DIVERSES QUESTIONS À SIMPLICIEN. (Par Saint Augustin)

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Message  ROBERT. Sam 30 Mar - 16:21


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DIVERSES QUESTIONS À SIMPLICIEN.

LIVRE PREMIER. DEUX QUESTIONS SUR L'ÉPÎTRE AUX ROMAINS.



Par Saint Augustin.




DEUXIÈME QUESTION II. — Doctrine de saint Paul sur la justification.



9. Aussi l'Apôtre a prévu l'effet que ces paroles pourraient produire sur l'esprit de l'auditeur ou du lecteur, et il s'est hâté d'ajouter: "Que dirons-nous donc? Ya-t-il en Dieu de l'injustice ? Nullement." Et comme pour nous apprendre combien l'injustice est loin de Dieu, il continue: "Car il dit à Moïse: J'aurai pitié de qui j'aurai pitié, et je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde." Mais est-ce là une solution, ou une aggravation de la difficulté ? Car là est le nœud de la question: Si Dieu a pitié de qui il a pitié, s'il fait miséricorde à qui il fait miséricorde, pourquoi cette miséricorde a-t-elle fait défaut à Ésaü, puisque par elle il serait devenu bon comme Jacob ?



Ou bien le sens de ces mots: "J'aurai pitié de qui j'aurai pitié, et je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde," serait-il celui-ci: celui dont Dieu a eu pitié pour l'appeler, il en a pitié pour l'amener à croire; et celui à qui il a fait miséricorde pour l'amener à croire, il lui fera miséricorde, c'est-à-dire il le rendra miséricordieux, pour l'amener à faire le bien ? Par là nous serions avertis que personne ne doit se glorifier ni s'enorgueillir des œuvres de miséricorde, comme si, par elles, on pouvait mériter Dieu de soi-même; alors qu'on n'est miséricordieux que par le don de Dieu, qui fait miséricorde à qui il fait miséricorde. Et si quelqu'un se vante d'avoir mérité cette miséricorde en croyant, qu'il sache que sa foi est un don de Celui qui manifeste sa pitié en inspirant la foi à celui dont il a eu pitié en l'appelant, quand il est encore infidèle.


Car c'est ainsi que le fidèle est distingué de l'impie. "En effet: qu'as tu que tu n'aies reçu ? Et si tu l'as reçu pourquoi t'en glorifies-tu, comme si tu ne l'avais pas reçu (1)?"




1. I Corinthiens IV, 7.




Oeuvres Complètes de Saint Augustin, Traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx,
Tome 5ème, Commentaires sur l'Écriture, Bar-Le-Duc, L. Guérins & Cie éditeurs, 1867. p. 490-508

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Message  ROBERT. Dim 31 Mar - 21:07


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DEUXIÈME QUESTION II. — Doctrine de saint Paul sur la justification.


10. Très bien. Mais pourquoi cette miséricorde a-t-elle été refusée à Ésaü ? Pourquoi n'a-t-il pas été appelé de manière à recevoir la foi, et, ayant la foi, à devenir miséricordieux, pour faire le bien ? Serait-ce qu'il n'a pas voulu ? Mais si Jacob a cru parce qu'il a voulu, Dieu ne lui a donc pas donné la foi ? Il se l'est donc procurée par sa volonté, et il a eu quelque chose qu'il n'a pas reçu ? Serait-ce parce que personne ne peut croire sans le vouloir, ni le vouloir sans être appelé; et que personne ne pouvant se donner la vocation, Dieu donne la foi en appelant, en sorte que personne ne puisse croire sans vocation, bien que personne ne croie malgré soi ? "Car comment croiront-ils à celui qu'ils n'ont pas entendu ? Ou comment entendront-ils, si personne ne les prêche ?" Personne ne croit donc sans être; mais on peut être appelé sans croire. "Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus(1);" et les élus sont certainement ceux qui n'ont point méprisé celui qui les appelait, mais l'ont suivi en croyant, et ont cru, sans doute, par l'acquiescement de leur volonté. Que signifient, alors, les paroles qui suivent: "Cela ne dépend donc ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde ?"




Serait-ce que nous ne pouvons pas même vouloir à moins d'être appelés, et que notre volonté est sans effet, si Dieu ne nous aide à agir ? Il faut donc vouloir et courir. Car ce n'est pas en vain qu'il est dit: "Et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté (2);" et encore: "Courez donc de manière à arriver (3);" Cependant "il ne dépend pas de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde," que nous obtenions ce que nous désirons et que nous atteignions le but auquel nous tendons. Ésaü ne voulut donc pas et ne courut pas ; mais s'il eût voulu et s'il eût couru, il serait arrivé avec l'aide de Dieu, qui, en l'appelant, lui aurait donné la faculté de vouloir et de courir, à moins qu'il ne fût infidèle à sa vocation et, par suite, réprouvé. Car autre chose est que Dieu nous donne de vouloir, autre chose qu'il nous donne ce que nous voudrions. En effet il a voulu que notre vouloir soit tout à la fois à lui et à nous; à lui, par la vocation, à nous par l'obéissance. Quant à ce que sous désirons, il nous le donne seul, à savoir le pouvoir de faire le bien et de vivre toujours heureux. Pourtant Ésaü, qui n'était pas encore né, n'a pu ni vouloir cela, ni ne pas le vouloir. Pourquoi a-t-il été reprouvé dès le sein maternel ? Nous voilà revenus aux mêmes difficultés; déjà si obscures par elles-mêmes, elles sont aggravées encore par nos continuelles répétitions.




1. Matthieu XX, 16.
2. Luc II, 14.
3. I Corinthiens IX, 24.






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Message  ROBERT. Mar 2 Avr - 17:46


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11. Pourquoi en effet Ésaü a-t-il été réprouvé, lui qui n’était pas né, qui n'avait pu ni croire ni résister à l’appel, ni rien faire de bien ou de mal ? Si c'est parce que Dieu prévoyait sa future mauvaise volonté, pourquoi Jacob n'aurait-il pas été agréé en prévision de sa bonne volonté future ? Si une fois vous accordez que quelqu'un peut être agréé ou rejeté pour quelque chose qui n'est pas encore en lui, mais que Dieu sait devoir y être un jour; il en résulte que Jacob a pu être agréé à cause de ses œuvres, que Dieu prévoyait, bien qu'il n'eût encore rien fait. Peu vous importera alors que les deux enfants ne fussent pas encore nés, quand il fut dit: "L'aîné servira sous le plus jeune;" vous ne pourrez pas en conclure que si on n'a pas dit à cause de ses œuvres, c'est parce que Jacob n'était pas encore né.




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Message  ROBERT. Mer 3 Avr - 14:52


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12. De plus, si vous faites bien attention à ces mots : "Cela ne dépend donc aide celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde," vous verrez que l'Apôtre n'a pas seulement voulu dire que nous ne parvenons à notre but qu'avec l'aide de Dieu; mais qu'il a eu aussi la pensée qu'il exprime ailleurs en ces termes: "Opérez votre salut avec crainte et tremblement; car c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire, salon sa bonne volonté (1)"; par où il fait assez voir que c'est par l'opération de Dieu que la bonne volonté se forme en nous. En effet si, en disant: "Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court," il avait seulement voulu faire entendre que la volonté de l'homme ne suffit pas, à elle seule, pour mener une vie juste et sainte, quand la miséricorde de Dieu ne lui vient pas en aide; on pourrait dire de la même manière: cela ne dépend donc pas de Dieu qui fait miséricorde, mais de l'homme qui veut, puisque la miséricorde de Dieu ne suffit pas, à elle seule, à moins que notre volonté n'y joigne son consentement. Or il est évident que notre vouloir est impuissant, si Dieu ne fait miséricorde; mais je ne sais comment on pourrait dire que la miséricorde de Dieu est vaine, si nous ne voulons pas.



Au fond, si Dieu nous fait miséricorde, nous voulons ; puisque notre volonté elle-même fait partie de cette miséricorde: "Car c'est Dieu qui opère en nous le vouloir et la faire, selon sa bonne volonté." En effet, supposé que nous demandions si la bonne volonté est un don de Dieu, ce serait merveille que quelqu'un osât le nier. Comme la bonne volonté ne précède pas la vocation, mais la vocation la bonne volonté, on a raison d'attribuer cette bonne volonté à Dieu qui appelle; mais on ne peut nous attribuer la vacation. Ainsi ces paroles: "Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde" ne signifient pas que nous ne pouvons, sans l'aide de Dieu, obtenir ce que nous désirons, mais plutôt que, sans sa vocation, nous ne pouvons pas même vouloir.




1. Philippiens II, 12; 18.



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Message  ROBERT. Jeu 4 Avr - 11:51


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13. Mais si cette vocation produit la bonne volonté de telle façon que tout homme qui est appelé la suive, comment sera-t-il vrai de dire: "Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus ?" Et si cela est vrai, et que l'appelé ne cède pas nécessairement à la vocation, mais qu'il soit libre d'y résister, on pourra aussi dire avec raison: Donc cela ne dépend pas de Dieu qui fait miséricorde, mais de l'homme qui veut et qui court, puisque la miséricorde de celui qui appelle ne suffit pas, si l'obéissance de celui qui est appelé ne s'y joint. Serait-ce par hasard que ceux qui sont appelés de telle façon et n'obéissent pas, pourraient être appelés d'une autre manière et soumettre leur volonté à la foi, ce qui rendrait vraies ces paroles: "Beaucoup sont appelés et peu sont élus;" en sorte que quoique beaucoup soient appelés de la même manière, et tous cependant n'étant pas dans les mêmes dispositions, ceux-là seuls répondraient à l'appel qui se trouveraient capables de le saisir ?



Dans ce sens il ne serait pas moins vrai de dire: "Donc cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde" et qui a appelé de la manière qui convenait à ceux qui ont répondu à l'appel. Les autres ont bien entendu l'appel; mais comme il n'était pas de nature à les émouvoir et qu'ils n'étaient pas capables de le comprendre, on a pu dire qu'ils étaient appelés et non élus. Dès lors il n'est plus vrai de dire: Donc cela ne dépend pas de Dieu qui fait miséricorde, mais de l'homme qui veut et qui court; puisque l'effet de la miséricorde de Dieu ne peut pas être tellement au pouvoir de l'homme qu'il soit nul si l'homme n'y consent.




Car si Dieu voulait faire miséricorde à ceux-là, il les appellerait d'une manière accommodée à leur nature, en sorte qu'ils seraient touchés, qu'ils comprendraient et obéiraient. Donc il est vrai de dire: "Beaucoup d'appelés, peu d'élus." Car les élus sont ceux qui sont appelés d'une manière convenable à leur caractère; quant à ceux qui ne sont point de nature à s'accommoder de la vocation et à y répondre, ils sont appelés, mais non élus, puisqu'ils n'ont pas répondu à l'appel. Il est donc vrai de dire: "Cela ne dépend pas de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde," puisque, bien que Dieu en appelle un grand nombre, il fait cependant miséricorde à ceux qu'il appelle comme il faut qu'ils soient appelés pour répondre à sa voix. Mais Il est faux de dire: Donc cela ne dépend pas de Dieu qui fait miséricorde, mais de l'homme qui veut et qui court, puisque Dieu ne fait miséricorde à personne inutilement; et qu'il appelle celui à qui il fait miséricorde de la façon qu'il sait lui convenir, pour qu'il ne résiste pas à l'appel.






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Message  ROBERT. Ven 5 Avr - 16:36


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14. Ici quelqu'un dira peut-être: Pourquoi Ésaü n'a-t-il pas été appelé de manière à vouloir répondre à l'appel ? Nous voyons en effet, les mêmes vérités et les mêmes faits déterminer différemment les hommes à croire. Par exemple Siméon crut en notre Seigneur Jésus-Christ encore tout petit enfant, parce qu'il le connut par l'inspiration de l'Esprit-Saint (1). A ce seul mot entendu de la bouche du Sauveur: "Avant que Philippe t'appelât, lorsque tu étais sous le figuier, je t'ai vu[/i]," Nathanaël répondit. "Maître, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le roi d'Israël (2), " Pour en avoir fait la confession longtemps plus tard, Pierre mérita de s'entendre appeler bienheureux et de se voir confier les clefs du royaume des cieux (3). Lors du miracle de Cana en Galilée, le premier que fit Jésus au rapport de saint Jean l'évangéliste, quand l'eau fut changée en vin, ses disciples crurent en lui (4).



Le Christ en attira beaucoup à la foi par ses paroles, et beaucoup ne crurent pas en le voyant ressusciter des morts. Effrayés de sa croix et de sa mort les disciples mêmes chancelèrent, et à cet instant le larron crut, sans le voir rien faire d'extraordinaire, mais simplement partager son supplice (5). Un de ses disciples encore, après sa résurrection, crut moins sur le témoignage de ses membres vivants qu'à la vue ses cicatrices toutes récentes (6). Beaucoup de ceux qui l'avaient crucifié, et l'avaient dédaigné lorsqu'ils le voyaient faire ses prodiges, ont cru aux apôtres lorsqu'ils le prêchaient et faisaient des miracles en son nom (7).




Donc l'un étant porté à croire pour tel motif, l'autre pour tel autre; la même chose faisant impression quand elle est dite de telle façon, et n'en faisant point quand elle est dite de telle autre; touchant celui-ci, et ne touchant point celui-là qui oserait dire que Dieu manquait d'un genre d'appel qui eût déterminé Ésaü à croire, et à apporter le concours de cette bonne volonté par laquelle Jacob fut justifié ? Et si l'obstination de la volonté peut aller jusqu'à un tel point d'endurcissement que l'âme résiste à tous les genres d'appel, on demande si cet endurcissement est une punition de Dieu, puisque le signe de l'abandon de Dieu c'est quand il n'appelle pas de manière à exciter à la foi ? Qui pourrait dire en effet que le Tout-puissant lui-même ne peut trouver un moyen de décider une âme à croire ?





1. Luc II, 25.
2. Jean, I, 48-49.
3. Matthieu XVI, 16-19.
4. Jean II, 11.
5. Luc XXIII, 40-42.
6. Jean, XX, 27.
7. Actes II, IV.




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Message  ROBERT. Sam 6 Avr - 15:24


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15. Mais à quoi bon cette question, quand l'Apôtre lui-même ajoute: "Car l'Ecriture dit à Pharaon: Voici pourquoi je t'ai suscité: c'est pour faire éclater en toi ma puissance et pour que mon nom soit annoncé par toute la terre ?" L'Apôtre dit cela en preuve de ce qu'il a avancé plus haut, "que cela ne dépend ni de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde." Comme si on lui eût demandé: d'où tenez-vous cette doctrine ? il répond: "C'est que l'Ecriture dit à Pharaon: Voici pourquoi je t'ai suscité: c'est pour faire éclater en toi ma puissance et pour que mon nom soit annoncé par toute la terre." Évidemment il fait voir par là que "cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde."



D'où il conclut: "Donc il a pitié de qui il veut et il endurcit qui il veut:" deux choses qu'il n'avait pas énoncées plus haut. S'il a dit: "Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde," il n'a pas également dit: cela ne dépend pas de celui qui ne veut pas, qui dédaigne, mais de Dieu qui endurcit. Par là il donne à entendre que les deux pensées qu'il exprime plus bas: "Donc il a pitié de qui il veut," s'accordent avec ce qu'il a dit plus haut en ce sens que, de la part de Dieu, endurcir c'est ne vouloir pas faire miséricorde; ce n'est pas donner quelque chose pour rendre pire, mais ne pas accorder ce qui pourrait rendre meilleur.




Et si cela arrive sans aucune différence de mérite, qui ne fera aussitôt l'objection que se fait l'Apôtre: "Certainement tu me diras: de quoi se plaint-il encore ? Car qui résiste à sa volonté ?" En effet on voit par d'innombrables passages de l'Ecriture que Dieu se plaint souvent de ce que les hommes ne veulent pas croire et bien vivre. Aussi dit-on des fidèles et de ceux qui font la volonté de Dieu qu'ils marchent sans reproche (1), parce que l'Ecriture ne se plaint pas d'eux. Mais "de quoi se plaint-il ? dit l'Apôtre; car qui résiste à sa volonté, puisqu'il a pitié de qui il veut et endurcit qui il veut ?" Cependant reprenons les choses de plus haut, afin de pouvoir, avec l'aide de Dieu, former notre sentiment.




1. Luc, I, 6.





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16. L'Apôtre a écrit tout à l'heure: "Que dirons-nous donc ? Y a-t-il eu Dieu de l'injustice ? Nullement." Que ce point reste donc fixe et immuable dans toute âme que la piété anime et qui est ferme dans sa foi: il n'y a aucune injustice en Dieu. Par conséquent il faut croire très solidement, très fermement que si "Dieu a pitié de qui il veut et endurcit qui il veut," c’est-à-dire a pitié de qui il veut et n'a point pitié de qui il ne veut pas, c'est l'effet d'une certaine équité mystérieuse, inaccessible à la faiblesse humaine, que l'on peut d'ailleurs remarquer dans les choses mêmes de ce monde et dans les contrats terrestres. Car si nous n'y trouvions les traces et comme le cachet d'une justice supérieure, jamais notre infirmité n'oserait lever les yeux ni aspirer à pénétrer dans le saint et très pur sanctuaire des préceptes spirituels. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés (1). Dans cette vie aride, dans notre condition mortelle, nous serions desséchés avant même d'avoir soif, si nous n'étions comme rafraîchis par le souffle, si léger soit-il, de la justice d'en haut.



Ainsi donc comme la société humaine repose sur un commerce de mutuel échange, qu'on donne et qu'on reçoit ce qui est dû comme ce qui n'est pas dû; qui ne voit qu'on ne peut accuser d'injustice celui qui exige ce qui lui est dû, encore moins celui qui le remet à qui il lui plait; et que cela dépend, non du débiteur, mais du créancier ? Or c'est une empreinte, ou, comme je l'ai dit plus haut, un vestige de l'équité suprême, imprimé sur les choses humaines. Tous les hommes, et c'est l'Apôtre qui nous le dit: "Tous meurent dans Adam (2)," de qui le péché originel a passé dans tout le genre humain; donc tous les hommes ne forment qu'une seule masse de péché, redevable d'une punition à la divine et souveraine justice: punition qui peut être exigée ou remise sans ombre d'injustice. Les débiteurs, dans leur orgueil, jugent de qui elle doit être exigée, à qui elle doit être remise, absolument comme ces ouvriers loués pour travailler à la vigne qui s'indignaient injustement qu'on donnât à d'autres le salaire qu'ils avaient reçu (3). Or c'est cette curiosité insolente que l'Apôtre réprime en disant: "O homme, qui es-tu, pour contester avec Dieu ?"



Car c'est contester avec Dieu que de trouver mauvais qu'il se plaigne des pécheurs, comme s'il forçait quelqu'un à pécher, quand il se contente de ne point accorder à certains pécheurs la grâce de sa justification; et que, pour cela, on dit de lui qu'il les endurcit, non en les excitant à pécher, mais en ne leur faisant pas miséricorde. Or il ne fait point miséricorde à qui il juge à propos de la refuser, pour des raisons profondément mystérieuses et tout à fait inaccessibles à l'intelligence humaine. Car ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables (1). Et il a raison de se plaindre des pécheurs, puisqu'il ne les force point à pécher. Son but est aussi d'exciter par ces plaintes ceux à qui il fait miséricorde à maintenir leur vocation, à gémir en leur cœur et à recourir à sa grâce. Il se plaint donc avec justice, et même avec miséricorde.




1. Matthieu V, 6.
2. I Corinthiens XV, 22.
3. Matthieu XX, 11.
1. Romains XI, 33.




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17. Si on s'étonne de ce que personne ne résistant à sa volonté, il secourt qui il veut et abandonne qui il veut; de ce que celui qu'il secourt et celui qu'il abandonne sont de la même masse de péché; de ce que, bien que tous les deux soient redevables de la même peine, il l'exige de l'un et en fait remise à l'autre: si, dis-je, on s'étonne de cela: "O homme," répondrons nous, "qui es-tu pour contester avec Dieu ?" Je pense en effet que le mot "homme" à le même sens ici que dans cet autre passage: "N'êtes-vous pas hommes et ne marchez-vous pas selon l'homme ?" Car ici sous ce nom on désigne l'homme charnel et animal, ceux à qui l'Apôtre dit: "Je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels," puis: "Vous ne le pouviez pas encore, et à présent même vous ne le pouvez point, parce que vous êtes encore charnels (2);" et ailleurs: "L'homme animal ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu (3)." C'est donc à ceux-là qu'il dit: "O homme, qui es-tu, pour contester avec Dieu ? Le vase dit-il au potier: Pourquoi m'as-tu fait ainsi ? Le potier n'ait-il pas le pouvoir de faire, de la même masse d'argile, un vase d'honneur et un autre d'ignominie ?" Ces paroles prouvent assez, ce me semble, que l'Apôtre s'adresse à l'homme charnel: car il indique la matière dont le premier homme a été formé, et comme selon le même Apôtre, ainsi que je l'ai fait remarquer plus haut, "tous meurent en Adam," tous aussi forment ici une même masse d'argile.



Et bien que l'un soit un vase d'honneur et l'autre un vase d'ignominie, cependant le vase d'honneur a nécessairement commencé par être charnel, avant d'arriver à l'âge spirituel. Les Corinthiens étaient déjà vases d'honneur et régénérés dans le Christ; cependant l'Apôtre leur parle comme à de petits enfants, les appelle même charnels et leur dit: "Je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels. Comme de petits enfants en Jésus-Christ, je vous ai abreuvés de lait, mais je ne vous ai point donné à manger, parce que vous ne le pouviez pas encore; et à présent même vous ne le pouvez point, parce que vous êtes encore charnels." Quoiqu'il les appelle charnels, cependant il dit qu'ils sont régénérés dans le Christ, petits enfants dans le Christ et qu'ils doivent être abreuvés de lait. En ajoutant: "Et à présent même vous ne le pouvez pas," il donne à entendre que, s'ils font des progrès, ils le pourront plus tard, puisqu'ils sont déjà spirituellement régénérés et que la grâce a commencé à opérer en eux.



Donc ils étaient destinés à être des vases d'honneur, et pourtant on aurait eu raison de leur dire: "O homme, qui es-tu pour contester avec Dieu ?" Or si on pouvait tenir ce langage à de tels hommes, à bien plus forte raison peut-on l'adresser à ceux qui ne sont pas encore régénérés, ou qui sont des vases d'ignominie. Seulement regardons comme incontestable, qu'il n’y a point d'injustice en Dieu. Soit qu'il remette la dette soit qu'il l'exige, celui de qui il l'exige ne peut l'accuser d'injustice, celui à qui il la remet ne peut se glorifier de ses mérites. L'un ne paie que ce qu'il doit, et l'autre n'a que ce qu'il a reçu.




2. I Cor. III, 1;4.
3. I Corinthiens II ,14.





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Message  ROBERT. Mar 9 Avr - 12:14


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DIVERSES QUESTIONS À SIMPLICIEN.

LIVRE PREMIER. DEUX QUESTIONS SUR L'ÉPÎTRE AUX ROMAINS.


Par Saint Augustin.





DEUXIÈME QUESTION II. — Doctrine de saint Paul sur la justification.



18. Mais nous devons tâcher ici, avec l'aide du Seigneur, de concilier la vérité de ce texte: "Vous ne haïssez rien de ce que vous avez fait, (1)" avec celle de cet autre texte: "J'ai aimé Jacob et j'ai haï Ésaü (2)." Si en effet Dieu a haï Ésaü parce qu'il était un vase d'ignominie, et que ce soit le même potier qui fasse les vases d'honneur et les vases d'ignominie, comment sera-t-il vrai de dire: "Vous ne haïssez rien de ce que vous avez fait ?" Car Dieu hait Ésaü, dont il a fait lui-même un vase d'ignominie. Pour résoudre cette difficulté, il faut comprendre que Dieu est l'auteur de toutes les créatures. Or toute créature de Dieu est bonne (3); et tout homme une créature en tant qu'il est homme, mais non en tant qu'il est pécheur. Dieu étant donc le créateur du corps et de l'âme de l'homme, ni l’un ni l'autre n'est mauvais, et Dieu ne hait ni l'un ni l'autre: car il ne hait rien de ce qu'il a fait. Mais l'âme l'emporte sur le corps; et Dieu sur l'âme et sur le corps, lui qui les a créés tous les deux; et il ne hait dans l'homme que le péché.




Or le péché dans l'homme est un désordre, un acte de perversité; c'est-à-dire un éloignement du Créateur qui est plus parfait, et un rapprochement de la créature. Ce n'est donc pas l'homme, mais le pécheur, que Dieu hait dans Ésaü. C'est ainsi qu'on dit du Seigneur: "Il est venu chez lui et les siens ne l'ont pas reçu (1);" et qu'il dit lui-même aux Juifs: "Si vous n'écoutez point, c'est parce due vous n'êtes point de Dieu (2)." Pourquoi les appeler "siens," et pourquoi dire "qu'ils ne sont point de Dieu," sinon parce que, dans le premier cas, il est parlé des hommes que le Seigneur lui-même avait faits, et que dans le second il s'agissait des pécheurs qu'il reprenait ? Et pourtant ces hommes et ces pécheurs ne faisaient qu'un; mais ils étaient hommes par la création de Dieu, et pécheurs par leur propre volonté.





Or, de ce que Dieu a aimé Jacob, faut-il conclure que Jacob n'était pas pécheur ? Non; mais Dieu a aimé en lui la grâce qu'il accordait, et non le péché qu'il effaçait. Car le Christ est mort pour les impies (3); non pour qu'ils demeurassent impies, mais afin que, justifiés de leur impiété, ils se convertissent en croyant en celui qui justifie l'impie (4): car Dieu hait l'impiété. Ainsi donc il la punit chez les uns par la damnation, il la détruit chez les autres par la justification, selon qu'il le trouve bon dans ses impénétrables jugements. Et quoique des impies ,qu'il ne justifie pas, il fasse des vases d'ignominie, il ne hait cependant point en eux son ouvrage. Sans doute, en tant qu'impies, ils sont dignes d'exécration; mais en tant que vases, ils ont une utilité: celle de tourner au profit des vases d'honneur, par leurs justes châtiments. Dieu ne les hait donc ni comme hommes, ni comme vases, c'est-à-dire qu'il ne hait en eux ni ses créatures, ni les instruments de sa Providence; cari il ne hait rien de ce qu'il a fait. Mais en faisant d'eux des vases de perdition, il en fait aussi des moyens de correction. Il hait en eux l'impiété, qui n'est point son ouvrage. Ainsi le juge hait le vol dans l'homme, mais non la condamnation du voleur aux mines; car le vol est le fait du voleur, et la condamnation celui du juge. De même Dieu en faisant, de la masse des impies, des vases de perdition, ne hait point ce qu'il fait, c'est-à-dire l'œuvre de sa Providence dans la juste punition des réprouvés, qui devient une occasion de salut pour ceux dont il a pitié. C'est ainsi qu'il a été dit à Pharaon: "Voici pourquoi je t'ai suscité; c'est pour faire éclater en toi ma puissance et pour que ton nom soit annoncé dans toute la terre." Cette manifestation de la puissance de Dieu et la prédication de son nom par toute la terre profitent à ceux chez qui la vocation est efficace, en ce qu'elles lent impriment la crainte et les excitent à redresser leur voies.




C'est pour cela que l'Apôtre dit: "Que Dieu, voulant manifester sa colère et signaler sa puissance, a supporté avec une patience extrême, les vases de colère propres à être détruits," sous-entendu: "Qui es-tu, pour contester avec Dieu?" Ces dernières paroles se rattachant à celles qui précédent, le sens serait donc: si Dieu, voulant manifester sa colère, a supporté des vases de colère; qui es-tu pont contester avec lui ? Et non seulement, dit l'Apôtre, c'est en "voulant manifester sa colère, et signaler sa puissance qu'il a supporté avec une patience extrême des vases de colère; propres à être détruits;" mais encore, ajoute-t-il, "c'est afin de manifester les richesses de sa gloire sur les vases de miséricorde." Que sert en effet aux vases de perdition que Dieu les supporte avec patience pour les détruire en leur temps, et s'en servir comme d'instruments de salut à l'égard de ceux dont il a pitié ?




Mais cela est utile à ceux qu'il se propose de sauver ainsi; afin que, comme il est écrit, le juste lave ses mains dans le sang du pécheur (1), c'est-à-dire se purifie des œuvres mauvaises par la crainte de Dieu, à l'aspect du supplice des pécheurs: Donc si "Dieu voulant manifester sa colère, a supporté des vases de colère," c'est pour inspirer aux autres une crainte salutaire, et "afin de manifester les richesses de sa gloire sur les vases de miséricorde, qu'il a préparés pour la gloire."




En effet cet endurcissement des impies montre deux choses: d'abord ce qu'il faut craindre, afin que chacun se tourne pieusement vers Dieu; puis quelles actions de grâces il faut rendre, à la divine miséricorde qui fait voir, par la punition des uns, ce qu'elle accorde aux autres. Cependant, si la punition qu'elle exige des uns n'est pas juste, en ne l'exigeant pas des autres elle ne leur donne rien. Maïs comme cette punition est juste et qu'il n'y a pas d'iniquité dans la vengeance divine, qui pourra rendre de dignes actions de grâces à celui qui remet ce qu'il pourrait exiger, sans que personne pût dire: Je ne dois rien ?





1. Sagesse XI, 26.
2. Malachie I, 2-3.
3. I Timothée IV, 4.
1. Jean I, 11.
2. Jean VIII, 47 .
3. Romains V, 6.
4. Romains IV, 5.
1. Psaume LVII, 11.






Oeuvres Complètes de Saint Augustin, Traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx,
Tome 5ème, Commentaires sur l'Écriture, Bar-Le-Duc, L. Guérins & Cie éditeurs, 1867. p. 490-508

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Message  ROBERT. Mer 10 Avr - 10:09


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DIVERSES QUESTIONS À SIMPLICIEN.

LIVRE PREMIER. DEUX QUESTIONS SUR L'ÉPÎTRE AUX ROMAINS.


Par Saint Augustin.




DEUXIÈME QUESTION II. — Doctrine de saint Paul sur la justification.




19. "Et nous qu'il a de plus appelés, non seulement d'entre les Juifs, mais d'entre les gentils," c'est-à-dire, nous, vases de miséricorde qu'il a préparés pour la gloire. Il n'a point appelé tous les Juifs, mais d'entre les Juifs; ni tous les gentils, mais d'entre les gentils. C'est la même masse de pécheurs et d'Impies, née d'Adam, et dans laquelle, sauf la grâce de Dieu, Juifs et Gentils ne font qu'un. Si en effet le potier fait, de la même masse, un vase d'ignominie et un vase d'honneur, il est clair que, parmi les Juifs comme parmi les gentils, Dieu fait des vases d'honneur et des vases d'ignominie, et que, par conséquent, tous doivent être considérés comme appartenant à la même masse.




Saint Paul cite ensuite les témoignages des prophètes relatifs aux deux espèces de races, mais en intervertissant l'ordre; car il avait dit en premier lieu: d'entre les Juifs, puis "d'entre les Gentils." Mais maintenant il cite d'abord ce qui regarde les gentils, et ensuite ce qui concerne les Juifs. "Comme il dit dans Osée: J'appellerai celui qui n'est pas mon peuple, mon peuple; celle qui n'est pas bien-aimée, bien-aimée ; et il arrivera que dans le lieu même où il leur fut dit: vous n'êtes point mon peuple, ils seront appelés enfants du Dieu vivant." Ce texte s'applique aux gentils qui n'avaient point de lieu désigné pour les sacrifices, comme les Juifs avaient Jérusalem. Or les apôtres ont été envoyés aux gentils, afin que chacun pût croire là même où il était, et qu'en quelque lieu qu'ils fussent, "ceux à qui Dieu a donné le pouvoir d'être faits enfants de Dieu,"(1) pussent lui offrir un sacrifice de louange. L'Apôtre continue: "Et Isaïe s'écrie à l'égard d'Israël." Pour qu'on ne croie pas que tout Israël est allé à sa perte, il nous apprend que, là aussi, il y a eu des vases d'honneur et des vases d'ignominie. "Le nombre des enfants d'Israël, dit le prophète, fût-il comme le sable de la mer, il y aura un reste de sauvé."




Tous les autres sont donc des vases destinés à la perdition. "Car le Seigneur accomplira et abrégera sa parole sur la terre;" c'est-à-dire que dans sa miséricorde il sauvera les croyants par le moyen abrégé de la foi, et non au moyen des pratiques innombrables dont le peuple Juif était servilement accablé et comme écrasé. Le Seigneur, en effet, n'a-t-il pas accompli et abrégé par la grâce sa parole sur la terre, quand il a dit: "Mon joug est doux et mon fardeau léger (1) ?" C'est ce que l'Apôtre rappelle aussi un peu plus bas: "Près de toi, dit-il, est la parole, dans ta bouche et dans ton cœur; c'est la parole de la foi que nous annonçons; parce que si tu confesses de bouche le Seigneur Jésus, et si en ton cœur tu crois que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, tu seras sauvé. Car on croit de cœur pour être justifié, et on confesse de bouche pour être sauvé (2)." C'est là la parole que Dieu a accomplie et abrégée sur la terre; c'est par cet accomplissement et au moyen de cet abrégé que le larron a été justifié. Attaché à la croix par tous ses membres, n'ayant de libres que le cœur et la bouche, il a cru de cœur pour être justifié, confessé de bouche pour être sauvé, et a mérité aussitôt de s'entendre dire: "Aujourd'hui tu seras avec moi en paradis (3)." Sans doute si, après avoir reçu la grâce, il eût longtemps vécu sur la terre, les bonnes œuvres auraient suivi sa conversion. Mais elles ne l'ont point précédée, de manière à lui mériter cette grâce, puisqu'il passa du brigandage à la croix et dé la croix en paradis.




L'Apôtre continue: "Et comme Isaïe avait dit auparavant : Si le Seigneur des armées ne nous avait réservé un rejeton, nous serions devenus comme Sodome et semblables à Gomorrhe." Ici "ne nous avait réservé un rejeton " revient à ce qu'il a dit plus haut: "Il y aura un reste de sauvé." Les autres ont péri, comme vases de perdition, par un châtiment mérité. Et si tous n'ont pas péri comme les habitants de Sodome et de Gomorrhe, ils ne l'ont point dû à leurs mérites, mais à la grâce de Dieu qui a laissé des rejetons, pour produire une nouvelle moisson dans tout l'univers. C'est ce que l'Apôtre exprime un peu plus bas: "De même donc, en ce temps aussi, un reste a été sauvé, par l'élection de la grâce. Mais si c'est par la grâce, ce n'est donc point par les œuvres; autrement la grâce ne serait plus grâce. Qu'est-il donc arrivé ? Ce que cherchait Israël, il ne l'a point trouvé; mais ceux qui ont été choisis l'ont trouvé; les autres ont été aveuglés (4)." Les vases de miséricorde ont trouvé, les vases de colère ont été aveuglés; et tous cependant étaient de la même masse, comme dans la multitude des gentils.



1. Jean I,12.
1. Matthieu XI, 30.
2. Romains X, 8-10.
3. Luc XXIII, 43.
4. Romains XI, 5-7.




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Message  ROBERT. Jeu 11 Avr - 15:44


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LIVRE PREMIER. DEUX QUESTIONS SUR L'ÉPÎTRE AUX ROMAINS.



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DEUXIÈME QUESTION II. — Doctrine de saint Paul sur la justification.





20. Il y a dans l'Ecriture un passage qu'il est indispensable de citer pour le sujet que nous traitons, et qui confirme merveilleusement tout ce que nous avons exposé. Il se trouve dans le livre appelé par les uns Jésus Sirach, par les autres Ecclésiastique; on y lit: "Tous les hommes viennent de la boue, et Adam a été fait de terre. Dans la grandeur de sa sagesse, le Seigneur les a séparés et il a changé leurs voies. Il a béni et élevé quelques-uns d'entre eux, il les a sanctifiés, il s'est uni à eux; il en a maudit et humilié quelques autres, et il les a dispersés quand ils se sont séparés de lui. Comme l'argile dans la main du potier qui la façonne et la forme à son gré, ainsi toutes les voies de l'homme sont en la disposition du Seigneur; ainsi l'homme est dans la main de celui qui l'a fait et qui lui rendra selon son jugement. Le bien est contraire au mal, la vie à la mort, et le pécheur au juste. Considérez toutes les oeuvres du Très-Haut, elles sont ainsi deux à deux, et l'une opposée à l'autre. "(1)





D'abord on y fait l'éloge de la sagesse de Dieu: "Dans la grandeur de sa sagesse, le Seigneur les a séparés." Et de quoi les a-t-il séparés, si ce n'est du bonheur du paradis ? "Et il a changé leurs voies," afin qu'ils vécussent comme sujets à la mort. Alors tous ensemble n'ont formé qu'une masse, ayant le péché pour origine et la mort pour punition, quoique tout ce qui est bon soit créé et formé par Dieu. Car tous ont la beauté du corps, et l'union de leurs membres est tellement harmonique que l'Apôtre en tire une comparaison pour recommander la charité (1). Tous ont aussi l'esprit vital qui anime les membres matériels, et toute cette nature humaine si merveilleusement pondérée par la domination de l'âme et l'obéissance du corps. Mais la concupiscence charnelle, punition du péché, ayant pris le dessus, avait confondu tout le genre humain en une seule et même masse, la tâche originelle ayant tout envahi. Et cependant nous lisons ensuite: "Il a béni et élevé quelques-uns d'entre eux; il les a sanctifiés et il s'est uni à eux; il en a maudit et humilié quelques autres, et il les a dispersés quand ils se sont séparés de lui." Ce qui revient à ce mot de l'Apôtre: "Le potier n'a-t-il pas le pouvoir de faire, de la même masse d'argile, un vase d'honneur et un autre d'ignominie ?" La suite du texte présente une idée semblable: "Comme l'argile dans la main du potier qui la façonne et la forme à son gré, ainsi toutes les voies de l'homme sont en la disposition du Seigneur, ainsi l'homme est dans la main de celui qui l'a fait."




Et comme l'Apôtre ajoute: "Y a-t-il en Dieu de l'injustice ?" voici ce que dit l'autre écrivain: "Il lui rendra selon son jugement." Mais comme les réprouvés sont justement punis, et que leur punition tourne au profit de ceux à qui il fait miséricorde, faites attention à ceci: "Le bien est contraire au mal, la vie à la mort, et le pécheur au juste. Considérez ainsi toutes les œuvres du Très-Haut; elles sont deux à deux, et l'une opposée à l'autre;" évidemment pour que le contraste des méchants fasse briller et profiter les bons. Cependant cette amélioration étant l'effet de la grâce, comme pour dire: "Il y aura un reste de sauvé," l'écrivain ajoute, au nom même de ceux qui sont sauvés: "Et moi j'ai été suscité, le dernier, et je suis comme celui qui recueille les grappes après les vendangeurs." Et comment prouve-t-il qu'il le doit à la miséricorde de Dieu, et non à ses mérites ? "J'ai espéré moi-même, dit-il, en ta bénédiction du Seigneur, et, comme celui qui vendange, j'ai rempli le pressoir (1)." Bien qu'il ait été suscité le dernier, cependant, comme il est écrit que les derniers seront les premiers (2), le peuple recueilli des restes d'Israël, en espérant la bénédiction de Dieu, a rempli le pressoir d'une récolte surabondante, qui s'est produite par tout l'univers.




1. Ecclésiastique XXXIII, 10-15.
1. I Corinthiens XII, 12.
1. Ecclésiastique XXXIII, 17.
2. Matthieu XX, 16.





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21. Le but de l'Apôtre, comme celui de tous les justifiés par qui les mystères de la grâce nous ont été révélés, est donc d'amener celui qui se glorifie à se glorifier dans le Seigneur (3). En effet, qui discutera avec le Seigneur quand, de la même masse, il condamne l'un et justifie l'autre ? Le libre-arbitre peut beaucoup; il existe certainement; mais que peut-il chez des hommes vendus comme esclaves au péché (4) ? "La chair, dit l'Apôtre, convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair, de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez (5)." On nous ordonne de bien vivre, en nous proposant pour récompense le bonheur éternel; mais qui peut bien vivre et bien agir, s'il n'est justifié par la foi ? On nous ordonne de croire, afin de recevoir le don du Saint-Esprit et de faire le bien par l'amour; mais qui peut croire sans être appelé de quelque manière, c'est-à-dire excité par quelque témoignage ? Qui est le maître de se procurer le signe qui éclairera son esprit, et déterminera sa volonté à croire ? Qui s'attache de cœur à ce qui ne lui plait pas ? Qui a la faculté ou de rencontrer l'objet qui peut le charmer, ou d'en être charmé quand il le rencontrera ? Donc quand nous trouvons du plaisir dans ce qui peut nous faire avancer vers Dieu, c'est un don et une inspiration de la grâce, et non le résultat de notre volonté, de notre talent ou du mérite de nos œuvres; parce que c'est lui qui donne et distribue et le consentement de la volonté, et les ressources du talent, et les œuvres animées du feu de la charité.




On nous ordonne de demander pour recevoir, de chercher pour trouver, et de frapper pour qu'on nous ouvre (1). Mais notre prière n'est-elle pas quelquefois tiède, ou plutôt froide, presque nulle et même absolument nulle, au point que nous ne nous en apercevons même pas pour en gémir ? Car gémir en pareil cas, ce serait encore prier. Que voyons-nous donc par là, sinon que celui-là seul qui nous ordonne de prier, de chercher, de frapper, peut nous accorder le pouvoir de le faire ? "Cela ne dépend donc ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde," puisque nous ne pouvons ni vouloir ni courir, s'il ne nous touche et ne nous excite lui-même.




3. II Corinthiens X, 17.
4. Romains VII, 14.
5. Galates V,17.
1. Matthieu VII, 7.




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Message  ROBERT. Sam 13 Avr - 17:09


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22. S'il y a ici quelque élection, comme semble l'indiquer ce texte: "Un reste a été sauvé par l'élection de la grâce (2):" c'est-à-direélection de ceux qui doivent être justifiés, et non élection de ceux qui sont justifiés, pour la possession de la vie éternelle, cette élection est tellement mystérieuse qu'elle nous échappe complètement au sein de la même masse; ou du moins, si quelques-uns l'y découvrent, j'avoue sur ce point mon impuissance. En effet si ma pensée se permet d'examiner cette question, je n'aperçois que trois motifs qui puissent déterminer le choix de ceux qui doivent parvenir à la grâce du salut: un génie au dessus du vulgaire, ou une culpabilité moindre, ou les deux réunis; ajoutez-y, si vous le voulez, des connaissances honnêtes et utiles. Par conséquent quiconque n'aura contracté que de très légères souillures, (car qui est absolument innocent ?) sera doué d'un génie vif et poli par la culture des arts libéraux, celui-là paraîtra digne d'être choisi pour la justification. Eh bien ! à peine ai-je posé ce principe, que je me vois pris en pitié par Celui qui choisit ce qui est faible selon le monde, pour confondre ce qui est fort, et ce qui est insensé selon le monde pour confondre les sages (1); et levant les yeux sur lui et tout couvert de honte, je prends moi-même en pitié un grand nombre d'hommes plus purs que certains pécheurs et plus éloquents que certains pêcheurs.




Ne voyons-nous pas beaucoup de nos fidèles marcher dans les voies de Dieu, bien que, au point de vue du génie, ils soient fort au-dessous, je ne dis pas de certains hérétiques, mais même de certains comédiens ? Ne voyons-nous pas également des personnes de l'un et l'autre sexe vivre sans reproche dans la chasteté conjugale, et néanmoins entachées d'hérésie ou de paganisme, ou, si elles sont dans la vraie foi et dans la véritable Eglise, tellement tièdes que nous sommes étonnés de voir des courtisanes et des histrions, subitement convertis, les surpasser, non seulement en patience et en modération, mais même en foi, en espérance, en charité ? Reste donc que le choix soit déterminé par les volontés. Mais la volonté elle-même ne s'ébranle pas, si elle ne rencontre quelque chose qui soit capable de charmer et d'attirer l'esprit; et cette rencontre n'est pas au pouvoir de l'homme. Que voulait Saul, sinon attaquer, traîner, garrotter, tuer les chrétiens ? Quelle volonté furieuse, forcenée, aveugle ! Et cependant, terrassé par un seul mot, et frappé de la vue d'un objet propre à briser sa colère, à changer et à retourner son esprit et sa volonté vers la foi, il devient tout à coup, de persécuteur extraordinaire, prédicateur bien plus extraordinaire, de l'Evangile (2).




Et pourtant, que dirons-nous ? "Y a-t-il en Dieu de l'injustice," parce qu'il fait payer qui il lui plaît, et remet la dette à qui bon lui semble; qu'il n'exige que ce qu'on lui doit, et ne donne que ce qui lui appartient ? "Y a-t-il en Dieu de l'injustice ? Loin de là." Cependant, pourquoi ainsi traiter l'un, et non l'autre ? "O homme, qui es-tu ?" Si on te remet ta dette, tu peux te féliciter; si on l'exige, tu ne peux pas te plaindre. Croyons seulement, bien que nous ne puissions le comprendre, que Celui qui a tout créé, esprit et corps, a tout fait avec nombre, poids et mesure (3). Mais ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables (1). Chantons "Alleluia", entonnons un cantique et gardons-nous de dire: "Pourquoi ceci, ou pourquoi cela ? Car toutes choses ont été créées en leur temps." (2).



2. Romains XV, 5.
1. I Corinthiens I, 27.
2. Actes VIII, 3 ; IX, 1.
3. Sagesse XI, 21.
1. Romains XI, 39.
2. Ecclésiastique XXXIX, 26.



FIN.

à SUIVRE: LIVRE SECOND. SIX QUESTIONS DE SIMPLICIEN SUR LES LIVRES DES ROIS.



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