Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
D'YOUVILLE REÇOIT LES RÈGLES POUR LE GOUVERNEMENT DE SA COMMUNAUTÉ — ELLE L'ASSEOIT SUR DES BASES SOLIDES. — SON APPROBATION ET SON DÉVELOPPEMENT.
(suite)
Si la Vénérable fondatrice n'a pas eu la suprême consolation de voir ici-bas le couronnement de son œuvre, elle a du moins pu voir réaliser une partie de ses espérances en recevant l'approbation épiscopale de cette fondation, achetée par tant de travaux et de souffrances.
Certes la colonie avait été douée de nombre de ces œuvres admirables qui naissent partout sous le souffle de la religion. Les Récollets avaient leurs écoles, les Jésuites, leur collège; Marie de l'Incarnation à Québec, Marguerite Bourgeoys à Montréal, avaient implanté dans le cœur d'autres femmes, d'autres vierges, le dévouement et l'esprit de sacrifice pour la grande et sainte œuvre de l'éducation chrétienne des filles. La duchesse d'Aiguillon, mettant au service de sa foi et de sa charité les dons de son immense fortune, avait obtenu pour la cité de Champlain une fondation d'Hospitalières de Dieppe, tandis que Jeanne Mance et Mme de la Peltrie, frayant un chemin aux trois religieuses désignées par les supérieures de La Flèche (1), avaient fondé l'Hôtel-Dieu à Ville-Marie.
Ces vertueuses femmes avaient doté la colonie de ces deux maisons bénies, où tant de malades ont recouvré la santé et les forces, où tant de plaies ont été pansées et guéries, où tant de mourants ont expiré sur le cœur de leur Dieu et dans les bras maternels de ces "Hospitalières" sans rivales dans le monde entier!
Il ne manquait qu'une œuvre dans la ville de Maisonneuve: c'étaient les fils de M. Olier qui devaient la donner à la colonie; mais c'est à une enfant du sol que Dieu confie cette fois l'exécution de ses desseins.
Elève modèle au pensionnat, fille soumise chez sa mère, épouse parfaite et mère dévouée au foyer domestique, Mme d'Youville,..
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(1) Les Mères Maër, de Bresolle et Maillot.
pp. 96-97-98
A suivre…
Dernière édition par Louis le Mar 04 Sep 2012, 4:34 pm, édité 2 fois (Raison : balises.)
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
A suivre…D'YOUVILLE REÇOIT LES RÈGLES POUR LE GOUVERNEMENT DE SA COMMUNAUTÉ — ELLE L'ASSEOIT SUR DES BASES SOLIDES. — SON APPROBATION ET SON DÉVELOPPEMENT.
(suite)
Elève modèle au pensionnat, fille soumise chez sa mère, épouse parfaite et mère dévouée au foyer domestique, Mme d'Youville, mûrie par l'expérience et les épreuves, a, sous le souffle de Dieu, doté son pays et la jeune Eglise du Canada d'une œuvre immortelle. Le temps, qui éprouve tout, l'a vue grandir et prospérer parce que, conçue dans le dévouement et la souffrance, elle avait reçu la bénédiction de Dieu. "Quand une âme," a dit un grand orateur, "a pris pour point d'appui de son mouvement Dieu, la patrie et les âmes, je la tiens pour grande, je la salue parmi celles qui sont le plus dignes de respect."
Le cœur de cette femme si profondément bonne allait être satisfait ; le désir qu'elle avait si souvent exprimé, en parcourant les rues de Ville-Marie, allait être accompli ; c'est sous son toit qu'elle a le bonheur de recueillir et de loger ces déshérités, de soigner ces malades, ces souffrants, ces orphelins et ces vieillards, et de se dévouer au soulagement de leurs misères et de leurs infirmités. Et pour s'assurer que le bien-être procuré aux membres souffrants de Notre-Seigneur ne sera pas éphémère et passager, Mme d'Youville, comme nous l'avons déjà vu, inventait tout ce qui pouvait matériellement assurer le succès et la durée de sa grande entreprise. Mais, surtout et avant tout, sa foi de chrétienne voulut implanter dans l'âme de ses filles l'esprit et la pratique des vertus religieuses et, dans ce but, elle ne négligea rien de ce qui pouvait les entretenir dans leur primitive ferveur. C'est pourquoi, désormais sans inquiétude sur le sort de sa communauté, qui avait reçu la sanction épiscopale, la fondatrice s'appliquera maintenant à former avec le plus grand soin celles qui désireront se joindre à elle dans ses œuvres de charité.
Mgr de Pontbriand avait nommé assistante la sœur Thaumur La Source, mais il n'avait pas pourvu au soin des novices. Jusqu'ici les saints exemples de la fondatrice et la ferveur de ses premières compagnes avaient servi de guide aux nouvelles vocations ; celles-ci devenant plus nombreuses, on décida de nommer une maîtresse des novices.
Le choix tomba sur la sœur Despins qui, ayant vécu pendant quatorze ans avec Mme d'Youville comme pensionnaire, devait être celle qui pourrait le mieux initier les novices aux vertus spéciales de leur état. Grâce à ces deux aides, à qui des tâches spéciales étaient assignées, l'esprit de la fondatrice allait, en quelque sorte, s'imprégner davantage dans toute son œuvre et s'y implanter à jamais.
La force d'une fondation ne dépend pas entièrement de la fondatrice…
pp. 98-99
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
D'YOUVILLE REÇOIT LES RÈGLES POUR LE GOUVERNEMENT DE SA COMMUNAUTÉ — ELLE L'ASSEOIT SUR DES BASES SOLIDES. — SON APPROBATION ET SON DÉVELOPPEMENT.
(suite)
La force d'une fondation ne dépend pas entièrement de la fondatrice, elle dépend aussi de celles qui l'aident. Entourée d'âmes fortes et viriles destinées à être les pierres fondamentales de son Institut.
Mme d'Youville, en effet, plus encore par ses exemples que par ses entretiens, s'efforça pendant toute sa vie d'inspirer à ses filles une confiance sans bornes dans la Providence et une charité parfaite envers les pauvres, surtout les plus délaissés. "Elles sont faites," dit-elle en parlant de ses filles dans ses Constitutions, "pour le service des pauvres, auxquels seuls appartiennent tous les biens de la maison, toujours prêtes à entreprendre toutes les bonnes œuvres que la Providence leur offrira et dans lesquelles elles seront autorisées par leurs supérieurs." Aussi les a-t-on vues jusqu'à ce jour marcher sur les traces de leur vénérée fondatrice et justifier à la lettre les paroles citées plus haut. Les premières compagnes de Mme d'Youville, que nous ferons connaître plus tard, furent dignes d'elle, et si les nombreuses tribulations qu'elle rencontra sur sa route furent un signe de l'excellence de son œuvre, on peut dire que les grandes et solides vertus de celles qui entourèrent la fondatrice furent également un indice de ce que Dieu réservait à cette communauté, destinée à s'étendre dans tout le Canada et même aux Etats-Unis.
Le public de Montréal a pu se convaincre dans maintes circonstances que les filles de Mme d'Youville ont conservé intact l'héritage de son dévouement. En 1832, nous les trouvons au chevet des cholériques, comme la fondatrice à celui des sauvages atteints de la petite vérole en 1755. En 1847, lorsque Montréal vit arriver dans son port une colonie de malheureux Irlandais atteints du typhus, le premier dévouement qui s'offrit à eux, avec celui des prêtres de la ville, fut celui des filles de Mme d'Youville. Certes, si la charité a été exercée d'une manière héroïque dans cette lamentable circonstance, c'est bien par ces anges consolatrices de la douleur. Plus de la moitié de la communauté fut atteinte de la terrible maladie, sept en moururent, et un instant la supérieure crut que Dieu allait lui demander le sacrifice de sa communauté tout entière. Cependant, deux ans après, le fléau ayant reparu, toutes les religieuses s'offrirent de nouveau pour retourner aux ambulances!
Nous aurons occasion, en relatant la fondation de l'Asile Saint-Patrice, de faire connaître à nos lecteurs les victimes d'élite…
pp. 99-100-101
A suivre…
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
D'YOUVILLE REÇOIT LES RÈGLES POUR LE GOUVERNEMENT DE SA COMMUNAUTÉ — ELLE L'ASSEOIT SUR DES BASES SOLIDES. — SON APPROBATION ET SON DÉVELOPPEMENT.
(suite)
Nous aurons occasion, en relatant la fondation de l'Asile Saint-Patrice, de faire connaître à nos lecteurs les victimes d'élite que l'ange de la mort avait touchées de son aile et qui devaient dire à la ville entière comment sait s'offrir et mourir une fille de charité, tandis qu'elles donnaient à leurs sœurs le sublime honneur de compter chez elles sept martyres du devoir.
Lors de l'accident de chemin de fer arrivé à Belleville, Ontario, il y a quelques années, les Sœurs Grises volaient au secours des malheureux émigrants blessés et mutilés, et les soignaient avec un dévouement digne de leur vénérée fondatrice.
Et, plus récemment encore, n'ont-elles pas mis en pratique la recommandation de Mme d'Youville, "elles seront toujours prêtes à entreprendre toutes les bonnes œuvres que la Providence leur offrira et dans lesquelles elles seront autorisées par leurs supérieurs", lorsqu'elles ont, sur un désir de Mgr Fabre, archevêque de Montréal, accepté la direction de l'Hôpital Notre-Dame ? À toutes leurs autres œuvres elles ajoutaient ainsi le soin si pénible des malades et, quoique nullement préparées pour la tenue d'un hôpital (1), elles ont accepté avec joie ce surcroît de fatigue et de travail, et elles ont pleinement justifié la confiance de leur évêque et l'espérance des médecins.
Le développement merveilleux de son Institut et ces créations nombreuses qui sont venues le compléter, monuments qui perpétueront à jamais au milieu de nous le souvenir des vertus et des sacrifices de Mme d'Youville, sont la preuve éclatante de la vigoureuse impulsion qu'elle avait su donner à son œuvre et de la sainteté de sa mission.
Ses filles sont répandues aujourd'hui dans un grand nombre de diocèses de l'Amérique du Nord…
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(1) Comme nous l'avons dit plus haut, l'Hôpital Général, fondé par les Frères Charon et relevé et continué par Mme d'Youville, n'était pas destiné au soin des malades, mais simplement à recueillir des vieillards infirmes.
pp. 101-102-103
A suivre…
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
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Les vies bellement racontées de Mère d'Youville, de Jeanne Mance et de Sœur Margurerite Bourgeois,
voilà la manière que nos instituteurs d'histoire du Canada auraient dû nous les raconter.
On mangerait peut-être moins de curé aujourd'hui.
Et on baverait peut-être moins sur la religion.
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Les vies bellement racontées de Mère d'Youville, de Jeanne Mance et de Sœur Margurerite Bourgeois,
voilà la manière que nos instituteurs d'histoire du Canada auraient dû nous les raconter.
On mangerait peut-être moins de curé aujourd'hui.
Et on baverait peut-être moins sur la religion.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
D'YOUVILLE REÇOIT LES RÈGLES POUR LE GOUVERNEMENT DE SA COMMUNAUTÉ — ELLE L'ASSEOIT SUR DES BASES SOLIDES. — SON APPROBATION ET SON DÉVELOPPEMENT.
(suite)
Ses filles sont répandues aujourd'hui dans un grand nombre de diocèses de l'Amérique du Nord.
En comprenant toutes les maisons sorties primitivement de la maison-mère de Montréal, l'Institut des Sœurs de la Charité compte aujourd'hui au delà de 1600 sœurs professes, 291 novices, 299 sœurs converses professes, 88 novices, et comprend 125 établissements, situés dans 20 diocèses ou vicariats apostoliques. Ces établissements de charité abritent à peu près 1200 vieillards et infirmes, hommes et femmes, plus de 8000 orphelins, logés, nourris et entretenus par les sœurs. De plus, elles ont reçu, chaque année, depuis l'augmentation de la population, près de 600 enfants trouvés. (Voir la note en bas)
Dans les hôpitaux, les Sœurs Grises soignent plus de 4000 malades internes par année, et, dans leurs différents dispensaires, elles en accueillent un plus grand nombre.
Plus de 15000 pauvres et malades sont visités à domicile chaque année et reçoivent des soins et des secours de toutes sortes.
Enfin, dans leurs salles d'asile, crèches, petites écoles et pensionnats, les filles de Mme d'Youville donnent l'instruction à plus de 15000 enfants.
Et pour compléter ce magnifique ensemble, apparaissent les missions du Nord-Ouest, si admirables dans leur lointain et obscur dévouement ! Si elles ont été héroïques en face de la mort, qu'elles ont bravée dans les terribles épidémies qui ont décimé notre ville, les filles de la charité sont peut-être encore plus courageuses dans la constance des sacrifices qu'elles s'imposent dans les missions sauvages. " Nous entrons au réfectoire affamées, et nous " en sortons peu rassasiées," écrivait l'une des sœurs missionnaires. Elles sont quelquefois plusieurs mois sans pain, sans sel, vivant de poisson, qui est la seule nourriture du pays; celui-ci vient-il à manquer, il ne reste alors que la "galette" de sarrasin pour apaiser leur faim.
Exposées à la férocité des sauvages, surtout dans leurs premiers voyages, les Sœurs Grises furent bien des fois miraculeusement préservées de la mort, et lorsque, sorties de ce danger, elles commençaient à se rassurer, souvent leurs inquiétudes et leurs terreurs renaissaient à la vue des rapides, des chutes d'eau ou des torrents impétueux qu'elles avaient à traverser pour continuer leur route.
Les filles de Mme d'Youville se plaisent à reconnaître que c'est à leur sainte mère, qui, par la pratique de vertus héroïques, leur a mérité une force et un courage égaux aux siens, qu'elles doivent leur amour de la souffrance et du sacrifice.
Dans le chapitre de la fondation des missions sauvages, nous ferons connaître à nos lecteurs d'une manière plus détaillée l'héroïque charité de ces femmes courageuses, qui ont tout quitté et qui ont même bravé la mort pour sauver les âmes des infidèles.
(Note de Louis: Ne pas oublier que nous sommes au XVIIIe siècle, et que ce livre de Mme. Jetté a été écrit il y a plus de 110 ans.)
pp. 102-103-104
A suivre…
CHAPITRE IX : Mme D'YOUVILLE REÇOIT LES PRISONNIERS DE GUERRE. — ELLE FAIT FAIRE UN GRAND MUR POUR ENTOURER SA PROPRIÉTÉ. — ELLE ATTIRE CHEZ ELLE UN PLUS GRAND NOMBRE DE DAMES PENSIONNAIRES ET, PAR TOUTES SORTES DE TRAVAUX, ASSURE LA VIE ET LE BIEN-ÊTRE À SES PAUVRES
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Louis- Admin
- Nombre de messages : 17607
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
CHAPITRE IX
Mme D'YOUVILLE REÇOIT LES PRISONNIERS DE GUERRE. — ELLE FAIT FAIRE UN GRAND MUR POUR ENTOURER SA PROPRIÉTÉ. — ELLE ATTIRE CHEZ ELLE UN PLUS GRAND NOMBRE DE DAMES PENSIONNAIRES ET, PAR TOUTES SORTES DE TRAVAUX, ASSURE LA VIE ET LE BIEN-ÊTRE À SES PAUVRES.
Nous avons vu quels embarras Mme d'Youville avait dû surmonter avant d'être mise à la tête de l'Hôpital et quel travail elle avait dû faire pour restaurer cette maison si délabrée. Nous allons voir maintenant quels prodiges d'économie elle dut accomplir, d'abord pour payer les lourdes dettes contractées pour ces réparations, puis pour faire face aux dépenses journalières de sa maison et même à son agrandissement et à sa protection. La tâche qu'elle avait entreprise était difficile; mais son immense charité la rendait ingénieuse lorsqu'il s'agissait de soulager les misères d'autrui, et elle réussissait à se créer des ressources nouvelles là où souvent bien d'autres auraient désespéré.
En 1756, sur la demande de l'intendant Bigot, Mme d'Youville commença à recevoir dans son hôpital des prisonniers de guerre malades ou blessés; mais ils devinrent en peu de temps si nombreux qu'il fallut bientôt leur assigner, pour eux seuls, une vaste salle, que l'on appela "salle des Anglais''.
Touchée de la misère qui les attendait après leur sortie de l'hôpital, Mme d'Youville cherchait à leur procurer de l'ouvrage et elle-même en employait jusqu'à trente par année, ainsi qu'on a pu le constater par ses livres de comptes. La reconnaissance engagea plusieurs d'entre eux à se donner à la maison, et l'un d'eux, connu sous le nom de John, que la fondatrice avait sauvé des mains des sauvages, rendit de grands services comme infirmier et interprète auprès de ses compatriotes et des sœurs. Celles-ci connaissaient si peu la langue anglaise qu'elles ne pouvaient pas même, dit M. Faillon, prononcer les noms des soldats anglais qui étaient à leur service: elles les désignaient sous les noms de Christophe l'Anglais, John l'Anglais, etc. (1)
Ces charges que s'imposait Mme d'Youville demandaient d'elle de grands sacrifices, et elle dut même contracter de nouveaux emprunts pour faire vivre tout ce monde. Malgré ce nouvel embarras, elle trouva souvent moyen de racheter des captifs destinés à être brûlés et torturés par les sauvages.
La maison de Mme d'Youville était si bien connue comme un asile pour toutes les infortunes …
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(1) Vie de Madame d'Youville, p. 146
pp. 105-106
A suivre…
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
Mme D'YOUVILLE REÇOIT LES PRISONNIERS DE GUERRE. — ELLE FAIT FAIRE UN GRAND MUR POUR ENTOURER SA PROPRIÉTÉ. — ELLE ATTIRE CHEZ ELLE UN PLUS GRAND NOMBRE DE DAMES PENSIONNAIRES ET, PAR TOUTES SORTES DE TRAVAUX, ASSURE LA VIE ET LE BIEN-ÊTRE À SES PAUVRES.
(suite)
La maison de Mme d'Youville était si bien connue comme un asile pour toutes les infortunes que souvent de pauvres malheureux, poursuivis par leurs ennemis, s'y réfugiaient avec confiance. Elle en recueillit plusieurs qu'elle arracha aux mains des sauvages, et l'on sait quel sort les attendait de la part de ces barbares. Elle les cachait et les faisait ensuite évader au premier moment favorable. "Elle usa même," dit M. Faillon," de différents stratagèmes pour protéger leur sortie de la maison. Elle les enveloppait "dans les grands manteaux avec lesquels elles sortaient l'hiver et réussissait ainsi à leur sauver la vie." (1)
Un jour, un jeune homme, poursuivi par un sauvage ivre de colère, se réfugie à l'Hôpital Général et court jusqu'à la salle de communauté, où Mme d'Youville était à faire une tente. Sur un signe d'elle au fugitif, celui-ci se réfugie sous sa lourde pièce d'ouvrage, où elle fut assez heureuse pour le cacher avant l'entrée de son ennemi. Lorsque parut le sauvage, elle lui indiqua d'un geste une porte ouverte en arrière d'elle; il se hâta d'y passer, croyant atteindre par là le jeune homme qu'il poursuivait. Comme il est facile de le comprendre, grande fut la reconnaissance de celui à qui Mme d'Youville venait de sauver la vie avec tant de sang-froid; nous verrons plus tard qu'il ne l'oublia pas.
Non seulement la fondatrice recevait et soignait les prisonniers et donnait asile aux malheureux, mais son amabilité et sa vertu avaient attiré chez elle comme pensionnaires des personnes aisées, qui étaient heureuses de lui faire de riches aumônes ou qui mettaient à sa disposition leur travail et leur temps. "Nous avons ici, en pension," écrivait-elle, une dame Robineau de Portneuf, âgée de quatre-vingts ans, qui jeûne et fait maigre tous les jours commandés, travaille comme nous pour les pauvres, quoiqu'elle paie sa pension. Elle est charmante par sa grande piété et sa belle humeur." (1)
Parmi les dames pensionnaires de l'Hôpital Général, on trouve encore, à cette époque, les noms des premières familles de la colonie: la baronne de Longueuil, Mmes de Verchères, de Châteauguay, Robutel de Lanoue, de Lacorne, de Beaujeu, Chartier de Lotbinière-Larond, de Lignery, de Sermonville, de Repentigny, etc.
Plusieurs parentes de la fondatrice vinrent aussi l'aider en lui payant de fortes pensions et voulurent mourir chez elle. Elle eut le bonheur de compter parmi celles-ci sa mère bien-aimée, ses deux sœurs, ses parentes Mmes de Bleury et Porlier de Varennes. Elle écrivait, à propos de sa sœur : "J'ai eu la douleur de perdre ma sœur Maugras, après quinze jours de maladie et presque toujours à l'agonie sans perdre la parole ni la connaissance. Ma consolation est qu'elle a fait une mort de prédestinée!"
Mme d'Youville, tant par l'attrait de sa personne et de ses qualités que par sa prévoyance et son industrie…
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(1) Vie de Madame d'Youville, p. 147.
(1) M. Faillon, p. 122.
pp. 107-108
A suivre…
Dernière édition par Louis le Lun 10 Sep 2012, 6:31 am, édité 1 fois (Raison : Mettre un lien.)
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
Mme D'YOUVILLE REÇOIT LES PRISONNIERS DE GUERRE. — ELLE FAIT FAIRE UN GRAND MUR POUR ENTOURER SA PROPRIÉTÉ. — ELLE ATTIRE CHEZ ELLE UN PLUS GRAND NOMBRE DE DAMES PENSIONNAIRES ET, PAR TOUTES SORTES DE TRAVAUX, ASSURE LA VIE ET LE BIEN-ÊTRE À SES PAUVRES.
(suite)
Mme d'Youville, tant par l'attrait de sa personne et de ses qualités que par sa prévoyance et son industrie, trouvait ainsi moyen de se créer des ressources, en attirant chez elle des personnes bien disposées qui l'aidaient de leurs revenus. Elle savait aussi que le travail est la plus grande sauvegarde contre toutes les misères et, sans être exigeante, elle voulait que dans sa maison tout le monde fût occupé; de cette façon, chacun pouvait contribuer au bien-être de son prochain et se sentir utile à l'Hôpital.
Mais, dès le début de son œuvre et jusqu'à sa mort, c'est toujours et avant tout à son travail personnel et à celui de ses compagnes que la fondatrice a demandé les ressources nécessaires pour réaliser le vaste plan conçu par sa charité. Rien ne décourageait cette nature virile : point de travail trop fatigant ni trop rebutant. Selon le conseil de l'apôtre, "elle faisait le bien sans défaillance."
Elle passait des journées entières, et souvent des nuits, courbée sur des ouvrages qu'elle entreprenait soit pour le gouvernement, soit pour des particuliers, et l'on savait si bien que Mme d'Youville ne refusait aucun travail que, lorsqu'il s'agissait d'un ouvrage pénible à faire, c'était chez elle que l'on s'adressait.
"Allez chez les Sœurs Grises," disait-on, "elles ne refusent jamais rien."
Dès l'année 1738, alors qu'elle venait à peine de commencer son œuvre, elle se chargea de faire différents travaux pour les troupes: des habits pour les soldats, des drapeaux et même des tentes. Elle travaillait aussi pour les marchands du Nord-Ouest: elle confectionnait des habits pour les sauvages et leurs femmes, et différents objets de fantaisie que les traitants échangeaient pour des fourrures.
Et loin de se ménager elle-même, la fondatrice était toujours rendue la première à l'ouvrage et prenait pour elle les travaux les plus fatigants. Un jour, l'intendant arrive à l'Hôpital au moment où elle était à faire de la chandelle : la sœur portière se hâte de la prévenir et lui demande de changer de robe. "Et pourquoi ?" dit Mme d'Youville, avec une simplicité de grande dame; "je n'étais point prévenue de l'arrivée de M. l'intendant, il m'excusera et rien n'empêchera qu'il ne me parle."
Tout en employant son temps et son aiguille à augmenter ses ressources pour les pauvres, le cœur de Mme d'Youville ne s'éloignait pas de Dieu: elle restait unie à lui par la prière, et sa piété savait s'harmoniser avec un labeur qui convenait aux dispositions de son âme. Elle voulut travailler pour le Dieu des autels, faire le pain eucharistique, les cierges destinés à éclairer le Saint-Sacrifice et les cérémonies saintes. Elle était admirablement secondée dans tous ses travaux par ses compagnes, soutenues et animées par son exemple, et quand, en 1754, elle fit élever un mur tout autour de sa propriété pour la mettre à l'abri du regard des passants et parfois même de leurs malveillances, les sœurs aidèrent les maçons, montèrent elles-mêmes les seaux de mortier et portèrent dans leurs tabliers les pierres destinées à la construction.
La vertu, comme le vice, a sa contagion…
pp. 109-110-111
A suivre…
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
Mme D'YOUVILLE REÇOIT LES PRISONNIERS DE GUERRE. — ELLE FAIT FAIRE UN GRAND MUR POUR ENTOURER SA PROPRIÉTÉ. — ELLE ATTIRE CHEZ ELLE UN PLUS GRAND NOMBRE DE DAMES PENSIONNAIRES ET, PAR TOUTES SORTES DE TRAVAUX, ASSURE LA VIE ET LE BIEN-ÊTRE À SES PAUVRES.
(suite)
La vertu, comme le vice, a sa contagion ; le zèle de la fondatrice et de ses filles entraîna les personnes étrangères à les aider de leur bourse ou de leur travail. On venait de tous côtés offrir des journées de corvée aux sœurs ; on se faisait un honneur de travailler pour ces admirables servantes des pauvres et de diminuer par là leurs dépenses.
Mme d'Youville put ainsi faire entourer sa grande propriété d'un mur qui avait au delà de trois mille pieds (env. au-delà d’1 km.) ; elle jeta les fondements d'une chapelle, devenue nécessaire à cause du grand nombre de pauvres qu'elle logeait. Ces différentes constructions ne lui coûtèrent que 14000 livres, faible somme, si l'on considère les grandes réparations exécutées sous sa surveillance et les nouvelles bâtisses qu'elle ajouta à l'Hôpital.
Disons encore, avant de terminer l'énumération des différents travaux inventés ou entrepris par son industrie, que Mme d'Youville avait réussi à se faire, avant la cession du pays à l'Angleterre, un revenu de vingt à vingt-cinq mille livres. Mais que de travail et que d'économie dans cette maison, dirigée par cette femme énergique qui ne négligeait rien de ce qui pouvait améliorer la condition de ses pauvres et de ses orphelins! Elle savait tirer parti de tout: on l'a vue acheter du tabac pour le faire préparer et le revendre, faire extraire les pierres des carrières qu'elle possédait sur ses propriétés pour les exploiter, faire couper le bois de ses terres pour le vendre, et elle fit même construire un des premiers bateaux qui transportèrent les colons de l'île de Montréal à Longueuil.
Toutes ces entreprises de Mme d'Youville ont été réalisées par son grand amour de Dieu et des pauvres. A la suite des Vincent de Paul et des Legras, la fondatrice des Sœurs de la Charité de Ville-Marie a accompli des œuvres qui sont autant de merveilles, devant lesquelles bien des entreprises philanthropiques pâlissent et s'effacent. Par sa prudence et son inépuisable charité, elle avait su gagner la confiance et l'admiration générales, car elle personnifiait véritablement les sublimes vertus de cette religion au nom de laquelle elle accomplissait toutes ces belles choses.
pp. 111-112
A suivre : chapitre X . Mme D'YOUVILLE EXERCE SA CHARITE EN DEHORS DE SON HÔPITAL.— ELLE VISITE LES PAUVRES A DOMICILE.— ELLE ADOPTE LES ENFANTS TROUVÉS.
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
CHAPITRE X.
Mme D'YOUVILLE EXERCE SA CHARITE EN DEHORS DE SON HÔPITAL.— ELLE VISITE LES PAUVRES A DOMICILE.— ELLE ADOPTE LES ENFANTS TROUVÉS.
Mme d'Youville se dévouait au soulagement de toutes les misères et elle recevait sous son toit toutes les infortunes, surtout celles qui n'avaient pas d'asile ailleurs, comme les idiots, les épileptiques, les cancéreux et les lépreux. Mais, comme si ce champ n'eût pas encore été assez vaste pour son incomparable charité, qui prenait sa source dans cette parole du Sauveur si belle dans sa simplicité : " J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'avais besoin de logement et vous m'avez recueilli, j'étais nu et vous m'avez vêtu, j'étais en prison et vous m'avez visité," son dévouement aux malheureux et aux souffrants voulut aussi s'exercer en dehors de sa maison et visiter les malades à domicile, même ceux qui étaient atteints de maladies contagieuses.
En 1755, la petite vérole sévit avec violence parmi les colons et surtout parmi les sauvages. Mme d'Youville vola à leur chevet avec ses compagnes. Elle voulut même recevoir chez elle les femmes atteintes par le fléau, afin de pouvoir ainsi les soigner et les surveiller avec plus d'attention.
Ces entreprises si variées et qui se multipliaient de jour en jour auraient dû, semble-t-il, fournir une tâche suffisante à l'ardeur de Mme d'Youville. Cependant son cœur n'était pas encore satisfait et, comptant toujours sur le secours ordinaire de la Providence, secours qui ne lui avait jamais manqué, elle résolut, vers la même époque, d'inaugurer l'une de ses plus belles, sinon la plus belle de toutes ses œuvres: celle des enfants trouvés….
pp. 112-113-114
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(suite)
…l'une de ses plus belles, sinon la plus belle de toutes ses œuvres: celle des enfants trouvés.
Depuis longtemps déjà sa sollicitude, toujours en éveil, avait constaté combien ces petits malheureux qui, sans être nombreux, demandaient cependant que l'on s'occupât d'eux, étaient mal soignés et souvent maltraités. Elle savait même que, dans certains cas, quelques-uns de ces pauvres êtres abandonnés avaient été vendus aux sauvages, pour quelques peaux de fourrure ou quelque gibier, par les personnes sans entrailles à qui ils avaient été confiés. Elle était mère, et son cœur était affligé du sort de ces pauvres enfants; elle voulait à tout prix l'améliorer.
A l'heure même où elle sollicitait du roi la permission de conserver cet hôpital que l'hostilité de l'intendant Bigot avait réussi à lui faire enlever, elle offrait à la cour de se charger des enfants trouvés, ne demandant, pour accomplir cette tâche, qu'une légère subvention. "Si la cour," disait-elle, "approuve que nous restions ici et qu'elle soit dans la disposition de nous soutenir dans le bien que Dieu nous inspire de faire, nous prendrons soin des enfants trouvés. Ils ont ici tant de misère par le peu de soin que l'on en prend que, de vingt que l'on porte au baptême, il ne s'en élève que deux ou trois; encore les voit-on, à l'âge de dix-huit ans, sans savoir les premiers principes de leur religion. J'en connais de vingt-trois ans qui n'ont pas fait leur première communion." (1)
Le roi, comme seigneur haut justicier de l'île de Montréal, était chargé du soin de ces enfants, qu'il confiait à une sage-femme qui, à son tour, les plaçait en nourrice et plus tard en service jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Il y avait là une dépense qui justifiait la demande de Mme d'Youville d'un léger secours pour se charger de cette tâche.
Cependant, tout en accordant à Mme d'Youville de garder son hôpital, le roi avait résolu de ne faire aucuns nouveaux frais pour cet établissement, et cette partie de la demande de la Vénérable resta sans réponse. Mais Mme d'Youville ne pouvait se désintéresser de ces petits abandonnés; elle consulta M. Normant sur ce qu'elle devait faire pour eux. Celui-ci, dont le cœur était aussi tendre et charitable que celui de Mme d'Youville, lui conseilla d'en adopter au moins quelques-uns, ce qu'elle fit dès l'année 1754, c'est-à-dire un an à peine après avoir obtenu les lettres-patentes qui lui assuraient la possession de l'hôpital.
Quelques années après, la colonie passait sous une autre domination….
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(1) Archives de l'Hôpital Général.
pp. 114-115-116
A suivre…
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(suite)
Quelques années après, la colonie passait sous une autre domination. Le gouvernement anglais, bien que succédant aux obligations du roi de France, ne voulut pas se charger du soin de ces enfants, et on vit ces petits infortunés, abandonnés par des mères sans entrailles au coin des rues, sur les places publiques et jusque sur le fleuve glacé, dans les froids intenses de l'hiver, exposés à périr et même à être dévorés par les animaux.
Un jour, par un des grands froids de janvier, Mme d'Youville passait sur la glace d'une petite rivière dont les eaux coulaient près du mur de l'Hôpital Général. Tout à coup elle aperçoit un enfant gelé, qu'une mère inhumaine avait abandonné. L'innocente créature avait encore, enfoncé dans la poitrine, le poignard qui lui avait ôté la vie et "ses petites mains élevées sur la glace," dit M. Sattin, "semblaient demander grâce pour le crime de ses parents."
La bonté est ce qui ressemble le plus à Dieu, a dit Lacordaire. A la vue de cet enfant assassiné, le cœur de Mme d'Youville fut navré et, puisant dans sa tendresse maternelle et dans sa foi de chrétienne la force de vaincre toutes les difficultés qu'elle entrevoyait, elle prit sur l'heure la résolution d'élever tous les enfants trouvés. Cette même année, elle en adopta dix-sept, et l'année suivante, trente. Fidèle à sa résolution, elle n'en refusa jamais un seul, et, à sa mort, elle en avait reçu trois cent vingt-huit.
Plusieurs fois, dit M. Faillon, Dieu, qui voulait mettre la foi de Mme d'Youville à l'épreuve, l'obligea à demander de l'aide au gouvernement, qui refusa, Dieu le permettant ainsi pour qu'on ne pût attribuer à d'autre qu'à Lui le soutien de cette œuvre. Mme d'Youville le comprenait mieux que tout autre, et c'est pourquoi elle compta toujours sur les secours inépuisables de la Providence. (1)
Dieu a récompensé cette grande confiance de la fondatrice…
(1) Page 192.
pp. 116- 117
A suivre…
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(suite)
Dieu a récompensé cette grande confiance de la fondatrice en la faisant passer dans le cœur de ses filles. Elles n'ont, comme leur mère, jamais refusé aucun de ces enfants, malgré tous les embarras que cette œuvre devait leur créer. Et cependant elles n'ont reçu, durant une période de soixante ans, aucune rétribution du gouvernement. Après ce temps, on leur a accordé une allocation qui fut bientôt réduite, quoique le nombre des enfants trouvés augmentât chaque année.
Trente-un mille enfants trouvés ont été reçus à l'Hôpital Général depuis sa fondation. Ce nombre n'est-il pas plus que suffisant pour prouver qu'héritières du dévouement et de la charité de leur mère, les filles de Mme d'Youville ont continué son œuvre ? Pour s'en convaincre davantage, il suffirait de se faire conduire à la salle qu'elles appellent "crèche", où l'on reçoit ces pauvres petits malheureux. Des lits moelleux, du linge chaud et propre, des soins assidus, une nourriture délicate et soutenante, un air pur souvent renouvelé, enfin tout ce que le confort peut souhaiter, voilà les tendresses qui attendent ce petit abandonné, dans ce berceau que Mme d'Youville lui a préparé par les mains de ses filles.
Devant la porte extérieure de l'ancien Hôpital Général, au coin des rues Saint-Pierre et des Commissaires, le passant s'arrêtait ému devant ces paroles des livres saints, que la fondatrice avait voulu faire graver au seuil de sa maison: "Mon père et ma mère m'ont abandonné, mais le Seigneur m'a recueilli."
Le Seigneur, en effet, a recueilli ces pauvres rejetés de la famille et de la société, il les a pris dans ses bras et sur son cœur. Si jeunes, ils sont déjà dans les larmes et dans l'isolement, et voilà qu'ils ont trouvé un asile qui va les abriter et réchauffer leurs membres glacés, une nourriture abondante pour apaiser leur faim, des cœurs de mères, formés sous le souffle de Dieu, pour comprendre leurs souffrances et les soulager. Et plus tard, alors que leur jeune intelligence se réveillera et se développera, ils trouveront encore à leurs côtés les mêmes femmes, qui sèmeront dans leurs cœurs les sentiments qui font l'homme et qui préparent le chrétien. Elles leur diront tout ce qu'ils peuvent attendre et pour cette vie et pour l'éternité, s'ils restent fidèles au devoir.
Dieu avait réservé à Mme d'Youville la joie et la gloire d'enfanter toutes ces âmes à la grâce et d'en enrichir l'Eglise. Après leur avoir conservé l'existence, elle leur assurait l'éternité par la grâce du baptême. Trente-un mille âmes! Quelle moisson pour le ciel!
L'Hôpital Général, qui abritait tant de différentes misères, ne suffisait plus; il aurait fallu l'agrandir…
pp. 117-118-119
A suivre…
Dernière édition par Louis le Ven 14 Sep 2012, 10:17 am, édité 1 fois (Raison : orthographe)
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(suite)
L'Hôpital Général, qui abritait tant de différentes misères, ne suffisait plus; il aurait fallu l'agrandir. L'Hôpital Général, qui abritait tant de différentes misères, ne suffisait plus; il aurait fallu l'agrandir. Mme d'Youville, à cause de ce manque d'espace et à cause des maladies contagieuses si communes à l'enfance, fut obligée de placer en dehors de chez elle les enfants trouvés. Elle les confia à des femmes, la plupart demeurant à la campagne, qui les soignaient jusqu'à l'âge de dix-huit mois, moyennant une pension de trente piastres par année.
L'enfant revenait alors à la maison, où les religieuses le gardaient jusqu'à sa première communion, quelquefois jusqu'à l'âge de dix-huit ans; puis elles le plaçaient dans des familles respectables, qui pouvaient réclamer ses services.
Les Sœurs Grises ont continué cette pratique, commencée par la fondatrice; elles ont reçu tous les enfants trouvés, même après l'établissement de l'œuvre des Sœurs de la Miséricorde.
Cependant la population de Montréal augmentait dans des proportions extraordinaires, et le nombre des enfants abandonnés était de plus en plus considérable. Lorsque les Sœurs de la Miséricorde eurent franchi les premières difficultés d'une fondation, les Sœurs Grises se virent obligées de leur réclamer, pour aider à payer les nourrices et l'entretien de ces enfants, une légère contribution de cinq piastres par enfant. Enfin, il y a quelques années, ne pouvant plus suffire à recevoir les nombreux enfants qu'on leur apportait chaque jour, les Sœurs Grises décidèrent de n'accepter que ceux nés en dehors de l'hôpital de la Maternité. Les religieuses de la Miséricorde ont ainsi le soin et la charge entière des enfants nés dans leur hospice, et elles se trouvent, en conséquence, à cause du but spécial de leur fondation, partager aujourd'hui avec les Sœurs Grises la belle œuvre des enfants trouvés, due à l'initiative de la Vénérable Mère d'Youville.
pp. 119-120
A suivre : Chapitre XI.
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CHAPITRE XI.
CESSION DU CANADA A L'ANGLETERRE. — Mme D'YOUVILLE COMPLÈTE LES RESSOURCES DE SA MAISON EN ACHETANT LA SEIGNEURIE DE CHÂTEAUGUAY. — GRAND INCENDIE DE L’HÔPITAL GÉNÉRAL. — ELLE LE REBÂTIT. — ELLE FAIT DES TRAVAUX CONSIDÉRABLES A CHÂTEAUGUAY.
Nous arrivons à une époque bien mémorable et bien critique pour le Canada. On était en 1759, et le lieutenant général des armées du roi, M. de Montcalm, annonçait le désastre qu'il prévoyait par les lignes suivantes, adressées au ministre de la Guerre:
"A moins d'un bonheur inattendu, le Canada sera pris cette campagne, et sûrement la campagne prochaine. Les Canadiens se découragent. Nulle confiance en M. de Vaudreuil, qui n'est pas en état de faire un projet de guerre et n'a nulle activité. Nos principes de guerre, vu notre infériorité, devraient être de "remparer" notre défensive pour conserver au moins le corps de la colonie et en retarder la perte. Mais on veut garder tous les postes: comment abandonner des positions qui servent de prétexte à faire des fortunes particulières? Les dépenses pour le compte de Sa Majesté iront cette année à trente-six millions. J'ai parlé souvent avec respect sur ces dépenses à M. de Vaudreuil et à M. Bigot. Chacun en rejette la faute sur son collègue. Les Canadiens, qui n'ont pas part à ces profits illicites, haïssent le gouvernement," etc. (1)
Ces représentations de M. de Montcalm restèrent sans écho. La désunion se mit bientôt entre lui et M. de Vaudreuil. D'autres appels à la mère-patrie n'eurent pas plus d'effet : le pays était abandonné à ses propres ressources, car depuis plusieurs années on murmurait en France contre les dépenses faites pour le Canada…
Après la publication de la déclaration de guerre par l'Angleterre, le 17 mai, et celle de la France, le 16 juin, la mère-patrie se décida enfin à envoyer des vivres, de l'argent et des troupes au secours du Canada. Les troupes s'élevaient à douze mille hommes, sous le commandement général du marquis de Montcalm.
Ces secours cependant étaient insuffisants pour résister à l'Angleterre…
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(1)Archives du ministère de la Guerre, vol. 3540, Canada pièce 40. — M. Faillon, p. 153 et 154.
pp. 121-122-123
A suivre…
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(suite)
Ces secours cependant étaient insuffisants pour résister à l'Angleterre, qui donnait tout l'argent nécessaire pour continuer la guerre avec vigueur et qui avait alors sur pied une armée d'au moins 40000 hommes.
Dans la nuit du 12 au 13 septembre 1759, les Anglais débarquèrent dans l'anse du Foulon et, après avoir escaladé la falaise (1) et surpris un poste commandé par le capitaine de Vergor, s'établirent sur les plaines d'Abraham. A six heures du matin l'armée anglaise, forte de plus de 8000 hommes, sous le commandement du général Wolfe, était rangée en bataille.
Montcalm apprit à Beauport, où il était retranché, le débarquement des troupes anglaises sous les murs de Québec. Avec à peine 4500 hommes, dont la plupart étaient des miliciens canadiens, il se porta à la rencontre de l'armée anglaise….
Le combat se termina par la défaite des troupes françaises et la mort du général de Montcalm; l'armée anglaise y perdit également son commandant, le général Wolfe.
Un grand nombre de Québecquois se réfugièrent à Ville-Marie, après la capitulation, ce qui augmenta encore la disette. On payait jusqu'à six francs la douzaine d'œufs ou la livre de beurre, et jusqu'à quatre-vingts francs la livre de mouton. (1)
Au mois d'août 1760, trois armées ennemies marchèrent sur Ville-Marie pour soumettre cette ville, dernier boulevard de la colonie française au Canada.
Une de ces armées ayant débarqué, le 6 septembre, dans l'île de Montréal, la ville fut cernée le lendemain par les trois armées, fortes de trente-deux mille hommes. Ville-Marie, qui n'avait à opposer qu'à peine trois mille hommes, ne pouvait soutenir cette attaque; cependant l'ennemi ouvrit le feu de trois côtés à la fois.
On a vu que Mme d'Youville avait …
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(1) M, l'abbé Casgrain assure que, le 31 mai 1891, il a gravi la falaise au même endroit que les troupes anglaises, en moins de cinq minutes, avec ses jambes de soixante ans.
Montcalm et Lévis, vol. 2, p. 231.
(1) M. Faillon, p. 155 et 156.
pp. 123-124- 125
A suivre…
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(suite)
…Ville-Marie, qui n'avait à opposer qu'à peine trois mille hommes, ne pouvait soutenir cette attaque; cependant l'ennemi ouvrit le feu de trois côtés à la fois.
On a vu que Mme d'Youville avait fait entourer sa propriété d'un mur, et comme l'Hôpital Général était situé hors des remparts, le général anglais prit ce mur pour un retranchement et ordonna de le bombarder. A peine ce commandement était-il donné que l'on vit accourir un jeune officier venant supplier son chef d'épargner le couvent: "Vous ne savez pas," lui dit-il, "qui habite cette maison, général, ce sont des femmes au cœur sensible et généreux qui maintes fois ont sauvé la vie aux nôtres, qui les ont soignés, pansés et guéris, et celui qui vous implore et demande grâce pour elles en ce moment aurait été victime de la barbarie des sauvages, si la supérieure de cette maison ne lui avait pas sauvé la vie." (1)
L'ordre fut suspendu et six des officiers anglais furent envoyés jusqu'à l'Hôpital pour s'assurer de la véracité de ce récit. Apprenant l'arrivée de ces militaires chez elle et le but de leur visite, Mme d'Youville, avec sa politesse ordinaire, s'empressa de les recevoir, de leur faire visiter les salles des pauvres et surtout celle des prisonniers anglais. Elle leur fit servir des rafraîchissements et les officiers, ravis de cet accueil, emportèrent de la fondatrice et de sa communauté le plus respectueux et le plus agréable souvenir. C'est ainsi que les saints gagnent les âmes à Dieu et forcent même leurs ennemis à s'incliner devant les grandes choses que la religion leur inspire pour le bien de l'humanité.
L'Hôpital fut sauvé; mais la ville ne put résister et, le 8 septembre 1760, M. de Vaudreuil capitulait. La colonie était perdue pour la France et passait sous la domination anglaise.
(…)
Nous allons voir comment, au milieu de tous ses besoins et de toutes ses entreprises, les œuvres fondées par Mme d'Youville furent secourues et soutenues….
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(1) On croit que c'était le jeune Anglais qui s'était réfugié à l'Hôpital, poursuivi par un sauvage, et à qui Mme d'Youville avait sauvé la vie en le cachant sous une tente qu'elle était en train de faire. Ante, p. 107.
pp. 125-126 et 128.
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(suite)
Nous allons voir comment, au milieu de tous ses besoins et de toutes ses entreprises, les œuvres fondées par Mme d'Youville furent secourues et soutenues.
Les recettes de l'Hôpital provenaient, comme nous l'avons dit, du fruit de son travail et de celui de ses compagnes et des différentes ressources créées par son esprit d'ordre et d'économie.
Avant la cession du pays à l'Angleterre, Mme d'Youville comptait naturellement sur les sommes que lui assurait le gouvernement français pour les différents ouvrages qu'il lui commandait et pour la pension des prisonniers de guerre. Les frais encourus pour l'entretien de ces prisonniers étaient considérables, une année même la dépense s'éleva à la somme de dix-huit mille francs. Cependant on était loin de remplir les engagements dont on était convenu avec elle; la valeur des produits avait grandement augmenté à cause de la guerre et l'intendant Bigot, qui devait lui payer la ration de chaque soldat, en réduisit le prix à la valeur de la viande seulement. "Aussi," écrivait-elle, "l'Hôpital a perdu le pain, les pois, les menus vivres, les rafraîchissements et les frais de domestiques." (1)
"Bien plus," dit M. Faillon," depuis 1757 jusqu'en 1760 où la guerre fut terminée, M. Bigot la payant toujours en papiers qui ne devaient être convertis en numéraire qu'après bien des années et avec une perte énorme, pendant tout ce temps Mme d'Youville se vit obligée, afin de ne pas laisser périr les prisonniers, de faire des emprunts pour acheter à grand prix les vivres et autres choses indispensables à leur entretien et même de supporter longtemps l'intérêt de ces emprunts. Ils durent être considérables, puisqu'à la cessation de la guerre le gouvernement français lui devait plus de cent mille francs, dont la plus grande partie avait été employée à l'entretien de ces prisonniers." (2)
Menacé des horreurs de la famine, le Canada était forcé de mettre ses colons à la ration, et Bigot écrivait, le 22 mai 1759: …
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(1) Lettre à l'abbé de l'Isle-Dieu, 18 septembre 1765.
(2 ) Vie de Madame d'Youville, p. 144.
pp. 128-129-130
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(suite)
Menacé des horreurs de la famine, le Canada était forcé de mettre ses colons à la ration, et Bigot écrivait, le 22 mai 1759: "Le peuple de Québec est réduit à une demi-livre de pain par tête, et le riche à un quarteron." (1)¸
 Ville-Marie, le pain commençait à manquer aussi et Mme d'Youville se condamna, avec ses compagnes, à ne manger que du maïs au déjeuner; le pain vint même à leur manquer complètement.
Cet état d'épuisement et de détresse de la colonie à l'époque de la cession à l'Angleterre n'était pas, toutefois, à ce moment, le seul sujet des préoccupations de Mme d'Youville. La foi ardente de cette sainte femme lui faisait envisager avec terreur l'établissement d'un régime absolument antipathique à sa croyance. Aux horreurs de la guerre et de la famine et à la douleur causée par le changement de domination venait encore s'ajouter la crainte de voir disparaître la religion de sa chère patrie. "Priez Dieu," écrivait-elle à l'abbé de l'Isle-Dieu, "qu'il me donne la force de bien porter toutes les croix et d'en faire un saint usage. En voilà bien à la fois : perdre son roi, sa patrie, son bien, et, ce qui est pis encore, être dans la crainte de voir s'éteindre notre sainte religion." (2)
"Nous nous étions toujours flattés que la France "ne nous abandonnerait pas," écrivait-elle encore; mais nous nous sommes trompés dans notre attente. Dieu l'a permis ainsi, son saint nom soit béni !"
Nous avons souvent fait remarquer de quelle force de caractère était douée Mme d'Youville. Aussi, malgré les inquiétudes et les craintes que lui inspirait l'avenir, elle restait ferme dans l'accomplissement de sa tâche, quels que fussent les obstacles nouveaux qui se dressassent devant elle.
Toujours prévoyante pour le succès de son œuvre, elle comprit bien vite que le changement de régime politique allait produire temporairement une baisse considérable dans la valeur des propriétés et qu'il serait sage d'en profiter pour assurer des ressources à son Hôpital.
"Il va se vendre beaucoup de biens-fonds, et à grand marché, selon toutes les apparences," écrivait-elle à M. Montgolfier, qui se trouvait alors en Europe. "On nous en a déjà proposé; mais j'ai répondu que nous ne pouvions rien arrêter que vous ne soyez de retour." (1)
Beaucoup de colons, en effet…
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(1) M. Faillon, p. 150.
(2) Lettre du 18 septembre 1765.
(1) Lettre du 2 janvier 1764.
pp. 130-131
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Beaucoup de colons, en effet, après le traité de paix entre la France et l'Angleterre, se hâtaient de vendre leurs terres afin de retourner en France. Parmi ceux-ci se trouvait M. Joachim Robutel de Lanoue, propriétaire de la seigneurie de Châteauguay, qui avait cédé ses droits sur cette propriété à sa sœur, Mlle Anne de Lanoue.
La famille de Lanoue avait acquis cette seigneurie en 1706 de M. Lemoine de Longueuil, dont un des fils porta le nom de Châteauguay. En 1764, Mlle de Lanoue la vendit à Mme d'Youville pour la somme de treize mille cent vingt-deux francs et une rente viagère de neuf cents livres par année. Mme d'Youville, en sage administratrice, profitait de cette occasion pour faire l'emploi d'une somme assez considérable qui lui avait été apportée par la Mère Despins à son entrée dans la communauté, et elle assurait ainsi à son Institut un superbe domaine qui devait être une abondante source de revenus.
En effet, cette magnifique propriété, située à sept lieues seulement de Montréal, sur le lac Saint-Louis, mesurait deux lieues de longueur sur trois de profondeur et comprenait aussi les îles de la Paix, au nombre de huit, toutes les îles adjacentes et, de plus, la maison seigneuriale bâtie sur l'île Saint-Bernard, un moulin à vent, des écuries, des granges et autres dépendances.
Cette acquisition si avantageuse semblait assurer pour longtemps l'œuvre de Mme d'Youville, lorsque soudain Dieu la soumit à la plus poignante de toutes les épreuves de sa vie.
Nous avons vu que déjà en 1745 le feu, détruisant sa maison provisoire, avait menacé l'avenir de son Institut. En 1765, quelques mois après l'achat de la seigneurie de Châteauguay, un terrible incendie venait, pour la seconde fois, réduire en cendres son Hôpital et son mobilier.
Le feu avait, en deux heures, dévoré au delà de cent maisons et dévasté la ville. Il s'était d'abord déclaré loin de chez les Sœurs Grises; mais bientôt un vent violent, transportant des étincelles sur le toit en bois de l'église de l'Hôpital, y alluma l'incendie, et il fallut songer à sauver les vieillards et les infirmes. Plusieurs furent transportés dans l'ancienne brasserie des frères, et ceux qui ne purent s'y loger furent envoyés à l'Hôtel-Dieu, où ils furent reçus avec la plus grande charité par les Hospitalières, toujours prêtes à ouvrir leurs portes à celles de leurs communautés sœurs qui se trouvaient dans le besoin ou l'embarras. (1)
Mme d'Youville écrivait à M. Cousturier, quelque temps après ce désastre:..
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(1) Sans sortir de notre cadre, ne nous sera-t-il pas permis de constater ici que la tradition de cette parfaite hospitalité est restée vivace dans la famille religieuse de Marie de la Ferre? Après le terrible incendie qui détruisit le magnifique couvent des religieuses de la Congrégation, il y a à peine quelques années, les religieuses de l'Hôtel-Dieu et les filles de Mme d'Youville ne furent pas les dernières à offrir un asile et les témoignages de la plus vive sympathie à ces religieuses éprouvées. Les Hospitalières en logèrent même un certain nombre chez elles pendant plusieurs semaines.
pp. 131-132- 133
A suivre…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
CESSION DU CANADA A L'ANGLETERRE. — Mme D'YOUVILLE COMPLÈTE LES RESSOURCES DE SA MAISON EN ACHETANT LA SEIGNEURIE DE CHÂTEAUGUAY. — GRAND INCENDIE DE L’HÔPITAL GÉNÉRAL. — ELLE LE REBÂTIT. — ELLE FAIT DES TRAVAUX CONSIDÉRABLES A CHÂTEAUGUAY.
(suite)
Mme d'Youville écrivait à M. Cousturier, quelque temps après ce désastre: "Cet incendie nous réduit à une grande pauvreté. Dieu a ses desseins; je les adore et me soumet à sa volonté. C'est ce que nous avons tâché de faire de notre mieux." (2) En effet, ces épreuves successives, loin de la décourager, ne faisaient qu'accroître sa résignation à la volonté divine.
Après le premier incendie qui lui avait enlevé le peu qu'elle possédait, nous avons vu qu'elle en avait pris occasion pour se sanctifier davantage en se détachant plus parfaitement. Elle avait dit à ses sœurs : " Nous avions un peu trop nos aises, peut-être même un peu trop d'attache aux choses du monde ; désormais nous vivrons plus en commun et plus pauvrement." Et le surlendemain de l'incendie, le 2 février 1745, elles mettaient en commun tous leurs biens, par un acte devenu la base de leur société.
Après le second incendie, qui frappa si cruellement Mme d'Youville, elle rendit gloire à Dieu, en répétant l'acte sublime de soumission qui a servi depuis Job à toutes les âmes résignées : "Le Seigneur nous avait tout donné, le Seigneur nous a tout ôté; il n'est arrivé que ce qu'il a plu au Seigneur; que son nom soit béni !"
Mais ce n'était pas encore assez pour sa foi vive et magnanime, dit M. Faillon (1) : elle bénit Dieu de cet événement et, voulant faire passer dans le cœur de ses filles les sentiments dont le sien était rempli, elle leur dit, d'un ton ferme et assuré, en présence de ces bâtiments encore fumants: "Mes enfants, nous allons réciter le Te Deum à genoux, pour remercier Dieu de la croix qu'il vient de nous envoyer."
Cri héroïque, cri sublime, qui n'a pas besoin d'être commenté et qui reste tellement au-dessus de la nature qu'une des compagnes de Mme d'Youville, en l'entendant, ne put réprimer un mouvement d'impatiente surprise et de mécontentement, et répliqua : "Oui, je vais vous en dire, des Te Deum!" A peine ce murmure s'était-il échappé de ses lèvres qu'elle le regrettait, et tombant à genoux avec les autres, auprès de la fondatrice, il n'y eut plus de voix discordante dans l'acceptation du sacrifice.
Dieu récompensa sur-le-champ cet héroïque renoncement de Mme d'Youville…
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(2) Lettre du 19 septembre 1765.
(1) Page 210.
pp. 133-134-135
A suivre…
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(suite)
Dieu récompensa sur-le-champ cet héroïque renoncement de Mme d'Youville, et de ses lèvres, qui venaient à peine d'en formuler l'expression, jaillirent, sous l'inspiration divine, ces paroles : " Soyez tranquilles, mes enfants, la maison ne brûlera plus." Nous aurons occasion de faire remarquer plus tard comment jusqu'ici cette promesse s'est vérifiée.
Cependant Dieu voulut témoigner d'une manière sensible combien la grande confiance de la fondatrice dans sa divine bonté lui était agréable. Il fit pour elle ce qu'il avait déjà si souvent fait dans de pareilles circonstances, affirmant aux yeux de tous sa prédilection paternelle pour le nouvel Institut de charité. Après l'incendie, une barrique de vin presque vide fut retrouvée sous les décombres et transportée à l'Hôtel-Dieu pour servir à l'usage des sœurs. Quelle ne fut pas leur surprise de trouver ce vin, qui était d'une qualité inférieure, grandement amélioré, et chose plus surprenante et regardée depuis comme miraculeuse, ce peu de vin, qui aurait dû ne durer que quelques jours, suffit à leur consommation journalière pendant près de trois mois et jusqu'à leur retour dans la maison! La sœur dépensière, après avoir puisé pendant plusieurs semaines dans cette barrique aux trois quarts vide, vint avertir Mme d'Youville que le vin touchait à sa fin et lui demander si elle allait en acheter d'autre. Celle-ci répondit : "Tirez toujours, et ne vous lassez pas de tirer." La confiance de l'une et l'obéissance de l'autre furent bien récompensées.
Cependant cet incendie avait mis Mme d'Youville dans une position fort difficile.
D'un côté, il lui fallait réparer le désastre, voir au paiement de ses obligations antérieures, s'acquitter des nouvelles charges qu'elle avait assumées pour l'achat de Châteauguay et pourvoir en même temps à l'entretien de ses pauvres et de sa maison.
D'un autre côté, bien qu'elle eût réussi à se créer des ressources pour les besoins ordinaires de son Hôpital, elle était cependant, même avant l'incendie, obligée de chercher et de trouver sans cesse de nouveaux moyens d'augmenter ses recettes, afin d'acquitter ses obligations antérieures et de continuer ses entreprises nouvelles.
Et ce qui aggravait sa situation en un pareil moment, c'est que non seulement elle n'avait plus...
pp. 135-136
A suivre…
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
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(suite)
Et ce qui aggravait sa situation en un pareil moment, c'est que non seulement elle n'avait plus le fruit du travail qu'elle faisait autrefois pour le gouvernement français, mais elle était encore menacée de voir se tarir les sources de charité privée où elle avait eu l'habitude de puiser dans ses moments de plus grands embarras.
En effet, après la conquête, les familles les plus influentes et les plus riches de la colonie avaient repassé la mer, et Mme d'Youville se trouvait privée d'un secours qui jusque-là ne lui avait jamais manqué.
Elle crut alors devoir s'adresser au gouvernement français pour obtenir le paiement de la somme considérable qu'il lui devait. Mais ce fut en vain, sa demande resta sans réponse.
Tandis qu'elle voyait ainsi s'évanouir l'espoir d'être payée par l'ancienne mère-patrie, le secours lui vint d'ailleurs. Le grand incendie qui avait causé tant de ruines à Ville-Marie avait créé une profonde impression en Angleterre et fait naître des sympathies. Le gouvernement anglais voulait aussi venir en aide à ses nouveaux colons et, dans la distribution d'une souscription considérable faite à Londres, il se trouva heureusement que la part de Mme d'Youville s'élevait à dix-neuf mille francs. Elle écrivait à ce propos :
" Vous savez ce que le roi de France nous a fait perdre; ici, on ne fait rien; plus d'ouvrage comme autrefois ; nous avons essuyé un incendie qui nous a noyées dans les dettes et duquel nous ne nous serions jamais relevées sans les charités que nous avons reçues des quêtes faites à Londres et qui nous ont un peu allégées. La Providence est admirable; elle a des ressorts incompréhensibles pour le soulagement des membres de Jésus-Christ; elle pourvoit à tout; elle est ma confiance." (1)
Certes, il fallait la foi et la confiance de cette sainte femme pour ne pas perdre courage en un pareil moment !...
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(1) Lettre à M. Héry, 24 septembre 1770. M. Faillon, p. 226.
pp. 137-138
A suivre…
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(suite)
Certes, il fallait la foi et la confiance de cette sainte femme pour ne pas perdre courage en un pareil moment ! L'incendie l'avait ruinée et il lui fallait rebâtir son Hôpital au moment même où elle venait de faire l'acquisition d'une propriété qui demandait des travaux considérables, si elle voulait en retirer le revenu qu'elle en attendait. D'un côté, des charges écrasantes; de l'autre, des ressources diminuées et réduites.
Mme d'Youville ne devait pas faiblir devant cette nouvelle tâche. Elle se remit à l'œuvre sans hésiter et bientôt l'Hôpital se relevait de ses ruines. On pouvait, certes, dire d'elle ce que l'Evangile dit de la femme forte: "Elle ne s'est point découragée dans ses travaux, mais elle a ceint ses reins de force et affermi son bras." Elle écrivait, quelques semaines après l'incendie, à M. de l'Isle-Dieu: "Nous avons commencé et tâché de continuer à nous rétablir, espérant que la Providence nous soutiendra."
Grâce à la somme fournie par la souscription anglaise, les travaux de reconstruction de l'Hôpital Général, poussés avec ardeur par cette infatigable chrétienne, progressèrent si rapidement que, dès le mois de septembre 1765, elle pouvait loger une partie de ses pauvres et les dames pensionnaires; à Noël, les femmes pauvres, à leur tour, pouvaient y entrer, et deux ans après, le 30 du mois d'août, le reste de la bâtisse était terminé et l'église était bénite. La fondatrice avait dépensé plus de vingt-quatre mille francs pour les réparations et constructions commencées alors et plus de vingt-trois mille francs pour le linge, les lits et le mobilier. Ayant quitté à la fin de l'année 1765 l'Hôtel-Dieu, où on l'avait abritée avec cent quinze personnes de sa maison, et se voyant réunie à tous ses pauvres et à ses compagnes, Mme d'Youville écrivait, au mois d'août de l'année suivante:
"Après bien des peines et des soins, nous sommes rentrés, au mois de décembre, dans un coin de notre maison : la communauté, les pauvres hommes, les femmes, les enfants trouvés et toutes nos dames pensionnaires, ce dont est composé cet Hôpital. Nous avons été très bien aidées des Messieurs de Saint-Sulpice." (1)
Mais l'aide lui venait aussi quelquefois miraculeusement…
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(1) Lettre à M. Savary. M. Faillon, p. 224.
pp. 138-139
A suivre…
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