes ces merveilles, lorsqu’il ajoute: "Et ils jetteront les yeux sur moi, parce qu’ils m’ont insulté, et ils se lamenteront, comme ils se lamenteraient au sujet d’un fils bien-aimé, et ils seront outrés de douleur, comme ils le seraient pour un fils unique".
Car en ce jour-là, les Juifs mêmes, qui doivent recevoir l’esprit de grâce et de miséricorde, jetant les yeux sur Jésus-Christ, qui viendra dans sa majesté, et voyant que c’est lui qu’ils ont méprisé dans son abaissement, en la personne de leurs pères, se repentiront de l’avoir insulté dans sa passion. Quant à leurs pères qui ont été les auteurs d’une si grande impiété, ils le verront bien aussi, quand ils ressusciteront; mais ce ne sera que pour être punis de leur attentat, et non pour se convertir. Ce n’est donc pas d’eux qu’il faut entendre ces paroles: "Je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem l’esprit de grâce et de miséricorde; et ils jetteront les yeux sur moi, à cause qu’ils m’ont insulté"; et pourtant, ceux qui croiront à la prédication d’Elie doivent descendre de leur race.
Mais de même que nous disons aux Juifs: Vous avez fait mourir Jésus-Christ, quoique ce crime soit l’ouvrage de leurs ancêtres; de même ceux dont parle le Prophète s’affligeront d’être en quelque sorte les auteurs du mal que d’autres ont accompli. Ainsi, bien qu’après avoir reçu l’esprit de grâce et de miséricorde, ils ne soient point enveloppés dans une même condamnation, ils ne laisseront pas de pleurer le crime de leurs pères, comme s’ils en étaient coupables. Au reste, tandis que les Septante ont traduit: "Ils jetteront les yeux sur moi, à cause qu’ils m’ont insulté", l’hébreu porte: "Ils jetteront les yeux sur moi qu’ils ont percé1"; expressions2 qui rappellent encore mieux Jésus-Christ crucifié.
Toutefois "l’insulte", suivant l’expression adoptée par les Septante, embrasse en quelque sorte l’ensemble de la passion. En effet, Jésus-Christ fut insulté par les Juifs, et quand il fut pris, et quand il fut lié, et quand il fut jugé, et quand il fut revêtu du manteau d’ignominie, et quand il fut couronné d’épines, frappé sur la tête à coups de roseau, adoré dérisoirement le genou en terre, et quand il porta sa croix, et enfin quand il y fut attaché. Ainsi, en réunissant l’une et l’autre version, et en lisant qu’ils l’ont insulté et qu’ils l’ont percé, nous reconnaîtrons mieux la vérité de la passion du Sauveur.
Quand donc nous lisons dans les Prophètes que Dieu doit venir juger, il le faut entendre de Jésus-Christ; car, bien que ce soit le Père qui doive juger, il ne jugera que par l’avènement du Fils de l’homme. Il ne jugera personne visiblement; il a donné tout pouvoir de juger au Fils, qui viendra pour rendre le jugement, comme il est venu pour le subir. De quel autre que de lui peut-on entendre ce que Dieu dit par Isaïe, sous le nom de Jacob et d’Israël, dont le Christ est issu selon la chair: "Jacob est mon serviteur; je le protégerai; Israël est mon élu; c’est pourquoi mon âme l’a choisi. Je lui ai donné mon esprit; il prononcera le jugement aux nations. Il ne criera point, il ne se taira point; et sa voix ne sera point entendue au dehors. Il ne brisera point le roseau cassé; il n’éteindra point la lampe qui fume encore; mais il jugera en vérité. Il sera resplendissant, et ne pourra être opprimé jusqu’à ce qu’il établisse le jugement sur la terre; et les nations espéreront en lui3".
L’hébreu ne porte pas Jacob et Israël; mais les Septante, voulant nous montrer comment il faut entendre le mot de serviteur que porte le serviteur, c’est-à-dire le profond abaissement où a daigné se soumettre le Très-Haut, ont mis le nom de celui dans la postérité duquel il a pris cette forme de serviteur. Le Saint-Esprit lui a été donné, et nous le voyons descendre sur lui dans l’Évangile, sous la forme d’une colombe1. Il a prononcé le jugement aux nations, parce qu’il a prédit l’accomplissement futur de ce qui leur était caché. Sa douceur l’a empêché de crier; et toutefois il n’a pas cessé de prêcher la vérité. Mais sa voix n’a point été entendue au dehors, et ne l’est pas encore, parce que ceux qui sont retranchés de son corps ne lui obéissent pas. Il n’a point brisé ni éteint les Juifs, ses persécuteurs, qui sont comparés ici tour à tour à un roseau cassé, parce qu’ils ont perdu leur fermeté, et à une lampe fumante, parce qu’ils n’ont plus de lumière. Il les a épargnés, parce qu’il n’était pas encore venu pour les juger, mais pour être jugé par eux2. Il a prononcé un jugement véritable, leur prédisant qu’ils seraient punis, s’ils persistaient en leur malice. Sa face a été resplendissante sur la montagne3, et son nom célèbre dans l’univers ; et il n’a pu être opprimé par ses persécuteurs, ni dans sa personne, ni dans son Eglise. Ainsi, c’est en vain que ses ennemis disent: Quand est-ce que son nom sera aboli et périra ? Jusqu’à ce qu’il établisse le jugement sur la. terre4"
Voilà ce que nous cherchions et ce qui était caché car c’est le dernier jugement qu’il établira sur la terre, quand il descendra du ciel. Nous voyons déjà accompli ce que le Prophète ajoute: "Et les nations espéreront en son nom". Que ce fait, qui ne peut pas être nié, soit donc une raison pour croire ce que l’on nie impudemment. Car qui eût osé espérer cette merveille dont sont témoins ceux-là mêmes qui refusent de croire en Jésus-Christ, et qui grincent des dents et sèchent de dépit, parce qu’ils ne peuvent les nier ? Qui eût osé espérer que les nations espéreraient au nom de Jésus-Christ, quand on le prenait, quand on le liait et le bafouait, quand on l’insultait et le crucifiait, et enfin quand ses disciples même avaient perdu l’espérance qu’ils commençaient à avoir en lui ? Ce qu’à peine un seul larron crut alors sur la croix, toutes les nations le croient maintenant, et, de peur de mourir à jamais, elles sont marquées du signe de cette croix sur laquelle Jésus-Christ est mort.
Il n’est donc personne qui doute de ce jugement dernier, annoncé dans les saintes Ecritures, sinon ceux qui, par une incrédulité aveugle et opiniâtre, ne croient pas en ces Écritures mêmes, bien qu’elles aient déjà justifié devant toute la terre une partie des vérités qu’elles annoncent. Voilà donc les choses qui arriveront en ce jugement, ou vers cette époque: l’avènement d’Elie, la conversion des Juifs, la persécution de l’Antéchrist, la venue de Jésus-Christ pour juger, la résurrection des morts, la séparation des bons et des méchants, l’embrasement du monde et son renouvellement. Il faut croire que toutes ces choses arriveront; mais comment et en quel ordre ? L’expérience nous l’apprendra mieux alors que toutes nos conjectures ne peuvent le faire maintenant. J’estime pourtant qu’elles arriveront dans le même ordre où je viens de les rappeler.
Il ne me reste plus que deux livres à écrire pour terminer cet ouvrage et m’acquitter de mes promesses avec l’aide de Dieu. Dans le premier des deux je traiterai du supplice des méchants; dans l’autre, de la félicité des bons; et j’y réfuterai les vains raisonnements des hommes qui se croient sages en se raillant des promesses de Dieu, et qui méprisent comme faux et ridicules les dogmes qui nourrissent notre foi. Mais pour ceux qui sont sages selon Dieu, sa toute-puissance est le grand argument qui leur fait croire toutes les vérités qui semblent incroyables aux hommes, et qui néanmoins sont contenues dans les saintes Ecritures, dont la véracité a déjà été justifiée de tant de manières. Ils tiennent pour certain qu’il est impossible que Dieu ait voulu nous tromper, et qu’il peut faire ce qui parait impossible aux infidèles.
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1. Zacharie XII, 9-10. — 1. Jean, V, 22. — 2. Ce sont celles de la Vulgate. —3. Isaïe XLII, 1-4, selon les Septante. — 1. Matthieu III, 16. — 2. Comp. saint Jérôme, commentant Isaïe, Epist. CLI ad Algasiam.. —3. Matthieu XVII, 1-2. —4. Psaume XL, 6.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques, gras et
soulignés ajoutés.
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FIN DU LIVRE VINGTIÈME.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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