DE LA GENÈSE AU SENS LITTÉRAL (EXTRAITS). Par Saint Augustin.

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Message  ROBERT. Mar 25 Fév 2014, 2:00 pm


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LIVRE XII.

LE PARADIS ET LE TROISIÈME CIEL




DE LA GENÈSE AU SENS LITTÉRAL.

Par Saint Augustin.




CHAPITRE XIV. LA VISION RATIONNELLE N'EST JAMAIS UN LEURRE.

L'ILLUSION DANS LES DEUX AUTRES N'EST PAS TOUJOURS DANGEREUSE.    



30. La raison maîtresse d'elle-même et éclairée d'en-haut distingue vite les cas où l'on peut se tromper sans danger, et même le degré où l'erreur est innocente. Il n'y a aucun péril à prendre pour un homme de bien un méchant hypocrite, quand on ne se trompe pas sur les principes mêmes qui font le véritable homme de bien. S'il était dangereux de prendre pendant son sommeil l'image d'un corps pour le corps même, il n'eût pas été sans péril pour Pierre de se figurer qu'au moment où un Ange le délivrait de ses fers et marchait devant lui, il était dupe d'une vision (1), ou de s'écrier dans l'extase dont nous avons parlé:  "Seigneur, je n'ai jamais rien mangé d'impur ni de souillé," en prenant pour de véritables animaux les images représentées sur la nappe (2).


Ainsi, quand on s'est trompé sur les objets qu'on avait cru voir, cette illusion ne doit inspirer aucun remords, si on n'a point à se reprocher une opiniâtre incrédulité, une interprétation orgueilleuse ou impie. Quand donc le démon nous trompe par des visions sensibles, les yeux peuvent être dupes sans péril, à condition qu'on ne s'écarte ni des vérités de la foi, ni de cette rectitude d'esprit dont Dieu se sert pour instruire ceux qui lui sont soumis. De même encore, quand il fait illusion à l'âme en lui offrant, dans une vision spirituelle, une image si ressemblante de la réalité qu'on la prend pour la réalité même, l'âme ne court d'autre danger que de s'abandonner à ses perfides insinuations.




1. Actes XII, 7-9.
2. Actes X, 11-14.




DE LA GENÈSE. COMMENTAIRES SUR L'ANCIEN TESTAMENT. Ouvrages tirés des Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première
fois en français sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, 1866, tome Quatrième p. 88-322. Cette traduction est l'œuvre de M. Citoleux.

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Message  ROBERT. Mer 26 Fév 2014, 10:11 am


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LE PARADIS ET LE TROISIÈME CIEL



DE LA GENÈSE AU SENS LITTÉRAL.

Par Saint Augustin.




CHAPITRE XV.  DES SONGES IMPURS:  QU'ILS PEUVENT ÊTRE INNOCENTS.
 



31. On se demande quelquefois si la volonté intervient dans un songe où des images obscènes viennent vous assaillir en-dehors même de vos habitudes. Il arrive en effet qu'après avoir pensé dans la veille à des obscénités, non pour s'y complaire, mais pour remplir un devoir sérieux, on les voit reparaître dans le sommeil, prendre une forme dans l'imagination, exercer même sur les organes un honteux empire. C'est ainsi qu'en ce moment je suis obligé de penser à ces détails pour en parler.


Or, si les impuretés auxquelles j'ai dû penser pour les exprimer, produisent en songe les mêmes effets que sur un homme éveillé qui s'y livre, il est évident qu'un acte qui serait criminel dans la veille, ne l'est plus dans un songe. Car comment parler de ces dérèglements lorsqu'un pareil sujet s'impose, sans penser à ce que l'on dit ?


Or, si l'image qu'on s'est faite vient à se reproduire en songe avec tant de vivacité qu'on ne distingue plus entre l'apparence et la réalité, les sens sont nécessairement agités, sans que l'acte soit plus criminel que ne l'a été la pensée même, à l'état de veille, lorsqu'on réfléchissait à ce qu'on allait dire.


Mais l'âme, purifiée par des désirs plus élevés, sait mortifier une foule de passions qui ne se rattachent pas aux mouvements grossiers de la chair; les personnes chastes savent, pendant la veille, mettre un frein à ces désordres, sur lesquels elles sont impuissantes pendant leur sommeil, par cela seul que le fantôme qui reproduit la réalité et fait la même impression, est hors de leur pouvoir; et ces nobles habitudes ont naturellement pour conséquence de faire éclater le mérite de ces âmes jusqu'au sein du sommeil.


C'est pendant son  sommeil que Salomon vit dans la sagesse un trésor inestimable et la demanda à Dieu au mépris de tout le reste. Cette prière fut agréable aux yeux du Seigneur, dit l'Ecriture, et, comme le désir était pur il fut immédiatement rempli (1).




1. III Rois III, 5-15.




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Message  ROBERT. Mer 26 Fév 2014, 10:14 am


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LE PARADIS ET LE TROISIÈME CIEL



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CHAPITRE XVI.

LES IMAGES DES CORPS SE FORMENT

DANS L'ESPRIT EN VERTU DE SA PROPRE ACTIVITÉ.  




32. Il y a donc un rapport entre les visions sensibles et cet appareil de la sensation qui se décompose en cinq organes d'une énergie plus ou moins puissante. D'abord l'élément le plus subtil et par suite le plus rapproché de l'âme, la lumière, inonde les yeux et brille dans le regard, quand il se fixe sur les objets: ensuite, grâce à l'action successive de l'âme sur l'air pur, sur les vapeurs, sur les humidités, enfin sur la masse argileuse du corps, se forment quatre sens qui s'ajoutent au cinquième, celui de la vue, le seul où éclate la supériorité de l'âme.


Nous avons, je m'en souviens, développé cette théorie au quatrième et au septième livre de cet ouvrage. Le ciel, où brillent les luminaires et les étoiles, est perçu par les yeux: c'est l'élément principal qui se découvre au sens le plus élevé. Mais, comme l'esprit est sans exception et sans aucun doute supérieur à tout être matériel, il faut en conclure que toute substance spirituelle, même celle où les objets gravent leur empreinte, a une dignité naturelle qui l'élève infiniment au-dessus même du ciel physique.




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Message  ROBERT. Jeu 27 Fév 2014, 10:45 am


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CHAPITRE XVI.

LES IMAGES DES CORPS SE FORMENT

DANS L'ESPRIT EN VERTU DE SA PROPRE ACTIVITÉ.  



33. De là une singulière conséquence: quoique l'esprit précède le corps, et que l'image soit postérieure au corps qu'elle reproduit, la représentation que le corps laisse dans l'esprit est supérieure au corps lui-même, par cela seul que le phénomène, quoique antérieur en date, se produit dans une faculté naturellement plus haute. N'allons pas croire que le corps opère sur l'esprit, comme un être actif sur la matière qu'il pétrit: car la matière reste toujours au-dessous de la cause qui la façonne; or, loin d'être au-dessous du corps, l'esprit lui est évidemment supérieur.


Ainsi, quoiqu'il faille avoir vu préalablement un corps, resté jusque-là inconnu, pour qu'il se forme dans l'esprit une image, destinée à le rappeler à la mémoire malgré son absence, cependant le corps ne produit pas une image dans l'esprit; c'est l'esprit seul qui la crée en soi-même avec une facilité incroyable laquelle forme avec la pesanteur des sens un étrange contraste; à peine l'objet est-il vu, que sa représentation se produit pour ainsi dire instantanément dans l'esprit.


Il en est de même des phénomènes de l'ouïe: si l'esprit était incapable de se représenter et la mémoire de conserver un son perçu par l'oreille, on ne saurait même pas quelle est la seconde syllabe d'un mot, puisque la première se serait évanouie avec le son fugitif qui aurait frappé l'air: dès lors on verrait disparaître l'agrément de la conversation, le charme de la musique et tout mouvement suivi dans les organes. Ajoutons que tout progrès deviendrait impossible, si l'esprit ne conservait avec le concours de la mémoire les actes accomplis, pour enchaîner les effets aux causes et agir avec suite.


Or, l'esprit ne peut les conserver qu'à la condition qu'il les ait transformés en images. Il y a plus: les images des actes à accomplir se présentent avant que les actes ne soient accomplis. Quel acte en effet peut-on produire au moyen des organes sans que l'esprit n'aille au-devant, sans qu'il commence par voir et en quelque sorte par disposer, d'après les images qu'il conçoit en lui-même, toute la suite des mouvements qu'il faut exécuter ?




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fois en français sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, 1866, tome Quatrième p. 88-322. Cette traduction est l'œuvre de M. Citoleux.

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Message  ROBERT. Jeu 27 Fév 2014, 10:51 am


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LE PARADIS ET LE TROISIÈME CIEL




DE LA GENÈSE AU SENS LITTÉRAL.

Par Saint Augustin.




CHAPITRE XVII. D'OÙ VIENT QUE LES IMAGES EMPREINTES

DANS L'ESPRIT SONT CONNUES DES DÉMONS. —  DE QUELQUES VISIONS SURPRENANTES.  



34. Comment les esprits immondes peuvent-ils deviner les images empreintes dans notre esprit ? Jusqu'à quel point les hommes ne peuvent-ils les découvrir les uns chez les autres au fond de leurs âmes, grâce à la barrière que leur oppose ce corps de boue ? C'est un secret  difficile à pénétrer. Toutefois nous avons des preuves irréfragables (1) que les démons ont révélé les pensées de certaines personnes, tandis que s'ils pouvaient voir au fond des consciences l'idéal de vertu qui y brille, ils renonceraient à leurs tentations: il n'est pas douteux, par exemple, que si Satan avait pu découvrir chez Job la fermeté illustre, héroïque, qu'il déploya dans l'épreuve, il n'aurait pas voulu s'exposer à être vaincu par sa victime.


Qu'ils annoncent un fait accompli dans un pays éloigné et dont on peut vérifier quelques jours après l'exactitude, il n'y a là rien qui doive surprendre. Ils peuvent en effet le connaître, non seulement par la vivacité de leur vue infiniment supérieure à la nôtre, mais encore par la prodigieuse vitesse qu'ils doivent à leurs corps si subtils.



1. Contre  les Académiciens, livre. I, chapitres  VI.et VII.





DE LA GENÈSE. COMMENTAIRES SUR L'ANCIEN TESTAMENT. Ouvrages tirés des Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première
fois en français sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, 1866, tome Quatrième p. 88-322. Cette traduction est l'œuvre de M. Citoleux.


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LA RÉFÉRENCE DES ACADÉMICIENS SUIT IMMÉDIATEMENT…
 
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Message  ROBERT. Jeu 27 Fév 2014, 10:56 am

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Saint Augustin montre, par des preuves irréfragables, que les démons ont révélé les pensées de certaines personnes….

La question sera  ultérieurement traitée  plus bas, au numéro suivant (no. 35)….

 

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CONTRE LES ACADÉMICIENS. In Œuvres Complètes de Saint Augustin, tome III,
pp. 248-250 ss. Éd. L. Guérin, Bar-le-Duc 1864. Traduction de M. Adrien de RIANCEY.



CHAPITRE VI. DÉFINITION DE LA SAGESSE. — OBJECTIONS. — LE DEVIN ALBICÈRE.

16. (…) Aussitôt qu'il fit jour, car la veille nous avions si bien réglé nos occupations domestiques qu'il nous restait un ample loisir, nous reprîmes la question. Je dis d'abord à Trygétius: Tu m'as prié hier de quitter mes fonctions de juge pour prendre la défense de la sagesse, comme si dans vos discours la sagesse avait quelque chose à craindre ou que son défenseur eût tellement compromis sa cause, qu'il lui fallût implorer un protecteur plus puissant.


Mais comme il ne s'agit entre vous que de savoir ce que c'est que la sagesse, vous ne l'attaquez ni l'un ni l'autre puisque tous deux vous désirez la connaître, et si tu crois avoir erré en la définissant ce n'est pas une raison d'abandonner dans tout le reste la défense de ton sentiment. Tu n'auras donc de moi qu'une définition de la sagesse qui n'est pas de moi, et n'est pas nouvelle, mais qui nous vient des sages des temps anciens, et je m'étonne que vous ne vous en soyez pas souvenus. Ce n'est pas d'aujourd'hui que vous entendez dire que la sagesse est la science des choses divines et humaines.


17. Je croyais que Licentius chercherait longtemps ce qu'il aurait à dire après cette définition; mais il répondit tout à coup: Pourquoi donc, je te prie, ne pas donner le nom de sage à ce scélérat que nous connaissons bien et qui s'adonne à toutes sortes de crimes et d'infamies ? Je veux parler de cet Albicère qui, pendant plusieurs années, dit des choses si certaines et si merveilleuses à ceux qui venaient le consulter à Carthage. On pourrait en rapporter un grand nombre, si je ne m'adressais à des gens qui en ont fait eux-mêmes l'expérience; il me suffira d'en rappeler quelques-unes pour prouver ce que j'avance.


On lui demandait de ta part (c'est à moi qu'il parlait) ce qu'était devenu un gobelet qu'on ne trouvait point au logis; ne dit-il pas très promptement, très véridiquement, non seulement où était caché cet objet, mais le nom de la personne à qui il appartenait ? Je ne parle pas de la vérité de ses réponses sur les questions qui lui ont été posées en ma présence; mais un esclave qui portait des écus en ayant volé une partie, lorsque nous allions trouver Albicère; il ordonna de les compter tous devant lui et contraignit l'esclave à restituer sous nos yeux ce qu'il avait soustrait, avant qu'il eût vu lui-même les écus et qu'il eût appris d'aucun d'entre nous combien on lui en avait apportés.


18. N'avons-nous pas appris de toi-même ce qui étonna si fort un jour Flaccianus, cet homme si savant et si célèbre ? Ayant parlé du dessein d'acquérir un domaine, il fut trouver le devin et l'entretint de manière à voir s'il serait capable de lui déclarer ce qu'il avait fait. Albicère dit aussitôt de quelle affaire il s'agissait; de plus, et Flaccianus ne put contenir ici un cri d'étonnement, il cita le nom du domaine, nom si bizarre qu'à peine Flaccianus l'avait-il retenu. Enfin, je ne puis te le dire sans stupeur d'esprit; un de tes disciples, notre ami, voulant le harceler un jour, le pressa vivement de dire à quoi il pensait alors; le devin lui répondit qu'il pensait à un vers de Virgile.


Notre ami stupéfait ne pouvant dire le contraire, alla jusqu'à demander quel était ce vers; et Albicère, qui avait à peine vu en passant une école de grammaire, n'hésita pas à réciter ce vers d'un air libre et enjoué. N'étaient-ce point là des choses humaines sur lesquelles on le consultait ? Et pouvait-il, sans la connaissance des choses divines, donner des réponses aussi vraies, aussi certaines ! Il serait absurde de penser l'un ou l'autre; car les choses humaines ne sont rien autre que les choses des hommes , comme l'argent , les pièces de monnaie, un fonds de terre, et même aussi la pensée elle-même; et qui n'estimerait avec raison que les choses divines sont celles par lesquelles le pouvoir de deviner est donné à l'homme ? Albicère fut donc un sage, si nous accordons que la sagesse est la science des choses humaines et divines.




CHAPITRE VII. ON SOUTIENT LA DÉFINITION DE LA SAGESSE.


19. Premièrement, dit Trygétius, je n'appelle point science, une connaissance qui trompe quelquefois celui qui la possède, car une science n'est pas seulement un système de vérités comprises, mais comprises de sorte qu'on ne doive jamais s'y tromper, ni se laisser ébranler par aucune difficulté. De là vient que quelques philosophes ont eu raison de dire que la science ne peut se trouver que dans le sage, qui non seulement doit comprendre ce qu'il soutient et ce qu'il fait, mais encore s'y tenir d'une manière ferme et inébranlable.


Or, nous savons que cet Albicère, dont tu viens de nous parler, a dit bon nombre de choses fausses; car je ne l'ai pas seulement appris par la bouche d'autrui, mais je l'ai quelquefois reconnu par moi-même. Dois-je donc l'appeler savant quand il s'est si souvent trompé; puisque je ne lui en donnerais pas le nom, s'il avait hésité en disant toujours la vérité ? Appliquez mon raisonnement aux aruspices, aux augures, et à tous ceux qui consultent les astres ou se mêlent d'interpréter les songes. Ou bien, montrez-moi, si vous le pouvez, un de ces hommes qui n'ait jamais hésité dans ses réponses, qui ait toujours répondu la vérité. Car il ne s'agit point ici des prophètes qui ne parlent que sous l'inspiration d'un esprit étranger.


20. De plus, quand je conviendrais que les choses humaines sont les choses des hommes, crois-tu que nous possédions bien véritablement ce que le hasard peut nous donner ou nous ravir?  Ou bien entends-tu par science des choses humaines celle qui fait connaître la quantité et la qualité des biens de chacun, ce qu'il a d'or, d'argent, ou bien s'il pense à des vers d'un autre ? La science des choses humaines c'est celle qui connaît la lumière de la prudence, la beauté de la tempérance, le pouvoir de la force, la sainteté de la justice; voilà ce que nous pouvons sans crainte appeler nos biens, parce qu'ils sont à l'abri des révolutions de la fortune; et si cet Albicère avait appris ces choses, sa vie, crois-moi, eût été moins déréglée et moins honteuse.


S'il a dit à cet homme le vers qu'il roulait dans l'esprit, je ne pense pas que cela doive être compté non plus au nombre de nos biens: je ne disconviens pas toutefois que les sciences honnêtes appartiennent d'une certaine manière à notre esprit, mais un ignorant peut prononcer et chanter le vers d'un autre. C'est pourquoi si ces choses tombent dans notre mémoire, il n'est pas étonnant qu'elles soient aperçues par quelques-uns de ces misérables esprits qui sont dans l'air, qu'on appelle démons; je reconnais qu'ils puissent l'emporter sur nous, par la finesse et la subtilité des sens, mais non par la raison. J'ignore de quelle manière secrète et inaccessible à nos sens cela peut arriver. Mais si nous admirons l'abeille qui s'envole après avoir fait son miel avec je ne sais quelle sagacité par où elle l'emporte sur l'homme, nous ne devons pas pour cela ni la préférer ni la comparer à nous-mêmes.


21. J'aimerais donc mieux voir cet Albicère apprendre à faire des vers à celui qui le lui aurait demandé, ou bien, pressé par quelqu'un de ceux qui seraient venus le consulter, chanter des vers de sa façon sur un sujet qui lui aurait été proposé à l'instant. C'est ce que Flaccianus disait souvent, d'après ce que tu as coutume de nous rappeler, lorsque, du haut de sa grande âme, il raillait et méprisait ce genre de divination, et qu'il l'attribuait à je ne sais quel abject petit esprit, comme il disait lui-même, qui instruisait Albicère et lui dictait ses réponses.


Ce savant homme demandait aussi quelquefois à ceux qui admiraient de tels prestiges si Albicère pouvait enseigner la grammaire ou la musique, la rhétorique ou la géométrie. Mais qui l'a connu sans avouer qu'il ignorait complètement ces sciences ?  Aussi Flaccianus finissait par exhorter ceux qui étaient versés dans ces études, à les préférer sans hésitation à cet art si vain de connaître l'avenir: il leur recommandait aussi de travailler à remplir et à fortifier leur esprit par des connaissances sérieuses qui l'élèveraient bien au-dessus de ces esprits invisibles qui sont dans l'air.


CONTRE LES ACADÉMICIENS. In Œuvres Complètes de Saint Augustin, tome III,
pp. 248-250 ss. Éd. L. Guérin, Bar-le-Duc 1864. Traduction de M. Adrien de RIANCEY.

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Message  ROBERT. Ven 28 Fév 2014, 2:29 pm


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CHAPITRE XVII. D'OÙ VIENT QUE LES IMAGES EMPREINTES DANS

L'ESPRIT SONT CONNUES DES DÉMONS. —  DE QUELQUES VISIONS SURPRENANTES.  




35. J'ai connu un homme tourmenté par l'esprit impur: il avertissait de l'instant où partait le prêtre qui venait le visiter, quoiqu'il y eût une distance de douze mille; il marquait durant toute sa route l'endroit où il se trouvait, son approche, le moment où il entrait dans le village, dans la maison, dans la chambre, jusqu'à ce qu'il le vit en face de lui. Il fallait bien que ce malade, pour parler si juste, vit toute la suite du voyage de quelque manière, encore qu'il ne pût la voir des yeux. Il avait la fièvre et débitait tout cela comme s'il avait été en délire. Peut être était-il réellement en délire, et passait-il à cause de cette frénésie pour être possédé du diable. Il refusait toute nourriture de la main de ses proches, et n'en voulait prendre que de la main du prêtre. Il opposait encore à ses proches toute la résistance dont il était capable: le prêtre arrivait-il ? aussitôt il se calmait, répondait avec docilité et obéissait en tout. Cependant le prêtre ne put le délivrer de cette frénésie ou de cette possession; le mal ne le quitta qu'avec la fièvre, comme il arrive à ces sortes de malades, et depuis lors il ne ressentit jamais rien de semblable.



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Message  ROBERT. Ven 28 Fév 2014, 2:31 pm


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CHAPITRE XVII. D'OÙ VIENT QUE LES IMAGES EMPREINTES

DANS L'ESPRIT SONT CONNUES DES DÉMONS. —  DE QUELQUES VISIONS SURPRENANTES.  



36. J'ai aussi parfaitement connu un homme, agité d'une véritable frénésie, qui avait prédit la mort d'une femme: il ne donnait pas cet évènement pour une prophétie, mais comme un fait accompli et il avait l'air de s'en souvenir. Chaque fois qu'on lui en parlait il disait: elle est morte, je l'ai vu enterrer; le convoi a suivi telle direction. Or, elle était encore à ce moment en pleine santé; quelques jours après elle mourut subitement, et son convoi passa par où cet homme l'avait prédit.



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Message  ROBERT. Sam 01 Mar 2014, 1:35 pm


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D'OÙ VIENT QUE LES IMAGES EMPREINTES DANS

L'ESPRIT SONT CONNUES DES DÉMONS.

— DE QUELQUES VISIONS SURPRENANTES.  



37. J'ai eu chez moi un garçon qui, à l'entrée de la puberté, éprouvait d'épouvantables souffrances; les médecins ne pouvaient deviner la cause de sa maladie; une humeur visqueuse et cuisante lui sortait des entrailles et lui brûlait les cuisses (1). La crise était intermittente; au moment où elle éclatait, il poussait des cris déchirants, en agitant tous ses membres, sans toutefois perdre la raison, comme s'il avait été tourmenté par une douleur très vive, mais naturelle. Bientôt après, tout en parlant il devenait insensible et paralysé. Ses yeux ouverts ne reconnaissaient aucun des assistants, on le piquait sans lui causer la moindre impression. Puis il avait l'air de s'éveiller et de ne plus souffrir; il révélait ce qu'il voyait. Au bout de quelque jours la même crise reparaissait. Dans toutes où presque toutes ses visions il prétendait voir deux hommes, l'un âgé, l'autre encore enfant: c'étaient eux qui lui disaient ou qui lui montraient tout ce qu'il nous racontait avoir vu ou entendu.




1. Dolorem acerrimum genitalium patiebatur, medicis nequaquam valentibus quid illud esset agnoscere, nisi quod nervus ipse introrsum reconditus erat, ita ut nec præciso præputio, quod immoderata longitudine propendebat, apparerepotuerit, sed postea vix esset inventus humor autem viscosus et acer exsudai testes et inguina urebat.




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L'ESPRIT SONT CONNUES DES DÉMONS.

— DE QUELQUES VISIONS SURPRENANTES.  




38. Il vit un jour un chœur de justes qui chantaient des psaumes et qui s'abandonnaient à leur allégresse au sein d'une lumière éblouissante d'un autre côté, il dit les supplices affreux que subissaient à divers degrés les impies au milieu des ténèbres. Ces deux guides lui montraient ce spectacle et lui expliquaient comment les méchants avaient mérité ces tourments, les justes, cette félicité. Il eut cette vision le jour de Pâques, après avoir été durant tout le Carême à l'abri des attaques, qui auparavant lui laissaient à peine trois jours de trêve. Il avait vu à l'entrée du Carême ces deux hommes qui lui avaient promis que pendant quarante jours il ne sentirait pas la moindre douleur. Plus tard ils lui indiquèrent une opération chirurgicale, qui effectivement le délivra pour longtemps de ses souffrances.


La douleur étant revenue et avec elle les mêmes visions, il reçut d'eux un nouveau conseil: c'était de se jeter dans la mer jusqu'à la ceinture et d'y rester quelque temps; ils l'assurèrent que désormais, à l'abri de toute souffrance, il ne serait plus gêné que par le flux de l'humeur visqueuse: ce qui eut lieu. Jamais depuis on ne le vit perdre l'usage de ses sens ni avoir des visions comme au temps où, se taisant brusquement au milieu d'atroces douleurs et de cris épouvantables, il éprouvait ces transports. Les médecins réussirent plus tard à guérir son corps, mais il ne persévéra pas dans la vie sainte qu'il avait résolu de mener.




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fois en français sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, 1866, tome Quatrième p. 88-322. Cette traduction est l'œuvre de M. Citoleux.

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Message  ROBERT. Dim 02 Mar 2014, 11:45 am


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CHAPITRE XVIII. DES DIFFÉRENTES CAUSES DES VISIONS.    


39. Si je connaissais un homme capable de rechercher les causes et la marche de ces sortes de visions ou de divinations et de les rattacher à un principe sûr, j'aimerais mieux l'écouter, je l'avoue, que de faire attendre de moi une explication aussi difficile. Cependant je ne dissimulerai pas ma pensée, tout en évitant de prendre un ton d'autorité qui ferait rire les savants, ou de m'imposer aux ignorants comme un docteur: je cherche, je discute, sans avoir de prétention à la science.


Donc toutes ces visions ressemblent, selon moi, à celle des songes. Celles-ci sont tantôt vraies, tantôt fausses, tantôt agitées, tantôt paisibles; quand elles sont vraies, elles représentent exactement l'avenir et l'annoncent clairement, ou bien encore elles le font pressentir par des signes obscurs et comme par des expressions figurées: il en est de même de celles-là. Mais l'homme est ainsi fait: il étudie l'extraordinaire, cherche le principe des phénomènes les plus étranges, et reste indifférent à ces merveilles qui, quoique plus communes, ont souvent une cause plus mystérieuse.


Par exemple, entend-il prononcer un mot peu usité ?  Vite il en cherche le sens; le sens trouvé il remonte à l'étymologie; et cependant, que de mots d'un emploi journalier dont la dérivation ne l'inquiète guère ? Il en est de même pour tous les faits de l'ordre physique ou moral: dès qu'ils sont extraordinaires, on se hâte d'en rechercher la nature et les causes, ou bien on presse les habiles d'en rendre compte.




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Message  ROBERT. Dim 02 Mar 2014, 11:48 am


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CHAPITRE XVIII. DES DIFFÉRENTES CAUSES DES VISIONS.    


40. Quand on me demande ce que signifie un mot, par exemple catus (avisé), je commence par répondre, prudeus, (prudent), acutus (pénétrant); si cette réponse ne suffit pas et qu'on me demande d'où vient le mot catus, je répète la même expression, acutus, et je force de remonter à son origine. On l'ignorait aussi bien que celle de catus; et comme l'expression était ordinaire, on s'accommodait fort bien de son ignorance; mais du moment qu'un mot rare avait frappé l'oreille, on se ne contentait plus d'en savoir le sens, on voulait en connaître l'étymologie. Eh bien !  qu'on me demande pourquoi il apparaît des images dans l'état extraordinaire qu'on appelle extase; je demanderai à mon tour pourquoi nous envoyons dans nos songes, phénomène journalier qui ne frappe personne ou qu'on ne s'empresse guère d'étudier.


Est-il donc moins étonnant, parce qu'il est journalier; moins digne d'attention, parce qu'il est général ? On croit faire preuve d'esprit en ne s'occupant pas d'un songe; on devrait à plus forte raison demeurer indifférent aux visions. Pour moi, une chose me frappe et me confond bien plus que les visions dans un songe ou même dans une extase; c'est la facilité, la promptitude avec laquelle l'âme produit en elle-même l'image des corps qu'elle a vus par le ministère des yeux. Quelle que soit la nature de ces images, il est incontestable qu’elles ne sont pas corporelles. Si, trouvant cette notion insuffisante on veut savoir de quel principe elles sortent, qu'on s'adresse ailleurs; j'avoue sur ce point mon ignorance absolue.




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Message  ROBERT. Lun 03 Mar 2014, 11:00 am


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CHAPITRE XIX. D'OÙ NAISSENT LES VISIONS ?  


41. Quant aux propositions suivantes, on peut les déduire d'une foule d'expériences. La pâleur, la rougeur, les frissons, les maladies mêmes ont pour cause tantôt le corps, tantôt l'âme; le corps, par l'effet des humeurs, de la nourriture et de tout ce qui agit du dehors sur les organes; l'âme, par l'effet des passions, comme la crainte, la honte, la colère, l'amour: il est d'ailleurs naturel que plus le principe qui anime et régit le corps est soumis à des émotions violentes, plus il communique à son tour une impulsion énergique.


De même, le mouvement qui emporte l'âme vers des images que l'esprit et non les sens lui communiquent, et cela avec tant de force qu'elle ne distingue plus entre le fantôme et la réalité, part  tantôt des organes, tantôt de l'esprit. Il vient du corps, comme dans les songes, par une conséquence naturelle du passage de la veille au sommeil, le sommeil étant un phénomène tout relatif au corps;  il en vient aussi à la suite des perturbations que la maladie cause dans l'organisme, par exemple, dans le délire, quand on perçoit les objets extérieurs et que néanmoins on prend les images des corps pour les corps eux-mêmes; il y prend enfin naissance, quand l'action des sens a été complètement suspendue, comme il arrive à ceux qui, frappés d'une attaque violente, ont pour ainsi dire voyagé longtemps hors de leur corps immobile et qui, rendus au commerce de la société, racontent mille choses qu'ils ont vues.


En revanche, ce mouvement vient de l'esprit, lorsque l'on éprouve, en pleine santé, un transport tel que l'on perçoit par la vue les objets extérieurs et que néanmoins on découvre des fantômes qu'on ne peut distinguer d'avec la réalité; ou tel que hors de soi-même et devenu complètement étranger aux opérations des sens, on vit au milieu des images par l'effet d'une vision spirituelle. L'esprit malin communique-t-il ces transports ? on devient possédé, convulsionnaire, faux prophète:  viennent-ils du bon esprit ? le fidèle interprète des mystères devient un véritable prophète, quand il unit au don de voir les signes celui de les saisir, et qu'il voit d'avance les temps qu'il a mission de dévoiler et s'en fait l'historien.




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Message  ROBERT. Lun 03 Mar 2014, 11:03 am


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CHAPITRE XX. LES VISIONS QUI NAISSENT À L'OCCASION

DU CORPS, N'ONT PAS LE CORPS POUR CAUSE VÉRITABLE.  



42. Le corps sans doute peut être le point de départ de ces visions, mais il ne saurait les faire paraître: il est incapable, en effet, de produire aucune forme immatérielle. Quand l'effort de l'âme ne peut arriver jusqu'au cerveau, centre des mouvements sensibles, à la suite du sommeil, ou d'une perturbation dans les organes, ou d'un obstacle qui lui ferme le passage, l'âme à qui son activité essentielle ne permet pas d'interrompre ses fonctions, devient incapable de sentir ou du moins de sentir pleinement par le ministère des sens et de diriger son activité vers le monde extérieur; elle s'occupe alors à concevoir les objets avec le concours de l'esprit, ou à contempler les images qu'elle rencontre devant elle.


Si elle enfante ces représentations toute seule, ce sont de pures imaginations:  si elles s'offrent à elle et fixent ses regards, il y a vision. D'ailleurs, quand on a mal aux yeux ou qu'on est aveugle, l'effort de l'âme pour voir ne trouve plus dans le cerveau son moteur habituel: ce genre de vision disparaît donc, quoique l'obstacle opposé à la perception des corps vienne du corps même. Aussi les aveugles perçoivent-ils plus souvent les images dans la veille que dans le sommeil.


En effet quand ils sont endormis, le canal par où passe dans le cerveau l'effort que fait l'âme pour atteindre jusqu'aux yeux, s'assoupit en quelque sorte, et l'effort prend une autre direction: ils voient les images en songe comme si les réalités étaient devant eux; au sein même du sommeil, ils se figurent être éveillés et croient voir les corps dont la représentation seule les frappe.


Au contraire, quand ils sont éveillés, l'effort que l'âme fait pour voir suit sa route accoutumée et trouve en arrivant aux yeux une barrière infranchissable: ils comprennent donc mieux qu'ils veillent, qu'ils sont plongés dans les ténèbres, même en plein jour, qu'ils ne le font pendant leur sommeil le jour ou la nuit.


Quant à ceux qui ne sont point aveugles, il leur arrive souvent de dormir les yeux ouverts: rien ne frappe leur vue, mais ils n'en ont pas moins l'esprit frappé des images qui passent devant eux pendant ce rêve. Veillent-ils les yeux fermés ? ils n'ont plus ni les visions qui accompagnent la veille, ni celles qui surviennent dans le sommeil.


Néanmoins, ils ont cet avantage que les organes qui transmettent la sensation du cerveau jusqu'aux yeux n'étant ni assoupis, ni interceptés, ni paralysés, et par conséquent laissant un libre passage à l'activité de l'âme jusqu'aux barrières de l'organisme, toutes fermées qu'elles sont, ils peuvent concevoir les images des corps sans être condamnés à les prendre pour les corps mêmes qui tombent sous les yeux.




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Message  ROBERT. Mar 04 Mar 2014, 3:06 pm


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CHAPITRE XX. LES VISIONS QUI NAISSENT À L'OCCASION

DU CORPS, N'ONT PAS LE CORPS POUR CAUSE VÉRITABLE.  



43. Il importe seulement de discerner dans quelle partie des organes réside l'obstacle qui empêche de percevoir les corps. L'obstacle est-il à l'entrée ou pour ainsi dire à la porte des sens, je veux dire dans l'œil, dans l'oreille et dans tout organe ? La perception des corps est suspendue sans doute, mais l'activité de l'âme ne se tourne pas ailleurs avec assez de force pour qu'elle transforme l'image en réalité. L'obstacle est-il dans l'intérieur du cerveau, le centre d'où partent tous les chemins que la sensibilité suit jusqu'au monde extérieur? Les organes que l'âme emploie pour voir ou sentir la réalité, s'assoupissent, se déconcertent ou même se paralysent.


Or, l'âme ne perd pas son activité avec les moyens de l'exercer; elle se forme donc des images si ressemblantes des choses, qu'elle ne peut plus distinguer l'apparence de la réalité, ni savoir si elle est en face des corps ou de leurs représentations: en fût-elle capable, ce sentiment est bien plus obscur que la conscience claire avec laquelle on conçoit les images, lorsque l'esprit les produit ou les voit apparaître.


C'est là un mode de l'imagination qu'on ne peut guère concevoir que par expérience: de là venait ce songe dans lequel j'avais pleine conscience de me voir, quoique je fusse endormi, sans toutefois pouvoir distinguer l'apparence de la réalité avec autant de précision que nous le faisons, lorsque nous réfléchissons les yeux fermés ou plongés dans l'obscurité.


La possibilité de pousser son activité jusqu'aux yeux, fussent-ils fermés, ou la nécessité de prendre une autre direction devant un obstacle que présente le cerveau, point de départ de ses mouvements, établit donc pour l'âme une situation bien différente: dans ce dernier cas elle a beau avoir conscience qu'elle voit des apparences et non des réalités, elle a beau voir que le corps n'a pas d'intelligence et deviner que ces visions viennent de l'esprit et non des organes, elle est fort loin de l'état sain où elle sent clairement la présence de son propre corps. Aussi un aveugle peut-il aisément se convaincre qu'il veille, quand il distingue nettement les images qu'il conçoit de la réalité qu'il ne voit pas.




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Message  ROBERT. Mar 04 Mar 2014, 3:10 pm


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CHAPITRE XXI. QUE DES VISIONS ANALOGUES AUX VISIONS SENSIBLES

PEUVENT SE PRODUIRE DANS UN TRANSPORT, SANS CHANGER DE NATURE.  




44. Lorsque l'organisme est sain, que les sens ne sont point engourdis par le sommeil et que, par une opération secrète dans l'esprit, l'âme éprouve un ravissement dans lequel il lui apparaît des représentations de corps, le mode de la vision change, mais sa nature reste la même.


En effet, les causes matérielles qui donnent naissance à des visions peuvent être absolument différentes et quelque fois même tout opposées. Par exemple, chez un homme en délire, les traces que la sensibilité suit dans la tête ne deviennent pas plus confuses par l'effet du sommeil, quand il a des visions analogues à celles des personnes qui rêvent: or, c'est grâce au sommeil même que ces personnes n'ont plus conscience d'être dans l'état de veille et qu'elles tiennent leur esprit concentré sur les fantômes qui leur apparaissent. Ainsi, quoique la première vision ne dépende pas du sommeil et que la seconde s'y rattache, il ne faut pas conclure que toutes deux soient d'une espèce différente: elles tiennent également à la nature de l'esprit, principe ou source de toutes les images.


Par conséquent, lorsque l'âme, à l'état de veille et dans un corps sain, éprouve, par une secrète opération dans l'esprit, un transport où elle aperçoit les images des corps à la place des corps mêmes, la cause qui détourne son activité n'est plus la même sans doute, mais la vision garde son caractère immatériel. Comment d'ailleurs affirmer que si la cause de la vision est dans le corps, c'est d'elle-même et pressentiment de l'avenir que l'âme remue les images, comme elle le ferait par la réflexion; et que la lumière lui vient d'en-haut lorsque c'est l'esprit qui est ravi en extase ?


En effet, l'Ecriture dit expressément: "Je répandrai mon esprit sur toute chair; les jeunes gens auront des visions, les vieillards auront des songes (1)." Le prophète attribue à l'opération divine la vision sous cette double forme. Ailleurs: "l'Ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit: Ne crains point de garder Marie pour ton épouse;" et encore:  "Prends l'enfant et pars pour l'Égypte (1)."




1. Joël, II, 28.
1. Matthieu I, 20; 11;13.





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Message  ROBERT. Mer 05 Mar 2014, 10:46 am


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CHAPITRE XXII. DES VISIONS COMME CAUSES OCCASIONNELLES DE PRÉDICTIONS

FAITES AU HASARD OU PAR UN INSTINCT SECRET: COMMENT SE PRODUISENT-ELLES ?  



45. Je suis donc convaincu qu'un bon Esprit ne provoque jamais dans l'esprit humain une extase pour lui montrer de pareilles images, à moins qu'elles ne cachent un avertissement. Quand la cause qui concentre l'attention de l'esprit sur ces images, dépend de l'organisme, il ne faut pas croire qu'elles aient toujours un sens caché : elles n'ont ce caractère qu'à la condition de se produire dans l'âme sous l'inspiration d'un Esprit qui en révèle la signification, soit pendant le sommeil, soit dans un moment où les opérations des sens sont suspendues par une modification quelconque du corps.


Quelquefois il arrive à des gens qui veillent que, sans être ni atteints de maladie ni agités de mouvements furieux, ils reçoivent par une impulsion secrète certaines pensées qui constituent une sorte de divination, soit qu'ils prophétisent à leur insu, comme Caïphe qui fit une prophétie sans en avoir le moindre dessein (2), soit qu'ils aient une idée vague de faire ainsi une prédiction. Je le sais par expérience.



2. Jean XI, 51.




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Message  ROBERT. Mer 05 Mar 2014, 10:49 am


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 CHAPITRE XXII. DES VISIONS COMME CAUSES OCCASIONNELLES DE PRÉDICTIONS

FAITES AU HASARD OU PAR UN INSTINCT SECRET: COMMENT SE PRODUISENT-ELLES ?  




46. Quelques jeunes gens en voyage s'avisèrent de rire aux dépens d'autrui et de se donner pour des astrologues, sans savoir même s'il y avait douze signes dans le Zodiaque. Voyant que leur hôte écoutait ce qui leur passait par la tête avec une profonde surprise et en reconnaissait l'exactitude, ils ne craignirent pas d'aller plus loin. L'hôte de déclarer aussitôt qu'ils avaient dit vrai et de s'extasier. A la fin il leur demanda des nouvelles de son fils, absent depuis longtemps et dont le retard inexplicable lui causait de vives inquiétudes.


Sans se soucier si la prédiction se vérifierait après leur départ, dans l'unique but de faire plaisir au père, ils répondirent, au moment de se mettre en route, que le fils allait bien, qu'il n'était pas loin, qu'il arriverait le jour même. Pourquoi pas ? ils n'avaient guère à craindre qu'à la fin du jour le père se mit à leur poursuite pour les convaincre d'imposture. Mais ne voilà-t-il pas qu'au moment qu'ils allaient partir le jeune homme arriva ?




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Message  ROBERT. Jeu 06 Mar 2014, 12:54 pm


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CHAPITRE XXII. DES VISIONS COMME CAUSES OCCASIONNELLES DE PRÉDICTIONS

FAITES AU HASARD OU PAR UN INSTINCT SECRET: COMMENT SE PRODUISENT-ELLES ?  




47. Voici un autre fait. Un homme dansait devant un chœur de musiciens, au milieu de nombreuses idoles, un jour de fête païenne. Il n'éprouvait pas, il contrefaisait les transports des démoniaques, afin d'amuser les spectateurs qui l'entouraient et qui comprenaient son jeu. C'était un usage reçu que tous les jeunes gens qui voudraient, une fois les sacrifices accomplis et les convulsions des possédés tournées en ridicule, donner une pareille représentation avant le repas, le fissent en toute liberté.


Cet homme donc interrompit sa danse, et ayant fait faire silence, prédit en s'amusant et au milieu des éclats de rire de la foule que, la nuit prochaine, dans la forêt voisine, un homme serait tué par un lion et qu'au lever du soleil la foule quitterait le lieu de la solennité pour aller voir son cadavre. Cette prédiction s'accomplit: cependant tous les spectateurs avaient vu clairement qu'il n'avait parlé ainsi que pour plaisanter, sans avoir jamais eu le cerveau troublé ni l'esprit en délire: lui-même dut être fort surpris de l'évènement, d'autant plus qu'il savait bien dans quelle intention il l'avait annoncé.




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Message  ROBERT. Jeu 06 Mar 2014, 12:56 pm


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CHAPITRE XXII. DES VISIONS COMME CAUSES OCCASIONNELLES DE PRÉDICTIONS

FAITES AU HASARD OU PAR UN INSTINCT SECRET: COMMENT SE PRODUISENT-ELLES ?  




48. Comment ces visions se font-elles dans l'esprit humain ? Y-naissent-elles avec lui, ou bien s'y montrent-elles toutes formées, en vertu d'une communication avec les Anges qui révèlent aux hommes leurs pensées, et qui leur découvrent les images que la connaissance de l'avenir crée dans leur esprit au même titre que les Anges voient nos pensées en esprit ? En esprit, dis-je, et non avec les yeux du corps, puisqu'ils sont immatériels.


Cependant il y aurait entre eux et nous une grande différence:  ils verraient nos pensées, même malgré nous, tandis que nous ne connaissons leurs conceptions qu'à la condition qu'ils nous en instruisent: ils ont, j'imagine, des moyens spirituels pour cacher leurs pensées, comme nous avons la ressource de nous cacher derrière un corps pour échapper aux regards. Enfin que se passe-t-il dans notre esprit, pour que nous y voyions apparaître tantôt des images qui cachent un sens mystérieux, sans savoir si elles contiennent un sens; tantôt des symboles où nous soupçonnons une idée, sans pouvoir la démêler; tantôt enfin des visions où la lumière est si vive, que l'on peut à la fois percevoir les images par l'esprit et les comprendre par la raison ? Ce sont autant de questions fort difficiles à résoudre:  les eût-on résolues, on devrait encore se donner bien de la peine pour les exposer clairement.




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Message  ROBERT. Ven 07 Mar 2014, 12:50 pm


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CHAPITRE XXIII. LA FACULTÉ SPIRITUELLE OÙ SE FORMENT

LES IMAGES, SOUS L'INFLUENCE DE CAUSES SI MULTIPLES, EST EN NOUS.




49. Il me suffira maintenant d'établir le principe incontestable qu'il y a en nous-mêmes une faculté toute spirituelle où se forment les images. Des causes multiples président à leur formation. Un corps fait impression sur nos organes; aussitôt son image se peint dans l'esprit et se conserve par la mémoire. Nous songeons à des corps déjà connus et dont la ressemblance s'était antérieurement gravée dans l'esprit; nous les voyons sous un aspect tout-à-fait spirituel. Il est des corps que nous ne connaissons pas, sans toutefois douter de leur existence; nous en voyons l'image plus ou moins exacte au gré de notre fantaisie; nous concevons encore, comme il nous plaît, des êtres qui n'existent pas ou dont l'existence est incertaine.


Quelquefois des images se présentent à l'esprit, on ne sait d'où, en dehors de tout acte volontaire. Souvent, au moment de mettre le corps en mouvement, nous disposons la suite de nos actes et nous les réglons d'avance par un effort de l'imagination, ou bien nous concevons ces mouvements, actes et paroles, à l'instant même qu'il vont s'exécuter, afin de les produire. Comment, par exemple, prononcer la syllabe la plus courte et lui donner sa place dans un mot, si l'esprit ne la conçoit avant qu'elle se fasse entendre ?  Le sommeil amène des songes qui tantôt sont insignifiants, tantôt cachent une vérité. Une perturbation dans les organes rend quelquefois les traces que suit intérieurement la sensibilité, toutes confuses: alors l'esprit mêle tellement les apparences avec les réalités, qu'il a beaucoup de peine ou même devient impuissant à les distinguer entre-elles, et que les images, tantôt sont insignifiantes tantôt conformes à la vérité.


Quand la maladie ou la souffrance deviennent assez violentes pour fermer les canaux intérieurs par lesquels l'âme transmettait son activité, afin de recevoir les impressions du dehors, l'esprit se sépare des sens plus profondément que dans le sommeil: alors se forment ou apparaissent des images qui ont ou n'ont pas de signification. D'autres fois, sans le concours d'aucune cause physique, un Esprit s'empare de l'âme et la transporte en présence  d'images sensibles: alors elle confond avec ces images les perceptions des sens, quoiqu'elle ait encore le libre usage de ces sens. Enfin l'Esprit lui communique parfois un transport qui l'arrache à la vie des sens et ne lui permet plus que d'apercevoir les images dans une vision toute spirituelle: je ne crois pas qu'une pareille vision puisse avoir lieu sans que l'image contienne une vérité.




DE LA GENÈSE. COMMENTAIRES SUR L'ANCIEN TESTAMENT. Ouvrages tirés des Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première
fois en français sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, 1866, tome Quatrième p. 88-322. Cette traduction est l'œuvre de M. Citoleux.

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Message  ROBERT. Ven 07 Mar 2014, 12:56 pm


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CHAPITRE XXIV. SUPÉRIORITÉ DE LA VISION RATIONNELLE SUR

LA VISION SPIRITUELLE ET DE CELLE-CI SUR LA VISION SENSIBLE.




50. L'esprit, où s'impriment non les corps mais les images des corps, est donc un principe de visions inférieures à celles de la raison, dont la lumière sert à distinguer entre elles ces visions inférieures et tout ensemble à découvrir les idées qui ne sont ni les corps ni les représentations des corps: par exemple la raison elle-même, les vertus, ou les vices que l'on condamne si justement chez les hommes. L'intelligence en effet n'est aperçue que par un effort de l'intelligence.

Ainsi en est-il de "la joie, la charité, la patience, la bénignité, la bonté, la longanimité, la douceur, la foi, la modestie, la continence, la chasteté," bref de toutes les vertus qui nous rapprochent Dieu, enfin de Dieu lui-même "principe, cause et centre de tout (1)."




1. Galates V, 22-23; Romains  XI, 36.




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Message  ROBERT. Sam 08 Mar 2014, 2:11 pm


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DE LA GENÈSE AU SENS LITTÉRAL.

Par Saint Augustin.

 
 
 
CHAPITRE XXIV. SUPÉRIORITÉ DE LA VISION RATIONNELLE

SUR LA VISION SPIRITUELLE ET DE CELLE-CI SUR LA VISION SENSIBLE.

 
 

51. Ainsi quoique la même âme serve de théâtre aux différentes visions, soit qu'elles dépendent des sens, comme celles que nous découvrent le ciel, la terre, les êtres qui y tombent sous nos regards avec leurs caractères propres ; soit qu'elles dépendent de l'esprit, comme celles qui reproduisent les corps, grâce aux images dont nous avons déjà tant parlé; soit enfin qu'elles relèvent de la raison, comme celles qui nous font comprendre les choses en dehors de toute sensation et de toute image; chacune a son rang particulier qui établit entre elles divers degrés. La vision spirituelle est plus haute que la vision sensible, comme la vision rationnelle est plus parfaite que la vision spirituelle.


Car la vision sensible ne saurait exister sans la vision spirituelle: au moment où les organes reçoivent une impression d'un corps, il se grave dans l'âme une empreinte qui, sans être le corps lui-même, en est la représentation; supprimez cette opération, le sens qui nous livre la réalité extérieure n'existe plus. En effet, ce n'est pas le corps, c'est l'âme qui sent par l'entremise du corps, simple messager qu'elle emploie pour savoir ce qui se passe au dehors et se le figurer en elle-même.


La vision sensible ne peut donc avoir lieu sans la vision spirituelle; elles sont simultanées, et pour les distinguer, il faut s'abstraire des sens: on retrouve alors dans l'esprit l'image de ce qu'on voyait par les yeux. La vision spirituelle au contraire peut avoir lieu même sans la vision sensible, par exemple, quand l'image d'un corps apparaît dans son absence, ou qu'elle se modifie au gré de la fantaisie, ou même qu'elle apparaît en dépit de la volonté. A son tour la vision spirituelle a besoin pour être contrôlée du concours de la vision rationnelle, qui en est tout-à-fait indépendante.


Ainsi les deux premières espèces de vision sont subordonnées à la troisième. Lors donc que nous lisons dans l'Ecriture "que l'homme spirituel juge tout et n'est lui-même jugé par personne (1)," il n'est pas ici question de l'esprit, en tant que faculté subordonnée à la raison comme dans ces mots: "Je prierai avec l'esprit, je prierai aussi avec la raison (2);" cette expression a le même sens que dans cet autre passage: "Renouvelez-vous dans l'esprit de votre intelligence (3)."


Nous avons remarqué plus haut que l'intelligence, qui aide l'homme spirituel à juger de tout, est aussi désignée par le mot esprit. Il me semble donc qu'on peut regarder avec raison la vision spirituelle comme tenant le milieu entre les deux autres. Il convient en effet de voir dans les images qui représentent les corps sans être matérielles, une chose intermédiaire entre l'impression physique et l'idée qui n'est un produit ni des sens ne de l'imagination.




1. I Corinthiens II, 15.
2. I Corinthiens XIV, 15.
3. Ephésiens  IV, 23.

 
 
 
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Message  ROBERT. Dim 09 Mar 2014, 10:21 am


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CHAPITRE XXV.  LA VISION RATIONNELLE SEULE INCAPABLE DE TROMPER.
 



52. L'âme est souvent dupe des images, non parce qu'elles sont fausses, mais par ce qu'elle se fait illusion à elle-même: elle prend l'apparence pour la réalité, ce qui est une faiblesse d'esprit. On se trompe donc en croyant que ce qui se passe dans les sens se passe aussi dans la réalité: par exemple, quand on est sur l'eau on croit avoir marcher les objets immobiles sur le rivage; les astres en mouvement dans le ciel sont immobiles pour les yeux; quand les rayons visuels sont trop divergents, on voit deux flambeaux, un bâton dans l'eau paraît brisé: il y a mille exemples de ce genre.


Une autre illusion consiste à identifier les objets qui ont même couleur, même son, même odeur, même saveur ou qui font la même impression au toucher: une drogue en cire jaune fondue dans une marmite ressemble à un légume; une voiture qui passe produit l'effet du tonnerre; si on flaire une certaine plante, fort goûtée des abeilles, sans être averti par les autres sens, on croit aspirer le parfum du citron; tout aliment doux parait apprêté au miel; un anneau palpé dans les ténèbres, semble d'or, et il est de cuivre ou d'argent; des images, qui assaillissent l'âme soudainement, la troublent et lui font croire qu'elle rêve comme dans un songe.


Aussi faut-il dans toutes les visions sensibles, appeler les autres sens en témoignage et surtout recourir au contrôle de la raison, afin de découvrir ce qu'elles contiennent de vrai, autant qu'on le peut en pareille matière. Dans les visions spirituelles, l'âme se trompe en prenant les images pour les corps, ou bien en attribuant aux corps, sans les avoir vus, des qualités qu'elle avait imaginées sur de vagues et fausses conjectures. La vision rationnelle seule est incompatible avec l'erreur: car si l'on comprend, on est dans le vrai, si l'on n'est pas dans le vrai, on ne comprend pas: de là vient qu'il est fort différent de se tromper sur ce que l'on voit ou de se tromper parce qu'on ne voit pas.




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Message  ROBERT. Lun 10 Mar 2014, 10:36 am


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CHAPITRE XXVI. DEUX SORTES D'EXTASES: SPIRITUELLE OU RATIONNELLE.
 



53. L'âme voit-elle apparaître des images, analogues à celles que l'esprit conçoit, dans un transport qui l'arrache à l'influence des sens par un effet plus énergique que le sommeil, quoique moins puissant que la mort ? C'est un avis d'en haut qu'elle ne voit plus les corps, mais les images des corps, par une opération surnaturelle de l'esprit, à peu près comme on a conscience d'avoir un songe même avant d'être éveillé. Si ces images expriment des évènements à venir et qu'on lise les faits sous le symbole, soit avec la raison éclairée d'une lumière surnaturelle, soit avec le concours d'un ange qui explique la vision à mesure qu'elle apparaît, comme cela se fit pour Saint Jean (1), c'est une révélation sublime; peu importe que la personne inspirée ignore si elle est dans son corps ou en dehors de son corps, si elle est morte ou non, à moins qu'on ne l'en instruise.


1. Apocalypse  I, 10 et suivants.  




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